IFROSS
Institut de Formation et de Recherche
sur les Organisations Sanitaires et Sociales
et leurs réseaux Université Jean Moulin
Lyon3
Faculté de Droit
L'ACCÈS AUX MÉDICAMENTS ET LE
DROIT
DES BREVETS
Mémoire
pour le Diplôme de
Master Droit et Management
des structures sanitaires et sociales Mention
Recherche
-- Juillet 2005 --
Magloire Sourou AKOGBETO Sous la direction de :
Didier VINOT, Maître de conférences en gestion
des systèmes de santé à l'université Jean Moulin
Lyon 3
&
Guillaume ROUSSET, Doctorant en droit de la santé
IFROSS -- Université Jean Moulin Lyon 3 -- 18 rue
Chevreul -- 69007 Lyon
Tél : 04 78 78 75 81 -- Fax : 04 78 58 76 44 -- e-mail :
ifross@univ-lyon3.fr --
www.ifross.com
REMERCIEMENTS
Je ne saurais faillir à la tradition de remercier ici
quelques personnes qui m'ont soutenu et motivé afin que ce travail
aboutisse au mieux.
Que mes directeurs de recherche, Didier VINOT et Guillaume
ROUSSET, pour leur disponibilité et leurs conseils,
Que le Directeur de la résidence André Allix,
Marc TISSIER, pour son encouragement dynamique et sa sollicitude,
Que mes parents, pour avoir su me transmettre la curiosité
de la connaissance, et,
Que toute l'équipe de formation de l'IFROSS, pour sa
compétence et son dynamisme dans la transmission du savoir,
Trouvent ici mes remerciements les plus sincères.
« En toute chose, c'est le début qui est
difficile et qui pour cela même est le plus important »
Platon
Problématique :
Lorsqu'on aborde la question de l'accès aux soins de
santé, celle de l'accès aux médicaments nous interpelle
inévitablement. L'indisponibilité et ou le coût trop
élevé des nouveaux traitements protégés par brevet,
peuvent être préjudiciables à la prise en charge de
certaines maladies et soulèvent donc le problème de
l'accès financier aux thérapies.
Dans un contexte où le coût des
médicaments innovants ne cesse d'augmenter on se doit donc de
s'interroger sur les raisons profondes d'une telle inflation et son impact sur
l'accès aux soins. Les firmes pharmaceutiques ayant le monopole de
fabrication et de vente de ces produits, se justifient par le coût
élevé de la recherche et s'opposent à toute concurrence en
la matière car, elles estiment qu'elle les empêcherait de
rentabiliser leur investissement ; ce qui à terme pourrait porter un
coup dur à la recherche en santé. Faut-il alors subir le
coût de ces thérapies tel qu'il se présente afin de laisser
se poursuivre la recherche pour le bien de l'humanité toute
entière ? Qu'adviendrait-il des personnes ne pouvant pas se donner les
moyens de se procurer ces "produits de luxe" ? N'y a-t-il pas des incitatifs
à la recherche autres que le brevet ? Si la finalité de
l'industrie pharmaceutique est de tenter d'apporter des réponses
thérapeutiques optimales aux maladies dont souffrent les patients, la
mise au point d'un traitement ou d'une méthode diagnostique a-t-elle un
sens si les patients n'y ont pas accès ? Aujourd'hui pourtant, certains
traitements sont à l'origine d'inégalités sociales et
demeurent inaccessibles pour certaines catégories de populations car ils
restent beaucoup trop chers et hors de portée.
Le système des brevets, censés financer la
recherche pharmaceutique, aboutit de fait à interdire dans une certaine
mesure l'accès aux traitements, notamment des pauvres, ceux qui en ont
le plus besoin. De ce fait on s'interroge sur la légitimité du
droit des brevets dans le champ de l'accès aux soins de santé. Le
droit d'accès aux soins et le droit de la propriété
intellectuelle sont-ils compatibles ? Voilà quelques-unes des
interrogations qui ont fait l'objet de nos recherches.
Résumé :
Ce mémoire expose les réflexions menées
dans le cadre général des questions que soulève
l'accès aux soins de santé et principalement celles en rapport
avec les brevets de médicament. Y sont présentés de
manière synthétique les aspects intemporel, juridique et
éthique ainsi que les enjeux actuels et les défis qui sont
attachés à l'accès aux médicaments
protégés par les brevets. Ce travail expose également
l'intérêt que présentent les médicaments
génériques face aux produits de marque, dans un contexte de
maîtrise des dépenses de santé et d'amélioration de
l'accès aux soins. Il aborde les enjeux ainsi que les problèmes
liés au développement des génériques en France,
notamment la prolongation de fait ou de droit de la protection des brevets de
médicaments et donc du monopole qui en résulte. Enfin, un regard
critique porté sur l'ensemble de ses préoccupations a permis de
constater que les laboratoires pharmaceutiques sont de plus en plus
guidés par des intérêts économiques et politiques et
qu'il existe des abus en matière de droit de la propriété
intellectuelle qui pourraient dans les années à venir aggraver
les difficultés d'accès aux soins si l'on n'en prend pas
suffisamment conscience.
Mots clés :
Accès aux soins, accès aux médicaments,
brevet de médicament, coût des médicaments princeps,
recherche et développement, santé publique, ajustement,
exceptions, remboursement, médicaments génériques,
conflits juridiques...
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SOMMAIRE
PARTIE 1 : L'ACCÈS AUX SOINS FACE AU DROIT DES
BREVETS APPLIQUÉ AUX MÉDICAMENTS
1. ÉTAT DES LIEUX : CONTEXTE JURIDIQUE DES
BREVETS
1.1. CONTEXTE GENERAL
1.1.1. La notion de brevet
1.1.2. Les exemptions et alternatives au
brevet
1.2. LA BREVETABILITE DU MEDICAMENT
1.2.1. L'objet du brevet protégeant un
médicament 1.2.2. La portée d'un brevet visant un
médicament
2. L'AJUSTEMENT JURIDIQUE DES LOGIQUES
ÉCONOMIQUES ET SANITAIRES FACE AU PARTICULARISME DES
MEDICAMENTS
2.1. LES LIMITES AUX DROITS CONFERES PAR UN
BREVET DE MEDICAMENT DANS L'INTERET DE LA SANTE PUBLIQUE
2.1.1. Importations parallèles et
"épuisement" des droits 2.1.2. Concession de licences obligatoires et
autres limites
2.2. LA PRISE EN CHARGE DES MEDICAMENTS
2.2.1. Le remboursement des
médicaments
2.2.2. La flexibilité de la notion de
médicament remboursable
PARTIE 2 : LE DROIT A L'ÉPREUVE DES FAITS : LA
SOLUTION DES GÉNÉRIQUES FACE AUX PROBLÈMES SOULEVÉS
PAR LES MÉDICAMENTS SOUS BREVET ET SES IMPLICATIONS EN DROIT
1. LE RECOURS AUX GENERIQUES
1.1. LES MEDICAMENTS GENERIQUES : UN ENJEU ESSENTIEL POUR LA
MAITRISE DES DEPENSES DE SANTE ET L'ACCES AUX SOINS
1.1.1. Les médicaments
génériques : généralités
1.1.2. Médicaments génériques
et rapport coût/efficacité thérapeutique
1.2. LE DEVELOPPEMENT DES GENERIQUES
1.2.1. Le droit comme moyen de promotion des
génériques 1.2.2. Les problèmes liés au
développement des génériques
2. L'ENJEU DES GÉNÉRIQUES FACE AUX
INTÉRÊTS DES LABORATOIRES PHARMACEUTIQUES
2.1. LES CONFLITS JURIDIQUES RELATIFS A L'INTRODUCTION DE
MEDICAMENTS GENERIQUES SUR LE MARCHE
2.1.1. Les stratégies mis en
place
2.1.2. L'analyse des différends opposant les
fabricants de médicaments génériques aux laboratoires
pharmaceutiques
2.2. L'INTERET DES PATIENTS FACE A L'INTERET DES FIRMES
PHARMACEUTIQUES
2.2.1. Nécessité d'une vision
éthique au regard des brevets en santé
2.2.2. Pour un droit de la propriété
intellectuelle respectueux du droit fondamental à la
santé
CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
L'accès aux soins est un aspect fondamental du droit
à la santé. Il peut se définir comme la facilité
à utiliser en temps utile les services de santé par les individus
de façon à atteindre le meilleur résultat possible en
terme de santé.1 Il suppose donc une prise en charge
effective des individus en matière de prévention et de soins
efficaces .Ainsi, le premier droit de la personne malade est de pouvoir
accéder aux soins que son état nécessite, quels que soient
ses revenus.
Le droit d'accès aux soins nécessaires et
à leur prise en charge financière est garanti par la Constitution
française2, ainsi que par diverses Conventions
internationales (notamment : Pacte de l'ONU, Convention sur les droits de
l'enfant, Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine etc.)
dont la portée est toutefois variable. « Toute personne a le droit
d'accéder à la prévention en matière de
santé et de bénéficier de soins médicaux dans les
conditions établies par les législations et pratiques nationales
»3 proclame justement, à l'article 35, la Charte des droits
fondamentaux adoptée à Nice en 2000.
Le droit à la protection de la santé reconnu par
le Préambule de la Constitution de 1946 est fondé sur des
principes d'égal accès aux soins et de libre accès aux
soins garantis aux usagers par le système de protection sociale mis en
place en 1945 et fondé sur la solidarité. Tous les acteurs de
santé - les professionnels, les établissements et réseaux
de santé, les organismes de prévention ou de soins, les
autorités sanitaires - doivent employer tous les moyens à leur
disposition pour le mettre en oeuvre au bénéfice de toute
personne.
Le droit d'accès aux soins nécessaires est au
surplus garanti par les législations sanitaires françaises, qui
imposent aux établissements assurant le service public hospitalier
d'être en mesure d'accueillir les patients de jour et de nuit,
éventuellement en urgence, ou d'assurer leur admission dans un autre
établissement de santé. La loi du 4 mars 2002 a inscrit ce droit
dans un chapitre préliminaire du Code de la santé publique.
Ces dispositions légales donnent donc à chacun
le droit d'obtenir les soins qu'exige son état de santé. Les
contours précis de la notion de " soins nécessaires " sont
toutefois
1 Cf.GRANDJEAN (H.)..., les inégalités sociales
de santé, éd. La découverte et syros, Paris, 2000, p.
403.
2 Cf. Préambule de la constitution du 27 octobre 1946,
puis de la constitution du 4 octobre 1958.
3 Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne,
JOCE C 364/01 du 18.12.2000, Chap. IV, art. 35.
difficiles à fixer ; elle inclut en principe tous les
soins propres à éviter une atteinte à la vie ou une
atteinte grave à l'intégrité physique ou psychique de la
personne.
La prise en charge financière des soins
nécessaires est assurée par la législation
française sur l'assurance-maladie, dans le cadre de l'assurance
obligatoire des soins. Celle-ci soumet le remboursement à la triple
condition que les prestations soient " efficaces, appropriées et
économiques ". Le catalogue des prestations remboursées est
constamment mis à jour pour tenir compte des progrès
médicaux.
Toutefois, la possibilité d'améliorer et de
prolonger la vie est compromise par les coûts toujours croissants des
produits pharmaceutiques. Ces coûts constituent une importante
barrière aux soins, notamment pour les personnes n'ayant pas (ou peu)
d'assurance. De fait, la montée vertigineuse des prix menace
l'accès de tout le monde aux médicaments parce ce qu'elle risque
d'inciter les assureurs publics et privés à vouloir limiter leur
responsabilité en refusant de couvrir certains médicaments ou en
augmentant leurs frais d'utilisation.
Mais quelles sont les raisons qui peuvent expliquer le
coût élevé des produits pharmaceutiques ayant du coup une
incidence sur l'accès aux soins de santé ?
En effet, le marché pharmaceutique dépend
essentiellement de nos jours, pour la recherche et la production, de firmes
privées. Dans l'économie mondiale, le médicament est
considéré comme un produit commercial comme les autres. Il fait
l'objet de la protection par brevet et se retrouve soumis aux lois de l'offre
et de la demande. Dans ces conditions, le marché pharmaceutique est
guidé par les intérêts financiers de l'industrie et non pas
ceux des malades. Les firmes pharmaceutiques choisissent de développer
ou non un médicament, en fonction des bénéfices
escomptés sur sa vente. Du coup, en dépit des progrès
spectaculaires de ces dernières décennies en matière de
thérapie, l'accès à certains traitements et
méthodes diagnostiques posent problème et des dizaines de
millions de personnes souffrent et meurent encore chaque année de
maladies parfaitement curables faute d'accès aux traitements. Et
pourtant, comme nous le disions précédemment, le droit à
la santé et au meilleur choix de santé possible est un droit
humain essentiel, inscrit dans la déclaration universelle des droits de
l'homme, dans la charte des nations unies de l'organisation mondiale de la
santé.
L'indisponibilité et ou le coût trop
élevé des nouveaux traitements dus à la protection par
brevet, préjudiciable à la prise en charge de certaines maladies,
soulève donc le problème de l'accès aux soins, notamment
l'accès financier aux thérapies, et la question de la
propriété intellectuelle.
Si la finalité de l'industrie pharmaceutique est de
tenter d'apporter des réponses thérapeutiques optimales aux
maladies dont souffrent les patients, la mise au point d'un traitement ou d'une
méthode diagnostique a-t-elle un sens si les patients n'y ont pas
accès ? Aujourd'hui pourtant, certains traitements sont à
l'origine d'inégalités sociales puisqu'ils demeurent
inaccessibles pour certaines catégories de populations car ils restent
beaucoup trop chers et hors de portée.
Le renforcement au plan international du système des
brevets, censés financer la recherche pharmaceutique, aboutit de fait
à interdire dans une certaine mesure l'accès aux traitements,
notamment des pauvres, ceux qui en ont le plus besoin.
De ce fait on s'interroge sur la légitimité du
droit des brevets dans le champ de l'accès aux soins de santé. Le
droit d'accès aux soins et le droit de la propriété
intellectuelle sont-ils compatibles ? Comment s'assurer que la protection par
brevet des produits pharmaceutiques n'entrave pas l'accès aux
médicaments des personnes vivant dans une situation de
précarité, tout en préservant le rôle joué
par le système des brevets pour stimuler la
recherche-développement concernant les nouveaux médicaments? Tel
est l'énoncé d'un problème qui est apparu récemment
et qui fera l'objet d'un débat majeur sur l'évolution du droit
des brevets pour les prochaines décennies.
Pour notre part, nous essayerons d'aborder quelques-unes de
ces préoccupations à travers le thème : «
L'accès aux médicaments et le droit des brevets »
Mais on peut d'ores et déjà s'interroger sur le
lien qu'il pourrait y avoir entre les brevets et l'accès aux soins?
En fait, l'accès aux produits pharmaceutiques est un
aspect essentiel de l'accès aux soins de santé dans la mesure
où les médicaments sont au centre des méthodes de
diagnostic et de traitement.
Selon les lois nationales sur les brevets des
différents pays, les conditions du marché qui sont
créées favoriseront plus ou moins de concurrence entre les
fabricants de médicaments brevetés et ceux de médicaments
génériques. Une concurrence accrue mène à une
baisse
4 On désigne par cette expression, les baisses
volontaires de prix ou des dons de médicaments de la part des industries
pharmaceutiques
des prix des produits pharmaceutiques, laquelle contribue
à améliorer l'accès aux médicaments et donc
l'accès aux soins. Bien que l'accès dépende de nombreux
facteurs, le prix élevé des médicaments constitue un
obstacle majeur. Pour assurer un accès complet et durable aux
médicaments, il est nécessaire de vaincre cet obstacle. Cela ne
peut être accompli par le seul biais du financement de l'assurance
maladie par l'Etat et de la charité des sociétés
pharmaceutiques4. Les politiques publiques des gouvernements doivent
aussi promouvoir l'accès aux traitements. Dans cette perspective, le
développement des génériques représente un enjeu
important pour la maîtrise des dépenses de santé,
s'agissant d'un secteur (le médicament) dont le coût augmente de
façon importante (+8% en moyenne par an sur les cinq dernières
années).
De surcroît, ces coûts s'annoncent plus
prohibitifs pour les prochaines décennies, notamment en raison de
l'avancée spectaculaire que connaît depuis quelques années
le domaine de la biotechnologie. Avec l'arrivée prochaine sur le
marché de nouvelles thérapies biotechnologiques et
génétiques extrêmement coûteuses, il est capital de
pouvoir garantir qu'il sera possible de gérer les budgets alloués
aux soins de santé, c'est-à-dire d'affecter les moyens financiers
limités aux médicaments les plus efficaces et les plus
économiques au prix le plus intéressant.
La protection des produits pharmaceutiques par le droit des
brevets est donc aujourd'hui un sujet brûlant et mérite de notre
part une réflexion.
Nous essayerons d'aborder les diverses préoccupations
évoquées ci-dessus à travers la législation
française en matière de brevet et d'accès aux soins de
santé. Notre objectif principal est de voir comment le système
français prend en compte dans le droit la spécificité de
la santé (les produits pharmaceutiques) et la place qu'occupe chacun des
droits en question (brevet et santé) dans le système.
Notre analyse pourra commencer dans une première partie
par un état des lieux suivi d'une critique des solutions
apportées en droit au problème que posent les brevets
pharmaceutiques, puis dans une seconde partie nous allons confronter le droit
à la réalité à travers l'hypothèse des
génériques
PARTIE 1 :
L'ACCÈS AUX SOINS FACE AU DROIT DES BREVETS
APPLIQUÉ AUX MÉDICAMENTS
En plus de deux siècles d'existence, les brevets ont
fait la preuve de leur efficacité comme outil favorisant l'innovation et
son partage par le plus grand nombre. Mais appliqué aux
médicaments ils ont donné lieu à de nombreux débats
tant en France qu'à l'étranger.
Exclus de la brevetabilité jusqu'en 1960 en France, il
a fallu attendre 19685 pour que les médicaments soient
brevetables selon le droit commun. Mais l'intégration des brevets dans
le domaine de la santé ne va pas sans difficultés. Pour
comprendre les ajustements juridiques en la matière et l'incidence des
brevets sur l'accès aux soins, il sera intéressant de
procéder d'abord à un état des lieux.
5 Cf. AZEMA (J.), Existe-t-il encore une
spécificité du brevet pharmaceutique ?, JCP, 1990,
éd. E., II, 15744.
6cf. le rapport présenté à
l'Assemblée nationale française lors des débats sur la loi
du 7 janvier 1791, l'une des premières à établir la
protection des inventions par le brevet.
1. ÉTAT DES LIEUX : CONTEXTE JURIDIQUE DES BREVETS
Sans doute ne saurait-on traiter de la question de la
brevetabilité des produits pharmaceutiques sans présenter le
contexte général des brevets.
1.1. Contexte général
Pour essayer de présenter le contexte
général des brevets, nous aborderons successivement la notion de
brevet et les différentes exclusions et exemptions
généralement admises.
1.1.1. La notion de brevet
Le droit des brevets est né au siècle des
lumières. A l'origine, les brevets étaient
considérés comme une forme de contrat social conclu entre
l'inventeur et la société : la société
protégeait l'inventeur en lui garantissant une rétribution pour
la divulgation de son invention et, en retour, l'inventeur acceptait que l'on
puisse faire usage librement de son invention.
Par le brevet, l'inventeur partageait la connaissance de son
invention avec le reste de la société6. Après
Venise (statut de l'inventeur, 1474), les trois premiers pays à adopter
des lois sur le brevet ont été l'Angleterre (statut des
monopoles, 1623), les Etats-Unis en 1790 et la France en 1791. Depuis lors,
tous les pays industrialisés et un grand nombre de pays en voie de
développement ont adopté une législation sur le brevet.
Pour mieux comprendre cet intérêt pour les brevets nous
examinerons ses objectifs et avantages.
1.1.1.1. Les objectifs du droit des brevets
Après un examen rapide de l'objectif
général nous verrons les objectifs des conventions
internationales sur le brevet notamment le brevet européen.
1.1.1.1.1. Le droit des brevets en général
D'une manière générale, le droit des
brevets vise à promouvoir l'innovation technologique et la
dissémination de ses fruits. L'inventeur devient titulaire de droits
exclusifs pour le contrôle de l'exploitation commerciale de son invention
pendant plusieurs années et en retour, il divulgue la description
détaillée de son invention, mettant ainsi les nouvelles
connaissances à la disposition de tous. Cette divulgation permet
à d'autres (chercheurs, etc.) de tirer avantage des connaissances
acquises. En d'autres mots, l'objectif des brevets est de favoriser les
développements techniques et industriels en accordant des droits aux
inventeurs qui divulguent leurs résultats à la communauté.
Le système est censé promouvoir la recherche en permettant aux
inventeurs de se financer en vendant leurs droits aux producteurs.
1.1.1.1.2. Le brevet européen
Dans l'Union européenne (UE), la protection par le
brevet est actuellement assurée par deux systèmes dont aucun
n'est basé sur un instrument juridique communautaire : les
systèmes nationaux des brevets et le système européen des
brevets.
Le brevet national a fait l'objet d'une harmonisation de
facto avec la signature de plusieurs conventions internationales, y
compris la Convention sur la délivrance de brevets européens
(Convention de Munich) en 1973 à laquelle tous les États membres
de l'UE ont adhéré.
La Convention de Munich établit une procédure
unique de délivrance de brevet européen. Elle a institué
l'Office européen des brevets ("l'Office") qui délivre les
brevets devenant ensuite des brevets nationaux soumis aux règles
nationales. Bien que la Convention de Munich ait créé un
système unique de délivrance de brevets, il n'existe pas encore
de brevet appartenant à l'ordre juridique communautaire. Un tel brevet,
unique pour toute la Communauté, à un prix abordable et offrant
une sécurité juridique adéquate, est susceptible d'aider
l'Europe à transformer en succès industriels et commerciaux les
résultats de la recherche et des nouvelles connaissances scientifiques
et techniques. L'objectif est également de permettre à l'Europe
de rattraper son retard par rapport aux États-Unis et au Japon en ce qui
concerne l'investissement privé en recherche et développement.
Néanmoins, il faut signaler qu'il existe un projet de
"brevet communautaire" titre unique produisant ses effets sur l'ensemble des
pays membres de l'Union Européenne. Ce projet a fait l'objet d'une
conférence diplomatique, qui s'est achevée par la conclusion, le
15
décembre 1975 de la Convention de Luxembourg qui,
à ce jour, n'est toujours pas entrée en vigueur, pour
différentes bonnes et mauvaises raisons, la plus importante étant
le coût prévisionnel estimé excessif des traductions
(obligatoires) dans l'ensemble des langues de tous les pays membres de l'U.E.,
mais aussi en raison des risques de confusion et d'imbrication inextricable
entre les différents systèmes. On pourrait, par ex. obtenir un
brevet français soit par la voie nationale, soit par le brevet
européen, soit par le P.C.T7., soit par le brevet
communautaire, (sans parler du PLT8), chacun d'eux ayant des
revendications qui ne sont pas tout à fait identiques et des dates de
prises d'effet ou de priorités différentes.
1.1.1.1.3. L'Accord sur les ADPIC
L'Accord sur les Aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce s'inscrit dans une série de
conventions commerciales administrées par l'Organisation mondiale du
commerce (OMC). Il énonce les règles des droits de
propriété intellectuelle que chaque pays doit refléter
dans sa propre législation nationale afin d'être membre de
l'OMC.
L'Accord sur les ADPIC renferme un certain nombre d'exigences
que les pays de l'OMC doivent respecter et refléter dans leur
législation nationale. Avant l'Accord sur les ADPIC, la plupart des pays
industrialisés accordaient des brevets sur les médicaments, mais
bon nombre de pays en développement ne le faisaient pas. Alors, des
copies génériques de ces médicaments pouvaient être
fabriquées ou importées dans ces pays sans l'accord de
l'inventeur. Certains pays accordaient seulement des brevets pour le
procédé de fabrication d'une invention (par exemple, la
méthode de production d'un médicament) et non sur le produit
(c'est-à-dire le médicament comme tel). En conséquence, le
même médicament pouvait être fabriqué et vendu,
à condition seulement qu'il soit fabriqué selon un processus
différent non breveté. En l'absence de monopole de marché
transnational pour le titulaire du brevet, les prix de médicaments
étaient souvent plus bas, grâce à la
7 Patent Cooperation Treaty, ou "Traité de
Coopération en matière de brevets" signé à
Washington le 19 juin 1970 a souvent été présenté
comme une tentative des USA pour prendre de vitesse le brevet européen
dont la naissance fût assez laborieuse, et qui n'a commencé
à fonctionner qu'en Juin 1978. Le PCT est un système de
dépôt international de demandes de brevets qui permet à
partir d'une demande unique déposée dans la langue du demandeur,
dans un des offices récepteurs prévus. Le Traité est
maintenant désigné comme : "Substantive Patent Law Treaty".
