INTRODUCTION GENERALE.
Il y a plus de 370millions de personnes autochtones en
Afrique, dans les Amériques, en Asie, en Europe et dans le Pacifique.
Ces peuples comptent parmi les personnes les plus démunies,
marginalisées et maltraitées de l'humanité.
(Déclaration des Nations Unies sur les Peuples Autochtones du 13
septembre 2007).
Les pygmées sont en effet les premiers occupants de la
République Démocratique du Congo. La situation est la même
pour tous les pygmées, qu'ils soient Batwa, Baka, Mbuti, Aka, Bangi,
Efe ; elle s'apparente étrangement à celle des autres
groupes comme les Masai, les Ogiek, les Amburu, les Barabaig ou les sans de
l'Afrique orientale et australe auxquels nous pouvons ajouter les Hottentots et
les Bushmen du désert de Kalahari, comme les
Wadaable, les Koncomba, les Fulbe, les Bongo, les Bangyeli, les Mbendjele
d'Afrique Equatoriale ou encore dans une certaine mesure les Touaregs en
Afrique occidentale.
Les pygmées constituent à la fois une classe
minoritaire et marginalisée en R.D.C.
Au Kivu, les pygmées sont identifiés sous
plusieurs dénominations, bien qu'ils aient en commun l'appellation des
Batwa.Leur appellation diffère selon le milieu géographique de
vie : Barwa au Bushi, Bayanda, Baburuku dans le territoire de Kalehe,
Batswa à Idjwi ; Bambote, Balanga, Bashaasumba, Bakyenga dans le
massif d'Itombwe ; Batwa, Bambuti dans le Masisi, le Rutshuru, le
Nyiragongo et le grand Nord : Beni - Lubero ; Batwa, Bambote,
Tunguti dans le Maniema ; Bashimwena à Fizi ; Babuluko,
Banamatumo, Bakeka dans le territoire de Walikale.
Les Batwa et leurs voisins Bantous partagent en commun les
dialectes et langues de communication suivant l'aire géographique
donnée.
Les estimations du nombre des Batwa varient entre 30000 et
60000 âmes au Kivu (PIDP 2007, SHALUKOMA 1996). En RDC, le nombre peut
aller jusqu'à 250000 individus (Lewis 2000, Jackson 2004), la LINAPYCO
suggère 450 à 600000 personnes et qui sont reparties dans 47 des
145 territoires du pays. (CIFOR 2007).
Comparativement aux Mbuti de l'Ituri et les Twa de l'Equateur,
les Batwa du Kivu sont devenus sédentaires. En plus des activités
de chasse et de cueillette, ils pratiquent désormais l'agriculture et
d'autres sont utilisés comme des métayers par les Bantous avec
comme contrepartie un peu de nourriture. Pour ceux qui le peuvent, certains
pygmées payent l'équivalent d'une poule pendant la saison
culturale pour avoir accès à un lopin de terre dont la
superficievarie entre 30 et 50 ares.
L'organisation socio-politique, économique et
culturelle de Batwa a été paralysée par le
phénomène migratoire qui remonte du XVe siècle au Kivu
(Ministère de la colonie 1957). Cette idée fut renforcée
par Mutuza Kabe(1987) « qu'un groupe humain perdait son pouvoir
créateur, stagnait et régressait quand il entrait en contact avec
un autre groupe plus puissant que lui, lequel le dominait et lui imposait sa
vision du monde ». C'est ainsi qu'au Kivu, les agriculteurs et les
éleveurs vont traiter leurs hôtes (chasseurs cueilleurs) de sujets
plutôt que de partenaires. Raison pour laquelle Mobutu, alors
président du Zaïre, dénonçait ces faits dans ses
déclarations devant la nation. A titre de rappel ; à Bukavu/
Kadutu en date du 15 décembre 1971, il déclara
que : «Les pygmées étaient des Zaïrois
à part entière et interdit la coutume d'avoir des pygmées
à soi ». Cette même idée fut
répétée et explicitée à Buta et à
Isiro où il disait dans son meeting du 4 novembre 1973 :
« Nous prêchons le respect et l'amour du prochain, nous avons
mis fin aux rapports de boy à monsieur, nous avons fait des
pygmées de Zaïrois à part entière et avons mis fin
à la féodalité du Kivu ». (Bakua- Lufu
B ,1979).
Les Batwa ne connaissaient pas les limites territoriales.
Partout où ils se trouvaient, ils étaient chez- eux. (Munzihirwa
1996). Ils avaient une indépendance spirituelle. Parfois, ils
n'obéissaient pas aux normes édictées par le mwami, qui
recevait d'ailleurs son pouvoir des Batwa. Les nouveaux venus, pour sauvegarder
la légitimité de leur pouvoir, ont développé les
mécanismes de rejet et de préjugé sur les Batwa qu'ils
qualifièrent d'infrahumains, des hommes sans culture ni loi.
