Alexandre BLONDIEAU
L'indemnisation des préjudices résultant de
la contrefaçon
Mémoire de Master 2 Recherche «
Propriété industrielle et artistique »
Sous la direction de Monsieur le Professeur
Frédéric POLLAUD-DULIAN Université de Paris I -
Panthéon Sorbonne 2008
Introduction
La contrefaçon peut se définir comme toute
utilisation non autorisée d'un objet protégé par un droit
de propriété intellectuelle. Cette définition large
englobe donc un grand nombre d'utilisations qui n'ont pas nécessairement
toutes pour résultat la copie frauduleuse d'un objet
protégé. En effet, le terme « contrefaçon » peut
par exemple recouvrir une situation où un exploitant se méprend
sur la durée des droits que lui a cédé un auteur ou encore
un cas où les coauteurs d'une oeuvre de collaboration cèdent des
droits d'exploitation à un tiers sans le consentement d'un coauteur. Bon
nombre de produits « contrefaisants », résultats de ces actes
de contrefaçon ne présentent donc aucun danger, ou simplement
aucune différence intrinsèque avec le produit autorisé. De
cette façon, la contrefaçon n'implique pas nécessairement
la production d'articles de médiocre qualité, voire dangereux
pour le consommateur final.
Le critère qui nous semble essentiel est donc l'absence
d'autorisation de la part du titulaire du droit de propriété
intellectuelle. Cette autorisation lorsqu'elle est demandée implique le
plus souvent une rémunération, raison qui pousse dans bien des
cas les contrefacteurs à s'en abstenir. Le titulaire, en vertu de son
titre de propriété intellectuelle peut donc dans ces cas
là intenter une action en contrefaçon et ainsi escompter que le
tribunal prononce en sa faveur certaines mesures, notamment d'indemnisation par
l'allocation de dommages et intérêts.
A cette occasion, le juge peut en effet prononcer, outre
l'allocation de dommages et intérêts, un certain nombre de mesures
en faveur de la partie lésée. Dans le cadre des mesures dites
« réparatrices », il pourra ordonner la publication judiciaire
de la décision aux frais du condamné et dans celui des mesures
dites « restitutives », le juge pourra prononcer par exemple
l'interdiction des actes illicites ou la confiscation des objets
contrefaisants. Cette étude a donc pour objet l'indemnisation des
victimes de la contrefaçon par l'allocation de dommages et
intérêts et uniquement devant les juridictions
civiles1.
La directive européenne n° 2004/48 du 29 avril 2004
relative au respect des droits de propriété intellectuelle a
été adoptée pour apporter une réponse à
délicat problème de la contrefaçon et prévoit
des dispositions importantes concernant les dommages et intérêts.
La
1 Le contentieux porté devant les
juridictions pénales est peu abondant. Plusieurs raisons justifieraient
se délaissement, notamment le fait que les peines lourdes et privatives
de liberté seraient inadéquates en matière de
contrefaçon ou que le juge pénal et en amont l'enquêteur
n'auraient pas les compétences techniques en cette matière. In W.
Bourdon, « Le droit pénal est-il un instrument efficace face
à la criminalisation croissante de la contrefaçon » ?,
D 2008, p. 699.
loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 dite « de lutte
contre la contrefaçon » transpose, avec un an et demi de retard,
cette directive. Cette loi modifie donc notamment les sanctions que
prévoyait le Code de la Propriété
intellectuelle2. L'application de cette loi ne devrait pas
nécessairement changer fondamentalement la matière. Cependant,
les principes et la pratique relatifs à la réparation de la
contrefaçon que nous exposons dans nos première et seconde
parties se fondent sur des éléments antérieurs à
son entrée en vigueur. Pour cette raison, nous évoquerons le
principe de la réparation intégrale au passé, ne sachant
pas précisément, au moment où ces lignes sont
écrites, le poids qu'auront les nouvelles dispositions dans
l'appréciation des juges3 et donc dans quelle mesure ce
principe sera dépassé.
Ce système de la réparation intégrale,
véritable dogme en droit civil français a longtemps dominé
malgré les critiques dont il fut l'objet, critiques
dénonçant son caractère inadapté en matière
de propriété intellectuelle. Il conviendra d'examiner, en tenant
compte de la pratique passée, dans quelle mesure la réparation
des préjudices subis par les titulaires de droit peut être
améliorée.
Jusqu' à présent le système reposait sur
le principe de la réparation intégrale, même si la pratique
ne s'y tenait pas toujours ( I ), ce qui a donné lieu à des
indemnisations aux montants variables selon les droits en cause et souvent
perçues comme insuffisantes ( II ), d'où la recherche de
solutions, classiques et nouvelles ( III ).
2 ci-après CPI.
3 J.P Gasnier, à propos de la loi du 29
octobre 2007 va jusqu' à évoquer « les bouleversements que
ce texte induit dans nos habitudes et peut-être, plus
profondément, dans certains fondements de notre droit », «
Quelques observations à propos de la loi de lutte contre la
contrefaçon », Propriété Industrielle,
décembre 2007, p. 10.
Première partie L'application jusqu'ici d'un
principe contesté : la réparation intégrale
S'il ne fait pas de doute que le système reposait jusqu'
à présent4 sur le principe de la réparation
intégrale (I), un courant jurisprudentiel allait néanmoins
à l'encontre (II).
I.Le principe de la réparation
intégrale
Le but n'est pas de présenter systématiquement
et dans le détail les mécanismes de réparation de la
contrefaçon dans ses différentes composantes. Il sera simplement
démontrer à quel point le principe de réparation
intégrale était présent dans le système.
Ce principe reposait sur des fondements textuels (A),
justifiés par une doctrine (B) et mis en pratique par les tribunaux
(C).
A.Les fondements textuels
Selon les professeurs A. et H.-J. Lucas, en matière de
droit d'auteur, l'ancien article L.335-7 du CPI renvoyait au droit commun de la
responsabilité civile pour l'évaluation du préjudice subi
par la victime de la contrefaçon5. Dans cette perspective, le
CPI invitait donc à se référer aux principes
généraux de l'évaluation judiciaire des dommages et
intérêts. En droit français, la responsabilité
civile vise à réparer le dommage subi par une victime mais
uniquement celui-ci. En effet, l'on considère que les dommages et
intérêts ne doivent pas être pour la victime une occasion de
s'enrichir. Leur fonction est de remettre la victime dans l'état
où elle se trouvait avant la survenance du dommage, ni plus, ni moins.
Ainsi, pour évaluer le montant
4Nous proposons dans cette partie une analyse du
droit positif qu'il nous est permis de connaître jusqu' à
présent, la loi du 29 octobre 2007 devrait dans une certaine mesure
remettre en question ces éléments. Ce texte sera
étudié dans notre troisième partie.
5 Les professeurs A. et H.-J. Lucas s'appuient en
effet sur la rédaction de l'article L.335-7 du CPI disposant que «
le matériel, les objets contrefaisants et les recettes ayant
donné lieu à confiscation seront remis à la victime ou
à ses ayants pour les indemniser de leur préjudice ; le surplus
de leur indemnité ou l'entière indemnité s'il n'y a lieu
à aucune confiscation de matériel, d'objets contrefaisants ou de
recettes, sera réglé par les voies ordinaires ». A. et H.-J.
Lucas, Traité de la propriété littéraire et
artistique, Litec, 3 éd. 2006, n°984.
des indemnités à allouer, les juges du fond
s'inspiraient de deux textes essentiels du Code civil : les articles 1382 et
1149. Le premier, disposition phare de la responsabilité
délictuelle pose le principe de réparation intégrale du
dommage par celui qui le cause.
Le second provient du droit de la responsabilité
contractuelle et pose en principe que « les dommages et
intérêts dus au créancier sont, en général,
de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été
privé (...) ». C'est de cette dernière disposition que
les juges s'inspiraient le plus souvent pour évaluer le préjudice
et allouer une indemnité à l'aune du gain manqué
(lucrum cessans) et de la perte subie (damnum emergens) par
la victime de la contrefaçon. Les éléments du
préjudice étaient ainsi distingués et
évalués.
En droit de la propriété industrielle, en
l'absence de dispositions spécifiques dans le CPI, les
auteurs6 admettaient que l'évaluation des montants à
allouer à titre de réparation à la victime d'actes de
contrefaçon était également inspirée par les
articles 1382 et 1149 du Code civil, tant en matière de brevets qu'en
matière de signes distinctifs ou de dessins et modèles.
Le renvoi du CPI à la responsabilité civile
délictuelle ne fondait pas seulement l'allocation de dommages et
intérêts mais aussi d'autres mesures prononcées par les
juges comme la publication de la condamnation prononcée aux frais du
condamné qui, elle aussi, peut s'analyser comme une sanction
réparatrice. En effet, s'efforcer de remettre la victime de la
contrefaçon dans l'état où elle se trouvait auparavant
peut nécessiter d'informer le public de la condamnation
prononcée. Le public a pu être trompé en attribuant
faussement une oeuvre ou un produit à une personne, il convient donc de
le détromper en l'informant des évènements7.
De même, le juge prononce le cas échéant
des sanctions dites « restitutives » en interdisant au contrefacteur
de poursuivre les actes illicites, au besoin sous astreinte, voire même
en ordonnant la confiscation des produits contrefaisants pour éviter
leur dispersion.
Ces mesures, réparatrices (dommages et
intérêts, publication de la condamnation...) ou restitutives
(interdiction de poursuivre les actes illicites, confiscation...)
étaient donc commandées par les principes de la
responsabilité civile sur le modèle des article 1382 et 1149 du
Code civil, l'idée étant réellement de réparer et
de restituer pour compenser le mal causé par la contrefaçon, mais
sans jamais aller au delà.
6 Voir notamment J. Azéma et J.-C. Galloux,
Droit de la propriété industrielle, 6e
édition, Dalloz, n° 697 concernant les brevets et n° 1582
concernant les marques ou F. Pollaud-Dulian, Droit de la
propriété industrielle, Montchrestien, 1999 n° 733.
7 Une telle mesure, même prononcée par
une juridiction civile, comporte nécessairement un aspect punitif en
plus de l'aspect « réparateur » puisque les mesures de
publication font mention de la décision de justice, ce qui peut
conférer une très mauvaise image à l'entreprise ainsi
condamnée. Ceci est d'autant plus vrai que la décision est
souvent publiée dans des périodiques au choix du titulaire de
droits, afin de toucher le public pertinent. Voir par exemple : Paris, 12
déc. 1995, RIDA, juill. 1996, p. 372.
B.Les justifications idéologiques
Dans un tel système, le concept de dommages et
intérêts punitifs ne pouvait donc, en principe, trouver sa place.
Madame Belfort, vice-présidente du Tribunal de Grande Instance de Paris,
pouvait donc écrire que « l'action devant une juridiction
civile n'a pas pour objet de sanctionner un comportement mais de réparer
tout le préjudice et seulement le préjudice qui est une suite
immédiate et directe des fautes commises. Donc : pas de dommages et
intérêts punitifs et l'indemnisation ne peut excéder le
montant de la perte subie et du gain manqué »8. La
notion de dommage et intérêts punitifs, telle qu'elle existe aux
Etats Unis d'Amérique par exemple était donc rejetée par
principe9.
La première justification d'un tel rejet se trouvait
dans l'organisation judiciaire elle-même. Les actions civiles et
pénales possèdent chacune une spécificité qu'il
convenait de respecter. Mesdames Brun et Oppelt-Reveneau, magistrates,
considèrent que les actions civiles et pénales sont en mesure de
satisfaire les victimes de la contrefaçon lorsque celles-ci engagent une
action civile jointe à la procédure pénale devant le juge
correctionnel. Ainsi, les victimes sont indemnisées du préjudice
subi « tandis qu'au plan pénal, la peine d'amende ou
d'emprisonnement peut assurer les effets punitifs et dissuasifs attendus
»10. Un autre argument avancé par les magistrates
précitées consiste à dire que si l'on acceptait les
dommages et intérêts punitifs en droit de la
propriété intellectuelle, les victimes de contrefaçons se
trouveraient mieux traitées que les victimes de dommages en d'autres
domaines parfois bien plus graves : « Ne serait-il pas choquant qu'en
bénéficiant de dommages et intérêts punitifs,
l'industriel victime de la contrefaçon d'un médicament soit mieux
traité que la victime malade du médicament contrefait qui devrait
se contenter d'une réparation dans les strictes limites imposées
par les articles 1382 et 1383 du Code civil » ?
8 « L'indemnisation des préjudices en matière
de contrefaçon : La pratique des tribunaux en France », RIPIA
2000, n°201.
9 Même la loi « de lutte contre la
contrefaçon » du 29 octobre 2007 n'introduit pas en droit
français de dommages et intérêts punitifs selon le
rapporteur de la loi au Sénat. P. Kamina, « Quelques
réflexions sur les dommages et intérêts punitifs en
matière de contrefaçon », Cah. dr. entr. 2007,
n° 4, p. 35.
10 B. Brun et M.-E. Oppelt-Reveneau, «
Améliorer le contentieux de la contrefaçon : du souhaitable au
possible », Propr. ind. Juin 2004, p. 15.
C.La pratique jurisprudentielle
Comme nous le verrons par la suite, quant aux
réparations de la contrefaçon, tous les tribunaux et les cours
n'étaient pas inspirés exclusivement par le principe de la
réparation intégrale. Cependant celui-ci demeurait jusqu'
à présent la règle officielle. La fidélité
à cette règle se manifestait de plusieurs manières,
notamment par la méthode d'évaluation des dommages
employée par les juges ou encore par le rappel des principes directeurs
de la responsabilité civile.
