CONCLUSION
Au terme d'une analyse à la dimension du travail ainsi
produit, force est de constater que la littérature africaine francophone
de la postcolonie s'enrichit davantage de nouveaux matériaux
littéraires comme l'image du Chef de l'Etat qu'elle textualise. Notre
corpus est d'autant plus lisible qu'il offre à décrypter une
image extrêmement désintégrée de ceux-là qui
ont l'auguste responsabilité de tenir le timon d'une République.
En effet, nos recherches ont pu nous montrer que les Chefs d'Etat d'Afrique
noire francophone sont des dignes héritiers du pouvoir colonial qu'ils
servent aveuglement sans partage. Cette soumission aveugle à l'ancien
maître est d'autant plus visible que c'est lui qui les a installés
au pouvoir au détriment des vrais patriotes intègres. Dès
lors, forts de leurs pouvoirs sans limites et sans contrepoids, ils agissent en
maîtres absolus. La vie sociopolitique est militarisée ; les
institutions de contre pouvoir son spoliées à l'instar de la
presse qui est muselée, les partis politiques sont sabordés et
les opposants persécutés. Les Chefs d'Etat, tels qu'ils nous sont
présentés ici, sont à l'image de Mobutu Sesse Seko
à qui le narrateur fait régulièrement allusion. S'il est
vrai que les récits mentionnent la succession de trois Chefs d'Etat
à la tête de la République dite bananière, il n'en
demeure pas moins vrai que deux principaux régimes sont longuement
dépeints d'un texte à l'autre. Une date historique, comme le
1er janvier 1960 nous situe à l'aube du règne
d'Ahmadou Ahidjo au Cameroun, installé au pouvoir par les manoeuvres
politiques et militaires de l'ancienne métropole. Si Ahidjo
apparaît comme un dictateur sanguinaire, son successeur lui, est peint
comme un tyran sournois :« Chez nous, à un despotisme
sanguinaire venait de succéder une dictature sournoise... »
(Mongo Beti 1999 : 73). Nous retrouvons les slogans
politiques de ce dernier dans ces formules :
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Le nouveau Chef de l'état, homme en apparence
énigmatique, n'avait pris aucune décision tranchée, se
contentant de semer dans ses rares allocutions quelques formules qui faisaient
beaucoup de bruit, mais ne signifiaient rien, comme renouveau, moralisation,
rigueur... (Mongo Beti 1994 :170)
Ce nouveau chef d'Etat est présenté comme un
idéologue et fervent partisan du repli identitaire. Autant il croit
à ses protecteurs armés, autant il s'entoure exclusivement de ses
amis, de sa famille et de sa tribu pour prétendre gérer le pays.
Toutefois, il nous apparaît comme un véritable impotent qui
n'aspire qu'à se reposer, quand il ne passe pas son temps au village
à jouer, ou quand il agit par ailleurs en un parfait kleptocrate qui a
institutionnalisé les évasions des capitaux et la corruption
électorale. C'est un gestionnaire démagogue aventurier qui se
montre insolvable devant ses salariés et devant ses créanciers.
Les voyages incessants en terres étrangères font de lui un
vacancier en quête d'un remède à son impéritie.
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