L'insécurité alimentaire dans la région du Nord au Cameroun: représentations sociales, stratégies de lutte et enjeux( Télécharger le fichier original )par Alain Christian ESSIMI BILOA Université de Yaoundé I - Master en sociologie 2010 |
Tableau 2 : Répartition de la population dans la région du Nord. Source PAM. La population de la région est cosmopolite et culturellement hétérogène, car composée de plusieurs groupes ethniques. La configuration sociologique du Cameroun septentrional est, pense ALAWADI, dans son article sur les communautés migrantes du Nord-Cameroun , « marquée par la pluralité des régimes socioculturels en présence »49. Elle peut se diviser en trois grandes catégories - les Faly et les Kangou. Ceux-ci sont des autochtones ou montagnards. Sous le nom de Faly, expliquent Jean BOUTRAIS et al on regroupe une grande quantité de gens d'origines très variées, résultant de migrations successives venues d'horizons divers à des époques différentes et s'étant fondus les uns dans les autres. « De ce métissage est née l'ethnie Faly dont les kangou sont une variété »50 ; - les Foulbés. Ce sont les conquérants, venus dans le cadre des guerres historiques. Dans le même article, ALAWADI précise que c'est « suite aux mouvements des conquêtes et d'invasion des communautés islamo-peuhles » que « les groupes sociaux autochtones ont été containts de se mettre en demeure ou de déguerpir pour laisser place aux envahisseurs cavaliers en expansion » ; - les populations allogènes venues s'installer à la suite de mouvements migratoires, avec l'attrait de la Bénoué. Venus pour la plupart de l'Extrême-Nord, ce sont : les Mofou, les Kolé, les Sarah, les Kotoko ; et des peuples venus d'ailleurs : les Bata, les Mada, les Mafa, les Mambai, les Haussa, les Guidar, les Mbororo, les Namchi, les Guiziga, les Moudang, les Dourou ... Point n'est besoin de rappeler ce que nous avons dit précédemment que ce sont majoritairement les populations venues de l'Extrême-Nord qui s'adonnent à la recherche et à la coupe anarchique du bois de chauffage, activité qui entraîne l'avancée du désert et qui rend difficiles les activités agricoles. Ces populations qui ont été recensées sont religieusement partagées entre l'Islam, le Christianisme et l'Animisme. L'islam est la religion des musulmans, fondée au VIème siècle par le prophète Mahomet. Elle est une religion monothéiste, et n'admet pas de clergé hiérarchisé. Elle ne connaît comme personnel religieux que l'Imam (directeur des prières) et le Muezzin. L'Islam a été révélée par Allah à ses prophètes. C'est, selon les exégètes, l'aboutissement de la religion contenue dans la Bible et elle s'apuie sur le Coran. Au Cameroun, l'Islam fut introduit 49 Zelao ALAWADI, Communautés migrantes du Nord-Cameroun, in Revue Internationale des Sciences Humaines et Sociales, Vol.1, n°1, 2006. 50 Jean BOUTRAIS et J. BOULET, Le Nord-Cameroun: des hommes une région, Paris, ORSTOM, 1984, p.113. par la partie septentrionale, et les populations peules furent les premières à y adhérer. Les peulhs ont réussi à islamiser quelques autres groupes ethniques. Cette conversion des ethnies non peuhles s'est faite , soit par contrainte, soit par socialisation progressive, c'est-à-dire au fil des contacts. Les Guidar et les Kolé par exemple sont quelques peuples qui ont intégré la religion musulmane. Nous nous apesantissons sur cette religion d'abord parce qu'elle est celle qui est majoritairemnt pratiquée dans la région du Nord aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural. L'aspect qui retient notre attention est les interdits alimentaires qu'elle a développés et particulièrement celui de la consommation de la viande de porc. Même en cas de pénurie alimentaire les populations musulmanes sont astreintes à ne pas y toucher. Le christianisme est l'ensemble des religions fondées sur la personne et les rapportant les paroles et la pensée de Jésus-Christ. Il est né dans le milieu juif de la palestine, au début de notre ère. Il a pour support la Bible. Dans la région du Nord, il est largement répandu au sein des allogènes tels les Mofou ou les Moudang. Quant à l'Animisme, qui se définit comme la croyance aux forces de la nature ou à celles surnaturelles, on recrute ses adeptes chez les Kirdi, les Faly, les Kangou. Ces deux derniers groupes ont d'ailleurs déployé beaucoup d'efforts pour résister aux tentatives d'islamisation des peulhs. Ils sont restés insoumis et violemment anti-musulmans. Ce refus de l'invasion musulmane est manifeste, car elle s'exprime en toutes occasions, pour contrecarrer ceux des leurs qui ont accepté l~hégémonie peulhe. I-2-1 La mauvaise gestion des récoltesPour la moitié des exploitations de la région du Nord, le volume vivrier produit suffirait à la consommation familiale, mais la gestion du stock de céréales au cours de l~année condamne certains agriculteurs à un cycle d'endettement. Les mois de septembre à décembre marquent la période des récoltes dans la région. Cette période pourrait être qualifiée de « vaches grasses » ou encore de « période d'euphorie »51 car à ce moment de l'année, il y a des vivres en abondance et parfois même en surabondance. L'occasion est ainsi donnée aux populations d'afficher ou d'adopter des attitudes qui à la longue finissent par provoquer les « vaches maigres ». La constitution des réserves n'est pas évidente. C'est ainsi que, attirés par l~argent que rapporte la vente des produits aussi bien agricoles que les 51 Augustin Herman WAMBO-YAMDJEU et al, op.cit. animaux, les producteurs vendent le maximum possible sans se préoccuper des périodes à risque qui vont suivre. Les évènements majeurs tels que les deuils, les mariages, les cérémonies traditionnelles et autres tabaski ou ramadan52 apparaîssent comme des occasions de gaspillage des réserves alimentaires. Ce qui fait que avec un ou deux évènements au cours d'une année, une famille peut se retrouver sans réserves donc en situation d'insécurité alimentaire. > La cuisson de la bière de mil : le bili bili Comme l'affirme Alain HUETZ de LEMPS, « les bières de mil sont les plus importantes des bières traditionnelles de l'Afrique. En fait, sous ce nom, on regroupe l'ensemble des bières élaborées à partir des diverses espèces de petits mil, en particulier le mil pénicillaire ou mil à chandelle, et les gros mils ou sorghos (il existe plus de 25 variétés de sorgho utilisées pour la bière). Certaines céréales du groupe sont résiduelles, telle digitaria iburua qu'on ne trouve plus guère que dans le Nord du Cameroun. »53 Ainsi, les véritables bières de céréales sont des boissons fermentées qui ont, sauf de rares exceptions, un faible pourcentage d'alcool, le plus souvent entre 2 et 6%. Dans certains cas, la fabrication reste assez élémentaire : les grains trempés dans l'eau et plus ou moins cuits sont laissés pendant quelques jours jusqu'à ce qu'ils aient fermenté et on boit ensuite un liquide d'un goût douteux mais suffisamment alcoolisé pour permettre l'ivresse si la quantité absorbée est importante. Le plus souvent, la préparation est beaucoup soignée et on obtient des bières qui peuvent satisfaire le goût des consommateurs. La fabrication de la bière nécessite un matériel considérable, avec des récipients de taille variée : grandes cuves en terre cuite, jarres, canaris... Elle exige aussi des quantités de grains relativement importantes. NAFISSATOU nous apprend à propos que : « Avec à peu près 1 kilo de mil je peux faire même 3 litres de bière. Chaque jour je peux faire et vendre 20 litres de bili bili. Mais je fais toujours plus le vendredi parce que après la prière il y a beaucoup de monde. Il y a aussi 52 Fête du mouton célébrée généralement au mois de mars ; et période de jeûne. Il faut préciser que la région du Nord est majoritairement musulmane et les deux fêtes mentionnées sont des obligations pour tout musulman. 53 Alain HUETZ de LEMPS, Boissons et civilisations en Afrique, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, PESSAC, 2001, p.73. les jours qu'il y a match. Quand le match finit les gens s'arrêtent pour boire et faire les commentaires surtout quand Coton54 gagne. » En moyenne donc, elle utilise environ 7 kg de mil quotidiennement pour distiller son bili bili. Nous avons estimé le nombre de vendeuses de bili bili du marché de Roumdé Adja à environ 25 ; ce qui amène à une moyenne de 175 kg de mil qui sont transformés en bière chaque jour. Nous en déduisons donc une moyenne mensuelle de 5.250 kg soit environ 63.000 kg annuel qui auraient pu servir à l'alimentation directe de la population. Egalement, comme le dit SEIGNOBOS, « Deux tines de bière de mil équivalent à la consommation de 42 repas familiaux »55. C'est dire tout ce qui est sacrifié pour le seul plaisir des disciples de Bacchus. Le premier travail de la fabrication de la bière de mil consiste à piler/broyer la céréale. La farine de céréales est ensuite versée dans de grandes jarres à demi enterrées, d'une centaine de litres, où elle est soigneusement diluée par une certaine quantité d'eau (5 ou 6 litres par kg de mil). Lorsque la pâte est prête, la cuisson se fait généralement en deux temps. une première ébulition de 2 ou 3 heures est faite dans des canaris de cuisson d'une centaine de litres. Il faut ensuite laisser le mélange décanter et pour faciliter cette décantation, on ajoute souvent des substances mucilagineuses, feuilles ou écorce de baobab et de fromages, tiges de gombo. Une fois clarifié, le liquide est tranféré dans d'autres canaris pour une seconde cuisson, qui dure plusieurs heures, 4 à 8, parfois 10. Après refroidissement, on ajoute au moût un levain destiné à accélérer la fermentation. Souvent, on se contente de verser un peu de bière provenannt de préparations pécédentes. Au bout d'une dizaine d'heures, la bière est prête et peut être consommée. La qualité de la bière et son degré d'alcool dépendent pour une large part de la cuisson et de la durée de la fermentation. On peut se contenter d'une seule cuisson, ce qui économise le bois de chauffage mais donne un liquide assez pâteux et faiblement alcoolisé. Cette qualité dépend également de la qualité des grains utilisés et de l'habileté de la femme qui effectue le brassage. Certaines obtiennent une boissson légèrement alcoolisée de couleur ambrée, d'odeur agréable et de saveur acidulée qui, bue à température ambiante, c'est-à-dire légèrement tiède, plonge rapidement le consommateur dans une douce euphorie. 54 Il s'agit de l'équipe de football Coton Sport de Garoua qui dispute ses rencontres à domicile au stade omnisports Roumdé Adja de Garoua. 55 Christian SEIGNOBOS : La bière de mil dans le Nord-Cameroun. Le carnaval des aliments , Agropolis, Montpellier, 28 mars 2004. Comme la boisson se conserve peu de temps, la production et la vente connaissent des fluctuations, en fonction des variations du prix du mil et des disponibilités financières des consommateurs. L'autre difficulté majeure dans le brassage du bili bili est qu'il exige beaucoup d'eau. Il faut environ 80 litres d'eau pour obtenir 40 litres de bière. Or, dans la zone sahélienne, l'eau n'est pas la chose la mieux partagée et il y a d'énormes difficultés à l'obtenir. Plus grave encore est le problème du combustible : pour la longue cuisson de la bière, il faut brûler beaucoup de bois. Il faut entre 0,5 et 1 kg de bois pour produire 1 litre de bière. Ce qui veut dire que le brassage du bili bili non seulement provoque la diminution des réserves alimentaires, mais aussi favorise le déboisement avec tous ses corollaires. Dans la région du Nord, en dehors de la bière de mil, il y a la bière de sorgho rouge, fabriquée surtout avec la variété « djigari » et largement consommée par les populations non musulmanes comme les Guiziga ou les Mofu, en particulier pour les fêtes rituelles. Généralement préparée et commercialisée par les femmes, elle est une source majeure de revenus pour ceux qui ne s'adonnent pas à d'autres activités génératrices de revenus. Cependant, cette bière n'a pas seulement un but lucratif. Ainsi pour HUETZ de LEMPS, « Dans une grande partie de l'Afrique tropicale, les bières de céréales ont été depuis des siècles au ceur de la vie sociale et elles le restent encore dans les régions qui n'ont pas été touchées par l'Islam ou par des missions chrétiennes rigoristes. Les fêtes où la bière coule à flot ont un but et un sens, elles resserent les liens sociaux entre les participants, elles associent les vivants et les morts. »56 Par exemple pendant la fête des récoltes au mois de janvier, chaque famille met au moins 2 ou 3 sacs de mil (environ 200 kg) pour la cuisson de bili bili que les membres boiront pendant au moins trois jours. Chez les Toupouri, la fête la plus importante est celle du coq (Féokagi) au moment de la récolte du sorgho rouge. Elle marque le nouvel an toupouri et dure deux jours. Bien entendu, il faut préparer beaucoup de bière et se mettre en condition pour la cérémonie : pas de relations sexuelles pendant les deux semaines qui précèdent la célébration au cours de laquelle on sacrifie un taureau, un bauf ou un mouton et surtout des poulets. Le sang des victimes est répandu sur le sol et de la bière de mil est versée sur la tombe des défunts. Ensuite on danse et on boit 56 Alain HUETZ de LEMPS, op. cit., p.98. beaucoup. Cette cérémonie est à la fois la fête des morts et l'occasion de resserrer l'unité politique, réligieuse et culturelle de la population. La consommation de la bière de mil se fait à d'autres accasions. Par exemple lors des travaux collectifs comme la construction des maisons ou encore le sarclage des champs, on fait appel à une main d'auvre de secours qu'on entretient avec beaucoup de bière de mil. Vente de bili bili au marché de Roumdé adja Photo ESSIMI BILOA Alain Christian I-2-2 L'usage abusif des ressources environnementalesLes populations du Nord sont, comme dans tout écosystème, en interaction permanente avec leur milieu de vie. Cette interaction permanente non seulement avec l'environnement immédiat, mais aussi des populations entres elles est à l'origine de la pérénisation de l'insécurité alimentaire. Selon Von MAYDEL, « Les ressources de la savane contribuent à compléter la ration alimentaire des populations rurales. Divers organes de la plante sont consommés : les feuilles (balanites aegyptiaca) ; le fruit (tamarindus indica, sclerocarya birrea). En outre la médecine traditionnelle repose essentiellement sur les propriétés curatives de diverses espèces végétales. Les espèces végétales herbacées et ligneuses de la savane produisent le matériau nécessaire à la production de plusieurs objets utilisés dans la vie domestique. Diverses écorces d'espèces ligneuses sont utilisées pour le cordage (piliostigma thonningri), comme colorants et tamis. Des outils et des ustensiles divers sont faits à partir des espèces ligneuses telles que anogeissus leiocarpus (..) La production du bois de feu et du charbon constitue dans la région la plus importante forme d'exploitation des espèces ligneuses des savanes. »57 Autrement dit, dans la région du Nord, il y a une destruction abusive de la couverture végétale. Ceci est du à la coupe anarchique des arbres pour constituer le bois de chauffage ou pour commercialiser. Cette coupe anarchique est le fait des populations riveraines mais surtout des migrants venus de l'Extrême-Nord et dont l'activité principale après leur installation est la recherche du bois de chauffage et la chasse. Le bois de chauffage est utilisé dans la cuisson des aliments. Ce bois s'acquiert chez les vendeurs ambulants ou encore il est cherché par les femmes ou par les enfants. Tout comme l'eau dans les zones désertiques, il faut parfois parcourir plusieurs kilomètres pour un fagot de bois que l'on utilise de manière très rationnelle vu la pénibilité liée à son acquisition. Selon l'Observatoire Mondial de la Viabilité Energétique : rapport du Cameroun (2002), 1% seulement de la population rurale de la région du Nord a accès au gaz domestique et à l'énergie électrique. Le pétrole coûte cher à cause de l'éloignement, la seule source reste le bois que leur offre la savane ou la steppe. La demande en bois de chauffe a augmenté en fonction des besoins et de l'émergence des classes moyennes. Ce bois provient des arbres coupés pour l'extension des champs, en particulier ceux de sorgho. On estime à environ 2 kg la consommation journalière par personne de bois de chauffe. Ce qui engloutirait près de 3.000 tonnes de bois de chauffe par jour. Avec un chiffre d'affaire estimé à près d'un milliard de F.CFA, la filière bois de feu représente un secteur clé de l'économie du Nord-Cameroun58. La conséquence immédiate est la dégradation accélérée de la flore, entraînant une dégradation des conditions climatiques. On en arrive au prolongement de la durée de la sécheresse avec l'avancée du désert qui empêchent le semis et la production des denrées alimentaires. 57 Von MAYDEL cité par Samuel NDEMBOU dans Le développement rural dans la plaine de la Bénoué : changements géographiques et permanence sociale, Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2001, pp.41-44. 58 Source : YENGUE J. L. , Les améliorations du déboisement et du reboisement dans le Nord du Cameroun , Annales de géographie, n°624, 2002, pp. 138-156. Pour résumer avec Samuel NDEMBOU, « Le fort taux de croissance de la population humaine accroît la pression sur les ressources naturelles surtout les ressources forestières. Les plus grands facteurs de cette déforestation sont : l'agriculture itinérante sur brûlis, la coupe du bois de chauffe et d'exportation.»59 L'usage du feu par les populations constitue l'une des causes de la dégradation des écosystèmes qui favorise à son tour l'insécurité alimentaire. Les populations rurales sont divisées en deux grands groupes qui ont pour principales activités l'agriculture et l'élevage. Marginalement, il y a les chasseurs. Les agriculteurs brûlent la brousse dans l'optique de préparer les semis. Les éleveurs brûlent la brousse pour permettre le bourgeonnement des jeunes pousses afin de nourrir leurs bêtes. Quant aux chasseurs, ils brûlent la brousse pour déloger le gibier mais encore pour éloigner les bêtes féroces et les serpents des habitations et se sentir en sécurité. Personne ne maîtrise toujours l'ampleur de ces feux de brousse qui se propagent parfois dans les exploitations voisines en production ; voire au niveau des maisons d'habitation. Le rapport de la FAO sus-mentionné conclue que : « Les incendies peuvent détruire de vastes étendues forestières en quelques jours, infligeant des dégâts qui prendront des années à être réparés. Ils peuvent entraîner des pertes de vie humaine, de bétail, de faune sauvage et de cultures ainsi que des dommages considérables aux biens, aux moyens d'existence et à l'environnement naturel. »60 I-2-3 L'outillage agricole et les techniques culturales archaïquesLes principales activités auxquelles se livrent les populations de la région du Nord est l'agriculture, l'élevage, et le commerce. La pêche reste artisanale et concentrée dans la zone de Lagdo et sur les cours d'eau à écoulement permanent. La population agricole est estimée à 1.113.555 habitants avec 633.335 actifs agricoles61. Cependant, malgré la fertilité des sols, on observe une faible productivité. Cette faible productivité est due, pour la plupart au taux peu élevé de la productivité du travail, qui ne repose que sur le travail humain. Alain DUBRESSON 59 Samuel NDEMBOU, op.cit., p.46. 60 FAO, op.cit. 61 Source : Délégation régionale de l'Agriculture du Nord. et al, faisant une autopsie de la situation des agricultures africaines, remarquent que : « le travail humain repose largement encore sur l'énergie humaine, transmise par la houe »62. Un agriculteur au travail à Houmbal avec comme
outil la daba Les instruments modernes tels que le tracteur, la roue ou la charrette y restent coûteux et rares. Il existe, dans les villages, des cas de mise en valeur des sols, notamment par la SODECOTON et quelques grands agriculteurs au rang desquels se trouvent les chefs traditionnels. Ceux-là utilisent des techniques culturales intensives : ce sont des techniques qui permettent une concentration des cultures, afin que le volume par hectare soit élévé. Elles augmenteraient ainsi le volume de production. Mais, dans l'ensemble, l'exploitation des terres se fait de façon extensive. Ce type d'exploitation est caractérisé par une faible densité de ressources (travail, capital) à l'hectare ; et la productivité n'y est pas très élevée, proportionnellement à l'hectare. D'après le délégué régional de l'agriculture du Nord, les paysans les plus dynamiques sont les allogènes. Cette situation peut s'expliquer par le fait que l'agriculture a toujours été pour eux une activité de base, et s'inscrit dans leur habitus, au sens bourdieusien du terme. C'est dire 62 Alain DUBRESSON, Jean-Pierre RAISON, L'Afrique subsaharienne, une géographie du changement, Paris, Armand Colin, 1998, p.69. que l'agriculture est pratiquée en famille, et très tôt les enfants y sont initiés, contrairement aux peulhs ou aux faly qui ne sont pas agriculteurs de nature. (( Ce monde paysan n'est pas lui non plus homogène »63, remarque BOUTRAIS. Il distingue à ce propos quatre types de paysans : - les paysans authentiques ; ceux possédant des techniques agricoles plus savantes et plus élaborées, en même temps que les traditions les plus solides : ce sont les Mafa, les Toupouri, les Podokwo & - les paysans sans tradition agricole solide : les Guiziga, les Moudang, les Mousgoum, les Massa & - les pasteurs sédentarisés, grands propriétaires terriens, parfois entrepreneurs agricoles : les Foulbés, les Mandara & - les paysans encadrés : partiellement les Massa, les Mousgoum A propos des peulhs, BOUTRAIS précise que : (( La majorité des Foulbés est maintenant sédentarisée. Sans tradition agricole, le monde peulh a dû s'adapter à cette situation nouvelle, la disparition du travail servile l'a obligé à une reconversion ... Beaucoup de Foulbés travaillent eux-mêmes la terre. Quand ses moyens financiers sont suffisants, il utilise la culture attelée, cultive des superficies importantes en faisant appel à une main-d'euvre salariée, parfois permanente, le plus souvent saisonnière. »64 La mécanisation de l'agriculture a souvent été présentée comme l'une des solutions pour augmenter la production et la productivité agricoles. Mais, dans une bonne partie du territoire national, la mécanisation dont il est question reste et demeure une pure vue de l'esprit. C'est ainsi que dans la région du Nord, à quelques exceptions près, les agriculteurs continuent d'utiliser un outillage rudimentaire, pour ne pas dire préhistorique, constitué de petites houes, de dabas, de coupe-coupe etc. Issiakou YAYA nous apprend à ce propos que : (( Depuis peu de temps, j'ai un tracteur et j'utilise des pesticides. Mais avant, j'avais une houe traditionnelle que beaucoup d'autres utilisent toujours et je faisais l'engrais naturel. Certains de mes voisins ont des charrues. » Comme il transparaît dans ce témoignage, certains agriculteurs, à la limite, possèdent des charrues tirées par des baufs. Issiakou constitue l'exception qui confirme la règle car à peine 1 63 Jean BOUTRAIS et J. BOULET, op.cit., P.106. 