1.La méthode retenue pour l'évaluation des
dommages et intérêts
Tout d'abord, l'expression la plus frappante de la
règle de la réparation intégrale s'observait dans la
méthode retenue par les tribunaux pour quantifier les indemnités
à allouer au demandeur. Comme nous l'avons déjà
évoqué, celle-ci s'inspirait largement de l'article 1149 du Code
civil11. Les juges prenaient donc en considération le gain
manqué et les pertes subies par le titulaire, ce qu'ils devraient
toujours faire puisque la loi nouvelle impose de prendre en compte « les
conséquences économiques négatives » mais plus
exclusivement comme nous le verrons plus avant.
a)Le gain manqué (ou « préjudice
commercial »)
Il s'agit ici d'évaluer les sommes perdues par le
titulaire du droit d'auteur ou de propriété industrielle. Puisque
le contrefacteur, par définition, n'a pas demandé d'autorisation
d'exploiter au titulaire du droit, ce dernier n'a pas été
rémunéré et a perdu des ventes, il y a donc eu un «
manque à gagner ». C'est cela qu'il convenait de réparer,
mais pas davantage. Il fallait, lorsque cela était possible,
établir la masse contrefaisante12, soit le chiffre d'affaire
de la contrefaçon. A ce montant était appliqué le taux de
marge du titulaire, ce qui revenait à calculer le chiffre d'affaires
dont ce dernier avait été privé. La masse contrefaisante
était
11 F. Pollaud-Dulian, Droit de la propriété
industrielle, Montchrestien, 1999, n°733 : « l'approche
inspirée de l'article 1149 du Code civil (gain manqué, perte
subie) est une pratique prétorienne, que le Code de la
propriété intellectuelle, muet sur ce point, et la nature de
l'action n'imposent pas nécessairement ».
12 La jurisprudence rappelle au besoin ce principe : «
pour apprécier le préjudice, il convient de prendre en compte
l'importance de la masse contrefaisante (...) », Paris, 22 nov. 2002,
« Sté d'Exploitation des Ets J. Jacques c./ Sté Christian
Dior Couture » : Annales, 2003, p. 199
établie grâce à des critères
objectifs : durée de l'exploitation illicite, nombre d'exemplaires
fabriqués, commercialisés13, vendus effectivement,
leur prix, parfois également leur importance individuelle14.
Le titulaire des droits, victime de la contrefaçon a toujours
intérêt naturellement à verser aux débats un maximum
de pièces tendant à établir l'importance de cette masse
contrefaisante.
Le taux de marge que le titulaire aurait pu appliquer pour une
telle exploitation était dans la mesure du possible
déterminé par rapport à des barèmes
pratiqués sur le marché. A défaut, ce taux était
théoriquement déterminé par les juges. Le fait, par
exemple, que l'auteur en cause jouisse d'une notoriété
spécifique dans le domaine considéré venait augmenter
d'autant la marge retenue, si cette notoriété n'allait pas de
soi, il convenait de la démontrer 15. De même, si cela
ne s'imposait pas naturellement, l'auteur devait prouver que de par ses
activités il était amené à céder ses droits
sur ses oeuvres, par exemple pour des campagnes publicitaires ou
promotionnelles16.
Parfois, bien que le chiffre exact des exemplaires
contrefaisants vendus fut connu, les tribunaux n'accordaient pas pour autant au
titulaire du droit de propriété intellectuelle une somme
égale à celle qu'il aurait perçu si un contrat
régulier avait été conclu. Par exemple dans une
espèce, le tribunal a pris en considération le fait que la grande
quantité d'ouvrages vendus n'était pas liée à la
seule qualité des oeuvres « mais aussi et surtout au prix
très modique (...) proposé aux clients
»17. Le principe de la réparation intégrale
était donc en l'espèce encore très strictement
respecté.
Il arrivait que la connaissance exacte de la masse
contrefaisante défavorise les victimes de contrefaçons sur le
plan des sommes allouées. Ainsi, dans une espèce, les juges de
première instance avaient alloué à un éditeur et
à son auteur les sommes de 15 000 euros chacun. La Cour d'appel, forte
d'une expertise révélant des chiffres précis sur la masse
contrefaisante, avait pu réviser ces montants de moitié au
préjudice de l'auteur et de l'éditeur18. Ici encore,
nous constatons que le principe de la réparation intégrale avait
été appliqué avec rigueur par les juges.
13 Par exemple dans une espèce, la Cour d'appel de
Paris considère que l'atteinte portée aux droits patrimoniaux est
limitée du fait que seuls 772 flacons contrefaisants sur 1172 aient
été proposés en vente, Paris, 16 janv. 2004, « Carole
Benzaken c./ Parfumeries Fragonard et autres » : RIDA, avr. 2004,
p. 329.
14 Sera par exemple pris en compte pour une contrefaçon de
photographies, le format des tirages qui en ont été faits, Paris,
20 sept. 1994 : RIDA, avr. 1995, p. 367.
15 Voir par exemple Paris, 5 mai 2000, «
Sté Galerie de France c./ Jacques L'Hoir et autres » :
RIDA, avr. 2001, p. 352 où la Cour note que l'auteur « ne
produit aucune pièce tendant à établir qu'il
bénéficie d'une notoriété particulière
» pour justifier l'évaluation faite par les juges de
première instance.
16 Paris, 5 mai 2000, préc., note 12.
17 TGI Paris, 4 juin 1997, « Anne Goscinny et
Editions Dupuis c./ Esso et autres » : RIDA, janv. 1998, p.
333.
18 Paris, 21 oct. 1992, « Sté Editions
Rivage c./ Sté Victor Gollancz et autres », RIDA, janv.
1994, p. 350.
Il pouvait arriver qu'un acte de contrefaçon soit
commis sans qu'il y ait eu exploitation d'objets contrefaisants pour autant. Il
en allait ainsi par exemple lorsque les juges constataient une
contrefaçon par dépôt d'une marque similaire ou identique
à une autre déposée antérieurement. L'action en
contrefaçon par le titulaire de la marque antérieure pouvait
avoir lieu avant que la marque contrefaisante n'ait été
exploitée, ainsi seul le dépôt était contrefaisant.
En ce cas, des tribunaux ont pu considérer que le titulaire de la marque
antérieure n'avait pas réellement subi de préjudice.
Ainsi, conformément au principe de la réparation
intégrale, les tribunaux n'accordaient en principe pas de dommages et
intérêts ou bien une somme d' un franc ou d'un euro
symbolique19.
Si le titulaire du droit n'exploitait pas celui-ci, il n'avait
droit qu'au paiement du prix d'une licence. Il percevait donc les redevances
perdues pour cette exploitation. S'il n'avait jamais concédé de
licence sur l'invention ou la marque en cause par exemple, il revenait au juge
de fixer un tarif au regard des éléments fournis par les parties.
Si le titulaire exploitait son droit mais n'aurait pu exploiter autant que l'a
fait le contrefacteur, il convenait de lui accorder deux indemnités
distinctes. Il recevait d'une part la marge bénéficiaire qu'il
aurait obtenu pour le nombre d'exemplaires qu'il aurait pu exploiter et d'autre
part les redevances perdues pour les exemplaires restants. Naturellement, les
deux indemnités s'additionnaient sans que cela ne viole l'article 1382
du Code civil en réparant deux fois le même préjudice comme
il a pu l'être soutenu20.
Enfin, lorsque l'utilisation illicite n'avait pas enrichi
directement le contrefacteur, il convenait pour les juges d'allouer au
titulaire du droit le prix d'une licence d'utilisation. En ce cas, l'on
utilisait parfois les barèmes habituellement pratiqués pour une
telle exploitation. Par exemple, un film publicitaire avait été
tourné dans un décor où apparaissait une statue de Maillol
clairement identifiable sans autorisation des ayants droit du sculpteur. La
Cour de Versailles avait admis le calcul opéré par la SPADEM, en
fonction du barème en vigueur à l'époque de la
représentation illicite, barème prenant en compte « la
durée exacte de l'utilisation de l'oeuvre pendant la campagne de
publicité »21. Dans cette affaire, la SPADEM avait,
avant
19 Voir par exemple : Paris, 9 mars 2005, «
Lindt et Sprungli SA c./ Etablissement Public du Musée et du Domaine de
Versailles », PIBD 2005, 809-III-45. Dans cette espèce, la
Cour a reconnu que les dépôts de marques étaient
constitutifs, même en l'absence d'un usage des produits visés aux
dépôts, d'actes de contrefaçon au préjudice du
titulaire des marques antérieures. Toutefois, il a été
jugé que puisque le préjudice subi était purement
symbolique, il serait réparé par l'octroi d'une indemnité
de un euro.
20
Cass. Com, 27 oct. 1992, «
Mécafrance S.A c./ Gachot », PIBD 1993 , 537-III-76. En
l'espèce, le pourvoi soutenait « qu'en sanctionnant la
contrefaçon par l'allocation cumulative d'une indemnité pour la
perte des ventes manquées et d'une indemnité représentant
le taux de redevance qui aurait pu être perçue d'un
licencié, la cour d'appel répare deux fois le même
préjudice en violation de l'article 1382 du Code civil ».
21 Versailles, 15 janv. 1998, « Sté Movie
Box c./ Me Chavaux, Administrateur judiciaire de la SPADEM et autres » :
RIDA, juill. 1998, p. 267.
l'assignation, vainement demandé à la
société défenderesse de s'acquitter de la
rémunération habituelle pour ce type d'utilisation. Il faut
remarquer que lorsqu'il s'agit d'oeuvres gérées par des
sociétés de gestion collective, il est assez aisé pour ces
dernières de fournir le montant exact éludé par le
contrefacteur et de satisfaire ainsi au principe de la réparation
intégrale. Ainsi, dans une espèce plus
récente22 concernant la diffusion des titres du
répertoire de la SACEM via des postes de télévision
installés dans des chambres d'hôtel, la société
d'auteur a demandé, et obtenu du tribunal d'instance la somme de 2598,
12 euros au titre de redevances de droits d'auteurs éludés
pendant une période de cinq ans. Les sommes allouées
étaient donc exactement celles auxquelles le demandeur aurait pu
prétendre en l'absence de contrefaçon, ni plus, ni moins.
b)Pertes subies
Les pertes subies par le titulaire du droit d'auteur victime
des actes de contrefaçons étaient constituées de plusieurs
éléments. Il y avait d'abord les frais engagés pour
assurer la défense du droit en justice : frais d'avocat mais aussi frais
liés à une éventuelle saisie-contrefaçon en amont.
Il y avait encore la perte de valeur subie, par exemple de l'oeuvre en cause,
du fait des actes illicites : banalisation si l'oeuvre est connue23,
voire dépréciation, par exemple en raison de produits de
qualité douteuse sur lesquels auraient été apposés
sans autorisation une marque. Enfin, il fallait ajouter le découragement
d'éventuels futurs cocontractants, cessionnaires ou licenciés,
dissuadés d'exploiter l'oeuvre du fait de la présence des
contrefaçons sur le marché. Par exemple, dans une affaire
concernant la contrefaçon d'oeuvres audiovisuelles, la Cour d'appel de
Paris avait retenu que l'exploitation du surplus de l'oeuvre de l'auteur
était « compromise par l'utilisation partielle
incriminée »24.
22 TI, Paris, 11 sept. 2007, « SACEM c./ SA
Hotelia », RIDA oct. 2007, p. 368.
23 Pour évaluer les dommages et
intérêts, il y a lieu de prendre en compte « la
notoriété attachée à l'objet reproduit car son
avilissement a une incidence d'autant plus importante que le modèle est
connu », Paris, 22 nov. 2002, « Sté d'Exploitation des Ets J.
Jacques c./ Sté Christian Dior Couture » : Annales, 2003,
p. 199.
24 Paris, 12 déc. 1995, «
Société Média RATP et autre c./ Gérard Scher et
autre » : RIDA, juill. 1996, p. 372.
2.Le rappel des principes directeurs de la
responsabilité civile
a)Le rejet des indemnités de principe
Le principe de la réparation intégrale en
matière d'allocation de dommages et intérêts impliquait que
ne soient réparés que les préjudices concrètement
démontrés par la victime de la contrefaçon. Le seul acte
de contrefaçon ne justifiait pas en lui-même l'allocation
d'indemnités. Ainsi par exemple, la Cour de cassation avait eu
l'occasion de censurer au visa de l'article 1382 du Code civil un arrêt
d'appel qui avait alloué une « indemnité de principe »
au titulaire d'un droit de marque, au lieu « d'évaluer
exactement le dommage qu'elle entendait réparer par l'allocation de
dommages-intérêts »25.
En principe, le juge refusait de réparer les
préjudices dont la preuve ne lui était pas rapportée quand
bien même la contrefaçon était avérée. C'est
par exemple ce qu'avait jugé le TGI de Paris dans une espèce
où un magazine avait publié sans autorisation des coauteurs les
éléments du scénario d'un film avant sa « sortie
» en salle26. Le Tribunal énonçait que «
le préjudice patrimonial ne se présume pas et doit être
étayé de pièces justificatives ; en l'espèce aucun
élément de nature à démontrer l'étendue du
préjudice n'est produit et aucun élément ne vient
corroborer une corrélation entre le dommage invoqué, la
contrefaçon commise et la violation de la volonté de
confidentialité des auteurs ». Le dommage invoqué en
l'espèce était la baisse de fréquentation des salles
projetant le film par rapport au premier opus dont il constituait la
suite27. Finalement le titulaire n'a pas su démontrer de lien
de causalité entre la contrefaçon et le peu de succès du
film, toute indemnisation lui fut donc refusée sur le plan
patrimonial 28. Le Tribunal avait donc opéré ici une
application stricte du mécanisme de la responsabilité civile.
25
Cass. Com, 29 juin 1999, « Kenzo
» : Com. com. électr. 1999, comm. 41, note C. Caron. Dans
cette affaire, la Cour d'appel rappelait que l'indemnisation du
préjudice se déterminait en fonction du gain manqué et de
la perte subie et constatait qu'en l'espèce le titulaire ne
commercialisait pas le type de produits sur lesquels sa marque était
illicitement apposée.
26 TGI Paris, 17 fév. 1999, « Sté
Gaumont, Christian Clavier et Jean-Marie Poiré c./ Sté Prisma
Presse, Bruno Pelletier et Axel Ganz » : RIDA, juill. 1999, p.
331.
27 Il s'agissait en l'espèce du film « Les
Visiteurs II » qui réalisa entre 7 et 8 millions d'entrées
alors que « Les Visiteurs I » avait atteint l'important chiffre de 14
millions d'entrées.