8 Substantive Patent Law.
concurrence générique contre les
médicaments brevetés. L'Accord sur les ADPIC met fin à
cette situation, sous réserve de son entrée en vigueur dans tous
les pays du monde.
Conformément à l'Accord sur les ADPIC (article
28), les gouvernements sont tenus d'accorder des brevets sur les produits et
les procédés de fabrication dans tous les domaines
technologiques. Ils sont aussi tenus d'accorder au titulaire du brevet le droit
exclusif de fabriquer, d'utiliser, de vendre ou d'importer le produit dans
leurs pays pendant un temps prescrit.
Tous les pays membres de l'OMC sont maintenant tenus
d'accorder des brevets sur les inventions pharmaceutiques pendant au moins 20
ans à partir de la date de demande du brevet (article 33). Et ce, afin
de réserver au titulaire le droit de fabriquer, d'utiliser, de vendre ou
d'importer le médicament pendant cette période. L'Accord sur les
ADPIC crée un monopole de marché transnational là
où il n'y en avait pas auparavant, en permettant au titulaire de brevet
d'empêcher des versions génériques d'entrer sur le
marché dans tous les pays membres de l'OMC où il a breveté
son médicament. Le monopole des titulaires de brevets entraîne
souvent des prix beaucoup plus élevés pour les médicaments
brevetés que dans une situation de marché concurrentiel.
(D'autres facteurs comme les taxes peuvent également hausser les
prix.)
1.1.1.2. Le brevet et son champ d'application et ses
avantages
L'étude de la notion du brevet nous amène à
nous intéresser à sa définition et à son
champ d'application.
1.1.1.2.1. Qu'est-ce qu'un brevet au sens juridique du
terme
Un brevet est un droit de propriété
intellectuelle sur une invention. Les droits de propriété
intellectuelle sont accordés à des personnes physiques ou
morales, sur des créations mentales, comme le droit d'auteur sur un
ouvrage ou les droits des musiciens sur leurs enregistrements, la marque de
commerce distincte d'une entreprise pour ses produits ou le brevet sur une
invention technologique. Le brevet confère à son détenteur
(ou titulaire) le droit d'empêcher les autres de fabriquer, d'utiliser,
d'importer ou de vendre cette invention dans le pays où elle est
brevetée. Autrement dit, le fait de breveter une invention
confère au titulaire du brevet un monopole sur cette invention.
L'attribution de brevets est régie par les lois nationales de chaque
pays; ces lois sont influencées par les lois internationales. Un brevet
est habituellement accordé pour un temps limité (20 ans). Il
peut
préciser des conditions ou des exceptions aux droits
exclusifs accordés au titulaire. Le brevet est analogue (mais non
identique) à un droit de propriété9 sur
l'invention, et en comporte bien les trois composantes (selon les art. 554-556
du code civil français) :
· l'usus (droit d'usage),
· le fructus (droit d'en recueillir les "fruits"),
· l'abusus, (droit d'en faire tous usages non
prohibés par les lois),
Mais, il est :
· limité dans le temps : 20 ans dans le meilleur
cas, souvent moins, rarement plus10 ;
· révocable par décision judiciaire,
(juridiction civile);
· périssable, en cas de non paiement des taxes,
annuités et redevances prescrites;
· négatif, car il constitue, pour son titulaire,
un droit d'interdire plutôt qu'un droit de faire, ce dernier pouvant
être sujet à restrictions.
1.1.1.2.2. L'étendue du droit des brevets
Le monopole d'exploitation conféré au titulaire
du brevet varie selon les revendications. Ce qui veut dire qu'en fonction de la
catégorie d'inventions revendiquées dans le brevet, un certain
nombre d'actes d'exploitation seront interdits à des tiers en l'absence
du consentement du titulaire du brevet. La portée de la protection varie
selon que le brevet tend à couvrir un produit industriel ou une
application nouvelle d'un moyen connu pour l'obtention d'un résultat
d'un produit industriel.
S'agissant de la protection des produits, tout produit nouveau
résultant de l'invention d'une molécule chimique nouvelle est
protégée en lui-même quel que soit le procédé
qui a permis de l'obtenir ou l'utilisation à laquelle il est
destiné. Ce brevet offre alors la
9Dès l'origine des systèmes de
brevets, les juristes ont beaucoup discuté sur le problème du
"droit de propriété" de l'inventeur sur son invention ; L'article
1er de la loi française de 1791 sur les brevets énonçait :
"Toute découverte ou nouvelle invention, dans tous les genres
d'industrie, est la propriété de son auteur".
10 Les brevets protégeant les médicaments
bénéficient de dispositions particulières. En effet,
compte-tenu des longs délais qui peuvent s'écouler entre le
dépôt du brevet et l'accord de l'A.M.M. (autorisation de mise sur
le marché), la durée réelle de protection ne permettrait
pas au fabricant d'amortir ses frais de recherches. Il en est de même
pour certains produits phytosanitaires. D'où la création du
"certificat complémentaire de protection" (Art. L.611-2 §3 et 611-3
du Code de la Propriété Intellectuelle), titre qui prend effet au
terme légal du brevet auquel il se rattache, pour une durée ne
pouvant excéder sept ans à compter de ce terme et dix-sept ans
à compter de la délivrance de l'A.M.M. Ces dispositions
s'appliquent également aux brevets européens, et il en existe
d'analogues, par ex. aux États-Unis et au Japon.
protection la plus étendue puisqu'il couvre le produit
dans toutes ses voies d'accès ainsi que toutes ses
applications11.
En revanche, la protection des procédés nouveaux
est quant à elle plus faible dans la mesure où le brevet ne
protège qu'un procédé défini, c'est-à-dire
une technique de fabrication d'un produit. Ce qui signifie que l'inventeur ne
peut s'opposer à ce qu'une autre personne fabrique le même produit
ou obtienne le même résultat en utilisant un procédé
différent.
Enfin, concernant les applications thérapeutiques
nouvelles, c'est-à-dire la découverte de nouvelles
propriétés thérapeutiques d'une substance, elles suscitent
de nombreuses polémiques12. L'hypothèse est la
suivante : un médicament est déjà connu pour une
application thérapeutique déterminée, mais
ultérieurement on découvre que ce médicament
possède une autre propriété curative ou préventive.
L'invention a donc consisté à mettre en lumière certaines
propriétés pharmacologiques à l'origine d'applications
thérapeutiques, jusque-là inconnues.
L'article L.611-11 du Code de la propriété
intellectuelle, considère comme dépourvue de nouveauté et
exclue de la brevetabilité toute invention ayant pour objet une nouvelle
application thérapeutique.
Dès lors, « si un produit breveté ou non
est connu comme hypertenseur, antibiotique ou antidiabétique, etc...,
son utilisation pour toute autre application thérapeutique, serait-elle
d'un intérêt capital (telle celle fondée sur des
propriétés anticancéreuses), ne peut faire l'objet d'une
protection par brevet »13.
La majorité des auteurs ont adopté cette analyse
et considèrent que la protection est limitée à la seule
application qui est revendiquée14.
11 Si un tiers découvre « un nouveau
procédé d'obtention du produit ou une nouvelle application, une
telle invention qui peut être brevetable constituera une invention
dépendante dont l'exploitation implique une licence du brevet principal
couvrant le produit », Lamy droit commercial 1996, n° 1913.
12 Voir à ce sujet A. Casalonga, G. Dossmann, « La
protection du brevet d'invention de l'application thérapeutique et du
produit pharmaceutique », J.C.P. 1987.I. 14898.
13 Lamy droit commercial, op. cit., n° 1617, p. 736
14 Selon M. Vivant, « une telle invention ne peut
être brevetée car elle n'est pas nouvelle. Et elle n'est pas
nouvelle car lorsqu'un médicament est déjà connu dans une
application déterminée, la découverte que ce
médicament produit dans cette application est un résultat qui
n'avait jamais encore été décelé ne peut pas
être brevetable parce que ce résultat était
inévitablement atteint et qu'il avait, plus que probablement,
été même
« Si la nouvelle application thérapeutique est
incluse « ipso facto » dans l'utilisation du médicament tel
qu'il est dosé et présenté pour les applications
déjà connues, la nouvelle application était
déjà contenues dans l'état de la technique et donc
dépourvue de nouveauté conformément au droit commun. Si en
revanche la nouvelle application implique une nouvelle forme galénique
ou un nouveau dosage de la substance active et a fortiori une combinaison avec
d'autres éléments, il ne s'agit plus du même produit mais
d'un produit différent qui est alors présenté pour la
première fois comme médicament et doit être
considéré comme brevetable »15.
Toutefois, en l'état actuel du droit, des incertitudes
demeurent toujours quant à la brevetabilité de la deuxième
application thérapeutique, cette possibilité étant
toujours sujette à controverses doctrinales.
De toute manière, l'acceptation de la
brevetabilité de la seconde application thérapeutique du
médicament en limiterait dans une certaine mesure l'accès. Il
n'en demeure pas moins que le brevet présente certains avantages
incontournables.
1.1.1.2.3. Les avantages du système des brevets
La délivrance d'un brevet d'invention répond
à plusieurs objectifs : l'intérêt de l'inventeur,
l'intérêt de la société et celui de
l'économie.
En ce qui concerne l'intérêt de l'inventeur, il
s'agit d'une juste protection conférée à l'inventeur sous
forme de monopole. Ce qui semble a priori contraire au principe de
l'économie libérale. Mais cette brèche dans
l'économie libérale se justifie par un souci de
récompenser l'inventeur qui a dépensé du temps, de
l'argent et du travail.
S'agissant de l'intérêt de la
société, le brevet réalise d'une part un enrichissement du
patrimoine technologique de la société. L'objet de cette
institution est d'empêcher l'inventeur de garder son invention
secrète et de le conduire à divulguer celle-ci par une
description complète telle qu'elle pourra être
exécutée par tout homme de l'art qui a en main le brevet.
bénéfique pour certains malades ayant
absorbé le médicament dans la première application que
l'on connaissait de ce dernier ». M. Vivant, « La
brevetabilité de la seconde application thérapeutique »,
J.C.P. éd. E 1989, II, 15541.
15 J. Azéma, « Le brevet pharmaceutique », op.
cit., p. 7
D'autre part, le brevet réalise la promotion de la
recherche. Le monopole de vingt ans accordé à son titulaire avec
les bénéfices financiers qu'il peut procurer guide l'homme vers
la recherche. Ce monopole est un aiguillon efficace. Il assure l'amortissement
et la rémunération des investissements consacrés à
une innovation. P. Mathély affirme à cet effet que « le
système du brevet suscite l'invention »
Quant à l'intérêt de l'économie,
pour une entreprise, le brevet est un instrument de puissance et
d'élimination de la concurrence grâce aux droits exclusifs qu'il
confère. C'est un potentiel de richesse : grâce au système
de concession de licence, les redevances viennent alimenter
régulièrement les trésoreries des entreprises titulaires
de brevets.
En tant que documentation, les huit cent mille demandes de
brevets déposées par an dans le monde constituent une richesse
telle qu'elle est utilisable directement par tout industriel qui veut
entreprendre une exploitation dans un secteur type. Il sera à même
d'étudier de façon complète le domaine technique
considéré16.
« Une classification internationale des brevets
d'invention » permet d'utiliser cette documentation. Celle-ci est le
résultat des travaux des pays de l'Union pour la classification
internationale des brevets (Union IPC) fondée par l'Arrangement de
Strasbourg pour la classification internationale des brevets de 1971. Il faut
signaler que dès le 19 décembre 195417, une convention
européenne sur la classification internationale des brevets avait
été signée grâce au Conseil de l'Europe.
1.1.2. Les exemptions et alternatives au brevet
Le brevet connaît d'une manière
générale des exceptions et alternatives qui ne sont pas
spécifiques aux brevets pharmaceutiques.
1.1.2.1. Les exemptions
On s'attachera de rappeler simplement les exclusions
traditionnelles en Europe et l'exemption en faveur de la recherche.
16 MARCELLIN Yves, « Le droit français de la
propriété intellectuelle », éd. CEDAT, Paris, 1999,
p. 302
17 Idem.
1.1.2.1.1. Les exclusions traditionnelles en Europe
En Europe, les brevets ne sont pas admis si leur publication
ou leur exploitation est contraire à l'ordre public et aux bonnes
moeurs. Les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et
chirurgicales sont elles aussi traditionnellement exclues des brevets. Cette
exclusion vise à préserver les échanges des connaissances
médicales et du savoir-faire pour le bénéfice des
patients. Elles ne concernent pas les dispositifs médicaux et les
médicaments.
1.1.2.1.2. L'exemption en faveur de la recherche
En Europe, une exemption pour la recherche académique
est traditionnellement mentionnée dans la plupart des
législations nationales. Son objet est de permettre à des
chercheurs de mener leurs travaux sans payer de droit de licence à
l'inventeur, dès lors que cette recherche n'a pas de but commercial. Il
existe néanmoins des alternatives au brevet.
1.1.2.2. Alternatives au brevet : les
procédés délibérément non
brevetés
Lorsqu'une entreprise estime que ses concurrents ont peu de
chance de percer l'un de ses secrets de fabrication pendant la durée de
couverture d'un éventuel brevet, elle peut choisir de ne pas en
déposer, ce qui comporte un risque et un avantage.
Le risque est que, si un de ses concurrents découvre le
même procédé et prend un brevet sur lui, elle peut se voir
interdire d'utiliser sa propre invention (le droit français et le droit
américain diffèrent sur ce point, l'un considérant la
preuve de date de la découverte, et l'autre la date de sa publication).
Le droit français comporte également une exception dite de «
possession personnelle »18, permettant à une personne
qui en apporte la preuve que l'invention alléguée de
contrefaçon était effectivement déjà en sa
possession avant la date de dépôt du brevet. Dans ce cas,
l'exploitation ne pourra continuer que pour cette personne et que sur le
territoire français.
S'agissant de l'avantage, s'il n'y a pas de brevet, le
procédé n'est pas publié et la société peut
espérer l'exploiter en théorie sans limitation de durée
(dans la pratique, bien entendu, quelqu'un retrouvera bien l'idée un
jour ailleurs) et sans exclusivité.
18 Nous le verrons plus en détail dans la partie
concernant les exceptions aux brevets
1.2. La brevetabilité du médicament
La question de la brevetabilité du médicament
nous conduira à traiter successivement de l'objet et de la portée
du brevet protégeant un médicament.
1.2.1. L'objet du brevet protégeant un
médicament
L'argument avancé par le secteur pharmaceutique
aujourd'hui est que la généralisation du système des
brevets est indispensable au financement de la recherche. En effet, grâce
aux brevets, les firmes possèdent un monopole sur la vente des
médicaments brevetés et peuvent de la sorte maintenir des prix
élevés pendant au minimum vingt ans. Les profits engendrés
grâce à ce privilège permettraient ensuite aux firmes de
relever le défi financier de la recherche médicale. En
définitive, selon cette logique, c'est l'humanité tout
entière qui profite des progrès de la recherche médicale
ainsi financée.
Pour mieux cerner la question nous examinerons les
différentes raisons qui ont pu être invoqués dans le
passé, soit en faveur de la non- brevetabilité du
médicament, soit en faveur de sa brevetabilité et les solutions
adoptées quant à la protection du médicament
1.2.1.1. La controverse relative à la protection du
médicament par brevet
Nous aborderons cette controverse à travers le bilan
des arguments relatifs à la brevetabilité ou non du
médicament. Mais pour mieux faire la part des choses il ne serait pas
ici inutile de rappeler très brièvement les
particularités.
1.2.1.1.1. Particularités du médicament
La définition européenne du médicament
est précisée dans la Directive 65/65/CEE du 26 janvier 1965.
En France, une transposition de ce texte en Droit national a
été effectuée par 1'Ordonnance du 23 septembre 1967,
modifiée le 31 décembre 1971 et le 10 juillet 1975, et
insérée dans l'article L.511 du Code de la Santé
Publique.
« On entend par médicament, toute substance ou
composition présentée comme possédant des
propriétés curatives ou préventives à
l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi
que tout produit pouvant être administré à
l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic
médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions
organiques. » Le médicament est donc un produit de consommation
particulier :
? Il a une vocation de santé publique : c'est un produit
réglementé qui n'est pas soumis aux mêmes lois de 1'offre
et de la demande qu'un produit de consommation courante. ? Il a un mode de
financement spécifique : dans le cadre de la solidarité
collective, les organismes de protection sociale peuvent prendre en charge une
partie ou la totalité de la dépense pharmaceutique.
? C'est un produit actif nécessaire à la
santé, mais qui peut comporter des risques : c'est pourquoi la
totalité du cycle (production, dispensation, récupération)
du médicament est très étroitement encadrée et
confiée à la responsabilité de pharmaciens.
? C'est un bien industriel : il est fabriqué par des
entreprises dont la rentabilité doit assumer une recherche de haut
niveau et coûteuse.
Les particularités du médicament expliquent les
discussions et polémiques parfois passionnées qu'a
suscitées sa protection par brevet en France comme à
l'étranger.
1.2.1.1.2. Les arguments relatifs à la
brevetabilité
Nous examinerons successivement les arguments contre la
brevetabilité et ceux en faveur de la brevetabilité.
a) Les arguments contre la brevetabilité
Au premier rang des arguments, il y avait le souci de la
santé publique. Cet argument qui reste encore d'actualité nous
paraît le plus important.
En effet, l'industrie pharmaceutique tire son origine de
l'intérêt général ; et on a pu penser que
l'intérêt même de la santé publique devait
écarter du domaine de la brevetabilité tout ou partie de ce qui
avait rapport à l'industrie pharmaceutique.
La raison d'une telle exclusion qui ne relève pas de
motifs purement logiques et économiques, provenait essentiellement du
fait qu'on a pu estimer que les droits classiques de propriété
industrielle qui pourraient être attribués aux objets de la
recherche pharmaceutique risqueraient de conduire à des monopoles
abusifs, nuisibles aux intérêts immédiats de santé
publiques. De même on a estimé que les produits brevetés
par une
firme pourraient entraver dans le même domaine les
recherches par les concurrents de cette firme.
b) Les arguments en faveur de la brevetabilité
Les arguments évoqués ici trouvent leur base
dans l'organisation même de l'industrie pharmaceutique et l'importance
des investissements qui la caractérisent.
En effet, l'industrie pharmaceutique présente une
importance très grande de par sa mission de mettre au point en
permanence de nouveaux médicaments, non pas simplement pour
améliorer ceux existants, mais encore pour chercher à apporter
des moyens thérapeutiques modernes dans le traitement de nouvelles
maladies et des maladies encore difficiles à soigner.
Cette mission exige, d'un autre côté, que cette
industrie emploie un personnel assez impressionnant sur le plan quantitatif et
qualitatif et consacre une grande partie de son budget dans la recherche.
Il paraît donc absolument essentiel que les fruits de
cette recherche puissent effectivement être protégés pour
pouvoir être rentabilisés. Certains auteurs ont pu écrire
à propos qu'il était plus juste de protéger les
médicaments que de dépouiller les inventeurs, ceux-là qui
ont le plus mérité de la reconnaissance du public19.
D'autres ont estimé que le développement et la protection de la
recherche thérapeutique s'imposaient comme une nécessité
du point de vue de la santé publique et de l'économie, car il
s'agissait d'un problème essentiel se trouvant au premier rang des
préoccupations de l'Etat et il est même de l'intérêt
de celui-ci d'avoir une recherche dynamique dans le domaine
thérapeutique.
De tous ces arguments, celui qui nous semble plus pertinent
est celui qui justifie l'existence même des brevets, à savoir
l'incitation à la recherche et la publication, par voie des brevets, des
résultats de la recherche.
Le bien- fondé des raisons invoquées de part et
d'autre pour justifier la brevetabilité ou non du médicament
explique bien la diversité des solutions apportées à ce
problème.
19 Cf. E. Martellière, Les inventions dans le domaine
pharmaceutique : Produits pharma., mars 1962, p. 121
1.2.1.1.3. Les solutions adoptées quant à la
protection du médicament par brevet
Comme nous venons de le voir, deux positions se
dégagent de la question de la brevetabilité du
médicament.
D'une part, on peut soit penser qu'il est fondamental de
protéger la recherche pharmaceutique et dans ce cas, il paraît
nécessaire, de reconnaître la brevetabilité du
médicament.
D'autre part, si on pense au contraire qu'il est essentiel de
préserver les intérêts de la santé publique, il peut
paraître souhaitable d'éviter la création de monopoles sur
les produits pharmaceutiques utiles à la santé publique. Dans ce
dernier cas où la brevetabilité du médicament ne semble
pas envisageable, il est cependant possible de prévoir que le
procédé de préparation du médicament soit ou non
brevetable. Mais cette possibilité a été
écartée par plusieurs Etats20 qui ont estimé
que cette protection tronquée était encore excessive et risquait
de nuire aux intérêts de la santé publique ; ils ont ainsi
prévu que, dans le domaine du médicament ni le produit, ni le
procédé ne seraient brevetables21.
Par conséquent certains pays refusent toute protection
au médicament ; d'autres lui accordent une protection limitée en
décidant que le médicament n'est pas brevetable, alors que le
procédé est admis à la brevetabilité ; et d'autres
enfin admettent la brevetabilité du médicament et son
procédé d'invention.
Avec la Convention de Munich au plan européen et
récemment l'Accord sur les ADIPIC dans le cadre de l'OMC, on tend
aujourd'hui vers une harmonisation des législations nationales. Cette
harmonisation a conduit presque tous les Etats du monde entier à
reconnaître la brevetabilité du médicament mais avec des
restrictions au profit de la santé publique qui diffèrent d'un
Etat à un autre. Cette solution finalement adoptée ayant pour
objectif de concilier les deux intérêts en présence
à savoir : protéger la recherche pharmaceutique et
préserver la santé publique ne reste pas sans poser des
problèmes réels d'accès aux médicaments. Voyons
à présent ce qui se passe en France, seul pays à avoir
instauré dans le passé un titre spécial de protection du
médicament.
20 On peut citer comme exemple : le Japon, l'Allemagne, l'Italie,
les Pays-Bas etc.
21M. DE HAAS, Brevet et médicament en droit
français et en droit européen, LITEC, Paris, 1981, p. 62.
1.2.1.2. La situation en France
Il faut ainsi rappeler que, pendant plus d'un siècle,
en France et dans de nombreux pays européens, le médicament n'a
pas pu faire l'objet d'une protection par brevets22. Une loi de
184423, adoptée en suivant l'avis des pharmaciens et contre
celui des chimistes, excluait les préparations thérapeutiques des
objets susceptibles d'être brevetés. La principale raison
avancée était la crainte de voir le médicament
breveté monopolisé par un fabricant tout en recevant une sorte de
label officiel.
Entre la fin du XIXè siècle et les années
50, des débats récurrents ont ainsi opposé les industriels
fournisseurs de " préparations " et les professionnels de la
santé, en particulier les pharmaciens d'officine. Les uns mettaient en
avant la juste rétribution de l'inventeur, la pureté chimique
croissante et la reproductibilité de leurs produits. Les autres
invoquaient la nécessité du jugement professionnel des
procédés et de l'efficacité des médicaments, les
risques que représentaient pour la santé publique les
intérêts commerciaux24.
La multiplication des médicaments de synthèse
produits par les grandes entreprises a fini par avoir raison de ces
oppositions. Après 1945, le statut du médicament a
progressivement été aligné sur celui des autres biens
industriels. Malgré cette évolution, la spécificité
des molécules d'intérêt médical n'a pas totalement
disparu : diverses formules de compromis entre les exigences de la
propriété industrielle et celles de la santé publique ont
été avancées. En France, dans les années 50, on a
par exemple établi un " brevet spécial du médicament
"25. Dans ce cadre, l'Etat se donnait le droit, lorsque
l'intérêt collectif l'exigeait, d'imposer au titulaire d'un tel
brevet l'octroi de licences ou des modifications des conditions
d'exploitation.
22Cf. J. Azéma, Existe-t-il encore une
spécificité du brevet pharmaceutique ?, JCP, 1990,
éd. E., II, 15744, p. 254.
23 Loi du 5 juillet 1844 excluant de la protection par brevet
« les compositions ou remèdes de toute espèce ».
24 Lire à ce sujet.), Le droit des brevets,
Dalloz, Paris, 2005, p. 43.
25 VIVANT (M.), LEMAY (R.), Les médicaments :
particularités du brevet, Droit social, 1971, n1.
1.2.1.2.1. Le Brevet Spécial de Médicament et sa
réforme
Si les procédés de préparation des
produits thérapeutiquement actifs sont brevetables en France depuis
194426, le médicament est devenu effectivement brevetable
pour la première fois, d'une part, par l'ordonnance du 4 février
195927 et, d'autre part en conformité des dispositions du
décret du 30 mai 1960, relatives au nouveau titre créé, le
brevet spécial de médicament (BSM).
