C. Complément prépositionnel :
(44) a. Avec quoi est-ce qu'il l'a ouverte ?
b. Il l'a ouverte avec un couteau.
c. Avec quoi l'a-t-il ouverte?
Lorsque le sujet n'est ni un pronom personnel ni ?on?,
il est placé après le verbe si le temps est simple (cf.
(46)), après le participe passé si le temps est composé
(cf. (47)), ou l'inversion complexe (cf. (45)).
(45) Avec quoi Pierre l'a-t-il
ouverte ?
(46) Avec quoi l'ouvre Pierre ?
(47) Avec quoi l'a ouverte Pierre ?
20
Lorsque l'interrogation porte sur la qualité i.e
l'identité, le rang, la mesure... de l'un des constituants de la phrase,
les particules interrogatives employés sont soit les adjectifs
quel /quelle / quels / quelles, soit les pronoms
lequel / laquelle / lesquels / lesquelles.
a. Attribut
Si le sujet n'est ni un pronom personnel ni
?on?, celui-ci se place avant le
verbe (cf (48)).
(48) Quel homme est-ce monsieur
? / Lequel est-cet enfant?/ Quelle est ta
pointure?
. Sujet
(49)a. Quelle chemise te va le
mieux?
b. C'est la rouge qui me va le
mieux.
(50)a. Laquelle te va le mieux?
b. C'est la verte qui me va le
mieux.
. Complément d'objet direct
Lorsque l'élément sur lequel porte la question
est un C.O.D, l'introducteur interrogatif peut être un pronom
interrogatif (cf. (51) et (52)).
(51)a. Quelle chemise as-tu choisie? /
Quelle chemise est-ce que tu as choisie?
b. J'ai choisi la rouge.
(52) a. Laquelle as-tu choisie? /
Laquelle est-ce que tu as choisie? b. J'ai choisi la
verte.
Les contractions des pronoms avec les prépositions
à et de deviennent auquel / auxquels /
auxquelles / duquel /desquels / desquelles (cf (53), (54), (55) et (56)).
(53) Auquel pensais-tu?
(54)
21
Auquel est-ce que tu pensais? Je
pensais à celui-ci.
(55) Duquel te souviens-tu?
/
(56) Duquel est-ce que tu te
souviens?
Je me souviens de celui-ci.
Lorsque l'interrogation porte sur les modalités de
l'action, les adverbes de temps (cf. (57)), de lieu (cf. (58)), de
manière (cf. (59)), de cause (cf. (60)) ou de quantité (cf. (61))
sont d'usage.
(57) a. Quand pars-tu? / Quand
est-ce que tu pars? b. Je pars demain.
(58) a. Où pars-tu? /
Où est-ce que tu pars? b. Je pars à
Paris.
(59) a. Comment pars-tu? /
Comment est-ce que tu pars? b. Je pars en
stop.
(60) a. Pourquoi pars-tu? /
Pourquoi est-ce que tu pars? b. Je pars parce que je suis
fatigué
(61) a. Combien en as-tu pris? /
Combien est-ce que tu en as pris?
b. J'en ai pris deux.
Si le sujet n'est ni un pronom personnel ni
·on·, soit on fait l'inversion complexe (cf. (62 a, b,
c, d)), soit on place le sujet après le verbe si le temps est simple, ou
après le participe passé si le temps est composé (cf. (63
a, b, c, d)).
(62).a. Quand le train
part-il ? / b. Comment ta soeur
va-t-elle ? /
C .Où le train
va-t-il ? / d. Combien ceci
a-t-il valu? (63).a. Quand part le
train ? / b. Comment va ta soeur
?
c. Où va le train ?
/ d. Combien a valu ceci ? L'inversion
complexe devient obligatoire si le verbe est accompagné d'un
complément d'objet direct (cf. (64)), ou si le verbe est
22
accompagné d'un attribut (cf. (65)) et avec
pourquoi (cf. (66)). Mais l'inversion complexe est en
principe impossible si combien compose le sujet (cf.
(67)).
(64) Où Pierre
a-t-il caché la bague ?
(65) Quand Pierre
est-il devenu avocat ?
(66) Pourquoi Pierre
part-il ?
(67) * Combien de
clients ont-ils protesté ?
On oppose généralement les interrogations
partielles, qui portent
sur un constituant de la phrase, et les interrogations
totales qui portent sur l'ensemble de l'énoncé. Cependant, cette
distinction peut être égarante, car une interrogation comme
«es-tu là pour me voir ? » peut sembler
«partielle » dans la mesure où la question porte sur le motif
de la venue lorsque la réponse peut être par exemple «je
suis venu récupérer mon argent ». Elle peut être
dite totale quand la réponse est censée être oui/non. En
revanche, la question: « Qui vient ? » permet de parcourir
mentalement l'ensemble des individus susceptibles de venir et exige de
l'allocutaire de sélectionner un parmi tous les possibles.