28 En revanche, les coauteurs obtinrent gain de cause
sur le terrain de l'atteinte au droit moral.
b)Le refus d'allouer des dommages et intérêts
punitifs
Il arrivait également que les tribunaux rappellent avec
fermeté le principe de la réparation intégrale par
l'impossibilité d'accorder des dommages et intérêts
punitifs. Par exemple la Cour d'appel de Paris avait énoncé que
l'action en contrefaçon portée devant la juridiction civile
n'avait pas pour objet de sanctionner un comportement mais au contraire de
réparer le préjudice, suite immédiate des fautes
commises29. De même, la Cour d'appel de Paris avait
infirmé un jugement allouant des dommages et intérêts au
titre du gain manqué sans rapport avec l'importance de la masse
contrefaisante. L'arrêt énonce que « Les dommages et
intérêts ne doivent réparer que le préjudice subi et
ne peuvent être augmentés à titre de sanction d'un
comportement fautif »30. Le jugement du Tribunal
était donc réformé pour son non respect du principe de la
réparation intégrale. Ces décisions tendaient à
rétablir une frontière étanche entre juridiction civile et
juridiction pénale en niant l'aspect punitif de l'action en
contrefaçon. Pourtant, une position inverse pouvait être soutenue.
En effet, comme le soulignait le Professeur F. Pollaud-Dulian, l'action en
contrefaçon est autre chose qu'une simple forme de l'action en
responsabilité civile car « elle ne vise pas seulement à
réparer le préjudice causé à l'auteur par les actes
de contrefaçon : elle a aussi un caractère de sanction,
même sur le terrain civil, et elle a pour objet de rétablir
l'auteur dans la plénitude de son monopole en faisant cesser les
empiètements ou les usurpations, et de lui restituer
l'intégralité de sa propriété intellectuelle, en
quoi cette action s'apparente aussi aux actions réivindicatoires
»31. D'ailleurs comme nous allons le constater à
présent, certaines décisions allaient au delà des
principes de la responsabilité civile pour donner un caractère
dissuasif aux mesures prononcées.
II.Des mesures allant au delà du principe de
réparation intégrale
Il ne s'agira ici que de réparations au titre du
préjudice patrimonial. L'objet de cette subdivision étant de
démontrer que les tribunaux réparaient au delà du
préjudice subi, il convient nécessairement pour
l'apprécier de se référer à une base objective. Les
préjudices
29 Paris, 12 oct. 1992, GP 1993, 2, somm.
357.
30 Paris, 22 nov. 2002, « Sté
d'Exploitation des Ets J. Jacques c./ Sté Christian Dior Couture »
: Annales, 2003, p. 199.
31 F. Pollaud-Dulian, Le droit d'auteur,
Economica, 2005, n° 1211.
moraux subis par les titulaires de droits de
propriété intellectuelle ne se prêtent pas à une
telle appréciation.
Nous verrons que le principe de la stricte réparation
du préjudice était finalement souvent mis à mal par la
jurisprudence. En effet, en premier lieu l'allocation de dommages et
intérêts conséquents se faisait parfois en l'absence
d'éléments justifiant réellement un préjudice (A),
en second lieu, il arrivait que les juges allouent officieusement des sommes
allant au delà de la stricte réparation (B), en troisième
et dernier lieu, les juges augmentaient ouvertement le taux de la redevance
indemnitaire allouée à la victime de la contrefaçon
(C).
A.L'allocation de dommages et intérêts en
l'absence d'éléments justificatifs
Puisque en droit français les dommages et
intérêts étaient jusqu'ici supposés réparer
« tout le préjudice et rien que le préjudice », l'on
attendait naturellement du demandeur à l'action en contrefaçon
qu'il établisse l'étendue de celui-ci. Il est fréquent que
les magistrats se plaignent du peu d'éléments versés au
débat pour quantifier le préjudice. Ainsi, pour Mesdames Brun et
Oppelt-Reveneau, magistrates, « l'une des raisons, moins citée,
expliquant la parcimonie reprochée aux juridictions dans l'allocation
des dommages et intérêts, est l'indigence des preuves
versées aux débats par les plaignants, et notamment l'absence de
production de documents comptables de nature à prouver la perte du
bénéfice allégué »32.
Pourtant, de façon surprenante, certaines décisions, tout en
constatant une telle lacune, accordaient néanmoins des dommages et
intérêts substantiels aux demandeurs en contrefaçon. Ainsi,
par exemple, dans une espèce portant sur une contrefaçon de
brevets d'invention, le Tribunal de Grande Instance de Paris relevait dans un
jugement du 4 juillet 2003 que la société demanderesse «
ne produit (...) aucun document de quelque nature que ce soit pour
justifier de son préjudice ; qu'elle n'a fait procéder à
aucune saisie-contrefaçon dans les locaux (...) ce qui lui
aurait permis de faire appréhender certains documents comptables
». Pourtant, le Tribunal accorde la somme de 7 000 euros de dommages et
intérêts à la société titulaire du droit de
brevet et celle de 10 000 euros au licencié exclusif33. Dans
une autre espèce concernant une contrefaçon de marque, le
Tribunal de Grande Instance de Paris notait encore « qu'il
était loisible à la société demanderesse de
poursuivre ses investigations pour avoir une connaissance plus précise
de l'importance de la commercialisation des modèles
32 B. Brun et M.-E. Oppelt-Reveneau, «
Améliorer le contentieux de la contrefaçon : du souhaitable au
possible », Propriété Industrielle, juin 2004, p.
14.
33 TGI Paris, 4 juill. 2003, « André
Bellamy et autre c./ Luxtend France SARL », PIBD 2003,
774-III-534.
considérés, ce qu'elle ne fit pas »
mais lui accorde in fine une « somme globale de 15 000
euros »34.
B.Des dommages et intérêts laissés
à l'appréciation souveraine des juges du fond mais parfois
punitifs
Le pouvoir souverain d'appréciation du préjudice
dont jouissent les juges du fond leur permettait, le cas échéant
d'allouer des sommes supérieures au préjudice réellement
subi par le titulaire. Madame le Professeur Béhar-Touchais
écrivait en ce sens que « les juges, sous le couvert du pouvoir
souverain d'appréciation des dommages et intérêts
compensatoires, peuvent gonfler la condamnation et y inclure, sans le dire, des
dommages et intérêts destinés à punir le coupable et
à le priver du profit illégitime qu'il a fait, même si le
préjudice de la victime est en réalité moindre
»35.
Il était donc difficile au contrefacteur
condamné de faire reconnaître lors d'une autre instance que la
condamnation prononcée avait été trop lourde par rapport
au préjudice réellement subi. Par exemple, devant la Cour de
cassation, un contrefacteur condamné en appel avait soulevé le
moyen selon lequel la réparation du dommage ne pouvait excéder le
montant du préjudice. Il tentait de démontrer, chiffres à
l'appui, que les sommes allouées étaient excessives au regard du
préjudice subi, en déduisant une violation de l'article 1382 du
Code civil. La Cour de cassation avait rejeté le moyen en
énonçant « sous couvert de violation de la loi, le
pourvoi ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine
par les juges du fond de l'évaluation du préjudice
»36.
Ainsi, lorsque les juges accordaient à la victime de
contrefaçons des dommages et intérêts substantiels, l'on
pouvait parfois se poser la question de savoir si la somme ne réparait
que l'entier préjudice ou en réalité davantage. Par
exemple, dans une affaire où avait été contrefait un
personnage dans une publicité, la Cour d'appel de Paris avait
alloué 750 000 euros de dommages et intérêts au titre du
préjudice patrimonial et 1 000 000 d'euros au titre de l'atteinte au
droit moral. Commentant cette décision, maître Varet soulignait
qu' « il s'agit bien de remplacer par équivalent les profits
que les demandeurs auraient pu escompter »37 et
M. le Professeur F. Pollaud-Dulian estimait que les
réparations « sont à la hauteur de
34 TGI Paris, 9 mai 2003, « Jenken S.A c./ D2J
S.A et Jacques Jaunet S.A », PIBD 2003, 771-III-450.
35 M. Béhar-Touchais, « Comment indemniser
la victime de la contrefaçon de façon satisfaisante » ?,
Colloque IRPI du 17 déc. 2002, Litec 2003, p. 105.
36
Cass. com., 14 juin 2005, pourvoi n°
03-14167.
37 Paris, 8 sept. 2004, « Sté Publicis
conseil et L. Besson c./ Sté Gaumont et S.A. SFR » :
Légipresse 2005, n° 219, III, p. 25, note V. Varet.
l'ampleur de la campagne litigieuse »38
. Pourtant, à propos du même arrêt M. le Professeur C.
Caron écrit « qu'il est évident que des peines
privées ont été prononcées
»39. Dans cette espèce, nous pensons que si les
dommages et intérêts alloués sont spectaculaires,
c'est vraisemblablement car les profits qui auraient pu être
tirés d'une exploitation autorisée dudit personnage avaient
eux mêmes vocation à être très importants. En
d'autres termes, il ne faut pas nécessairement qualifier de peines
privées tous les dommages et intérêts
particulièrement élevés.
C.La licence indemnitaire
1.L'indemnisation : une licence et non pas la perte de
chance d'obtenir une licence
Comme nous l'avons vu plus avant, lorsque le titulaire d'un
droit de propriété intellectuelle était victime d'actes de
contrefaçons et qu'il n'exploitait pas ce titre, il recevait
l'équivalent des redevances éludées, ce qui ne devrait pas
changer avec la loi nouvelle. Dans l'hypothèse où ce titulaire ne
concédait aucunes licences à des tiers, les tribunaux
condamnaient quand même le contrefacteur au paiement de ces sommes. Il
est permis de penser que cette indemnisation était finalement contraire
au principe de réparation intégrale. En effet, dans ce cas de
figure, les tribunaux ne prenaient pas en compte la mince probabilité
qu'il y avait pour le titulaire de conclure un tel contrat avec le
contrefacteur. L'on sait que de telles licences indemnitaires étaient au
moins équivalentes à ce que le contrefacteur aurait payé
s'il avait négocié un contrat licitement, ce n'était donc
pas seulement la perte de chance de conclure un contrat qui était
réparée mais bien plus. C'était bien là de peines
privées qu'il s'agissait.
2.La majoration du montant de la licence indemnitaire
En principe, quand le titulaire n'exploitait pas
lui-même son droit de propriété intellectuelle, il ne
devait recevoir que le prix de la licence perdue, soit le montant des
redevances. Seule cette solution était réellement conforme au
principe de réparation intégrale du préjudice.
Cependant, une jurisprudence bien établie calculait le
préjudice subi par le titulaire du droit victime de contrefaçons
sur la base d'une redevance indemnitaire dont le taux était
majoré pour tenir compte du fait que le contrefacteur s'était
dispensé d'autorisation. Cette
38 Paris, 8 sept 2004, RTDCOM 2004, p.734,
obs F. Pollaud-Dulian.
39 C. Caron, Droit d'auteur et droits
voisins, Litec, 2006, n° 534.
jurisprudence n'était pas nouvelle puisque
déjà en 1985, le Tribunal de Grande Instance de Paris
énonçait que lorsqu'il s'agissait d'une redevance indemnitaire
« le taux doit être nécessairement supérieur au
taux librement consenti aux licenciés afin de conserver un
caractère dissuasif à l'égard des contrefacteurs
»40. De même, en 1991, la Cour d'appel de Paris
énonçait « selon les usages en la matière, le
taux de la redevance indemnitaire est déterminé par
référence au taux que le breveté peut être
amené à pratiquer dans le cadre d'une licence librement consentie
à un tiers exploitant dans des conditions similaires et est
majoré pour tenir compte du fait que le contrefacteur n'est pas un
licencié contractuel qui a débattu librement du taux qui sera
appliqué et qu'il n'est pas en position de refuser les conditions qui
lui sont imposées »41. Ainsi, la majoration de la
licence venait punir le contrefacteur à qui l'on « imposait »
des conditions, du fait qu'il avait lui-même au préalable «
imposé » en quelque sorte une exploitation au titulaire de son
droit de propriété intellectuelle.
Plus récemment, le TGI de Paris a même
condamné un contrefacteur de brevet à payer une redevance au taux
de 10% alors que son taux habituel pouvait être évalué
à 5%. Dans cette affaire, le Tribunal doublait donc le taux de la
redevance et justifiait cela par le fait que « le contrefacteur s'est
placé dans une position ne lui permettant pas de discuter les termes du
contrat »42.
Une telle majoration des taux des redevances indemnitaires ne
semblait même plus faire figure d'exception en jurisprudence. La Cour de
cassation avait même déjà eu l'occasion d'approuver une
telle pratique43.
En droit d'auteur spécifiquement, les décisions
faisaient moins nettement apparaître que la réparation du
préjudice se basait sur une licence indemnitaire même si le
même principe prédominait. Dans ce domaine aussi l'on relevait des
cas jurisprudentiels caractérisant l'idée de peine
privée.
Ainsi par exemple dans une affaire de contrefaçon de
photographies, le contrefacteur se prévalait du barème de la
société de gestion collective gérant les droits
patrimoniaux en cause. Le Tribunal de Grande Instance de Paris avait
énoncé que la société d'éditions
contrefactrice
40 TGI Paris, 30 janv. 1985, « Voegtlin c./ G.I.E
APPA », D. 1986, I.R, p. 136, obs Mousseron.
41 Paris, 12 nov. 1991 : PIBD 1992, 519, III,
194.
42 TGI Paris, 9 févr. 2006, « Neopost
Industrie et autres c./ Pfe International et autre », PIBD 2006,
830-III-350
43
Cass. com, 19 fév. 1991, J.-L
Piotraut et P-J Dechristé, Jugements et arrêts fondamentaux de
la propriété intellectuelle, Tec et Toc, 2002.
ne pouvait se prévaloir de ce barème puisque les
reproductions n'avaient pas été autorisées44.
C'était donc clairement énoncer ici aussi que le contrefacteur
devait payer plus que le tarif habituel, en raison de l'absence d'autorisation
préalable d'exploiter les photos.