Nous pouvons résumer à trois les
problèmes qui accablent les Batwa du Kivu ces jours :
· L'accès difficile aux ressources en
générale (champs, forêt, marché, emplois,...)
· L'accès difficile aux services sociaux de
base : enseignements primaires, secondaires et universitaires ; soins
de santé primaires, habitat, moyen de communication, etc.,
· Et la discrimination raciale dans certains coins de la
région.
0.1.
PROBLEMATIQUE
La coutume du territoire de Walikale reconnait aux Batwa
Babuluko le pouvoir d'introniser les chefs coutumiers et le rôle
d'installer la circoncision indigène. Les Batwa Babuluko sont absents
dans la gouvernance politique de la chose publique. La chefferie étant
héréditaire, tout le pouvoir coutumier et politique semble
êtrerépartientre les tribus majoritaires du milieu.La coutume
semble avoir tranché en défaveur des Batwa Babuluko.
Les Batwa Babuluko sont,à l'instar des autres
pygmées, les premiers occupants du territoire de Walikale.Ilssont
entrés en contact avec d'autres tribus à travers diverses
circonstances. Les uns par la chasse, les autres par la guerre de
conquête et enfin les autres par alliance clanique.
La vie des Batwa dans les temps immémoriaux
était caractérisée par le nomadisme. La stabilité
dans un milieu dépendait de la disponibilité des produits de
chasse dans cette zone. Aussitôt terminé, ils étaient
obligés de déménager le site pour un autre, car ils
n'avaient pas la notion de limites territoriales. Partout où ils se
trouvaient, ilsétaient chez eux. Ce pour quoi, les chefs coutumiers
reconnaissent ce pouvoir aux Batwa quand ils ne leurs demandent pas les droits
coutumiers pendant l'acquisition d'un terrain à cultiver. En plus, les
Batwa Babuluko n'offrent pas des présents chez les chefs
coutumiers ; car ils sont conscients d'être les véritables
chefs coutumiers quand bien même ce pouvoir leur fut estropié par
les nouveaux venus.
Les grandes tribus ayant occupé le territoire de
Walikale sont le Rega venus du Soudan selon le ministère de la
colonie(1957), mais avant d'occuper Walikale ; ils sont venus du
territoire de Shabunda, de Pangi et de Punia. Le Kumu sont venus de Lubutu dans
le Maniema, les Nyanga sont aussi originaires de Torro en Uganda. Ils avaient
occupé Walikale en passant par Rutshuru à l'Est du territoire en
question. Les Havu devenus Bakano et les Tembo du territoire de Kalehe ont
occupé le Sud Est du territoire. Tous ont été en contact
avec différentes souches des Batwa Babuluko dans les milieux conquis et
les dominèrent par la suite.
Les nouveaux venus à leur tour, avaient la notion de
terroir et de l'organisation politique. Ils proposèrent aux Batwa la
répartition de pouvoir. Il semble que les Batwa avaient
décliné l'offre à volonté et gardèrent le
pouvoir de gardien de la coutume qui supposait : l'intronisation des chefs
coutumiers, l'installation de la circoncision indigène, le culte aux
ancêtres etc. Tout simplement,parce que le pouvoir tel que vécu
aujourd'hui n'était pas dans la tradition Batwa. Chaque famille Twa
était indépendante de l'autre. Il n'y avait pas de
promiscuité. Chaque famille avait une zone de chasse et ceci ne pouvait
pas poser des problèmes parce que la nature était presque
inhabitée.
Toutes les tribus à la rencontre des Batwa Babuluko
dans le territoire de Waikale sont dotées d'un pouvoir coutumier,leur
permettant de gérer soit une localité ou soit un groupement. Ce
pouvoir leur donne l'opportunité de contrôler à la fois les
richesses et le pouvoir du milieu au détriment des premiers occupants
que les Batwa Babuluko. Parmi lesquels on compte un taux élevé
d'analphabète et des personnes vivant en dessous de minimum vital. Les
Batwa Babuluko n'ont plus d'accès facile à la forêt
(à la terre). Il ne leurs reste que les forêts auxquelles ils
pratiquaient le culte aux ancêtres. Tous les restes des forêts
reviennent aux chefs coutumiers du ressort. Et les peu qui restaient aux Batwa
Babuluko sont menacées d'expropriation par les mêmes chefs
coutumiers.Par rapport au conflitfoncier qui opposait les Batwa Babuluko du
village Kambushi avec le chef de localité de Bananigni à
l'époque, Monsieur Muhombo Mangaika, ce cas est plus éloquent en
la matière. Les Batwa Babuluko du village cité avaient
gagné ce chef de localité devant le tribunal de territoire de
Walikale et devant le tribunal de grande instance de Goma. Ce dernier,
traitait les Batwa Babuluko de peuple nomade ne devant pas disposer d'un droit
aux champs propres ni à la forêt.
