Au cours de ces vingt dernières années, la
foresterie est devenue un volet important du programme d'action international
relatif aux changements climatiques (FAO, 2011). Afin de répondre
à ces changements climatiques, la génétique
forestière, qui a pour but l'étude de la diversité
génétique pour la préservation de la biodiversité
dans le cas des forêts naturelles et l'amélioration
génétique dans le cas des plantations (Zougab, 2008), occupe une
place de choix.
Des programmes de plantations forestières ont
été mis en place dans plusieurs pays à des fins de
production et/ou de protection. La superficie totale de forêts
plantées en Afrique est d'environ 15 millions d'hectares, soit 2,3% de
la superficie mondiale (FAO, 2011).
De nos jours, le reboisement avec l'Eucalyptus se pratique en
République du Congo. Grâce à la multiplication
végétative par bouturage des rejets de souches (Martin et
Quillet, 1974), 45.000 ha de plantations clonales d'eucalyptus ont
été réalisés avec les hybrides naturels et
interspécifiques dans le massif forestier autour de Pointe-Noire.
L'hybride interspécifique Eucalyptus urophylla x
Eucalyptus grandis, sélectionné avec le schéma de
sélection récurrente réciproque (Vigneron, 1991), demeure
le plus productif de tous les hybrides au champ suivant un seul critère
: la productivité. En effet, un bon nombre de ces clones pourtant
potentiellement productifs s'est révélé réfractaire
au bouturage herbacé c'est-à-dire à partir des rejets de
souches de pleine terre.
Pour mieux exploiter les potentialités des clones de
l'hybride E. urophylla x E. grandis, Saya et Bouvet (1997) avaient
recommandé plusieurs techniques de multiplication
végétative dont la culture in vitro. Après
plusieurs échecs et le fait que la culture in vitro exige de
gros moyens financiers, la multiplication des clones intéressants de
l'hybride E. urophylla x E. grandis a été
développée par la technique de bouturage à partir des
pieds mères installés dans les conteneurs ou bouturage dit «
hors sol » (Mankessi, 2003).
Les recherches sur la multiplication végétative
ont permis de mettre au point des techniques de bouturage industriel (Marien et
Mallet, 2004) qui ont été à la base de gains
génétiques importants et d'une augmentation considérable
de la production (Saya et al., 2008). Le bouturage hors sol se
pratique en utilisant les pieds mères. Cependant, la contrainte de l'age
physiologique de l'ortet soumis au bouturage exige encore une attention
particulière
(Chaperon, 1989 ; Browne et al., 1997). La
multiplication des arbres matures nécessite leur rajeunissement au
préalable (Franclet, 1980) à l'aide des pratiques et des
conditions horticoles précises.
Contexte de l'étude
De la graine à la sénescence, la plante passe
par plusieurs phases ou stades de développement, au cours desquelles
elle extériose une morphologie et une physiologie particulière
(Hackett, 1985; Poethig, 1990). Les plus étudiées de ces phases
et, qui conditionnent la multiplication végétative, demeurent les
phases juvénile et mature (Hackett, 1985). L'état juvénile
se caractérise par l'aptitude à l'enracinement adventif des
boutures, tandis que la floraison est l'indicateur principal de la
maturité physiologique (Borchert, 1976 ; Wareing et Frydman, 1976).
Avec l'age, les plantes ligneuses acquièrent certains
caractères tels que la floraison et en perdent d'autres comme l'aptitude
à l'enracinement adventif des boutures (Walker, 1985). Le processus de
maturation se défini par le passage de la phase juvénile à
la phase mature.
Chez les arbres, la maturation entraîne
généralement une modification de l'age physiologique avec perte
des potentialités juvéniles et constitue ainsi un obstacle majeur
au clonage conforme (Franclet, 1980) en entravant l'initiation et le
développement des racines adventives, étape essentielle de la
multiplication végétative.
Pour beaucoup d'espèces utilisées pour le
reboisement, les boutures issues des jeunes plantes s'enracinent facilement,
alors que celles prélevées sur les plantes matures s'enracinent
difficilement ou presque pas (Fouret et al., 1988, Monteuuis, 1984).
Le processus de maturation s'observe chez toutes les plantes
supérieures, affectant l'aptitude à la reproduction par voie
végétative (Poethig, 1990).
En République du Congo, la multiplication des clones
de l'hybride interspécifique Eucalyptus urophylla x
Eucalyptus grandis, hybride plus productif (40m3/ha/an) que
les hybrides naturels (Vigneron et al., 2006), a longtemps
été confrontée à la maturation physiologique des
ortets (Mankessi et al., 2010). Cet handicap à la production de
plants pour le reboisement, a été solutionnée par le CRDPI
grâce à la mise en place de la technique de production massive de
plants à partir de pieds mères hors sol (Mankessi, 2003 ; Saya
et al., 2008).
La compréhension de l'amélioration aussi bien
de la qualité des plants obtenus que des taux de réussite au
bouturage des pieds mères hors sol a été par la suite la
préoccupation des recherches menées entre les années 2004
et 2010 (Mankessi, 2010). Les résultats de ces recherches corroborent
ceux de nombreux travaux à travers le monde qui soutiennent que le
succès du clonage conforme est fortement dépendant de l'âge
physiologique du matériel soumis à l'enracinement adventif (Slak
et Favre, 1990 ; Browne et al., 1997 ; Hamann, 1998; Trueman et
Richardson, 2007).
Cette étude intitulée « Analyse de
l'évolution avec l'âge de la productivité de trois
générations séquentielles des pieds mères hors sol,
B0-B1-B2 » s'inscrit dans la dynamique des travaux menés au CRDPI
depuis 2001. La définition de la technique de gestion de bouturage
à partir des pieds mères hors sol a pour objectif de poursuivre
la caractérisation macroscopique de l'aptitude au clonage conforme par
l'installation d'un dispositif expérimental en pépinière
permettant de suivre la productivité des pieds mères à
trois générations successives (B0, B1, B2) par cascades et
réitérations sur au moins deux ans.
Objectif principal
L'objectif principal de notre étude est de contribuer
aux critères de sélection des clones de l'hybride Eucalyptus
urophylla x Eucalyptus grandis par la détermination de la
génération des pieds mères la mieux appropriée
à la production des boutures propices à l'enracinement
adventif.
Objectifs spécifiques
Afin de répondre à cet objectif principal, le
présent travail se propose d'étudier :
> L'évolution de la productivité avec l'age des
pieds mères de trois générations séquentielles (B0,
B1, B2) ;
> Le taux de réussite au bouturage des boutures
provenant de trois générations séquentielles (B0, B1,
B2).
Après une revue bibliographique axée sur les
facteurs limitant l'enracinement adventif et les principes de rajeunissement,
nous décrirons la méthodologie employée au cours de cette
étude, pour aborder la présentation et la discussion des
principaux résultats obtenus. Enfin la conclusion et les perspectives de
ce travail de mémoire seront abordées dans la dernière
partie.