I. 1. 3 L'interrogation directe et indirecte
J. Dubois estime «qu'il existe en
français deux types principaux de phrases interrogatives
»12 : il s'agit des interrogations
directe et indirecte. Les deux phrases qui suivent sont des interrogations
directes.
(68) Serais-tu ivre, Seigneur ?
(69) Qui es-tu donc ?
12 Dubois, J., Dubois-Charlier, F., 1970,
Eléments de linguistique française, Syntaxe, p. 208.
23
En outre, la phrase interrogative se définit par deux
structures : celle qui constitue la demande et celle qui constitue la
réponse. Dans le cas de la phrase (68) la réponse serait
(oui/non), dans le cas de la phrase (69) la réponse est un
syntagme nominal correspondant à celui qui est formé avec la
forme « qui ». J. Dubois distingue deux catégories
pour ces deux types de phrases : le premier type est un type ?oui/non?
et le second est l'interrogation ·que·.
Les deux phrases (68) et (69) sont des interrogatives
directes. Cependant elles peuvent être enchâssées dans des
phrases de base comprenant le verbe ?demander?:
(68) a. Je demande si tu serais ivre, seigneur ?
(69) b. Je demande qui es-tu donc?
Ainsi, l'interrogation directe peut porter soit sur la
totalité de la phrase, soit sur un constituant particulier. Comme pour
l'interrogation totale, l'interrogation partielle se termine par un point
d'interrogation. Elle est caractérisée par une intonation
descendante, avec une note élevée sur le mot interrogatif
placé en tête de la phrase.
Cependant, dans les interrogatives indirectes, la notion
d'interrogation est lexicalisée dans un verbe d'interrogation
(demander, s'enquérir, etc.) ou de recherche d'information
(ne pas dire, ne pas savoir, etc.), qui constitue le support de la
principale. L'énoncé sur lequel porte l'interrogation intervient
sous la forme d'une proposition subordonnée, complément d'objet
direct du verbe de la principale. Elle s'appelle ainsi, parce
que la question est formulée dans un style indirect. Elle est contenue
dans une subordonnée qui dépend d'un verbe
24
introducteur. Cette partie qui contient la question indirecte
s'appelle la proposition subordonnée interrogative. Elle
n'admet l'utilisation ni de «est-ce que », ni de l'inversion
du sujet, ni du point d'interrogation, et peut être aussi bien totale que
partielle. Elle est dite totale lorsque la subordonnée est introduite
par la conjonction ?si? (cf. (70)).
(70). Je me demande si elle reviendra.
Alors qu'elle est partielle lorsqu'elle est introduite par un
déterminant interrogatif (cf. (71.a)), par un pronom interrogatif (cf.
(71.b)) ou par un adverbe interrogatif (cf. (71.c)). L'interrogation indirecte
est, par sa fonction, une complétive même si elle n'est pas
introduite par une conjonction mais par un pronom ou un adverbe interrogatif,
elle est généralement introduite par les mêmes mots que
l'interrogation directe. Des particularités sont pourtant à
signaler.
(71).a Je me demande quelle heure il
est.
(71) .b Je ne sais pas qui est venu.
(71).c Elle a demandé
comment on obtenait une note supérieure
à huit.
Une dégradation rapide de la syntaxe de l'interrogation
indirecte peut être signalée dans la langue contemporaine, comme
le signale F.DELOFFRE : « il y a certainement longtemps que l'on
entend dans la langue populaire des phrases comme : dis-moi est ce que tu veux
venir, dis-moi ce que tu veux. C'est-à-dire que ce type de langage
généralise dans l'interrogation indirecte des outils
interrogatifs de l'interrogation directe13. »
13 Deloffre, F., 1979, La phrase
française, (7° édition), Paris, Cedes, P. 74.
25
Il peut y avoir une interrogation indirecte incluse dans une
interrogation directe: « Sais-tu si Marie est venue ? ».
Certains verbes introducteurs ont un sens interrogatif (demander, se
demander, s'enquérir), d'autres non (savoir, chercher,
regarder...). Dans une phrase comme « Je sais s'il est là
», c'est donc la présence de ?si? qui permet de
savoir que l'on a affaire à une interrogative et non à une
complétive. Dans l'interrogation indirecte, la forme ?est-ce que?
n'est jamais employée. Si le sujet est un pronom personnel ou
?on? ou ?ce?, il n'y a jamais d'inversion de sujet. Si le
sujet n'est pas l'un d'eux, celui-ci se place de préférence avant
le verbe mais il peut aussi, dans certains cas, se placer après le verbe
(cf.(72.a)), celui-ci se place toutefois après le verbe, avec les
interrogatifs qui et quel
attributs (cf.(72.b)):
72).a Je me demande où ce train
va. / Je me demande où va ce
train.