Le législateur, dans l'ordonnance
précitée, a choisi à l'époque de créer un
titre spécial28 qui tienne compte du particularisme du
médicament pour préserver les intérêts de la
santé publique. « Le médicament ne peut être
assimilé à tous les produits de l'industrie ; sa qualité,
son prix intéressent la santé publique et ne peuvent être
abandonnés au seul mécanisme du marché29
». C'est pourquoi l'article 603 du Code30 d'alors pose le
principe d'un brevet spécial de médicament, en habilitant les
pouvoirs réglementaires à apporter au régime de la loi du
5 juillet 1844 les aménagements qui pourraient sembler
utiles.31
Le législateur de 1959, en refusant de faire entrer le
médicament dans le droit commun des brevets a cependant reconnu la
nécessité d'une protection et a ainsi créé un titre
spécial qui répond à des règles
particulières formulées par décret.32
26 Loi du 27 janvier 1944.
27 Ordonnance n° 59-250 du 4 février 1959.
28 L'article 5 de cette ordonnance du 4 février 1959
est rédigé ainsi : « Ne sont pas susceptibles d'être
brevetés :
1) Les compositions pharmaceutiques ou remèdes de
toute espèce sous réserve des dispositions relatives aux brevets
spéciaux de médicament et à l'exclusion des
procédés, dispositifs st autres moyens servant à leur
obtention ;
2) Sans changement ».
29 Motifs que les rédacteurs de l'ordonnance du 4
février 1959 ont invoqués pour créer le BSM
30 Cet article L. 603 du Code de la santé publique
dispose que : « Les brevets spéciaux d'invention seront
accordés à tout demandeur pour des médicaments par le
ministre chargé de la propriété industrielle. Les
décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 605
ci-dessous pourront établir des règles particulières aux
brevets spéciaux de médicament : ils devront notamment
prévoir la délivrance d'un avis documentaire sur la
nouveauté. Cet avis sera susceptible d'opposition de la part des
bénéficiaires et des tiers intéressés.
Les droits attachés aux brevets spéciaux de
médicament ne sont pas opposables à la fabrication de produits
pharmaceutiques sous forme de préparations magistrales ».
31 Il s'agit de deux aménagements énoncés
par la loi elle-même. Le premier de ces aménagements était
l'institution d'un avis documentaire sur la nouveauté qui devait
permettre aux tiers, à la lecture du brevet publié, de
connaître l'art antérieur susceptible de porter atteinte à
la validité du titre. Le second aménagement consistait dans une
procédure permettant au gouvernement de faire échec à
l'exclusivité conférée à son détenteur par
un brevet de médicament chaque fois que la mise du médicament
à la disposition du public ne se faisait pas dans des conditions
satisfaisantes, soit parce que l'inventeur tardait à exploiter son
invention, soit parce qu'il ne produisait pas sur une échelle suffisante
ou encore si sa production laissait à désirer en qualité
ou en prix.
32 Décret du 30 mai 1960 pris en application de
l'ordonnance n° 59-250 du 4 février 1959. L'article 3 de ce
décret est fondamental pour ce qui concerne l'objet même du brevet
spécial de médicament. D'après cet article, « Et
susceptible d'être valablement breveté, comme médicament
nouveau, tout produit et toute substance ou composition conforme à la
disposition de l'article L. 511 du Code de la santé publique,
présenté pour la première fois comme possédant en
thérapeutique humaine des propriétés curatives,
La France était en 1960 dotée d'un
système à deux types de brevet ; elle a été le seul
pays au monde à avoir réalisé un tel système dans
le but de préserver les intérêts de la santé
publique33. Mais les choses ont vite évolué. Ce statut
particulier fait au médicament s'est révélé
néfaste lorsque s'est développée une véritable
activité industrielle pharmaceutique et qu'il est devenu
nécessaire, dans ce domaine plus encore que dans d'autres, d'encourager
la recherche. Le brevet est alors apparu comme le moteur irremplaçable
du développement de la recherche et l'indispensable instrument de sa
protection34. Ainsi, à partir de 1968, les lois modernes
reconnaissant la brevetabilité du médicament ont supprimé
le BSM et admis ce dernier dans le droit commun tout en lui reconnaissant
certains particularismes juridiques.
1.2.1.2.2. Le principe de la brevetabilité et la
définition du médicament
L'article 3 du décret de 1960 et la loi de 1968 posent
le principe de la brevetabilité du médicament en s'inspirant de
la définition du médicament donnée par l'article L. 511 du
Code de la santé publique. La définition initialement
donnée par cet article a été étendue en
196735aux médicaments
vétérinaires36. Mais entre 1960 et 1968, seuls les
médicaments destinés à l'usage humain pouvaient être
brevetés. C'est à partir du 1er janvier 1968 que les
médicaments à usage humain ou vétérinaires sont
indifféremment brevetables37.
La loi française de 1968 telle que
révisée en 197838 ne fait pas référence
au Code de la santé publique et formule la brevetabilité des
médicaments en son article 6, paragraphe 4, qui reprend la disposition
de l'article 52, paragraphe 4, de la convention de Munich. La première
phrase de ce paragraphe exclut de la brevetabilité les méthodes
de traitement chirurgical ou thérapeutique et les méthodes de
diagnostic appliquées au corps humain ou animal. Mais cette exclusion de
la brevetabilité est limitée aux seules méthodes de
traitement ou de diagnostic. La seconde phrase du paragraphe ajoute par la
suite que
préventives, diététiques, ou utilisables
pour l'administration à l'homme, en vue du diagnostic. Toutefois, n'est
pas considérée comme médicament nouveau toute composition
dont les propriétés ne sont pas différentes de l'addition
des propriétés connues de ses constituants ».
33 M. DE HAAS, Brevet et médicament en droit
français et en droit européen, LITEC, Paris, 1981, p. 77
34 Cf. J. Azéma, Existe-t-il encore une
spécificité du brevet pharmaceutique ?, JCP, 1990, éd. E.,
II, 15744.
35 Ordonnance n° 67-826 du 23 septembre 1967
36 Il faut signaler que cette extension n'a pas eu pour effet
d'étendre de plein droit l'article L. 603 du Code de la santé
publique instituant le brevet spécial de médicament aux
médicaments vétérinaires
37 Voir R. GAUMONT, Le médicament : brevetabilité
et portée du brevet, RTD Com., 1980, 443
38 Loi n° 68-1 du 2 janvier 1968 (J.O. 3 janvier)
modifiée et complétée par la loi n° 78-742 du 13
juillet 1978 (articles 6, 8 et 30).
l'exclusion ne s'applique pas aux « produits, notamment
aux substances ou compositions, pour la mise en oeuvre d'une de ses
méthodes ».
Ainsi, au sens de la convention de Munich et de la loi
française, le médicament consiste :
? dans un produit, notamment une substance ou composition
? pour la mise en oeuvre d'une méthode de traitement
chirurgical ou thérapeutique ou d'une méthode de diagnostic
? appliquée au corps humain ou animal.
1.2.1.2.3. Le régime actuel du brevet de
médicament
Le brevet s'est progressivement détaché des
motifs de santé publique pour enfin s'intégrer dans le droit
commun.
En effet, pour être brevetable une nouvelle invention
doit remplir certaines conditions qui ne sont pas spécifiques au
médicament puisqu'il est question de respecter les conditions de droit
commun du brevet.
L'article L. 611-10 du Code de la propriété
intellectuelle précise que : « sont brevetables les inventions
nouvelles39impliquant une activité inventive40et
susceptibles d'application industrielle41 ».
Aujourd'hui, le droit régissant les brevets est
extrêmement complexe. Tout d'abord, il s'est ajouté aux
législations nationales de nombreuses conventions internationales dont
le contenu est diversifié et le champ géographique variable.
La convention de base est la convention de Paris de 1883 pour
la protection de la propriété industrielle. Elle a posé
les premiers jalons de la protection internationale des droits de
propriété intellectuelle, tels que le principe du traitement
national, le droit de
39 L'invention est considérée comme nouvelle si
« elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ».
Suivant l'art. L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle
« l'état de la technique est constitué par tout ce qui a
été rendu accessible au public avant la date de
dépôt de la demande du brevet par une description écrite ou
orale, un usage ou un autre moyen ».
40 S'agissant de ce critère, l'article L 611-14 du Code
de la propriété intellectuelle dispose qu' « une invention
est considérée comme impliquant une activité inventive si,
pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière
évidente de l'état de la technique. Si l'état de la
technique comprend des documents mentionnés au troisième
alinéa de l'article L. 611-11, ils ne sont pas pris en
considération pour l'appréciation de l'activité inventive
».
41 En outre, l'exigence du caractère industriel de
l'invention provient de l'article L. 611-15 qui indique qu' « une
invention est considérée comme susceptible d'application
industrielle si son objet peut être fabriqué ou utilisé
dans tout genre d'industrie, y compris l'agriculture ».
priorité et d'autres droits minimaux. Elle a
également conduit à la création d'un Bureau international
à Berne. Celui-ci est entre-temps devenu l'Organisation mondiale de la
propriété intellectuelle (OMPI), qui a son siège à
Genève. Cette convention a été ratifiée par plus de
100 pays.
Au niveau européen, l'intégration du brevet dans
le droit commun s'est réalisée grâce au droit
européen. La protection par le brevet a subi une modification dans
l'optique d'unifier le droit des brevets et d'encourager la libre circulation
des produits brevetés dans l'Union européenne.
Il faut signaler en passant que récemment, l'UE a
mené à bien la révision de sa législation
pharmaceutique42. A l'issue d'une procédure de
codécision engagée en juillet 2001, la Commission
européenne, le Parlement et le Conseil sont parvenus à
élaborer une position commune (adoptée par le Parlement en
décembre 2003 et approuvée par le Conseil en mars 2004). La
nouvelle mouture de la législation pharmaceutique de l'UE introduit un
certain nombre d'avancées importantes pour le secteur des
génériques, notamment en rendant l'accès à ce type
de médicaments plus facile pour les patients et les systèmes de
santé publique. Les nouvelles dispositions renforcent également
le niveau de protection dont bénéficient les entreprises
pharmaceutiques innovantes, de telle sorte que celles-ci puissent être
assurées de bénéficier de retours sur investissement suite
au développement et à l'introduction de nouveaux produits sur le
marché.
1.2.2. La portée d'un brevet visant un
médicament
Nous examinerons ici les différentes incidences du
brevet de médicament notamment sur l'accès aux soins de
santé. Nous commencerons d'abord par une étude des droits
conférés par un brevet de médicament.
1.2.2.1. Les droits conférés par le brevet de
médicament
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, un brevet ne
confère ni un droit exclusif d'exploitation de l'invention ni un droit
de propriété mais un titre permanent d'empêcher les tiers
d'exploiter ou de réaliser l'invention. Comme mentionné dans le
considérant n° 14
42 Directive 2001/83/CE et règlement 2309/93
de la directive européenne, « un brevet
d'invention n'autorise pas son titulaire à mettre son invention en
oeuvre, mais se borne à lui conférer le droit d'interdire aux
tiers de l'exploiter à des fins industrielles et commerciales
»43.
Le brevet destiné à protéger la
propriété intellectuelle de l'inventeur doit être
demandé relativement tôt après la découverte du
nouveau médicament pour éviter les risques de divulgation ou
l'aboutissement de recherches menées en parallèle. Par
conséquent, le brevet est généralement
déposé avant l'autorisation de mise sur le marché,
dès la phase expérimentale et notamment pendant les essais
clinique. « A prendre le brevet trop tôt on s'expose, à
l'inverse, au risque de n'être plus protégé suffisamment
longtemps après la mise sur le marché, et d'être trop vite
soumis à la concurrence des génériques
»44.
Pour obtenir la protection, l'inventeur doit divulguer les
résultats de son invention. Il se voit attribuer en contrepartie pendant
20 ans un monopole d'exploitation. Ce droit résulte de l'article L.
613-3 du Code de la propriété intellectuelle qui précise
que « sont interdites, à défaut de consentement du
propriétaire du brevet :
? la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce,
l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins
précitées du produit objet du brevet ;
? l'utilisation d'un procédé objet du brevet ou,
lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que
l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du
propriétaire du brevet, l'offre de l'utilisation sur le territoire
français ;
? l'offre, la mise dans le commerce ou l'utilisation ou bien
l'importation ou la détention aux fins précitées du
produit obtenu directement par le procédé objet du brevet
»
Ainsi, dès qu'un médicament est breveté,
« les entreprises concurrentes se heurtent à une barrière
à l'entrée du marché. Trois possibilités s'ouvrent
à elles, soit abandonner le marché et laisser le champ libre
à l'entreprise innovatrice d'amortir ses frais de recherche par son
monopole, soit acheter des licences ou enfin, se lancer dans la production d'un
produit similaire. Elles doivent alors à leur tour consentir un effort
de recherche. Elles y sont contraintes par les nécessités du
marché »45.
43 Cf. Convention sur la délivrance de brevets
européens, signée à Munich le 5 octobre 1973.
44 P. Pignarre, «Qu'est-ce qu'un médicament ? Un
objet étrange, entre science, marché et société
», Paris, éd. La Découverte, 1997, p. 100.
45 J. Le Dimet, « Brevet et performances internationales
de l'industrie pharmaceutique », Thèses Economie et finances
internationales, Grenoble 1988, p.110.
46 Selon l'article L. 612-6 du Code de la
propriété intellectuelle « les revendications
définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent
être claires et concises et se fonder sur la description ».
Toutefois, ce monopole d'exploitation du détenteur du
brevet est déterminé dans son étendue par les
revendications,46 c'est-à-dire par l'objet de l'invention.
En outre, quoique le brevet soit un instrument juridique
essentiel pour protéger le breveté, il se trouve limité
puisque la protection qu'il confère n'est que temporaire
conformément à la théorie de l'épuisement du droit
qu'on étudiera plus tard.
A présent intéressons-nous à l'impact
réel de la protection par brevet dans le domaine
de la santé.
1.2.2.2. Etude de l'Impact de l'extension de la protection
par brevet aux produits pharmaceutiques
La protection des données de la recherche
empêchant leur utilisation par des concurrents potentiels et certaines
dispositions nationales concernant l'autorisation de mise sur le marché
des médicaments peuvent avoir pour effet de limiter la concurrence. Mais
il est difficile de savoir si, et dans quelle mesure, ces dispositions
nationales contribuent à stimuler le comportement souhaité ou
entravent au contraire l'accès aux produits innovants. En outre, des
accords commerciaux bilatéraux et régionaux qui mettent en avant
les considérations économiques peuvent ne pas prendre en compte
la nécessité d'accorder un traitement spécial aux produits
de santé. Il serait donc intéressant de savoir si le fait
d'étendre le champ de la protection conférée par le brevet
aux mécanismes d'action, utilisations et autres traits
caractéristiques d'un produit pharmaceutique encourage ou entrave
l'innovation à long terme.
Quelles sont alors les incidences des brevets pharmaceutiques
sur la recherche et le développement, les profits de l'industrie
pharmaceutique et le coût des médicaments pour les consommateurs.
Notre analyse portera d'une part sur les impacts au niveau de l'industrie et
d'autre part sur le coût des médicaments.
1.2.2.2.1. Impacts au niveau de l'industrie
pharmaceutique
Nous verrons ici l'impact sur la recherche et le
développement dans un premier temps, puis dans un second temps celui
relatif aux recettes et aux profits de l'industrie.
a) Impact sur la recherche et le développement des
produits pharmaceutiques
Les fabricants de produits pharmaceutiques affirment que la
protection conférée par les brevets doit être d'envergure
afin qu'ils puissent recouvrer les coûts substantiels de recherche et de
développement qu'ils encourent. Ils maintiennent également que la
protection par brevet stimule l'investissement dans la recherche et le
développement, améliorant ainsi l'activité
économique de l'industrie et le développement de produits
nationaux.
A vrai dire, relativement peu de médicaments arrivant
sur le marché constituent des « percées ». En France,
les nouveaux médicaments sont évalués par l'équipe
de la revue Prescrire. Entre 1981 et 1997, Prescrire a rendu
compte de l'évaluation de 1536 médicaments : sept d'entre eux
constituaient des innovations thérapeutiques majeures dans un domaine
où aucun traitement n'avait existé auparavant; 60 étaient
des innovations thérapeutiques importantes, moyennant quelques
limitations; 149 possédaient une certaine valeur mais n'apportaient
aucune modification fondamentale à la pratique thérapeutique en
vigueur; 330 d'entre eux avaient peu de valeur et n'étaient
destinés à changer les habitudes de prescription que dans des
circonstances exceptionnelles; 850 d'entre eux n'offraient aucun nouvel
avantage clinique comparativement aux produits déjà disponibles;
49 d'entre eux n'offraient aucun avantage clair mais présentaient, au
contraire, des inconvénients réels ou potentiels;
l'évaluation des 91 autres produits a été
reportée.
Le renforcement de la protection conférée par
les brevets ne constitue qu'un seul facteur visant à favoriser
l'investissement dans la R&D. Un autre facteur réside dans les
avantages offerts dans le cadre du système fiscal français. Si
cela est le cas, le résultat final n'offre aucun avantage additionnel
aux consommateurs. De plus, même l'avantage présumé pour
l'économie française doit être soupesé contre le
fardeau social que cela représente en termes d'accès aux soins de
santé et les coûts économiques que cela entraîne pour
consommateurs et assureurs, autant privés que publics.
b) Impact de la protection par brevet sur les recettes et les
profits de l'industrie
Ceux qui critiquent la position de l'industrie pharmaceutique
font remarquer que, malgré les affirmations de cette dernière
quant à ses coûts élevés de recherche et de
développement, l'industrie n'est pas en train de souffrir sur le plan
financier. En effet dans son numéro d'avril 2000, la revue Fortune a
placé les fabricants de médicaments d'origine au premier rang des
industries les plus profitables de la planète. Selon le rapport, les
fabricants de médicaments d'origine auraient connu un très
respectable rendement de l'avoir des actionnaires d'environ 36 %. Le
système de licences obligatoires en place n'aurait pas nui à la
profitabilité de l'industrie pharmaceutique.
En effet, malgré l'importante croissance qu'a connue
l'industrie générique, les fabricants de médicaments
brevetés ont continué d'amasser d'excellents profits. La
profitabilité de l'industrie pharmaceutique découle en partie de
l'énorme demande pour ses produits. Contrairement à d'autres
produits de consommation, les médicaments d'origine contribuent de
façon essentielle (estime-t-on) au maintien de la santé, et peu
d'alternatives sont disponibles (semblerait-il), grâce, en partie,
à la protection conférée par les brevets. Les prix
constituent sans doute le meilleur reflet de l'emprise que maintient
l'industrie sur le marché. Les prix « sortie usine » ne
reflètent pas les coûts de production. Rien ne laisse croire que
les profits de l'industrie sont en train de diminuer.
L'industrie pharmaceutique maintient que le prix actuel de ses
produits est fixé en tenant compte des coûts de recherche et de
développement. Elle soutient également que la R&D ne serait
pas soutenable sur le plan financier en l'absence d'une période de
protection par brevet de longue durée et du maintien du prix actuel.
Bien qu'il soit reconnu que les brevets devraient conférer une
protection raisonnable, les facteurs mentionnés ci-dessus font
contrepoids à l'argument selon lequel les prix actuels seraient toujours
nécessaires pour recouvrer les coûts de la recherche et du
développement.
1.2.2.2.2. Le coût prohibitif des médicaments
et l'augmentation des dépenses de santé
Le droit exclusif de commercialiser un produit pendant la
durée de validité du brevet permet au titulaire de
récupérer une partie ou la totalité de son investissement
initial en faisant payer ce produit plus cher. Toutefois, le coût pour la
société, en particulier pour les pauvres, va être
très élevé si les droits de propriété
intellectuelle sont utilisés au-delà de ce
pour quoi ils ont été initialement
conçus, c'est-à-dire non pas comme un moyen de stimuler
l'innovation mais comme un outil commercial restreignant indûment la
concurrence. Bien que le prix ne soit que l'un des facteurs qui
détermine l'accès aux produits pharmaceutiques, il joue un
rôle très important.
a) Impact de la protection par brevet sur le coût
global des médicaments et sur les assureurs publics et privés
L'extension de la protection par brevet a eu un impact sur le
coût des médicaments en France. Le coût global des
médicaments a augmenté parce que la concurrence des produits
génériques est autorisée dans une plus faible mesure.
Les programmes d'assurance-maladie publics répondent
à l'accroissement des coûts des médicaments d'ordonnance
par l'entremise de plusieurs mécanismes de contrôle des
coûts, notamment la restriction des listes de médicaments
assurés, l'établissement de programmes d'accès
spécial pour certains médicaments et le transfert d'une part des
coûts aux consommateurs. Ces frais dissuasifs (tickets
modérateurs) ont un effet dramatique sur les groupes les plus
vulnérables de la société qui finissent par renoncer aux
soins.
Les assureurs privés répondent de façon
semblable à l'accroissement des coûts, notamment par
l'augmentation des primes et des franchises imposées aux employés
et par l'établissement de taux plafonds mensuels, annuels ou viagers
pour la couverture des médicaments.
Selon certains responsables d'entreprises le coût
croissant des médicaments est le premier facteur contribuant à
l'accroissement des dépenses liées à leur programme
d'assurance-maladie.
b) Impact de la protection par brevet sur les consommateurs
et leur santé
De toutes les dépenses liées aux soins de
santé, le coût des médicaments s'accroît le plus
rapidement. Les coûts liés aux médicaments (y compris les
médicaments administrés dans les hôpitaux, les
médicaments d'ordonnance, les médicaments en vente libre
constituent la portion plus importante de toutes les dépenses
liées à la santé assumée par des personnes qui
n'ont pas d'assurance publique ou privée. Autrement dit, les coûts
liés à
l'achat de médicaments par les particuliers constituent
la plus importante catégorie de dépenses privées en
matière de santé. Il s'agit également de la
catégorie qui connaît la plus rapide croissance. Les pauvres
dépensent une portion bien plus importante de leurs revenus sur les
médicaments d'ordonnance que les nantis.
L'accroissement des coûts des médicaments
d'ordonnance entraîne des « gymnastiques » et des compressions
budgétaires. En théorie, des fonds publics destinés aux
soins actifs pourraient être consacrés à l'achat des
médicaments. Cependant, la réalité veut que tous les
coûts liés aux soins de santé - médicaments,
médecins, hôpitaux - continuent d'augmenter plus vite que la
volonté des gouvernements de fournir un financement adéquat. La
difficulté de l'Etat à faire face à l'accroissement des
dépenses de santé conduit à la mise en place des
politiques de réduction de ses dépenses. Mais que vaut un
système de santé si les populations ne peuvent pas accéder
aux médicaments en raison des coûts ?
Nous aborderons dans le prochain chapitre, les mesures prises
pour limiter les effets négatifs de la protection des médicaments
par brevet et les problèmes qui demeurent.
2. L'AJUSTEMENT JURIDIQUE DES LOGIQUES ÉCONOMIQUES
ET SANITAIRES FACE AU PARTICULARISME DES MEDICAMENTS
Le médicament relève d'un domaine très
sensible qui est celui de la santé. C'est un bien particulier qui fait
l'objet d'intérêt général. Pour cela, dans un
premier temps, les textes ont prévu des restrictions aux doits
conférés par un brevet de médicament afin de
répondre aux préoccupations de santé publique et
d'accès aux soins. Dans un second temps, l'État a mis en place
une politique de remboursement des médicaments pour en faciliter
l'accès aux populations. Cette politique, nous le verrons, qui semble
résoudre le problème de l'accès aux médicaments,
connaît de nos jours ses limites.
2.1. Les limites aux droits conférés par un
brevet de médicament dans l'intérêt de la santé
publique
La protection des produits pharmaceutiques au moyen de brevets
est un domaine où le problème consistant à trouver un
juste équilibre est particulièrement aigu à savoir entre
l'objectif d'encourager la découverte de nouveaux médicaments et
celui d'offrir un accès abordable aux médicaments existants. Il
est tout particulièrement important du point de vue social et pour la
santé publique que de nouveaux médicaments et vaccins soient
créés afin de traiter et de prévenir les maladies et que
cette création soit encouragée efficacement par le régime
des brevets. Et c'est précisément en raison de leur valeur pour
la société que les médicaments ainsi créés
doivent être rendus largement accessibles le plus rapidement possible.
Le régime de brevets permet, d'une part, d'accorder des
droits exclusifs aux inventeurs de nouveaux médicaments et
prévoit, d'autre part, que pour bénéficier de tels droits
(pour être brevetable), un médicament doit être nouveau,
résulter d'une activité inventive, avoir des applications
industrielles et être entièrement divulgué, et
qu'après une période de protection, l'invention doit tomber dans
le domaine public et être librement utilisable par tous. L'Accord sur les
ADPIC contient en outre plusieurs dispositions qui permettent aux gouvernements
de mettre en oeuvre leur régime de propriété
intellectuelle de façon à tenir compte de considérations
de santé publique immédiates et à plus long terme. Il est
expressément reconnu, à l'article 8, que les Membres de l'OMC ont
le droit d'adopter les mesures nécessaires pour protéger la
santé publique..., à condition que ces mesures soient compatibles
avec les dispositions du présent accord". L'Accord prévoit
également certaines
exemptions à la brevetabilité, la
possibilité d'assujettir les droits exclusifs à des exceptions
limitées, la concession de licences obligatoires et l'importation
parallèle. Ces dispositions sont examinées plus en détail
ci-après.
