Une approche socio-historique de la violence au XIXème siècle: le cas d'une conspiration à Lyon en 1817( Télécharger le fichier original )par Nicolas Boisson Université Pierre Mendès France Grenoble - Master recherche 2008 |
III-1.2 Le récit de ces codes par des conjurés du 8 juin 1817
Cette conspiration du 8 juin 1817 est digne d'intérêt car elle relève, dans son fonctionnement, des sociétés secrètes à venir en France toujours sous la Restauration, comme la Charbonnerie française dont nous avons pu, avec l'aide de Pierre-Arnaud Lambert, présenté quelques aspects rituels. Ainsi, le procès de cette conspiration révèle l'existence d'une mécanique ritualisée interne de fonctionnement du type de celles des sociétés secrètes politiques, démontrant au moins la volonté de revêtir les attributs du complot politique. Le rite d'initiation ou d'entrée dans la conspiration et son secret se faisait déjà sur le mode opératoire du serment du poignard. On apprend à la lecture du compte-rendu du procès de la Cour prévôtale dans sa séance du 25 octobre 1817, que les membres du comité supérieur de la conspiration se réunissaient rue du Garet, à Paris, sous l'impulsion de madame Lavalette. C'est là selon les déclarations faites à la Cour prévôtale que s'organisait l'initiation au complot : « Cochet sortit de sa poche un poignard, sur lequel chacun jura de perdre plutôt la vie, que de dénoncer aucun des conspirateurs. »297(*). Le récit de la Cour évoque l'existence du tribunal secret, institution d'autorégulation interne de la conspiration, inspirée des Carbonari, « chargé de frapper les parjures, qu'une grande partie des Autorités était affiliée à ce tribunal, que déjà plusieurs individus avaient disparus, qu'on avait trouvé des cadavres aux Brotteaux et à la Pêcherie, avec un poignard autour duquel était cette inscription : Voilà la récompense des traîtres. »298(*). Jacquit à la tête de ce comité exécutoire était chargé, avec la police ! selon Cochet, de l'exécution des arrêtés du tribunal secret. L'existence d'une telle structure ou même sa rumeur devait assurer la cohésion des conjurés. Ainsi, selon le récit rapporté par la Cour prévôtale : « Il était ordonné aux chefs d'entretenir chez leurs subalternes la terreur que de tels récits devaient inspirer. (...) L'effroi que ces idées durent jeter dans les âmes, donna de la sécurité aux conspirateurs. »299(*). De même, une des garanties du secret provenait du fait que : « l'organisation du complot était telle, qu'il n'y avait qu'un petit nombre d'individus qui fussent initiés dans tous ses secrets. »300(*). La rationalisation du partage du secret entre les conjurés assurait donc l'impératif de la loi du silence. Parmi les techniques du secret aussi employées lors de cet épisode, on doit signaler la dissimulation aux enrôlés des chefs subalternes qui les avaient recrutés et le flou constant sur les buts réels de la conspiration. Enfin, au cours des interrogatoires de la Cour prévôtale du 27 octobre 1817, on apprend du conjuré Taysson que les conspirateurs avaient adopté des surnoms, à l'aide desquels il leur était facile de se cacher. C'est ainsi que Barbier était appelé « Herbas », Volozan aîné « Scipion », Taysson « Paulus », etc301(*). Nous venons de dévoiler les fondements rituels et fonctionnels de l'entreprise politique clandestine, qu'il s'agisse d'une société politique secrète comme la Charbonnerie française ou d'une réunion plus éphémère de conjurés lors du complot du 8 juin 1817. Nous avons ainsi démontré que lors de cet épisode, les acteurs de cette conspiration ont été soumis au dispositif rituel et fonctionnel propre au complot politique du début du XIXème siècle. Il nous faut donc à présent, nous intéresser à l'envers des usages de la violence au sein de la conjuration politique, en observant cette fois ceux de la répression policière et judiciaire. * 297 Conspiration de Lyon en 1817 : Procédure..., op.cit, BM Lyon Part Dieu, fond ancien, cote 354164, p.6. * 298 Conspiration de Lyon en 1817 : Procédure..., op.cit, BM Lyon Part Dieu, fond ancien, cote 354164, p.7. * 299 Conspiration de Lyon en 1817 : Procédure..., op.cit, BM Lyon Part Dieu, fond ancien, cote 354164, p.7. * 300 Conspiration de Lyon en 1817 : Procédure..., op.cit, BM Lyon Part Dieu, fond ancien, cote 354164, p.11. * 301Conspiration de Lyon en 1817 : Procédure..., op.cit, BM Lyon Part Dieu, fond ancien, cote 354164, p.29. |
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