72).b Je te demande qui est cet homme. /
Je te demande quelle est ta pointure).
M. Grevisse14 remarque que l'interrogation
directe introduite par
(ou si) peut faire confusion avec l'interrogation
indirecte : « dans des phrases exprimant l'alternative dans
l'interrogation directe, le second membre prend parfois la forme d'une
interrogation indirecte introduite par (ou si), sans les
phénomènes de l'inversion ou de reprise qui caractérisent
l'interrogation directe 15».
-Etes-vous soufrant, ou si c'est un
méchant caprice ? (Musset, chandelier, III,4.)
Les constructions avec « et si »,
confondues avec les interrogations du type : si nous allions
nous promener. Ce type de modulation interrogative se caractérise
par l'absence du point
14 Grevisse, M., 1991, Le bon usage, Paris,
Duculot, P. 629.
15 Ibid.
26
d'interrogation dans certains exemples, tel que le postule
Grevisse16 exprime une invitation plutôt qu'une
interrogation.
(73) Si vous retiriez votre chapeau ? (Gide, caves du
Vat.,
I,3)
La proposition conditionnelle interrogative et exprimant une
hypothèse sans expliciter le verbe principal introduite par
(si) est considérée comme une
subordonnée interrogative, c'est-à-dire qu'on a affaire à
une interrogation indirecte.
(74) Et s'il mourait pour rien ? (A.Camus, justes,P1, P383)
L'interrogation n'est pas toujours liée à la
demande d'information, elle est dite disjonctives lorsqu'elle énonce une
alternative, puisque l'interlocuteur doit effectuer un choix sur lequel il doit
décider (cf. (75)). Cette disjonction peut être explicitée
aussi par ?oui? ou ?non? (cf. (76) et (77)). Une phrase interrogative
peut ne pas commencer par un introducteur d'interrogation ni même par une
proposition principale d'interrogation et coordonnée à une phrase
non interrogative (cf. (78)).
(75)- Vous me rendez mon argent ou je
m'adresse au tribunal ?
(76)- vous me rendez mon argent, oui ou
non ?
(77)- vous prenez une décision oui
ou non ?
(78)- Et son parcours millénaire, qui l'a interrompu,
sinon
l'arrogance de mon siècle ? (Samarcande).
En revanche, elle est dite fictive lorsqu'elle n'appelle
aucune réponse, elle correspond, quant au contenu de son message,
à une
16 Ibid., P. 630.
27
exclamation ou à une injonction, les exemples (78) et
(79) en sont la parfaite illustration.
(78)-Comment des gens qui placent si haut les vertus de
l'hospitalité peuvent ils se rendre capables de violences contre un
visiteur comme toi ? (Samarcande)
(79)- Allez-vous bientôt vous taire ? Allez-vous payer
?
L'interrogation oratoire est une interrogation fictive
puisqu'elle n'est pas dite afin d'avoir une réponse précise : la
réponse contredisant la question est admise comme évidente.
Lorsque l'interrogation partielle est oratoire, la réponse
supposée est négative (non, personne, jamais, etc.) (cf
(80)). L'interrogation délibérative est adressée à
soit même au moment où l'on doit prendre une décision (cf
(81)).
(80) .a. Me faudra-t-il attendre d'être vieux pour
exprimer ce que je
pense ? (Samarcande)
(81) Pourtant que faire ? (Samarcande,)
Certaines phrases interrogatives commencent par des
conjonctions de coordination sans que celles-ci soient liées
effectivement à ce qui la précède (cf. (82)). Une phrase
interrogative peut être insérée dans une phrase
énonciative sans que cette interrogation implique une réponse.
L'élément inséré joue le rôle d'une incidente
comme le montre la ponctuation (cf. (83)). Il se peut que l'interlocuteur
utilise une phrase incidente semblable à une phrase elliptique par
laquelle il demande une information ou un éclaircissement (cf. (84)).
(82)-Et comment s'appelait ce maître, que je puisse au
moins
raconter ses bienfaits? ( Samarcande).
28
(83)-le coeur défaille en présence du nombre
des oeuvres, que dis-
je ?du nombre des chefs-d'oeuvre ? (valéry) .
(84)-Il y a six mois de ça, j'avais cherché
à vendre des couverts d'argenterie...Ah ! Qui venaient d'où
?
( J.Romain, cit. Gougenheim, dans Où en sont les
études)
I. 2 Le point d'interrogation et l'intonation
interrogative :
La production d'un énoncé est soumise à
l'état psychologique et mental de l'interlocuteur, c'est pourquoi la
prosodie de la phrase véhicule des informations extralinguistiques comme
les émotions, l'état du locuteur ou la nature de la phrase
(affirmative, interrogative ou exclamative). Une phrase interrogative est
marquée à l'écrit par la présence d'un point
d'interrogation et par une intonation montante à l'oral.