64 Jean BOUTRAIS et J. BOULET, op.cit., P.106. agriculteur sur 10 est en mesure de se doter d'un engin agricole, de l'utiliser et de l'entretenir au vu de leurs moyens financiers ou de leur formation. Avec les conditions climatiques qui sont et qiu continuent à se dégrader, l~agriculture est devenue de plus en plus pénible. C'est ainsi que dans un premier temps, la production vivrière a commencé par stagner avant de plonger, provoquant des pénuries de vivres préjudiciables à la population. I-2-4 La régulation socialeD'après Gilles FÉRREOL, la régulation sociale désigne « le processus par lequel se créent, se transforment et disparaissent les règles »65. C'est l'objet du contrôle social d'assurer son maintien et de lutter contre la déviance. Avant d'aller plus loin, voyons comment sont structurées les sociétés traditionnelles de la région du Nord. Dans cette région, on retrouve des sociétés à chefferies comme dans les Grassfields66. Par définition, la chefferie traditionnelle est un territoire sur lequel s'exerce l~autorité d'un chef de tribu, encore appelé chef traditionnel. Ainsi, est chef traditionnel, selon Jean Pierre FOGUI, « Tout individu ou groupe d'individus qui détenaient et exerçaient le pouvoir avant la conquête coloniale (..), ainsi que les individus qui furent investis par l'autorité coloniale de certaines compétences analogues à celles détenues par les gouvernants de la période pré-coloniale »67. Il s'agit, en d'autres termes, et dans le contexte post-colonial, de tout individu ou groupes d'individus qui exerce le pouvoir « légitime » dans une localité. Ce pouvoir est dit légitime parce qu'il est reconnu par les populations. En langue peulhe, la chefferie est désignée par le mot « Lamidat ». Le chef est alors appelé « lamido ». Il détient un pouvoir qui est de type local, puisque s'exerçant sur les populations vivant sur son territoire. La chefferie traditionnelle est une structure centralisée, bien organisée, hiérarchisée et ayant des institutions spécialisées de domination. Le chef traditionnel représente donc l~autorité locale. Le lamidat est subdivisé en lawana, chacun d'eux ayant à sa tête un lawane. Le lawane est assisté, dans l'exercice de son autorité, de six notables que sont : l'Imam, le Wakili, le Kaïgama, le Galdima, le Sarkifaada et le Sarkisaanou. En deçà des lawanes, on retrouve les djaworo, ou chefs de quartiers. Le lawane et le djaworo sont à la tête d'organes déconcentrés du 65 Gilles FERREOL, Dictionnaire de sociologie, Paris, Armand Colin, 1995, 2è édition, p.229. 66 Contrairement aux sociétés acéphales du Grand Sud Cameroun. 67 Jean-Pierre FOGUI, L'intégration politique au Cameroun. Une analyse des relations centre-périphérie, Paris, LGDJ, 1990, p.20. lamidat. La premier a sous sa direction plusieurs villages. Il s'occupe des litiges mineurs, le lamido n'étant saisi que lors des cas graves. Le lawane transmet les directives du lamido aux djaworos. Ces derniers ont sous leur administration un village ou un quartier ; leur territoire de commandement est donc plus petit. La notion de régulation sociale, telle que révisée et adaptée par NDEMBOU, se définit comme : (( La façon dont les gens gèrent et se font gérer. Le système de gestion des hommes et des ressources mis en place par les autorités traditionnelles foulbé dans la plaine de la Bénoué favorise le prélèvement sur tout ce qui rapporte. »68 En effet, les chefs traditionnels apparaissent comme des courtiers du développement, au regard des responsabilités qui leur ont été déléguées par la société coloniale, celles qui leur sont déléguées par l'Etat actuel, et le groupe social même qu'ils sont censés diriger. MOTAZE AKAM, dans un article sur le système lamidal du Nord-Cameroun et le phénomène du courtage69, met en exergue la réappropriation par les lamibés de leurs statuts et rôles dans la société, en vue de tirer des bénéfices personnels. Jean-Pierre FOGUI, paraphrasant MONTESQUIEU, stipule que : (( tout homme dépositaire du pouvoir est porté à en abuser tant qu'il ne rencontre pas en face de lui un contre-pouvoir servant de garde-fou »70. Le lamido pratique du courtage élémentaire ; il occupe une position stratégique dans la société toute entière. Cette position le place au centre de la production des rapports sociaux, et comme médiateur inamovible des ressources humaines, du fait d'une triple ascendance. Le lamido est d'abord un chef spirituel : le lamidalisme tire ses racines dans l'Islam, le lamido est considéré par populations, de façon symbolique, comme le représentant d'Allah sur terre. Il est aussi un chef politique et social : il est à la tête d'un canton, dont il est responsable. Le lamido est enfin un chef de guerre : à l'origine ; les lamibés des anciens royaumes foulbés étaient d'abord des généraux de l'armée d'Othman DAN FODIO. Ces trois fonctions essentielles du lamido expliquent la genèse de ce dernier comme courtier dans le contexte de l'histoire sociale aussi bien précoloniale que coloniale du Nord-Cameroun. Cette absence de garde-fou dont parle FOGUI renvoie à l'espace de liberté laissé aux chefs par l'autorité coloniale. D'après lui, elle a conduit naturellement les autorités traditionnelles à des abus. C'est le lamido qui gère la (( djakka », entendue comme l'aumône légale obligatoire que doivent verser les croyants musulmans. Ce terme est lié à l'idéologie islamique. La djakka est 68 Samuel NDEMBOU, op.cit., p.48. 69 MOTAZE AKAM, Lamido, rapports sociaux et courtiers du développement au Nord-Cameroun in Revue des sciences sociales, Ngaoundéré-Anthropos, 1999, Vol.4, pp.101-141. 70 Jean-Pierre FOGUI, op.cit., p.146. gérée par le lamido, en sa qualité de représentant d'Allah et de gestionnaire du trésor public. La djakka est progressivement transformée en véritable structure rentière par les chefs, ceci leur permet quelquefois de développer leurs richesses personnelles et d'asseoir leur puissance. C'est pour illustrer cela que FOGUI écrit : « Au Nord-Cameroun, les lamibés contrôlaient, par la perception des redevances coutumières, la culture du coton et l~élevage. A titre d'exemple, les fulbé payaient l'impôt traditionnel, le Zakhat (un bauf sur 30 chaque année), ainsi que les Haussa (un panier de mil ou de maïs par saré). Les arabes et leurs assimilés payaient l'Oussoura (1/10 è de l'héritage, 10 bIufs à l'occasion de la nomination d'un chef) »71. Le lamido exige certaines redevances à ses sujets, qui se concrétisent en bien matériels et économiques, et qui sont à leur avantage. Selon l'étude de MOTAZE AKAM, les dignitaires et la population ont pour coutume de verser au Tlixé (sultan) des redevances qui peuvent s'exprimer en nature : moutons, bceufs ou chevaux. Ces rapports sociaux font jouer au lamido des rôles d'entremetteur entre le visible et l'invisible, entre les populations et les pouvoirs métropolitains auxquels les chefs musulmans réussissent à imposer la pratique de l'indirect rule (administration indirecte) faute d'atteindre directement les populations locales. Ce prélèvement apparaît dans bien des cas comme de l'extorsion dans la mesure oil il ne permet pas aux producteurs de nourrir, pour bien longtemps, l'espoir d'enrichissement par le fruit de leur labeur. L'exploitation d'une parcelle de terre a un prix à payer, de même que l'exploitation d'un moulin à céréales, l'élevage, la pêche, le commerce, etc. « Tout ce qui rapporte est sujet à taxation. La taxe s'exprime même par type de culture : ainsi, la taxe de la production du coton est différente de celle des produits vivriers. »72, continue NDEMBOU. La terre est le facteur de production déterminant en agriculture. Le lamido est le dépositaire de la tradition et l'héritier ancestral. C'est dans cette logique qu'il est l'unique détenteur de tout ce qui se trouve sur son lamidat. BIYONG BIYONG nous rappelle à son sujet que : « En tant que chef supérieur et haut dignitaire de la religion musulmane, il est le seul qui donne le droit d'usage aux terres ; on y accède par les moyens suivants : héritage, location, gage et don. »73 71 Jean-Pierre FOGUI, op.cit., p.149. 72 Samuel NDEMBOU, op.cit., p.50. La location est la pratique la plus courante. Elle dure une saison agricole et est plus ou moins renouvelable. Le prix varie en fonction de la qualité du sol et de sa superficie. A défaut de payer, une partie de la récolte est donnée en échange au propriétaire de la terre. Au niveau individuel, ce système de gestion pousse les producteurs à ne plus adopter un comportement d'accumulation. Les habitations montrent bien la tendance à ne plus faire de l'accumulation. Le grenier est devenu de plus en plus rare dans le paysage. « Le signe extérieur d'abondance entraînant une ponction plus importante, les producteurs ont pris l'habitude d'écouler sur le marché une grande quantité de ce qu'ils ont produit. En le faisant juste après la récolte, l'offre est plus importante que la demande sur le marché et les prix sont bas, ce qui ne permet pas l'enrichissement. La réserve est souvent insuffisante pour permettre à tous de franchir la période de soudure précédant la prochaîne récolte. »74 Jusque là, le producteur sera encore piégé par les tenants du pouvoir traditionnel coutumier. Ces derniers organisent les circuits commerciaux et régulent le marché. Ils stockent ainsi d'importantes quantités de produits alimentaires qu'ils revendent à ces mêmes producteurs au prix fort au moment de la soudure. En réalité, confirme MOTAZE, « les lamidos sont aussi de grands planteurs investisseurs, producteurs indirects du coton. Ils utilisent dans leurs champs personnels une main d'auvre médiate et variée : les ~'salariés''agricoles, permanents ou temporaires qu'ils rémunèrent très faiblement, les villageois dans leurs actes d'allégeance aux chefs (journées de travail chez les chefs) »75. I-2-5 La sous-scolarisationHistoriquement, le Grand-Nord du Cameroun s'est toujours présenté comme en retard par rapport au reste du pays sur le plan scolaire. L'ancien président Ahmadou AHIDJO en faisait déjà mention, à la veille du troisième plan en ces termes : 73 Jean Pierre BIYONG BIYONG, Pistes pour améliorer la sécurité alimemtaire dans le Nord-Cameroun, Université de Liège, 2002, p.19. 74 Samuel NDEMBOU, op.cit., p.52. 75 MOTAZE AKAM, op.cit., p.118. « Au terme du deuxième plan, la région Nord de notre pays demeure encore en retard sur le plan scolaire, car la scolarisation n'atteint que 21 %. Ce troisième plan doit pouvoir accélérer la scolarisation dans le Cameroun tout entier mais porter celle du Nord à 50 % ». Les données plus ou moins récentes que nous présentons dans le tableau ci-dessous nous permettrons de vérifier si le vSu d'AHIDJO a été exaucé et dans quelle proportion. C'est pourquoi nous avons choisi de présenter les données de l'ensemble du pays afin que la comparaison et les déductions soient plus aisées.
Tableau 3 : Taux de scolarisation des
élèves du primaire 6-11 ans année scolaire
2006/2007. 76 Le taux net de scolarisation est la population effectivement inscrite dans le primaire, sur la population scolarisable. Ces statistiques nous permettent de faire les constats suivants : - le taux de scolarisation est allé au-delà des espérances d'Ahidjo. Il a allègrement dépassé les 50 % dont il rêvait à une époque. Preuve que les directives qui avaient été données on été respectées. - Cependant, les jeunes filles du primaire de la région du Nord sont les moins scolarisées du Cameroun. Même l'indice de parité sur le sexe est presque le dernier du pays (derrière les voisins de l'Extrême-Nord). - L'écart entre les filles et les garçons est très perceptible preuve que la jeune fille du Nord n'a pas beaucoup de chances d'accéder à des postes de travail offerts par l'administration et va majoritairement se retrouver dans le secteur primaire (agriculture, pêche) et quelque peu dans le tertiaire (commerce). La sous-scolarisation apparaît comme un élément favorable pour un certain nombre de raisons. Les personnes qui ont peu ou pas du tout eu accès à une scolarisation poussée ont rarement l'occasion de se frotter à une nouvelle vision que la leur. Or, selon la sociologie dynamique de Georges BALANDIER, il n'y a pas de statique sociale. Toutes les sociétés, comme les faits sociaux, sont dynamiques, évanescentes, mutantes, changeantes ; en perpétuelle construction, déconstruction et reconstruction, pour parler comme Thomas KUHN. Cette évolution est possible avec le contact avec des groupes, des civilisations, des entités étrangères au groupe et chez qui on peut copier des points positifs qui peuvent s'avérer nécessaires pour notre propre évolution. En n'ayant pas accès à la civilisation occidentale, les populations sousscolarisées se ferment l'accès à quelques unes de leurs techniques et savoirs qui leur ont permis de révolutionner leur agriculture et d'être presqu'en surproduction au point de tranférer cet excédent aux zones en sous-production sous forme d'aide alimentaire. La région du Nord en reçoit constamment. De plus, ces populations peuvent bien avoir la volonté de s'arrimer à la modernisation de leurs activités agricoles. Mais l'acquisition d'engins comme les tracteurs peut s'avérer plus ou moins compliquée dans la mesure où ils manqueront de l'expertise nécessaire qui leur permette de les conduire et de les entretenir. Les causes de la sous-scolarisation de la région du Nord sont historiques et socioculturelles. > Les facteurs historiques La première école a été implantée au Cameroun en 1844, à Bimbia, une région voisine de Limbé, dans le Sud-ouest. C'était sous l'initiative du pasteur Merrich, de la Baptist Missionary Society car, rappelons-le, l'auvre scolaire au Cameroun est liée à celle des missionnaires (protestants et catholiques). Au Nord-Cameroun, l'école fut implantée en 1905, soit 61 ans après la toute première école. « En effet, écrit DONGMO, l'enseignement formel a été introduit au Cameroun du Sud vers le Nord et cette région a été atteinte tardivement »77. La présence des missionnaires au Cameroun est le fait de la colonisation. En dehors même de cette difficulté pour l'école d'atteindre le Nord, la colonisation du Nord-Cameroun a eu lieu bien après celle des autres régions ; compte tenu des contacts plus faciles que les colons ont pu établir avec les populations de la zone côtière. Une fois le contact établi avec le Nord, le pouvoir colonial s'est appuyé sur les autorités traditionnelles : celles-ci représentaient pour les colons le moyen d'atteindre la population, la « courroie de transmission » entre administration et population, et outil de diffusion de leur politique. Mais ces chefs musulmans étaient pour la plupart hostiles à l'école. Pour BOUTRAIS, « la lenteur de la pénétration de la scolarisation au Nord, élément majeur de toute évolution sociale, est bien sûr l'effet de distance, mais elle a été fortement aggravée par un fait historique : les administrations coloniales allemandes puis françaises cherchent à appuyer leur autorité sur les structures politiques musulmanes, censées contrôler les masses païennes. Pour ne pas choquer les convictions religieuses de ces précieux auxiliares, la province fut donc pratiquement fermée aux missions chrétiennes jusqu'à la deuxième guerre mondiale. Or, ce sont celles-ci qui ont, ailleurs diffusé massivement l'instruction »78. Peu ouvertes aux missionnaires, les autorités traditionnelles musulmanes le furent aussi à l'égard de l'école, ce qui occasionna une forte résistance face à l'entreprise d'intégration du Nord-Cameroun au milieu éducatif (scolaire) en y bâtissant des écoles. Ces résistances prirent plusieurs formes : interdiction aux enfants et surtout aux jeunes filles de se rendre dans les écoles, rejet de ceux et celles qui s'y rendaient, rupture des contacts avec les responsables chargés d'encadrer les enfants. Certains allaient jusqu'à cacher leurs enfants dans les maisons ou 77 DONGMO, Evolution récente de la scolarisation des jeunes dans l'Adamaoua , Ngaoundéré, Anthropos, revue des sciences sociales, 1996. 78 Jean BOUTRAIS, op.cit., p.46. les villages alentours puisque, faute d'effectif élevé, les colons étaient obligés d'aller eux-mêmes chercher les enfants dans leurs domiciles. A ces facteurs historiques, viennent se greffer des facteurs relevant du milieu social et culturel. > Les facteurs socio-culturels De nombreuses études on eu pour centre d'intérêt la scolarisation au Nord-Cameroun. Et toutes s'accordent sur un fait : les populations du Nord-Cameroun et particulièrement celles qui sont d'obédience musulmane sont réfractaires à la culture occidentale. Elles le sont encore plus en ce qui concerne l'école. Cette position hostile est étroitement liée à l'idée que ces populations se faisaient du milieu scolaire, donc, à leur mentalité, leur façon de vivre, et leur façon de voir les choses. C'est ainsi que les habitants du Nord développèrent des stéréotypes réfractaires à la (( culture des blancs », la culture occidentale. L'école fut perçue de façon péjorative, voire négative par les chefs et les parents. Pour FOGUI, les autorités traditionnelles (( ont ostensiblement tourné le dos à l'école occidentale »79. L'école était perçue par les peuples musulmans du Nord comme une entreprise de déstructuration des valeurs essentielles d'une société ; le vecteur d'une contre-culture. Envoyer son enfant à l'école revenait donc à tourner le dos à la tradition, aussi bien qu'à la religion. Compte tenu de cet esprit qui sévissait à cette époque, les milieux musulmans du Nord-Cameroun ont longtemps été réfractaires à l'école française, surtout les foulbés. Des pesanteurs au niveau des mentalités ont considérablement retardé et obstrué le processus de l'implantation de l'école occidentale dans ladite région. Astadjam YAOUBA affirme dans son mémoire que : (( Cette hostilité est encore plus grande en ce qui concerne la jeune fille (cf. tableau ci-dessus). Rappelons que la religion musulmane est fondée sur un certain nombre de principes, qui vont du mode de conduite au mode vestimentaire. Les filles en effet, doivent être voilées, ce qui n'est pas toujours pris en compte par les responsables qui fournissent les tenues scolaires. Mais les arguments des chefs et parents du Nord ne se limitent pas à la tenue que doit mettre la jeune fille pour se rendre à l'école. C'est le système scolaire tout entier qui est rejeté, car pour eux, il inculque des façons de faire qui ne sont pas bonnes pour un enfant encore moins pour une fille »80 79 J.P. LOGUI, op. cit., p.159. 80 Astadjam YAOUBA, Enjeux et contraintes du développement local au Nord-Cameroun : le cas des groupes d'initiative commune (GIC) dans la localité de Pitoa , Université de Yaoundé I, 2007, p.43. Cette vision négative de la culture occidentale développée au Nord-Cameroun ne signifie nullement que l'Islam est contre la science. Elle relevait de jugements hâtifs, de préjugés à l'égard de l'école. C'est pourquoi, après de nombreuses années, qui ont nécessité beaucoup de tolérance, car rappellons-le, les racines des préjugés sont profondes une certaine ouverture d'esprit et de frontière, la situation commença à changer. Un progrès dans les mentalités amena les parents à envoyer leurs enfants s'instruire, sans pour autant que cette recherche de l'instruction n'empiète sur les valeurs que prône leur religion. Le statut socio-professionnel des parents est aussi un facteur déterminant de la scolarisation des enfants. Les enfants issus de parents analphabètes ont tendance à fréquenter davantage les milieux scolaires. Les parents en contact avec le milieu professionnel sont également plus aptes à envoyer leurs enfants à l'école, et les encourager dans leurs études puisque il existe une corrélation entre d'une part l'analphabétisme ou non des parents et la scolarisation des enfants et d'autre part, entre la profession des parents et la scolarité des enfants. II- LES CONSÉQUENCES DE L'INSÉCURITE ALIMENTAIREToute cause a nécessairement des effets qui peuvent être positifs ou négatifs. Pour ce qui est de l'insécurité alimentaire, elle a des conséquences néfastes sur ceux qui en sont victimes, et sur la région en général. II-1 La fluctuation et l'inaccessibilité des prix des céréales sur le marchéLe constat fait en 1983 par les diocèses du Grand-Nord est sans équivoque : « Certaines années, l'autosuffisance alimentaire du Nord-Cameroun est difficilement réalisée. Les prix des céréales atteignent des prix inaccessibles à des couches importantes de la population. »81 Dans la région du Nord, on assiste à une variation considérable des prix le long de l'année, avec des pics observés autour des mois d'août et de septembre. Le prix du mil en août par exemple augmente de près de 300 % par rapport au prix de janvier. Plus précisément, le prix en janvier est de 8.400 francs CFA en moyenne tandis qu'en août, il est d'environ 24.500 francs CFA en moyenne le sac. 81 Diocèses de Garoua, Maroua, Mokolo, Ngaoundéré et Yagoua, op.cit. Pour le PAM, « Etant donné que les ménages pauvres consacrent une proportion importante de leur revenu à l'alimentation, une hausse des prix, même légère, peut entraîner une réduction importante de leur consommation alimentaire. Les ménages qui pratiquent l'agriculture de subsistance sont moins vulnérables que ceux qui doivent acheter toute la nourriture. »82 Concrètement, pendant les périodes d'insécurité alimentaire, le nombre de repas quotidien est parfois réduit à 1 au lieu de 3 en période « normale ». Il arrive même parfois que certaines familles prennent un repas tous les deux jours. Cette situation a sûrement des implications sur la nutrition et l'intégrité physique des individus, surtout sur les couches vulnérables telles les enfants et les personnes âgées. Les prix jouent un rôle important au niveau de la consommation alimentaire, en raison à la fois de leur incidence sur les revenus et des effets de remplacement qu'ils exercent. Pour un foyer pauvre, l'augmentation des prix d'un produit alimentaire et en particulier d'une céréale comme le riz, le mil ou le maïs, peut avoir une incidence importante sur le pouvoir d'achat familial. Par exemple en diminuant la ration alimentaire, il y a risque de sous ou de malnutrition qui est souvent le prémisse ou un indicateur de l'insécurité alimentaire. La forte variabilité de l'offre se traduit par une fluctuation importante des prix des céréales sur l'année et entre les années. Le prix des céréales est ainsi resté pratiquement stable et bas (entre 6.000 et 10.000 francs CFA le sac) de novembre 1999 à septembre 2000 alors qu'il avait beaucoup varié pendant la même période de l'année précédente marquée par une sécheresse (7.000 à 25.000 francs CFA)83. Egalement, Les années 1998 et 2001, déficitaires, se sont révélées particulièrement opportunes. Les cours ont atteint des niveaux élevés, jusqu'à 50 000 F CFA le sac de 100 kilos dans certains marchés en 1998. Les agriculteurs ont ainsi réalisé des économies ou des bénéfices - selon leur stratégie de mise sur le marché - de 120 % en 1998 et de 60 % en 2001. En revanche, fin 1998, les prix au moment de l'achat des céréales étaient encore élevés. Durant la campagne 1999, les crues exceptionnelles ont permis une excellente production autour du lac Tchad, alors que des pluies abondantes favorisaient les productions pluviales sur l'ensemble du Nord-Cameroun. Les commerçants de N'Djamena, qui tirent habituellement les prix vers le haut, ne se sont donc pas rendus sur les marchés nord-camerounais et les prix en période de soudure étaient de 40 % inférieurs à ceux de la période de récolte, ce qui a lourdement grevé la trésorerie des groupements engagés dans l'opération. 82 PAM, Les caractéristiques de la sécurité alimentaire au Cameroun, PAM, Yaoundé, 2002, p.54. 83 Données recueillies auprès de la délégation régionale du commerce du Nord. Pour HAVARD et ABAKAR, « Ces fluctuations se répercutent immédiatement sur l'offre, car si le prix sont bas, les paysans réduisent la part des céréales dans leur assolement, et si les prix sont élevés, ils l'augmentent. Dans les terroirs suivis par le PRASAC, les prix peu élevés des céréales entre novembre 1999 et septembre 2000 ont eu pour effet une réduction de 20% des superficies en céréales dans les exploitations entre les campagnes 1999-2000 et 2000-2001, au profit du coton et de l'arachide. En conséquence, la proportion des exploitations agricoles de ces villages incapables de satisfaire leurs besoins alimentaires à partir de leur propre production est passée de 47% en 1999-2000 à 60% la campagne suivante. »84 En réduisant les surfaces céréalières, les agriculteurs s'exposent et exposent le reste de la population à des pénuries alimentaires qui dérivent inéluctablement vers l'insécurité alimentaire. Bien qu'il soit difficile de séparer les effets sur la santé de l'insécurité alimentaire des effets plus généraux de la pauvreté, on peut constater que les personnes des ménages aux prises avec l'insécurité alimentaire sont sujet à une mauvaise santé fonctionnelle, une activité réduite, de multiples états chroniques et la dépression majeure. En outre, ces personnes ont une prévalence élevée de régimes alimentaires insuffisants au niveau de nombreux nutriments, dans les protéines, l'acide folique et le fer. Ces personnes vivant l'insécurité alimentaire peuvent aussi trouver plus difficile de gérer les troubles médicaux qui exigent des interventions diététiques. II-2 Les migrations des populations et les transhumancesLes terres fertiles se faisant rares dans la région du Nord, la partie dévolue à l'agriculture et l'élevage connaît des problèmes de surpopulation. La stratégie la plus fréquente est l'émigration vers d'autres zones ou lieux, où des terres sont encore disponibles et la pluviométrie plus favorable. Elle provoque chaque année dans les terroirs d'arrivée des regains de tension pour la maîtrise de l'espace entre agriculteurs migrants, chasseurs et éleveurs itinérants. L'envoi de fonds par les migrants est indispensable à l'équilibre financier des ménages des terroirs d'origine. Localement, certaines activités commerciales souvent gérées par les femmes (fabrication d'alcools, petits élevages domestiques, etc.) fournissent des revenus monétaires en partie destinés à assurer un minimum alimentaire. 84 HAVARD M., ABAKAR O., Bilan de la campagne agricole 2000-2001 dans les exploitations des terroirs de reférence du PRASAC au Cameroun , IRAD/PRASAC, Garoua, 2001, p.20. Mais cette migration, ne résoud pas le problème ; elle se contente de le déplacer ou de le retarder. A titre d'illustrationn au plus fort de la crise alimentaire dans l'Extrême-Nord, certaines personnes sont descendues dans la région du Nord. Elles y ont même créé des villages comme celui de Mafa-Kilda, situé non loin de Garoua, il y a près de 3 décennies. Ce village de migrants de l'Extrême-Nord est vite arrivé à saturation ; des signes de dégradation des ressources naturelles y sont désormais perceptibles. Comme les migrants continuent d'arriver, les paysans repoussent toujours plus loin les limites du terroir à la recherche de terres agricoles ; d'autres quittent le village pour aller plus loin. On assiste ainsi à un flux migratoire permanent. Cette forte présence humaine exerce une pression sur les terres agricoles qui ont déjà des problèmes, parfois même avec une incidence significative sur les aires protégées. Aussi, voit-on depuis quelques années la disparition à petits pas les méthodes traditionnelles de mise en repos qui permettait aux sols de reconstituer son potentiel de production. La population qui pratique l'agriculture n'ayant pas de terre, développe un comportement de refus de faire des aménagements (apport de la matière organique) parce que pour elle, cette terre peut leur être retirée. Par ailleurs, l'exode rural, et majoritairement celui des jeunes, fait en sorte que les terres sont abandonnées aux vieillards qui n'ont plus assez de force pour cultiver sur de grandes superficies et de manière régulière. Par conséquent, les quantités produites demeurent insuffisantes et le spectre de l'insécurité alimentaire ne cesse de planer sur la région. > Les transhumances Du latin (( trans )) (de l'autre côté) et (( humus )) (la terre, le pays), la transhumance désigne la migration périodique du bétail de la plaine vers la montagne et vice versa en fonction des conditions climatiques ou des disponibilités alimentaires. Comme nous l'allons démontrer plus loin dans cette étude ( dans les stratégies de lutte contre l'insécurité alimentaire, chapitre 3), en dehors de l'agriculture, les populations de la région du Nord s'adonnent à l'élevage. L'insécurité alimentaire et climatique pousse parfois les pasteurs à se déplacer avec leurs bêtes. Avant de nous apesantir sur les effets de cette transhumance, nous avons jugé utile de revenir sur le cheptel de la région du Nord. Les effectifs réels sont extrêment difficiles à connaître avec certitude. Les chiffres fournis par le MINEPIA, en l'absence de recensement récent (le dernier date de 25 ans), se basent sur les animaux vaccinés ; et sont donc sujet à des biais importants. Par expérience, nous savons que généralement, les éleveurs M'bororos ne font vacciner leurs animaux que tous les trois ans, et qu'ils sont majoritairement dans le Mayo Rey et le Faro. Les éleveurs du Mayo Louti sont majoritairement des agro-éleveurs pratiquant une intensification qui les pousse à vacciner plus leurs bêtes. La Bénoué possède les deux types d'éleveurs. En nous basant sur les chiffres de l'étude de faisabilité du projet d'hydraulique pastorale (PRCPB) et la vaccination 2001 contre la péripneumonie contagieuse des bovins, nous arrivons à près d'un million de têtes de bovins, et environ 900.000 ovins et caprins. Les surfaces pâturables sont estimées ainsi qu'il suit :
Tableau 4 : Estimation des surfaces pâturables
dans la région du Nord agricoles du Nord / MINEPIA Le tableau qui suit présente la production potentielle de Matière Sèche (MS) en tonnes
Tableau 5 : Production potentielle de Matière Sèche (MS) dans la région du Nord Sources : SODECOTON / Service régional des projets, enquêtes et statistiques agricoles du Nord / MINEPIA Le potentiel global de la région du Nord fournit des ressources permettant de nourrir un cheptel au moins aussi important que celui estimé actuellement. Même si les méthodes sont grossières dans l'estimation du cheptel, la rareté de la ressource n'est pas avérée de manière globale. La ressource est inégalement répartie dans l'espace de la région et dans le temps. La matière sèche produite n'est pas utilisée uniformément tout au long de l'année. Les résidus de récolte le sont durant 3 à 5 mois et l'utilisation des parcours dépend de la saison. Seule la transhumance permet de s'adapter à cette disponibilité inégale de la ressource et d'optimiser son utilisation. Le problème de l'alimentation des ruminants dans la région du Nord est celui de l~accès à la ressource. Les exemples des migrations connues dans la région ne sont pas le fait de la dégradation de la ressource, mais le fait de sa disparition (mise en eau du barrage de Lagdo sur 70.000 ha), ou de l'impossibilité soudaine d'y accéder (création ou réactivation de zones de chasse). D'autres migrations se font pour fuir les conflits avec les agriculteurs, ou les relations conflictuelles avec les chefferies (arrondissements de Demsa, de Tchéloa ou de Bibémi). Si l'insécurité pour l~accès aux pâturages devient trop forte, de même que l'insécurité des biens, il y a aussi migration (départements du Mayo Rey et de la Bénoué dans sa partie Sud et Est). Pour BOUTRAIS, « les éleveurs ne possèdent pas leurs pâturages et n'ont jamais l'assurance de pouvoir y rester longtemps. L'incertitude foncière entrave tout investissement quelconque des éleveurs, aussi bien dans leur habitat que dans leurs pâturages. Régler le problème foncier des pâturages représente le préalable indipensable à toute amélioration de l'élevage traditionnel »85. Les buts du nomadisme et de la transhumance sont la recherche de l'eau, de pâturages et de la sécurité. Le vrai nomadisme tend à diparaître de la région. Il est le fait de groupes M'bororos qui, pour la plupart, sont depuis au moins dix ans sur les mêmes zones. Il y a une volonté massive et manifeste de se fixer de la part de ces populations, qui se mettent majoritairement à cultiver. Par contre, la transhumance est pratiquée à grande échelle. Elle permet l'exploitation de pâturages qui ne peuvent être occupés toute l'année du fait de leur insalubbrité (présence de glossines), du manque de point d'eau pour le bétail, de leur inondation en saison de pluies ou tout simplement parce qu'il n'y a plus d'herbe. Dans la région du Nord, les éleveurs transhument dans la vallée de la Bénoué et du Mayo Kébi en saison sèche (la 85 Jean BOUTRAIS, Deux études sur l'élevage en zone tropicale humide (Cameroun), Bondy (France), Travaux et documents de l'ORSTOM, n°88, 1978. transhumance vers le Mayo Kébi explique le maintien d'une forte activité élevage dans le Mayo Louti). Un autre mouvement fort se fait vers les pâturages du Faro et du Mayo Rey voire de l'Adamaoua. Véritable paradoxe, une transhumance de l'Adamaoua vers le Sud du Mayo Rey s'est mise en place ces dernières années. BOUTRAIS poursuit plus loin en affirmant que : « La transhumance est toujours active chez les foulbés et les arabes choas. On peut estimer qu'elle mobilise chaque année, environ la moitié de l'effectif total des bovins (..) Quelques milliers de têtes de petit bétail y participent aussi ; les troupeaux et les bergers qui les guident s'éloignent de leur habitat principal soit pendant la saison sèche, moins pendant la saison des pluies »86. La transhumance obéit à une logique d'utilisation optimale des ressources naturelles et des résidus de récolte plutôt qu'à une stratégie de réponse à une crise aiguë de raréfaction de la ressource. Une étude de l'agence néerlandaise de coopération SNV menée en 2000 montre clairement qu'il y a des espaces disponibles, que la progression de l'agriculture ne se fait pas selon un front se déplaçant vers le sud, mais qu'elle suit les voies de communication. Les conflits de plus en plus nombreux entre agriculteurs et éleveurs ont pour source une absence d'organisation dans l'occupation des terres qu'à une raréfaction de la ressource. C'est le manque d'organisation dans cette occupation qui aboutit au gaspillage de la ressource et qui rend son accès difficile. Cependant, la recherche des pâturages par les éleveurs est rendue difficile pour les raisons suivantes : - la circulation des animaux rencontre de plus en plus à cause d'une installation de l'agriculture qui prend peu en compte les zones traditionnelles de pâturage et les pistes à bétail ; - d'une année sur l'autre, l'agriculture occupe souvent les lieux de résidence des éleveurs en voulant profiter de la fumure ; - les zones d'intérêt cynégétiques (ZIC) et les parcs forment un véritable barrage empêchant l'accès au sud de la région (Mayo Rey et Faro) qui portent pourtant la majorité de la ressource ; 86 Jean BOUTRAIS, op.cit. - ni les chefferies ni l'Administration ne garantissent l'accès à cette ressource ; des délimitations de zones de pâturage avaient été faites dans les années 60, mais elles ne sont plus respectées ; les délimitations actuellement tentées rencontrent de grosses difficultés de respect d'accords pourtant négociés ; - l'insécurité des biens et des personnes dans certaines zones fait qu'elles ne sont pas utilisées ; - enfin, l'augmentation sans précédent du coût des déplacements ou des séjours du fait de la multiplication des communes rurales qui prélèvent des taxes de manière non harmonisée et à des taux fixés arbitrairement et les pratiques des chefferies qui, pour beaucoup, ont un budget où la part de l'élevage est prépondérante, font que les grands espaces sont délaissés. Source : PAM III- LA CATÉGORISATION DES PRINCIPALES VICTIMES DE L'INSÉCURITE ALIMENTAIREIl apparaît primordial de préciser au préalable, afin de lever toute équivoque qui se poserait, que pendant les périodes à risque, l'insécurité alimentaire ne fait pas une quelconque discrimination au sein des populations. Elle frappe sans distinction de sexe, d'âge, de religion & Cependant, cette insécurité alimentaire n'est pas vécue par tous au même degré en fonction ou à cause du rang que certaines couches sociales occupent sur l'échelle sociale ou sur la pyramide des âges. Dans les paragraphes qui suivent, il est opportun de savoir justement dans quelles mesures certains semblent plus vulnérables à ce phénomène que d'autres. III-1 Les personnes âgées (plus de 60 ans)Cette catégorie a été identifiée comme vulnérable dans la mesur où les personnes âgées rencontrées estiment ne plus avoir suffisamment de force pour cultiver la terre. Cela veut dire que ces personnes sont presque improductives ; ce qui les met en situation de dépendance vis-à-vis de leurs enfants ou d'une quelconque personne. HABIBA, 62 ans, nous apprend que : « Ça fait plus de 5 ans que je ne travaille plus les champs parce que j'étais tombée malade et le docteur m'a demandé de me reposer parce que je n'ai plus beaucoup la force. Maintenant, je compte sur mes belles-filles pour manger chaque jour. Comme mon premier fils a trois femmes, elles me donnent la nourriture chacun à son tour. Je ne demande pas la nourriture parce que c'est mon enfant qui les a dit de souvent me servir. Elles doivent seulement obéir leur mari sinon elles auront les problèmes avec lui. » Pendant l'insécurité alimentaire, ces personnes valides dont dépendent les personnes âgées se soucient en premier lieu de leurs progéniture avant de penser à toute autre. Le plus souvent donc, on « oublie » de leur servir un bol de riz ou de mil et se retrouvent entrain de dormir le ventre vide. Tout ce qu'elles peuvent faire, c'est parcourir les maisons de leurs enfants (pour ceux qui sont encore en mesure de le faire) ; ou encore envoyer un enfant demander à manger pour eux dans les différents concessions. III-2 Les handicapésOn nomme handicap la limitation des possibilités d'interaction d'un individu avec son environnement, causée par une déficience qui provoque une incapacité, permanente ou non et qui mène à un stress et à des difficultés morales, intellectuelles, sociales et/ou physique. Le handicap exprime une défience vis-à-vis d'un environnement, que ce soit en termes d'accessibilité, d'expression, de compréhension ou d'appréhension. Il s'agit donc plus d'une notion sociale et d'une notion médicale. Le mot handicap vient de l'expression anglaise « hand in cap » ce qui signifie littéralement « la main dans le chapeau ». Dans le cadre d'un troc de biens entre deux personnes, il fallait rétablir une égalité de valeur entre ce qu'on donnait et ce qu'on recevait : ainsi, celui qui recevait un objet d'une valeur supérieure devait mettre dans un chapeau une somme d'argent pour rétablir l'équité. L'expression s'est progressivement transformée en mot puis appliquée au domaine sportif (courses de chevaux notamment) au XVIII ème siècle. En hippisme, un handicap correspondait à la volonté de donner autant de chances à tous les concurrents en imposant des difficultés supplémentaires aux meilleurs. Historiquement, le handicap se définissait par opposition à la maladie. Le patient était malade tant que son problème pouvait être pris en charge médicalement ; il était reputé handicapé une fois devenu incurable. En 1980, le britannique Philip WOOD a transformé radicalement la vision du handicap en le définisssant comme un désavantage dont est victime une personne pour accomplir un rôle social normal du fait de sa déficience (lésion temporaire ou définitive) ou de son incapacité (réduction partielle ou totale des capacités pour accomplir une activité). Avec la parution de la Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé (CIF, CIH-2), l'OMS a introduit une nouvelle typologie du handicap qui prend plus en compte les facteurs environnementaux. Le handicap peut y être défini comme la rencontre d'une déficience avec une situation de la vie quotidienne. La loi française du 11 février 2005 portant sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées stipule que : « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activités ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substancielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé envahissant. » D'après la Classification Internationale des Handicapés, on nomme handicapé « Toute personne souffrant d'une déficience, aspect lésionnel, ou d'une incapacité, aspect fonctionnel, qui limite ou interdit toutes activités considérées comme normales pour un être humain. » La classification des divers handicaps distingue les handicaps : - physique : moteur et sensoriel ou relationnel ; - mental : déficiences intellectuelles et relationnelles durables ; - associé ou multihandicap : cumul de plusieurs handicaps ; - polyhandicap : cumul de handicaps moteur, intellectuel et de la communication. Dans le cadre de cette étude, ce sont principalement les handicapés moteurs et sensoriels qui ont retenu notre attention ; parce qu'étant les plus visibles et ceux que nous avons le plus rencontrés lors de notre séjour sur le terrain. > Les handicaps sensoriels La cécité et la surdité sont deux déficits très différents entrainent de la part de l'entourage des réactions diverses. Environ 100 millions de personnes dans le monde sont touchées par ces déficits ,ais nous ne saurions donner ne serait-ce une estimation de cette catégorie dans la région du Nord, faute de statistiques disponibles auprès des services sociaux ou de santé de la région. Qu'à cela ne tienne, nous en avons vu un grand nombre déambuler dans les avenues, les rues, les marchés ou devant les mosquées. L'importance du déficit sensoriel amène à créer des sous-catégories : c'est ainsi que l'on distinguera de la cécité complète l'amblyoptie qui correspond à une vision de moins de 4/10. La différence est réelle puisque tout amblyopte (ou mal-voyant) peut en principe mener une vie indépendante sans l'aide constante d'une tierce personne. Un autre aspect du handicap à prendre en compte est sa date de survenue. On devra différencier cécité congénitale et cécité acquise. Psychologiquement, les aveugles-nés sont très différents des jeunes enfants devenus aveugles après l'âge de trois ou quatre ans, alors qu'ils avaient pu bénéficier d'acquisitions dans le domaine visuel. Ces derniers, même lorsqu'ils n'ont pu conserver de souvenir visuel, sont privilégiés par rapport aux aveugles-nés en ce qui concerne certains domaines de la connaissance, tel celui de la représentation spatiale. Mais les aveugles tardifs peuvent en revanche se trouver défavorisés par de grandes difficultés à développer des moyens de compensation de leur infirmité (par exemple l'apprentissage de l'écriture Braille). Il en est de même chez les sourds et malentendants. Ceux dont l'infirmité a été précoce souffrent de difficultés du raisonnement et de la pensée abstraite qu'on peut raisonnablement rapporter à la privation des communications par le langage. > Les handicaps moteurs Ils constituent une catégorie très hétérogène puisqu'on y range les amputations, les atteintes neurologiques centrales et périphériques, les affections musculaires ou ostéoarticulaires. TIDJANI raconte que : « Pendant les fêtes de fin d'année, mon fils Amadou a eu un accident de moto. C'était tellement grave qu'on lui a amputé la jambe qui avait été broyée lors de l'accident. Maintenant, il ne se déplace plus normalement et ne peut donc plus nous aider à travailler au champ. » Diverses dans leurs origines, les déficiences motrices le sont également par les réactions qu'elles suscitent. A incapacité égale, le paralysé sentira planer autour de lui une certaine méfiance, alors que l'amputé ne se verra pas demander plus qu'il ne peut faire. Mais en contrepartie, il provoquera, plus que le paralysé, un sentiment de gène et de malaise lié à la mutilation et au symbolisme qui s'y rattache. Le malaise vis-à-vis de certains handicaps moteurs naît aussi de la méconnaissance des accidents neurologiques qui en sont la cause. Le tableau de l'hémiplégie est relativement familier surtout chez le vieillard hypertendu ; ou celui de la paraplégie, que la fréquence des accidents de la circulation a rendu tragiquement quotidien (causant des sections de la moelle épinière). De même les séquelles de la poliomyélite sont facilement identifiées. Mais le public ne connaît pas les manifestations cliniques des maladies dégénératives du système nerveux central (telles les dégénérescences spino-cérébelleuses DSC ou de l'infirmité motrice cérébrale IMC. Les troubles de motricité volontaires sont dus à une encéphalite de la petite enfance, à un accouchement difficile, à une incompatibilité sanguine.87 C'est peut-être à l'une des causes de ce dernier groupe que la paralysie de SAMADINE est due. Nous pensons qu'elle a très probablement été victime d'une DSC ou d'une IMC bien 87 Guy DREANO, Guide de l'éducation spécialisée, Paris, Dunod, 2002, p.25 et svtes. qu'elle avance une tout autre raison liée au mauvais sort, à la sorcellerie ou à la mélédiction tel que cela transparaît dans son témoignage : « Mon père avait eu un problème quand j'étais petite avec un éléveur parce que ses animaux étaient venus manger la nourriture dans notre champ. Mon père l'a accusé chez le djaworo et on lui a demandé de payer ce que ses moutons avaient mangé. Il s'est fâché et a dit à mon père que ça n'allait pas finir comme ça. Un jour, je me suis couché et le matin, je ne pouvais pas me lever. On a tout fait. Rien. Mon père a fait venir un marabout à la maison et c'est lui qui a dit que c'est le type qui avait eu le problème avec mon père qui m'avait lancé une malédiction et que lui, il ne pouvait pas me guérir complètement parce que le gris-gris était trop fort. C'est depuis là que mes pieds sont pliés comme tu vois-là. » A cause du handicap, les individus voient se réduire inexorablement leur champ de mobilité. Ils sont quasiment improductifs et vivent de ce fait aux crochets de ceux qui sont valides ; ou simplement sont réduits à la mendicité. Il arrive que, lorsque la personne handicapée devient une charge insupportable pour la famille et que les disponibilités alimentaires sont réduites à leur plus simple expression, ledit membre est progressivement abandonné par les siens en étant privé de sa ration alimentaire. Si la période difficile perdure et/ou se durcit, les handicapés sont purement et simplement bannis et exposés à toutes les conséquences dont il a été fait cas antérieurement. Leur handicap les pénalise un peu plus parce que c'est une souffrance à laquelle vient se greffer d'autres souffrances ; s'amplifiant mutuellement. ATTiTuDEs DEs AcTEuRs FAcE à DEuXiEME pARTiE : Pour tous les acteurs concernés par l'insécurité alimentaire, la lutte contre ce phénomène apparaît comme une préoccupation vitale. Les stratégies de gestion des situations de pénurie alimentaire mises sur pied sont aussi bien formelles qu'informelles. Les stratégies informelles sont celles qui reposent sur des arrangements entre individus ou ménages ; ou qui font appel à des groupes tels les communautés ou les villages. Les stratégies formelles quant à elles font appel aux mécanismes de l'Etat et ceux des organismes internationaux et autres ONGs. En l'occurrence, il s'agit dans cette étude de la FAO et du PAM. CHApiTRE 3 :
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Nombre de |
Nombres de |
Nombre |
Nombre de |
% de |
55 |
1.620 |
413 |
1.207 |
74% |
Tableau 6 : Bénéficiaires directs des greniers communautaires en 2008. Source PAM.
Nombre de |
Nombres
de |
Nombre |
Nombre de |
% de |
55 |
165.000 |
79.200 |
85.800 |
52% |
Tableau 7 : Bénéficiaires indirects des greniers communautaires en 2008. Source PAM.
96 Par comparaison, dans la même période dans l'Extrême-Nord, 126 greniers ont été construits en 2006, 159 en 2007 et 130 en 2008 tandis que dans l'Adamaoua, aucun grenier n'a été construit en 2006 et 2007 et seulement 20 en 2008. Données fournies par la représentation du PAM à Garoua qui supervise les opérations dans tout le Grand-Nord.
Le PAM ayant constaté des cas de détournement des dons, qui sont revendus en zone urbaine et non au profit des bénéficiaires cibles, a instauré un suivi après deux ou trois semaines. Mais surtout une formation est assurée aux comités de gestion en charge du management des greniers. Ainsi,
« A rapid assessment is carried out to identify eligible communities to the establishment and running of a granary. Thereafter consultation will take place with stokeholders to further brief them on modalities and requirements of a granary management as well as the community commitments. Further to each consultation process the beneficiaries should put in place a steering committee composed of mainly women to whom they will delegate the management authority. In addition to the food assistance, WFP also is porviding technical assistance of local NGOs to assist in building the institutional (organizational and managerial) capacity of the management committee.»97
Chaque projet a une durée de cinq ans. Après cela, les villageois se prennent en charge eux-mêmes. En résumé, ce sont les populations qui elles-mêmes qui gèrent leurs greniers. L'aide du PAM n'est pas ainsi accordée à des individus isolés, mais à des groupes ou à des communautés. Mais le PAM a d'autres stratégies dans le cadre de la lutte contre l'insécurité alimentaire.
Le premier projet d'assistance aux écoles mené par le PAM date d'octobre 1973 à juin 1980 dans le cadre du « Projet CMR 773 ». Il était destiné aux élèves des écoles primaires dotées d'un internat et ceux des Ecoles Techniques d'Agriculture. Ce projet a alors permis d'octroyer 20.788 tonnes de diverses denrées en faveur de 50.000 bénéficiaires. Le programme d'alimentation scolaire au sein du Programme de pays 10214.0 (2003-2007) qui s'est achevé a
97 WFP and Cameroon : a community-based system to better cope at local level with seasonal food storages and/or high food prices in Northern Cameroon, February 2009, p.2.
98 PAM, Note d'information sur le programme d'alimentation scolaire au Cameroun, Yaoundé, Février 2009, pp.2- 4.
assisté pendant la dernière année de sa mise en ceuvre 367 écoles avec plus de 82.500 bénéficiaires. Les principales recommandations sectorielles de l'appréciation sur l'activité « alimentation scolaire » du programme de pays a recommandé :
- de poursuivre l'appui à l'éducation à travers l'alimentation scolaire ;
- d'améliorer le suivi de l'exécution et de mesurer son impact éducatif notamment grâce à un renforcement des capacités des agents du MINEDUB participant à la gestion de l'activité ;
- de mener un plaidoyer auprès du Gouvernement pour qu'il s'engage de manière plus affirmée, y compris dans ses choix budgétaires, dans la prise en charge porgressive de la gestion et de l'approvisionnement des cantines scolaires, permettant leur pérénnisation à terme et un désengagement progressif du PAM.
Le Programme de Pays en cours se fixe pour objectifs :
- faciliter l'accès des jeunes à l'éducation et réduire l'inégalité entre les sexes ; - accroître le taux d'inscription et de fréquentation scolaires ;
- réduire le taux d'abandon scolaire ;
- accroître le taux de scolarisation des filles ;
- maintenir les filles à l'école au cours des 3 dernières classes du cycle primaire ; - réduire l'inégalité géographique au niveau de l'éducation de base.
Le PAM a fourni, au cours de l'année scolaire 2008/2009, 3.000 tonnes de denrées (riz, haricot, niébé, huile, sel et maïs) à plus de 51.000 enfants assistés. Le nombre de bénéficiaires du programme actuel est estimé à 55.000 élèves dont 7.750 filles pour les rations à emorter pendant la première année du projet. Le Gouvernement devrait se charger de l'alimentation scolaire des autres enfants nécessiteux qui ne sont pas pris en compte par le présent programme de pays. Les enfants reçoivent un repas à l'école 165 jours par an. Le PAM fournit des rations à emporter aux filles scolarisées des trois dernières années du primaire sur la base d'une assiduité d'au moins 80%. Ces rations devraient inciter les familles à inscrire et maintenir les filles à l'école. Sur une durée de 5 ans (la durée du programme 2008-2012 en cours), le PAM fournira 14.765 tonnes de produits alimentaires, dont 12.804 tonnes de céréales, 1.367 tonnes de légumes secs, 45 tonnes d'huile végétale et 137 tonnes de sel iodé. La contribution régulière des parents à l'alimentation scolaire de leurs enfants sous forme de légumes, viande, poisson, arachide et condiments constitue un supplément nutritionnel substanciel et de bois de chauffe pour la préparation des repas.
Le tableau ci-dessous indique combien pourra coûter ce programme au PAM. En se basant sur les coûts indiqués sur les IFP du CP1530.0, le coût moyen par élève bénéficiaire s'élève à environ 44 et 143 US dollars respectivement pour la ration humide et la ration à emporter pour les jeunes filles.
Rubrique |
Tonnage |
Coût à la |
Coût total |
Nombre |
Coût moyen par |
Cantines |
1.751 |
698.824 |
1.211.383.824 |
55.000 |
22.025 |
Ration |
1.163 |
476.297 |
553.933.411 |
7.750 |
71.475 |
Tableau 8 : Estimation du coût du Programme
d'Alimentation Scolaire (2008-2012).
Source PAM
Le PAM souhaite ainsi faire d'une pierre deux coups : mettre les enfants à l'abri de l'insécurité alimentaire et encourager leur scolarisation ; répondant par la même aux deuxième et troisième Objectifs du Millénaire pour le Développement à savoir : assurer l'éducation primaire pour tous et promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes.
Les partenaires impliqués dans l'exécution de cette activité sont le Gouvernement à travers le Secrétariat Permanent du Comité de Gestion de l'Assistance FAO/PAM (partenaire opérationnel) et le MINEDUB (partenaire technique). Les modalités d'intervention et d'organistation sont définies dans le tableau ci-dessous.
INTERVENANTS |
RÔLE / RESPONSABILITÉS |
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PAM |
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Fournit les denrées alimentaires (céréales, haricot, huile, sel iodé ou toute autre denrée disponible) et non alimentaire (matériel de magasin,...) au Gouvernement |
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Livre les denrées alimentaires au niveau des magasins régionaux de Ngaoundéré, Garoua et Maroua |
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Conseille le Gouvernement sur l'utilisation de l'aide alimentaire |
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Contrôle l'utilisation de l'aide alimentaire du PAM |
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Effectue des missions de contrôle, de suivi et d'évaluation sur le terrain |
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COMITÉ DE |
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Assure la gestion logistique de l'aide alimentaire |
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Confectionne les différents rapports (rapports trimestriels, rapports d'exécution du projet, rapport de mi-parcours et |
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FAO/PAM |
les transmet au PAM |
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Assure l'assure l'acheminement des denrées du PAM vers les cantines scolaires |
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Assure un bon entreposage des vivres du PAM |
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Effectue des missions de contrôle et d'évaluation |
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UNITÉ CENTRALE |
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Définit les grandes orientations du Programme |
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Supervise la gestion logistique et technique du Programme |
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Dresse la liste des écoles bénéficiaires |
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Effectue des missions de contrôle et d'évaluation |
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Analyse les informations concernant le Programme |
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Prend des mesures pour s'assurer que seuls les enfants inscrits mangent à la cantine |
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UNITÉ |
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Supervise le suivi technique et logistique du Programme au niveau régional |
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Propose les écoles susceptibles de bénéficier de l'aide alimentaire du PAM à l'UCC |
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Collecte et/reçoit et analyse les données relatives au Programme au niveau régional |
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Mesure l'impact du Programme au niveau de la région |
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Confectionne et achemine à l'UCC un rapport trimestriel de fonctionnement des cantines de la région |
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Assiste aux opérations de reconditionnement et de constat d'avaries au niveau du magasin régional |
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MINISTÈRE DE |
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Assure la sélection des écoles bénéficiaires de l'assistance conformément aux critères établis |
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Préside les réunions de l'UCC |
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Initie toutes actions nécessaires en direction des délégations régionales visant à garantir un bon suivi du Programme |
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Veille à l'application du par les écoles bénéficiaires de la réglementation en matière de gestion des cantines telles que prescrite |
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Tableau 9 : Rôle/responsabilités des différents intervenants du Programme Cantines
scolaires. Source PAM> Le programme « Vivres contre travail »
Dans ce programme, le PAM identifie dans sa zone d'intervention des travaux d'ordre communautaires. Ces travaux concernent des domaines aussi variés que les ouvrages hydroagricoles, la conservation des eaux ou des sols ... On peut citer la construction des biefs, radiers, digues, passages busés ... 89 tonnes de céréales sont ainsi en cours de livraison pour assister les travailleurs communautaires.
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Tableau 10 : Quelques projets et opérations d'urgence du PAM. Source PAM.
Depuis qu'elle a commencé à sévir et à s'intensifier dans la région du Nord, les pouvoirs publics n'ont pas ménagé leurs efforts pour tenter de juguler l'insécurité alimentaire et ses effets sur les populations. Pour maîtriser et limiter la variabilité du déficit céréalier, des mesures sont mises en oeuvre. La lutte se fait ainsi en amont pour augmenter et sécuriser la production afin de répondre à des besoins sans cesse croissants ; et en aval pour mieux valoriser et mieux gérer la production afin de réduire les pertes et faciliter l~accès des produits. Ce combat tous azimuts est mené au travers de la création d'organismes et l'adoption de programmes et projets.
L'un des facteurs qui accentue souvent les effets de l'insécurité alimentaire dans la région du Nord est l~approvisionnement des populations en denrées pendant les périodes de disette. C'est dans cette optique que l'Office Céréalier voit le jour en 1975 ayant son siège à Garoua. Cet organisme est mandaté par l'Etat pour constituer un stock permanent de sécurité, disponible pour approvisionner les marchés en céréales en période de forte augmentation des prix, afin de les limiter. Il remplit donc une fonction de régulation du marché car il doit tout mettre en oeuvre pour empêcher l~inflation en maintenant une offre suffisante qui réponde à la demande. De cette manière, la spéculation pratiquéd par des commerçants sans scrupules est plus ou moins freinée et les prix restent relativement bas.
Depuis sa création et surtout depuis la grande sécheresse de 1984-1985, lorsque le Gouvernement veut accorder des aides alimentaires et en fonction des disponibilités, il les puise dans les stocks de l'Office qui appartient à l'Etat. Dans la situation actuelle, il dispose dans ses magasins d'environ 5.000 tonnes de céréales99 ; grâce au concour financier de l'Etat. Ce qui n'est pas négligeable quand la disette s'annonce.
99 Il s~agit précisément de 45.534 quintaux au 30 juillet 2009. Source l'OC.
L'Office Céréalier est sur un projet de stockage céréalier avec la Banque Islamique de Développement (BID) et l'Organasation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP). Ce projet vise à stocker 15.000 tonnes de céréales. Dans le cadre de ce projet, les deux bailleurs de fonds prennent en charge les gros investissements notamment :
- la construction des magasins de stockage,
- le désenclavement de certaines zones à production céréalière par l'aménagement des pistes rurales,
- la mise en place d'une capacité suffisante de transport de céréales,
- la mise en place des outils et des produits de traitement des stocks.
Le Directeur Général de cette structure, Gilbert GOURLEMONT, nous a fait part de l'autre domaine dans lequel s'investit l'Office Céréalier : « Au niveau de la recherche agronomique, on essaie de trouver des variétés adaptées à cycle court pour combattre la sécheresse. On essaie également de trouver des variétés qui puissent être à l'abri des attaques des prédateurs ».
Jusqu'à présent, les résultats atteints dans ce sens n'ont toujours pas été très probants. C'est pourquoi les actions de l'Office Céréalier restent centrés sur ses objectifs de départ à savoir la constitution de réserves de sécurité.
Avec l'atteinte du point de décision de l'initiative Pays Pauvre Très Endetté (PPTE), dont le point d'achèvement a été atteint en avril 2006, une nouvelle orientation a été donnée à la politique économique avec notamment la rédaction du DSRP. Dans ce document, des actions spécifiques avaient été dirigés vers des filières choisies. Il s'agissait des féculents, des céréales, des fruits et légumes ainsi que des cultures d'exportation. Les actions visaient en général l'accroissement de la production par une amélioration de la productivité au travers de la vulgarisation de semences de qualité et des itinéraires techniques. Pour les cultures vivrières, l'augmentation de la production s'avère être une condition pour réduire les importations alimentaires et assurer la sécurité alimentaire.
C'est dans cette optique que entre 2000 et 2007, le Cameroun a adopté, avec l'appui de la FAO, le Programme Spécial pour la Sécurité Alimentaire (PSSA). Le pogramme comportait notamment les composantes suivantes :
- la maîtrise de l'eau ;
- la diversification de la production (producteurs individuels appartenant à des groupes identifiés) ;
- l'intensification (démonstration sur des produits agraires) ;
- l'intervention sur le petit élevage (volailles, porcins, ovins ...) ;
- l'analyse des contraintes spécifiques à chaque site.
A cause de multiples dysfonctionnememts qui n'ont pas permis à ce programme d'atteindre les objectifs qui lui avaient été fixés, les autorités ont commencé à tabler, dès 2006, sur un nouveau programme qui intègrerait une vision plus large et plus technique. C'est ainsi qu'en janvier 2009, le Programme National de Sécurité Alimentaire (PNSA) a été adopté et un atelier de programmation des activités 2010 s'est tenu en septembre 2009. Les principales composantes de ce nouveau programme sont :
- les aménagements hydro-agricoles ;
- la maîtrise et la gestion de l'eau ;
- l~intensification des cultures vivrières ;
- la diversification des systèmes de production vers le petit élevage, la pêche artisanale et l'aquaculture ;
- l'amélioration post-récolte (transformation, conservation, stockage et
commercialisation) ;
- l~agriculture urbaine et peri-urbaine ;
- la nutrition et les filets de sécurité alimentaire ;
- la mise en place de mécanismes institutionnels.
Le PNSA est placé sous la tutelle du MINADER et a à sa tête un coordonateur National. L'actuel et tout premier coordonateur est le sieur Boniface NYADO. La relative jeunesse de ce programme ne nous permet pas encore de juger ses actions mais si l'on s'en tient à la feuille de route dont quelques éléments ont été listés plus haut, nous pensons que un pas est susceptible d'être franchi dans la lutte contre l'insécurité alimentaire. C'est d'ailleurs le leitmotiv qui a induit la mise sur pied de ce programme.
L'Etat, en dehors des deux stratégies ci-dessus mentionnées, en déploie d'autres pour lutter contre l'insécurité alimentaire. Par exemple, il promeut le stockage des céréales par les populations elles-mêmes par l'entremise du projet Développement Paysannal et Gestion du Terroir (DPGT) à travers les Associations des Producteurs Stockeurs de Céréales (APROSTOC). Le but de ce projet est :
- un accès permanent à un stock vivrier de sécurité ;
- une meilleure rémunération du travail des producteurs ;
- un assainissement de la trésorerie des exploitations.
Lorsque les déficits céréaliers sont chroniques, des réponses ponctuelles sont apportées par les pouvoirs publics à travers la distribution d'une aide alimentaire d'urgence auprès des populations sinistrées. Par exemple en 1997-1998, le gouvernement a sollicité 26.000 tonnes de denrées auprès du PAM et de la FAO et en a obtenu 12.100 tonnes. Au cours des 15 dernières années, 8 opérations d'urgence ont été mises en oeuvre pendant les soudures les plus difficiles. Un comité de gestion des interventions d'urgence dans les régions de l'Extrême-Nord et du Nord a été mis sur pied en décembre 1997 par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, suite à l'invasion du criquet migrateur africain ; et afin de mieux gérer ces opérations d'urgence. Ce comité de gestion dispose de deux antennes régionales qui :
- évaluent l'état des infestations, les besoins en moyens de lutte phytosanitaire et en aide alimentaire ;
- procèdent au recensement des populations sinistrées ;
- organisent les opérations de lutte phytosanitaire et de distribution de l'aide alimentaire sur le terrain ;
- et veillent à l'exécution des décisions du Comité dans leur ressort.
Cependant, l'aide alimentaire pose des questions de gouvernance. L'imprécision des statistiques agricoles empêche d'établir des situations et de prendre des décisions. Les volumes distribués sont sans commune mesure avec les déficits annoncés : en 1999, 9 500 tonnes de céréales devaient répondre à un déficit gonflé à 155 000 tonnes. Ces campagnes d'aide sont pourtant très onéreuses (3,78 milliards de FCFA pour l'aide financée en 1998 par l'Union
européenne) et de nombreux cas de détournements sont signalés. L'aide alimentaire devient, de fait, le support d'opérations médiatiques à la gloire des cellules gouvernementales et des caciques locaux impliqués. Elle correspond le plus souvent à un saupoudrage généralisé plutôt qu'à une distribution ciblée. L'espoir de gains politiques fait que la notion de zone vulnérable n'est pas acceptée : il faut servir le plus grand nombre, quelle que soit l'acuité de la disette, pour obtenir un bénéfice électoral maximal.
Nous avons mentionné au niveau des causes naturelles de l'insécurité alimentaire les maladies qui frappent les populations. Parmi celles-ci figurait en bonne place la méningite. Cependant, il faut relever que cette maladie connaît une expansion regressive du fait des campagnes de vaccination qui se déroulent, depuis 2000, de manière systématique dès le début de la sécheresse. Ces campagnes de vaccination sont appuyées par une intense campagne d'information et de sensibilisation à travers les médias publics et privés locaux. C'est ainsi que des 2.044 cas pour 235 décès enrégistrés en 1998, nous sommes passés à 272 cas pour 49 décès en 2002 pour parvenir à 157 cas pour 33 décès en 2003100.
100 Données fournies par la Délégation Régionale de la Santé Publique du Nord.
D'après Jean ZIEGLER, la sociologie est « un effort d'explication, de dévoilement, de ddémystification, de subversion de ce qui n'apparaît pas dans la production de la société »101.
Il s'agit, dans cette partie, de décrypter, de révéler, de mettre en lumière, de dévoiler la face occultée de l'insécurité alimentaire et les enjeux qui se cachent derrière la lutte contre ce phénomène. En effet, il apparaît que chaque acte posé ou chaque action envisagée cache une intention ou tout au moins n'est pas purement fortuit. On peut toujours en déceler quelques relans qu'il est question ici de dévoiler, démystifier et démythifier.
Plus loin, ZIEGLER continue en affirmant que le savoir sociologique permet de donner des
« armes pour comprendre notre situation et indiquer les voies et moyens d'actions pour sa transformation (..) Sa tâche est de révéler la société derrière les écrans déformateurs des représentations que les idéologies imposent aux hommes »102.
Il nous imcombe également à ce niveau de proposer ou de présenter un certain nombre de pistes qui pourraient être envisagées pour améliorer la sécurité alimentaire dans la région du Nord et partant, promouvoir l'autosuffisance alimentaire dans cette région.
101 Jean ZIEGLER, Retournez les fusils ! (Manuel de sociologie d'opposition), Paris, Seuil, 1980, p.
102 Jean ZIEGLER, ibid., p.
Selon JANIN et SUREMAIN, « la gestion de la faim a toujours été un enjeu sociétal et politique majeur »103.
Othon MATAPIT va dans le même sens en affirmant que « l'insécurité alimentaire a plusieurs dimensions : une dimension sociale, une dimension économique, une dimension politique et une dimension humanitaire. »
Ces réflexions mettent en lumière les différents enjeux que revêt la l'insécurité alimentaire ainsi que sa lutte que nous nous proposons de décrypter dans la suite de ce travail.
La dimension humanitaire de la lutte contre l'insécurité alimentaire se place en tête de tous les enjeux que peuvent cacher les actions des acteurs impliqués dans cette lutte. Koffi ANNAN en affirmant en 2002 que « la faim est l'une des pires violations de la dignité humaine », reconnaît que en ca sd'insécurité alimentaire, ce sont les vies humaines qui sont d'abord ménacées. Quand on connaît le nombre de personnes qui meurent à travers le monde chaque minute à cause de la famine, l'urgence d'intervenir en cas de danger se fait ressentir. Car la lutte contre l'insécurité alimentaire permet de sauver des vies, d'améliorer l'état nutritionnel des individus.
Il serait sans doute très difficile pour nous d'évaluer le nombre plus ou moins exact de vies sont suavées de l'insécurité alimentaire dans la région du Nord. Peut-être ces poopulations auraient-elles survécu sans les différentes interventions dont elles ont été et sont les bénéficiaires. Peut-être même que ces interventions ont plus profité aux intervenants qu'aux bénéficiaires. Toujours est-il que avec un regard objectif, le bilan des stratégies de lutte plaide en leur faveur. Les milliers de tonnes de vivres qui sont distribués chaque année pendant les
103 JANIN P., SUREMAIN Ch. De , « La question alimentaire en Afrique : risques de politisation », Tiers-Monde, vol. 66, N°131, 2008.
périodes de crise alimentaire sont d'un apport indéniable pour l'équilibre physique et psychique des bénéficiaires.
En 2005 par exemple, les rations d'urgence ont été fournies à 237.700 personnes. Cette contribution a un impact immédiat et substanciel sur des milliers de personnes vivant dans les régions les plus défavorisées. Par conséquent, elles sont plus actives et en pleine possession de leurs moyens et peuvent, par la même, participer pleinement au processus de développement.
Les vies sauvées dans la région du Nord permettent de maintenir à flot la population camerounaise car d'aucuns estiment que le Cameroun est un pays sous-peuplé par rapport à sa superficie, la densité de sa population ainsi que les potentiels dont dispose ce pays et qui ne sont pas encore suffisamment exploités, faute de main d'auvre abondante et qualifiée.
L'insécurité alimentaire ne sauve pas que des vies. Elle permet également de renflouer les poches ou plutôt les caisses de certains acteurs qui sont impliqués dans cette lutte. A leur tête les spéculateurs. Déjà en 1983, la spéculation était dénoncée dans le document technique des diocèses du Grand-Nord en ces termes :
« la commercialisation des céréales et de l'arachide est dominée par un certain nombre de gros marchands qui achètent sur les marchés des villages. Il n'existe aucun contrôle et guère de surveillance des marchés locaux. »104.
Le scénario est le suivant : des cocseurs sillonnent, pendant les périodes de récoltes, les villages à la recherche de la production agricole des agriculteurs. Ils acquièrent à bas ou à vil prix de grandes quantités de céréales et autres produits. La loi du marché s'applique avec toute sa vigueur car plus l'offre est élevée, plus le prix est bas. Comme c'est pratiquement la période des « vaches grasses », les producteurs qui disposent de suffisamment de réserves et qui ont besoin d'argent pour survenir à leurs besoins (écolage, santé, habillement, fêtes ...) n'hésitent pas à vendre, on dirait même brader, ce qu'ils ont si péniblement produit et parfois sans prévoir un « trésor de guerre » qui leur permette survivre pendant la période des « vaches maigres ». Les cocseurs livrent à leur tour à de grands marchands, les grossistes. Il arrive souvent que le gros commerçant d'une localité soit le lamido en personne ou l'un de ses affidés.
104 Diocèses de Garoua, Maroua, Mokolo, Ngaoundéré et Yagoua, op.cit., p.20.
Lorsque la crise alimentaire survient, ces commerçants vendent au prix d'or ce qu'ils ont acquis à vil prix ; ce faisant au passage de (très) gros bénéfices. D'aucuns, pour glaner encore plus de profit, vont jusqu'à commercialiser leurs marchandises dans d'autres régions du Cameroun ou carrément dans les pays voisins notamment le Nigéria et le Tchad. Dans ce cas, les prix sont exorbitants et les bénéfices maximisés. Dans le même document, les diocèses du Grand-Nord constatent : « des transferts de riz et de pois de terre vers le Nigéria. Nombre des exportations ne sont pas bien contrôlées aux frontières, pénalisant ainsi l'économie de la région, les années de disette. »105
Les vivres qui passent frauduleusement la douane permettent à quelques agents ou préposés des douanes camerounaises d'engranger de faramineux montants dans un système oil la corruption s'est érigée en valeur absolue106. Les marchandises ainsi sorties frauduleusement non seulement dépouillent les marchés, mais encore empêchent la rentrée des devises dans les caisses de l'Etat quand celui-ci en a énormémént besoin dans l'optique justement de créer des conditions de vie favorables aux citoyens dont il a la responsabilité. Seuls quelques personnages profitent de la situation pour se faire de gros sous et atteindre un bien-être individuel, laissant la grande majorité de la population dans un dénuement presque total.
Financièrement, une autre catégorie d'intervenants dans la lutte contre l'insécurité alimentaire profite largement de ce phénomène. Ce sont les organismes internationaux et les ONG. En effet, leurs opérations se chiffrent, comme nous l'avons constaté au chapitre 4, en milliers voire en millions de dollars américains ; ce qui équivaut à beaucoup de millions ou de milliards de francs CFA. Quand on y ajoute tous les frais inhérents aux déplacements ou aux mises en mission de leurs personnels, l'insécurité alimentaire est plutôt pour eux une aubaine, une « poule aux cufs d'or » qui n'a pas intérêt à mourir. Ce serait scier la branche sur laquelle ils sont assis puisqu'ils y trouvent leur compte.
Dans le cinquième chapitre, nous avons relevé les efforts consentis par l'Etat aussi bien en amont qu'en aval pour limiter l'insécurité alimentaire et ses conséquences. Ainsi, les pouvoirs publics investissent ou ont investi des milliards de francs dans les organismes de développement qu'ils créent à cet effet et dans tous les projets qu'ils ont mis sur pied. Les résultats escomptés n'ont pas toujours été atteints. De plus, les budgets d'investissement et de fonctionnement sont souvent mal gérés ou simplement détournés par des responsables véreux, entraînant le dépôt de bilan tel que mentionné au premier chapitre. Par ailleurs, beaucoup de projets et programmes qui
105 Diocèses de Garoua, Maroua, Mokolo, Ngaoundéré et Yagoua, op.cit., p.21.
106 En 1998 par exemple, le Cameroun a occupé le 1er rang mondial des pays les plus corrompus selon l'ONG britannique Transparency International. Les douanes constituent l'un des secteurs les plus gangrénés par ce fléau en compagnie de la police, de la justice et des impôts.
ont bénéficié ou qui bénéficient encore des financements de l'Etat ont été mal ficellé et cachent des failles dont se servent ceux qui les coordonnent pour grignoter les capitaux. Encore que tous les responsables qui sont nommés à la tête d'une quelconque structure ou programme bénéficient d'un traitement princier en terme de rémunération et d'avantages bref de « l'article 2 »107.
Au-delà des aspects humanitaire et économique de l'insécurité alimentaire et des stratégies de lutte inhérentes, peuvent transparaître en arrière-plan des enjeux sociaux et/ou politiques majeurs. Ainsi, NDEMBOU pense que les lamibés entretiennent à leur manière l'insécurité alimentaire au sein des populations dans la mesure où « démographiquement minoritaires, les chefferies ont beau jeu de créer l'insécurité alimentaire pour préserver leur hégémonie régionale. »108
Il qualifie le système de prélèvement qu'ils ont instauré, et dont il a été fait mention plus haut ( cf. La régulation sociale, 1ère partie, chapitre 2, 1-2-4), de « pouvoir d'affamer » puisque s'exerçant en priorité sur les moyens de survie des populations ; rendant difficile la cohabitation entre dominants et dominés. En effet, REYNAUD109 a défendu l'idée d'une régulation conjointe où la règle commune peut être un compromis ou une accomodation entre groupes rivaux. Constitutive des rapports sociaux, cette régulation devient alors un enjeu. Elle peut aboutir au contrat, mais aussi au conflit. Ce sont des conflits qui émaillent en effet les rapports entre les autorités traditionnelles et les populations.
NDEMBOU pousse ainsi l'analyse plus loin en affirmant que :
« Très souvent aujourd'hui, les producteurs en viennent à refuser certains aménagements puisque, disent-ils, cela va aiguiser l'âppetit des autorités traditionnelles qui ne tarderont pas à exercer davantage de pression sur eux. Dans certains villages, la SODECOTON a effectué des aménagements pour tous habitants mais qui ont été immédiatement récupérés par les autorités traditionnelles qui ont imposé à tous une redevance sur un aménagement pour
107 Cet article 2 figure sur tous les décrets, arrêtés ou décisions portant nommination de responsables à quelque poste de reponsabilité. Il stipule que « L'intéressé aura droit aux avantages de toute nature prévus par la réglémentation en vigueur .»
108 S. NDEMBOU, op.cit..
109 Jean Daniel REYNAUD, Les règles du jeu. L'action collective et la régulation sociale, Paris, Armand Colin, 1989.
lequel ils n'ont rient déboursé. Dans ce contexte, les rapports sociaux sont loin d'être paisibles. »110
La conclusion que nous pouvons tirer de ces propos est que l'insécurité alimentaire que vivent les populations de la région du Nord permet parfois, pour ne pas dire la plupart du temps, aux autorités traditionnelles de consolider leur pouvoir hégémonique. Cette situation trouve son fondement du fait de l'organisation sociale hiérarchique. Certes ces lamibés n'ont plus le droit de vie et de mort sur leurs sujets comme à une époque plus ou moins lointaine. Il n'en demeure pas moins que leur influence est certaine. D'ailleurs, ils structurent, avec les autorités administratives, la vie socio-politique et économique du groupe. Le plus souvent, ils imposent leur loi et leur volonté à leurs administrés. Possédant eux-mêmes des réserves stratégiques de denrées, ils connaissent difficilement l'insécurité alimentaire.
Considérant le fait qu'ils servent de courroie de transmission entre les populations dont ils sont les porte-parole et les garants, et l'Etat et ses partenaires, c'est parfois chez le lawane ou le djaworo que les denrées sont stockées avant d'être distribuées aux populations bénéficiaires. Celui-ci peut alors user et même abuser de son autorité au moment de la distribution.
Sur un plan plus large, la lutte contre l'insécurité alimentaire peut être sur un plan purement politique. Si la sécurité alimentaire représente pour la FAO « un facteur majeur de stabilité politique au sein des Etats », les acteurs impliqués dans la lutte peuvent orienter leurs actions à des fins politiques. L'alimentation étant un droit inaliénable de l'homme, parce qu'elle fait partie de ses besoins fondamentaux, tout ce qui peut concourir à maintenir so équilibre nutritionnel est susceptible d'être instrumentalisé.
Selon JANIN et SUREMAIN, la crise alimentaire que le monde a traversée en 2008
« a fourni à certains gouvernants une scène politique : promettant aides et secours à 'leurs populations', vantant les mérites de leur "diplomatie alimentaire3, incitant à 'produire plus et manger local', dénonçant les "commerçants spéculateurs3. Certains en ont retiré des gains de popularité qui dépassent sans aucun doute l'efficacité des quelques mesures prises. »111
En parlant justement des mesures prises, certains gouvernants, après avoir laissé la situation de l'insécurité alimentaire pourrir sans prendre les dispositions qui auraient pu anticiper ou réduire ce phénomène, se sont érigés en « sapeurs pompiers » pour apparaître aux yeux des
110 S. NDEMBOU, op.cit.
111 JANIN et SUREMAIN, op. cit.
populations comme leurs « sauveurs ». Ces mesures étaient ou sont sans commune mesure avec la situation de crise. Par exemple dans la région du Nord, on laisse d'abord le prix du mil atteindre des sommets et qui sont supérieurs aux revenus des populations rurales déjà paupérisées ; et par la suite, on baisse le prix de quelques francs. L'impact d'une telle mesure sur les denrées elles-mêmes est presque négligeable. Mais les retombées politiques, elles, sont nettement plus perceptibles.
Parce que la règle qui prévaut dans le contexte actuel est « la politique du ventre » comme parlerait Jean-Francois BAYART112, la distribution de l'aide alimentaire est parfois précédée de grandes mobilisations ou meetings politiques au cours desquels ceux qui apportent cette aide profitent de la situation pour des (re)positionnements politiques.
Antoine SOCPA condense cette reflexion en soutenant que :
« dans certaines situations, l'aide alimentaire est même utilisée comme des dispositifs de mobilisation et d'instrumentalisation politique. Dans plusieurs pays africains, les politiciens donnent à manger aux populations en échange de leurs suffrages. »113
Même si, au moment oil l'aide alimentaire est apportée, il n'y a aucune échéance électorale à court terme, on fera appel à la mémoire collective pour rappeler, opportunément, aux populations qu'elles ont été soutenues, dans tous les sens du terme, pendant les moments difficiles et qu'il serait de bon ton de renvoyer l'ascenseur à celui ou ceux qui ont su se montrer généreux. Par exemple, la sécheresse de 2001 a donné l'occasion à certaines élites politicoadministratives de venir en aide aux populations. La même générosité a été réclamée aux populations lors de l'année électorale qui suivait. L'année 2002 a été en effet marquée par par la tenue des élections législatives et municipales. Les voix des populations ont été sollicitées avec l'argument selon lequel elles n'ont jamais été abandonnées en temps de crise et qu'elles feraient bien de ne pas abandonner ceux qui ne les ont pas abandonnées. En outre, si ces voix étaient accordées à qui de droit, cette « générosité » n'allait pas s'arrêter.
La plus haute autorité de l'Etat, à savoir le Président de la République, à chaque crise alimentaire, n'a pas manqué de prendre des mesures d'urgence pour soulager « ses chers compatriotes ». L'une de ces mesures est l'envoi de l'aide alimentaire d'urgence. A titre d'illustration, il a fait parvenir aux populations sinistrées par la sécheresse de mai 2005, 2.000 tonnes de vivres. Il ne l'apporte pas lui-même, mais il délègue cette tâche à une tierce personne.
112 Jean-François BAYART, L'Etat en Afrique : la politique du ventre, Paris, fayard, 1989.
113 Antoine SOCPA, op.cit .
Même si le Chef de l'Etat ne demande pas explicitement un retour d'ascenseur aux populations, certains parmi ceux qui sont chargés de convoyer ladite aide ont tôt fait de convaincre (même si cela est très difficilement vérifiable) les populations que c'est grâce à leur entregent et à leur relation personnelle avec le Président que cette aide leur est parvenue ; récoltant au passage gratifications, congratulations, respect et reconnaissance des poppulations.
Ensuite, ces (( convoyeurs » croient bon de rappeler aux sinistrés que le Chef de l'Etat sollicite en retour leur soutien inconditionnel et indéfectible dans sa politique des (( grandes ambitions » et ses différentes manSuvres politiques. Ainsi, (( motions de soutien et de déférence » (selon l'expression consacrée) fusent de tous les côtés, même si ce (( peuple profond » n'est parfois pas informé du contenu et des dividendes du document qui est publié et dont il est le signataire.
La lutte contre l'insécurité alimentaire dans la région du Nord-Cameroun vise à rendre les populations autosuffisantes à long terme. Des stratégies miltiples et multiformes sont implémentées par divers acteurs pour parvenir à cette fin. Cependant, d'autres voies peuvent être envisagées et qui permattriait éventuellement de compléter de compléter les efforts qui sont déjà déployés. Certaines des méthodes ou solutions qui sont proposées dans ce travail sont d'ores et déjà expérimentées et/ou envisagées. Cependant, il serait peut-être temps qu'elles soient intensifiées pours les unes, paufinées pour les autres afin d'optimiser les résultats.
Les pluies qu'on enrégistre dans la région du Nord sont très orageuses, avec forte intensité, donc agressives. Si bien que leur incidence sur les sols ferrugineux tropicaux, réputés fragiles, est le ruissellement et l'érosion. Toute l'eau se perdant vers les bas-fonds, le pourcentage des terres étant important, et le régime hydrique dépendant des précipitations interannuelles, l'agriculture pluviale est très aléatoire. Il est alors important de définir de nouvelles techniques susceptibles de diminuer le ruissellement et d'améliorer par conséquent l'infiltration des eaux de pluies.
Le demi-lune est une technique de récupération des terres dégradées sur les sols sableux. Elle a été initiée au Niger en 1973 par une reflexion commune menée par la mission catholique de Tchirozerine et un kibbouts situé dans le désert du Néguev. La demi-lune a la forme d'un demi-cercle, dont le diamètre se trouve sur courbe de niveau, une partie de la surface sert d'impluvium. Ces ouvrages sont placés en quiconce, forment un réseau pouvant couvrir de grandes superficies.
114 Jean Pierre BIYONG BIYONG, op.cit., p.32 et suivantes.
La demi-lune fonctionne comme un ouvrage de collecte des eaux de ruissellement. Les quantités d'eau stockées sur la surface cultivée, et donc théoriquement disponible pour la plante, vont de 1,9 à 5,7 mm. La demi-lune ne permet pas d'atteindre les rendements très élevés lors de bonnes pluviométries, mais permet d'assurer un niveau de production satisfaisant même lorsque les pluviométries sont déficitaires.
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Tableau 11 : Type d'ouvrage, fumure, ruissellemesnt, eau infiltrée et rendement du
mil cultivé. Source Jean Pierre BIYONG BIYONG.
« Pendant toute la saison de pluies, un changement de la teneur en eau du sol n'intervient que dans les 30 premiers centimètres du sol »115. En dessous, la teneur en eau du sol reste constante et très basse. L'infiltration est minime à l'intérieur des demi-lunes. Elle se fait principalement de manière verticale et les plus grandes pertes se font par percolation. Le mil dont les racines puisent de l'eau jusqu'à une profondeur maximale de 2 m, ce phénomène de percolation peut causer des conséquences négatives sur le développement et le rendement du mil.
115 BENDER et DRACK, cités par BIYONG BIYONG, op.cit., p.34.
La céréale représente la principale constituante des habitudes alimentaires des populations de la région du Nord. Une nécessité s'impose d'adopter une large gamme de cultures pour une sécurité alimentaire durable. C'est le cas par exemple des racines et des tubercules qui doivent être encouragés.
« Ces cultures ont des atouts indéniables que le paysan peut exploiter notamment son adaptabilité aux sols très marginaux et à la sécheresse. Ils regorgent d'importantes quantités de calories, enfin ils donnent des rendements élevés, les feuilles sont aussi consommables. »116
Les racines et tubercules constituent une source non négligeable de revenus pour les paysans. Les sous produits (cossettes, galettes, tapioca ...) peuvent être vendus également. Heureusement, ils entrent déjà dans les us des populations de la région dans la mesure où en 1998/1999, 4.195 tonnes d'ignames ont été produits et pendant la saison agricole 1999/2000, ce sont 3.679 tonnes qui ont été produits117. Mais cette production reste insuffisante.
L'handicap majeur qu'on peut relever dans la consommation des racines est leur valeur nutritionnelle. Celle-ci est de quantité vraiment médiocre et cela ne va pas sans poser des problèmes sur la santé humaine.
Cette diversification du système agricole doit aussi porter sur le maraîchage. A l'heure actuelle, le maraîchage se limite essentiellement autour des cases et à l'autoconsommation. Ce dernier doit se combiner de avec d'autres activités destinées à procurer des revenus complémentaires. Il est adapté au climat à influence soudano-sahélien. Les produits qui en sortent à l'instar de l'oignon, du haricot ou de la tomate sont très prisés sur les marchés locaux. D'ailleurs, la culture de l'oignon et du haricot entre de plus en plus dans les mSurs des populations. Par exemple pendant la période agricole 1999/2000, 428 hectares de plantations ont produit 7.072 tonnes d'oignons. Le haricot (niébé) fut produit à hauteur de 12.598 tonnes. Cependant, cette production est marginale par rapport à ce que peut produire la région voisine de l'Extrême-Nord118.
116 BIYONG BIYONG, op.cit., p.36.
117 Source MINADER.
118 A la même période, l'Extrême-Nord a produit 48.575 tonnes d'oignons sur 4.894 hectares d'exploitations ; et 36.374 tonnes de haricot. Source : MINADER.
Les cultures fruitières, quoique très sensibles à la sécheresse, ne doivent pas rester à la traîne. La production a souvent une rentabilité pour celles des exploitations qui disposent d'eau en permanence, et le paysan doit intégrer dans sa nutrition la consommation des fruits qui semble nécessaire pour l'édification de son organisme. Une expérience de ce genre est exposée par Anselme KAMENI et al. à propos des mangues. Ils estiment en effet que :
« Au Cameroun, la production du manguier (Mangifera indica) est forte pendant la période de récolte qui dure (2 à 3) mois an suivant les régions. En zone rurale, il y a alors un problème de surproduction et le séchage de la mangue serait une voie intéressante pour la conservation de cette surproduction »119.
Brièvement, nous résumons cette technique du séchage de la mangue ainsi qu'il suit :
> Matériel et méthodes
Les fruits de trois variétés de mangue améliorées (Amélie, Zill et Irwin) et d'une variété locale (Horé Wandou) ont été récoltés à deux degrés de maturité : maturité commerciale et maturité avancée. Après préparation des fruits, la pulpe a été découpée en lamelles et séchée soit par séchoir solaire, soit par exposition directe au soleil. La composition physico-chimique des échantillons de pulpe a été étudiée avant et après séchage.
> Résultats
Après un séchage à 50 °C pendant 24 h, les lamelles de mangue séchée obtenues ont présenté une teneur en eau comprise entre (16 et 24) %. Des différences significatives sont apparues dans les rendements au séchage des variétés étudiées. Les teneurs des différents constituants physico-chimiques analysés ont varié en fonction des variétés et du degré de maturité des fruits récoltés. Les taux moyens de conservation des constituants (vitamine C, sucres réducteurs, extraits secs solubles) après séchage ont été supérieurs à 56 % sauf pour la teneur en fibres dont le taux de conservation a été de 16 %. Les mangues séchées directement au soleil ont été semblables à celles obtenues par passage en séchoir électrique malgré une durée de séchage plus longue et un moindre taux en vitamine C.
119 Anselme KAMENI et al, Aptitude au séchage des fruits de quelques variétés de manguiers cultivées au Cameroun, CIRAD, EDP Sciences 2003.
> Conclusion
Les variétés Amélie, Zill, Irwin et la variété locale Horé Wandou se prêtent bien au séchage qui conserve les principaux éléments nutritifs avec des rendements importants.
Par ailleurs, l'élevage dans la région du Nord dépend de la disponibilité en eau et du fourrage. Les principaux problèmes proviennent de l'insuffisance des pâturages, de l'absence des soins appropriés et enfin des conflits entre agriculteurs et éleveurs. Le potentiel productif des pâturages peut être augmenté par l'intégration d'une graminée pérenne spontanée : l'andropogon ganajus, comme à Bobo-Diolasso au Burkina Faso. Cette graminée a une valeur fourragère très recherchée par les animaux. Les tiges sont également fort utilisées par les paysans pour la confection des toits et des palissades. Les graines et les plantules sont peu compétitives par rapport à d'autres herbacées.
L'itinéraire technique est simple, répond à la protection contre l'érosion et enfin ne nécessite pas un investissement coûteux. Il y a toutefois quelques contraintes techniques qui peuvent être de nature à décourager les agriculteurs. On peut citer par exemple les difficultés à se procurer des semences en quantité suffisante. Celles-ci doivent être recueillies auprès des reservoirs naturels d'andropogon, au moment de la fructification des tiges. C'est aussi un travail fastidieux (pour des raisons liées à la biologie de la plante) et qui plus est, nécessite de la part des paysans un reflexe d'anticipation, de prévoyance.
Le couvert végétal de la région du Nord est très fragilisé parce que sujet à de multiples agressions. Avec le désert qui avance de plus en plus, il est impérieux de trouver les voies et moyens pour freîner cette avancée et reconstituer la flore qui va (re)créer les conditions favorables à l'agriculture. Conscients de cet état de chose, les pouvoirs publics ainsi que des organismes et sociétés tels le World Wildlife Fund (WWF) ou Mobile Telephon Network (MTN) se sont lancés, depuis des décennies, dans des campagnes de reboisement afin de faire (re)pousser les arbres qui ont été abattus pour les besoins des populations. BIYONG BIYONG pense à cet effet que : « la plus grande contribution des arbres à la production vivrière et à la sécurité alimentaire se situe au niveau de l'exploitation et de la conservation de la productivité des terres ».120
120 BIYONG BIYONG, op.cit., p.38.
Ainsi, un arbre comme l'acacia albida doit être (re)instauré. De son nom scientifique « faidherbia albida », il est le seul arbre du sahel à perdre ses feuilles en saison de pluies et à reverdir pendant la saison sèche. Il s'alimente dans les nappes phréatiques profondes et ne concurrence pas les cultures. Par contre, sa litière améliore les sols. Il exploite et valorise des éléments nutritifs (eau, azote...) contenus dans les couches profondes du sol qu'il permet de faire remonter en surface, en assurant ainsi une importante contribution de matière organique au terrain. S'y ajoutent son rôle d'ombre pour les animaus en saison sèche, son effet de brise vent et sa fonction de rétention des eaux de ruissellement, contributions toutes vitales pour les agriculteurs et les éleveurs de la région.
Pour d'autres ruraux, l'acacia albida assurera surtout du bois d'auvre ainsi que la disponibilité de certaines productions complémentaires (fruits, gousses, feuilles, écorces, tanin121...) qui jouent un rôle fondamental en période de sécheresse ou de défaillance des cultures annuelles. C'est en particulier le cas de l'effouragement du cheptel. Cependant, pour BIYONG BIYONG,
« à côté de ces bénéfices, la présence de l'acacia albida ainsi que sa plantation ou regénération comporte aussi des éléments de concurrence avec les cultures (compétition pour le soleil et la luminosité, entrave à la mécanisation des méthodes culturales) et de conflit potentiel dans le cadre des équilibres socio-fonciers (propriété distincte du sol et des plantes, usages différents entre agriculteurs et éleveurs).
En outre, sa regénération est difficile à mettre en euvre à cause du taux de mortalité élevé des plantules et la lenteur de la croissance de l'arbre. »122
Malgré cette objection, nous pensons que la durée qu'a pris le déboisement devrait être proportionnel et peut-être même inférieur à celle du reboisement. Pour avoir des solutions pérennes, il faut réfléchir et agir sur le long terme car les objectifs qu'on fixe à court terme peuvent être uniquement des réponses d'urgence qui ne peuvent que calmer la situation sans toutefois résoudre définitivement le problème. En terme de reboisement, il est préférable de compter les échéances en décennies.
121 Tanin : substance d'origine organique que l'on trouve dans pratiquement toutes les parties des végétaux (écorces, racines, feuilles...). Elle joue le rôle d'armes chimiques défensives contre certains parasites. Il est caractérisé par une sensation de déssèchement en bouche.
122 BIYONG BIYONG, op.cit., p.39.
Comme le miel attire les abeilles, l'insécurité alimentaire attire nombre d'acteurs. Chacun y va de ses stratégies mais toutes visent le même objectif a priori : l'autosuffisance alimentaire permanente des populations. Ces acteurs sont l'Etat, les bailleurs de fonds, les organismes internationaux, les ONG, le secteur privé et les populations. La circulation des informations entre les divers intervenants est floue ; tous évoluent en rang dispersés.
BIYONG BIYONG affirme à cet effet que :
« Il est dificile de savoir ce que font les uns et les autres, bref l'on constate qu'il y a un manque de transparence sur ce que fait chaque différent acteur ou catégorie d'acteurs. La consultation entre les différents acteurs est insuffisante dans la région et beaucoup d'interférences sont légion »123.
La nécessité s'impose donc à l'Etat, qui est le garant du bien-être des populations, d'encadrer et d'harmoniser les actions de tous les intervenants. Ces actions parcellaires peuvent être mises en commun afin de permettre une optimisation des résultats. Tous les intervenants doivent inscrire leurs actions dans le respect du cadre institutionnel existant et des politiques adoptées par le gouvernement.
Un premier pas dans ce sens a été franchi en 1986 avec la création, par décret N°86/1411 du 24 novembre 1986, d'un Comité de gestion de l'assistance de la FAO et du PAM, sous la tutelle du MINAGRI (devenu MINADER).
Selon ce décret, le comité est chargé de la gestion, du suivi et de la coordination de toute
forme d'assistance dispensée ou initiée au Cameroun par ces deux organismes. A cet effet, il :
- identifie, formule, exécute ou suit l'exécution, en rapport avec les départements ministériels et organismes concernés des projets et programmes d'action concrète dans lesquels cette assistance est octroyée ;
- coordonne et suit les activités des deux institutions et celles de leurs programmes spéciaux entreprises au Cameroun dans le domaine de l'alimentation et de l'agriculture notamment dans les secteurs de la production végétale et animale, la pêche, la foresterie, la formation, la recherche et la vulgarisation ;
123 BIYONG BIYONG, op.cit., p.40.
- assure avec les représentants de la FAO et du PAM l'évaluation des projets et programmes assistés ;
- assure des liaisons permanentes entre les différents ministères et organismes publics intéressés par les activités de la FAO et du PAM ;
- centralise les contributions, subventions, dons de toutes origines destinés à soutenir la réalisation de son programme d'actions concrètes d'une part, et d'autre part supervise sous l'autorité du ministère de tutelle toutes les opérations ayant trait à la gestion de l'assistance alimentaire d'urgence en cas de calamité ;
- organise et exécute en rapport avec le représentant-résident du PAM, toute opération d'achat et de distribution de produits alimentaires locaux dans le cadre de la politique des transactions triangulaires définies par le PAM dans le but de stimuler la production alimentaire nationale et de favoriser la coopération technique entre pays en développement.
Dans le cadre de ses activités, le comité dispose de trois magasins de stockage à Maroua, Garoua et Ngaoundéré respectivement. Il assure le stockage, la manutention et le transport des vivres depuis ces magasins jusqu'aux bénéficiaires (écoles, villages ...). Les activités du comité sont coordonnées par un Secrétaire Permanent124.
Mais, l'Etat devrait encore mieux faire dans l'encadrement des structures de développement rurales et plus particulièrement les OPR. Regroupées au sein de GIC, les populations essaient de trouver des solutions communes à l'insécurité alimentaire. Ces GIC travaillent ainsi dans des domaines aussi variés, qui vont de l'agriculture à l'élévage en passant par le commerce. L'agriculture est cependant l'activité qui prédomine, compte tenu du fait qu'elle constitue un des principaux leviers de son économie. Plus de 90 % de ces GIC font de l'agriculture leur activité principale. Environ 5 % développent des activités mixtes, parmis lesquelles l'agriculture.
Cette agriculture concerne :
- la maîtrise des techniques culturales, la maîtrise de l'usage des herbicides ; - la production et la commercialisation d'oignons ;
- la production et la vente d'intrans agricoles ;
- la production du sorgho, du maïs, de l'arachide, du niébé et du coton
124 L'actuel Secrétaire Permanent est M. Othon MATAPIT, ingénieur agronome.
L'élevage est pratiqué par une minorité et est orientée vers :
- les espèces bovines ;
- les caprins ;
- les volailles ;
- les porcins.
Le commerce est pratiqué par une minorité, et concerne la vente d'intrans agricoles, de produits pharmaceutiques, la vente d'espèces produites par différents acteurs.
L'Etat decrait mettre l'accent sur les OPR de femmes dans la mesure où, selon Astadjam YAOUBA,
(( au-delà des bénéfices tangibles qu'elles apportent ou souhaitent apporter à la communauté, le regroupement des femmes au sein des OPR est une manière pour elles de s'imposer, de tenter d'obtenir une reconnaissance sociale, puisqu'elles sont quotidiennement marginalisées et exclues des sphères de décision. Elles cherchent par là une autonomie vis-à-vis des hommes et de leur isolement familial : elles peuvent sortir, travailler ensemble, faire des projets en commun, échanger leurs points de vue sur l'avenir et même la vie quotidienne de la communauté »125.
L'Etat est interpellé en vue de résoudre les différends qui émaillent les relations entre ces GIC et les autorités traditionnelles. Lesdites relations ne sont pas totalement neutres. La plus souvent, elles sont empreintes d'inimitié. Plusieurs GIC se plaignent de l'attitude et du comportement des lawane et des djaworo qui, selon eux, loin de leur vouloir du bien, cherchent à détourner leurs avoirs. L'Etat devrait codifier ces rapports afin de les rendre plus harmonieux et donc plus propices au développement.
L'Etat lui-même n'est d'ailleurs pas exempt de tout reproche dans ses rapports avec les OPR puisque à l'intérieur des groupements, des mécontentements sont perceptibles chez les ruraux, car l'Etat, pour décider du financement d'un projet, élabore ses propres critères, fixe les règles, et les paysans n'ont pas d'autre choix que de s'y soumettre et d'attendre passivement. De plus, continue Astadjam YAOUBA,
(( la plupart des GIC de Pitoa sont unanimes sur les difficultés que leur pose le manque de politique agricole. Outre cette défaillance de l'Etat au niveau de la politique agricole, son souci d'accroître ou de préserver son influence sur le terrain est également un facteur limitant pour les OPR. Les logiques sont quelquefois opposées entre l'encadrement administratif et les paysans. L'Etat, dans ses interventions, cherche à appliquer un programme qui a été élaboré dans
125 Astadjam YAOUBA, op. cit., p.68.
le cadre d'une structure hiérarchique, pendant que les paysans ont pour souci d'adapter des stratégies de production à un contexte fluctuant »126.
Tous ces dysfonctionnements de l'administration ne représentent pas pour les OPR un environnement bénéfique. La naissance et la consolidation des dynamiques paysannes nécessitent des conditions favorables qui dépendent en grande partie de l'Etat car, il est de son ressort de contribuer à définir des règles du jeu claires et précises. Ainsi, les GIC pourront s'investir totalement dans la production agricole qui est leur cheval de bataille et participer à la réduction de l'insécurité alimentaire dont les populations sont victimes.
Quelques autres solutions peuvent être brièvement passées en revue en vue de faire barrage à l'insécurité alimentaire dans la région du Nord.
> L'amélioration du réseau routier et de la circulation Nord-Sud
Le Cameroun dispose, sur le plan national, d'un ensemble de routes d'une longueur d'environ 50.000 km (hors voiries urbaines)127. La stratégie d'entretien du programme sectoriel des transports adoptée en 1992 a introduit la notion de « réseau prioritaire ». Le réseau jugé non prioritaire représente 43% du réseau national. Le désengagement des travaux publics sur certains tronçons secondaires est parfois relayé par des sociétés comme c'est le cas dans la région du Nord avec la SODECOTON pour évacuer sa production cotonnière.
Par conséquent,
« Les communications entre le Nord et le Sud du pays restent difficiles à cause du manque ou de la mauvaise qualité des routes. Pour ne pas concurrencer le rail, il n'existe pas jusqu'à présent une route bitumée qui relie le Sud du Nord »128.
126 Astadjam YAOUBA, op. cit., p.92.
127 Source Ministère des transports.
128 Fernand Guy ISSERY in Atlas de l'Afrique. Cameroun, p.92.
Or le Sud Cameroun (avec l'Ouest bamiléké et le pays éton), constitue ce que Antoine SOCPA appelle les zones « à hautes aptitudes agronomiques »129. L'ouverture des voies de communication et la circulation effective des biens pour l~approvisionnement rapide du Nord-Cameroun en produits vivriers du Sud pourraient constituer une solution à la crise alimentaire de la région du Nord. Ainsi, les marchés, en temps de disette, seraient achalandés des denrées venues du Sud. La seule inconnue est l'adaptabilité desdits vivres aux habitudes alimentaires plus ou moins figées des populations.
Cependant, depuis la dévaluation du franc CFA et avec l'inflation et les taxes, ce transport des denrrées du Sud vers le Nord est très difficile. Les commerçants se plaignent par exemple de l'augmentation de la Taxe sur le Chiffre d'Affaires (TCA) à 18,7 % et la hausse du coût de transport qui est arrimé à celui du carburant. S'ils veulent conserver leur marge bénéficiaire et récupérer leurs investissements, ils sont obligés de vendre à des prix élevés qui ne correspondent pas toujours au pouvoir d'achat très réduit des consommateurs.
Par ailleurs, entre le Nord et le Sud, il faut franchir d'innombrables barrières de police et de contrôles douaniers oft les transporteurs laissent souvent des plumes quelle que soit la régularité de leurs papiers. Autant d'obstacles qui pèsent sur lourdement sur les coûts de transaction.
Même à l~intérieur de la région, le réseau routier est tellement insuffisant que de nombreux villages restent inaccessibles pendant la saison de pluies. Les paysans ne peuvent plus écouler le surplus de production au niveau des marchés saisonniers. Voilà pourquoi en période de soudure, l'acquisition de certaines denrées alimentaires constitue une gagure pour les populations. Et même si les produits alimentaires, intrans agricoles existent, ils sont renchéris suite à l~éloignement.
En outre, les coupeurs de route créent un climat d'insécurité permanent et empêchent ou réduisent l~approvisionnement du Nord du pays. Par la même, ils émoussent les intentions de ceux qui veulent se lancer dans le transport du Sud vers le Nord et vice-versa.
L'Etat est alors interpelé pour se réinvestir dans l~aménagement de son parc routier car comme dit l'adage, « là où la route passe, le développement suit ». Il doit encourager les transporteurs en leur procurant une sécurité maximale. Les efforts des Brigades d'Intervention Rapides (BIR) sont certes appréciables, mais la situation sécuritaire reste instable. La diminution des tracasseries policières et douanières est souhaitée car les coûts d'investissement en seraient réduits ; les prix sur le marché également.
129 Antoine SOCPA, op.cit.
> L'amélioration de l'information sur les marchés
Une autre solution serait l'amélioration de l'information sur les marchés. En effet, la production des informations fiables sur les zones à production agricole potentielle permettra à temps réel des acquisitions que l'on pourra par moment atténuer des crises alimentaires. La mise au point de l'agrométéorologie, l'usage de l'indice de végétation (système d'interprétation géographique) et la relance du système d'alerte rapide semblent nécessaires. Ces outils nouveaux jouent un grand rôle de prédiction et de prévention des risques de pénurie alimentaire. Peut-être faille t-il former les camerounais pour améliorer d'éventuels services existants et pour créer une véritable veille de ces différents services.
> L'intensification de la lutte contre les acridiens
La lutte contre les fléaux tels les oiseaux et les insectes granivores doit être intensifiée. MEYA GARBA nous apprend à cet effet que :
« Nous avons demandé au Préfet de dire au Gouvernement qu'au lieu de faire qu'on nous donne l'aide alimentaire, qu'ils viennent lutter contre les criquets. Nous connaissons là où les essaims se forment. Avec les avions et les insecticides, on peut bien les tuer. C'est vrai que les criquets mangent nos récoltes, mais nous les mangeons aussi ».
L'une des problématiques de la lutte contre les essaims de criquets est l'usage de grandes quantités d'insecticide, malgré les effets polluants sur le milieu biologique. Le criquet pèlerin possède des prédateurs naturels : les hérons, les cicognes, les lézards, les rats, les singes, en sont friands. Mais la consommation de tous ces insectivores est largement dépassée par la rapidité du cycle reproducteur du criquet pélerin. Les femelles sont très prolifiques et en quelques mois, soit trois ou quatre générations, un essaim peut multiplier ses effectifs par 10.000, voire 1 million130. Des mouches, des guêpes et des coléoptères s'attaquent aux Sufs, des araignées à ses larves. Mais ces prédateurs sont beaucoup moins prolifiques et ne peuvent non plus pourchasser les essaims dans leurs migrations.
Les micro-organismes sont également un système de lutte envisagé. La substance provenant de bactéries (Bacillus Thuringiensis), la bactospénie PM est très efficace contre les chenilles et les papillons. Mais elle est éliminée par le système digestif des acridiens. Aux USA,
130 Michael ANSTEY, op.cit , p. 630.
on pulvérise des Nozemas, protozoaires parasites habituels des criquets. Efficace sur les sédentaires, la méthode semble inopérante sur les migrateurs. Plus prometteuse semble la production par synthèse de toxines de champignons.
Le principal moyen de lutte est donc la lutte chimique. L'expérience a montré qu'arroser chimiquement les nuages d'insectes volants est inefficace. Les doses mortelles mettraient en péril tous les êtres vivants de la contrée. Le traitement retenu se pratique le matin, juste avant l'envol. Pour empêcher les aufs d'éclore, il est parfois recommandé de labourer le sol à grande profondeur. Mais, le plus souvent, le relief et les moyens d'accès l'interdisent.
Soutenus par les écologistes, les pyréthrinoïdes sont des molécules de synthèse copiées sur les toxines naturelles du pyrèthre, un végétal qui pousse en Afrique. Efficaces mais peu rémanents, ces produits exigent des pulvérisations fréquentes et coûteuses. L'Etat peut s'en occuper dans la mesure où il dispose de moyens matériels et humains que les populations elles n'ont pas.
La plus heureuse surprise est venue avec les dérégulateurs de croissance comme le Téflubenzuron. Répandue sur les larves, avant la poussée des ailes définitives, cette sorte d'hormone empêche le raidissement du nouveau squelette de chitine lors de la dernière mue. Ne pouvant s'extraire de leur tégument précédent, 99 à 100 pour 100 d'insectes meurent avant d'avoir pu s'envoler. Inoffensive pour les oiseaux et les mamifères, cette potion peut-être dangereuse pour les autres insectes.
> La diversification des sources de revenus
Afin de réduire la dépendance des populations vis-à-vis des céréales, il serait bénéfique pour elles de diversifier leurs sources de revenus. L'enjeu dans ce cas est double dans la mesure où non seulement les réserves alimentaires ne sont pas utilisées à d'autres fins qu'à la consommation par les populations, mais en plus une large marge de manSuvre sera accordée aux individus qui vont disposer de moyens substanciels pour acquérir des denrées supplémentaires ou toute autre chose.
Nous pensons que les populations de la région du Nord peuvent s'intéresser à la production à une échelle commerciale d'une plante qui est déjà, fort heureusement, fortement ancrée dans leurs habitudes alimentaires et qui est appréciée pour les vertus qui lui sont imputées non seulement dans la région, mais aussi hors des frontières régionales. De plus, elle s'adapte parfaitement aux conditions climatiques de la région et ne pose pas un problème de conservation dans la mesure où elle est consommée aussi bien fraîche que sèche. Il s'agit de l'oseille de
Guinée plus connue dans la région sous le nom de « foléré ». Elle apparaît comme une culture bien rentable dont quelques précisions seront faites dans les lignes ci-dessous.
L'oseille de Guinée dont le nom scientifique est Hibiscus sabdariffa comprend deux formes : la forme sabdariffa à calices comestibles et la forme altissima qui serait une forme mutante de la première. Il existe aussi des formes intermédiaires. Cette espèce, certainement originaire d'Afrique, se retrouve dans les régions tropicales d'Asie et d'Amérique latine.
- Les plantes de la forme ou du groupe «sabdariffa» peuvent mesurer jusqu'à deux mètres de haut ; leurs tiges sont largement ramifiées, glabres. La fleur possède un calice charnu, continuant à croître après la floraison.
- Les plantes de la forme « altissima » sont de plus haute taille, jusqu'à trois à cinq mètres, ramifiées seulement vers le sommet. Ses tiges fournissent des fibres ayant beaucoup de points communs avec celles du kénaf (Hibiscus cannabinus). Elles sont surtout cultivées en Asie (Thaïlande, Inde, Indonésie, Java, Vietnam et Philippines).
· Description de la forme à calices comestiblesC'est une plante herbacée, annuelle, à feuilles alternes de forme et de dimensions variables : elles peuvent être ovoïdes entières ou lobées (trois ou cinq lobes), de sept à quinze centimètres de long. Les fleurs sont axillaires solitaires, formant de faux épis lâches, elles sont hermaphrodites et l'espèce est autogame. Cette espèce présente deux phénotypes : un phénotype jaune vert ou « albus » et un phénotype rouge vert ou « ruber ». Les variétés du type rouge, les plus couramment utilisées possèdent une pigmentation anthocyanique rose, rouge, rouge sombre : leurs tiges et leurs feuilles sont plus ou moins
colorées de rouge violacé ou verdâtre ; les calices des fleurs sont rouges, la corolle jaune pâle à oeil rouge foncé devient rouge.
Les variétés de type jaune vert sont dépourvues de pigmentation : les tiges et le dessus des feuilles sont vert clair à jaune orange, le dessous des feuilles et les calices sont verts ; ceux ci deviennent ensuite jaune clair avec des corolles également jaunes.
Les parties consommées de ces deux types de variétés n'ont ni le même goût, ni les mêmes utilisations, ni les mêmes propriétés.
Les fruits sont des capsules de 1,5 à 3 centimètres à sommet acuminé, se terminant en pointe piquante, de couleur brune et contiennent de nombreuses graines de 5 à 6 mm.
Le Foléré devrait sa présence au Cameroun grâce aux Peulhs qui se sont installés dans le Grand-Nord camerounais, arrivés à la fin du 18ème siècle lors des mouvements migratoires en Afrique, en provenance de la cuvette tchadienne ; ceci à cause du fait que l'oseille de Guinée est un légume très important dans l'alimentation des Peuls. Sa culture et sa consommation se répandront peu à peu dans les autres régions du pays avec le déplacement de certains Peuls à la recherche de nouvelles conditions de vie par l'élevage et le commerce. C'est dire que la culture de cette plante dans beaucoup de régions est liée à la présence des Peulhs.
La culture du foléré est conditionnée par une pluviométrie de 800 à 1 600 mm
- en période continue d'au moins six mois, avec un minimum de 100 à 150 mm par mois pendant toute la durée du cycle végétatif qui est de 5 à 6 mois.
- Température : entre 18 et 35° C.
- Latitude : entre 20° C de latitude nord et 30° C de latitude sud.
- La plante est très sensible au photopériodisme : elle est de jours courts ; la floraison demande une durée de jour inférieure à 11 h 45.
Les qualités de sol ne sont pas une contrainte mais des sols limoneux, limono argileux ou sablo argileux et bien drainés sont préférables. La durée du cycle est de 150 à 180 jours maximum.
La culture du Foléré, ne posant pas de difficultés majeures, elle peut être cultivée sur toute l'étendue du territoire. Sa production varie en fonction des régions et des variétés appréciées. C'est ainsi que dans le Grand Nord (Garoua, Maroua, Ngaoundéré), on rencontre le Foléré rouge et vert.
. Le semis
La préparation du sol se fait en planches de longueur variable, mais de largeur oscillant entre
1 mètre et 1 mètre et demie. Le labour est d'environ 25 centimètres et se fait en début de saison des pluies. Le semis se fait en lignes espacées de 90 cm à 1 m, par poquets de 3 à 4 graines et à 3-4 cm de profondeur. On démarre après la levée à 2 pieds tous les 20 cm Pour les variétés de la forme altissima, on pratique des écartements de semis plus importants
· La fertilisation
- La fumure de fond comprend :
250 à 300 kg de fumier ferme (bovin ou porcin= 4 à 5 brouettes)/ 20 m2 enfouis à l'aide d'une houe ; 1/2 sac (12 à 15 kg) de fientes de volaille ou 1 kg de NPK (17.17.17 ou 15.15.15)= 20 boîtes de tomate/ 20 m2, répandu lors de la préparation du lit de semence.
- La fumure d'entretien comprend :
2 semaines après la levée, 500 g d'urée (environ 10 boîtes de tomate) / 20 m2.
Après la première coupe, 1 kg de NPK (environ 20 boîtes de tomate)/ 20 m2. Après la deuxième coupe, 500 g de nitrate de chaux (environ 20 boîtes de tomate) Après la troisième coupe, 1 kg de NPK (environ 20 boîtes de tomate)/ 20 m2
· L'entretien
Il consiste à effectuer chaque fois que cela s'impose des arrosages, des sarclages, des binages, des buttages. Souvent sensible aux maladies et parasites, il faut envisager des traitements phytosanitaires (contre les nématodes, les champignons, les insectes).
· La récolte
Les récoltes de feuilles peuvent débuter assez rapidement, 6 à 8 semaines après le semis, et être renouvelées 2 à 3 fois. La récolte de calices se fait 5 à 6 mois après le semis ou 15 à 20 jours après la floraison quant ils sont tendres et charnus.
Le calice est détaché de la capsule par incision sur sa base cartilagineuse. Lorsqu'on souhaite obtenir de la poudre, on récolte la fleur entière.
· Les rendements
Les rendements sont d'environ 1 kg à 1,4 kg de calices frais par pied.
La récolte des fibres est effectuée en début de floraison. Les rendements sont de l'ordre de 1 à 1,5 tonnes de fibres sèches/ha
> Une nouvelle expérience de stockage villageois : la solution importée de l'Extrême-Nord131
Pour résoudre le problème de l'insécurité alimentaire, la région du Nord pourrait s'inspirer de son aînée en matière d'insécurité alimentaire l'Extrême-Nord, qui développe depuis longtemps déjà un certain nombre de stratégies. Celle qui aura le plus retenu notre attention est la constitution de greniers communs. Ce système de stockage des céréales au village est parti d'un travail d'écoute des agriculteurs et du constat d'endettement de certaines exploitations causé par la vente de céréales à bas prix en période de récolte pour rembourser les dettes contractées lors de la mise en culture. Ces greniers sont essentiellemnt financés par les groupements de producteurs de coton et leurs principaux objectifs sont d'assurer une meilleure sécurité alimentaire par un stockage de proximité et une meilleure rémunération pour les exploitants qui dégagent des excédents céréaliers.
· Principes des greniers autofinancés
Les stockeurs sont membres de groupements cotonniers dont les fonds servent à l'achat des céréales. À la récolte, le groupement de producteurs de coton achète une partie de la production de sorgho à ses membres. Les sacs sont stockés nominativement dans un même local en attendant que les prix augmentent. Le « grenier commun » est alors ouvert par le groupement, à la demande des stockeurs. Afin d'intéresser les différents types d'exploitation agricole, deux options sont proposées :
- si l'agriculteur dispose d'un stock alimentaire suffisant pour sa propre consommation jusqu'à la prochaine récolte, il demande au groupement de vendre son stock sur le marché à un meilleur prix. Le groupement se rembourse alors de l'avance qu'il a concédée et remet le bénéfice au stockeur ;
- si l'agriculteur a épuisé son disponible alimentaire, il a la possibilité de racheter le sorgho à prix coûtant pour sa consommation.
Ce système favorise une épargne en nature et modère les recours aux crédits usuraires. À plus long terme, les exploitations ont la possibilité de consolider leur gestion en reproduisant chaque année cette épargne en grain. Expérimenté en 1996 auprès de quatre groupements, ce
131 Source : Abdourahmane NASSOUROU, op. cit.
système a connu un écho très favorable auprès des agriculteurs. Afin d'étendre l'opération, le projet Dpgt, relayé par Terdel (TERritoire et DEveloppement Local), un bureau d'études camerounais créé en 2000 lors de la privatisation du volet « Gestion de terroir » du projet, a formé les groupements à la gestion de ces greniers. En 6 ans, l'extension des greniers communs leur a conféré une ampleur régionale. Dans l'Extrême-Nord, 249 groupements disposent aujourd'hui de leur grenier, ce qui représente 15 000 exploitations agricoles mobilisant près de 179 millions de FCFA pour stocker environ 2 300 tonnes de céréales. Le stockage concerne surtout le sorgho muskuwaari, dont la faible teneur en eau facilite la conservation des grains, mais aussi le sorgho pluvial, le maïs ou le riz paddy.
. Contraintes au stockage, amorces de solutions
La contrainte principale réside dans l'insuffisance de ressources financières des groupements coton : seulement 25 % des membres de ces groupements ont accès à ce stockage autofinancé et une partie importante de la production céréalière est toujours commercialisée à la récolte. Dans la zone cotonnière de l'Extrême-Nord où l'intervention a été lancée, 30 % des groupements cotonniers ont adopté le système de greniers communs mais la pratique du stockage se limite à 8 % des exploitations. Des capitaux complémentaires sont indispensables au renforcement des capacités d'achat de céréales par les groupements. Avec l'appui de Terdel, des organisations paysannes, les Aprostoc (associations de producteurs stockeurs de céréales), s'emploient à diversifier les sources de financement des greniers communs par recours au crédit bancaire, qui représente 10 % des fonds mobilisés en 2001 et 2002, et à de nouveaux partenaires. En 2001, le PAM a accordé près de 1 000 tonnes de céréales réparties entre 120 greniers communs et vendues par les Aprostoc en période de soudure. Les recettes ont permis de décupler les capacités de stockage en 2002. La reconnaissance des Aprostoc par le PAM a permis de faire évoluer l'aide alimentaire ponctuelle vers un soutien dans la durée à des structures paysannes responsables de la sécurité alimentaire de leurs villages.
L'idée de créer des unions de groupements stockeurs s'est d'abord imposée pour réguler les mises sur le marché à l'échelle régionale et éviter que plusieurs « greniers communs » approvisionnent les mêmes marchés le même jour. Dans la mesure où les céréales stockées sont essentiellement consommées par leurs propres producteurs, ces organisations se sont orientées vers des services d'appui aux groupements de producteurs-stockeurs : appuis à la gestion du stockage, négociation de crédits, conseils techniques sur les systèmes de production céréaliers.
Une fonction encore potentielle des Aprostoc est celle de la représentation des agriculteurs céréaliers vis-à-vis des instances nationales et internationales intervenant sur la question de la sécurité alimentaire.
Depuis la création de l'Aprostoc Diamaré en 1997, cinq nouvelles unions ont vu le jour. Ces associations couvrent désormais la majeure partie de la zone cotonnière de l'Extrême-Nord. Pour répondre aux demandes d'appui en stockage et en formation technique, les associations se dotent progressivement d'un réseau de (( conseilers paysans » chargés de prestations de services auprès de 10 à 20 groupements. Actuellement, les six Aprostoc rémunèrent 10 conseillers paysans. Les revenus des Aprostoc proviennent d'un droit d'adhésion annuel par groupement, d'une taxe par sac stocké, de taux d'intérêt sur le (( crédit céréales » et de participations financières des groupements aux formations dispensées par les conseillers.
Le projet Dpgt s'est appuyé sur ces conseillers paysans pour la création et la diffusion d'innovations dans les itinéraires techniques du sorgho repiqué. En réponse aux sollicitations des agriculteurs sur les problèmes d'enherbement des terres muskuwaari, le projet a contribué à la mise au point de traitements herbicides permettant la récupération de parcelles et l'allègement des temps d'entretien et de préparation.
La création de ce type de services au sein d'organisations professionnelles agricoles est conforme aux orientations stratégiques du ministère de l'Agriculture. En effet, il prévoit (( un processus de substitution progressive des organisations paysannes au service public qui doit se recentrer sur les fonctions spécialisées hors de portée de ces dernières ».
Les Aprostoc constituent désormais un interlocuteur privilégié pour la recherche et le développement, même si l'impact du stockage reste encore limité : les céréales stockées ne représentent que 0,5 % de la production de l'Extrême-Nord. Toutefois, une part importante de la production étant auto-consommée, une augmentation, même très faible, du stockage en grenier commun peut avoir un effet significatif de stabilisation des marchés céréaliers par un rééquilibrage de l'offre et de la demande tout au long de l'année. Le développement des capacités de stockage au village par la construction de magasins et la constitution de fonds de roulement autonomes devraient permettre aux agriculteurs et à leurs organisations de peser davantage sur les marchés céréaliers.
Cette évolution implique un transfert des compétences en appui/conseil, gérées initialement par le Dpgt puis Terdel, vers les conseillers paysans.
Une intervention reste à engager sur l'ensemble de la filière céréalière pour généraliser les « greniers communs » et promouvoir une recherche-développement en agronomie afin de lever certaines contraintes à la production signalées par les agriculteurs. Sur ce dernier point, une des priorités consiste à relancer les travaux sur les sorghos de contre-saison, longtemps restés en marge des programmes de recherche agronomique. En 30 ans, les surfaces consacrées au muskuwaari ont doublé, pour atteindre désormais près de 200 000 hectares, et les attentes des agriculteurs sont importantes en matière d'appui technique et de conseil. Ainsi, la réponse aux problèmes d'enherbement dans les terres à sorgho repiqué a permis de faire émerger d'autres demandes, aujourd'hui sans réponses, tant sur des problèmes phytosanitaires que sur la conception d'itinéraires techniques innovants ou la gestion des céréales et des assolements au sein des exploitations familiales.
Parallèlement aux activités opérationnelles, l'un des enjeux est de fournir les éléments nécessaires à la co-construction d'une politique de sécurité alimentaire à l'échelle provinciale. Les données manquent pour hiérarchiser les problèmes et définir la nature des actions à entreprendre. Il s'agit de participer à la production et à la diffusion d'informations sur l'état saisonnier de la production agricole, des prix et des marchés vivriers. Un observatoire de la production agricole, progressivement cofinancé par les organisations paysannes, pourrait s'insérer au sein d'une fédération des Aprostoc afin d'en conforter le rôle et la légitimité. Enfin, cette intervention devrait imaginer les contours d'un cadre d'échanges et de concertation entre acteurs (administrations, organisations paysannes, ONG, commerçants, transporteurs...), notamment pour valoriser les diverses expériences sur le stockage et coordonner les actions en la matière.
CONCLUSION
L'insécurité alimentaire constitue l'un des thèmes majeurs des médias parce qu'elle ne cesse de faire des victimes au jour le jour. Les groupes sociaux ne connaissant pas les mêmes réalités, il s'est agit pour nous dans ce travail, d'explliquer et de comprendre ce phénomène en général et particulièrement dans la région du Nord. Loin de nous toute intention de faire une monographie de cette région. Le plus important était de caractériser l'insécurité alimentaire en entrant dans les mémoires collectives, les représentations sociales qui attribuent les causes et les conséquences de ce phénomène et qui induisent un certain nombre de stratégies derrière lesquelles peuvent se cacher beaucoup d'enjeux.
En effet, l'hypothèse principale qui a conduit et guidé nos investigations bibliographiques et nos enquêtes de terrain était celle selon laquelle « les populations de la region du Nord perçoivent l'insecurite alimentaire comme la resultante de facteurs naturels et humains auxquels vient s'ajouter une mauvaise politique de getsion de la part de ceux qui ont pour rôle de mettre un terme definitif à cette situation ». De cette hypothèse principale ont été déduits trois hypothèses secondaires qui sont : « les couches identifiees comme les plus vulnerables à l'insecurite alimentaire sont les personnes Ogees et les handicapes » ; « pour lutter contre l'insecurite alimentaire, les populations locales developpent une multitude de solutions endogènes qui sont appuyees et relayees par les organismes internationaux et les pouvoirs publics » ; « l'insecurite alimentaire ainsi que les strategies de lutte qui en decoulent recèlent des enjeux humanitaires, economiques et socio-politiques ».
Notre démarche nous a permis d'avoir un échange avec les populations de la région. Notre série d'entretiens avec les populations victimes de l'insécurité alimentaire, les responsables des organismes étatiques et internationaux qui luttent contre l'insécurité alimentaire nous ont permis de construire un corpus empirique interessant. A l'aide de ce dernier, nous avons pu vérifier nos hypothèses de recherche après une approche axée sur l'analyse stratégique et la sociologie critique. Le travail éffectué en amont par la consultation des documents relatifs à notre sujet d'étude ; et en aval par les nombreuses procédures de terrain (observation directe, entretiens semi-directifs )ont permis d'avoir une idée sur l'insécurité alimentaire, ses causes, ses conséquences, les couches les plus vulnérables, les stratégies de lutte ainsi que les enjeux qui se cachent derrière chaque action posée ou envisagée.
Ainsi, pouvons-nous retenir, au regard de tout ce qui précède, que l'insécurité alimentaire peut être justifiée par des facteurs historiques. L'Etat, après avoir encouragé et pris en charge le paysan, s'est désengagé de ses responsabilités à cause principalement de la crise économique des années 1980 et des programmes d'ajustement structurel. En même temps, il a encouragé les cultures de rente. Comme le calendrier des cultures vivrières se superpose parfois à celui du
coton, les paysans ont eu tendance à privilégier la deuxième culture au détriment du vivrier. La chute des prix sur le marché mondial a eu des conséquences dramatiques sur les producteurs car ceux-ci ont perdu de substanciels revenus qui leur permettaient de survivre. L'absence d'encadrement suffisant lors de la conversion du rentier vers le vivrier a eu pour effet un tassement de la production qui ne correspondait plus aux besoins d'une population sans cesse croissante.
Ces populations définissent l'insécurité alimentaire comme le manque de vivres suffisants pour tout le monde. Elles attribuent l'insécurité alimentaire à deux grandes catégories de causes : les causes naturelles et les causes humaines. Dans la première catégorie de causes, on trouve :
- l'irrégularité et la durée des pluies : soit les pluies arrivent plus tôt que prévu et durent à peine 45 jours, soit elles arrivent tard ; ou alors il ne pleut pas du tout. Dans un cas de figure comme dans l'autre, ce sont les cultures qui en pâtissent ;
- la sécheresse : elle a généralement lieu entre les mois de février et d'avril et a des conséquences non seulement sur les cultures, mais encore sur les systèmes d'irrigation et sur les mayos, fleuves saisonniers qui s'assèchent très facilement pendant la saison sèche ;
- les inondations : à l'opposé du facteur précédent, la surabondance de pluies entre les mois de juillet et d'août constitue un frein à l'agriculture car elles détruisent les plantations. De plus, elles mettent en péril le cadre de vie des populations car elles impactent négativement sur l'habitat et les infrastructures. Même le bétail, qui sert souvent de réserves en temps de disette, n'échappe pas souvent à la furie des eaux ;
- les insectes et les oiseaux granivores : criquets pélerins, chenilles et autres termites envahissent les champs à maturité et causent d'incommensurables dégâts. En outre, ils causent des déficits post-récolte conséquents parce que les populations ne disposent pas des connaissances ou des moyens de lutte adéquats et efficaces ;
- les pachydermes : les éléphants qui sortent des réserves pour vadrouiller à travers les villages et les champs détruisent les cultures et les habitations. Comme ce sont des espèces protégées par les lois nationales et internationales, les populations sont pratiquement impuissantes et ne peuvent que constater les dégâts ;
- les maladies : aussi bien le bétail que les personnes sont très souvent victimes d'épidémies : la peste bovine et la fièvre aphteuse sèment la mort dans le bétail, tandis
que les hommes sont victimes de la méningite en saison sèche et du gonflement des pieds en saison pluvieuse. Conséquences : paralysie temporaire, handicaps, réduction des surfaces cultivées et par ricochet de la production vivrière ;
Parmi les facteurs humains, nous pouvons citer :
- la mauvaise gestion des récoltes : en cas de bonne récolte, les populations sont tentées de vendre pour ne pas dire brader leurs productions aux aladji et/ou aux cocseurs qui leur proposent des prix attactifs. Attirés par l~argent, les producteurs vendent le maximum possible, oubliant parfois de constituer des réserves. Par ailleurs, la distillation du bili bili amenuise considérablement les stocks céréaliers car c'est à base de mil que les femmes fabriquent cette boisson qui est fort prisée par les populations de la région du Nord. Sa commercialisation, qui est le monopole une fois de plus des femmes, permet d'avoir régulièrement de l~argent. Cet argent n'est malheureusement pas épargné pour l'achat des denrées alimentaires mais simplement affecté à la consommation de boisson à 90 % des cas dans la mesure oil l'homme intervient à ce niveau de la chaîne et gère en compagnie de sa femme, dans le meilleur des cas, l'argent provenant de la vente du bili bili ;
- l'usage immodéré des ressources environnementales : la coupe anarchique des arbres pour le bois de chauffe ou pour la pratique de l~agriculture détruit ou amenuise le couvert végétal de la région. Cette destruction a un effet sur les conditions climatiques dans la mesure oil elle accélère leur dégradation ; ce qui en retour rend plus pénibles les travaux agricoles. La production vivrière en est diminuée, suscitant des crises alimentaires ;
- l'outillage agricole archaïque : la mécanisation de l~agriculture n'est pas encore véritablement opérationnelle dans la région du Nord. Les paysans continuent de travailler avec des outils qui datent d'un autre âge : houes, dabas, machettes et autres charrues à bceuf constituent encore l'arsenal des agriculteurs. La production dans ce cas reste basse ou plutôt tend à diminuer tandis que les besoins des populations augmentent de façon exponentielle et se retrouvent presque toujours au-dessus de l~offre. Ce qui provoque d'incessantes pénuries alimentaires ;
- la régulation sociale : c'est le système de gestion des populations qui prévaut dans la région du Nord. Le lamido, chef traditionnel investi d'un pouvoir quasi divin, possède toutes les terres de son lamidat et tout ce qui s'y trouve (en dedans et en dehors). Dans ce sens, il taxe tout ce qui peut l'être, aussi bien les terres, la production vivrière ou celle animale. Ce système n'encourage pas la constitution des réserves alimentaires dans la
mesure oil plus ces réserves sont importantes, plus lourdes sont les taxes. D'ailleurs, à cause de ce système, des frictions sont permanentes entre les autorités traditionnelles et leurs administrés qui digèrent de moins en moins cet état de choses.
L'on ne saurait parler des causes sans mentionner les conséquences. En effet, causes et conséquences sont intimement liées car l'une est l'implication de l~autre ; ou bien l'une est à l'origine de l~autre. Ainsi, l'insécurité alimentaire a des conséquences sur la région du Nord. Il s'agit principalement de la fluctuation des prix des céréales et de leur inaccéssibilité. Quand l~offre devient inférieure à la demande, à cause de la spéculation ou de l'insuffisance de la production, les prix sont renchéris et les vivres deviennent inabordables par rapport au faible pouvoir d'achat des populations.
L'insécurité alimentaire a des effets néfastes sur la santé de ceux qui en sont victimes. Leurs capacités physiques et psychiques sont fortement diminuées et elles ne peuvent plus vaquer normalement à leurs occupations. Dans le cas des agriculteurs, ils sont obligés de diminuuer les surfaces cultivables ; ce qui réduit à son tour la production vivrière et maintient l'insécurité alimentaire.
L'autre conséquence de l'insécurité alimentaire dans la région du Nord est la migration des populations. En effet, pour fuir l'insécurité alimentaire, les populations se déplacent en quête de nouvelles aires géographiques, entraînant malheureusement dans leur sillage le phénomène auquel elles tentent désespérément d'échapper. De plus, l'exode rural auquel on assiste diminue la population active car c'est la jeunesse et les personnes vigoureuses qui s'en vont en quête de cieux plus cléments. Les personnes âgées qui restent ne disposant plus d'assez de forces pour travailler de grandes surfaces agricoles, la production ne peut augmenter, comparativement à la population globale qui ne cesse de croître à un rythme effréné.
Au sein de ces populations, les plus vulnérables sont sans conteste les personnes âgées et les handicapés. Physiquement diminuées, ces couches ne peuvent s'impliquer pleinement au processus de production agricole. De ce fait, elles dépendent du reste de la population valide et constituent par la même presque toujours un fardeau dont on n'hésite pas parfois à se débarrasser en temps de crise alimentaire.
Face donc justement aux crises alimentaires répétitives, tous les acteurs se mobilisent en fonction des moyens dont ils disposent. Les populations sont les premières à se mettre en branle pour parer à l'insécurité alimentaire, appuyées en cela par les organismes internationaux sous
l~encadrement des pouvoirs publics. Les populations procèdent par exemple à la vente des ruminants qui constituent une espèce d' « épargne animale » dont elles ont recours en cas de disette. Parfois, ces populations procèdent à un simple troc avec les possesseurs des vivres. Dans ce cas, elles mettent sur la balance tout ce qu'elles peuvent posséder de précieux contre de la nourriture. La séparation d'avec ces objets est parfois difficile à gérer mais cela vaut mieux que de souffrir d'insuffisance alimentaire.
L'usure constitue également une arme très utilisée ; cette fois par les possesseurs de vivres. Ils prêtent aux individus des quantités de denrées alimentaires pendant les périodes de disette et se font rembourser, pendant les récoltes, plus du double de ce qu'ils ont prêté à leurs congénères. Initiative certes peu louable, peut-être même immorale ; mais qui s'avère salvatrice tant qu'elle peut sauver la vie de ceux qui en ont recours.
Cependant, l'une des stratégies les plus usitées par les populations est le séchage. Peu coûteux, pour ne pas dire gratuit, il ne nécessite principalement comme matière première que le soleil, qui n'est pas rare dans la région. Cette technique permet de conserver des vivres qui seront ultérieurement utilisés pendant les disettes ou la soudure. Tout ou presque y passe : tomates, piments, légumes, oignons, poissons, viande etc. Avec le séchage, les produits sont quasi permanents sur le marché et les revenus sont réguliers. La planification peut ainsi se faire plus facilement et des décisions à long terme prises.
Comme les efforts des populations ne suffisent pas, des « times de bonne volonté » que sont les organismes internationaux volent à leur secours, parce que le Cameroun est membre à part entière de l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Dans ce travail, il a été fait cas du Food and Agriculture Organization (FAO) et du Programme Alimentaire Mondial (PAM). Ils sont les deux organismes spécialisés de l'ONU en charge des questions alimentaires. Le premier cité se lance essentiellement dans le financement des projets agricoles pour améliorer la production agricole et animale ; tandis que le deuxième encourage la constitution de réserves alimentaires par la construction de greniers communautaires. De plus, il fournit les cantines scolaires du primaire en denrées alimentaires qui sont gracieusement distribuées aux élèves scolarisés du primaire, avec un accent sur les jeunes filles. Le double objectif visé est encourager l~alphabétisation dans une région oil le taux de scolarisation est l'un des plus bas du Cameroun, et mettre les enfants à l'abri de l'insécurité alimentaire. Enfin, le PAM met sur pied des programmes d'aide alimentaire d'urgence en cas de crise. Cette aide alimentaire consiste en des sacs de riz, de mil mais aussi des produits tels que la sardine, le poisson frais, les biscuits, la tomate en conserve, le sucre. Dans plusieurs cas, l'aide alimentaire,
bien souhaitée et nécessaire, ne correspond pas toujours aux habitudes alimentaires des populations sinistrées. Conséquence de cette inadéquation : les produits destinés aux populations sont revendus à bas prix aux commerçants locaux. Bref, comme le pense l'un de nos informateurs, « l'aide alimentaire est bien, mais ne suffit pas. Le mil qu'on nous envoie n'a pas de goût comme ce que nous cultivons nous-mêmes ici. Nous péférons notre propre mil sorti de nos champs ».
Au-dessus de tout le monde, au vu de ses responsabilités, des moyens et des potentialités dont il dispose dans le cadre de la lutte contre l'insécurité alimentaire, se trouve l'Etat. Il mène un combat multiforme parce qu'il est sur tous les fronts, en amont comme en aval. Il régule le marché à travers l'Office Céréalier ; promeut le stockage par le soutien aux APROSTOC, et distribue l'aide alimentaire d'urgence pendant les crises aimentaires. Mais seulement, dans la région du Nord, les mesures de régulation son difficiles à mettre en oeuvre. Elles peuvent être efficaces quand l'insécurité alimentaire est conjoncturelle, limitée en volume (quelques milliers de tonnes) et dans l'espace ; car les moyens humains, financiers et matériels nécessaires sont raisonnables. Mais, ces mesures de régulation apparaissent inadaptées et nettement insuffisantes quand l'insécurité alimentaire est structurelle et importante en volume (plusieurs dizaines de milliers de tonnes), comme c'est le cas actuellement, car les moyens à mettre en oeuvre sont extrêmement importants.
Certes « le sociologue n'est pas le médecin de la société », mais nous avons pensé en dernier lieu déblayer le chemin en préconisant quelques pistes en vue d'améliorer la sécurité alimentaire dans la région du Nord. Celles-ci vont de la conquête des terres à la maîtrise de l'eau en passant par l~intensification et la diversification du système agricole et de la production animale, le reboisement, la coordination et l'harmonisation des interventions des différents acteurs, l~ouverture des voies de communication et la circulation effective des biens entre le Sud et le Nord du pays, l'amélioration de l'information sur le marché ou encore la sécurisation du transport routier par la réduction des tracasseries douanières et policières et la lutte contre les coupeurs de route.
Le chemin qui mène à la sécurité alimentaire dans la région du Nord est long et parsemé d'embûches. Mais, une véritable volonté et une plus grande implication des acteurs, quels qu'ils soient, permettra de passer outre tous ces obstacles et d'atteindre une sécurité alimentaire
permanente et durable qui rendrait les populations de cette région autonomes et autosuffisantes. Elles ne demandent que cela.
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semestriels
1995-2000).
ANNEXEs
163
LISTE DES INFORMATEURS
INFORMATEURS |
OCCUPATION |
LIEU ET DATE |
HAMITI TIZI |
Lawane d'Houmbal |
Houmbal, 04/02/2010 |
Abdou GARBA |
Agriculteur |
Bibémi, 05/02/2010 |
Issiakou YAYA |
Agriculteur |
Garoua, 04/02/2010 |
HABIBA |
Agricultrice / handicapée |
Garoua, 03/02/2010 |
TIDJANI |
Agriculteur |
Garoua, 04/02/2010 |
NAFISSATOU |
Brasseuse et vendeuse de bili bili |
Roumdé Adja, |
MEYA GARBA |
Agriculteur |
Bibémi, 05/02/2010 |
Haoua MOUSSA |
Fabricant et vendeur de kilishi |
Garoua, 03/02/2010 |
Saïdou GADJI |
médecin à l'hôpital régional
de |
Garoua, 05/02/2010 |
Boniface NYADO |
coordonnateur National PNSA |
Yaoundé, 24/02/2010 |
Othon MATAPIT |
Secrétaire Permanent Comité de |
Yaoundé, 22/02/2010 |
Mamouda MAWOUMA |
Chef de division des interventions |
Yaoundé, 22/02/2010 |
MBALLA André |
VAM Officer PAM |
Yaoundé, 23/02/2010 |
Mme ABENA |
VAM Officer PAM |
Yaoundé, 23/02/2010 |
GUIDE D'ENTRETIEN POPULATIONS AGRICOLES
- Production agricole et animale
- Techniques de conservation des produits agricoles - Consommation de la production
- Méthodes et outils de travail
- Périodes de disette ou d'insécurité alimentaire
- Causes et conséquences de l'insécurité alimentaire - Moyens de lutte contre l'insécurité alimentaire
- Gestion de l'aide alimentaire
GUIDE D'ENTRETIEN POPULATIONS NON-AGRICOLES
- Principales activités de survie - Gains et gestion desdits gains - Apport des activités pratiquées à l'insécurité ou à la sécurité alimentaire
- Solutions au phénomène de l'insécurité alimentaire
GUIDE D'ENTRETIEN RESPONSABLES PNSA, OFFICE CEREALIER,
FAO, PAM,
COMITE DE GESTION DE L'ASSISTANCE FAO/PAM, MINADER
- Date et raisons du début d'intervention dans la région du Nord
- Politique appliquée
- Différentes localités d'intervention
- Critères de choix des zones d'intervention
- Causes et conséquences potentielles de l'insécurité alimentaire dans la région - Moyens de lutte contre l'insécurité alimentaire
- Degré d'implication des populations dans la lutte contre l'insécurité alimentaire - Différents partenaires dans la lutte
171
TABLe Des mAtières
DEDICACE
&&&&&&&.&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&...&
i
REMERCIEMENTS
&.&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
ii
ACRONYMES ET SIGLES&&&&&&.&&&&&&&&&&&&&&&&&. & iii
LISTES DES GRAPHIQUES ET DES PHOTOS &&&&&&&&&&&&&&.&&& iv
LISTE DES TABLEAUX ET DES ANNEXES &&&&&&&&&&&&&&&&. v
RESUME &&&.
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
. vi
ABSTRACT &
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
vii
SOMMAIRE
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&..
viii
INTRODUCTION &&&&&&.&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 1
I. PROBLEME &&&&&&&&&&&&...&& &&&&&&&&&&&&&.&&& 2
II. PROBLEMATIQUE &&&&&&..&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 3
III. QUESTIONS DE RECHERCHE &&&..&&&&&&&&&&&&&&.&&&&&. 7
III-1 Question principale &&&..&. &&&&&&&&&&&&&.&&&&&&. 7
III-2 Questions secondaires &&&&..&&&&&&&&&&&&&&&.&&& 7
III-3 Hypothèse principale &&&&&&&&..&&&&&&&&&&&&.&&& 7
III-4 Hypothèses secondaires &&&&&&..&&&&&&&&&&&&&&&& 7
IV-1 Insécurité alimentaire &&&&&&&&&&&&..&&&&&&.&&&&&. 8
IV-2 Autosuffisance alimentaire &&&.&&&&&&&&&&&&&&&.&&&. 8
IV-3 Souveraineté alimentaire &&..&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&& 9
IV-4 Représentations sociales &&&&&&..&&&&&&&&&&&&&&&& 9
V-1 Cadre théorique & &&&&&&&&&&&&&& &&&&&&&&.&. 11 V-1-1 L'analyse stratégique & &&&&&&&&&&&&&&&&&.& 11 V-1-2 La sociologie critique &&&&&&. &&&&&&&&&&&&.& 12
V-2 Techniques de collecte &&&&&...&&&&&&&&&&&&&&&&.&. 13 V-2-1 La recherche documentaire &&&&&&&&...&&&&&&&.& . 13
V-2-2 L'observation directe &&&.
&&&&&&&&&&&&&&&&.
13
V-2-3 L'entretien semi directif &&&&&.
&&&& .&&&&&&.&&. 14
VI. PLAN DE TRAVAIL &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&...&&& 15
PREMIÈRE PARTIE : APPROCHE HISTORIQUE ET REPRÉSENTATIONS SOCIALES DU PHÉNOMÈNE DE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE &&&&&&.... 16
&&&&&&&&...&&&&&&&&&&&&&&& &&&&&&&&.&&&&& 18
I. LES DÉFAILLANCES DES POLITIQUES AGRICOLES &&&&&&&&&&&&.... 18
II. UNE PRODUCTION EN BAISSE CONSTANTE &&&&&&&&&&&&&&&... 22
CHAPITRE II : LA CONSTRUCTION DE LA CONNAISSANCE
SOCIALE SUR LES
CAUSES ET LES CONSÉQUENCES DE
L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE &&&&.. 25
I-1 les causes naturelles
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&..
29
I-1-1 Le milieu physique&&.
&&&&&&&&&&&&&&&&
&& 30
I-1-1-1 Le climat
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.
30
I-1-1-2 Les sols, le relief et la végétation
&&.&&&&&&&&&.. 33
I-1-1-3
L'hydrographie&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
35
I-1-2 Les insectes et les oiseaux granivores
&&&&&&&&&&&&&&
35
I-1-3 Les pachydermes &
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.
41
I-1-4 Les maladies
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&..
43
I-1-4-1 La méningite
&&&&&&&&&&&&&&&...&&&&
43
I-1-6-2 Le gonflement des pieds
&&&&&&&&&&&&&&&.
47
I-2 Les facteurs humains &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&& 47 I-2-1 La mauvaise gestion des récoltes &&&&&&&&&&&&&&&.. 50 I-2-2 L'usage abusif des ressources environnementales &&&&&&&&& 54 I-2-3 L'outillage agricole et les techniques culturales archaïques &&. && . 56 I-2-4 La régulation sociale &&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&. 58 I-2-5 La sous-scolarisation &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 62
III. LA CATÉGORISATION DES PRINCIPALES VICTIMES DE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&. 76
III-1 Les personnes âgées (plus de 60 ans) &&&&&&&&&&&&&&&. & 76
DEUXIEME PARTIE : ATTITUDES DES ACTEURS FACE A L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE : LES STRATÉGIES DE LUTTE &&&&&&&&&&&&&&.& 81
CHAPITRE III : L'IMPLICATION DES POPULATIONS DANS LA LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE &&&&&&&&&&&&&&&&&&...&&..&. 83
I. LA CONSTRUCTION DES GRENIERS &&&&&&&&&&&&&...&&&&&& 83
II. LA VENTE DES RUMINANTS &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&...& 85
III. L'ÉCHANGE DE BIENS CONTRE LA NOURRITURE ET LE RECOURS A L'ENTRAIDE &&&&&&&&&&&&&. &&&&&&&&&&&&&&&&& 86
IV. LE SÉCHAGE &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.. 87
V. LES AUTRES STRATÉGIES &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&...&&& 91
CHAPITRE IV : L'APPORT DES ORGANISMES INTERNATIONAUX DANS LA LUTTE CONTRE LE PHÉNOMÈNE DE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE &&&.& 94
(FAO) &&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&&&&&&&&&&&&.& 94
II-1 La construction des greniers communautaires &&&&&&&&. &&..&..& 99
II-2 Les autres stratégies du PAM : les cantines scolaires, le programme « Vivres contre travail » et l'assistance alimentaire &&&&&&&&&&&&&&&&&.& 102
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&...&&&&. 107
I. LA CRÉATION D'ORGANISMES : L'OFFICE CÉRÉALIER &&&&&&&. && 107
II. L'ADOPTION DE PROGRAMMES DE LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&...&.& 108
III. LES AUTRES STRATÉGIES DE LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE &&...&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& .&.. 110
TROISIEME PARTIE : ENJEUX DE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET PERSPECTIVES &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&...&&..& 112
GESTION DANS LA RÉGION DU NORD &&&&&&&&&&&&&&&&..& . 114
I. LES ENJEUX HUMANITAIRES &&&..&&&&&&&&&&&&&&&&& .& 114
II. LES ENJEUX ÉCONOMIQUES &&&&&&&&&&&&&&&&&&&...&&.. 115
III. LES ENJEUX SOCIO-POLITIQUES &&&&&&&&&&&&&&&&&..&& 117
CHAPITRE VII : LES PERSPECTIVES POUR UNE AMÉLIORATION DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&..& 121
I. LA CONQUÊTE DES TERRES ET L'AMÉLIORATION DES TECHNIQUES DE MAÎTRISE DE L'EAU : LA DEMI-LUNE &&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 121
II. L'INTENSIFICATION ET LA DIVERSIFICATION DU SYSTÈME AGRICOLE ET DE
LA PRODUCTION ANIMALE &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 123
III. LE REBOISEMENT &&&&&&&&&&&&&&&&&&&...&&&&&. & 125
IV. LA COORDINATION ET L'HARMONISATION DES INTERVENTIONS DES
DIFFÉRENTS ACTEURS &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&...&. 127
V. LES AUTRES PISTES POUR AMÉLIORER LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE &&& 130
CONCLUSION &&&&&&..&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& .& 141
BIBLIOGRAPHIE &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 149 ANNEXES &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&...&&&&& ix TABLE DES MATIÈRES &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.& & xxii