V- MÉTHODOLOGIE
V-1 Cadre théorique
Dans le cadre de ce travail, deux grilles de lecture ont
été mobilisées.
V-1-1 L'analyse stratégique
Cette approche analytique est développée
par le sociologue français Michel CROZIER. Dans ses travaux sur
l'organisation, il met l'accent sur les dimensions intentionnelle et
stratégique du comportement des acteurs. Ainsi, les relations humaines
résultent des stratégies des acteurs qui (( manoeuvrent,
mobilisent des ressources, négocient, et concluent des alliances pour
atteindre des objectifs dont la rationalité est limitée.
»18
Dans le cadre de notre recherche, l'analyse
statégique nous a permis d'analyser justement les stratégies
mises en Suvre par tous les acteurs pour lutter contre
l'insécurité alimentaire dans la région du
Nord.
Par ailleurs, CROZIER soutient que, quelle que soit la
lourdeur des containtes du système, l'acteur conserve toujours une
(( marge de liberté qui lui permet de saisir les opportunités
qu'offre la situation, de les fructifier »19. Les actions
menées par les différents acteurs pour barrer la voie à
l'insécurité alimentaire dans la région du Nord ne sont
pas fortuites ou gratuites. Ces actions sont, la plupart du temps, la
résultante de calculs. Il y transparaît des relans de nature
économique, sociaux ou politiques que nous nous sommes chargés de
dévoiler et de démystyfier.
17 Serge MOSCOVICI,
op.cit., p.211.
18 Michelle GIACOBI, Jean
Pierre ROUX, Initiation à la sociologie, Paris, Hatier, 1990,
P.291.
19 Michel CROZIER, Erhard
FRIEDBERG, L'acteur et le système, Paris, Seuil,
1977.
V-1-2 La sociologie critique
La réalité sociale n'est jamais
donnée à l'observation première ou superficielle. Les
sociétés étant caractérisées par une
certaine « hypocrisie », toute analyse sociologique
mérite d'être réalisée à deux niveaux au
moins : le niveau patent et le niveau latent. Bien plus, le sociologue doit
considérer que le sens profond et réel de son objet ne peut
être conquis qu'à travers un dépassement, voire une remise
en cause de l'aspect officiel qui ne constitue en fait qu'un voile
d'occultation de l'aspect caché, plus révélateur de la
dynamique sociale.
Cette conception de la société se trouve
à la base de la sociologie critique ; modèle d'analyse dont les
origines sont à trouver dans les travaux de l'Ecole de Frankfort. Les
pionniers de cette école comme Herbert MARCUSE, Max HORKHEIMER ou
Theodor ADORNO élaborent une théorie basée sur une
critique de la science et de la raison. Laquelle théorie doit favoriser
l'émancipation des hommes en leur dévoilant les mécanismes
de domination ; en essayant de comprendre les idéologies qui
sous-tendent les actions et les pratiques des « bienfaiteurs
». La sociologie critique a donc pour mission de libérer les
énergies internes ; d'aider les peuples à prendre conscience par
les moyens de la connaissance. Elle est réactualisée par des
auteurs contemporains comme Alain TOURAINE, Georges BALANDIER, Georges GURVITCH
ou Jean ZIEGLER. Pour ce dernier, « flans la pratique de la
sociologie, si tu arrives à cerner le logos, la raison objective d'un
processus, alors, celui qui te lit devient plus libre, parce qu'il acquiert des
connaissances sur ce qui lui arrive »20.
L'usage de la sociologie critique se justifie par son
principe qui consiste à lire la réalité à deux
niveaux. De ce fait, elle recommande au chercheur de se méfier du
discours des acteurs, ou tout au plus, de partir de ce discours pour
déceler, après critique et déconstruction, le sens profond
de leur agir. Ainsi, dans la présente étude, nous nous sommes
attelés à analyser les divers mécanismes et
procédés mis en place par les populations, les pouvoirs publics
et les organismes internationaux. La compréhension de ces
procédés, aussi bien par les gouvernants que par les populations,
et les implications qui peuvent en découler pourra permettre, aux
partenaires en présence, de trouver les voies et moyens qui conduiront
à une autosuffisance alimentaire réelle et permanente dans cette
région en particulier et au Cameroun en
général.
20 Jean ZIEGLER, La Terre qu'on a, Paris, Edi,
1989, p.235.
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