Le point d'interrogation peut être dans certains cas le
seul indice qui permet de savoir que l'énoncé est une question
(cf. (85)).
(85) Ma façon de prier. Ma façon de prier
? « Samarcande »
Pour renforcer l'interrogation, le point d'interrogation peut
être répété (cf. (86)) ou combiné avec le
point d'exclamation (cf. (87) et (88)). Dans le dialogue, le point
d'interrogation peut être inséré dans une phrase non
interrogative pour exprimer une interrogation explicitée par la
physionomie du locuteur durant un silence qui coupe son discours (cf. (89).
Dans une phrase énonciative, le point d'interrogation peut
paraître à la fin des mots exprimant un doute, comme : peut
être, je crois, je suppose, sans doute, etc. (cf. (90)).
(86)- Quelqu'un peut-il
m'aider???
(87)-
29
Qu'est-ce que vous me dites
là?!
(88)- comment ?!
(89)-En tout cas, c'est un esprit bien placé. /--
?../ - bien placé dans le monde des esprits. (Colette Sido, L.P.,
P53)
(90)-peut être qu'il a sommeil ?
Souvent l'exclamation utilise les mêmes moyens que
l'interrogation, ce qui explique la présence d'un point d'interrogation
à la fin d'une phrase exclamative avec une nuance interrogative comme le
montre l'exemple (91):
(91)- Quelle drôle de chose ?
Quand les phrases interrogatives sont multiples et sont
coordonnées par des conjonctions de coordination le point
d'interrogation est mis à la fin de chaque phrase, et lorsque les
phrases interrogatives se succèdent sans coordonnant celui-ci est mis
à la fin de l'énoncé.
Le point d'interrogation est omis quand la phrase
interrogative est une sous phrase, (citation - discours direct), surtout quand
la sous phrase nécessite elle-même un point d'exclamation ou deux
points (cf. (92)). De même l'omission du point interrogatif vient
après des locutions qui perdent leur valeur interrogative, surtout
après : à bouche que veux-tu, le qu'on dira-t-on, le qui-vive
(cf. (93)). Dans certains cas, le point d'interrogation est omis
après des interrogations fictives quand celles-ci expriment une
hypothèse, une éventualité, ou dans l'expression
figée (cf. (94)). Il est omis aussi quand l'interrogation fictive
équivaut à une phrase exclamative (cf. (95)) ou à une
phrase injonctive, surtout lorsque la phrase est terminée par un point
d'exclamation, lorsque la phrase est énonciative, et aussi quand
l'interrogation est délibérative, à laquelle l'auteur
répond lui-même (cf. (96)).
(92)
30
Qui sait, peut être n'y a-t-il qu'une amante, cette
nuit à Samarcande, peut être n'y a-t-il qu'un amant.
(93) Ils s'embrassèrent à bouche que
veux-tu. (Montherlant, Pitié pour les femmes, p.79)17
(94) en-veux-tu, en voilà.
(95) Or quoi de pire au monde que de perdre son
père. (Sartre, Idiot de la famille, t. p. 234).
(96)-Me laisser prendre et fouetter, jamais de la vie! (H.
Bazin, vipère au poing, XVIII ).
Pour marquer l'interrogation lorsque la phrase est longue, la
montée se produit sur la partie proprement interrogative (cf. (97)).
(97)-qu'il faudrait attendre huit siècles
avant que le monde ne découvre la sublime poésie d'Omar
Khayyam, avant que ses Robaiyat ne soient vénérés comme
l'une des oeuvres les plus originales de tous les temps avant que ne soit enfin
connu l'étrange destin du manuscrit de
Samarcande ? (Samarcande)
Lorsqu'il y a d'autres marques qui explicitent
l'interrogation, comme dans l'interrogation partielle : (inversion, reprise du
sujet, morphème interrogatif), l'intonation n'est pas
nécessairement montante. La note est marquée sur le mot
interrogatif, et elle est plus haute que sur le début de
l'énoncé déclaratif (cf. (98) et (99)).
(98)- Le cadi savait-il par ce geste, par
ces paroles, il donnait naissance à l'un des secrets les mieux tenus de
l'histoire des lettres ? « Samarcande »
(99)- Où se trouve cet hôte
si généreux, que je puisse lui adresser mes
remerciements ? « Samarcande »
17 Grevisse, M., 1991, Le bon usage, Paris,
Duculot, p.163.
31
I. 3 Les introducteurs interrogatifs
L'interrogation peut être directe ou indirecte. Chacune
est introduite par des introducteurs interrogatifs propres. Ainsi,
l'interrogation directe est introduite par un déterminant, un pronom ou
un adverbe interrogatif.
