![]() |
L'histoire universelle, conscience de la liberté. Une lecture de la raison dans l'histoire de G. W. F. Hegel( Télécharger le fichier original )par Vincent Ferrier KISHALI Masumbuko Faculté de philosophie St Pierre Canisius de Kimwenza Kinshasa - Bachelier en philosophie 2008 |
I. 3. La matière de la réalisation de l'histoireL'Esprit qui gouverne l'histoire selon sa finalité a, non seulement, besoin de moyens pour réaliser cette fin, mais aussi besoin des matériaux qui concourent à cette réalisation. Si l'individu humain a été jusqu'alors utilisé par l'Esprit comme moyen de la réalisation de l'histoire « la matière où la Raison parvient à l'existence est donc le savoir et le vouloir humains 35(*)». Cependant, Hegel constate que dans la mesure où la volonté humaine est caractérisée par la subjectivité et mue par des passions bornées, il n'y a pas encore de liberté, ni d'objectivité, car la volonté se trouve encore aliénée dans l'arbitraire et la brutalité. Il faut donc un lieu où la volonté subjective et la volonté l'Universel coïncident. Et ce lieu c'est l'Etat : « Dans la mesure où l'individu porte en soi la connaissance, la foi et la volonté de l'Universel, l'Etat est la réalité où il trouve sa liberté et la jouissance de sa liberté 36(*)». Ainsi, c'est uniquement dans l'Etat que l'individu devient libre et vit son existence dans la conformité avec la Raison. Il en résulte donc que l'homme ne peut atteindre son bonheur que dans l'Etat. Tout ce qu'il est il le doit à l'Etat. Et celui-ci a pour essence « la vitalité éthique et celle-ci consiste dans l'union de la volonté universelle et de la volonté subjective 37(*)». L'existence de l'Etat résulte de la capacité des individus à agir selon la volonté générale et de s'assigner comme finalité le bien universel. Il peut donc en découler que les individus n'ont pas de volonté. Ce qui n'est pas le cas pour Hegel qui pense que cela signifie tout simplement que les volontés particulières des individus sont sans valeur dans la mesure où elles ne s'accordent pas à l'Universel. Cet Universel c'est bien l'Esprit du peuple qui « est l'élément sacré qui relie les hommes, les esprits, entre eux ; il est ce qui fait l'unité de la vie, la grandeur du but et du contenu dont dépend tout bonheur privé et toute liberté privée 38(*)». Le lieu par excellence où la volonté universelle trouve son effectivité, c'est dans les lois étatiques et dans toutes les déterminations rationnelles et universelles : les moeurs et la vie éthique telles que voulus par l'ensemble. L'individu n'est rationnel que dans la mesure où il fait siennes les lois qui régissent la marche de l'Etat tout entier et il y est donc appelé au sacrifice et la subordination de son individualité. Aurions-nous le droit de dire que Hegel, dans son modèle téléologique, n'en finit toujours pas avec l'instrumentalisation de l'homme lorsqu'il affirme que l'Etat n'existe pas pour le citoyen ? Celui-ci ne serait qu'un moyen au service de la finalité qu'est l'Etat. Cependant, pense Hegel, dans le rapport entre l'Etat et l'individu, le couple fin-moyen n'a pas sa place, car l'individu participe activement à la réalité de l'Etat qui n'est qu'une unité organique. L'Etat, dit-il, « n'est pas une abstraction qui se dresse face aux citoyens, mais ceux-ci sont ses moments, comme dans la vie organique où aucun membre n'est la fin ou le moyen d'un autre. Ce qu'il y a de divin dans l'Etat c'est l'Idée telle qu'elle existe sur terre39(*) ». Toutefois, le problème n'est toujours pas résolu. Car la réalité de l'Etat, étant universelle, est primordiale par rapport à celle de l'individu qui n'a qu'une réalité particulière, et donc sans valeur. L'individu, que vaut-il dans cette vision plus ou moins totalitaire de l'Etat ? * 35 Ibid., p. 135. * 36 Ibid. * 37 Ibid., p. 137. * 38 G. W. F. HEGEL, Op. cit., p. 140. * 39 Ibid., p. 137. |
|