Dans un autre arrêt concernant à nouveau une
contrefaçon de photographies, la Cour d'appel de Versailles avait
relevé que si le photographe avait consenti à la reproduction de
ses oeuvres, il aurait pu percevoir la somme de 4 000 francs dans
l'hypothèse d'une diffusion de 5 000 exemplaires et la somme de 6 000
francs dans celle d'une diffusion n'excédant pas 10 000 exemplaires.
Mais la Cour relevait qu'il convenait « de prendre en compte le
caractère fautif d'une reproduction sans autorisation » et
évaluait finalement le préjudice patrimonial en son entier
à la somme de 20 000 francs45. Dans cette espèce, la
Cour faisait donc plus que tripler la redevance au titre du caractère
fautif de l'exploitation sans accord de l'auteur.
Ces exemples démontrent que le principe de la
réparation intégrale était mal adapté pour
réparer les préjudices causés par la contrefaçon
car ne prenant pas en compte l'aspect dissuasif, bien que la nature
spéciale de l'action en contrefaçon pouvait le justifier. Les
juges étaient donc souvent conscients de la nécessité
d'accorder plus que la stricte réparation du préjudice, certains
franchissant le pas, d'autre non. Mais, avec un auteur, l'on pouvait douter de
l'effet véritablement dissuasif de ces peines privées officieuses
: « L'effet préventif n'a pas lieu car le contrefacteur qui
espère déjà ne pas être pris, espère ensuite,
s'il est pris, que le juge ne le sanctionnera que faiblement. Il faut donc
rendre le système prévisible, pour rendre la sanction plus
effective »46.
44 TGI Paris, 11 oct. 2000, « ADAGP c./
Sté Editions Alternatives » : RIDA, avr. 2001, p. 386.
45 Versailles, 5 nov. 1998, « Sté Arkadia
c./ Jean-Pierre Leloir » : RIDA, avr. 1999, p. 367.
46 M. Béhar-Touchais, « Comment indemniser
la victime de la contrefaçon de façon satisfaisante » ?,
préc.
Deuxième partie
Des indemnisations variables selon les droits de
propriété intellectuelle en cause et insuffisantes
Il nous a semblé intéressant d'étudier de
façon très concrète les dommages et intérêts
alloués par les juges pour indemniser les victimes de
contrefaçons. Pour ce faire, nous avons choisi de relever un certain
nombre de décisions où les juges prononcent de telles sanctions
en raison de contrefaçons d'objets couverts par un droit de
propriété intellectuelle47. Selon les titres de
propriété intellectuelle en cause, nous effectuerons des
comparaisons qui nous semblent avoir un sens à l'intérieur de
chaque domaine. L'étude ne sera donc pas totalement symétrique
entre droit d'auteur et droits de propriété industrielle.
Dans cette perspective, nous examinerons les montants
alloués par les juges d'abord pour les seules contrefaçons
d'objets protégés par un droit d'auteur (I), puis pour celles
subies par des objets protégés par des droits de
propriété industrielle (II)48 pour enfin confronter
ces chiffres entre eux (III).
I.Comparaison des sommes allouées au sein du
droit d'auteur
Comparer les sommes allouées par les tribunaux au titre
de l'atteinte aux droits patrimoniaux et de l'atteinte au droit moral n'est pas
chose aisée, les décisions accordant le plus souvent des sommes
globales (A). Il conviendra cependant de se livrer à un tel exercice en
comparant d'abord les montants alloués au sein d'une même affaire
(B), puis toutes décisions confondues (C) et enfin selon les attributs
du seul droit moral (D).
A.Sommes globales allouées
Lorsqu'ils sanctionnent des actes de contrefaçon, les
tribunaux ne distinguent pas toujours entre les sommes allouées au
titre du préjudice patrimonial et celles allouées au titre
du préjudice moral. En effet, certaines décisions font
état de sommes prenant en compte un
47 Décisions antérieures à
l'entrée en vigueur de la loi du 29 octobre 2007 ou ne faisant pas
application des dispositions nouvelles.
48 Nous limitons notre étude au droit des
brevets et au droit des marques.
préjudice global, censé réparer les deux
atteintes à la fois. Il arrive qu'au cours d'une même affaire, les
juges de première instance distinguent les sommes à verser et que
la Cour d'appel ait transforme celles-ci en une somme globale. Ainsi dans une
espèce49, le TGI de Paris avait condamné les
défendeurs in solidum à payer au demandeur la somme de
3000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte
au droit moral et celle de 2000 euros en réparation du préjudice
patrimonial. La Cour d'appel50 augmenta le montant total des
dommages et intérêts puisqu'elle condamna le premier
défendeur à verser la somme de 30 000 euros et le second à
verser celle de 10 000 euros mais précisa que pour chacune de ces
sommes, il s'agissait d'une réparation tant du préjudice moral
que du préjudice patrimonial. Ainsi, il n'était plus possible de
savoir lequel des deux préjudices avait été le mieux
réparé ou s'ils l'avaient été à concurrence
du même montant. Dans ce dernier cas, le demandeur avait pourtant
formulé des demandes distinctes pour ses deux préjudices.
Parfois encore, la juridiction se contente d'énoncer
qu'une somme est allouée « en réparation de l'entier
préjudice »51. Mais dans d'autres espèces,
c'est le demandeur qui formule luimême une demande de dommage et
intérêts globale, au titre du préjudice patrimonial et
moral que lui a fait subir un acte de contrefaçon, sans que l'on sache
précisément à quel attribut du droit moral il est fait
référence52.
Ainsi sur cinquante-cinq décisions
étudiées53, vingt-neuf contiennent une allocation de
dommages et intérêts pour atteinte au droit patrimonial,
vingt-trois font état de dommages et intérêts au titre du
droit moral et enfin huit contiennent l'allocation de dommages et
intérêts réparant une atteinte globale indistincte.
B.Comparaison des montants alloués au titre du droit
patrimonial et du droit moral au sein d'une même affaire
A l'occasion d'actes de contrefaçon, les titulaires des
droits demandent souvent en justice à la fois réparation au titre
des droits patrimoniaux et au titre des droits moraux en distinguant nettement
les préjudices subis. C'est toutefois loin d'être toujours le cas.
En effet, sur les cinquante-cinq décisions relevées, concernant
toutes des contrefaçons d'oeuvres protégées par
49 TGI Paris, 23 nov. 2005, « Jacob Gautel
c./Editions Albin Michel, Bettina Rheims et Sté Art et Confrontation
» : RIDA, juill. 2006, p. 353.
50 Paris, 28 juin 2006 : RIDA , oct. 2006, p.
383.
51 Voir par exemple Versailles, 15 janvier 1998,
« Sté Movie Box c./ Me Chavaux » : RIDA, juill. 1998,
p. 267.
52 Voir par exemple TGI Paris, 9 février 1998,
« Sté Cybion c./ Sté Qualisteam » : RIDA,
juill. 1998, p. 292.
53 La liste des décisions
étudiées figure en bibliographie.
le droit d'auteur, vingt d'entre elles voient la victime de
ces actes demander l'allocation de dommages et intérêts
distincts.
Sur ces vingt décisions 54, nous constatons
que les juges accordent des réparations pécuniaires plus
élevés au titre du préjudice patrimonial qu'au titre du
droit moral dans douze cas, alors que l'inverse ne se produit qu'à six
reprises et qu'une égalité des montants est à relever dans
trois espèces. Il convient naturellement d'être prudent quant aux
enseignements à tirer de cette statistique car d'une part le nombre
d'affaires étudiées n'est pas très élevé et
d'autre part les atteintes à chacun des droits ne sont pas
nécessairement d'une gravité équivalente.
D'après cet échantillon de décisions,
l'on peut dire qu'il est deux fois plus fréquent que les juges
réparent mieux le préjudice patrimonial. L'écart entre les
montants accordés est parfois très important, dans une
espèce par exemple les juges accordent cinq fois plus pour la
réparation du droit patrimonial que pour celle du droit
moral55 (100 000 francs contre 20 000 francs). Mais la
différence peut aussi être moins marquée, par exemple le
préjudice commercial subi par un auteur dont la chanson a
été reproduite dans un karaoké a été
estimé à 80 000 f alors que son préjudice moral
l'était à 60 000 f56.
Ainsi, si le préjudice patrimonial est le plus souvent
mieux réparé, les réparations allouées au titre du
droit moral sont loin d'être systématiquement inférieures
au sein d'une même affaire. Dans un arrêt concernant la
contrefaçon d'une photographie de Maria Callas par exemple57,
la Cour d'appel de Versailles avait accordé plus de deux fois plus de
dommages intérêts au titre du droit moral qu'au titre du droit
patrimonial, soit 50 000 f contre 20 000 f. Dans une autre affaire concernant
une fresque d'un musée dont l'auteur n'avait pas autorisé la
reproduction dans un spot publicitaire, la Cour d'appel de Paris alloue 750 000
francs au titre du préjudice patrimonial mais 950 000 francs au titre du
préjudice moral58. Enfin, pour prendre l'exemple le plus
spectaculaire des décisions retenues, dans une affaire, la Cour d'appel
de Paris59 a accordé 750 000 euros de dommages et
intérêts au demandeur au titre de l'atteinte portée
à ses droits patrimoniaux du fait de la contrefaçon mais a en
même temps alloué 1. 000 000 d'euros au titre de l'atteinte
portée au droit moral. Les montants alloués au titre de
l'atteinte au droit moral ne sont donc pas nécessairement plus faibles
que ceux accordés pour les
54 Les décisions relevées datent de
septembre 1994 à mars 2007. Nous avons exclu de cette sélection
celles où le demandeur n'exigeait qu'un franc ou un euro symbolique
à titre de réparation de son préjudice moral, la
comparaison des valeurs allouées n'ayant dans ces situations plus
d'intérêt à notre sens.
55 Seconde cession de droits sur les photos sans
autorisation et recadrage de celles-ci. Paris, 5 mai 2000, « Sté
Galerie de France c./ Jacques L'Hoir et autres » : RIDA, avr.
2001, p. 352.
56 Paris, 29 mai 2002 : RIDA, oct. 2002, p.
325.
57 Versailles, 5 nov. 1998, « Sté Arkadia
c./ Jean-Pierre Leloir » : RIDA, avr. 1999, p. 367.
58 Paris, 11 juin 1997, « Consorts Lemaitre c./
Société Guerlain et autres » : RIDA, oct. 1997, p.
255.
59 Paris, 8 sept. 2004.
atteintes aux droits patrimoniaux, c'est ce que montre
également une comparaison des dommages et intérêts
alloués aux deux titres, indépendamment lorsque l'on ne s'en
tient plus nécessairement à une même affaire.
C.Comparaison des montants alloués toutes
décisions confondues
Sur les cinquante-cinq décisions, vingt-neuf accordent
des dommages et intérêts au titre de l'atteinte au droit
patrimonial, tandis que vingt-trois en font de même au titre du droit
moral. Nous nous garderons de constater à ce stade une tendance
jurisprudentielle à réparer plus fréquemment les atteintes
aux droits patrimoniaux. En effet cette légère
supériorité reflète surtout le fait qu'il est plus
fréquemment demandé réparation sur le terrain patrimonial,
notamment par les cessionnaires des droits d'exploitation qui ne peuvent
naturellement agir qu'à ce titre.
Une tendance plus significative se dessine dans l'étude
des montants eux-mêmes. Ainsi, sur les vingt-neuf décisions
concernant le droit patrimonial, les cinq montants les plus
élevés dépassent les 100 000 euros 60 alors que
dans la liste des décisions afférant au droit moral, seuls deux
de ces montants dépassent cette somme61. La tendance se
confirme dans les montants égalant ou dépassant 10 000 euros :
dans le premier cas, vingt décisions font état de telles sommes
allouées en dommages et intérêt alors que dans le second,
quinze décisions présentent un tel montant.
Sur l'échantillon de décisions sanctionnant la
contrefaçon au titre du droit patrimonial, nous observons un chiffre
moyen de 38 000 euros62. Pour les décisions sanctionnant les
atteintes au droit moral, nous constatons un chiffre moyen de 23 000 euros.
L'écart est donc de 15 000 euros. Ces données démontrent
que les atteintes au droit moral ne sont certes pas aussi bien
réparées par les tribunaux que celles portées aux droits
patrimoniaux des titulaires de droit d'auteur. Cependant, les chiffres
concernant les réparations du droit moral sont loin d'être
symboliques et supportent la comparaison. Il convient toutefois de garder
à l'esprit qu'il est moins souvent possible de demander
réparation pour les atteintes au droit moral.
60 Soit 750 000 euros, 280 000 euros, 150 000 euros,
115 000 euros et 120 000 euros.
61 Soit 1. 000 000 d'euros et 145. 000 euros.
62 Pour ce calcul, nous n'avons pris en compte que
trente-deux décisions, celles où la réparation au titre du
droit patrimonial était distincte des autres chefs de
préjudice.
D.Comparaison des sommes allouées au sein du droit
moral
1.Sommes globales allouées en réparation de
l'atteinte au droit moral
La difficulté est la même au niveau du droit
moral lorsque dans une même affaire, plusieurs attributs de ce même
droit sont atteints. Bien souvent, les juges ne vont pas distinguer
précisément la somme allouée au titre de chaque attribut
mais accorderont une somme globale pour réparer l'atteinte au droit
moral dans son ensemble, par exemple le non respect de l'oeuvre et l'atteinte
au droit au nom63. Il nous faut donc rencontrer des espèces
où un seul attribut du droit moral a été violé par
une contrefaçon pour connaître le montant accordé pour
celui-ci. Si le droit moral est composé de quatre attributs : droit de
divulgation64, droit à la paternité de l'oeuvre (ou
droit au nom), droit au respect de l'oeuvre65 et droit de retrait ou
de repentir, seuls les trois premiers sont susceptibles d'être atteints
par des actes de contrefaçon. Dans la majorité des cas, une
contrefaçon porte atteinte à plus d'un attribut du droit moral.
En effet, sur le panel de décisions étudié, vingt d'entre
elles font état d'une réparation au titre du droit moral.
