Paragraphe II : Le système de
sécurité collective
S'agissant du principe de souveraineté et de la
non-intervention dans les affaires intérieures des Etats, l'article
2§7 de la Charte pose qu'un tel principe « ne porte en rien
atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au
chapitre VII ».
A. Les compétences du Conseil de
Sécurité
La responsabilité principale du maintien de la paix
et de la sécurité internationale incombe au Conseil de
sécurité. A cette fin, ce dernier peut recourir aux dispositions
du Chapitre VI de la Charte, traitant du règlement pacifique des
différends et, le cas échéant, à celles du Chapitre
VII, traitant des actions à mener en cas de menace contre la paix, de
rupture de la paix et d'acte d'agression. En effet, afin d'écarter le
principe de la souveraineté des Etats et de pouvoir décider
d'actions coercitives, le CS agit de façon presque
systématiquement sur la base du Chapitre VII de la charte. Au terme de
l'article 42 de la charte, le CS a la faculté « d'entreprendre
au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il
juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de
la sécurité internationale ».
On remarque que la charte laisse une très grande
liberté au CS en ce qui concerne l'appréciation de
l'opportunité et la mise en oeuvre d'actions armées. Le CS
dispose donc d'un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne
l'appréciation de l'existence ou non d'une menace à la paix ou
à la sécurité internationale. Si, selon
l'appréciation du CS, il existe une menace à la paix et à
la sécurité internationale, l'Etat visé ne pourra plus
invoquer le principe de non intervention contenu dans l'article 2§7 de la
charte : « Rien dans la présente charte n'autorise les
Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence des Etats ... ».
L'ingérence sera alors justifiée par
l'article 42 chapitre VII même si elle concerne des affaires relevant du
domaine réservé des Etats membres. C'est ainsi que des troubles
internes ou guerre civile pourrait donner l'occasion au CS d'engager une action
armée militaire à condition de qualifier la situation de menace
contre la paix ou la sécurité internationale. Comme en
témoigne la présente intervention en Libye.
La liberté du CS en matière de
sécurité collective est donc presque sans limite. Ces pouvoirs
peuvent être considérés comme un droit d'ingérence.
De plus, il est claire que le domaine des droits de l'homme ne relève
plus de la compétence exclusive de l'Etat et que si le conseil le juge
opportun, il peut décider que la violation massive des droits de l'homme
constitue une menace à la paix et à la sécurité
internationale. De même, la possibilité pour certaine organisation
régionale ou interétatique d'exercer des mesures coercitives est
strictement soumise à l'autorisation du conseil de
sécurité (article 53 de la charte). Les articles 52 et 53 de la
Charte prévoient aussi la possibilité pour certaines
organisations régionales d'exercer des mesures coercitives. Cette
possibilité d'action des organisations régionales est soumise
à des conditions si strictes, qu'en réalité le droit
d'intervention reste celui du Conseil de Sécurité. L'article 53
de la Charte prévoit expressément, que l'utilisation des
organismes régionaux n'est d'application que si les mesures
armées ont été effectivement exercées par
l'organisation et selon les modalités prévues par ses statuts. A
défaut, on se trouve en présence non d'un mécanisme de
sécurité collective, mais d'une action armée
unilatérale masquée.
L'article 53 exige explicitement une autorisation du
Conseil pour intervenir militairement. Le Conseil ne permettra à une
organisation régionale d'intervenir s'il se pose une menace pour la paix
ou pour la sécurité internationales. En outre, l'article 54
oblige les organisations internationales de tenir pleinement au courant le
Conseil. A défaut, on sera en présence d'un recours à la
force armée par un groupe d'Etats. On appréhende alors que les
mécanismes de sécurité collective sont strictement
réglementés par la Charte des Nations Unies et instituent le seul
Conseil de sécurité en titulaire d'un droit d'ingérence.
Le droit d'ingérence, on pourrait dire, il existe seulement au profit
d'un organisme multilatéral et non au profit des Etats agissant
individuellement. La Charte en donnant le droit d'intervenir exclusivement au
Conseil, elle exclut les Etats d'une action individuelle. C'est ainsi que la
défense des valeurs universelles telles les droits fondamentaux de la
personne reste réservée à une organisation à
vocation universelle qui est l'Organisation des Nations Unies.