I. 3. 1. Les déterminants interrogatifs
:
Les déterminants interrogatifs sont : quel, quels,
quelle et quelles. Ils indiquent que la question porte sur
l'identité ou la nature d'un être animé (cf. (100)) ou
inanimé (cf. (101)). Toutefois, il ne peut être ni
précédé ni suivi d'un article ou d'un déterminant
démonstratif ou possessif comme l'illustrent les exemples qui suivent.
L'adjectif interrogatif quel peut s'employer aussi comme attribut.
Dans ce cas, il ne joue son rôle de déterminant que par rapport
à un nom qui n'est pas exprimé (cf. (102) et (103)).
(100)-Quelle personne demandez-vous ?
(101)-Quel est votre médecin traitant ?
(102)-Quelles sont ses intensions ?
(103)-Quelles intensions sont ses intensions ?
On ne peut parler des déterminants interrogatifs sans
évoquer les
déterminants exclamatifs et les déterminants
relatifs, qui ont les mêmes formes. Le déterminant exclamatif
s'emploie dans les phrases exclamatives qui expriment la surprise, l'admiration
ou l'indignation, et porte sur le thème indiqué par le groupe du
nom. La distinction entre les adjectifs exclamatifs et les adjectifs
interrogatifs se fait au niveau de
32
l'écrit par la marque de ponctuation qui termine la
phrase (point d'interrogation ou point d'exclamation), et par l'intonation
interrogative ou exclamative qui détermine la nature de l'adjectif et de
la phrase avec, au niveau oral (cf. (104)).
(104)-Quel que soit son jeu, je le gagnerai.
I. 3. 2 Les pronoms interrogatifs.
Un pronom remplace le plus souvent un nom ou un groupe
nominal, mais il peut aussi se substituer à un adjectif ou à une
proposition entière. Le fait qu'il puisse remplacer autre chose qu'un
nom explique que l'on utilise parfois le terme de « substitut
» au lieu de terme « pronom ». Les pronoms
interrogatifs permettent de questionner sur l'identité (cf. (105)) ou
l'action d'un être ou d'un objet (cf. (106)).
(105) -De qui parle-t-on ?
(106) -De quoi s'agit-il ?
Le pronom interrogatif joue le rôle d'anticipant
puisqu'il remplace un nom qui sera exprimé dans la réponse et se
situe toujours en tête de la phrase interrogative, même quand le
groupe de nom qu'il remplace devrait occuper une autre place comme le montre
l'exemple suivant.
(107) a. Qui appelez-vous ?
b. J'appelle Jean.
Les pronoms interrogatifs peuvent être simples ou
composés, comme ils peuvent être suivi de l élément
est-ce que (interrogatif complément) (cf. (108)).
(108) Qui est ce qui est venu ?
Les formes simples des pronoms interrogatifs sont
?qui?,?que? et ?quoi? : «
qui » s'emploie pour différentes fonctions grammaticales
avec ou sans préposition comme substitut d'un groupe de noms
désignant un humain. Ainsi, les formes composées de l'article
définit et de l'adjectif
33
interrogatif ?lequel?,
?laquelle?, ?lesquels?,
?lesquelles?, combinées avec les prépositions
?à? et ?de? deviennent : auquel, à
laquelle, duquel, de laquelle, auxquels, desquels, etc.
De même, les formes des pronoms interrogatifs peuvent
être suivis de l'élément est-ce que (interrogatif
sujet) ou est-ce que (interrogatif complément). Ainsi, dans
l'interrogation indirecte les formes du pronom interrogatif sont les
mêmes que dans l'interrogation directe, sauf que les formes complexes des
pronoms interrogatifs ne doivent pas être employés, où
?qu'est-ce qui? et ?qu'est-ce que? auxquelles les formes
?ce qui? et ?ce que? doivent être substituées
respectivement18. (cf. (109) et (110)).
(109) a. Qu'est ce qui se passe ? -b. J'ignore ce qui se
passe.
(110) a. Que fais-tu ?
-b. Dis-moi ce que tu fais.
I. 3. 3 Les adverbes interrogatifs
Nous pouvons distinguer cinq adverbes interrogatifs qui
expriment le lieu (cf. (111)), la cause (112), le temps (113) et la
manière (114):
(111) Le lieu : Où est-il
allé ?
(112) La cause : Pourquoi la vie
nous réserve souvent des surprises?
(113) Le temps : quand est-il parti
?
(114) La manière : comment
avez-vous joué ?
18 Grevisse, M., 1993, Le Bon Usage, Paris,
Duculot, P. 1390. § 940.
34
I. 4 La transformation interrogative
Toute phrase interrogative est en principe une phrase
déclarative, la transformation interrogative est l'ensemble des
modifications apportées à la phrase déclarative pour
qu'elle acquièrt la forme interrogative. Notons qu'une phrase
déclarative peut avoir cette portée interrogative grâce
à l'intonation particulière qui marque la fin de
l'énoncé dans le cas de l'interrogation totale comme le montre la
différence entre les énoncés (115. a et b).
(115).a. Ma façon de prier.
b. Ma façon de prier ?
L'interrogation totale ou partielle peut être
marquée par l'insertion d'un pronom après le verbe ou
l'auxiliaire qui correspond au nombre et au genre du sujet (cf. (116)), si le
sujet est un pronom personnel, ce dernier disparaît, ce qui
équivaut à une inversion de sujet (cf. (117)), et si le verbe se
termine par un ·d·, il est prononcé un /t/
(cf. (118)). Ce type d'interrogation appartient surtout à la langue
soutenue.
(116) Ces arbres donnent-ils beaucoup de fruits ?
(117) Il vient ? - *Il vient-il ? - Vient-il ?
(118) a. Qu'entend-il par ceci ?
b. /kãtãtil par s?si/ ?
La construction (Inter+v+sujet) n'est pas admise avec
l'interrogatif pourquoi comme le montre l'exemple suivant, la phrase (119)
n'est pas acceptable.
(119) * Pourquoi sont partis les enfants ?
(120) Pourquoi sont-ils partis les enfants?
35
L'interrogation totale marquée en tête par
l'emploi de la formule invariable ·est-ce que· exclue
l'emploi du pronom personnel après le verbe, la phrase (122) est
inacceptable.
(121) Est-ce qu'il ira demain ?
(122) * Est-ce qu'il ira-t-il demain ?
Selon J. Dubois19, il n'existe en
français que deux types de phrases interrogatives i.e. directe et
indirecte. La première (interrogation directe) est explicitée par
l'intonation ascendante, par l'inversion de sujet, par le point d'interrogation
ou par l'introducteur interrogatif. Elle implique en structure profonde comme
en structure de surface une seule phrase de base qui peut être
enchâssée dans une phrase de base comprenant un verbe de type
?demander? et qui devient une complétive (cf. (124), ce qui
rend cette phrase une interrogative+complétive. Comme le montrent les
exemples suivants :
(123) Qui viendra ?
(124) Je demande qui viendra.
La phrase interrogative directe correspond à la formule
comme c'est le cas de l'exemple (123) :
- Inter+P (Interrogation + Noyau)
La règle de réécriture du constituant
interrogatif est la suivante :
a- (SN inter)+ INTON inter -(première
formule)
Inter???
b- (SN inter)+ SN que + (INTO inter) -(deuxième
formule)
Les deux formules (a) et (b) correspondent aux deux structures
interrogatives totale ; interrogation (oui/non) ou partielle ; interrogation
(que).
19 Dubois, J. et Dubois-Charlier, F., 1970,
Eléments de linguistique française, syntaxe, Paris,
Larousse, P. 208- 210.
36
Suivant J. Dubois et F. Dubois-Charlier, le choix se fait
entre les deux formules suivantes :
« 1. Le constituant interrogatif peut être fait
d'un SN inter (abréviation de syntagme nominal interrogatif) et d'un
Inton inter (abréviation de intonation interrogative). Ces deux formules
sont l'un obligatoire (Inton inter), l'autre facultatif (SN inter).
2. le constituant interrogatif peut être fait d'un
SN que (syntagme nominal avec démonstratif que) constituant obligatoire
et de deux constituants facultatifs qui sont ceux de la première
formulation : SN inter (syntagme nominal interrogatif) et Inton inter
(intonation interrogative20). »
I. 5 L'interprétation sémantique de
l'interrogation
L'interrogation n'est pas toujours liée à la
demande d'information, elle peut avoir d'autres fins et valeurs qui lui sont
attribuées par inférence. La question est soumise à un
certain nombre de conditions tant sémantiques que pragmatiques où
les verbes énonciatifs ont un rôle dans l'orientation des
questions vers des interprétations qui leur confèrent des valeurs
indirectes qui sont soit des assertions soit des mandes21.
Sémantiquement, la question est liée à :
·En est-il ainsi ?· Et qu'elle a une valeur
suspensive. Le couple question/réponse est lié à
des situations particulières et codifiées telles que l'interview,
l'enquête sociologique, le discours pédagogique, l'interrogatoire,
l'instruction judicaire, etc. Ainsi, l'acte de questionner est
réalisé dans différentes situations pragmatiques de
communication, il est soumis à différentes conditions qui en
assurent le fonctionnement. Sans oublier la présence de
20 Ibid
21 Le mande est u n énoncé directif
à valeur illocutoire de prescription, lié à la
désirabilité ; qu'il en soit ainsi. « la notion de
prescription est entendu, ici, dans le sens général de faire
faire quelque chose à quelqu'un »
Taifi, M., 2000, Sémantique linguistique
: référence, prédication et modalité,
publication de la faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Fes,
SFR, P. 189.