2.Sommes allouées en considération des
attributs du droit moral
Parmi les décisions étudiées, huit
réparent une atteinte à un attribut précis du droit moral.
Ainsi, quatre décisions concernent le droit à la
paternité, trois le droit au respect de l'oeuvre et une le droit de
divulgation. Le montant des dommages et intérêts alloués
est très variable, ainsi pour les atteintes au nom, les sommes
relevées vont de 1.000 euros66 à 46.000
euros67. Ne pas mentionner le nom de l'auteur, volontairement ou non
peut donc couter très cher. De façon encore moins surprenante,
les montants alloués pour compenser les atteintes au respect de l'oeuvre
sont encore plus variables, du moins dans les décisions analysées
par nos soins, puisqu' ils vont de la somme de 3.000 euros68
à celle de 1.000. 000 euros69. Quant à l'unique
63 Versailles, 5 nov. 1998 : RIDA, avr.
1999, p. 367. Dans cette affaire, avait été reproduite, sans
autorisation, sur la jaquette d'un disque compact une photographie
représentant Maria Callas. Le nom du photographe n'avait pas
été mentionné et l'oeuvre avait été
recadrée, il y avait donc à la fois « atteinte aux droit
de paternité et au respect de l'oeuvre ».
64Article L.121-2 du CPI.
65 Le droit au nom et le droit au respect de l'oeuvre
sont tous deux formulés à l'article L.121-1 du CPI.
66 Paris, 21 mars 2007 : RIDA, juill. 2007,
p. 376.
67 Paris, 29 septembre 2006.
68 Paris, 5 mai 2000, « Sté Galerie de
France c./ Jacques L'Hoir et autres » : RIDA, avr. 2001, p.
352.
espèce sanctionnant individuellement le droit de
divulgation, la condamnation n'a ici non plus rien de symbolique puisqu'elle
s'élève à la somme de 38. 000 euros70.
Comme nous le signalions plus tôt, onze des
décisions étudiées font état de condamnations
à des dommages et intérêts sur le fondement d'atteinte au
droit moral mais en considération de plusieurs attributs. C'est donc des
sommes globales qui sont allouées, sans qu'il soit possible de savoir le
« prix » donné à chaque atteinte71. Ces
sommes globales ne sont pas nécessairement plus importantes que les
sommes allouées à titre individuel, les moins importantes
relevées étant celles de 8. 000 euros. Dans une première
décision72, cette somme répare une atteinte au droit
au respect de l'oeuvre et une atteinte au droit de divulgation et dans une
seconde décision, le même montant répare
simultanément une atteinte au droit au respect de l'oeuvre et au droit
au nom73. La somme maximale globale attribuée pour des
atteintes à plusieurs attributs du droit moral est celle de 30. 000
euros pour une atteinte au respect de l'oeuvre et au droit au
nom74.
Ainsi, sur cet échantillon de décisions, nous
constatons que l'atteinte simultanée à plusieurs attributs du
droit moral n'aboutit pas nécessairement, loin s'en faut, à une
allocation de dommages et intérêts plus importante que lorsqu'un
seul attribut est atteint. Tout va dépendre naturellement de la
gravité de l'atteinte portée75.
3.Comparaison entre les sommes demandées et les
sommes allouées
L'étude des écarts entre les sommes
demandées par les victimes d'atteinte au droit moral et les sommes
allouées en réparation n'est pas toujours possible. En effet, ces
chiffres n'apparaissent pas systématiquement dans les décisions
publiées76. Sur notre échantillon de décisions,
nous remarquons que les demandeurs obtiennent en règle
générale au mieux un peu plus de la moitié des sommes
demandées. La plupart du temps, ils se voient allouer une
69 Paris, 8 sept. 2004 : Légipresse
2005, n° 219, III, p. 25, note V. Varet. Dans cette décision, la
Cour d'appel n'énonce pas formellement qu'il s'agit d'une atteinte au
respect de l'oeuvre mais en l'espèce, M. Luc Besson invoquait la
dénaturation des images de son film et la Cour fit droit à cette
demande.
70 TGI Paris, 28 sept. 2001 : RIDA, avr.
2002, p. 453.
71 Une décision toutefois, réparant
deux atteintes : une au respect de l'oeuvre et une autre au droit au nom,
distingue les sommes allouées à chaque titre : 8.000 euros dans
les deux cas : Paris, 12 déc. 1995, « Société
Média RATP et autre c./ Gérard Scher et autre » :
RIDA, juill. 1996, p. 372.
72 Paris, 20 sept. 1994 : RIDA, avr. 1995, p.
367.
73 Versailles, 5 nov. 1998, « Sté Arkadia
c./ Jean-Pierre Leloir » : RIDA, avr. 1999, p. 367.
74 Paris, 11 juin 1997, « Consorts Lemaitre c./
Société Guerlain et autres » : RIDA, oct. 1997, p.
255.
75 Comme le remarque le Professeur F.
Pollaud-Dulian, « ici, l'évaluation ne pouvant être
objective, par hypothèse, elle est généralement
proportionnelle à la gravité de la faute, c'est à dire de
l'atteinte au droit moral, ce qui en fait surtout une forme de peine
privée », Le droit d'auteur, Economica, 2005, n°
1336.
76 Par exemple : TGI Paris, 28 sept. 2001 :
RIDA, avr. 2002, p. 453 ou TGI Paris, 17 déc. 2002, « Jean
Bonhotal et Sté BBA Architecture c./ Sotheby's France et Sotheby's
International Realty » : RIDA, janv. 2004, p. 258.
somme équivalente au tiers ou au quart de ce qu'ils
réclamaient, parfois même un sixième ou un septième
seulement77.
II.Comparaison des sommes allouées au sein du
droit de la propriété industrielle
Nous étudierons ici les réparations
allouées en fonction des droits de propriété industrielle
en cause pour voir s'il existe des différences notables. A cette fin, il
conviendra d'abord de comparer les sommes globales accordés pour
réparer les atteintes (A), puis, plus précisément selon
les chefs de préjudice (B) et enfin nous mettrons ces montants en
rapport avec ceux alloués au titre de la concurrence déloyale
(C).
A.Comparaison des sommes globales78 allouées pour la
contrefaçon au sein du droit de la propriété industrielle
(brevets et marques)
Sur un échantillon de vingt-sept décisions
récentes79 en droit des marques, nous observons que les
sommes allouées à titre de dommages et intérêts
sanctionnant la contrefaçon s'échelonnent d'un montant de 3 000
à 150 000 euros. Parmi elles, seules trois décisions font
état d'un montant égal ou supérieur à 100 000
euros.
S'agissant du droit des brevets, sur un échantillon de
vingt-huit décisions récentes80, les montants
alloués vont de 10 000 euros à 693 653 euros81. Ici,
treize de ces décisions font état d'un montant égal ou
supérieur à 100 000 euros.
L'écart entre les montants apparaît peut
être encore plus significatif si l'on compare les sommes moyennes
allouées. La somme moyenne de dommage et intérêts
accordée à un demandeur, d'après les décisions
relevées en droit des marques, est de 28 700 euros alors qu'en droit des
brevets, l'on atteint la somme de 168 000 euros. D'après nos
données, les dommages et intérêts alloués pour les
contrefaçons de brevets sont donc près de six fois plus
importants que ceux accordés pour des contrefaçons de marques.
77Par exemple une espèce où le demandeur
réclamait 60.000 euros et n'en obtint que 8.000 : TGI Paris, 21 sept.
1994, « Consorts Giraud d'Agay et autres c./ Emmanuel Chadeau et autres
» : RIDA, janvier 1995, p. 253.
78 Nous entendons par l'expression « sommes
globales », le montant alloué, tout chef de préjudice
confondu (gain manqué, pertes subies...).
79 Il nous a semblé plus pertinent de
choisir des décisions récentes afin de brosser un portrait du
droit positif. La plus ancienne décision de cet échantillon
remonte au 21 octobre 2002. Ont été retenues uniquement des
décisions où le titulaire reçoit in fine des
dommages et intérêts pour la contrefaçon de son titre.
80 La plus ancienne décision de cet
échantillon remonte au 13 juin 2003.
81 TGI Paris, 8 mars 2006, « Citec Environnment
SA c./ Ka France SARL et autre », PIBD 2006, 832-III-429.
Cet écart s'accroît encore si l'on prend en
considération un autre facteur que nos chiffres n'incluent pas. Sur les
vingt-huit décisions étudiées en droit des brevets, la
moitié d'entre elles seulement n'alloue ces sommes qu'à titre
définitif, ce qui n'est jamais le cas en droit des marques dans les
décisions analysées, les autres le faisant à titre de
provision. En effet, en droit des brevets, la détermination de la masse
contrefaisante revêt une grande importance. Celle-ci est souvent longue
et compliquée. Ainsi, lorsque le juge statue, il ne possède pas
nécessairement tous les éléments pour apprécier
l'entier préjudice. Pour ne pas faire attendre le demandeur trop
longtemps, il alloue souvent une somme provisionnelle à valoir sur
l'indemnisation définitive. Ainsi, pour connaître l'ampleur de
l'entier préjudice, le juge ordonnera une mesure d'expertise pour
déterminer précisément la masse
contrefaisante82. D'ailleurs, les titulaires de brevets victimes de
contrefaçons demandent souvent une provision à hauteur d'une
certaine somme et non pas des dommages et intérêts
définitifs83. Parfois le juge n'accordera qu'une somme
provisionnelle au demandeur mais déterminera l'entier préjudice
dans un second temps une fois que le défendeur aura produit les
pièces que le juge lui ordonne de fournir dans le dispositif même
de la décision84.
Quoi qu'il en soit, il faut donc majorer le chiffre moyen de
168 000 euros de dommages et intérêts alloués au titre de
la contrefaçon de brevets pour avoir une idée plus proche de la
réalité. Cela amplifie encore l'écart important avec le
chiffre moyen de 28 700 euros pour la contrefaçon de marques. Notre but
ici est de montrer l'ampleur de l'écart entre les réparations de
contrefaçons de marques et de brevets et non pas de pointer une
injustice entre le traitement qui serait réservé aux
différents droits de propriété industrielle. L'importance
des chiffres relatés pour les brevets s'explique d'une part par le fait
qu' en cette matière, c'est le produit lui-même qui est
contrefait, alors qu'en droit des marques, on ne traite que de la marque
apposée sur le produit. De plus, comme il a été dit, les
juges réparent en principe uniquement le préjudice subi par le
titulaire du droit de propriété intellectuelle. Ainsi, le montant
des sommes alloués devraient seulement refléter l'importance du
préjudice souffert par le titulaire.
82 Voir par exemple : TGI Paris, 1er juin 2006,
« Mecaplast SAM c./ Grupo Antolin Irausa SA et autre », PIBD
2006, 837-III-605 ou TGI Paris, 11 mars 2005, « Valois c./ Rexam
Dispending System », PIBD 2005, 816-III570.
83Voir par exemple : TGI Paris, 5 oct. 2005, «
Zodiac Pool Care Europe c./ Arch Water Products France et autres»,
PIBD 2006, 821-III-14 où le Tribunal considère que la
demande de provision formulée à hauteur de 200 000 euros est
incontestablement justifiée.
84 Voir par exemple : TGI Paris, 25 janv. 2006,
« Sonja Klotz et autre c./ Castorama France SA et autres »,
PIBD 2006, 828-III-277 : le juge considéra dans cette
espèce que la mesure d'expertise ne s'avérait pas
nécessaire compte-tenu de l'absence de complexité en
l'espèce de l'évaluation des préjudices.
B.Comparaison des sommes allouées selon les chefs de
préjudice
Il apparaît presque impossible de procéder
à une comparaison des montants alloués selon les chefs de
préjudice (gain manqué et pertes subies). Comme nous l'avons
déjà signalé, les décisions ne donnent
qu'exceptionnellement ces indications. Cependant, ils nous semble toutefois que
l'on peut considérer que les pertes subies par le titulaire sont
proportionnellement mieux indemnisées en droit des marques qu'en droit
des brevets. A l'inverse, les gains manqués seraient mieux
réparés en droit dans ce dernier domaine.
Sur les vingt-huit décisions étudiées en
droit des brevets, seules deux d'entre elles distinguent les dommages et
intérêts alloués au titre du gain manqué et au titre
des pertes subies. La première une somme de 256 34785 euros
au titre du gain manqué et une somme de 50 000 euros au titre des pertes
subies. La seconde décision86 fait état de la somme de
340 198 euros au titre du gain manqué et de celle de 30 000 euros au
titre des pertes subies. Ainsi dans la première espèce est
accordée une somme plus de cinq fois plus importante au titre du gain
manqué qu'au titre des pertes subies et dans la seconde, les dommages et
intérêts sont plus de dix fois plus importants pour le gain
manqué que pour les pertes subies. Naturellement nous ne pouvons faire
de ces deux espèces une généralité mais tout au
plus des indices. Mais par ailleurs, les motivations des décisions en
droit des brevets mettent le plus souvent en avant la masse contrefaisante pour
justifier le montant de la condamnation87.
En revanche en droit des marques, le préjudice du chef
des pertes subies semble occuper une place plus importante, au moins par
rapport au montant global des dommages et intérêts alloués.
Par exemple la décision qui fait état du plus haut
montant88, 150 000 euros, se fonde uniquement sur le
préjudice du chef des pertes subies. D'une part est mis en avant la
notoriété de la marque contrefaite, qui « (...)
constitue un élément majeur de la société
». L'on sait que la dépréciation de la marque, voire sa
banalisation est un élément important du préjudice du chef
des pertes subies et que celui-ci est d'autant plus grand que la marque est
connue du public. D'autre part le Tribunal tient également compte des
« investissements importants » supportés par le titulaire
« pour le développement de ses marques ». De même la
diminution de l'impact d'investissements promotionnels en raison de la
contrefaçon est également classiquement pris en compte au titre
des pertes subies.
85 TGI Paris, 23 fév. 2007, « Ptc SA c./
Anlagentechnik-Baumaschinen-Industriebedarf Maschinenfabrik und
Vertriebsgellschaft et autre », PIBD 2007, 851-III-297.