B. Le contenu du système
Le Chapitre VI définit une série de mesures
visant à favoriser le règlement pacifique de différends
pouvant constituer une menace à la paix et à la
sécurité internationales. Comme mesures relevant du chapitre VI,
nous pouvons citer les modes juridiques de portée obligatoire que sont
le règlement juridictionnel qui renvoie à la CIJ et l'arbitrage.
Nous avons également les modes politiques et diplomatiques de
portée non obligatoire que sont la médiation, les bons offices,
l'enquête et la conciliation. La caractéristique fondamentale de
ce chapitre, c'est qu'il n'autorise que des actions non coercitives, qui ne
s'imposent pas de façon obligatoire aux Etats. En vertu de ce chapitre,
le Conseil de sécurité émet des recommandations,
c'est-à-dire des actes qui tirent leur autorité de leur
acceptation par leurs destinataires, ainsi que « d'une
véritable force de persuasion politique, voire morale ».
Le Chapitre VII est quant à lui le
chapitre de la décision, de l'acte obligatoire et de l'action
coercitive. Il est, de par son titre et la portée qu'ont voulu lui
conférer les rédacteurs de la Charte, le chapitre de l'action de
sécurité collective et de légitimation des interventions
multinationales relevant d'une logique coercitive. Dans le cadre du Chapitre
VII, le Conseil de sécurité peut décider, avec l'accord
des cinq membres permanents (et après avoir constaté la menace
à la paix et à la sécurité internationales), des
actions à mener afin de maintenir ou rétablir la paix. Mais le
Conseil ne peut, conformément au principe de souveraineté et de
non-ingérence, traiter des questions qui relèvent des affaires
intérieures d'un Etat et qui ne constituent pas une menace à la
paix et à la sécurité internationales.
La charte des Nations Unies offre une solution
adéquate à des violations graves des droits de la personne
réalisées à l'intérieur d'un Etat en permettant au
Conseil de sécurité d'intervenir et d'y mettre fin. Cependant, on
a souvent mis en cause la passivité du Conseil de sécurité
face à certaines situations. Par ailleurs, les critères
politiques sont loin d'avoir totalement disparu, puisque certains Etats comme
Israël, continue à occuper des territoires en contradiction totale
avec la Charte et à violer les droits de la personne. Quoi qu'il en
soit, on peut affirmer que la fin de bipolarisation introduit une tendance
générale à une plus grande capacité de
réaction du Conseil de sécurité. A cet égard, on
peut invoquer une déclaration formulée le 16 juillet 1991 par le
G7 par laquelle les Sept s'engagent à rendre les Nations Unies plus
fortes et plus efficaces en vue de protéger les droits de l'homme, de
sauvegarder la paix et la sécurité pour tous et de dissuader
l'agression. En fait, les Etats peuvent éventuellement agir
unilatéralement à condition qu'ils se prévalent de
l'autorisation donnée par la Conseil de sécurité. En
effet, l'article 43 de la Charte, qui prévoit que les Etats membres
s'engagent à mettre à la disposition du Conseil des forces
armées, n'a jamais été appliqué. Aucune
réelle Force des Nations Unies n'a pu être mise sur pied pour
mener des actions militaires. Jusqu'à maintenant, chaque fois que le
Conseil décide d'intervenir militairement, il procède à
une sorte de délégation de l'exercice de son droit, en autorisant
ses membres d'agir en son nom. C'est ainsi, que le Conseil de
sécurité par sa résolution 1973 de Mars 2011 autorisait
les Etats membres « à user de tous les moyens
nécessaires pour faire respecter la zone d'exclusion
aérienne ». En l'espèce, le Conseil de
sécurité a décidé d'utiliser la force et a recouru
à la technique de la délégation de l'exercice de son
droit.
Sur le plan régional, l'acte constitutif de l'UA, en
son article 4 dénommé « principes » au
point H affirme l'existence d'un droit pour l'organisation d'intervenir dans
un Etat membre, sur décision de la conférence des chefs d'Etats,
dans certaines circonstances graves à savoir : les crimes de
guerres, les génocides et les crimes contres l'humanité.
Parmi les opérations menées au nom de
l'humanitaire, on peut citer entre autres : l'opération Restore
Hope en Somalie (résolution 794) en 1992, l'opération Turkoise de
1994 au Rwanda (résolution 929)...
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