CONCLUSION GENERALE
Nous voici au terme de notre réflexion, qu'il nous soit
permis de revenir sur les idées maîtresses de notre étude
qui a porté sur « la protection juridique des
forêts au Burundi : Cas du Parc National de la Kibira
».
Cette étude aura permis de réaffirmer que les
ressources forestières du Burundi, en particulier celle du Parc National
de la Kibira, contiennent la plus grande partie de la biodiversité
sauvage du pays. Le PNK regorge également de beaucoup de
potentialités écotouristiques distinguées.
Malheureusement, suite à la pression anthropique et
à l'exploitation anarchique qui pèsent sur sa
biodiversité, cette forêt naturelle risque de disparaître si
rien n'est fait dans un proche avenir, une situation, exacerbée par la
crise socio-politique de 1993. Leur épuisement est devenu l'une des
questions les plus préoccupantes pour l'avenir du pays, mais aussi de
l'humanité toute entière. En effet, la dégradation de
cette ressource forestière est le résultat des besoins croissants
des populations riveraines du PNK, en bois de feu, de service et d'oeuvre. La
dégradation forestière est également influencée par
le fait que les pouvoirs publics se sont préoccupés de la gestion
rationnelle de ces ressources très tardivement vers les années
1980, période au cours de laquelle le PNK a reçu son statut
légal.
Toutefois, les différents textes de loi et conventions
internationales analysés prévoient des dispositions permettant
d'infléchir les pratiques anthropiques qui pèsent sur la
biodiversité du PNK en consacrant des aspects de conservation et de
gestion.
Quant à ces textes de loi et conventions
internationales en rapport avec la conservation de la biodiversité du
PNK, bien qu'ils existent, l'analyse a constaté qu'ils accusent de
nombreuses lacunes et insuffisances qui handicapent leur application et
partant, mettent à mal ses ressources naturelles. A cet effet, il a
été souligné une nécessité de les
améliorer ou de les compléter afin de renforcer leur
efficacité afin contrer les menaces qui pèsent sur cet
écosystème. Par ailleurs, dans le prolongement du cadre
légal il a été soulevé l'existence des aspects qui
ne font pas encore l'objet d'aucun encadrement juridique. Il s'agit du cas de
manipulations génétiques, de la réglementation des
expérimentations, etc.
En outre, cette législation repose sur un cadre
politique comportant beaucoup de documents qui militent en faveur d'une bonne
conservation et gestion de la biodiversité du PNK.
En effet, sur le plan politique, le Burundi se
préoccupe de la conservation de la biodiversité du PNK pour
permettre son utilisation durable dans l'intérêt de la
communauté aussi bien nationale qu'internationale. Ainsi donc, ces
dernières années, les politiques relatives à la sauvegarde
de la biodiversité de cette aire protégée ont
été renforcées notamment par la formulation de la
Politique Sectorielle du Ministère de l'Eau, de l'Environnement, de
l'Aménagement du Territoire et de l'Urbanisme, le Cadre
Stratégique de Lutte contre la Pauvreté, la Stratégie
Nationale et Plan d'Action en matière de diversité biologique
ainsi que la Stratégie Nationale et Plan d'Action en Renforcement des
capacités en matière de diversité biologique.
Cependant, il a été relevé au cours de
l'étude, que cette politique connaît des contraintes liées
notamment au fait que les préoccupations relatives à la gestion
rationnelle des écosystèmes forestiers au Burundi n'ont pas
été maîtrisées de façon suffisante.
En outre, une conservation et une utilisation durable de la
biodiversité du PNK suppose l'existence des mécanismes
institutionnels appropriés permettant de suivre de près les
agissements qui seraient de nature à porter atteinte aux ressources
naturelles de cette forêt naturelle. En effet, il a été
constaté que la responsabilité de conserver et de gérer
les ressources forestières du PNK est partagée entre diverses
institutions tant nationales qu'internationales à des titres divers tout
en précisant que la coordination incombe à l'Institut National
pour l'Environnement et la Conservation de la Nature (INECN) sous la tutelle du
Ministère de l'Eau, de l'Environnement, de l'Aménagement du
Territoire et de l'Urbanisme (MEEATU) qui réalise la politique du
Gouvernement en la matière.
Egalement, il été souligné que, quoi que
l'INECN a la mission principale d'assurer la gestion des forêts
naturelles et les aires protégées dont le PNK, il doit collaborer
avec les autres partenaires comprenant les institutions publiques et les ONGs
nationales et les organisations internationales pour arriver à
gérer efficacement cette aire protégée.