86 Paris, 26 oct. 2007, « SSI Schaefer SA c./
Citec Environnement SA », PIBD 2008, 865-III-2.
87 Voir par exemple : TGI Paris, 5 nov. 2004, «
Ebrahim Simhaee c./ Multy Pack SA », PIBD 2005, 802-III-102.
88 TGI Paris, 24 janv. 2007, « Fotovista SA c./
Photoways.com SA »,
PIBD 2007, 850-III-286.
Une autre décision89 allouant un montant
important de dommages et intérêts pour une contrefaçon de
marque, soit 100 000 euros justifie une telle somme non pas par le gain
manqué mais exclusivement par référence à des
éléments du chef de préjudice des pertes subies. Ainsi, le
Tribunal énonce « (...) pour apprécier l'importance du
préjudice subi par la demanderesse, il y a lieu de prendre en
considération la notoriété non contestée des
marques et signes Vuitton et l'importance de son site internet dont elle
souligne qu'elle a investi des sommes élevées pour assurer une
présentation soignée et recherchée de son image
». Ce sont donc ici aussi uniquement la dépréciation de la
marque et les investissements promotionnels qui sont pris en compte pour
justifier la somme allouée.
De plus, il n'est pas rare qu'en droit des marques, les
demandes formulées au titre du gain manqué ne soient pas
accueillies. Ce sera le cas soit parce que la diffusion d'objets contrefaisants
a été très limitée90, soit parce que
l'importance de l'activité contrefaisante n'est pas
démontrée91, soit enfin parce qu'il y a eu
contrefaçon par le dépôt d'une marque identique ou
similaire qui n'a pas encore été exploitée. Dans ces
situations, les juges n'accorderont des dommages et intérêts en ne
se fondant que sur les pertes subies. Par exemple dans l'affaire «
Nutri-Riche », en première instance le Tribunal avait
constaté que le préjudice résultait exclusivement de
l'atteinte portée à la marque et avait alloué la somme de
30 000 euros à ce titre92. Il arrive enfin que les juges
allouent des dommages et intérêts sur ce chef de préjudice
de manière forfaitaire93.
C.Comparaison avec les sommes allouées au titre de
la concurrence déloyale
Il parait intéressant de comparer les sommes
allouées au titre de la contrefaçon à celles
allouées au titre de la concurrence déloyale, qui par
définition ne relèvent pas de la contrefaçon.
89 TGI Paris, 4 fév. 2005, « Louis Vuitton
Malletier SA c./ Google Inc et autre », PIBD 2005,
807-III-276.
90 Voir par exemple : TGI Paris, 10 nov. 2006,
« Dinh Van SAS c./ Arthus Bertrand SA et autres », PIBD
2007, 846-III-116 où le Tribunal, n'ayant retenu que des actes
très limités de contrefaçon par reproduction,
énonce que « le préjudice se résume en
conséquence à une simple atteinte à la marque par la
banalisation du signe ».
91 TGI Paris, 30 avr. 2003, « Chantelle SA c./
Manufacturas Femininas LTDA et autres », PIBD 2003,
772-III479.
92 Voir par exemple : TGI Paris, 9 mars 2004, «
Lancôme Parfums et autres c./ Butress et autre », PIBD
2004, 790-III-421.
93 TGI Paris, 30 avr. 2003, préc. où une
somme forfaitaire de 15 000 euros avait été allouée sur le
fondement de la dévalorisation de la marque et de la
dépréciation de sa valeur attractive.
1.En droit des marques
Selon le Professeur J. Passa : « Il est
extrêmement fréquent qu'une action en concurrence déloyale,
fondée sur le droit commun de la responsabilité du fait personnel
de l'article 1382 du Code civil, soit exercée conjointement à une
action en contrefaçon de marque »94. Notre
étude ne dément pas ces propos puisque sur les vingt-sept
décisions analysées, quinze d'entre elles font état d'une
action en concurrence déloyale en plus de l'action en contrefaçon
de marque. Il est d'abord intéressant de noter que lorsque l'action en
contrefaçon prospère, il en va très souvent de même
pour l'action en concurrence déloyale. En effet, seules trois
espèces voient cette action rejetée, soit un cinquième des
cas seulement. De plus, le montant moyen des dommages et intérêts
alloués au titre de la concurrence déloyale dans des affaires de
droit des marques est de 42 900 euros95, soit environ 14 000 euros
de mieux que pour les montants alloués au titre de la
contrefaçon. L'action en concurrence déloyale, lorsqu'elle est
justifiée par une faute dommageable distincte de la contrefaçon,
est donc une source d'indemnités nettement plus importante que l'action
en contrefaçon. Par ailleurs la somme maximale recensée parmi nos
décisions est celle de 150 000 euros, soit l'équivalent de la
somme maximale allouée pour contrefaçon de marque96.
Ainsi, il n'est pas rare que le contrefacteur soit condamné plus
lourdement à ce titre qu'à celui de la contrefaçon. Mais
naturellement il convient de garder à l'esprit qu'une telle action n'est
pas toujours possible.
2.En droit des brevets
En cette matière, notre étude montre que les
actions en concurrence déloyale accompagnent moins souvent les actions
en contrefaçon de brevet qu'en droit des marques. En effet, sur les
vingt-huit décisions analysées, seulement douze relatent de
telles demandes et sept d'entre elles, donc plus de la moitié, ne sont
pas accueillies par les juges. Lorsque des dommages et intérêts
ont été alloués à ce titre, la somme moyenne est de
23 500 euros. Il faut se souvenir que la somme moyenne allouée au titre
de la contrefaçon de brevets était de 168 000 euros, soit un
montant plus de sept fois supérieur. Le montant maximum culmine à
50 000 euros97
94 J.Passa, Traité de droit de la
propriété industrielle, Tome 1, LGDJ, 2006, n°466.
95 Nous ne prenons pas en compte dans notre calcul
les décisions allouant un montant global au titre de la
contrefaçon et de la concurrence déloyale, par exemple : Paris,
14 déc. 2007, « SARL MG Parfums et autres c./ S.A L'Oréal et
autres », collections du CDPI de l'INPI (M20070686). Toutefois,
de telles décisions sont minoritaires, les juges prenant en
général le soin de distinguer.
96 TGI Paris, 24 janv. 2007, préc.
97 Paris, 18 mai 2005, « Faresin SARL et autre
c./ Peri Gmbh », PIBD 2005, 814-III-496.
alors que le montant minimum est d'un euro
symbolique98. Ainsi, en droit des brevets l'action en concurrence
déloyale est moins fréquente qu'en droit des marques et cela
s'explique probablement d'une part par le montant des sommes allouées
qui est nettement inférieur et d'autre part par la difficulté en
cette matière de prouver des faits réellement distincts de la
contrefaçon.
III.Comparaison des sommes allouées entre droit
d'auteur et droit de la propriété industrielle
Nos chiffres démontrent que les contrefaçons de
brevets sont finalement de loin celles qui sont le mieux réparées
au niveau des dommages et intérêts (168 000 euros en moyenne).
Très loin derrière arrivent les atteintes au droit d'auteur dans
sa composante patrimoniale (38 000 euros). Les contrefaçons de marque
sont réparées quant à elle dans une mesure comparable
à celle du droit moral (28 700 euros contre 23 000 euros).
Naturellement, ces chiffres ne démontrent pas que pour
les magistrats une contrefaçon de brevet serait plus condamnable qu'une
contrefaçon d'objets protégés par un droit d'auteur ou
d'une marque. Les montants alloués au titulaire sont en principe
proportionnels au préjudice subi par ce dernier et celui-ci, comme nous
l'avons vu, s'évalue notamment en fonction de l'exploitation qui en est
faite. Cette exploitation implique plus souvent des sommes très
importantes en matière de brevet qu'en matière de droit d'auteur
ou de marque.
Quoi qu'il en soit, bien que les sommes moyennes
relevées pour chaque type de droit soient des chiffres en soi
importants, les titulaires de droits victimes de contrefaçons se sont,
en règle générale, révélés
mécontents de ces résultats99. Il convenait donc
d'envisager des solutions pour remédier à cet état de
fait.
98 Paris, 18 fév. 2005, « Atral SA et
autre c./ Gérald Buisson et autres », PIBD 2005,
811-III-388.
99 Voir notamment G. Triet, «Indemnisation des
préjudices en matière de contrefaçon: les entreprises
françaises sont insatisfaites», RIPIA, 2000, p. 92.
Troisième partie Les solutions
proposées pour une meilleure réparation des préjudices
Si un meilleur étaiement des dossiers des victimes de
contrefaçons aboutirait sans doute à une meilleure
réparation judiciaire des préjudices subis ( I ), un autre
facteur pourrait contribuer à atteindre un tel résultat :
l'introduction récente de nouvelles mesures dans le système
français ( II ).
I.La nécessité d'un meilleur
étaiement des dossiers des victimes
Le trop faible montant des indemnisations allouées aux
victimes de contrefaçons semble être proportionnel au faible
volume de pièces justificatives prouvant aux magistrats les
préjudices réellement subis et quantifiant ceux-ci
précisément (A), pour palier à ces carences, les
demandeurs disposent de différentes voies, classiques ou nouvelles
(B).
A.Les plaintes des magistrats quant au manque de
documents
Comme il a déjà été
évoqué, l'application des règles de la
responsabilité civile impose aux magistrats de réparer
intégralement les préjudices soufferts par le titulaire de droits
victime d'actes de contrefaçon mais dans la limite de ce dont la preuve
est rapportée, du moins jusqu' à maintenant100. Un
magistrat ne saurait donc en principe réparer plus que cela.
Le faible montant des dommages et intérêts
alloués est souvent dénoncé101 mais celui-ci
serait également, dans une certaine mesure, la conséquence du peu
de preuves attestant de préjudices imputables à la
contrefaçon versé aux débats par les victimes
elles-mêmes. Par exemple, un intervenant s'exprimait en ces termes au
cours d'un colloque : « j'ai remarqué d'un point de vue de
praticien, que les parties attachent souvent beaucoup d'importance à
présenter au juge un dossier très complet en ce qui concerne la
validité du droit et la
100 Comme nous le verrons plus avant, l'application de la loi du
29 octobre 2007 pourrait changer quelque peu la donne.
101 Par exemple, une étude révélait que
100% des entreprises interrogées étaient insatisfaites, en
France, de la réparation de leur préjudice en matière de
brevet et 87, 5% en matière de marque. G. Triet, «Indemnisation des
préjudices en matière de contrefaçon: les entreprises
françaises sont insatisfaites», RIPIA, 2000.
contrefaçon du droit, mais (...) qu'elles
ne donnent pas assez d'importance, à mon sens, à la
présentation économique des dommages et intérêts. Il
est très symptomatique de voir comment en France on rédige les
assignations : « à la louche ». On demande 100 MF de dommages
et intérêts sans aucun justificatif (...). On donne un
chiffre qui ne repose sur aucune justification économique
»102.
Ce constat est confirmé en des termes très nets
par Madame Belfort, Vice-Présidente du TGI de Paris : « Le principe
de stricte réparation du préjudice subi impose la justification
à l'aide de pièces par la victime de la contrefaçon du
préjudice qu'elle allègue. Dans les dossiers des victimes de
contrefaçon, il n'y a le plus souvent aucune pièce justifiant le
préjudice subi. De plus, comme le souligne un auteur « C'est
d'ailleurs l'une des défenses classiques des contrefacteurs : pointer
l'absence de pièces justifiant du préjudice afin d'en contester
l'existence »103 Cette situation explique l'absence de
motivation des juges sur la réparation du
préjudice104. La magistrate précitée soulignait
d'ailleurs elle-même au cours d'un colloque que la somme accordée
en indemnisation des préjudices du fait de la contrefaçon
était d'un rapport de 1 à 6 de la somme demandées par les
parties105.
La victime de la contrefaçon, par
l'intermédiaire de son conseil, aura donc intérêt à
établir de la façon la plus complète d'abord le gain
manqué, par des chiffres établissant l'ampleur de la masse
contrefaisante, et ensuite la perte subie du fait de la contrefaçon.
Cette perte est souvent plus difficile à établir,
particulièrement en ce qui concerne la banalisation ou
dépréciation du titre de propriété intellectuelle
en cause. Il convient désormais d'analyser les moyens d'améliorer
cette situation.
102 Maître Lenoir, « Quelles sanctions pénales
et quelle efficacité » ? Colloque de l'IRPI, 17 déc 2002,
Litec 2003, p. 141.
103 B. May, « Améliorer l'indemnisation de la
contrefaçon : la loi ne suffira pas », Propriété
Industrielle, mars 2008, p. 11.
104 E. Belfort, « L'indemnisation des préjudices en
matière de contrefaçon : La pratique des tribunaux en France
», RIPIA 2000, n°201, p. 75.
105 E.Belfort, préc. p. 72.
B.Les voies d'amélioration possibles
1.Le recensement des documents nécessaires
De façon générale, il est possible de
dresser une liste des documents que devraient au moins contenir tous les
dossiers106 :
-une évaluation de la masse contrefaisante
-le prix unitaire du produit contrefaisant
-le prix unitaire du produit authentique
-des renseignements sur la valeur du titre de
propriété intellectuelle contrefait -commandes annulées ou
réclamations de clients ou de revendeurs
-les devis de publication des dispositifs de décision dans
les journaux si le tarif habituel n'est pas satisfaisant
-les factures d'honoraires des avocats et de tout conseil ayant
aidé à la procédure107, la liste et la
justification des frais liés à la conduite du procès
-Eléments comptables permettant aux juges de
procéder à des calculs financiers et à constater
l'évolution du chiffre d'affaires avant et après la
contrefaçon alléguée
Les éléments de cette liste ont tous pour objet
de donner aux magistrats des chiffres précis sur les montants en cause,
chiffres dont ils n'auraient pas nécessairement idée sans cela.
Instruits de la sorte, les magistrats pourront ensuite allouer des sommes en
rapport avec la réalité des pertes. Comme l'écrit un
auteur « procurer aux juges les justificatifs permettant de
déterminer objectivement le préjudice permet sans aucun doute
d'augmenter l'indemnité de contrefaçon
»108.
