Troisième partie Les solutions
proposées pour une meilleure réparation des préjudices
Si un meilleur étaiement des dossiers des victimes de
contrefaçons aboutirait sans doute à une meilleure
réparation judiciaire des préjudices subis ( I ), un autre
facteur pourrait contribuer à atteindre un tel résultat :
l'introduction récente de nouvelles mesures dans le système
français ( II ).
I.La nécessité d'un meilleur
étaiement des dossiers des victimes
Le trop faible montant des indemnisations allouées aux
victimes de contrefaçons semble être proportionnel au faible
volume de pièces justificatives prouvant aux magistrats les
préjudices réellement subis et quantifiant ceux-ci
précisément (A), pour palier à ces carences, les
demandeurs disposent de différentes voies, classiques ou nouvelles
(B).
A.Les plaintes des magistrats quant au manque de
documents
Comme il a déjà été
évoqué, l'application des règles de la
responsabilité civile impose aux magistrats de réparer
intégralement les préjudices soufferts par le titulaire de droits
victime d'actes de contrefaçon mais dans la limite de ce dont la preuve
est rapportée, du moins jusqu' à maintenant100. Un
magistrat ne saurait donc en principe réparer plus que cela.
Le faible montant des dommages et intérêts
alloués est souvent dénoncé101 mais celui-ci
serait également, dans une certaine mesure, la conséquence du peu
de preuves attestant de préjudices imputables à la
contrefaçon versé aux débats par les victimes
elles-mêmes. Par exemple, un intervenant s'exprimait en ces termes au
cours d'un colloque : « j'ai remarqué d'un point de vue de
praticien, que les parties attachent souvent beaucoup d'importance à
présenter au juge un dossier très complet en ce qui concerne la
validité du droit et la
100 Comme nous le verrons plus avant, l'application de la loi du
29 octobre 2007 pourrait changer quelque peu la donne.
101 Par exemple, une étude révélait que
100% des entreprises interrogées étaient insatisfaites, en
France, de la réparation de leur préjudice en matière de
brevet et 87, 5% en matière de marque. G. Triet, «Indemnisation des
préjudices en matière de contrefaçon: les entreprises
françaises sont insatisfaites», RIPIA, 2000.
contrefaçon du droit, mais (...) qu'elles
ne donnent pas assez d'importance, à mon sens, à la
présentation économique des dommages et intérêts. Il
est très symptomatique de voir comment en France on rédige les
assignations : « à la louche ». On demande 100 MF de dommages
et intérêts sans aucun justificatif (...). On donne un
chiffre qui ne repose sur aucune justification économique
»102.
Ce constat est confirmé en des termes très nets
par Madame Belfort, Vice-Présidente du TGI de Paris : « Le principe
de stricte réparation du préjudice subi impose la justification
à l'aide de pièces par la victime de la contrefaçon du
préjudice qu'elle allègue. Dans les dossiers des victimes de
contrefaçon, il n'y a le plus souvent aucune pièce justifiant le
préjudice subi. De plus, comme le souligne un auteur « C'est
d'ailleurs l'une des défenses classiques des contrefacteurs : pointer
l'absence de pièces justifiant du préjudice afin d'en contester
l'existence »103 Cette situation explique l'absence de
motivation des juges sur la réparation du
préjudice104. La magistrate précitée soulignait
d'ailleurs elle-même au cours d'un colloque que la somme accordée
en indemnisation des préjudices du fait de la contrefaçon
était d'un rapport de 1 à 6 de la somme demandées par les
parties105.
La victime de la contrefaçon, par
l'intermédiaire de son conseil, aura donc intérêt à
établir de la façon la plus complète d'abord le gain
manqué, par des chiffres établissant l'ampleur de la masse
contrefaisante, et ensuite la perte subie du fait de la contrefaçon.
Cette perte est souvent plus difficile à établir,
particulièrement en ce qui concerne la banalisation ou
dépréciation du titre de propriété intellectuelle
en cause. Il convient désormais d'analyser les moyens d'améliorer
cette situation.
102 Maître Lenoir, « Quelles sanctions pénales
et quelle efficacité » ? Colloque de l'IRPI, 17 déc 2002,
Litec 2003, p. 141.
103 B. May, « Améliorer l'indemnisation de la
contrefaçon : la loi ne suffira pas », Propriété
Industrielle, mars 2008, p. 11.
104 E. Belfort, « L'indemnisation des préjudices en
matière de contrefaçon : La pratique des tribunaux en France
», RIPIA 2000, n°201, p. 75.
105 E.Belfort, préc. p. 72.
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