Cependant, il a été remarqué que ces
institutions surtout publiques éprouvent d'énormes
difficultés qui sont de plusieurs ordres et qui limitent par
conséquent, la mise en oeuvre de la législation ayant trait
à la protection de la biodiversité du PNK. En effet, ces
contraintes concernent notamment les capacités institutionnelles qui
sont trop faibles en termes de moyens humains, matériels et financiers,
l'absence d'un système de suivi-évaluation permettant de
connaître de façon fine l'évolution des ressources
forestières du parc ainsi que les causes principales de leur diminution,
la coordination intersectorielle essentielle en matière de protection
des ressources naturelles du PNK qui fait défaut, la faible implication
des collectivités et des communautés locales dans l'application
de la loi, etc. L'analyse des capacités humaines montre que les
ressources humaines de l'INECN et des autres partenaires en charge de la
conservation de cette aire protégée sont quantitativement
insuffisantes et sous employées faute de logistique
nécessaire.
Par ailleurs, malgré la prolifération des
règles et l'existence d'institutions tant nationales qu'internationales
de protection du PNK, la dégradation de ses ressources
forestières est une réalité. La préoccupation
majeure à cet égard est de savoir comment rendre effectives les
normes de protection de cette aire protégée dont l'utilité
paraît évidente. Devant cet état de choses, il s'est
avéré urgent d'adopter des stratégies tant légales
qu'institutionnelles idoines susceptibles de permettre une protection effective
des richesses écologiques de ce massif forestier.
En effet, des stratégies légales consistant en
un renforcement du dispositif légal existant et l'élaboration
d'une législation adéquate ont été proposées
en vue de rendre efficace la préservation des ressources de ce
patrimoine naturel.
Ainsi, il serait indispensable de mettre en oeuvre les
mécanismes de contrôle prévus à cet effet et
d'impliquer étroitement tout bénéficiaire des ressources
naturelles du PNK, dans la mise en oeuvre des règles de sa conservation,
notamment par l'éducation et la sensibilisation ; tout cela
afin de mettre fin à l'inapplicabilité des
règles protectrices du PNK et à l'approche autoritaire et
policière longtemps adoptée par l'autorité étatique
dans la gestion de ses ressources forestières. De même, pour
pallier aux différentes contraintes auxquelles sont confrontées
les institutions impliquées dans la conservation et la gestion de la
biodiversité du PNK, des stratégies ont été
proposées visant à mette en place un cadre de coordination et de
concertation entre différents partenaires intervenant dans la protection
du Parc National de la Kibira.
En effet, le manque de cadre de coordination et de
collaboration effectif entre ces différentes institutions intervenant
dans la protection des ressources naturelles du PNK constitue un obstacle qui
ne peut qu'empêcher la bonne gestion de ce patrimoine naturel.
Face à la difficulté liée à la
disponibilité des ressources humaines en quantité et en
qualité suffisantes, il s'avère opportun que le renforcement des
capacités humaines au niveau des institutions et des communautés
de base ayant trait à la conservation et à l'utilisation durable
de la diversité biologique du PNK se veule être le seul
remède envisageable.
Toutefois, la meilleure manière de sauvegarder la
forêt de la Kibira est d'associer les populations locales à sa
gestion en leur garantissant un partage équilibré des produits de
leurs efforts, car un mouvement de protection de la forêt qui part de la
population a plus de chances de maintenir la souplesse nécessaire. Toute
intervention extérieure qui chercherait à restreindre
l'utilisation des ressources naturelles du PNK contre la volonté de ceux
qui y vivent serait vouée à l'échec.
Par ailleurs, la condition du succès de cette
entreprise est que la population active s'associe avec engouement au programme
d'éducation environnementale et de sensibilisation en faveur de la
protection du patrimoine forestier du PNK, cela implique que tout citoyen
prenne conscience de l'importance des richesses écologiques de cette
aire protégée.
Nous ne prétendons pas avoir fait un travail de
dernière main pour un sujet pareil si pertinent et vaste. Ce
mémoire n'est qu'une contribution modeste à l'étude de la
protection juridique du Parc National de la Kibira du Burundi. C'est pourquoi
nous livrons notre travail aux critiques constructives et invitons d'autres
chercheurs qui s'intéresseront à cette prestigieuse forêt
naturelle de nous emboîter le pas.
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