2. La
France : un contexte particulier
Ce n'est que depuis trois ans que les articles sur les
CHO fleurissent partout en France. Mais malgré les études, notre
pays reste en marge. La culture française y est pour beaucoup.
Marie-Pierre Feuvrier s'est intéressée aux
freins du développement du bonheur au travail. Dans son
article9, elle énumère ces facteurs
et appuie sa démonstration par des vérifications
expérimentales.
· La religion chrétienne dont
hérite la France associe plaisir pulsionnel et mal. Adam en
cédant à la tentation de l'arbre de la connaissance est punipour
toujours : « C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du
pain. »18, remplacé courammentpar
« tu travailleras à la sueur de ton front. » Travail rime
donc avec pénibilité. En effet, l'enseignement du
catéchisme se fait dès notre plus jeune âge dans les
écoles primaires privées. Jusque dans les années 90, le
nombre d'élèves inscrits en école privée
était supérieur au public. Les anciennes
générations ont donc été éduquées
ainsi.
· L'éducation scolaire joue donc
un rôle prédominant dans notre rapport au travail.
« L'école avait pour fonction principale et officielle de
préparer les jeunes à leur avenir et à l'obtention d'un
métier » (Snyders, 1986). Mais elle ne se préoccupait
pas de faire de nous des hommes réfléchis, conscients et à
l'écoute de nos émotions. Elle ne nous formait pas sur notre
introspection. Comment savoir comment être heureux si l'on ne nous a
jamais posé la question ? L'école en France ne nous
apprenait pas suffisamment que « l'erreur a un statut
positif ». L'apprentissage, le travail n'a pas de réelle
connotation positive.
« Quand on aura compris dans ce pays qu'on apprend en
se trompant, on reconstruira l'écoledifféremment »Jacques
Attali, Le Monde Éducation, 10 novembre 2010
· La formation professionnelle qui dans
sa continuité forme au savoir-faire et oublie savoir-être
(Ségal, 2006). Or aujourd'hui, les recruteurs dont je fais partie
cherchent plus des personnes dotées de qualités relationnelles
que de compétences professionnelles. Il est facile d'apprendre et de
transmettre une technique mais délicat et très complexe de
travailler sur des facteurs aussi interpersonnels que sont les
savoirs-être. C'est bien là que le bât blesse.
Sans oublier que la France conserve son titre de Championne du
Monde de pessimisme (Gallup, 2012). En temps de crise, les français ont
tendance à prescrire le rationnement et non le
développement : les budgets sont resserrés et les
investissements liés au projet « bonheur des
salariés » sont gelés.
18- Génèse 3, 19,
bible
De plus, notre culture professionnelle
française nous pousse à travailler plus. Dans certains
pays comme chez nos voisins anglais, plus le salarié reste tard au
travail et plus il est considéré comme désorganisé.
En France, nous faisons pour faire et non par besoin, mission ou envie. Il est
nécessaire de faire pour être « bien vu »,
« bon professionnel », pour mériter notre dû,
notre salaire, notre reconnaissance, notre confiance.
Les conséquences sur notre vie personnelle, notre
stress et le peu de temps que nous accordons à notre propre personne et
notre famille, sont nombreuses. Cela rend difficile l'épanouissement au
travail.
En sortie de guerre, les français ont eu peur de
manquer. Travailler, travailler toujours plus était donc la nouvelle
devise. Quitte à grappiller des heures sur notre vie
privée : nos enfants auront ce que nous n'avons pas pu avoir !
Il est donc difficilement concevable de changer les mentalités en France
du jour au lendemain.
« J'ai observé lecomportement des
générations et on s'aperçoit queles jeunes de
ladernière génération Z, voire
de la Y, s`ils n'ont pas des conditions de travail favorables
à leur épanouissement, ne sont pas motivés et ne
s'investissent pas. Avant, tu allais au travail parce que tu avais besoin d'un
salaire, que tu sois manutentionnaire ou responsable, tu en avais besoin d'un
travail pour nourrirta famille, c'était pécuniaire ; plus
aujourd'hui.
Depuis les années 2000, la retraite des baby-boomers
s'allonge et les jeunes poussent au portillon. Cette cohabitation
ancienne-nouvelle génération est à prendre en
considération dans la dynamique du bien-être au travail.
Les générations Y et Z sont plus à
l'écoute de leurs besoins : plaisir, transparence, écoute,
relations, etc. Elles sont très sensibles à l'équilibre
vie privée - vie professionnelle. La guerre des talents est
lancée pour pallier aux départs des anciens qui sont plus
nombreux que le nombre des jeunes arrivant sur le marché. Le CHO peut
être une réponse afin d'attirer les nouvelles
générations.
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