37
deux interlocuteurs qui fondent la situation de communication
qui est évidente.
I. 5. 1. Les conditions sémantiques pour le
fonctionnement de la question
Pour obtenir une information, il faut satisfaire
différentes conditions. En effet, le locuteur doit dans un premier temps
être animé du désir d'obtenir une information pour mettre
fin à son état d'incertitude ou de doute. Et pour que l'acte de
questionner soit pertinent, il doit satisfaire une deuxième condition :
il s'agit de sa présomption sur le savoir de l'énonciataire. En
fait, l'énonciateur ne peut demander une information que s'il a une
prémonition, une intuition ou tout autre état psychologique qui
lui permet de présupposer que l'énonciataire peut fournir
l'information demandée.
La troisième condition consiste en ce que
l'énonciataire est capable et apte à fournir l'information. Or,
dans certains cas, l'allocutaire peut ne pas fournir l'information même
s'il en dispose.
La quatrième condition concerne la modalité de
la question elle-même. La question doit être
considérée comme une simple tentative
d'obtenir une information et non pas une cause
produisant automatiquement la réponse attendue. On s'accorde en
général à percevoir une différence
sémantique entre « Tu pars ? », « Pars-tu ? » et
« Est-ce que tu pars ? ». En effet, « Tu pars ? »,
s'emploie plutôt pour un allocutaire qui semble agir en vue d'un
départ, en revanche, « Est-ce que tu pars ? » ou
« Pars-tu ? » préjugent moins de la réponse,
laissent ouverte l'alternative. L'inversion du clitique sujet n'est nullement
réservée à l'interrogation, on la trouve dans les incises,
les hypothétiques, etc. Il
38
semble qu'elle permet de suspendre l'assertion, ce qui est
requis dans l'interrogation.22
Les interrogations partielles sont riches en
présupposés, qui contribuent à enfermer l'allocutaire,
à contraindre sa réponse; demander « Qui vient ? »
ou «Pourquoi est-il en retard ? », c'est présupposer que
quelqu'un est venu ou qu'il est en retard. Il arrive qu'un même
énoncé supporte plus d'une interrogation partielle à la
fois: « Qui est venu quand ? », « Qui a parlé
à qui ? » Cette possibilité qu'a l'interrogation de
porter sur l'ensemble de la phrase ou sur un seul constituant se retrouve dans
la négation qui, elle aussi peut être partielle: «Je n'ai
vu personne » ou totale: « Je n'ai pas vu Paul. »23
I. 5. 2 Les valeurs illocutoires relatives à
l'interrogation
La question peut être liée à des fins
pragmatiques et être investie pour d'autres valeurs illocutoires outre la
demande de l'information. La question peut être utilisée pour
instaurer une communication et accéder à autrui, pour
éviter des regards, pour agir sur autrui (le séduire, le charmer,
le compromettre, le blesser, etc.). Dans telles situations, le locuteur
n'attend pas de réponses de la part de l'énonciataire et ce
dernier n'est pas censé en fournir. Dans ce sens, la question
revêt une fonction phatique qui en fait des moyens pragmatiques
résidant dans les interactions verbales entres les interlocuteurs.
Les valeurs illocutoires de la question sont multiples.
L'interrogation peut être une question de confirmation et d'assentiment.
Elle est utilisée pour faire sortir le locuteur de son état
d'incertitude ou de doute. La question d'examen fait un meilleur exemple, elle
est utilisée
22 Maingueneau, D., 2001, Précis de grammaire pour les
concours, (troisième édition), Paris, Nathan.
23 Ibid.
39
pour évaluer les connaissances de l'étudiant et
non pas pour recevoir une réponse recherchée.
L'assertion peut revêtir l'habit de l'interrogation.
Elle est liée à la description d'un état de chose. La
question à valeur assertive peut être une constatation d'un
état de chose partagé entre le questionneur et le
questionné ;(il fait beau, n'est-ce pas ?), et peut être
aussi une véritable question rhétorique qui est soumise à
un ensemble de contraintes tant grammaticales que lexicales, comme le montre
l'exemple suivant.
(125) a. Ce n'est pas toi qui a fais ce travail ? b.
Non, ce n'est pas moi qui ai fait ce travail ?