2.1.1. Importations parallèles et
"épuisement" des droits
Ces exceptions au droit des brevets seront étudiées
l'une après l'autre.
2.1.1.1. Le droit des brevets limités par la
théorie de l'"épuisement" des droits
En l'absence d'harmonisation complète des
législations nationales, les Etats membres demeurent libres de
conférer au détenteur de brevet un monopole d'exploitation sur le
territoire duquel elle s'applique. Ce monopole permet à son titulaire de
s'opposer à toute importation sur le territoire national de produits
identiques à ceux couverts par le droit de la propriété
intellectuelle47.
Mais dans un contexte de marché unique il a
été nécessaire de concilier la protection de la
propriété industrielle et le principe de la libre circulation de
marchandise.
La Cour de justice des communautés européennes a
apporté une solution à ce problème en affirmant que :
« (...) si le traité n'affecte pas l'existence de droits reconnus
par la législation d'un Etat membre en matière de
propriété industrielle et commerciale, l'exercice de ces droits
n'en peut pas moins selon les circonstances, être affecté par les
interdictions du Traité48 ».
Il en résulte que la réglementation nationale a
compétence pour fixer les règles relatives à l'existence
des droits de propriétés industrielles, mais c'est le droit
communautaire qui encadre l'exercice de ce droit.
Ainsi, les droits de propriété intellectuelle
accordés par les législations nationales peuvent être
considérés comme des restrictions aux échanges entre les
Etats membres visés par l'article 30 du Traité de Rome.
Cependant, ces législations peuvent être justifiées au
regard de l'article 36 du même Traité, par des raisons « de
protection de propriété industrielle et commerciale ».
En vérité, « la Cour de justice n'a jamais
voulu reconnaître au titulaire du brevet un droit de suite sur les
médicaments couverts par des droits exclusifs, ce qui aurait permis au
titulaire, en cas d'importations parallèles, de se protéger
contre la concurrence de ses
47 J. Azéma, « Le brevet pharmaceutique »,
Juris-classeur commercial, 1995, fasc. 4280, p. 4
48 C.J.C.E. 31 oct. 1974, Centrafarm BV et A. De Peijper c/
Sterling Drug, Aff. 15/74, Recueil p. 1147, point 6, concl. A. Trabucchi.
produits49 ». Dans un arrêt en date du
31 octobre 197450, la Cour montrait clairement que l'objet
spécifique du droit des brevets consiste « notamment à
assurer au titulaire, afin de récompenser l'effort créateur de
l'inventeur, le droit exclusif d'utiliser une invention en vue de la
fabrication et de la première mise en circulation des produits
industriels, soit directement, soit par l'octroi de licence à des tiers,
ainsi que le droit de s'opposer à toute contrefaçon ».
Du coup, conformément à la théorie
d'origine allemande « d'épuisement du droit » contenue dans la
convention de Munich et consacrée par la jurisprudence de la Cour de
justice des communautés européennes, par la mise sur le
marché et la commercialisation, le
titulaire du brevet épuise son droit ; il ne peut plus
contrôler les actes de commercialisation
subséquents51. Cette théorie a été
transposée en droit interne français par la loi du 13 juillet
197852 dans la mesure où l'article L. 613-6 du Code de la
propriété intellectuelle précise que « les droits
conférés par le brevet ne s'étendent pas aux actes
concernant le produit couvert par ce brevet, accomplis sur le territoire
français, après que ce produit a été mis dans le
commerce en France ou sur le territoire d'un Etat partie à l'accord sur
l'Espace économique européen par le propriétaire du brevet
ou avec son consentement exprès ». Ce qui consiste à limiter
les prérogatives du breveté, après que certains actes
aient été accomplis par lui-même ou avec son consentement
sur le produit objet du brevet, en considérant qu'il a
épuisé les droits que lui conférait le brevet. Il n'est
plus en mesure d'invoquer son droit de propriété intellectuelle
pour faire obstacle à des transactions ultérieures
réalisées par des tiers.
En définitive, la protection conférée par
le brevet se trouve ainsi limitée par la théorie de «
épuisement du droit ». Si elle semble ne pas servir les
intérêts du breveté, elle est néanmoins favorable
à l'accès aux médicaments, ce que nous verrons dans le
cadre des importations parallèles.
2.1.1.2. Les importations parallèles
Le prix d'une marchandise peut être extrêmement
différent d'un pays à l'autre. Plus la différence est
grande, plus un commerçant est tenté d'en jouer et d'acheter de
la
49 C. Henin, « Le médicament en droit communautaire
», éd. De Santé, 1997, p. 371.
50 C.J.C.E. 31 oct. 1974, Centrafarm BV et A. De Peijper c/
Sterling Drug, Cit.
51 Idem
52 L. n° 78-742, 13 juillet 1978, modifiant et
complétant la loi n° 68-1 du 2 janvier 1968 tendant à
valoriser l'activité inventive et à modifier le régime des
brevets d'invention, J.O. 14 juillet 1978, p. 2803.
marchandise en grande quantité dans un pays où
les prix sont bas, de l'importer dans un pays où les prix sont
élevés, puis de l'y écouler, faisant ainsi concurrence aux
marchandises commercialisées par le producteur. C'est
précisément ce que l'on appelle des " importations
parallèles ".
Les sociétés pharmaceutiques fixent parfois un
prix moins élevé dans un pays que dans un autre pour un
même médicament, en tenant compte de divers facteurs du
marché. Cela signifie qu'un pays disposant de ressources limitées
peut parfois obtenir de plus grandes quantités de médicaments
brevetés en les important de l'étranger, à meilleur prix,
plutôt que directement du marché local au prix plus
élevé que demande la compagnie.
Les lois nationales de plusieurs pays, en matière de
brevets, énoncent qu'une fois qu'un titulaire de brevet a vendu sa
marchandise, il n'a pas le droit d'en contrôler la revente. En termes
légaux, le titulaire de brevet a « épuisé » ses
droits de propriété sur ce produit vendu. (Il conserve le droit
exclusif de fabriquer le produit, à l'origine, mais il ne peut pas
empêcher la revente des unités qu'il en a vendues.) Ainsi, un
intermédiaire pourrait acheter un médicament breveté dans
un pays où le fabricant l'offre à un prix moindre, puis le
revendre dans un autre pays à un prix plus élevé mais tout
de même inférieur à celui demandé dans ce pays
d'importation par le fabricant de ce médicament breveté. Il
s'agit là d'une « importation parallèle ». L'Accord sur
l'ADPIC (article 6) énonce qu'aucune de ses dispositions ne peut
être utilisée pour empêcher un pays, à l'OMC, de
permettre des importations parallèles dans le cadre de ses lois
domestiques.
Il existe également d'autres exceptions très
importantes au brevet : les licences non volontaires, les actes
autorisés et l'exception de possession personnelle antérieure,
que nous aborderons successivement.
2.1.2. Concession de licences obligatoires et autres
limites 2.1.2.1. Les licences obligatoires
Il existe plusieurs sortes de licences forcées,
certaines remontent à une époque relativement lointaine et
d'autres plus récentes ; le premier type est celui de la licence
obligatoire pour défaut d'exploitation et un second type est
constitué par la licence d'office dans l'intérêt de la
santé publique. Celle qui nous intéresse ici, c'est le second
type de licence.
2.1.2.1.1. Les licences d'office dans
l'intérêt de la santé publique
Comme le prévoient la plupart des
réglementations nationales et l'accord ADIPIC précédemment
évoqué, une licence obligatoire peut être accordée
lorsque la protection par un brevet est contraire au bien commun.
Il y a délivrance de licence obligatoire lorsque les
pouvoirs publics autorisent un tiers à fabriquer le produit
breveté ou à utiliser le procédé breveté
sans le consentement du titulaire du brevet. Si la formule peut s'appliquer aux
brevets dans n'importe quel autre domaine, il faut noter que dans le
débat public actuel, ce sont habituellement les produits pharmaceutiques
qui sont visés. Cette autorisation des licences obligatoires s'inscrit
dans le cadre de la tentative de trouver un équilibre entre le souci de
promouvoir l'accès aux médicaments existants et la promotion de
la recherche et du développement de nouveaux médicaments.
En effet, l'expression "licences obligatoires" ne figure pas
dans l'Accord sur les ADPIC. Cette pratique relève des "autres
utilisations sans autorisation du détenteur du droit" (article 31), dont
les licences obligatoires ne constituent qu'une partie, puisque les "autres
utilisations" comprennent aussi l'utilisation par les pouvoirs publics à
leurs propres fins. Dans le débat public actuel, les licences
obligatoires sont généralement associées aux produits
pharmaceutiques, mais elles peuvent s'appliquer aux brevets dans tout
domaine.
L'Accord sur les ADPIC ne limite pas les raisons pour
lesquelles les pouvoirs publics peuvent concéder des licences
obligatoires. Toutefois, la concession de licences obligatoires ou
l'utilisation par les pouvoirs publics d'un brevet sans autorisation du
détenteur du droit ne peuvent avoir lieu que si plusieurs conditions
destinées à protéger les intérêts
légitimes du titulaire du brevet sont remplies. L'article 31
énumère un certain nombre de ces conditions. Par exemple, la
personne ou la société qui demande une licence doit avoir
essayé en vain d'obtenir une licence volontaire du détenteur du
droit à des conditions commerciales raisonnables. Toutefois, lorsqu'il
s'agit de situations d'"urgence nationale", d'"autres circonstances
d'extrême urgence" ou d'"utilisation publique à des fins non
commerciales" ou qu'il faut remédier à des pratiques
anticoncurrentielles, il n'est pas nécessaire d'essayer d'obtenir une
licence volontaire. Si une licence obligatoire est délivrée, le
détenteur du droit doit quand même recevoir une
rémunération adéquate, compte tenu de la valeur
économique de l'autorisation (article 31 h).
53 Cette exception a été introduite dans le Code
de la santé publique par la loi L. n° 2004-800 du 6 août
2004, art. 18.
En France, l'article L. 613-1653du Code de la
santé publique dispose que : « Si l'intérêt de la
santé publique l'exige et à défaut d'accord amiable avec
le titulaire du brevet, le ministre chargé de la protection industrielle
peut, sur demande du ministre chargé de la santé publique,
soumettre par arrêté au régime de la licence d'office, dans
les conditions prévues à l'article L. 613-17, tout brevet
délivré pour :
a) Un médicament, un dispositif médical, un
dispositif médical de diagnostic in vivo, un produit
thérapeutique annexe ;
b) Leur procédé d'obtention, un produit
nécessaire à leur obtention ou un produit de fabrication d'un tel
produit ;
c) Une méthode de diagnostic ex vivo
Le même article ajoute que les brevets de ces produits,
procédés ou méthodes de diagnostic ne peuvent être
soumis au régime de la licence d'office dans l'intérêt de
la santé publique que lorsque ses produits, ou des produits issus de ces
procédés, ou ces méthodes sont mis à la disposition
du public (L. n° 2004-1338 du 8 décembre 2004) « en
quantité ou qualité insuffisantes » ou à des prix
anormalement élevés, ou lorsque le brevet est exploité
dans des conditions contraires à l'intérêt de la
santé publique ou constitutives de pratiques déclarées
anticoncurrentielles à la suite d'une décision administrative ou
juridictionnelle devenue définitive.
Enfin lorsque la licence a pour but de remédier
à une pratique anticoncurrentielles ou en cas d'urgence, le ministre
chargé de la protection industrielle n'est pas tenu de rechercher un
accord amiable »
On constate à travers ces dispositions que les
inquiétudes légitimes des populations à propos de la
protection par les brevets des médicaments sont explicitement prises en
compte à côté des intérêts des inventeurs.
Mais qu'en est- de son application dans la réalité ? C'est ce sur
quoi nous allons nous appesantir dans la seconde partie de notre travail. Avant
d'y parvenir, voyons les limites au recours aux licences obligatoires puis les
autres exceptions au brevet.
2.1.2.1.2. Les licences obligatoires : une solution
limitée à manier avec précaution
Presque tous les pays industrialisés ont
déjà recouru aux licences obligatoires Même les Etats-Unis
qui sont très actifs dans la défense du droit des brevets et qui
sont les exceptions faites à l'accord sur les ADIPIC, y ont recouru
après le 11 septembre 2001 pour répondre à leurs besoins
de traitements contre l'anthrax.
Cependant, cet instrument est à manier avec
précaution pour éviter d'une part des poursuites devant l'organe
de règlement des différends (ORD) et pour ne pas
décourager les inventeurs d'autre part. Les licences obligatoires
doivent donc être conçues davantage comme des outils de
négociation face à l'industrie pour obtenir des baisses de prix
adaptées à chaque situation nationale. Le Brésil a
adopté avec succès cette approche pour acquérir des
anti-rétroviraux.
L'octroi de licences volontaires à titre gratuit ou
à prix réduits constitue sans doute une solution de court terme
plus appropriée mais implique le consentement de laboratoires encore
réticents.
2.1.2.2. Autres limites relatives au brevet
Il serait intéressant d'en parler brièvement
même si elles ne profitent pas directement à la santé
publique.
2.1.2.2.1. Actes autorisés
En désignant des actes auxquels le brevet ne peut pas
s'étendre, la loi édicte ainsi des exceptions qui prennent en
compte les intérêts de la santé publique. Dans un premier
temps l'art. L. 613-5 du CPI dispose que : « Les droits
conférés par le brevet ne s'étendent pas :
a) aux actes accomplis dans un cadre privé et à
des fins non commerciales ;
b) aux actes accomplis à titre expérimental qui
portent sur l'objet de l'invention brevetée ;
c) à la préparation de médicaments faite
extemporanément et par unité dans les officines de pharmacie, sur
ordonnance médicale, ni aux actes concernant les médicaments
ainsi préparés ».
2.1.2.2.2. L'exception de possession personnelle
antérieure
L'art. L. 613-7 du CPI permet au prévenu de soulever,
au stade de l'instruction ou devant la juridiction de jugement une exception de
possession personnelle de l'invention objet du brevet antérieurement
à son dépôt.
Ainsi « toute personne qui, de bonne foi, à la date
de dépôt ou de priorité d'un brevet, était, sur le
territoire où le présent livre est applicable en possession de
l'invention objet du brevet, a droit, à titre personnel, d'exploiter
l'invention malgré l'existence du brevet. Le droit reconnu par le
présent article ne peut être transmis qu'avec l'entreprise
à laquelle il est attaché ».
En dehors de toutes ces exceptions qui sont de nature à
protéger la santé publique, l'Etat a mis en place une politique
pour faciliter l'accès aux médicaments des populations. Mais
cette politique trouve ses limites de nos jours. C'est ce que nous verrons
à travers "la prise en charge des médicaments"
2.2. La prise en charge des médicaments
Pour répondre à la demande de soins et permettre
à chacun quelle que soit sa situation financière,
d'accéder facilement au système de santé, les pouvoirs
publics ont instauré, puis étendu à l'ensemble de la
population, des mécanismes d'assurance couvrant le risque maladie.
Ce système collectif et obligatoire, permet aux
bénéficiaires d'être couverts pour leur consommation
médicale par l'assurance maladie.
2.2.1. Le remboursement des médicaments
En France comme dans les autres pays européens, un
système de remboursement des médicaments est mis en place et
assuré par la collectivité. Ce système fondé sur un
droit de créance sociale repose pour l'essentiel sur la
Sécurité Sociale instituée par l'ordonnance du 4 octobre
1945.
2.2.1.1. L'existence d'un droit d'accès au traitement
médicamenteux
Comme le constate si bien M. Hirsch « l'accès au
soin ne se résume pas à des questions purement
économiques, mais soulève avant tout une problème
éthique. »54 Ce problème est celui de
l'inégalité devant la maladie. En Europe, les solutions
apportées à ce problème trouvent leur racine dans
l'idée de solidarité.
En France, le principe de solidarité trouve sa base
légale dans l'article L.111-1 du Code de la sécurité
sociale, lequel dispose que « l'organisation de la Sécurité
Sociale fondée sur le principe de solidarité nationale assure
pour les travailleurs et leur famille, (...) la couverture des charges de
maladie (...) ». Cependant, la Cour de Cassation dans un arrêt du 20
mai 1989, rappelle que l'on ne saurait tirer de l'article L.111-1 du Code de la
sécurité sociale la justification d'une prise en charge des
spécialités pharmaceutiques ne satisfaisant pas aux
critères d'inscription sur la liste des médicaments
remboursables, tels qu'ils résultent de l'article R.163-3 du Code de la
sécurité sociale, même si ces produits constituent les
seuls médicaments efficaces administrables à la victime d'une
maladie rare55.
Cet arrêt de la Haute Juridiction laisse
déjà entrevoir les butoirs juridiques et finalement les limites
d'une solidarité collective dont les principes sont trop abstraits. De
toutes les façons, avec le développement des systèmes de
protection sociale, l'inégalité initiale devant la maladie se
trouvait réduit grâce à la prise en charge des
dépenses médicales par une collectivité solidarisée
par le principe des cotisations obligatoires.
Cependant, au travers des différentes étapes du
progrès médical se développe l'idée d'une
créance dont disposerait l'individu sur la collectivité,
l'autorisant à revendiquer le bénéfice d'un
véritable « droit de la santé ». Cette idée
trouvera son fondement juridique en France dans le 11° alinéa du
Préambule de la Constitution de 1946, celui-ci disposant que la Nation
« garantie à tous (...) la protection de la santé ».
Mais la notion du droit à la santé dépasse la notion de
maladie à proprement parler et renvoie directement à
l'idée d'un droit à la guérison, garanti ici, non
seulement par la remboursement total ou partiel des frais pharmaceutiques, mais
aussi par un véritable droit d'accès au traitement
médicamenteux efficace.
54 Cf. M. Hirsch. Enjeux de la protection sociale. Paris,
Montchréstien, coll. « Clef Politiques », 1994, 2°ed, p.
57.
55 Cass. Soc., 24 mai 1989, pourvoi n° 87-1037, C.P.A.M. du
Val d'Oise c/Mme Chatelain.
Ainsi, le droit à la santé pris isolement,
apparaît peu significatif, mais il le devient lorsque,
concrètement, la liste des médicaments remboursables contient les
spécialités nécessaires à la guérison de
toutes les maladies médicalement recensées.
C'est également ce qu'on pourrait lire à travers
les trois décisions du Conseil Constitutionnel rendues en 1990 et 1991
relativement au 11ème alinéa du Préambule de la
Constitution de 1946. D. Tabuteau résume la position du Conseil
Constitutionnel en remarquant que pour celui-ci, « le droit à la
santé ne suppose pas seulement une organisation du système de
santé permettant de répondre techniquement aux besoins
sanitaires, il requiert également pour être effectif que chaque
membre de la collectivité puisse financer les traitements et les
thérapeutiques susceptibles de lui être dispensées
»56. On constate donc que le droit d'accès au traitement
médicamenteux, droit de l'homme dérivé du droit à
la santé57 consacré par l'article 25 de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre
1997, pourrait se voir limité par le droit de la propriété
intellectuelle également prévu par la même
déclaration en son article 24.
2.2.1.2. La qualification de médicament
remboursable
Pour un médicament, l'unique moyen d'être
remboursé par la Sécurité sociale est de faire la preuve
de son intérêt dans le traitement recherché, autrement dit
ne pas obtenir la note 0 à l'examen du service médical rendu
(SMR).
Aujourd'hui, une vignette bleue, blanche ou barrée figure
sur quelque 5 100 médicaments. Mais sur qui et sur quoi repose la
décision d'accepter ou non le remboursement d'un médicament par
la Sécurité sociale ? Et lorsqu'un médicament est
remboursé, qu'est-ce qui fait pencher la balance vers les taux de
remboursement de 35 %, 65 % ou 100 % ? C'est auprès de la Commission de
la transparence de l'Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé (Afssaps) qu'il faut aller chercher les
réponses. Après avoir obtenu une autorisation de mise sur le
marché (ou AMM) pour son médicament, un laboratoire
pharmaceutique peut demander que son produit soit remboursé par la
Sécurité sociale. Un seul critère : le SMR ; le
laboratoire dépose alors un dossier auprès de la Commission de la
transparence, composée de personnalités qualifiées dans le
domaine médical, scientifique et économique.
56 Cf. D. Tabuteau. Le droit de la santé : quelques
éléments d'actualité. Droits Social n°4, avril 1991,
p 332337.
57 Voir : C. Byk, La santé est elle un droit ? In
Médicament et société. Actes du Symposium international
S.N.I.P., Cannes 2 et 4 juin 1992, Ed° John Libbey 1993, p. 105 à
111.
Le rôle de cette Commission est de déterminer
l'intérêt thérapeutique du médicament en question.
Il prend en compte l'ensemble des caractéristiques du médicament
concerné, c'est-à-dire non seulement son efficacité mais
aussi la gravité de la pathologie à laquelle il est
destiné, sa place dans la stratégie thérapeutique et son
intérêt pour la santé publique. Cet «
intérêt thérapeutique » est appelé Service
médical rendu ou SMR.
Le SMR est classé selon trois niveaux : insuffisant,
modéré ou faible, majeur ou important. De ce classement
dépend le remboursement d'un médicament. Les produits dont le SMR
est jugé insuffisant ne seront pas remboursés. Les autres le
seront au taux de 35 %, 65 % ou 100 %.
Le remboursement à 35 % (vignette bleue) par le
régime général de la Sécurité sociale
concerne des médicaments destinés aux maladies sans
caractère habituel de gravité et dont le SMR n'a
été reconnu ni comme majeur, ni comme important. Il s'agit la
plupart du temps de traitements symptomatiques ou de traitements dits de
confort.
Le remboursement à 65 % (vignette blanche) est
accordé aux médicaments dont le SMR aura été
jugé important ou majeur et présentant un caractère
indispensable comme, par exemple, les antibiotiques.
Le remboursement à 100 % (vignette blanche
barrée) concerne les médicaments considérés comme
irremplaçables et particulièrement coûteux, ainsi qu'une
trentaine de maladies graves ou de longue durée comme le cancer ou le
diabète.
Il faut préciser que les médicaments
génériques sont remboursés au même taux que leurs
originaux.
Aujourd'hui, sur 5 100 produits remboursés, la plupart
(76,5 %) le sont au taux de 65 %, 19,5 % à 35 %, et seuls 4 % des
médicaments sont remboursés à 100 %. En 2001, l'Assurance
maladie a consacré 13,5 milliards d'euros aux remboursements de
médicaments.
Mais attention, une inscription sur la liste des
médicaments remboursables n'est jamais définitive. Tous les 5
ans, une réévaluation a lieu. A cette occasion, la Commission de
la transparence peut décider de changer le taux de remboursement d'un
médicament, voire de ne plus le rembourser.
« Les droits des hommes sont irréels, écrit
M. Villey, leur impuissance est manifeste (...) leur tort est de promettre trop
(...). Il y aurait, rien qu'avec le droit de tout français à
2.2.2. La flexibilité de la notion de
médicament remboursable
la santé de quoi vider le budget total de l'Etat
français (...) »58 Cette raillerie du philosophe conduit
à une réflexion sur la précarité de la notion
juridique de médicament remboursable, dont l'élasticité
est directement liée aux politiques gouvernementales mis en oeuvre pour
tenter d'endiguer les dépenses pharmaceutiques (1), sans que le droit
d'accès au traitement médicamenteux sur lequel elle repose,
s'accompagne de garanties juridictionnelles toujours efficaces (2).
2.2.2.1. Du remboursement au "déremboursement" des
produits pharmaceutiques
Les contours de la notion de médicament remboursable
apparaissent extrêmement mobiles, et sa plasticité traduit une
cinétique juridique propre au droit public économique. Il est
ainsi marquant de constater que de 1983 à 1993, la liste des
spécialités remboursables aux assurés sociaux aura
été modifiée en moyenne plus de deux fois par mois par
arrêté ministériel59. Or ce mouvement aboutit en
fin de compte à un resserrement de la notion de médicament
remboursable. De moins en moins de produits sont admis au remboursement, de
plus en plus de molécules sortent du champ des spécialités
remboursables, le ticket modérateur60 est
régulièrement augmenté. D'une politique de remboursement,
on passe à une stratégie de "déremboursement"
En suivant la législation française encadrant le
remboursement des spécialités pharmaceutiques61 il
ressort que depuis le décret-loi du 30 avril 1935 qui pose le principe
du remboursement de tout ou partie des frais médicaux, une succession de
textes sont intervenus qui, en tendant à la réduction de
dépenses de santé, ont limité le remboursement des
médicaments, « soit en restreignent le domaine du remboursement,
soit en réduisant le taux de remboursement »62. Mais ce
qui nous paraît fondamentalement marquant dans cette évolution,
c'est le pouvoir croissant accordé par le législateur à
l'administration quant à la délimitation concrète de la
notion de médicaments remboursables.
58 Cf. M. Villey. Le droit et les doits de l'homme. Paris, P.U.F.
coll. «Questions» , 2ème éd. 1990, p 11.
59 Statistiques effectuées par l'auteur à partir
des tables annuelles (systématiques) des textes publiés au
bulletin du Ministère des Affaires sociales et de l'emploi et du
Ministère de la santé et de la famille, au cours des
années 1983 à 1993.
60 Le ticket modérateur correspond à la
participation financière aux frais médicaux et pharmaceutiques,
lissée à la charge de l'assuré. Le principe d'une telle
participation est posé par l'article L.322-2 du Code de la
sécurité sociale « Dans les travaux préparatoires de
la loi de 1928 on avait envisagé d'appliquer le système du
tiers-payant : l'intéressé devait acheter à la caisse des
tickets de visite représentant sa participation aux frais » (Cf. :
J.J. Dupeyroux. Droit de la sécurité sociale. Paris,
Précis Dalloz, 12°Ed 1993, p 323.).
61 Cf. J.M. Auby, F. Coustou. Les médicaments
spécialisés et les institutions sociales. In Droit
Pharmaceutique, Paris 1989, Litec, Fasc 39 pp 2-6.
62 Cf. M. Harichaux. Evolution du remboursement des
médicaments. R.D.S.S. n°27, avril-juin 1991, pp. 357362.
L'article 20 de l'ordonnance du 30 décembre 1958,
donnait déjà aux ministres chargés de la Santé et
des Affaires sociales, le pouvoir de prendre toute mesure réglementaire
tendant à différencier le ticket modérateur applicable en
matière de remboursement des spécialités pharmaceutiques.
Le pouvoir de l'administration sera davantage élargi avec le
décret du 18 octobre 196563. C'est avec le décret du 5
juin 196764que s'amorcera véritablement le mouvement de
maîtrise des dépenses médicamenteuses par la modification,
dans un sens très restrictif, des conditions d'inscription sur la liste
des médicaments remboursables.
Assurée de la maîtrise juridique du
mécanisme, l'administration sanitaire et sociale peut ainsi sans trop de
difficultés modifier le libellé des critères d'inscription
sur la liste des médicaments remboursables énoncés
à l'article R.163-3 du Code de la sécurité sociale. C'est
le cas du décret du 21 novembre 199065, qui notamment
subordonne l'inscription non plus à une « présomption »
mais à une « démonstration » des conditions
posées par l'article R.163-3 du Code de la sécurité
sociale. L'adoption de cette formule restrictive marque nettement le lien
étroit de dépendance qui existe entre l'étendue de la
notion de médicament remboursable, et l'impératif gouvernemental
de maîtrise des dépenses de santé.
En France, une série de mesures, procédant d'une
régulation administrative des dépenses pharmaceutiques ont ainsi
été prises, amorçant un phénomène de
resserrement de la notion de médicament remboursable. Cette
régulation administrative s'est ainsi illustrée « par la
fixation administrative des prix des médicaments, par la hausse du
ticket, modérateur de 30 à 60 % sur certaines clases de produit
dit de confort, par le déremboursement des vitamines en 1987 ou des
anti-asthéniques en 1991, par les baisses " autoritaires" des prix de
certaines spécialités coûteuses, par la taxation des
dépenses promotionnelles etc. »66.
Mais ce mode de régulation des dépenses
médicamenteuses s'est avéré globalement peu efficace. La
consommation pharmaceutique n'a cessé de croître et progresse
beaucoup
63 L'article 7 de ce décret, publiée au Journal
Officiel du 23 octobre 1965 (page 9371), précise par exemple que «
des arrêtés conjoints du ministre de la santé publique et
de la population et du ministre du Travail peuvent, sans préjudice des
pouvoirs d'appréciation de la commission, fixer des normes obligatoires
pour le conditionnement et la présentation des médicaments
visés par le décret ».
64 Décret n°67-441 du 5 juin 1967 publié au
J.O. du 6 juin 1967.
65 Décret n°90-1034 du 21 novembre 1990, J.O. 22
novembre.
66 Cf. C. Le Pen, E. Levy. L'évaluation
économique de médicament au service d'une régulation
médicalisée des dépenses de santé. Paris 1993, Ed ;
John Libbey, p. 1.
plus rapidement que le P.I.B.67. Les prestations de
l'assurance maladie consacrées à la pharmacie ont suivi la
même évolution atteignant, pour 1992, 65 829 millions de
francs.
Pour ces raisons essentiellement financières, les
pouvoirs publics ont surajouté au mécanisme de régulation
administrative des dépenses pharmaceutiques, un dispositif de «
régulation médicalisée ». MM. Le Pen et
Levy68 nous proposent une définition de la régulation
médicalisée qui se résument en ces termes : celle-ci
« reposerait sur une sélection a priori des pratiques et des
innovations médicales ayant fait la preuve de leur efficacité, ou
à défaut de leur utilité, sur la construction de
référentiels de traitement issus de conférence de
consensus ou d'avis d'experts, et sur le contrôle a posteriori des
pratiques effectives et des normes ». Cette définition comme on le
constate, montre l'extension nécessaire des pouvoirs normatif,
évaluatif, et de contrôle de l'administration qu'implique toute
régulation médicalisée des dépenses
pharmaceutiques.
En effet, pour être efficace elle suppose que « la
régulation des dépenses pharmaceutiques s'oriente, moins vers la
recommandation des traitements efficaces (...), que vers celle des traitements
offrant le meilleur coût/efficacité »69. La
régulation médicalisée des dépenses pharmaceutiques
doit donc être comprise comme une technique de rationalisation
budgétaire. Ainsi, dépendante de l'état
général des comptes de la Sécurité sociale, la
notion juridique de médicament remboursable se trouve progressivement
resserrée ce qui limite davantage les possibilités d'accès
aux soins et par conséquent les garanties du droit d'accès au
traitement médicamenteux.
2.2.2.2. Les limites du droit d'accès au
médicament
Si l'Etat français reconnaît juridiquement
l'existence d'un droit d'accès au traitement médicamenteux, il
faut néanmoins souligner que ce droit, dans la réalité,
s'accompagne, pour reprendre la formule de M. Mourgeon, d'un «
régime de surveillance restrictif »70.
67 La consommation pharmaceutique des ménages
français représentait, en millions de francs constants, pour
1970 : 21 842 ; 1975 : 36 285 ; 1980 : 44 887 ; 1985 : 66 997
; 1990 : 99 099 ; 1995 : 126 325. (Source : ECO-SANTE France - CREDES).
68 C. Le Pen, E. Levy. Op. cit. p. 1.
69 R. Launois. « Qu'est ce que la régulation
médicalisée ? ». In Actes du colloque CREDES-CES « De
l'éconolie aux politiques de santé ». Paris, 16, 17, 18
décembre 1992, Publiée par SNIP-Editions John Libbey, p. 12.
70 MOURGEON (J.), Les droits de l'homme, Paris, P.U.F. coll. "Que
sais-je ?" 6° éd. 1996 p. 90.
La jurisprudence de la Cour de Cassation donne d'abord une
lecture stricte de l'article
L. 162-17 du Code de la sécurité
sociale71. La Haute juridiction a cassé les jugements des
tribunaux des Affaires sociales ou des cours d'appel ayant autorisé pour
un patient déterminé, en raison de la situation
particulière dans laquelle se trouvait placé le malade, le
remboursement de certains produits non inscrits sur la liste des
médicaments remboursables. Ainsi, dans l'arrêt de sa chambre
sociale du 6 janvier 198872, la Cour de Cassation, après
avoir rappelé le principe de l'inscription obligatoire sur la liste des
médicaments remboursables, casse l'arrêt de la Cour d'appel de
Saint-Denis de la Réunion qui avait imposé le remboursement de
produits diététiques, seuls produits permettant d'assurer la
survie d'un enfant atteint d'une maladie grave et rare. La rareté de
cette maladie expliquait pour la Cour d'appel qu'aucun produit de nature
à y remédier ne soit inscrit sur la liste des médicaments
remboursables, ce qui entraînait des "discriminations entre les
individus, privant du droit aux soins les porteurs de maladies rares". La n'a
pas voulu suivre la Cour d'appel sur le terrain d'une équité
juridiquement difficile à fonder, et rappelle « qu'il n'appartient
qu'au législateur et à l'autorité réglementaire de
fixer les conditions de prise en charge » des frais pharmaceutiques
médicaux.
Pour la Cour, ni le principe de "la plus stricte
économie"73, ni celui de l'équité ne sauraient
fonder une conception extensive du droit d'accès au traitement
médicamenteux et justifier l'extension du remboursement à des
produits non inscrits sur la liste des spécialités remboursables
par le pouvoir réglementaire74. Le juge suprême
étant lié par le dispositif légal d'inscription sur la
liste des médicaments remboursables, il est donc très souvent
amené à se calquer sur la position adoptée par
l'administration sanitaire et sociale. Le droit d'accès au traitement
médicamenteux semble donc être strictement entendu, de sorte qu'il
ne saurait être étendu au-delà de la limite que fixe le
pouvoir réglementaire. Le principe de remboursement qui masque
généralement les difficultés des populations à
accéder aux traitements médicamenteux trouve ici ses
réelles limites.
On se rend compte que, plus les médicaments seront
chers, moins ils seront remboursés, et moins les populations auront
accès aux soins notamment les personnes en situation de
précarité. Ce qui pose d'ailleurs un problème
éthique et social très important.
71 L'article L.162-17 du Code de la sécurité
sociale pose le principe fondamental selon lequel "les médicaments
spécialisés, visés à l'article L. 601 du Code de la
santé publique ne peuvent être pris en charge ou donner lieu
à remboursement par les caisses d'assurance maladie que s'ils figurent
sur une liste établie dans les conditions fixées par
décret en Conseil d'Etat".
72Cass. soc. 6 janvier 1988, pourvoi n°
85-18.219, Caisse générale de sécurité sociale de
la Réunion c/M. Chatelain
73 Principe qui implique l'évaluation du "du non
coût" résultant d'un choix thérapeutique donné.
74 Voir : Cass. soc. 11 juillet 1991, pourvoi n° 89-19.115,
C.P.A.M. de la Manche c/Mme. Josselin
Le déremboursement est donc de loin la solution
adéquate pour résoudre l'équation de la constante
augmentation des dépenses de santé. Il serait alors
intéressant d'explorer d'autres terrains.
L'hypothèse des génériques nous semble
apporter une solution pertinente qui tienne compte du double souci de l'Etat de
maîtriser les dépenses de santé tout en assurant
l'accès aux soins des populations. Ces équivalents
thérapeutiques aux produits originaux dont le brevet est arrivé
à échéance et proposés à un prix plus
compétitif seront au centre de nos réflexions dans la seconde
partie de notre travail.
PARTIE 2 : LE DROIT A L'ÉPREUVE DES FAITS :
LA SOLUTION DES GÉNÉRIQUES FACE AUX PROBLÈMES
SOULEVÉS PAR LES MÉDICAMENTS SOUS BREVET ET
SES IMPLICATIONS EN DROIT
Les dépenses de médicaments progressent à
un rythme élevé : depuis 1990, elles ont plus que doublé.
Les Français sont parmi les plus grands consommateurs mondiaux de
médicaments (3 milliards de boîtes consommés par an, soit
un peu moins d'une boîte par personne et par semaine)75.
Cependant, les patients souffrent d'un accès encore insuffisant à
certaines innovations. Chaque année sont mis sur le marché des
médicaments apportant des améliorations majeures. Ces produits
sont de plus en plus coûteux : la recherche est longue et hasardeuse, les
techniques employées de plus en plus sophistiquées, le nombre de
patients pouvant bénéficier peut être
faible76.
Les médicaments génériques, à la
croisée de l'ensemble de ces problématiques, ont suscité
beaucoup d'attentes. Le développement du générique en
France a longtemps été freiné par le système de
régulation du marché et par une réticence des pouvoirs
publics en la matière. Mais depuis 1996, ces derniers ont mis en oeuvre
des mesures qui ont permis au générique de conquérir des
parts de marché significatives. Il existe cependant des incertitudes sur
l'avenir de cette politique, qui devrait néanmoins être
poursuivie. Le générique contribue en effet à stimuler
l'innovation et à maîtriser les dépenses mais il ne
constitue qu'un instrument parmi d'autres. Notre analyse dans cette partie
portera d'une part sur l'enjeu que constituent les génériques
pour le système de santé français et les obstacles qui
entravent son développement. Nous finirons notre étude par une
confrontation de l'intérêt des patients et celui des laboratoires
pharmaceutiques.
Face à une augmentation sans cesse croissante des
dépenses pharmaceutiques et le peu d'efficacité des
mesures77 adoptées pour y remédier, une solution
paraît incontournable : le recours aux génériques.
75 Source : CNAM, Etude GENERICAM les chiffres-clés des
médicaments génériques remboursés par le
régime général en 2000 et en 2001.
76 Par exemple, le traitement par le Glivec revient à
30 000 par an (pour la leucémie myeloïde chronique) par patient,
Kineret utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde se situe au
même niveau de coût, le traitement par l'Herceptine pour certaines
formes de cancer du sein coûte plus de 12 800 ...
77 Il s'agit des mesures prises pour résorber les
déficits de l'assurance maladie. Ces mesures ont été
principalement comptables (tendant à modifier la
rémunération des professionnels de santé si cette
activité dépasse un plafond de dépenses de santé
défini a priori), ou financières, c'est-à-dire à
visée budgétaire. Quant à la politique du
médicament, elle a surtout eu recours au prix, au taux de remboursement
et de plus en plus au déremboursement.
1. LE RECOURS AUX GENERIQUES
Dans un contexte de maîtrise des dépenses de
santé pour faciliter l'accès aux soins, le recours aux
médicaments génériques constitue une solution importante
d'autant plus qu'il pourrait être une source potentielle
d'économies. Comment cela est-il possible ? La réponse à
cette préoccupation nous amènera à examiner d'une part
l'enjeu que constituent les génériques et les problèmes
qui sont liés à son développement d'autre part.
1.1. Les médicaments génériques : un
enjeu essentiel pour la maîtrise des dépenses de santé et
l'accès aux soins
Avant d'aborder les éléments qui font des
génériques un enjeu, intéressons-nous des d'abord à
certaines généralités très importantes sur les
médicaments génériques.
1.1.1. Les médicaments génériques :
généralités
Après une tentative de définition du
générique et de son contexte, nous examinerons ensuite son cadre
légal et enfin nous nous intéresserons brièvement à
quelques éléments importants relatifs à sa production afin
de dissiper toute inquiétude sur son efficacité par rapport au
produit de marque78.
1.1.1.1. Définition et Contexte
Un médicament générique est un
médicament identique ou équivalent à celui d'une marque
(appelé médicament princeps), mais produit et vendu sous sa
dénomination commune internationale (DCI)79. La
molécule active qui fait tout leur intérêt a
été utilisée pendant de nombreuses années sur un
très large panel de patients, ce sont des médicaments de
confiance qui soignent bien, en toute sécurité, et ils ont
l'obligation légale d'être aussi efficaces que l'original.
78 Nous désignons ici par produit de marque le
médicament protégé par un brevet et produit sous la marque
du breveté.
79 La Dénomination commune internationale est le nom
chimique de la molécule active.
En théorie, la posologie, les indications et
contre-indications, les effets secondaires et les garanties de
sécurité sont les mêmes. En revanche, un médicament
générique est vendu à un prix moindre.
Généralement, les médicaments
génériques peuvent être produits après expiration du
brevet, ou en l'absence de brevet. De nos jours, de très nombreux
médicaments issus de la recherche ont vu, au cours des années,
leur brevet tomber dans le domaine public, dans le patrimoine commun de
l'humanité, et leurs gammes couvrent un très large
éventail de maladies aiguës ou chroniques, graves ou
bénignes. Pour des raisons de santé publique, une entorse peut
être imposée, sur des médicaments encore
protégés.
1.1.1.2. Cadre légal
Une première définition a été
proposé rapport au droit des brevets, la commission de la concurrence a
donné, en ce qui concerne les génériques, la
définition suivante dans un avis du 21 mai 198180 : « On
entend par médicament générique toute copie d'un
médicament original dont la protection et la commercialisation sont
rendues possibles notamment par la chute des brevets dans le domaine public,
une fois écoulée la période légale de protection ;
peuvent être considérés comme générique aussi
bien des médicaments vendus sous nom de marque ou appellation de
fantaisie que des médicaments vendus sous leur dénomination
scientifique usuelle ou sous la dénomination commune internationale du
ou des principes actifs qu'ils renferment, dénomination qui doit
être assortie d'une marque ou du nom du fabricant »81
L'ordonnance du 24 avril 199682 relative à
la maîtrise médicalisée des dépenses de
soins83 a consacré l'existence légale des
médicaments génériques.
Une définition de la spécialité
générique est donnée par l'article L 5121-1-5° du
code de la santé publique : " on entend par spécialité
générique d'une autre spécialité celle qui a la
même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la
même forme
80 Avis du 21 mai 1981, relatif à des pratiques
concertées de pharmaciens d'officine pour s'opposer à la
commercialisation de médicaments génériques, B.O.C.C.R.F.
n° 13, 17 juillet 1981, p. 191.
81 Cette définition est citée par H. Siavellis,
Génériques : quels enjeux ? Les génériques et le
marché pharmaceutique, le Généraliste, n° 1706,
juillet 1996.
82 Ordonnance n° 96-345, 24 avril 1996 relative à
la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, JO.
25 avril 1996, p. 6311.
83 Lire à ce sujet J. Calvo, « Les
médicaments génériques et le droit de la concurrence :
totem ou tabou ? », Petites Affiches n° 47, 17 avril 1992, p. 6.
pharmaceutique, et dont la bioéquivalence a
été démontrée par des études
appropriées de biodisponibilité, les mêmes formes
pharmaceutiques orales à libération immédiate sont
considérées comme une même forme pharmaceutique ". Cette
définition légèrement modifiée par la loi du 23
décembre 199884 du financement de la sécurité
sociale pour 1999 intègre désormais la notion de
spécialité de référence et prévoit que celle
ci constitue avec ses génériques, un groupe
générique.
Les spécialités génériques sont en
fait des copies de spécialités dites "princeps"Les
spécialités génériques sont en fait des copies de
spécialités dites " princeps "
Le statut de médicament générique est
confié au Directeur de l'AFSSAPS. Une fois approuvé, le
médicament est publié au journal officiel et inscrit sur le
répertoire des spécialités génériques. Outre
les informations concernant le dosage, la forme pharmaceutique et la
spécialité de référence
génériquée, ce répertoire contient les «
excipients à effet notoire » que le générique
contient. Ces excipients peuvent nécessiter des précautions
d'emploi pour certaines catégories particulières de patients. Le
médicament générique peut donc posséder des effets
indésirables ou des précautions d'emploi qui lui sont propres.
1.1.1.3. La production des génériques
Les médicaments génériques sont produits
soit par des sociétés spécialisées, appelées
"génériqueurs", soit par de grandes sociétés
pharmaceutiques, ce sont alors des génériques de marque.
Les génériques de marque peuvent être un
moyen pour les grandes sociétés pharmaceutiques de
défendre leurs produits tombés dans le domaine public. Elles
mettent en avant une meilleure sécurité et une meilleure
connaissance du médicament. En effet, les médicaments
génériques ne subissent que des tests de
bioéquivalence85. Les excipients peuvent varier, ce qui peut
entraîner de nouveaux effets secondaires ou certaines contre-indications
(allergies).
84 Loi n° 98-1194, 23 décembre 1998, de financement
de la sécurité sociale pour 1999, op. cit.
85 En vertu de l'article R. 5143-9 du Code de la santé
publique « on entend par :
-biodisponibilité : la vitesse et l'intensité de
l'absorption dans l'organisme, à partir d'une forme pharmaceutique, du
principe actif ou de sa fonction thérapeutique destiné à
devenir disponible au niveau des sites d'action.
-bioéquivalence : l'équivalence des
disponibilités.
Leur fabrication répond aux mêmes normes
d'exigence que tous les autres médicaments (contrôles,
délivrance d'une autorisation de mise sur le marché, engagements
« qualité » des laboratoires, etc). Ils peuvent être
proposés dans un grand choix de formes galéniques, et de fait, il
existe une solution adaptée pour tous les patients, permettant de tenir
compte des spécificités de chacun (contre-indications, allergies,
habitude d'usage, modes d'administration, etc).
Voyons à présent l'intérêt que les
médicaments génériques représentent en terme
d'efficacité et de coût par rapport aux médicaments
princeps.
1.1.2. Médicaments génériques et
rapport coût/efficacité thérapeutique
Avant d'apprécier à sa juste valeur le prix des
médicaments génériques par rapport aux médicaments
princeps, il nous paraît important de mesurer leur efficacité.
1.1.2.1. Les génériques : des
médicaments "nouveaux", de même efficacité et parfois
améliorés par rapport aux princeps
Le spectre de la non bioéquivalence des
génériques est régulièrement brandi86
par les "opposants"87 pour ne pas inciter les patients à sa
consommation. Et pourtant, certains fabricants produisent à la fois la
spécialité originale et des versions génériques du
même médicament.
Il faut noter que les spécialités
génériques approuvées par AFSSAPS ainsi que les
autorités d'enregistrement en Europe sont bioéquivalentes aux
spécialités originales. "Des différences
thérapeutiques bien documentées entre des
spécialités originales et des spécialités
génériques approuvées par l'AFSSAPS n'ont pas
été signalées"88.
Par ailleurs les excipients à "effets notoires"
(EEN89) sont souvent moins présents car la mise sur le
marché d'un médicament générique permet parfois
d'apporter quelques améliorations par rapport au médicament
princeps (meilleur choix des excipients, suppression d'excipients
s'avérant inutiles, ...).
86 En Hollande, la notice scientifique de la
carbamazépine comportait une mise en garde en cas de passage à
une forme générique de ce médicament. Cette mise en garde
a été supprimée, l'équivalence thérapeutique
étant certifiée (Geneesmiddelen Bulletin 33, 7, 82, 1999).
87 On désigne ici par opposants tous ceux qui ne sont
pas favorables au développement des génériques notamment
les producteurs de médicament de marque.
88 Cf. Le point fait sur la question par la "Medical Letter"
,édition française (21, 13, 63-4, 1999), édition du 25
juin 1999.
89 Excipients pouvant générer des effets
indésirables pour des catégories particulières de
patients.
Le conditionnement des médicaments
génériques est parfois amélioré par rapport
à celui du princeps. Les codes couleurs sont affinés pour une
meilleure lisibilité ; des pictogrammes sont mis en place pour faciliter
la lecture ; des zones de posologie sont indiquées sur les
boîtes.
Grâce à leur efficacité, les
génériques figurent parmi les moyens envisageables90
pour freiner les dépenses en médicaments. Mais ces
médicaments n'auraient aucun intérêt si leur prix
n'était pas plus accessible.
1.1.2.2. Les médicaments génériques et
leurs médicaments de référence : un regard sur les
écarts de prix
Rappelons qu'en France, la consommation de médicaments
est deux à trois fois supérieure à celle des autres pays
européens. Les Français dépensent chaque année
près de 100 milliards de francs de médicaments. Malgré le
prix relativement bas des produits originaux, les génériques
peuvent être vendus 30 à 50 % moins cher car le laboratoire n'a
pas, pour ces produits, à supporter les frais inhérents à
la création d'un nouveau médicament.
Selon les chiffres publiés par la Caisse nationale
d'assurance-maladie (CNAM) en 2004, les médicaments
génériques, en moyenne 20% à 30% moins chers que le
produit original mais composés de la même molécule, ont
permis d'économiser 380 millions d'euros "pour une qualité de
soin identique. Le taux de générique actuel représente
chaque mois une économie de 550 euros par médecin
généraliste, en dépenses remboursées.
Mieux, pour la CNAM, des progrès sont encore possibles.
"Si le générique avait été utilisé à
chaque fois que cela était possible, une économie
supplémentaire de 420 euros, par mois et par médecin
généraliste, pourrait être réalisée. On peut
donc estimer l'économie potentielle supplémentaire pour
l'assurance-maladie à plus de 300 millions d'euros par an".
D'autant plus que les molécules "nouvellement
généricables entre 2005 et 2007 (...) représentent un
potentiel d'économies de plus de 700 millions d'euros sur cette
période", poursuit la CNAM.
90R. Walker in «Generic medicines : reducing
cost at the expense of quality ?» - Pharmacoeconomics 5/95, 7, 375-7.,
cite comme moyens envisageables pour freiner les dépenses en
médicaments : adopter une liste restreinte de médicaments,
promouvoir la prescription de génériques, permettre la
substitution par des génériques, autoriser la substitution
thérapeutique, augmenter la quote-part du patient, et, en premier lieu,
revoir les indications thérapeutiques.
En 2008, si tous les médicaments actuellement
substituables sont substitués, l'économie serait de 1,2 milliards
d'euros. En fin 2008, l'arrivée de soixante nouveaux groupes
génériques devrait permettre d'économiser au total 5
milliards d'euros
En termes concrets, les écarts de prix entre
médicaments de référence et produits
génériques sont, en moyenne, de l'ordre de 1,5 euro, pour des
conditionnements identiques91. Ces écarts de prix
représentent, en moyenne toujours, une baisse de 20% à 30%
environ par rapport au prix du produit de référence.
La dispersion de ces écarts est cependant importante :
ils peuvent être très faibles, voire nuls quand le prix du produit
de référence a été aligné sur celui d'un
générique pour le rendre compétitif, ou au contraire
importants (supérieurs à 15 euros)92, notamment quand
le produit de référence est d'un prix élevé.
En général, même s'il existe quelques
exceptions, le taux de génériques est surtout important dans deux
situations :
? celle où les prix des produits de
référence sont élevés, mais où les
écarts relatifs avec le prix des génériques
associés sont plus faibles que la moyenne;
? celle où les écarts relatifs de prix avec les
génériques associés peuvent être importants, mais
où les prix des produits de référence sont relativement
faibles.
Le générique contribue à limiter
l'évolution des dépenses de santé sans nuire à la
qualité des soins. Une large prescription de génériques
permettrait de réaliser une économie de 3 à 5 milliards de
francs par an.
Une partie de ces économies pourrait être
réinvestie dans la recherche de molécules innovantes.
Une étude du profil socio-économique des
consommateurs de médicaments innovants et des consommateurs de
génériques nous permettra de mesurer l'impacte possible du
coût de ces différents produits sur l'accès aux soins.
91 Source : CNAM, op. cit.
92 Idem.
1.1.2.3. Etude des profils socio-économiques des
consommateurs de médicaments innovants et des consommateurs de
génériques
Nous avons choisi ici de comparer le profil des personnes qui
consomment des médicaments innovants avec le profil de celles qui
consomment les génériques.
L'idée sous-jacente est de tenter de mesurer si le
coût peut être considéré comme l'obstacle principal
à l'acquisition de ces produits. Toutefois, une telle étude ne
pourra pas être considérée comme une mesure d'impact
proprement dite compte tenu du caractère limité des informations
.
En effet, selon les informations que nous avons reçues
de la CNAM, les patients appelés au remboursement sont soumis au
régime mis en place à cet effet par l'assurance maladie. Il n'y a
pas a priori une différence entre les consommateurs selon qu'il s'agisse
des médicaments génériques ou des médicaments de
marque. Tout se joue au niveau des professionnels de santé à
savoir le médecin et le pharmacien.
Ainsi, les 70% des patients tous confondus, qui acceptent la
substitution, sont à la fois consommateurs de produits de marque
lorsqu'il n'y a pas de possibilité de substitution et consommateur de
génériques lorsque cette possibilité se
présente.
Lorsqu'on se réfère à la prescription
facultative, La grande majorité des consommateurs de cette
catégorie éprouvent des difficultés à se procurer
les produits de marque compte tenu de leur coût et
préfèrent plutôt acheter les génériques.
Environ 30% des patients consomment volontairement des
médicaments de marque. Ces personnes sont en majorité :
? les personnes âgées et les personnes souffrant
de maladies chroniques chez qui le changement de produits présente des
risques ;
? les catégories sociales supérieures pour qui
ne ressentent pas le coût des médicaments de marque sur leur
revenu.
Nous pouvons constater à travers cette étude les
réelles difficultés qu'aurait la grande majorité de la
population à accéder aux médicaments si ceux-ci
n'étaient pas pris en charge et de plus, s'il n'y avait pas la
possibilité des génériques.
Une fois démontrés l'intérêt et
l'enjeu des génériques pour le système de santé
français et d'ailleurs pour tout autre système de santé,
nous essayerons de voir le cadre juridique de promotion et les problèmes
liés à l'essor des médicaments
génériques.
1.2. Le développement des
génériques
La consommation des médicaments
génériques a pratiquement doublé ces trois
dernières années. En fait, quand il existe une version
générique d'un médicament, la part de marché du
générique atteint près de 60% aujourd'hui contre 30% en
200293.
A la fin de l'année 2002, le taux de
pénétration des génériques atteint 48,2% en termes
de nombre de boîtes délivrées, mais seulement 38,7% en
termes de montants remboursables, dans le champ des médicaments qui
peuvent être délivrés sous forme de
génériques. Le développement des génériques
est donc nettement plus sensible au niveau du nombre de boîtes vendues
qu'au niveau des montants en cause. Par son importance, un tel écart
mérite une analyse.
Cet écart est lié à deux facteurs :
? A un niveau fin de détail, celui de chacun des
groupes qui composent le répertoire des produits
généricables et de leurs génériques, il
résulte évidemment des écarts de prix qui peuvent
être constatés entre les prix de chacun des
génériques concernés et celui de leur produit de
référence.
? A un niveau plus agrégé, celui de l'ensemble
du répertoire, il dépend également du taux de
pénétration des génériques dans chaque groupe du
répertoire et, bien sûr, du poids financier de ces groupes,
c'est-à-dire des quantités vendues et de leur prix.
Ces progrès peuvent s'expliquer par : l'arrivée
sur le marché de nouveaux génériques, l'engagement
renforcé des professionnels de santé, l'attitude positive des
patients...Mais ce qui nous intéresse et nous paraît très
important compte tenu des enjeux, c'est le moyen de droit utilisé pour
promouvoir les génériques à côté des
médicaments princeps.
1.2.1. Le droit comme moyen de promotion des
génériques
En France, le remboursement des médicaments et des
soins est considéré comme un acquis social. Les patients, dans la
mesure où ils ne paient pas leurs médicaments94 ou
n'en paient qu'une faible partie, semblent peu concernés par
l'intérêt des génériques. Or, le
93 Ces chiffres tiennent compte du nombre de boîtes par
rapport au marché des médicaments généricables
selon les précisions apportées par la CNAM.
94 A ce niveau, il faut signaler que le système fait
oublier au patient, comme il ne paie pas directement ses médicaments,
qu'il a cotisé.
médicament générique peut constituer,
comme nous venons de le voir, une source d'économie qui contribue au
financement de l'innovation sans avoir à augmenter les cotisations
sociales.
D'où l'intérêt d'instituer un droit de
substitution dont le but est de stimuler le marché des
génériques.
1.2.1.1. Le droit de substitution reconnu aux
pharmaciens
Les politiques mises en place pour promouvoir les
génériques ne sont pas les mêmes selon les pays. En France,
les pouvoirs publics ont choisi d'impliquer les pharmaciens en leur octroyant
un droit de substitution95 qui connaît cependant des limites.
Ce droit est un droit à vocation économique qu'il convient
d'analyser.
1.2.1.1.1. La substitution générique : un
droit à vocation économique
Le pharmacien n'avait aucun droit de substitution auparavant.
Il ne pouvait légalement prendre l'initiative de modifier une
prescription que dans des circonstances exceptionnelles96
En 1998 une faculté était ouverte au pharmacien
de procéder à une substitution entre médicaments
génériques (petite substitution)97à condition
:
? que le générique n'entraîne pas une
dépense supplémentaire pour l'assurance maladie ; ? qu'il figure
sur le répertoire des génériques établi à
l'époque, par l'Agence du médicament ;
? que le prescripteur ne s'y oppose pas.
Avec la nouvelle rédaction de l'article L. 512-3 du
Code de la santé publique introduit une dérogation au principe du
respect de la prescription du médecin, permettant au
95 Lire à propos, C. Chabert-Peltat, M. Ruano- Cicuendez,
« Le droit de substitution des pharmaciens », Gaz. Pal. 14 janvier
2000, p. 14.
96 Il s'agit des cas d'urgence, de l'intérêt du
patient...
97 Le projet de 1998 ne prévoyait qu'une substitution
pharmacien de « délivrer par substitution à
la spécialité prescrite une spécialité du
même groupe générique »98
"Le droit des pharmaciens à la substitution
générique" est une politique grâce à laquelle les
pharmaciens sont libres d'outrepasser les décisions des médecins
et de dispenser des médicaments génériques, même
lorsque les médecins ont prescrit un produit de marque particulier, sans
consulter le patient ou le docteur. Les adversaires de cette politique font
valoir que les médecins devraient être capables de prescrire des
médicaments de marque s'ils pensent qu'un changement de
médicament pourrait influencer le résultat du traitement sur le
patient. Un autre argument contre cette substitution est qu'elle donne aux
médicaments génériques un avantage concurrentiel injuste.
La politique de substitution est appliquée dans certains Etats membres
de l'UE (comme la France), mais interdite dans d'autres (comme le
Royaume-Uni).
L'objet du droit de substitution est de réduire les
coûts des spécialités remboursées aux assurés
sociaux. Le pharmacien pourra remplacer certains médicaments de
référence (princeps) prescrits par un médecin, par des
médicaments moins chers d'un même groupe
générique99 figurant au répertoire des groupes
génériques approuvé par le directeur général
de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits
de santé (AFSSAPS). Le droit de substitution « permet
également de remplacer des médicaments génériques
entre eux dès lors qu'ils sont également inscrits au
répertoire et en s'assurant que le produit délivré
n'entraîne pas un surcoût pour l'assurance maladie
»100.
1.2.1.1.2. Les limites du droit de substitution
Le droit de substitution d'un médicament figurant
obligatoirement au répertoire connaît deux exceptions :
l'opposition formelle du médecin, le prix des produits substitutifs. On
ne saurait toutefois ignorer l'importance du consentement du patient dans tout
acte médical le concernant.
98 Lorsque le pharmacien délivre un médicament
ou un produit autre que celui qui a été prescrit en application
de l'article L. 512-3, il indique sur l'ordonnance « le nom du
médicament ou du produit délivré, qui dans le cas d'une
spécialité pharmaceutique, est sa dénomination au sens de
l'article R. 5000 ». Voir Code de la Santé publique, article R.
5143-10, issu de l'art. 3 du décret du 11 juin 1999.
99 Un groupe générique comprend la
spécialité de référence et les
spécialités qui en sont génériques. Voir Ordonnance
n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise
médicalisée des dépenses de soins, art. 23-I.
100 cf. Guide Juridique du Droit de Substitution, collection
Médidroit, MMI Ed., Paris, 2000, p. 1.
a) 39.
Le droit d'opposition du prescripteur
Le médecin peut refuser la substitution d'un
générique au produit prescrit. Mais le législateur a mis
en place un contrôle des motifs par l'assurance maladie, pour
éviter une opposition systématique. Ce droit reconnu au
médecin dépend essentiellement des raisons particulières
tenant au patient. Il n'est donc pas discrétionnaire. Ainsi, « les
motifs en cause ne peuvent donc être liés à la seule
existence du générique mais uniquement à
l'intérêt du patient. ( ...) Les motifs ne peuvent tenir qu'au
patient lui-même, par exemple, l'habitude de se conformer à une
posologie ou l'impossibilité d'absorption sous une forme plutôt
qu'une autre. Ces raisons présentent un caractère exclusif
»101
Le nouvel art. R. 5143 - 11 du Code de la santé
publique précise en effet que le médecin doit pouvoir justifier
des raisons de son refus, dans le respect des règles de la
déontologie, auprès du contrôle médical des Caisses,
qui devront apprécier qu'il se fonde bien sur « des raisons
particulières liées au patient ». Techniquement, la «
mention expresse » qui doit figurer sur la prescription doit être
manuscrite, en toutes lettres (« non substituable », et non « NS
») et apposée en face de chaque spécialité
visée sur l'ordonnance.
b) Le coût de la substitution
D'une manière générale, le droit de
substituer est subordonné à la condition que la substitution se
fasse à un coût moindre pour la sécurité sociale.
Autrement dit, l'exercice de ce droit par le pharmacien n'est possible que si
la substitution entre un produit et un élément du même
groupe générique n'occasionne aucun coût
supplémentaire pour l'assurance maladie102.
En cas de substitution entraînant des
dépassements, le pharmacien est sanctionné du reversement de la
dépense supplémentaire occasionnée. La caisse d'assurance
maladie peut décider de ne pas maintenir cette sanction compte tenu des
observations formulées par le pharmacien103.
101 Rapport de la Commission des affaires sociales,
Doc.Ass.nat.n°1148, tome 2.
102Cf. l'article L.162-16 al. 2 du Code de
sécurité social, issu de l'art. 29 IV de la loi du 23
décembre 1998. 103 Pour plus d'informations sur la question, consulter
le Guide Juridique du Droit de Substitution op. cit., p.
c) Le consentement du patient
Le droit au consentement est un droit fondamental du malade
lors de tout acte médical. Cette règle conserve toute sa valeur
au moment de la prescription mais également lorsqu'un autre
professionnel de santé est appelé à prendre une
décision qui pourrait rencontrer une opposition de la part du patient.
Par conséquent, le droit au consentement joue en cas de
substitution104.
Toutefois, la loi ne prévoit pas de mécanisme
d'acceptation de la substitution par le patient. En effet, le droit au
consentement à tout acte étant fondamental Il apparaît
néanmoins évident
En théorie, le patient ne peut refuser la substitution.
Toutefois, rien ne peut l'en empêcher s'il entend contester le fondement.
S'il exige le médicament de marque, il en supportera l'impact financier.
Ce problème nous conduira dès lors à aborder la question
de l'impact des génériques sur le droit.
1.2.1.2. Impact des génériques sur le
droit
Deux points importants seront abordés : la violation du
droit des marques et les questions de responsabilité.
1.2.1.2.1. Substitution et violation du droit des
marques
La substitution peut entraîner une violation du droit
des marques tant dans le chef du médecin que du pharmacien. Si le
médecin ne prescrit pas en fonction d'une substance mais d'une marque et
que le pharmacien se fonde sur la marque pour délivrer un
médicament générique sans en informer explicitement le
patient et sans requérir son accord, il y a là une violation du
droit des marques, droit qui est protégé entre autres par la
Convention uniforme Benelux sur les marques. La loi nationale sur la
substitution ne change en rien l'application du droit supranational de marque.
Deux réglementations entrent ici en conflit et créent une
incertitude juridique permanente pour les intéressés.
Par ailleurs, la substitution permet à un produit d'une
autre marque de profiter du succès ou de la renommée de la marque
substituée. Cette situation aboutit à un certain
104 Cf. Débats parlementaires, séance du 29
octobre 1998, JO AN (CR) n° 91 du 30 octobre 1998, p. 7695.
parasitisme, une pratique que condamne et réprime la
loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce, et sur l'information et
la protection du consommateur.
Quels sont les problèmes soulevés en matière
de responsabilité ?
1.2.1.2.2. Les questions de responsabilité
L'introduction de la substitution remet en question les
responsabilités respectives des producteurs, des médecins, des
pharmaciens et des pouvoirs publics et pourrait engendrer de nouveaux conflits
de responsabilité : comment se répartiraient les
responsabilités si un effet indésirable survenait à la
suite d'une substitution? C'est surtout dans le cas de traitements à
long terme et de maladies chroniques que la substitution pourrait provoquer de
tels problèmes de responsabilité.
Nous aborderons brièvement les points
spécifiques en matière de substitution qui pourraient mettre en
jeu la responsabilité du prescripteur et celle du pharmacien sur
laquelle nous mettrons un accent particulier.
a) La responsabilité du prescripteur en cas de
substitution
La substitution porte atteinte à la liberté
thérapeutique du médecin. Elle va à l'encontre des actions
entreprises par les pouvoirs publics pour attirer l'attention des
médecins sur leur comportement de prescription. Comment peut-on attendre
d'un médecin qu'il endosse la responsabilité de sa prescription
si des tiers ont la faculté de la modifier? L' étude de la
responsabilité du pharmacien pourra nous situer davantage.
b) La responsabilité du pharmacien en matière
de substitution
En ce qui concerne la responsabilité du pharmacien, il
convient d'insister sur le fait qu'elle n'est globalement pas modifiée :
le prescripteur conserve toute la responsabilité de sa prescription,
puisqu'il a choisi le principe actif, le dosage, la posologie, la durée
du traitement ; le pharmacien demeure quant à lui responsable de la
dispensation, c'est à dire du contrôle de la prescription et de
son exécution. Reste toutefois la question des fameux "excipients
à effet notoire" (EEN).
La responsabilité du pharmacien peut être
engagée en cas d'infraction aux nouvelles dispositions relatives au
droit de substitution (défaut de mentions sur l'ordonnance,
délivrance d'un générique hors de répertoire de
l'AFSSAPS...)
Ces infractions sont passibles des peines prévues
à l'article L. 518 du Code de la santé publique puisque figurant
au chapitre Ier du titre I.
La responsabilité du pharmacien peut également
être engagée lors de la délivrance d'un
générique contenant des excipients à effet
notoire105mentionnés dans le répertoire
différents de ceux du produit prescrit. En effet, si elle ne constitue
pas une infraction aux dispositions relatives au droit de substitution, elle
peut néanmoins engager sa responsabilité contractuelle
lorsqu'elle cause un dommage au patient. C'est pourquoi, lors de la
substitution par une spécialité générique contenant
des excipients à effet notoire mentionnés, mais inexistants dans
la spécialité prescrite par le médecin, le directeur de
l'AFSSPS recommande au pharmacien de ne procéder à la
substitution qu'après l'interrogatoire du patient106. Cet
interrogatoire doit lui permettre d'apprécier si l'utilisateur ne
présente pas le risque de survenue d'effets liés à ces
EEN. Ce qui nous paraît très délicat.
S'agissant des dépassements des 50 centimes dont nous
avons parlé plus haut, une pénalité financière est
prévue en cas de substitution entraînant un surcoût pour
l'assurance maladie. Ainsi, dans l'exercice du droit de substitution, le fait
d'imposer à la sécurité sociale une dépense
supplémentaire supérieure à 50 centimes, oblige le
pharmacien à reverser le surcoût qui ne saurait, dans tous les
cas, être inférieur à un montant forfaitaire fixé
à 100 francs107.
c) Vers un régime de coresponsabilité ?
Les responsabilités respectives du médecin, du
pharmacien et de l'Etat ne sont pas mises au clair. La problématique
sous-jacente portant sur la mise en oeuvre de la responsabilité des
professionnels dans le cadre du droit de substitution, n'est pas
tranchée.
105 Les EEN sont définis comme « tout excipient
dont la présence peut nécessiter des précautions d'emploi
pour certaines catégories particulières de patients » Cf. C.
santé publ., art. R. 5143-8 II modifié par l'article 2 du
décret n° 99-486 du 11juin 1999 relatif aux
spécialités génériques et au droit de substitution
du pharmacien, JO du 12 Juin 1999.
106 Cf. JO du 16 janvier 2000.
107 Arrêté du 11 juin 1999 relatif à la
neutralité financière de l'exercice du droit de substitution au
sein d'un groupe générique, art. 2, JO du 12 juin 1999. 1.
Séance du 16 novembre 1998, JO Sénat du 17 novembre 1998, n°
79 S (CR), p. 4499.
Le système mis en place permet-il d'identifier
clairement les responsabilités thérapeutiques de chacun :
médecins, pharmaciens, Agence Française de Sécurité
Sanitaire des Produits de Santé ?
Le médecin et le pharmacien sont-ils coresponsables du
choix de la prescription indiquée sur l'ordonnance, l'un pour avoir
établi l'ordonnance, l'autre pour avoir délivré le
médicament substitué ? L'intervention de la responsabilité
conjointe du médecin et du pharmacien ne risque-t-elle pas de
créer des situations délicates et de provoquer des contentieux ?
C'est là autant d'interrogations qui méritent d'être
approfondies dans un cadre plus spécifique que le nôtre. En ce qui
nous concerne, nous allons examiner à présent les obstacles
à l'essor des génériques
1.2.2. Les problèmes liés au
développement des génériques
Les médicaments génériques qui suscitent
tant d'intérêt et d'espoir non seulement pour les patients mais
aussi et surtout pour l'Etat (l'assurance maladie), qui entend réaliser
des économies, génèrent d'abondants débats.
Plusieurs obstacles empêchent d'ailleurs leur essor.
Nous étudierons successivement les obstacles de fait et
les obstacles de droit.
1.2.2.1. Des obstacles de fait
Nous verrons comme obstacles de fait : l'intérêt
du consommateur et la réaction des laboratoires pharmaceutiques
1.2.2.1.1. L'intérêt du consommateur et du
prescripteur
Le système français d'assurance maladie n'incite
pas les patients, ni les médecins à se tourner vers les
médicaments génériques. C'est la principale raison du
retard des génériques en France. D'abord, contrairement à
ce qui se passe dans les autres pays, la substitution d'un médicament
princeps par un générique ne peut se faire en France que si le
médicament figure dans le répertoire de l'Agence française
de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Or
ce répertoire ne couvre que 15% en valeur du marché des
médicaments remboursables, soit 2,3 milliards d'euros sur un total de
15,2. Ce que l'on appelle " l'assiette de substitution " est donc trop
étroite. Et comme au sein de cette assiette
le taux de substitution génériques/princeps
n'est encore que de 35% - bien qu'en hausse -, le résultat final nous
donne 5% de génériques en France. Il faut donc élargir
cette assiette.
Par ailleurs seulement 35% des médicaments princeps
potentiellement substituables par un générique donnent
effectivement lieu à une substitution. Comment expliquer la faiblesse de
ce chiffre ?
Le consommateur, tout d'abord, n'a aucun intérêt
à demander un générique, sauf à adopter un
comportement citoyen. Quand il va à la pharmacie il ne débourse
pas un centime, grâce au mécanisme du tiers payant et à sa
mutuelle. Il oublie qu'il paie des cotisations sociales et pense que le
médicament est gratuit. Pire, il imagine que le générique
n'est qu'une pâle copie du princeps, alors que les contrôles de
qualité, et souvent même la matière première, sont
identiques.
Le médecin, ensuite, reçoit en
tête-à-tête les représentants des laboratoires, qui
ont intérêt à défendre leur marque face aux
génériques. La loi 2002 de financement de la
Sécurité sociale autorise bien le médecin à
prescrire en Dénomination commune internationale (DCI) : sur
l'ordonnance il peut désormais indiquer le nom de la molécule, et
non celui de la marque. Alors, le pharmacien choisit le générique
qui correspond à la DCI. Mais pour qu'un tel système fonctionne
il faudrait soutenir la formation continue des médecins. Et changer la
formation pharmacologique dans les facultés de médecine,
où déjà, les enseignants emploient le nom de la marque
plutôt que celui de la molécule.
1.2.2.1.2. La contre-attaque des laboratoires
pharmaceutiques
Pour contrer le développement des
génériqueurs, les firmes pharmaceutiques emploient diverses
pratiques. Elles se lancent dans des batailles juridiques pour défendre
leurs brevets (ce que nous étudierons plus tard). Elles font aussi appel
à la «fausse innovation»108 changement minime de la
composition ou de dosage de la molécule, par exemple pour prolonger de
quelques années un brevet.109 On a vu aussi fleurir dans les
cabinets des médecins des tampons avec la mention
«non-substituable» obligeant le pharmacien a délivrer
uniquement le médicament prescrit. Ils sont fournis gracieusement
108Les laboratoires font vieillir les produits
substituables en en lançant des versions améliorées".
Celles-ci relèvent parfois du pur marketing.
109 Le laboratoire Eli Lilly a ainsi commercialisé une
version du Prozac à absorber une fois par semaine, contre une fois par
jour précédemment. Cette réaction tend à maintenir
le monopole du laboratoire sur le marché.
par les laboratoires. D'autres «omettent» de citer
les noms de médicaments génériques dans leurs bases de
données, c'est le cas du Vidal, financé par les laboratoires.
Pourtant, malgré ces menaces, l'industrie
pharmaceutique se porte bien110. L'industrie des
génériques reste essentiellement nationale, divisée en une
multitude de petites entreprises, même en Europe. Son
développement reste limité par la disparité des
législations nationales et des obstacles juridiques.
1.2.2.2. Les entraves juridiques à l'essor des
génériques
Ce sont des obstacles qui proviennent soit directement des textes
soit indirectement. 1.2.2.2.1. Les obstacles juridiques directs
Il s'agit essentiellement de la définition restrictive
des génériques et de la multiplicité des brevets portant
sur un même principe actif.
a) Une définition restrictive des
génériques
Le code de la santé publique définit le
générique comme "une spécialité qui a la même
composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même
forme pharmaceutique, et dont la bioéquivalence avec l'autre
spécialité a été démontrée par des
études appropriées... ". Cette définition conduit à
exclure des spécialités qui, bien qu'ayant la même
application thérapeutique, ont une forme pharmaceutique ou un dosage
différents de ceux du médicament de référence
(princeps).
b) La multiplicité des brevets portant sur un
même principe actif
Un principe actif peut faire l'objet de plusieurs
spécialités pharmaceutiques111 qui elles-mêmes
se déclinent en diverses présentations
pharmaceutiques112. On constate souvent qu'un produit faisant
l'objet d'un médicament est protégé par 10 voire 100
fois
110 Haroun Thierry, Médicaments -l'industrie du
médicament générique se porte bien, le Devoir, 2 - 3
octobre 2004.
