FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES ET SOCIALES INSTITUT
D'ETUDES POLITIQUES DE LILLE
Mémoire Présenté en vue de l'obtention du
diplôme de DEA De science politique
Mention :
pensée politique
Sujet :
Ethique et démocratie : les cas américain et
français Par :
M. DIOP Pathé
Sous la direction de : M. LAUNAY Stephen
Le 24 septembre 2003
Membres du jury :
M. HASTINGS Michel M. LAUNAY Stephen
Année universitaire 2002/2003
Te tiens a remercier l'ensemble des professeurs de la
faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Lille II
et de l'Institut d'études politiques de Lille (IEP),
spécialement a Monsieur Hastings, responsable du DEA, pour
sa disponibilité et ses encouragements, a Monsieur Launay pour avoir
participé a la conception du sujet de ce mémoire et aussi pour
l'avoir accompagnéjusqu'a sa fin.
SOMMAIRE
INTRODUCTION 2
I/ Qu'est-ce que la démocratie ? 6
1. Définition théorique 7
2. De la construction de la démocratie américaine
20
3. De la construction de la démocratie française
39
II/ Le tournant éthique de la démocratie 55
1.L'éthique n'est pas la morale 56
2.La tendance actuelle de la démocratie américaine
68
3.La tendance communautarienne de la démocratie
française et le poids de la tradition 84
CONCLUSION 94
INTRODUCTION
Dans De la Démocratie en
Amérique, Tocqueville concevait deux «
pentes118 » possibles de la démocratie qui
correspondraient, nous semble-t-il, à deux traditions
différentes de la démocratie : celle des Etats-Unis et celle de
la France. « La première, comme le dit Laurent CohenTanugi,
conduirait à accroître toujours davantage l'indépendance
des individus, tandis que la seconde, et la plus probable selon lui, aboutirait
au contraire à un pouvoir de plus en plus centralisé.2
»
Nous nous proposons dans ce présent travail de scruter
la tradition démocratique des Etats-Unis et la tradition
démocratique française, afin de voir la tension qui existe entre
les deux formes contemporaines de ces deux démocraties et
l'éthique qui en ressort.
Ces deux démocraties, malgré les
différences qui les caractérisent chacune, ont ceci de commun :
elles sont nées d'une Révolution, la Révolution
américaine et la Révolution française, lesquelles
poursuivent chacun un objectif précis. La première cherche
à restaurer une liberté perdue, tandis que la seconde une
égalité des conditions. En cela nous sommes bien d'accord avec
Hannah Arendt qui dit à propos de ces deux Révolutions que celle
des Américains est politique et celle des Français sociale. La
première est telle dans la mesure où elle cherche à
instituer une conception de la politique édifiée par la seule
raison humaine et capable d'abriter la liberté qui est entrain de fuir
l'Europe oppressive. La
1 Alexis De Tocqueville, De la
démocratie en Amérique, vol. II, 4e
partie, chap. IV, Paris, Garnier Flammarion, 1981, p. 363, « De quelques
causes particulières et accidentelles qui achèvent de porter un
peuple démocratique à centraliser le pouvoir ou qui l'en
détournent ».
2 Laurent Cohen-Tanugi, Le droit sans
l'Etat, Paris, PUF, 1985, p. 25
Révolution française, quant à elle, est
sociale du fait qu'elle cherche à détruire les hiérarchies
sociales d'Ancien Régime, génératrices
d'inégalité sociales. Ce qu'elle poursuit alors est ce que
Tocqueville a appelé l'égalité des conditions.
Nous faisons usage d'une méthode que nous appelons
philosophico-historique pour penser le rapport entre l'éthique et la
démocratie. L'utilisation de cette méthode se justifie, d'une
part, par le fait que nous étudions deux démocraties
différentes l'une de l'autre et que toutes les deux s'insèrent
chacune dans une tradition qui lui donne sa nature et sa forme
spécifique. Ce qui fait que la démocratie reste moins un objectif
réalisé ou achevé qu'un processus interminable dont les
formes épousent les réalités politique, économique,
culturelle et sociale qui la portent.
D'autre part, ce que nous appelons les fondamentaux, à
savoir la liberté, l'égalité et l'autonomie qui
définissent l'homo democraticus, c'est-à-dire le type
démocratique, malgré le fait qu'ils sont des données
immanentes, ne sont par ailleurs pas statiques. Autrement dit ils ne subissent
pas sans réagir les règles d'un environnement politique et social
aux antipodes de la justice sociale : la liberté et
l'égalité sociales.
C'est parce que la démocratie suppose
nécessairement ce type d'homme que les revendications, le désir
de reconnaissance et les exigences d'une justice demeurent légitimes.
Ainsi, puisqu'il n'y a pas de démocratie, mais des
processus démocratiques interminables, l'homo democraticus
devient un être situé, c'est-à-dire un citoyen pouvant
contester légitimement les règles d'une morale
politique (démocratique précisément) jugées
injustes.
En contestant les règles juridiques, politiques
disonsnous, sur lesquelles repose une démocratie particulière, il
devient ainsi possible de penser l'éthique, car les individus, dans leur
désir de reconnaissance, imposent des règles et valeurs propres
que l'Etat se doit d'adopter afin de satisfaire les revendications de ces
derniers.
Nous parlons cependant d'éthique pour trois raisons :
d'une part, pour désigner les règles ou valeurs que revendique
une communauté de valeurs, par exemple ce que l'on appelle les «
minorités » aux Etats-Unis ou ce que l'on appelle les nouveaux
mouvements sociaux en France3. D'autre part, pour désigner
quelque caractère critiquable de la table des lois devant régler
le comportement des individus, à savoir certaines dispositions
constitutionnelles. Ce qui signifie sans doute la perte du caractère
absolument et universellement contraignant des lois juridiques, ainsi que
l'implication de communauté de valeurs ou mouvements sociaux
organisés dans la confection des droits. Enfin la dernière raison
nous poussant à faire usage de la notion d'éthique est le fait
que l'homo democraticus, grâce aux fondamentaux le
définissant, soit en mesure de critiquer aussi bien les règles ou
valeurs de sa communauté que les droits civils ou politiques du
régime dans lequel il se trouve. Et ce, parce que le type
démocratique, du fait de la liberté caractéristique de son
être, demeure fondamentalement critique.
3 Il faut dire que les nouveaux mouvements sociaux
ne sont pas le propre de la France, nous les trouvons également aux
Etats-Unis. Dans ce travail nous avons délibérément choisi
d'étudier ceux de la France pour la raison que voici : faute d'une
reconnaissance ou d'une institutionnalisation politique du multiculturalisme ou
communautarisme, nous analysons les
Eu égard à tout cela, nous nous demandons si
nous pouvons observer une tendance vers une forme de démocratisation
unique unissant la démocratisation américaine et la
démocratisation française dans la même destinée,
malgré les différences de voies que chacune des deux
démocraties a empruntées.
mouvements sociaux français pour voir s'ils ne s`inclinent
pas vers des
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