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De l'image de la France dans les trois dernières fictions romanesques de Mongo Beti

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par Jean Baptiste NTUENDEM
Université de Dschang - Master II 2013
  

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II-1-4- La Main -mise française sur les forêts africaines

L'exploitation forestière est une exclusivité française. L'ancienne métropole emploie une stratégie qui consiste à en stocker en prévision, sur plusieurs décennies :

Tu as orchestré une campagne à propos de l'exploitation forestière, et quand tu touches au bois ici, forcément, tu énerves les Français ; c'est la thèse de PTC. Il en connaît un bout sur la question, pas le même que toi, l'autre bout. A l'en croire, les Français sont en train de stocker les bois tropicaux pris chez nous en prévision d'une pénurie de bois de menuiserie et de décoration qui va concerner les années 2020 ou 2030. (Mongo Beti 1999 :54)

La question de l'exploitation abusive et frauduleuse des grumes est au centre des fictions post retour d'exil de Mongo Beti. A en croire Georges, l'or vert est au centre des manoeuvres politiques de la France qui redoute un éventuel changement politique :

- je ne crois pas, dit le corse, il n' y a pas de fumée sans feu. Savez-vous pourquoi vous ne m'avez pas eu d'élections libres, ni même d'élection du tout ? Pressions des forestiers, qui redoutent un changement, la pire éventualité à leurs yeux. C'est toujours l'enjeu. Elections, oui, à condition qu'elles soient gagnées d'avance par leur homme, avec l'approbation de Paris. (Mongo Beti 2000 : 136)

Les forestiers, quant à eux, plaident pour leur thèse, une thèse selon laquelle l'arrêt de leur activité léserait l'Etat africain qui ne vit en grande partie que de ses taxes : « Les forestiers se succédèrent à la tribune pour développer unanimement la thèse improbable selon laquelle l'interdiction d'exporter les grumes allait surtout léser l'Etat africain, dont le budget était alimenté pour une aprt considérable par les taxes frappant cette activité. » (Mongo Beti : 138-139) Toutefois, le directeur de l'ANDECONINI dénonce une grosse mafia française qui s'appuie sur des complices locaux :

- Pas grand-chose répondit le directeur de l'ANDECONINI, sinon que ces gens- là, forts de la complicité des dirigeants africains très intéressés et d'autres appuis que je n'ose pas expliciter, se dérobent à toutes les velléités de contrôle et se livrent à des activités frauduleuses. J'ai entendu parler de pratiques à peine croyables, comme de grumes acheminées jusqu'à l'océan pour flottage à l'abri de tout regard le long de rivières des villages riverains à travers la forêt équatoriale. (Mongo Beti : 135)

Pour Georges, l'exploitation abusive des grumes au quotidien est tout simplement un véritable crime écologiste, voire un crime contre l'humanité : « les grumes sont toujours acheminées par milliers chaque jour vers le grand port. Vous pouvez le voir, vous qui êtes sur place. C'est un véritable crime écologiste, assimilable même, à mon avis, à un crime contre l'humanité. » (Mongo Beti : 136) Mongo Beti, comme nous l'avons vu plus loin, montre que l'Afrique noire francophone n'a pas de souveraineté monétaire, car le franc CFA est un instrument de domination, un goulot d'étranglement pour le développement des économies africaines. Il montre également que cette Afrique-là est victime des monopoles tant sur l'or noir que sur l'or vert. En outre, nous avons pu déceler chez cet écrivain dit rebelle, la dénonciation d'une France qui contraint ses anciennes colonies à l'endettement auprès du Fonds Monétaire International et auprès de la Banque Mondiale.

II-2- Le FMI et la Banque Mondiale : Institutions financières de domination impérialiste

Les rôles de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International sont très ambigus dans notre corpus. En effet, comme il a été démontré plus haut, le franc CFA est considéré par Mongo Beti comme une monnaie « foutue». Il s'agit d'une monnaie :

Crée initialement en 1939, juste avant la deuxième guerre mondiale, de fait le franc CFA est officiellement née le 26 Décembre 1945, jour où la France ratifie les accords de Bretton Woods et procède à sa première déclaration de parité au Fonds Monétaire Internationale (FMI). Il signifie alors «  franc des colonies françaises d'Afrique ». Il est alors émis par la caisse centrale de la France.2(*)

Le narrateur de Mongo Beti montre que le dictateur maladroit et impotent a fragilisé l'économie de la république bananière qu'il dirige .Après ces dérives, il fait régulièrement appel au secours du Fonds Monétaire international et de la Banque Mondiale pour sortir de l'impasse financière qu'il a crée. Toutefois, ces prêts ne sont pas destinés à solder la dette intérieure, mais ils sont destinés à rembourser la dette extérieure uniquement :

L'atmosphère s'alourdit brusquement, les sarcasmes contre les militaires se transformèrent en grimaces lorsqu'il fut annoncé que le chef de l'Etat avait fait appel au Fonds Monétaire International et à la Banque Mondiale pour l'aider à se dépatouiller d'une impasse des finances nationales qui s'apparentait à la banqueroute. Le plus urgent, apparemment, était de rembourser la dette extérieure, dont le montant exact n'avait d'ailleurs jamais été publié. (Mongo Beti 1994 : 177)

Plus loin, nous voyons ces institutions faire pression sur lui afin qu'il améliore son système de gouvernance :

Cela ne s'était jamais vu depuis l'indépendance. Le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale firent parallèlement pression sur le chef de l'Etat pour qu'il mette fin à la corruption, au gaspillage et à l'évasion frauduleuse des capitaux. On lui suggérait avec insistance d'accepter l'entrée dans le gouvernement d'hommes intègres et compétents, au lieu des membres de sa famille. (Mongo Beti : 178)

Quelques pages plus loin, le narrateur revient sur les conditions déplorables des salariés misérables, et le refus de ces deux institutions de traiter avec le gouvernement du dictateur :

Les salaires des fonctionnaires n'avaient pas été versés depuis trois mois. Il se chuchotait d'ailleurs que le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale avaient renoncé à traiter avec le gouvernement du dictateur, faute des réaménagements politiques suggérés longtemps par eux avec insistance mais en vain. (Mongo Beti : 193)

Les visées de ces institutions ne sont pas humanitaires, mais impérialistes, car au lieu de mettre l'accent sur le social et dans les secteurs importants que sont l'éducation et la santé, elles mettent davantage l'accent et la priorité sur le remboursement de la dette. Ces mécanismes capitalistes et impérialistes sont décriés par les exilés qui sont de retour : « Se scandalisaient-ils des financements dérisoires de l'éducation et de la santé ? Priorité au remboursement de la dette, leur rétorquent la banque Mondiale et le Fonds Monétaire International. » (Mongo Beti : 75) Malgré les pressions faites sur le dictateur mais sans succès, ces institutions gardent de bonnes relations avec ce dernier : « Nos relations avec le Fond Monétaire International et la Ban que Mondial ne sont-elles pas au beau fixe aujourd'hui ? De quoi avez-vous donc peur, toutefois en peau de lapin ? « (Mongo Beti : 194) Cette complicité avec la dictature est bien confirmée et mise en exergue par le narrateur qui ironise en ces termes :

Ou alors un envoyé Yankee du FMI en compagnie du Président de notre république bananière, costumés trois pièces l'un et l'autre pas 35°C à l'ombre comme des clowns débiles, cravatés jusqu'au bord supérieur de la lèvre inférieure, trimbalés dans une Mercedes aux vitres teintées, ça se voit beaucoup ici aussi, et c'est pas triste non plus, ces deux-là peuvent marcher ensemble et même bras dessus bras dessous, personne ne s'en offusquera. (Mongo Beti 2000 : 29)

Tout ce qui précède permet au FMI et à la Banque Mondiale d'imposer des plans d'ajustement structurels à ces pays francophones d'Afrique noire, consistant en grande partie de programmes de privatisation qui résultent en une détérioration de la santé et de l'éducation en même temps qu'à la paupérisation des populations. Au final, ces institutions financières qui sont de mèche avec l'ancienne métropole sont de véritables agences, gestionnaires de l'impérialisme du capitalisme hégémonique.

* 2 http://fr.wikipedia.org/w/index.php?tille=franccfafold did= 78 13 65 19.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo