CONCLUSION
Nous avons eu à montrer que depuis 1816, date de la
création de la première école au Sénégal, le
recrutement et la formation des maîtres n'ont pas cessé de subir
des bouleversements. C'est ainsi que de 1817 à 1903, la question du
recrutement et de la formation des maîtres s'est posée en terme de
niveau académique. L'enseignement mutuel de Jean Dard
considérait, en effet, la chose pédagogique comme pouvant se
suffire d'une assez bonne instruction générale (niveau
académique élevé), le reste s'acquérant par une
longue expérience pratique. Avec les Frères PROERMEL, la
situation est restée inchangée.
A partir de 1903, c'est l'ère des cours normaux des
moniteurs qui recrutaient sur concours ses agents.
Après 1960, on assiste successivement à la
création des cours normaux d'instituteurs adjoints et CRFP, à
celui des écoles normales, des cycles de formation rapide (pour combler
le déficit en personnel enseignant), les écoles normales
réformées, « l'opération ailes de dinde »,
l'érection des EFI en 1994 et le projet des volontaires de
l'éducation. On voit donc que le recours à des cycles de
formation rapide ne date pas d'aujourd'hui (en 1962-1963, des stages
accélérés s'organisaient pendant les grandes vacances pour
pallier le déficit en maîtres. Il y a également
l'opération ailes de dinde en 1990).
Seulement, pendant cette période on avait recours
à des maîtres de niveau académique très faibles
(pour l'opération de 1962, il y avait même certains qui avaient
juste le niveau du CM2 et pour celui de 1990 ce fut le BFEM).
Par contre, pour le projet des volontaires, quand bien
même le niveau requis est le BFEM, la plupart des VE ont un diplôme
supérieur. Cette affluence des diplômes de l'enseignement
supérieur dans le volontariat de l'éducation trouve ainsi son
explication dans leur origine sociale modeste (85 % sont issus de familles
à niveau de vie faible et 95 % ont une mère soit
ménagère soit couturière) qui détermine largement
leurs stratégies face au marché de l'emploi. L'obtention d'un
diplôme élevé ne garantit pas chez eux l'accès
à une position sociale élevée. Cependant, on ne peut pas
dire qu'ils ne sont pas rationnels, totalement déterminés par
leur origine sociale, mais qu'ils sont plutôt rationnels d'une
rationalité limitée. Ils ont « choisi » mais
leur choix reste déterminé par des contraintes extérieures
(origine sociale). Le diplômé issu d'une famille aisée
aurait une attitude différente ; il attendrait par exemple de trouver
l'emploi désiré alors que celui qui vient des milieux
défavorisés n'a pas les moyens d'attendre. Il est
interpellé par des besoins vitaux (soutien de famille, sa propre survie
etc). C'est ainsi que, au lieu d'attendre et de chercher l'emploi
désiré. Il adopte une stratégie d'insertion rapide et
facile en attendant de trouver mieux. C'est le cas des VE qui sont pour la
plupart à la recherche d'un emploi régulier et
rémunéré pour échapper au chômage.
Seulement le traitement salarial dont ils sont l'objet fait
que, comme nous le disions dans les hypothèses, le problème
principal des VE est d'ordre financier. Ils estiment de façon unanime
que le montant de la bourse est « modique » et qu'il ne leur permet
pas de travailler convenablement et d'épargner pour pouvoir investir
ailleurs comme ils l'auraient souhaité. Ils ont également des
problèmes d'ordre pédagogique mais de moindre importance pour
eux, que ceux d'ordre financier. Ces problèmes pédagogiques sont
surtout liés à la courte durée de la formation.
Nous avons enfin confirmé avec nos enquêtes de
terrain notre hypothèse selon laquelle les VE de Rufisque sont pour la
plupart des diplômés de
l'enseignement supérieur et que leur engagement dans le
volontariat s'explique surtout par leur origine sociale modeste.
Il est à noter que la question reste loin d'être
épuisé. En effet, nous estimons nécessaire
d'évaluer l'impact des volontaires sur l'enseignement
élémentaire
Rufisquois, voire national aussi bien du point de vue de
l'accès que de la qualité(deux composantes du PDEF).
Il se pose également le problème de l'avenir même du
corps des instituteurs car les VE ne cotisent pas à la caisse de
retraite. Et est-ce le recrutement d'enseignants en nombre suffisant suffit
pour régler le problème si l'on sait qu'il y a parfois des
personnes qui sont réticents à envoyer leurs enfants
à l'école ? Autant de questions qui font que la question
mérite des approfondissements.
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