111 Une spécialité pharmaceutique consiste en
« tout médicament préparé à l'avance, mis sur
le marché sous une dénomination spéciale et sous un
conditionnement particulier ». Cf. Directive 65/65/CEE du conseil du 26
janvier 1965, JO 1965, 22, p.369; article L.511-1 alinéa 5 du code de la
santé publique
112 Les présentations pharmaceutiques se
définissent comme « chaque association, dosage, forme
d'administration ou contenance différente d'une même
spécialité ». Cf. « Les médicaments en France,
chiffres clés », notes internes du SNIP, 1995. Exemple : Doliprane
sirop à 250mg/ml, Doliprane 500mg ou 1000mg...
plus de brevets qu'il n'y a de présentations
pharmaceutiques correspondantes113. Cette situation de fait rend
plus complexe la réalisation d'une copie, puisqu'à une
présentation pharmaceutique ne correspond pas un brevet mais une
multitude de brevets qui peuvent, eux aussi, couvrir à la fois plusieurs
présentations, et même plusieurs spécialités. Ces
différents brevets sont pour la plupart du temps déposés
par le même laboratoire pharmaceutique qui détient le brevet de
produit.
Outre le brevet de produit, le principe actif pourra
être lui aussi protégé par le biais de nombreux autres
brevets.
Tous ces brevets renforcent le brevet de produit et prennent
dans une certaine mesure, le relais dans le temps de la protection
conférée par celui-ci. Par ailleurs, les brevets de
procédés déposés postérieurement au brevet
de produit permettront à leur titulaire de maintenir un certain monopole
sur ce produit au-delà de l'expiration du brevet couvrant celui-ci en
tant que tel. Ces brevets ne doivent pas être sous estimés car ils
représentent de véritables freins à la mise sur le
marché des produits génériques, d'autant plus que les
brevets relatifs aux utilisations ultérieurs ont vu leur nombre se
multiplier avec le temps.
1.2.2.2.2. Les obstacles juridiques indirects
Nous traiterons ici de la prolongation du monopole
conféré par le brevet du fait des certificats
complémentaires et de l'absence de dispositions dites "Bolar".
a) La prolongation due au système des certificats
complémentaires
Comme nous l'avons vu précédemment, et
conformément au droit commun, les brevets d'invention sont
délivrés pour une période de vingt ans à compter du
jour du dépôt de la demande114. Mais les laboratoires
pharmaceutiques jugent ce temps insuffisant lorsqu'il s'agit d'un brevet
revendiquant un nouveau médicament. Ils estiment en effet que la
durée réelle d'exploitation du monopole n'est que d'une dizaine
d'années, en raison du temps nécessaire à l'obtention de
l'autorisation de mise sur le marché du médicament (AMM) qui
demande, pour une nouvelle molécule, en général huit
à douze ans115.
113 Cf. E.Berthet, « Les obstacles juridiques à
l'essor des génériques », op. cit., p. 19.
114 Article L. 611-2 alinéa 1 du Code de la
propriété intellectuelle et article 63 alinéa 1 de la
CBE.
115 Il faut compter 8 à 12 ans à partir du
début des essais jusqu'à l'obtention de l'AMM.
L'industrie pharmaceutique se voit donc pénalisé
par rapport aux autres secteurs de l'industrie qui bénéficient
d'une protection effective de 17 à 19 ans.
Le profit tiré de leur monopole ne couvrant qu'une
durée équivalente à la moitié de ce qui est
prévu par le droit commun, l'industrie pharmaceutique considère
qu'elle ne parvenait pas à bénéficier d'un retour sur
investissements suffisant pour lui permettre de poursuivre des recherches
véritablement innovantes.
Eu égard à cette situation, ce sont
interrogés sur la nécessité de prolonger la durée
effective conférée par le brevet, aux innovations
pharmaceutiques.
« Afin de régler ce problème
spécifique à l'industrie pharmaceutique, les Etats-Unis et le
Japon ont adopté, respectivement en 1984 et en 1988, un
aménagement de leur législation nationale relative à la
protection conférée par le brevet, en allongeant la
période de protection corrélativement au temps nécessaire
aux procédures non productives (AMM) »116.
En France117, il a été
instauré un nouveau titre de propriété industrielle
permettant une prolongation du monopole des monopoles brevetés : le
"certificat complémentaire de protection". La loi du 25 juin 1990
instituant ce certificat précise qu'elle a pour objet « de rendre
identique pour les médicaments et les autres produits la durée
effective de la protection assurée par les brevets ».
Par la suite, la communauté européenne «
désireuse de prévenir une délocalisation de la recherche
vers les pays tels que les Etats-Unis ou le Japon où la période
de protection est prolongée, a institué par un règlement
communautaire en date du 18 juin 1992118, un certificat
communautaire complémentaire de protection119. Celui-ci
instaure une durée de protection uniforme, qui contribue à
favoriser la libre circulation des médicaments au sein de la
communauté européenne.
La loi française de1990 a été
abrogée de fait le 1er janvier 1993 par l'entrée en
vigueur du règlement communautaire.
116 Cf. C.D. Garcia, Le médicament, Thèse de
droit privé, Collection Thèses, Les Etudes Hospitalières,
Bordeaux-Centre, 2001, p. 346.
117 La loi française n° 90-510 du 25 juin 1990
tendant à rendre identique, pour les médicaments et les autres
produits, la durée effective de protection assurée par les
brevets, JO, LD, 27 juin 1990, pp. 7488-7489 ; PIBD 1990, 483, I-75.
118Règlement n°1768/92, 18 juin 1992,
concernant la création d'un certificat complémentaire de
protection pour les médicaments, J.O.C.E. n° L-182, 2 juillet 1992,
p.1.
119Voir à ce sujet J.F. Bloch, P.Schmitt,
« Le certificat complémentaire de protection institué par le
règlement n°1768-92 du 18 juin 1992 », Gaz. Pal. 24-25 octobre
1993, Doct.2.
L'intérêt pour un laboratoire pharmaceutique de
bénéficier de cet intérêt supplémentaire est
évident dans la mesure où elle confère les mêmes
droits que ceux attachés au brevet. Mais l'octroi de ce droit constitue
un frein à l'essor des génériques.
b) La prolongation du monopole des brevets due à
l'absence de dispositions " Bolar" dans la législation française
L' "exemption Bolar" est une politique qui permet aux
fabricants de génériques de préparer la production et les
procédures réglementaires avant que les brevets n'expirent, de
façon à ce que les produits puissent être prêts
à la vente dès la fin du brevet, au lieu de devoir entamer une
longue procédure préparatoire seulement une fois le brevet
expiré. Bien que Bolar soit une caractéristique commune du droit
des brevets dans beaucoup de pays (tels le Canada et les Etats-Unis), il
n'existe pas dans l'UE.
Dans l'UE, le travail de développement et de test
exigé pour déposer une demande ne peut avoir lieu qu'après
l'échéance du brevet, ce qui aboutit à un retard d'environ
2 ans. Plus généralement, les travaux de développement et
la première série de fabrication sont menés en dehors de
l'UE, là où il existe des dispositions de type Bolar, et les
médicaments génériques sont importés peu
après l'échéance du brevet120.
Nous pouvons donc remarquer que ces obstacles à
l'entrée des génériques sur le marché, s'ils
protègent les intérêts des firmes pharmaceutiques de
marque, sont parfois inefficaces. Du coup, vu les enjeux, les laboratoires
pharmaceutiques ne vont pas hésiter à entrer dans des conflits
juridiques afin de préserver à tout prix leur monopole. Nous le
verrons dans le chapitre suivant.
120 C'est ici le lieu de faire remarquer que les exemptions
Bolar sont en conformité avec les règles de l'OMC sur les aspects
commerciaux des droits de propriété intellectuelle (TRIPS)
proposition de réforme de la Commission.
2. L'ENJEU DES GÉNÉRIQUES FACE AUX
INTÉRÊTS DES LABORATOIRES PHARMACEUTIQUES
Des batailles juridiques, comme nous l'avons
déjà annoncé, sont expressément menées par
les laboratoires pharmaceutiques pour empêcher l'arrivée des
génériques sur le marché. Ce chapitre sera consacré
dans un premier temps à l'étude de ces conflits juridiques ce qui
nous permettra enfin de poser un regard éthique sur le droit des
brevets.
2.1. Les conflits juridiques relatifs à
l'introduction de médicaments génériques sur le
marché
Des conflits juridiques opposent souvent les producteurs de
générique et les firmes pharmaceutiques lors de l'introduction de
médicaments génériques sur le marché. L'expiration
des brevets à leur terme légal de vingt années autorise en
effet la commercialisation de ces produits à des prix très
compétitifs, leur fabricant n'ayant pas d'importantes dépenses de
recherche et développement à rentabiliser. Il apparaît donc
qu'en dépit de l'expiration du brevet, les entreprises pharmaceutiques
recourent à des procès pour empêcher, ou du moins ralentir,
l'entrée de ces concurrents121. Dans un premier temps, nous
étudions les fondements juridiques et stratégiques de ces
litiges. Dans un second temps, nous analysons les différents accords
à l'amiable signés entre ces firmes.
2.1.1. Les stratégies mis en place
Avant d'aborder ces différentes stratégies, nous
nous intéresserons en premier lieu à l'origine de ces
conflits.
2.1.1.1. L'origine de ces conflits
Les conflits opposant les fabricants de médicaments
génériques aux laboratoires pharmaceutiques présentent
deux caractéristiques distinctes. Premièrement, ces
conflits122
121Les stratégies des firmes en place
à l'encontre de ces nouveaux entrants peuvent bien sûr s'appuyer
sur des mécanismes économiques comme la différenciation et
le renouvellement des produits ou la création de marques
génériques. Cf. LIANG, B. « The Anticompetitive Nature of
Brand-Name Firm Introduction of Generies Before Patent Expiration ».
Antitrust Bulletin Automne, 1996, 599-634.
122 Selon les estimations faites par Sandy Campart et
Étienne Pfister, in « Les conflits juridiques liés à
la propriété industrielle : le cas de l'industrie pharmaceutique
et biotechnologique », Revue d'économie industrielle,
N°99., Numéro spécial, 2e trimestre 2002, 29 litiges sur 36
opposent quasiment systématiquement une grande entreprise plaignante
à un défendeur de petite taille.
opposent quasiment systématiquement une grande
entreprise plaignante à un défendeur de petite taille,
reflétant l'asymétrie existant entre les producteurs de
médicaments phares et les fabricants de médicaments
génériques. Deuxièmement, la très grande
majorité de ces litiges se produisent alors que le défendeur est
déjà en train d'homologuer son produit auprès des
autorités sanitaires (le plaignant étant lui en phase de
commercialisation). Rares sont donc les situations où un fabricant de
médicaments génériques tente d'invalider le brevet de son
adversaire.
En effet, la date d'expiration étant connu de tous,
aucune contestation ne devrait avoir lieu quant à la
légitimité des fabricants de génériques.
Une première source de litige a alors trait aux
éventuelles incertitudes réglementaires, concernant, par exemple,
la durée de protection123 ou les différences
internationales de droit des brevets124.
Mais les principales explications des conflits entre firmes
pharmaceutiques et fabricants de médicaments génériques
font référence à des stratégies d'acteurs bien plus
qu'au droit de la propriété industrielle lui-même.
L'engagement de poursuites permet, tout d'abord, de retarder, à
défaut d'exclure, l'entrée des producteurs de médicaments
génériques de près de deux ans. L'entrée d'un
médicament générique ne peut, en effet, être
autorisée tant que tous les conflits juridiques avec le producteur
original n'ont pas été réglés.
2.1.1.2. Les stratégies juridiques « offensives
»
Bien qu'elles puissent s'appuyer sur les marques ou les
formules de présentation pour repousser l'entrée d'un concurrent
ou réduire sa profitabilité125, les firmes
pharmaceutiques privilégient principalement les stratégies de
brevets "sous-marins"126 couvrant des éléments
additionnels du produit. Les médicaments résultant
fréquemment de la conjonction de plusieurs innovations (de plusieurs
molécules par exemple), la stratégie de protection
123 Cette période est passée de 17 années
à, partir de la date de dépôt à 20 années
à partir de la date de demande, occasionnant pour les brevets
déposés avant cette décision une extension de la
durée de protection de trois ans à laquelle n'étaient pas
préparés les concurrents génériqueurs. On peut
également souligner le cas des certificats complémentaires de
protection.
124 Ainsi, une firme implantée dans un pays où
la durée de protection des innovations est plus courte que dans un autre
peut-elle y exporter ses génériques ? L'Union européenne a
pour sa part confirmé la légalité de ces importations
parallèles.
125 Cf. les conflits SmithKline Beecham/Watson (substituts
tabagiques) ou Eli Lilly/Apotex, NovoPharm et NuPharm
(anti-dépresseurs).
126 Le terme de"sous-marin"utilisé dans la Revue
d'économie industrielle, N°99., op. cit. , désigne un
brevet déposé mais non exploité ou un brevet en phase
d'homologation mais non encore publié.
optimale consiste à les breveter par étapes de
manière à s'assurer la protection la plus longue
possible127. Exemple répandu de brevets sous-marins, comme en
témoignent, entre autres, les conflits Eli Lilly/Teva (au sujet des
antidépresseurs) ou Glaxo/Teva (concernant les substituts tabagiques),
les brevets de procédés empêchent les producteurs de
génériques d'utiliser la technologie nécessaire à
l'élaboration du médicament. Pour contourner la protection, ces
entreprises sont donc contraintes de développer leurs propres
méthodes de production.
De leur côté, les fabricants de
médicaments génériques n'hésitent pas à
lancer leurs produits avant l'expiration des brevets de manière à
acquérir une position de leader sur le marché
générique. Les litiges proviennent donc des conflits
d'intérêt entre ces deux catégories d'acteurs et peuvent
alors impliquer les autorités sanitaires ou réglementaires.
Les fabricants de médicaments génériques
ayant intérêt à anticiper la levée de la protection
afin de se garantir une position de leader sur le marché, il est
difficile d'établir si ces accusations sont fondées ou
non128. Quelle qu'en soit l'issue, la multiplication des
procédures juridiques (interdiction provisoire, appel, etc.) parvient
à retarder l'entrée du médicament générique.
Du fait du coût, de l'incertitude et de la longueur de ces
procédures, il s'agit également d'affaiblir la firme adverse afin
de la contraindre à, accepter un accord à l'amiable.
2.1.1.3. Les stratégies d'accord entre firmes
pharmaceutiques et firmes génériques
Les procès intentés par les firmes
pharmaceutiques ne débouchent pas nécessairement sur un jugement.
Dans plusieurs cas, un accord à l'amiable est conclu, à travers
lequel le producteur de médicaments génériques devient un
partenaire de licence du laboratoire pharmaceutique. Ce dernier peut ainsi
assurer la production à grande échelle du médicament
générique, s'assurant du même coup une certaine emprise sur
les volumes commercialisés. Des clauses de restriction
géographiques permettent d'autre part de segmenter le marché
entre les deux partenaires.
127 Dans le cas du Losec (Astra Zeneca), les multiples brevets
déposés pourraient repousser l'entrée des fabricants de
génériques de plus de cinq années.
128 Selon les analyses de Sandy Campart et Étienne
Pfister, « Les conflits juridiques liés à la
propriété industrielle : le cas de l'industrie pharmaceutique et
biotechnologique », op. cit.
Enfin, ces accords, comme ceux signés entre Glazo et
NovoPharm ou entre Pfizer et Mylan, donnent aussi au fabricant du
médicament générique un avantage temporel sur ses rivaux,
lui permettant ensuite d'occuper une position dominante sur le
marché.
D'autres accords voient la compagnie pharmaceutique verser des
indemnités au fabricant de génériques afin qu'il retarde
l'introduction de son produit. Les accords signés entre Ivax et
Abbott 129, entre autres, prévoient ainsi un délai
minimum avant l'introduction du médicament générique. De
tels accords ne sont pas sans poser problème au regard du droit de la
concurrence. En effet, le surplus nécessaire à leur conclusion
provient de l'élimination de la concurrence et s'effectue par
conséquent aux dépens des consommateurs130. Quelle
analyse peut-on alors faire de cette situation ?
2.1.2. L'analyse des différends opposant les
fabricants de médicaments génériques aux laboratoires
pharmaceutiques
Cette analyse nous permettra de voir l'impact de ces litiges
sur l'accès aux soins à partir du constat fait.
2.1.2.1. Constat
L'analyse des différends opposant les fabricants de
médicaments génériques aux laboratoires pharmaceutiques
suggère, qu'en dépit de l'expiration du brevet principal, ces
derniers continuent de s'appuyer sur ce droit de propriété pour
prolonger leur monopole et ralentir ainsi l'introduction sur le marché
des équivalents génériques, soit par la voie d'un
procès, soit par celle d'un accord à l'amiable.
2.1.2.2. Impact des litiges relatifs au brevet
pharmaceutique sur l'accès aux soins
Très clairement, les litiges relatifs à la
propriété industrielle et au brevet en particulier ne sont donc
pas sans influence ni sur le bien-être des consommateurs (car ils
retardent l'entrée de médicaments génériques), ni
sur le rythme de l'innovation (car ils risquent d'entraîner une
distorsion des efforts de recherche). De ce point de vue, plusieurs
questions
129 Intervenant à la mi-1998, l'accord prévoit
que Ivax n'introduira pas son produit soit avant le début de
l'année 2000, soit avant l'entrée d'un autre médicament
générique. En échange, elle perçoit des paiements
trimestriels de 6 millions de dollars jusqu'à l'introduction de son
générique.
130 Une enquête de la Federal Trade Commission est
d'ailleurs en cours au sujet de tels accords (The Economist, 19/05/01).
n'ont pas été abordées ici et sont
laissées pour des recherches futures. Ainsi, le fait que des litiges se
produisent à l'issue des recherches constitue-t-il une source
d'efficience économique ou vaudrait-il mieux qu'ils interviennent
pendant le déroulement des recherches ? D'un point de vue empirique,
quelle doit être l'attitude des autorités vis à vis de ces
stratégies ? Faut-il privilégier ou non l'intérêt
des patients face à celui des firmes pharmaceutiques ? Nous essayerons
d'aborder cette dernière préoccupation à travers quelques
réflexions.
2.2. L'intérêt des patients face à
l'intérêt des firmes pharmaceutiques
Les produits pharmaceutiques sont exceptionnels dans la mesure
où ils sont essentiels à la préservation de la vie et
doivent donc faire l'objet d'une attention particulière en ce qui
concerne leur protection par les brevets. Le fait que les produits
pharmaceutiques soient essentiels au maintien de la santé ou à la
préservation de la vie, l'intérêt des patients doit donc
être recherché à tout prix. C'est pourquoi un regard
critique sur le système des brevets s'avère nécessaire
afin que le droit des brevets soit mieux respectueux du droit fondamental
à la santé.
La préservation d'un juste équilibre entre les
intérêts de la société et ceux des inventeurs a une
dimension éthique.
2.2.1. Nécessité d'une vision éthique
au regard des brevets en santé
Si nous sommes d'accord que le brevet est finalement le
meilleur outil de protection des fruits de la recherche scientifique, il ne
faut cependant pas oublier que la notion de brevet implique celle de
privilège. Un privilège qui se traduit soit par un droit à
l'exclusivité, soit un droit au partage. C'est en vérité
à ce niveau que le bât blesse et où d'un point de vue
éthique, on peut se poser la question de savoir si l'octroi d'un droit
exclusif à l'inventeur peut nous rassurer que l'usage qui en sera fait
sera à la mesure de ce que la société est en droit
d'attendre. Quel sera le résultat de l'utilisation d'un brevet une fois
que celui-ci sera accordé ? De quel moyen dispose-t-on pour s'assurer
que l'utilisation de ce brevet sera conforme aux bonnes
règles131 ? La relative baisse des coûts des produits
provient-elle de la volonté des entreprises pharmaceutiques ou de la
compétition ?
131 Nous faisons allusion ici au coût du produit fini sur
le marché.
132 La recherche représente aujourd'hui 17% et le
marketing et la vente 35% (Carnet de santé de la France 2003, Dunod).
Il est assez banal de constater que c'est au moment où
un produit tombe dans le domaine public et que le nombre de fabricants
augmente, que le prix se casse et que le coût du produit baisse
significativement. Comment peut-on alors s'assurer que la notion
d'exclusivité n'ira pas de pair avec un enrichissement indu des produits
mis sur le marché ?
2.2.1.1. Le dilemme éthique de fond
Nul n'ignore l'importance des brevets comme moyen d'encourager
l'innovation en accordant une compensation pécuniaire à
l'inventeur en échange de la transparence et de la publication de ses
résultats. Cependant il existe un dilemme éthique de fond en ce
sens que si, d'un côté, le brevet encourage la recherche
scientifique pouvant servir à améliorer les soins de
santé, d'un autre côté, il peut restreindre l'accès
aux soins parce qu'il faut une licence et donc payer des droits au titulaire du
brevet.
L'éthique implique par ailleurs d'assurer un juste
équilibre entre les intérêts de l'inventeur et ceux de la
société, ce qui veut dire qu'il faut garantir le respect des
principes et valeurs éthiques dans le contexte d'éventuels
conflit d'intérêts entre les parties concernées, à
savoir les patients, les associations de patients, les laboratoires
pharmaceutiques, les firmes génériques, les professionnels de
santé et les organismes d'assurance maladie.
Pour cela, la définition des règles
éthiques prendra en compte : l'objet du brevet (procédé ou
produit), le caractère réellement nouveau de l'invention et les
conséquences socio-économiques possibles et les implications
philosophique du système tel qu'il est appliqué.
2.2.1.2. La question du rapport brevets et coût de la
recherche et du développement de médicaments
Il n'est pas très juste de croire aux affirmations des
laboratoires pharmaceutiques selon lesquelles la mise au point d'un nouveau
médicament nécessiterait de plus en plus d'investissement pour
justifier leur coût prohibitif sur le marché, lorsqu'on sait que
dans ce domaine les efforts commerciaux dépassent les efforts de
recherche132 Est-il normal que les
fusions servent à donner un rapport de forces politique
considérables aux industriels face aux Etats nationaux133 ?
Est-il normal d'abandonner les recherches sur des maladies parce les
populations qu'elles concernent sont "insolvables"?
Ce sont des exemples parmi tant d'autres qui visent à
démontrer que la recherche de profits au sein de l'industrie du
médicament peut aller très loin.
L'industrie pharmaceutique demeure la plus lucrative au
monde134, loin devant les entreprises de tout autre secteur. Ses
profits récents dépassent largement la somme nécessaire
à un retour « raisonnable » sur les activités de
recherche et de développement.
Cela est particulièrement vrai si l'on considère
que les médicaments vendus par les multinationales pharmaceutiques sont
souvent développés au moyen de subventions publiques, venant
d'allégements fiscaux sur la recherche et le développement et
d'investissements gouvernementaux directs dans la recherche pharmaceutique.
De toute façon, un système fondé sur les
profits et les droits exclusifs de brevets ne motive qu'à
développer des médicaments qui rapporteront un maximum de
profits135. Par conséquent, des incitatifs autres que les
brevets seront nécessaires pour stimuler la recherche et le
développement de médicaments contre des maladies.
Que pourrait-on alors faire pour que le droit de la
propriété intellectuelle permette réellement la
réalisation du droit d'accès aux soins ?
2.2.2. Pour un droit de la propriété
intellectuelle respectueux du droit fondamental à la santé
Le droit de la propriété intellectuelle sera
respectueuse du droit fondamental à la santé si effectivement son
objectif premier est de réussir à mettre à disposition des
patients des médicaments innovants (efficaces et à un coût
normal) et non de faire le maximum de profit.
133 Pfizer a menacé en 2002 de se retirer de France si
on ne lui accordait pas le prix qu'il demandait pour ses nouveaux
médicaments (ouvrage : le grand secret de l'industrie pharmaceutique)
134 D'après le SNIP (1999) l'industrie pharmaceutique
fait partie des secteurs plus florissants. Lire aussi Haroun, Thierry,
Médicaments -l'industrie du médicament générique se
porte bien, le Devoir, 2 - 3 octobre 2004.
135 Les maladies qui affectent principalement des personnes
pauvres (qui n'ont pas les moyens d'acheter des médicaments
coûteux) ne sont pas un domaine lucratif de recherche (à moins
qu'un marché suffisamment riche y justifie des investissements)
Pour y arriver, l évaluation éthique des
demandes de brevet, la transparence et la rationalisation des brevets seront
nécessaires.