Eu égard à ce contexte, nous tenterons, dans ce
travail de répondre à la double question suivante :
- l'intégration des batwa babuluko est-elle le moyen
approprié pour lutter contre la pauvreté, la discrimination et la
marginalisation ?
- Cette intégration est-elle voulue par les Batwa ou
une imposition ?
0.2. HYPOTHESES DU
SUJET.
L'intégration est le fait pour un individu ou un groupe
d'individu de faire partie à part entière d'une
collectivité. Une intégration effective est le résultat
d'une politique d'intégration. Pour le cas des Batwa Babuluko de
Walikale, ce n'est pas le cas. Ils se retrouveraient devant un fait
accompli.
Aujourd'hui la démographie devient de plus en plus
galopante, les ressources disponibles se raréfient d'avantage, le
pouvoir permettant de contrôler ces ressources semble être
centralisé entre les mains d'une minorité d'individu au
détriment d'autres habitants du pays. Au nom de la chose publique, les
droits des Batwa et d'autres citoyens sont entrés d'être
violés. L'exemple le plus éloquent est l'ordonnance
présidentielle n°75/238 du 22 juillet 1975, modifiant les limites
du parc national de Kahuzi Biega de 60 000 à 600 000 ha.
S'étendant ainsi sur les territoires de Kabare, Walungu, Kalehe et
Shabunda au Sud Kivu, Walikale au Nord Kivu et Punia au Maniema. Les Batwa et
d'autres populations locales ont été
dépossédés de leurs ressources vitales sans consultation
ni indemnisation.
L'intégration des Batwa Babuluko exigerait, il
faudrait aussi envisager une réforme agraire en vue de mettre la terre
à la disposition de ceux-là qui en ont besoin, et parvenir
à dissiper la dichotomie qui existe entre le droit foncier coutumier et
la législation foncière en vigueur en RDC.
0.3. CHOIX ET INTERET DU
SUJET.
Notre intérêt a porté sur ce sujet
à travers plusieurs motivations :
D'abord, du fait qu'il y avait un nombre important des peuples
autochtones assimilés à d'autres communautés, chose que
nous encourageons, mais qui ne voulaient plus reconnaitre leurs
identités propres. Ce travail est parmi les outils de sensibilisation
à un éveil de conscience.
En plus, ce travailviserait àenvisager l'approche
intégrative comme moyen de lutter contre la stigmatisation et
l'exclusion dont sont victimes les Batwa Babuluko dans la gestion de la chose
publique, en plus du monde associatif où leur présence est
visible.
Aujourd'hui, le plaidoyer des peuples autochtones est au
niveau des instances de Nations Unies. Avec l'adoption de la déclaration
des Nations Unies sur les Peuples Autochtones du 13 septembre 2007 par
l'assemblée générale de cette institution; les Batwa ont
tout intérêt à pouvoir s'approprier cet instrument en vue
de recouvrer et de sauvegarder leurs droits. Ce pourquoi, il fallait une
étude du genre afin de clarifier une certaine zone d'ombre sur
l'identité des peuples autochtones pour qui le message est
adressé.
Ce travail peut être classé parmi les supports
de référence dans la transformation pacifique des conflits
liés à la coutume, en mettant en lumière les valeurs et
us qui ont prévalus à la sauvegarde de celle-ci et à la
durabilité des ressources naturelles.
0.4 DELIMITATION
SPATIO-TEMPORELLE DU SUJET.
Dans l'espace, l'étude s'étend sur l'ancienne
région du Kivu. Comprenant actuellement les provinces du :
Maniema, du Nord Kivu et du Sud Kivu à l'Est de la République
Démocratique du Congo. Nos investigations de terrain ont
été réalisées dans le territoire de Walikale en
province du Nord Kivu.
Dans le temps ; ce sujet de recherche vise à
analyser la situation des Batwa Babuluko de 1900 à 2013. Nos recherches
de terrain ont été effectuées pendant la période
allant de 2007 à 2013. Période qui correspond successivement
à notre professionnalisation ; d'abord au Programme
d'Intégration et de Développement du peuple Pygmée au Kivu
(PIDP /KIVU) d'Avril 2008 à Avril 2010. En suite au Bureau d'Etudes
Scientifiques et Techniques (BEST KIVU) de juin 2010 à juin 2013.
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