La détention et donc la production aux débats de
certains des éléments précités relève de la
bonne gestion des affaires du titulaire de droits, personne physique ou morale
victimes de contrefaçons (éléments comptables, factures,
devis...) et n'appellent pas de développements particuliers. D'autres
éléments en revanche seront obtenus par une démarche plus
particulière comme la saisie-contrefaçon ou par une demande
formulée à la juridiction saisie.
106 Selon Madame Mandel, L'indemnisation du préjudice en
cas de contrefaçon de marque ou de modèle, GP 1996, 1,
doctr. 600 et Madame Belfort, préc. p. 76.
107 Par exemple les justificatifs des honoraires versés
à l'huissier qui a procédé à la
saisie-contrefaçon et au conseil en propriété
industrielle. Selon P. Massot, en pratique les sommes allouées au titre
de l'article 700 du NCPC sont fixées de manière forfaitaire et ne
correspondent pas aux frais réels mais certaines décisions
récentes démontrent qu'une évolution est possible. P.
Massot, Les sanctions de la contrefaçon, Cahiers IRPI, 2005, p.
59.
108 B. May, « Améliorer l'indemnisation de la
contrefaçon : la loi ne suffira pas », préc. p.
13.
2.L'utilisation plus fréquente de la
saisie-contrefaçon
Si la preuve des actes de contrefaçon peut être
rapportée par tous les moyens du droit commun109 , le
titulaire de droits victime d'actes de contrefaçon aura tout
intérêt110 à utiliser également la voie
d'exception offerte par le Code de la Propriété intellectuelle
qu'est la saisie-contrefaçon111. Il s'agit bien là
d'une voie d'exception venant quelque peu tempérer le principe
français selon lequel il incombe au demandeur de faire la preuve de ses
prétentions112. Celle-ci lui sera utile pour éviter la
carence d'éléments rapportant la preuve de la
matérialité de la contrefaçon, c'est-à-dire de la
masse contrefaisante, dans l'optique de démontrer l'importance du
préjudice subi au titre du gain manqué.
Toute personne disposant du droit d'agir en contrefaçon
peut demander au TGI compétent, par requête, l'autorisation de
pratiquer la saisie-contrefaçon. Lorsqu'elle est accordée, la
saisie-contrefaçon donne lieu à une saisie description et
éventuellement à une saisie réelle, ce que le magistrat
précise.
Dans le cadre d'une saisie description s'accompagnant d'une
saisie réelle, la saisie portera sur un échantillon des objets
contrefaisants eux-mêmes mais aussi sur les instruments qui ont servi
à leur fabrication. La question s'est posée de savoir si
l'huissier instrumentaire (ou le commissaire de police) pouvait
également saisir des documents commerciaux afin d'établir
l'étendue de la contrefaçon alléguée. Après
quelques hésitations113, la jurisprudence s'est fixée
sur une réponse affirmative à cette question, l'opération
de saisie-contrefaçon pouvant donc porter sur des documents commerciaux,
par exemple des documents comptables114. L'avantage de cette
solution est d'éviter que de telles preuves ne disparaissent par la
suite et éventuellement de faire l'économie du recours à
une expertise in fine. Aujourd'hui cette possibilité ne saurait
être remise en question car la loi du 29 octobre 2007 de « lutte
contre la contrefaçon », transposant la directive communautaire du
29 avril 2004 a ajouté aux « produits ou procédés
prétendus contrefaisants » pouvant faire l'objet d'une saisie
réelle « tout document s'y rapportant ».
109 Cass. civ, 30 mai 1927, Ann. propr. ind. 1928.33.
110 Il y va de l'intérêt du demandeur de la victime
en contrefaçon mais cette voie n'est nullement un préalable
obligatoire à l'action en contrefaçon.
111 La loi du 29 octobre 2007 a étendu le champ de la
saisie-contrefaçon aux indications géographiques (art 29 de la
loi et art L.722-4 du CPI) et aux produits semi-conducteurs (art 19 de la loi
et art L.622-7 du CPI).
112 Selon l'article 1315 du Code civil, « Celui qui
réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ».
113 De rares décisions avaient répondu à
cette question par la négative, par exemple : Bourges, 19 fév.
2001, Ann. propr. ind. 2001, p. 263.
114 Paris, 6 fév. 2004, Société Diramodic
c./ Sté RB Fashion et Toboggan, PIBD 2004, 791-III-461 qui
admet que « la matérialité de la contrefaçon porte
nécessairement sur l'étendue de celle-ci ».
Le titulaire d'un droit de propriété
intellectuelle qui se dit victime d'actes de contrefaçon trouvera donc
dans la saisie-contrefaçon une occasion de se constituer de solides
preuves afin de démontrer son gain manqué : son étendue
(évaluation de la masse contrefaisante), le prix des produits
contrefaisants mais également dans une certaine mesure la perte subie,
par exemple la piètre qualité d'un produit contrefaisant pouvant
démontrer la dépréciation d'une marque ou du produit
breveté... Une utilisation plus systématique de cette voie
permettrait sans doute d'étayer les demandes de dommages et
intérêts et ainsi d'offrir aux magistrats matière à
indemniser.
Le demandeur devra cependant être diligent car la
recevabilité de telles preuves est soumise à un délai pour
introduire l'action en contrefaçon à compter de
l'exécution de la saisie, soit à compter de la date figurant sur
le procès verbal115.
3.L'utilisation prochaine du nouveau « droit à
l'information »
La directive du 29 avril 2004 dans son article 8 consacre un
nouveau « droit à l'information » en faveur du demandeur en
contrefaçon inspiré des législations belges et allemandes.
La disposition reprise par la loi de lutte contre la contrefaçon du 29
octobre 2007 a été codifiée dans le Code de la
Propriété intellectuelle pour tous les droits de
propriété intellectuelle et droits voisins116. Cette
disposition a pour objet de contraindre les personnes en possession de
marchandises contrefaisantes, au besoin sous astreinte, à fournir des
informations sur l'origine et les réseaux de distribution des
marchandises ou des services qui portent atteinte à un droit de
propriété intellectuelle. C'est au titulaire de droits victime de
contrefaçon qu'il revient de formuler une telle demande à la
juridiction saisie.
Effectivement, cette mesure implique que la juridiction soit
déjà saisie d'une action au fond, elle est donc bien
différente de ce point de vue de la saisie-contrefaçon qui est
une mesure provisoire. De plus, elle se différencie encore nettement de
cette dernière par les personnes visées qui ne sont pas seulement
le contrefacteur supposé, le défendeur, mais également
« (...) toute personne qui a été trouvée en
possession de produits contrefaisants ou mettant en oeuvre des
procédés contrefaisants ou qui fournit des services
utilisés dans des activités de contrefaçon ou a
été signalée comme intervenant dans la production, la
fabrication ou la
115 Ce délai était de quinze jours avant
l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, celle-ci prévoit que le
nouveau délai sera précisé par décret.
116 L.331-1-2 du CPI pour le droit d'auteur, droits voisins et
droits du producteur de bases de données, L.521-5 pour les dessins et
modèles, L.615-5-2 pour les brevets, L.622-7 pour les produits
semi-conducteurs, L.623-27-2 pour les obtentions végétales,
L.716-7-1 pour les marques et L.722-5 pour les indications
géographiques.
distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces
procédés ou la fourniture de ces services ».
Le demandeur pourra obtenir de tous tiers ayant un lien avec
la contrefaçon de son titre des informations précises :
« nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs,
fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits,
procédés ou services (...) » ce qui est
intéressant pour pouvoir remonter les filières.
Le demandeur trouve également dans cette disposition
une façon de combler les carences de son dossier car elle permet
d'exiger « les quantités produites, commercialisées,
livrées, reçues ou commandées, ainsi que les prix obtenu
pour les produits, procédés ou services en cause ».
Ainsi, si de telles informations sont obtenues, les magistrats seront
éclairés de l'ampleur du préjudice subi par le titulaire,
ce qui peut s'avérer précieux pour ce dernier s'il n'avait pu
fournir de tels éléments, par exemple à défaut de
saisie-contrefaçon. Comme le souligne un auteur, « (...) le
plus souvent, les défendeurs à la contrefaçon refusent de
communiquer en cours de procédure leurs comptes / parts de marché
/ fichier clients, et les juges de la mise en état sont réticents
à l'idée d'ordonner la communication de tels documents couverts
par le secret des affaires, tant que la contrefaçon n'est pas
établie »117. Le demandeur trouve donc là un
moyen légal de forcer le défendeur à produire ces
éléments essentiels.
II.Nouvelles mesures d'indemnisation introduites dans
le système français
La transposition de la directive du 29 avril 2004 a eu pour
conséquence d'introduire des mesures inconnues jusque là en
France mais déjà pratiquées à l'étranger. Il
sera question ici des deux principales innovations en cette matière, une
appréciation du préjudice prenant en compte notamment les
bénéfices réalisés par le contrefacteur (A)
alternant avec une évaluation forfaitaire imposant a minima le
prix d'une redevance indemnitaire (B).
117 B. May, « Améliorer l'indemnisation de la
contrefaçon : la loi ne suffira pas », préc, p. 9.
A.La prise en compte des bénéfices du
contrefacteur
1.Les modèles étrangers
Un certaine nombre de législations permettent à
la victime de contrefaçons de se faire attribuer les
bénéfices réalisés par le
contrefacteur118.
Aux Etats Unis, la loi de 1909 énonçait que
toute personne reconnue responsable d'une infraction à un
copyright devrait rembourser à son propriétaire les
dommages que celui-ci pouvait avoir subi du fait de cette atteinte, ainsi que
les bénéfices retirés de cette exploitation illicite. La
loi semblait donc permettre un cumul de ces modes d'indemnisation alors que
l'intention du Congrès était d'accorder alternativement l'un ou
l'autre type de dommages et intérêts. La jurisprudence fut
contradictoire sur ce point jusqu' à la loi de 1976. Ce texte vint
préciser que « l'allocation des bénéfices du
contrefacteur à la victime s'ajoute au remboursement du préjudice
subi par celle-ci, si ces profits ne sont pas pris en compte dans le calcul du
préjudice »119. De plus, cette loi a
précisé que le titulaire du copyright était tenu
de présenter des preuves relatives uniquement au revenu brut du
contrevenant, et que ce dernier devait apporter la preuve de ses frais
déductibles et des éléments de bénéfices
imputables à des facteurs autres que l'oeuvre protégée.
Un système similaire s'applique en droit des marques.
Le demandeur pourra démontrer quel a été le chiffre
d'affaires réalisé par le contrefacteur, notamment grâce
à la mesure de la discovery qui lui permet d'obliger le
contrefacteur à lui soumettre certains documents. Ce dernier aura alors
la charge de démontrer l'étendue des frais qu'il a engagé.
Les juges pourront ainsi apprécier dans une certaine mesure les
bénéfices effectivement réalisé par le
contrefacteur et en attribuer le montant au demandeur.
En revanche, le droit des brevets américains
n'indemnise pas la victime de la contrefaçon par la remise des
bénéfices du contrefacteur mais connaît une
possibilité pour le juge d'augmenter les dommages et
intérêts jusqu' à trois fois leur montant120.
En Allemagne le titulaire de droit de propriété
intellectuelle victime de contrefaçons, au lieu de tenter de
démontrer son gain manqué, pourra demander une redevance
raisonnable ou bien l'attribution des profits réalisés par le
contrefacteur. Cette possibilité est expressément prévue
dans les lois sur le droit d'auteur et sur les dessins et modèles. En
revanche, en droit des
118 Selon M. Véron, la France a également connu
un tel système en matière de brevets d'invention, jusqu'à
un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation intervenu en 1963. M.
Béhar-Touchais, « Comment indemniser la victime de la
contrefaçon de façon satisfaisante » ?, préc.
119 A-J. Kevorkian, préc. p. 83.
120 Paragraphe 2 de la section 284 du Titre 35 du USC.
brevets, cette solution est jurisprudentielle depuis une
décision de la Cour d'appel commerciale impériale allemande de
1874, régulièrement reprise par les juridictions depuis. Un
auteur explique à ce propos que « le contrefacteur est
assimilé à une personne qui aurait agi pour le compte du
breveté »121. Opter pour la remise des
bénéfices réalisés par le contrefacteur
n'était pas nécessairement la solution la plus
intéressante pour le titulaire de droits. En effet, d'une part la loi
allemande ne connaissait pas de mesure pour obliger le contrefacteur à
remettre certains documents au demandeur et d'autre part les tribunaux
permettaient au contrefacteur de déduire une large part de ses frais :
coûts fixes et coûts variables, réduisant souvent les
bénéfices à un chiffre dérisoire. Mais depuis une
décision du Bundesgerichtshof de 2001122 interdisant
au contrefacteur la déduction de ses coûts fixes, l'attribution
des bénéfices est devenue une option financièrement
intéressante pour la victime de la contrefaçon.
2.L'introduction de la mesure dans le système
français
La directive du 29 avril 2004 dispose dans son article 13 a)
que lorsque les autorités judiciaires fixent les dommages et
intérêts, elles « prennent en considération tous
les aspects appropriés tels que les conséquences
économiques négatives, notamment le manque à gagner,
subies par la partie lésée, les bénéfices
injustement réalisés par le contrevenant et (...) le
préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de
l'atteinte ».
La loi française a été fidèle
à la directive, disposant que « la juridiction prend en
considération les conséquences économiques
négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie
lésée, les bénéfices réalisés par le
contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire du droit
du fait de l'atteinte ». D'emblée l'on remarque que cette
nouvelle mesure est d'un genre différent de celles
étudiées ci-avant pour les législations américaine
et allemande. En effet, il n'est pas question ici d'attribuer les
bénéfices réalisés par le contrefacteur au
titulaire de droits victime123. Ces sommes seront simplement
considérées pour calculer le montant des indemnités. Cette
nouvelle donnée pose toutefois problème dans son
interprétation. En effet, l'on peut se demander quel emploi les juges
feront de cette
121 P. Meier-Beck, préc. p. 13.
122 Décision publiée sous le titre «
Attribution des coûts fixes » (Gemeinkostenanteil), 145
BGHZ 366, 2001 GRUR 329, 33IIC 900 (2002).