2.2.2.1. Nécessité d'une évaluation
éthique des demandes de brevet dans le domaine de la santé
Compte tenu des abus et des dérives qui peuvent
caractériser le monopole conféré à l'inventeur par
le brevet, il devient nécessaire de procéder à une
évaluation éthique lors de l'examen des demandes de brevet
présentant un caractère particulier pour la santé
publique. Il serait d'ailleurs souhaitable que cette évaluation
éthique fasse partie intégrante du processus d'examen mis en
place par les offices nationaux136 de brevet ou d'institutions
européennes comme l'OBE et que des comités consultatifs d'experts
indépendants soient créés à cette fin.
A ce sujet, il faut signaler qu'il existe au niveau
européen en matière de biotechnologie une évaluation
générale faite par conformément à l'article 7 de la
directive européenne de 1998 relative au brevet137.
L'évaluation éthique pourra porter sur les conséquences
des brevets sur la poursuite des travaux de recherche et sur l'accès aux
soins de santé, particulièrement en ce qui concerne
l'accès juste et équitable aux nouvelles thérapies.
2.2.2.2. Brevet et transparence
Pour un droit de propriété intellectuelle
responsable, il faut la transparence qu'évoquait déjà
Michel Vivant dans un rapport de synthèse intitulé « La
propriété intellectuelle est-elle une marchandise ?
»138.
Il faut en tout cas « être attentif à un
certain usage de la propriété intellectuelle qui constitue un pur
et simple dévoiement de celle-ci et justifie les critiques dont elle
fait l'objet », ajoute le professeur.
Le brevet a vocation à protéger une «
valeur ajoutée »139 et assurer, quant à celle-ci,
un juste partage de richesses entre l'inventeur et la société. La
valeur propre de certains biens
136 Cet office en France est l'INPI.
137 Directive 98/44/CE du Conseil du 6 juillet 1998 relative
à la protection juridique des inventions biotechnologiques.
138Cf. M. Vivant, « Propriété
intellectuelle et mondialisation : la propriété intellectuelle
est-elle une marchandise ? », Dalloz, Paris, 2004, p. 182.
voudrait qu'on ne les traite pas de la même façon
que d'autres. Ainsi par exemple, on ne traitera pas le piston de la même
manière que le médicament contre le cancer. Il s'agit là
de la catégorie des « biens d'humanité »140.
De tels biens devraient répondre à une logique de
l'accès.
En conséquence, pour rassurer le public, les
laboratoires pharmaceutiques devraient faire la publication complète des
résultats des études cliniques et de l'évaluation
après commercialisation, la traçabilité des
matières premières et des produits, des analyses
coût-efficacité, la mise à disposition par les
sociétés des informations sur leurs prix de revient et leurs
recettes, ainsi que la subvention publique.
Ce n'est qu'en disposant des informations nécessaires
pour évaluer la valeur et le prix des nouvelles thérapies
médicamenteuses que les systèmes de protection de la santé
seront à même de garantir une égalité d'accès
aux soins requis, que ce soit au niveau national ou international.
2.2.2.3. La rationalisation du droit des brevets face
à l'accès aux soins de santé
Le libre échange en matière de santé
devrait également inclure les biens médicaux. Il est certain que
les produits pharmaceutiques représentent un important
élément de toute stratégie publique de santé.
Dès lors, l'accès aux médicaments doit être
assuré par une politique pharmaceutique qui garantisse des
médicaments à la fois efficaces, sûrs et d'un bon rapport
qualité-coût accessible financièrement, leur utilisation
rationnelle ainsi qu'une réelle innovation par le biais de la recherche
fondamentale.
Le commerce international et l'intensification de la
concurrence entre fournisseurs de produits pharmaceutiques contribueront
à l'abaissement des prix et à une meilleure facilité
d'accès aux médicaments pour les patients et les systèmes
de santé. Au contraire, la protection par brevet et la segmentation des
marchés pharmaceutiques font obstacles à cette concurrence tout
en maintenant la position monopolistique des détenteurs de brevets.
Généralement, les fabricants font planer autour
des produits de marque des allégations selon lesquelles leur prix
élevé se justifierait par les frais de recherche, de
développement et de commercialisation. On ne saurait s'opposer à
la protection de la propriété
139 M. Vivant, « Propriété intellectuelle et
mondialisation : la propriété intellectuelle est-elle une
marchandise ? », op. cit.
140 Cf. Marie-Anne Frison-Roche, « Les bien
d'humanité, débouché de la querelle entre marché et
patrimoine ». in M. Vivant op. cit.
intellectuelle si celle-ci favorise l'élaboration de
produits réellement innovants, de produits qui constituent un
progrès thérapeutique dans la lutte contre les maladies. Mais les
moyens consacrés à la recherche sont souvent affectés
à des produits qui imitant ce qui a déjà été
fait et couvrent des indications pour lesquelles des traitements relativement
efficaces existent déjà. Des études indépendantes
démontrent que très peu de produits élaborés ces
vingt dernières années sont réellement innovateurs.
Nous suggérons d'établir au niveau des Nations
Unies un fonds de recherche visant à promouvoir la recherche
fondamentale indépendante sur les maladies. Dès lors, la
protection par brevet ne devrait pas être un but en soi, et les
intérêts privés des entreprises détentrices de
brevets devraient être contrebalancés par l'intérêt
général., notamment lorsqu'il est question de médicaments
indispensables dans des situations économiques différentes.
Les licences obligatoires et les importations
parallèles, évoquées plus haut doivent être
considérées comme des moyens nécessaires et
légitimes pour permettre aux gouvernements nationaux d'empêcher
les détenteurs de brevets d'abuser de leur position monopolistique et de
bloquer l'accès aux médicaments nécessaires. Du point de
vue de la santé publique, la communauté internationale devrait
promouvoir la concurrence par les médicaments
génériques.
CONCLUSION
Le droit des brevets est une condition importante pour les
activités et la sécurité des investissements dans tous les
domaines techniques et en particulier pour les branches industrielles qui ont
des coûts élevés en recherche et développement. On
ne saurait prendre des risques d'investissement élevés sans
l'assurance d'une protection limitée dans le temps contre le vol de la
propriété intellectuelle.
L'intégration du droit des brevets dans le domaine de
la santé se justifie par la nécessité de protéger
les fruits de la recherche afin d'obtenir un retour sur investissement. Mais
elle n'aurait pas de sens sans une volonté de limiter efficacement les
abus possibles. Car ce sont ces abus qui viennent à interdire
l'accès aux soins.
Mais comment faire respecter le droit à la santé
sans aller à l'encontre de la protection du droit de brevet ?
S'il est vrai que les deux droits tendent à se
compléter, il est cependant difficile de les concilier. Un arrêt
de la Cour de justice des communautés européennes en date du 9
juillet 1997141 témoigne de cette difficulté à
travers l'opposition inévitable entre médicaments
génériques et le droit des brevets.
Concilier les besoins des patients et ceux des titulaires de
brevets est donc l'un des défis à relever pour améliorer
l'accès aux soins de santé essentiels. Compte tenu des
répercussions potentielles des droits de propriété
intellectuelle sur les prix, on s'est intéressé de plus en plus
aux mécanismes visant à garantir les niveaux de prix les plus
favorables.
Un assouplissement des prescriptions en matière de
brevet, le système des licences volontaires ou des licences
obligatoires, ont été successivement évalués en
tant que mécanismes potentiellement efficaces pour permettre d'avoir
accès aux médicaments brevetés aux prix les plus
avantageux.
L'analyse tend toutefois à démontrer que ce sont
les approches qui facilitent la concurrence qui ont le plus fort impact sur la
réduction des prix. Ces approches doivent être
évaluées aussi bien individuellement qu'en combinaison, pour
tenter de trouver un juste équilibre entre les droits exclusifs
conférés par les brevets (et leur effet stimulant sur les
investissements) et l'objectif d'une réduction des prix, cela en se
replaçant dans des contextes nationaux différents.
141 CJCE, 9 juillet 1997, C-316/95, Generics BV c. Smith Kline
& French Laboratories Ltd.
Il n'y a à l'évidence pas de solution
universelle pour promouvoir l'innovation en matière de santé
publique tout en protégeant les droits de propriété
intellectuelle. Une analyse rigoureuse des aspects scientifiques, juridiques,
économiques et éthiques de la propriété
intellectuelle dans le domaine de la santé publique et de ses liens avec
les droits de l'homme et une étude attentive de cette mosaïque dans
différents contextes nationaux peuvent fournir une aide très
précieuse tant au plan national qu'au plan international pour adopter
des politiques et des pratiques permettant à la fois de promouvoir une
innovation répondant à des besoins encore non satisfaits et
d'assurer un meilleur accès aux soins en matière de
santé.
BIBLIOGRAPHIE I. Codes
1) Code de la santé publique, Dalloz, 2005.
2) Code de la propriété intellectuelle, Dalloz,
2004.
3) Code de la sécurité sociale, Dalloz, 2004
II. Ouvrages
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propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC ou
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23) PIOTRAUT (Jean - Luc), Droit de la
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24) SCHMIDT-SZALEWSKI (J.), PIERRE (J-L), Droit de la
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26) TESSIER S., ANDREYS J.-B., RIBEIRO M.-A. Santé
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27) VIVANT (M.), Le droit des brevets, Dalloz,
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28) VIVANT (M.), Les grands arrêts de la
propriété intellectuelle, Dalloz, Paris, 2004, 448 p.
29) VIVANT (M.), Propriété intellectuelle
et mondialisation. La propriété intellectuelle est-elle une
marchandise ?, Dalloz, Paris, 2004, 185 p.
III. Rapports
1) DEMEULENAERE (C), La brevetabilité du
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note technique, Genève, OMC, 2000.
3) Médecins sans frontières, Campagne
d'accès aux médicaments essentiels, Rapport novembre 2001.
4) Propriété intellectuelle, Conseil d'Analyse
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5) Rapport de la Commission des affaires sociales, Doc. Ass.
nat. n°1148, tome 2.
VI. Thèses
1) Garcia (C. D.), Le médicament, Thèse de
droit privé, Collection Thèses, Les Etudes
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2) Le Dimet (J.), Brevet et performances internationales
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internationales, Grenoble 1988, p.110.
V. Articles, chroniques
1) AUBY (J.M.), COUSTOU (F.), Les médicaments
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Pharmaceutique, Paris 1989, Litec, Fasc 39 pp 2-6.
2) Azéma (J.), Existe-t-il encore une
spécificité du brevet pharmaceutique ?, JCP, 1990,
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4) Campart (S.) et Pfister (E.), in Les conflits juridiques
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l'industrie pharmaceutique et biotechnologique, Revue d'économie
industrielle, N°99, Numéro spécial, 2e trimestre 2002.
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intellectuelle, JCP - La Semaine Juridique Edition Générale,
n°1-2 janvier 2005, pp. 21-26.
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8) Chabert-Peltat (C.), Ruano- Cicuendez (M.), Le droit
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droit des brevets : un changement de position en faveur du droit à la
santé », Gazette du palais, n°22-23, décembre
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12) LEMAY (R.), Les médicaments :
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13) LE TARNEC (Alain), « Jurisprudence en
matière de propriété intellectuelle. Brevets d'invention
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éléments d'actualité, Droits Social n°4, avril
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révisée, OMS, Programme d'action pour les médicaments
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19) Vivant (M), La brevetabilité de la seconde
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V I. Articles de presse
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sacrifie les malades du sud », le monde du 7 - 02 - 2004.
2) LAMY (Pascal), « Accès aux médicaments
: l'Europe en première ligne », Le Monde du 13 janvier 2003.
3) LOVE (James), « L'Europe et les Etats-Unis
prolongent l'apartheid sanitaire », Le Monde diplomatique, mars
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4) MOORE (Mike), Directeur Général de l'OMC,
«Oui aux médicaments pour les pauvres et oui aussi aux
brevets », The International Herald Tribune du 22 février
2001.
5) VELASQUEZ (G), « Le profit contre la santé.
Hold-up sur le médicament », Monde diplomatique, juillet
2003.
VII. Divers
1) Alternatives Sud : les obstacles à « la
santé pour tous » points de vue du Sud, Centre Continental et
éd. Syllepse, 2004.
2) Calvo (J.), Les médicaments
génériques et le droit de la concurrence : totem ou tabou ? ,
Petites Affiches n° 47, 17 avril 1992, p. 6.
3) Haroun (T.), Médicaments -l'industrie du
médicament générique se porte bien, le Devoir, 2 - 3
octobre 2004
4) Launois (R.), Qu'est ce que la régulation
médicalisée ? In Actes du colloque CREDES-CES « De
l'économie aux politiques de santé ». Paris, 16, 17, 18
décembre 1992, Publiée par SNIP-Editions John Libbey, p. 12.
5) Les médicaments en France, chiffres
clés, notes internes du SNIP.
6) Siavellis (H.), Génériques : quels enjeux ?
Les génériques et le marché pharmaceutique, le
Généraliste, n° 1706, juillet 1996.
VIII. Textes juridiques
Sources françaises
1) Ordonnance n° 59-250 du 4 février 1959.
2) Décret du 30 mai 1960 pris en application de
l'ordonnance n° 59-250 du 4 février 1959.
3) Décret n°67-441 du 5 juin 1967 publié au
J.O. du 6 juin 1967.
4) Ordonnance n° 67-826 du 23 septembre 1967
5) Loi n° 68-1 du 2 janvier 1968 (J.O. 3 janvier)
modifiée et complétée par la loi n° 78-742 du 13
juillet 1978 (articles 6, 8 et 30).
6) Décret n°90-1034 du 21 novembre 1990, J.O. 22
novembre 1990.
7) Ordonnance n° 96-345, 24 avril 1996 relative à la
maîtrise médicalisée des dépenses de soins, JO. 25
avril 1996, p. 6311.
8) Loi n° 98-1194, 23 décembre 1998, de financement
de la sécurité sociale pour 1999.
9) Décret n° 99-486 du 11juin 1999 relatif aux
spécialités génériques et au droit de substitution
du pharmacien, JO du 12 Juin 1999.
10) Arrêté du 11 juin 1999 relatif à la
neutralité financière de l'exercice du droit de substitution au
sein d'un groupe générique, art. 2, JO du 12 juin 1999. 1.
Séance du 16 novembre 1998, JO Sénat du 17 novembre 1998, n°
79 S (CR), p. 4499.
11) Loi n° 90-510 du 25 juin 1990 tendant à rendre
identique, pour les médicaments et les autres produits, la durée
effective de protection assurée par les brevets, JO, LD, 27 juin 1990,
pp. 7488-7489 ; PIBD 1990, 483, I-75.
Sources européennes
1) Directive 65/65/CEE du conseil du 26 janvier 1965, JO 1965,
22, p.369
2) Convention sur la délivrance de brevets
européens, signée à Munich le 5 octobre 1973.
3) Règlement n°1768/92, 18 juin 1992, concernant la
création d'un certificat complémentaire de protection pour les
médicaments, J.O.C.E. n° L-182, 2 juillet 1992, p.1.
4) Directive 2001/83/CE et règlement 2309/93.
IX. Jurisprudences
1) C.J.C.E. 31 oct. 1974, Centrafarm BV et A. De Peijper c/
Sterling Drug, Cit.
2) C.J.C.E. 31 oct. 1974, Centrafarm BV et A. De Peijper c/
Sterling Drug, Aff. 15/74, Recueil p. 1147, point 6, concl. A. Trabucchi.
3) CJCE, 9 juillet 1997, C-316/95, Generics BV c. Smith Kline
& French Laboratories Ltd.
4) Cass. Soc., 24 mai 1989, pourvoi n° 87-1037, C.P.A.M. du
Val d'Oise c/Mme Chatelain.
5) Cass. soc. 6 janvier 1988, pourvoi n° 85-18.219, Caisse
générale de sécurité sociale de la Réunion
c/M. Chatelain
6) Cass. soc. 11 juillet 1991, pourvoi n° 89-19.115,
C.P.A.M. de la Manche c/Mme. Josselin.
X. Sites Internet consultés
1) Site de l'Office américain des brevets et des
marques (USPTO) : http://www.uspto.gov/
2) Site de l'Office Européen des Brevets (OEB) :
http://www.european-patent-office.org/index_f.htm
3) Site de l'Organisation Mondiale de la
Propriété Intellectuelle (OMPI) :
http://www.wipo.org/index.html.fr
4) Le Portail de la Propriété Intellectuelle :
http://www.ipppi.net/
TABLE DES MATIÈRES
RESUME : 3
SOMMAIRE 4
PARTIE 1 : 9
L'ACCÈS AUX SOINS FACE AU DROIT DES BREVETS
APPLIQUÉ
AUX MÉDICAMENTS 9
1. ÉTAT DES LIEUX : CONTEXTE JURIDIQUE DES BREVETS 11
1.1. CONTEXTE GENERAL 11
1.1.1. La notion de brevet 11
1.1.1.1. Les objectifs du droit des brevets 11
1.1.1.1.2. Le brevet européen 12
1.1.1.1.3. L'Accord sur les ADPIC 13
1.1.1.2. Le brevet et son champ d'application et ses avantages
14
1.1.1.2.1. Qu'est-ce qu'un brevet au sens juridique du terme
14
1.1.1.2.2. L'étendue du droit des brevets 15
1.1.1.2.3. Les avantages du système des brevets 17
1.1.2. Les exemptions et alternatives au brevet
18
1.1.2.1. Les exemptions 18
1.1.2.1.1. Les exclusions traditionnelles en Europe 19
1.1.2.1.2. L'exemption en faveur de la recherche 19
1.1.2.2. Alternatives au brevet : les procédés
délibérément non brevetés 19
1.2. LA BREVETABILITE DU MEDICAMENT 20
1.2.1. L'objet du brevet protégeant un
médicament 20
1.2.1.1. La controverse relative à la protection du
médicament par brevet 20
1.2.1.1.1. Particularités du médicament 20
1.2.1.1.2. Les arguments relatifs à la
brevetabilité 21
a) Les arguments contre la brevetabilité 21
b) Les arguments en faveur de la brevetabilité 22
1.2.1.1.3. Les solutions adoptées quant à la
protection du médicament par brevet 23
1.2.1.2. La situation en France 24
1.2.1.2.1. Le Brevet Spécial de Médicament et sa
réforme 25
1.2.1.2.2. Le principe de la brevetabilité et la
définition du médicament 26
1.2.1.2.3. Le régime actuel du brevet de médicament
27
1.2.2. La portée d'un brevet visant un
médicament 28
1.2.2.1. Les droits conférés par le brevet de
médicament 28
1.2.2.2. Etude de l'Impact de l'extension de la protection par
brevet aux produits pharmaceutiques 30
1.2.2.2.1. Impacts au niveau de l'industrie pharmaceutique 30
a) Impact sur la recherche et le développement des
produits
pharmaceutiques 31
b) Impact de la protection par brevet sur les recettes et les
profits de l'industrie 32
1.2.2.2.2. Le coût prohibitif des médicaments et
l'augmentation des dépenses de santé 32
a) Impact de la protection par brevet sur le coût global
des médicaments et sur les assureurs publics et
privés 33
b) Impact de la protection par brevet sur les consommateurs et
leur santé 33
2. L'AJUSTEMENT JURIDIQUE DES LOGIQUES ÉCONOMIQUES
ET
SANITAIRES FACE AU PARTICULARISME DES MEDICAMENTS
35
2.1. LES LIMITES AUX DROITS CONFERES PAR UN
BREVET DE MEDICAMENT DANS L'INTERET DE LA SANTE
PUBLIQUE 35
2.1.1. Importations parallèles et
"épuisement" des droits 36
2.1.1.1. Le droit des brevets limités par la
théorie de l'"épuisement" des droits 36
2.1.1.2. Les importations parallèles 37
2.1.2. Concession de licences obligatoires et autres
limites 38
2.1.2.1. Les licences obligatoires 38
2.1.2.1.1. Les licences d'office dans l'intérêt de
la santé publique 39
2.1.2.1.2. Les licences obligatoires : une solution
limitée à manier avec précaution 41
2.1.2.2. Autres limites relatives au brevet 41
2.1.2.2.1. Actes autorisés 41
2.1.2.2.2. L'exception de possession personnelle
antérieure 42
2.2. LA PRISE EN CHARGE DES MEDICAMENTS 42
2.2.1. Le remboursement des médicaments
42
2.2.1.1. L'existence d'un droit d'accès au traitement
médicamenteux 43
2.2.1.2. La qualification de médicament remboursable 44
2.2.2. La flexibilité de la notion de
médicament remboursable 45
2.2.2.1. Du remboursement au "déremboursement" des
produits pharmaceutiques 46
2.2.2.2. Les limites du droit d'accès au médicament
48
PARTIE 2 : LE DROIT A L'ÉPREUVE DES FAITS : LA
SOLUTION DES GÉNÉRIQUES FACE AUX PROBLÈMES SOULEVÉS
PAR LES MÉDICAMENTS SOUS BREVET ET SES IMPLICATIONS EN
DROIT 51
1. LE RECOURS AUX GENERIQUES 53
1.1. LES MEDICAMENTS GENERIQUES : UN ENJEU ESSENTIEL POUR LA
MAITRISE DES DEPENSES DE SANTE ET
L'ACCES AUX SOINS 53
1.1.1. Les médicaments
génériques : généralités 53
1.1.1.1. Définition et Contexte 53
1.1.1.2. Cadre légal 54
1.1.1.3. La production des génériques 55
1.1.2. Médicaments génériques et
rapport coût/efficacité thérapeutique 56
1.1.2.1. Les génériques : des
médicaments "nouveaux", de même efficacité et parfois
améliorés par rapport aux
princeps 56
1.1.2.2. Les médicaments génériques et leurs
médicaments de référence : un regard sur les écarts
de prix 57
1.1.2.3. Etude des profils socio-économiques des
consommateurs de médicaments innovants et des consommateurs
de génériques 59
1.2. LE DEVELOPPEMENT DES GENERIQUES 60
1.2.1. Le droit comme moyen de promotion des
génériques 60
1.2.1.1. Le droit de substitution reconnu aux pharmaciens 61
1.2.1.1.1. La substitution générique : un droit
à vocation économique 61
1.2.1.1.2. Les limites du droit de substitution 62
a) Le droit d'opposition du prescripteur 63
b) Le coût de la substitution 63
c) Le consentement du patient 64
1.2.1.2. Impact des génériques sur le droit 64
1.2.1.2.1. Substitution et violation du droit des marques 64
1.2.1.2.2. Les questions de responsabilité 65
a) La responsabilité du prescripteur en cas de
substitution 65
b) La responsabilité du pharmacien en matière de
substitution 65
c) Vers un régime de coresponsabilité ? 66
1.2.2. Les problèmes liés au
développement des génériques 67
1.2.2.1. Des obstacles de fait 67
1.2.2.1.1. L'intérêt du consommateur et du
prescripteur 67
1.2.2.1.2. La contre-attaque des laboratoires pharmaceutiques
68
1.2.2.2. Les entraves juridiques à l'essor des
génériques 69
1.2.2.2.1. Les obstacles juridiques directs 69
a) Une définition restrictive des
génériques 69
b) La multiplicité des brevets portant sur un même
principe actif 69
1.2.2.2.2. Les obstacles juridiques indirects 70
a) La prolongation due au système des certificats
complémentaires 70
b) La prolongation du monopole des brevets due à
l'absence de dispositions " Bolar" dans la législation
française 72
2. L'ENJEU DES GÉNÉRIQUES FACE AUX
INTÉRÊTS DES
LABORATOIRES PHARMACEUTIQUES . 73
2.1. LES CONFLITS JURIDIQUES RELATIFS A L'INTRODUCTION DE
MEDICAMENTS GENERIQUES SUR LE MARCHE 73
2.1.1. Les stratégies mis en place
73
2.1.1.1. L'origine de ces conflits 73
2.1.1.2. Les stratégies juridiques « offensives
» 74
2.1.1.3. Les stratégies d'accord entre firmes
pharmaceutiques et firmes génériques 75
2.1.2. L'analyse des différends opposant les
fabricants de médicaments génériques aux laboratoires
pharmaceutiques 76
2.1.2.1. Constat 76
2.1.2.2. Impact des litiges relatifs au brevet pharmaceutique sur
l'accès aux soins 76
2.2. L'INTERET DES PATIENTS FACE A L'INTERET DES FIRMES
PHARMACEUTIQUES 77
2.2.1. Nécessité d'une vision
éthique au regard des brevets en santé
77
2.2.1.1. Le dilemme éthique de fond 78
2.2.1.2. La question du rapport brevets et coût de la
recherche et du développement de médicaments 78
2.2.2. Pour un droit de la propriété
intellectuelle respectueux du droit fondamental à la santé
79
2.2.2.1. Nécessité d'une évaluation
éthique des demandes de brevet dans le domaine de la santé 80
2.2.2.2. Brevet et transparence 80
2.2.2.3. La rationalisation du droit des brevets face à
l'accès aux soins de santé 81
CONCLUSION 83
BIBLIOGRAPHIE 85
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