La question peut être utilisée pour une fin qui
est liée à la réaction du questionné,
c'est-à-dire pour effectuer des actes directifs, c'est une valeur
illocutoire de mande. Les verbes ?pouvoir? et ?vouloir? sont
des verbes modaux souvent utilisés dans la question à
interprétation de mande. Ils sont souvent utilisés dans des
structures interrogatives de type : vouloir /pouvoir+sujet+P ?
et qui sont susceptibles d'une lecture par inférence. On
ne peut imaginer une situation où le locuteur demande à un
passager : pouvez-vous m'indiquer le chemin de la municipalité ?
où celui-ci se contente de lui répondre : oui je
peux. De même pour une situation où un locuteur demande qu'on
lui passe un stylo : voulez-vous me passez le stylo ? et le
questionné se contente de lui répondre par oui sans aucune
exécution d'action, (ici celle de lui passer un stylo). La situation
serait plutôt drôle. La question rhétorique avec les verbes
vouloir et pouvoir ne déclenchent pas des
réponses mais des comportements. Face à la question
voulez-vous P et pouvez-vous
P, l'énonciataire est censé exécuter le
contenu de P24.
24 Taifi, M., 2000, Sémantique
linguistique, Références, prédication et
modalité, Fes, SFR.
40
I. 5. 3. Différentes interprétations de
l'adverbe
interrogatif « comment »
Il est connu que l'adverbe d'interrogation "comment"
est utilisé pour s'interroger sur la manière dont s'est produit
un fait. H. Korzen25 a soulevé le cas de l'usage de
"comment" pour s'interroger sur la cause, prenant alors le sens de
"comment se fait-il que", comme l'illustrent les exemples suivants,
où la réponse consiste en une proposition causale introduite par
·parce que·.
(126) a. Comment savais- tu qu'elle était justement
ce soir là? b. Parce que je l'avais suivie (Simenon, indicateur, P
156)
(127) a. Comment le savez-vous?
b. parce qu'elle me l'a dit. (Simenon, Maigret se trompe,
P 12-13)
Parfois l'usage de "comment" peut mener à une
ambigüité d'interprétation : s'agit-il d'une interrogation
qui porte sur la cause ou sur la manière ? Les exemples empruntés
à B. De Cornulier26 en sont la parfaite illustration.
(128) a. Comment Jean a -t-il survécu?
(manière) b. En buvant du lait.
(129) a. Comment a survécu Jean?
(manière) b. En buvant du lait.
(130) a. Comment Jean a -t-il survécu? (cause) b.
C'est qu'il est résistant.
Dans l'exemple (128) et (129), l'interrogation porte sur la
manière, en (130) la réponse correspond à une
interrogation de cause. Nous avons la
25 Korzen, H., 1985, Pourquoi et l'inversion
finale en français ?, Museum Tusculanum, presse universitaire de
Copenhagen.
26 CORNULIER de B., 1974, « Pourquoi et
l'inversion du sujet non clitique », in ROHRER C. et RUWET N.
(éds), Actes du colloque franco-allemand I. Etudes de syntaxe,
Tübingen, Niemeyer. P. 139-163.
41
même phrase interrogative introduite par
"comment" mais avec différentes interprétations : une de
manière et une autre de cause. Dans ce cas là, c'est le contexte
qui peut déterminer la finalité de l'introducteur
"comment".
J.C.L. Anscombre et O.Ducrot abordent une autre
finalité de l'adverbe "comment" : celle de la contestation.
Lorsque le locuteur répond à un énoncé par une
interrogation où il manifeste une attitude de surprise, d'indignation ou
une innocence disculpante. C.Olivier (1985) considère que c'est à
partir d'un usage particulier de la manifestation de la surprise, qu'on
réalise la contestation à l'aide de
"comment"27.
(131) a. ...Mme, Mille francs divisé en quatre
titres de douze mille cinq cent chacun dont j'avais l'usufruit et les quatre
enfants la nue propriété.
b. Comment les quatre enfants ? j'ai cinq enfants, nom d'une
pipe! (G.Duhamel, Gecile parmi nous, 174)
La question explicitement exprimée serait:
c. comment pouvez-vous dire que j'ai quatre enfants alors
que j'en ai cinq? (Qui se trouve derrière l'énoncé
"comment+P)? entrainé dans la stratégie de la
contestation28.
L'interrogation avec « comment » est aussi
utilisée pour porter sur l'état (cf (132)), pour exprimer
l'ironie (cf (133)) ou pour expliquer un fait (cf (134)).
(132) comment vas-tu ?
(133) comment tu as pu gaspiller tous ces cinq Euros
?
(134) comment veux-tu que je viens à temps avec
tout cet embouteillage?
27Anscombre, J.C. et Ducrot, O., 1981, «
Interrogation et argumentation », in Langue
française, n°42, pp. 5-22.
28Olivier, C., 1985, « L'art et la
manière: comment dans les stratégies discursives »
in Langages. Université de Toulouse-le-Mirail.
42
|