123 Ce que l'on peut regretter, avec un auteur qui proposait,
en matière de brevet, d'ajouter au livre VI du CPI un article disposant
« Le propriétaire d'un brevet victime d'un acte de
contrefaçon est en droit d'obtenir, à titre de réparation
complémentaire de son préjudice, le bénéfice
intégral réalisé par le contrefacteur ». G. Triet,
«Indemnisation des préjudices en matière de
contrefaçon: les entreprises françaises sont insatisfaites»,
RIPIA, 2000, p. 94.
disposition. Dans la circonstance où le titulaire ne
parvient pas à prouver un préjudice élevé, les
juges s'en serviront probablement pour augmenter quand même
l'indemnisation. Cette solution serait donc contraire au principe de
réparation intégrale, principe phare du droit français de
la responsabilité civile qui, comme il a déjà
été signalé, pourrait donc être abandonné
dans une certaine mesure. Un auteur considère à ce sujet que
« La rupture est, en apparence, franche avec le droit commun. Il ne
s'agit plus de réparer le préjudice subi par la victime mais
d'accabler le contrefacteur »124 mais ajoute que «
la rupture pourrait bien être, cependant, plus apparente que
réelle. Il est vraisemblable que les juges du fond intégraient
cet élément dans la fixation des dommages et
intérêts qu'ils opéraient, assurés d'une relative
impunité compte tenu du contrôle classiquement discret de la Cour
de cassation ».
Pour d'autres auteurs « sans obligatoirement
l'égaler, l'évaluation des dommages et intérêts
devra désormais tendre vers l'addition du manque à gagner, des
bénéfices réalisés par le contrefacteur, du
préjudice moral125 et d'autres préjudices que le
demandeur aura pris soin de soulever »126. Cependant, l'on
peut douter que le système français devienne véritablement
« un Eldorado à l'américaine »127
grâce à la transposition de la directive. Ce texte, dans son
considérant 26 dispose que le but n'est pas d'introduire une obligation
de prévoir des dommages et intérêts punitifs. Surtout, le
rapporteur de la loi au Sénat s'est défendu d'introduire en droit
français de tels dommages et intérêts128.
B.L'allocation d'une redevance indemnitaire au minimum
Comme il a été vu plus avant, les tribunaux
français allouaient fréquemment à la victime de
contrefaçon n'exploitant pas son titre, ou ne l'exploitant pas
personnellement l'équivalent des redevances indemnitaires auxquelles il
pouvait prétendre. En revanche, le droit français, limité
par le principe de la réparation intégrale, ignorait la
possibilité d'allouer l'équivalent
124 H. Lécuyer, « L'indemnisation du préjudice
en matière de contrefaçon », Gaz. Pal., du 23 au 27
mars 2008, p. 13.
125 La directive et la loi française font en effet
mention du « préjudice moral causé au titulaire des droits
du fait de l'atteinte » qui doit être pris en compte pour le calcul
des dommages et intérêts. Cependant, un tel préjudice
entrait classiquement dans le calcul des dommages et intérêts au
titre de la perte subie, par exemple du fait des atteintes au droit moral en
droit d'auteur ou de la banalisation d'un produit ou d'une marque en
propriété industrielle... Pour un auteur « en le
mentionnant, la loi nouvelle se veut peut être pédagogue. Beaucoup
déploraient, en effet, que le préjudice moral fût trop
souvent oublié ou négligé. La référence
explicite qui y est faite dans le texte peut être vue comme constituant
une piqûre de rappel », H. Lécuyer, préc.
126 M. Cousté et F. Guilbot, « Réforme de
l'indemnisation du préjudice de contrefaçon en France : du jardin
à la française à l'Eldorado américain » ?
Propriété Industrielle, décembre 2007,
étude n° 26.
127 Selon l'expression de M. Cousté et F. Guilbot,
préc. en référence aux dommages et intérêts
punitifs (punitive damages) parfois pharaoniques alloués par les
tribunaux américains.
« Quelques réflexions sur les dommages et
intérêts punitifs en matière de contrefaçon »,
Cah. dr.
128 P. Kamina,
entr. 2007, n° 4, p. 35.
d'une telle redevance au titulaire qui exploitait son titre
mais qui ne pouvait démontrer le préjudice allégué.
Cette solution pouvait apparaître sévère pour le titulaire
qui, pour certaines raisons ne pouvait rapporter l'entière preuve de son
préjudice ou bien seulement pour un faible montant.
1.les modèles étrangers
Aux Etats-Unis, le titulaire d'un brevet victime de
contrefaçon peut naturellement tenter de prouver quel a
été son gain manqué. Cependant, s'il échoue dans
cette tâche, ou s'il prouve peu de pertes, la section 284 du Titre 35 du
USC129 lui octroie au minimum la redevance qu'il aurait pu
espérer si elle avait été normalement
négociée avec un licencié (reasonable
royalty)130. Son montant pourra être établi
à l'aide d'experts. Les Etats-Unis connaissent aussi les dommages et
intérêts forfaitaires (statutory damages), non
basés sur le prix d'une redevance, dans leur législation sur le
droit d'auteur et sur le droit des marques.
En effet, la loi sur le copyright de 1976 dispose que
pour chaque oeuvre contrefaite, le titulaire du droit recevra,
indépendamment de la quantité, une indemnisation allant de 500
à 20 000 dollars. Ce plafond peut s'élever à 100 000
dollars si le demandeur démontre une contrefaçon
délibérée (willfull violation) et le montant
plancher peut descendre à 200 dollars si le contrefacteur prouve au
contraire sa bonne foi (fair use)131. De plus, le demandeur
peut, à tout moment132, avant que le jugement ne soit
prononcé, choisir entre les dommages et intérêts
calculés sur une base réelle ou les dommages et
intérêts forfaitaires. En droit des marques, il en va de
même pour cette option depuis 1996 et le Lanham Act, la loi sur
les marques, énonce un barème prévoyant une somme minimum
de 500 dollars pour chaque marque contrefaite et un plafond de 100 000 dollars.
La bonne foi avérée du contrefacteur pourra ici aussi
réduire le montant plancher à 200 dollars.
L'Allemagne est aussi familiarisée depuis longtemps avec
la pratique des dommages et intérêts forfaitaires basés
sur le prix d'une licence, notamment pour la sanction de contrefaçons
de brevets. L'évaluation du profit manqué par le titulaire du
fait des actes de
129 Les initiales « USC » signifient « United
States Code » : code regroupant toutes les lois fédérales en
vigueur aux Etats-Unis. Les droits de propriété intellectuelle et
donc les dispositions concernant la contrefaçon sont
réglementés par des lois fédérales et figurent
ainsi dans ce code.
130 S. Roux-Vaillard, « Réparation et punition
sanction de la contrefaçon de brevet aux Etats-Unis et en France »,
Propriété Industrielle janvier 2004, p. 9
131 A-J. Kevrokian, « Réparation monétaire des
contrefaçons », USA, RIPIA 2000, p. 83.
132 Selon J.M Baudel, La législation des Etats-Unis
en matière sur le droit d'auteur, Frison-Roche, 1990, la loi de
1909 prévoyait que le juge choisissait lui-même d'accorder au
demandeur des dommages et intérêts calculés soit en
fonction du préjudice réel ou bien forfaitairement. Ce
système a été critiqué, la loi de 1976
réserve désormais ce choix au demandeur.
contrefaçon étant particulièrement
complexe, le droit allemand offre plusieurs alternatives, notamment la
possibilité pour le breveté de demander une redevance
adéquate plutôt que la détermination de son profit
manqué. Cette possibilité a été imposée par
la jurisprudence : reconnue dès le début du XXe siècle par
le Reichsgericht, la Cour suprême impériale allemande et
reprise par les décisions du
Bundesgerichtshof133.
Ce procédé demeurait donc inconnu du droit
français alors qu'il était pratiqué depuis longtemps dans
d'autres systèmes, ainsi un auteur écrivait dans un article paru
en janvier 2004 « un tel minimum légal n'existe pas en droit
français qui prévoit que tout le dommage mais rien que le dommage
doive être réparé »134.
2.L'introduction de cette mesure dans le système
français
Le principe est imposé à l'ensemble de la
communauté européenne et donc à la France par la directive
du 29 avril 2004 en son article 13. Celui-ci dispose que «
lorsqu'elles fixent les dommages-intérêts, les
autorités judiciaires : prennent en considération tous les
aspects appropriés (...) ou à titre d'alternative,
peuvent décider, dans des cas appropriés, de fixer un montant
forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base
d'éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou
droits qui auraient été dus si le contrevenant avait
demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété
intellectuelle en question ».
La proposition initiale de directive du 30 janvier 2003
prévoyait un doublement de la redevance contractuelle. Le texte
définitif a retenu la formule « au moins le montant des
redevances ». Cette rédaction finale a été
critiquée en doctrine, par exemple un auteur appelait de ses voeux le
rétablissement, dans la loi française de transposition, du
doublement de la redevance contractuelle et faisait observer que rien
n'interdirait aux tribunaux d'appliquer un doublement des redevances
contractuelles puisque la rédaction de la directive ne fixe qu'un
plancher minimal135.
La loi du 29 octobre 2007 a transposé en droit
français cette exigence de la directive. Le texte dispose ainsi pour
chaque droit de propriété intellectuelle que « la
juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie
lésée, allouer à titre de dommages et
intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être
inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient
été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation
d'utiliser le droit auquel il a
133 P. Meier-Beck, « Les dommages-intérêts pour
contrefaçon de brevet en droit allemand. Principes fondamentaux,
évaluation et mise en oeuvre », Propriété
Industrielle, novembre 2004, p. 11.
134 S. Roux-Vaillard, préc.
135 J-P. Martin, « Le nouveau régime des
dommages-intérêts de contrefaçon de titres de
propriété intellectuelle selon la Directive européenne du
29 avril 2004 », Propriété Industrielle, octobre
2004, p. 12.
porté atteinte ». Comme le souligne un
auteur, « l'alternative proposée par le texte français
ne pourrait être exercée que sur demande de la partie
lésée, alors que le texte de la directive ouvre au juge la
possibilité de l'exercer d'office »136. De plus, le
texte communautaire, comme le texte français n'imposent pas l'allocation
de cette redevance indemnitaire à toute partie lésée qui
en ferait la demande. En effet, la directive énonce que les
autorités judiciaires « peuvent (le) décider
dans des cas appropriés » et la loi française dispose
que « la juridiction peut » allouer cette somme. Il ne
semble donc pas que cette redevance indemnitaire puisse être
considérée comme une indemnisation minimum que pourrait
réclamer la victime de contrefaçons, contrairement à la
mesure américaine. Ici, il s'agit, semble-t-il, d'une simple
faculté pour les juridictions. La partie lésée serait donc
tributaire de l'appréciation souveraine des juges du fond. Seule la
pratique des tribunaux répondra effectivement à ces questions.
136 B. May, « Améliorer l'indemnisation de la
contrefaçon : la loi ne suffira pas », Propriété
Industrielle, mars 2008, p. 10.
Conclusion
Une meilleure réparation des préjudices
causés par les actes de contrefaçon est un enjeu
économique essentiel aujourd'hui. En effet, les droits de
Propriété industrielle doivent inciter à l'investissement
et à la recherche et le droit d'auteur doit inciter à la
création. Sans l'assurance de droits garantissant, en cas de violation,
à la fois une juste indemnisation et une sanction
dissuasive137, l'intérêt du système de la
Propriété intellectuelle pourrait être gravement remis en
question car le justiciable ne le percevrait pas comme utile.
Puisque comme nous l'avons vu la voie pénale semble
inadaptée, le plus souvent, à ce type de contentieux, la voie
civile doit pouvoir à la fois réparer le préjudice de la
victime et dissuader en même temps le contrefacteur en prononçant
des mesures appropriées. La directive et la loi nouvelle
démontrent déjà une prise de conscience au niveau
communautaire du fait qu'un système de réparation
intégrale du préjudice est inadapté à certains
secteurs et notamment à celui de la Propriété
intellectuelle. Cependant cette nouvelle législation
confère-t-elle vraiment aux juridictions l'arsenal juridique qui faisait
défaut jusqu'ici pour arriver à ces fins ou est-elle encore trop
« timide » ? L'occasion d'introduire en droit français des
dommages et intérêts punitifs a, semble-t-il, été
manquée puisque le rapporteur du texte au Sénat s'en est
défendu. Peut-être faut-il le regretter car une telle disposition
aurait sans doute permis aux magistrats de s'affranchir réellement du
poids du passé, c'est-à-dire de la référence
exclusive au principe de la réparation
intégrale138.
137 « L'autorité effective d'un droit se mesure
à la sévérité des sanctions décidées
à l'encontre de ceux qui l'atteignent » Aspi-Femipi, «
Constatation et sanctions de la contrefaçon », Colloque Paris 1976,
Dossiers Brevets 1977.I.
138 P. Kamina, « Quelques réflexions sur les dommages
et intérêts punitifs en matière de contrefaçon
», Cah. dr. entr. 2007, n° 4, p. 35.
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intellectuelle
Droit d'auteur
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édition, Litec, 2006.
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-F. Pollaud-Dulian, Le droit d'auteur, Economica,
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-J. Azéma et J-C. Galloux, Droit de la
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Précis Dalloz, 2006.
-J. Passa, Droit de la propriété
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-F. Pollaud-Dulian, Droit de la propriété
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Ouvrages spécialisés
-J-M. Baudel, La législation des Etats-Unis sur le
droit d'auteur, Editions Frison-Roche, 1990.
Articles de doctrine
-M. Béhar-Touchais, « Comment indemniser la victime
de la contrefaçon de façon satisfaisante » ?, Colloque IRPI
du 17 déc. 2002, Litec 2003, p. 105.
-E. Belfort, « L'indemnisation des préjudices en
matière de contrefaçon : La pratique des tribunaux en France
», RIPIA 2000, n° 201, p. 72.
-W. Bourdon « Le droit pénal est-il un instrument
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