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Ethique et démocratie: les cas américain et français

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par Pathé DIOP
Faculté de Lille 2  - DEA de science politique 2003
  

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Conclusion

Parler d'une démocratie particulière, par exemple la France ou les Etats-Unis, pour désigner une diversité de démocratie, par exemple la démocratie occidentale, n'a pas de sens et reste sans doute un abus de langage. Il y a des démocraties différentes les unes des autres : il n'y a pas dans le monde deux démocraties qui se ressemblent, de même qu'il n'y a pas dans la nature deux feuilles d'arbre qui se ressemblent(principe des indiscernables de Leibniz).

Toute démocratie s'insère dans une tradition politique, culturelle, économique et sociale bien déterminée qui, en l'informant, lui donnent aussi bien une spécificité qu'elles lui tracent la voix à suivre dans le long processus de démocratisation. La démocratie française et la démocratie américaine, bien qu'elles reposent toutes deux sur les mêmes fondamentaux (liberté, égalité et autonomie) et sur une tradition historique différente tendent à une même démocratie sociale qui diffère à bien des égards de la conception originelle que chacun s'était fait de la démocratie. Ils tendent à forme communautaire de la démocratie. La seule différence reste le fait que les Américains ont reconnu ce fait et, en dépassant le débat universitaire sur ce sujet, ont réussi à institutionnaliser cette forme de démocratie, tandis que les Français, restant prisonniers de leur tradition et idéal républicain, refoulent le communautarisme quoique ce dernier, malgré les refoulements, surgissent dans l'espace public.

C'est parce que la démocratie n'est pas du seul ressort de la politique, mais des individus composant la société. Ceux-ci étant déterminés par les fondamentaux de liberté, d'égalité et

d'autonomie demeurent des conquérants d'une autonomie de plus en plus réelle et réclament une justice sociale et des droits correspondant à leurs conditions. C'est pour cela que nous préférons parler de la démocratie comme un processus (démocratisation) et non comme un acquis indépassable extérieur à la temporalité historique. La démocratie le serait si elle ne relevait que des institutions politiques et de la technique démocratique : le vote, les élections etc.

Il faut dire que la démocratie est une idée particulière, autrement dit une conception au point qu'une certaine démocratie ne peut pas abriter n'importe quel individu. L'homme qui lui convient est son citoyen, lequel est taillé sur mesure suivant les principes et l'idéal démocratique qui sont à l'oeuvre. Et qu'en est-il des droits dits de l'homme ?

Ces derniers ne préexistent pas aux droits civils, ils viennent, nous semble-t-il, les compléter. Ce qui semble justifier notre idée selon laquelle la démocratie est une interprétation du monde. Or, si elle ne l'était pas toutes les démocraties reposeraient en premier chef sur les droits de l'homme et non sur les droits civils, lesquels dérivent certainement des premiers.

Pouvons-nous concevoir une démocratie universelle comme beaucoup de penseurs sont porter à le faire ? ou une démocratisation universelle dont les principes et l'idéal sont dictés par une démocratie particulière comme les Etats-Unis ou la France?

Toutes les deux alternatives restent une utopie dans la mesure où, d'une part, une démocratisation universelle fondée sur une tradition de l'histoire des idées, notamment des droits de l'homme ou des gens (comme c'est le cas chez Rawls

dans Le droit des gens)reste trop centrée étant donné qu'elle calque la conception libérale des droits, lesquels sont édictés par des institutions politiques ou des Etats ; d'autre part, une démocratisation dictée par un Etat phare, porteur du flambeau démocratique est une contradiction, car étant donné que la démocratie est un processus aucun n'Etat n'est légitimement ni légalement en mesure d'imposer à d'autres Etats ses principes et idéaux puisque chacun « est partie, et même objet du litige, et non juge127 » : il faut être ne dehors du processus démocratique, c'est-à-dire l'avoir épuisé pour pouvoir s'investir un tel rôle.

L'accession à une démocratie universelle nous semble absurde, car elle signifie que tous les Etats sont démocratiquement au même pied. Or, la démocratie universelle est un processus (une démocratisation) dont l'« effectivité » ne nécessite pas seulement des mesures politiques et économiques, mais le concours de l'homme.

Que les Etats le veuillent ou non la démocratie finira par être fondamentalement sociale, car elle reflète la diversité sociale et celle-ci, composé de communautés ou de forces de valeurs de plus en plus animées par un désir de reconnaissance et une revendication d'égalité et de justice sociales, conteste à l'Etat son monopole de « machine à fabriquer le droit ». Les communautés participent, elles aussi, à la construction des règles juridiques en réclamant des droits correspondant à leurs conditions.

Les communautés aussi bien que les individus sont dotés des fondamentaux de liberté, d'égalité et d'autonomie leur permettant de s'imposer dans l'espace public, aussi national

127 Friedrich Nietzsche, Crépuscule des idoles, Paris, Gallimard, 1974, p. 20

qu'international. Car, avec les nouvelles technologies, les communautés et les nouveaux mouvements sociaux arrivent à se rencontrer dans des espaces virtuels, les forums notamment, et, en conjuguant leurs soutiens, parviendraient à devenir des moyens de pression efficaces pour faire avancer et ouvrir le droit à d'autres secteurs de la vie.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein