L'hypothèque maritime dans le code CEMAC de la Marine marchande( Télécharger le fichier original )par Marie Duvale KODJO GNINTEDEM Université de Yaoundé II - DEA 2008 |
Paragraphe 2 : La reconnaissance des hypothèques affectées d'un élément d'extranéité.83. L'étranger doit être appréhendé ici comme l'espace extérieur à la zone CEMAC. L'extranéité peut affecter la conclusion du contrat, la situation du navire ou sa nationalité, soit qu'il s'agisse d'hypothèques maritimes relevant du CCMM (A), ou de sûretés non connues de cette législation (B)124(*). Dans les deux cas, le législateur communautaire reconnaît à certaines conditions la validité de ces sûretés, toute chose qui contribue à rassurer les bailleurs de fond internationaux par la confiance qu'ils auront dans la législation internationale, et à favoriser le transport international. A. KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande
84. Le CCMM exige comme condition d'hypothèque des bâtiments de mer l'immatriculation, abandonnant ainsi le critère de nationalité. Toutefois, force est de reconnaître que même de façon insidieuse, ce critère est toujours pris en compte. La preuve c'est que l'hypothèque constituée sur un navire même immatriculé dans un Etat membre ne peut produire d'effet qu'à la condition d'obtenir ultérieurement la nationalité de cet Etat. Aussi, il convient d'envisager la reconnaissance de l'hypothèque avant l'octroi de la nationalité (1) et après l'octroi de la nationalité (2). 1. Le sort des hypothèques avant l'acquisition de la nationalité 85. L'hypothèque maritime telle que réglementée par le CCMM peut être affectée par un élément d'extranéité relatif à l'origine du navire, peu importe le lieu de conclusion du contrat. Il s'agit des cas où le navire est construit ou acheté à l'étranger. Celui-ci peut être hypothéqué selon les règles du CCMM avant l'octroi de la nationalité, à la condition qu'il ait déjà été immatriculé dans un Etat membre. Mais pour produire des effets, l'hypothèque ainsi constituée doit être doit être publiée dans l'Etat membre de la CEMAC où le navire est immatriculé125(*). Le législateur admet également la validité des hypothèques constituées sur le navire acheté hors du territoire de la CEMAC avant son immatriculation dans un Etat membre, si elles ont été régulièrement inscrites par le consul sur les titres de nationalité provisoires et reportées sur les registres tenus par l'autorité maritime compétente lors de l'établissement des titres de nationalité et de l'immatriculation du bâtiment126(*). 86. Il est important de remarquer que le CMMC n'envisage que le cas du navire qui battra pavillon d'un Etat membre de la CEMAC. A notre avis, le législateur veut surtout préciser qu'une hypothèque constituée selon les règles du CCMM sur un navire acheté ou construit à l'étranger ne doit pas être un obstacle à l'acquisition de la nationalité, si celui-ci est déjà immatriculé dans un Etat membre. Cette limitation pose néanmoins le problème de l'hypothèque des navires immatriculés dans la CEMAC et qui, lors d'un affrètement coque nue, ont abandonné provisoirement leur nationalité d'origine pour acquérir une nouvelle nationalité. Pour résoudre cette situation, deux hypothèses sont envisageables. 87. Si l'on s'en tient à la lettre de l'article 89 CCMM qui pose comme condition d'hypothèque du navire l'immatriculation de celui-ci, on peut dire que l'abandon provisoire de nationalité n'influence pas sur une hypothèque constituée conformément au CCMM. Celle-ci peut être inscrite au registre national des hypothèques, sans autres conditions que celles exigées pour la validité de toute inscription sur ce registre. Si la loi du pavillon actuel permet de constituer une sûreté sur le navire affrété, l'on pense que l'effectivité de cette sûreté en CEMAC sera subordonnée aux conditions de reconnaissance des sûretés étrangères de l'article 96 CCMM. Mais dans les deux cas, on court le risque de voir un même navire être l'objet de deux sûretés différentes : une hypothèque constituée selon la loi du pavillon et une autre selon la loi du lieu d'immatriculation. Cette situation est susceptible de compliquer la mise en oeuvre de la méthode conflictuelle en cas de réalisation du navire. KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande 2. Le sort des hypothèques après l'acquisition de la nationalité 88. Aux termes de l'article 98 al 2 CCMM, « les hypothèques consenties à l'étranger sur un navire battant pavillon d'un Etat membre n'ont d'effet à l'égard des tiers que du jour de leur transcription sur les registres tenus par l'autorité maritime compétente ». Notons que le législateur parle non pas d'inscription, mais de transcription, formalité de publicité qui consiste à recopier totalement ou partiellement l'acte sur un registre officiel127(*). Pour ces hypothèques, l'opposabilité ne se limite pas à une simple inscription comme cela est le cas pour les hypothèques constituées dans la CEMAC. De plus, la transcription doit être faite tant sur le registre des hypothèques que sur le registre d'immatriculation. 89. Comme on le voit, l'internationalisme des transactions maritimes ne saurait pas constituer un frein au développement du crédit maritime. Les acteurs du droit maritime doivent éprouver une certaine confiance dans la législation. Avec le CCMM, les craintes des créanciers quant à leurs droits s'amenuisent, que ceux-ci naissent des hypothèques maritimes ou de toutes autres sûretés ignorées du droit communautaire.
90. Du fait du caractère international des transactions commerciales, le navire se retrouve la plupart du temps hors de son port d'attache. Lorsque ce navire est grevé d'hypothèque, les créanciers sont souvent habités par la crainte de voir leurs droits ignorés ou amoindris en cas de saisie du navire. Dans le cadre de la CEMAC, la reconnaissance de sûretés étrangères sur des navires étrangers n'a aucun intérêt si le navire ne fait pas l'objet d'une saisie, puisqu'elles ne donneront pas lieu à inscription sur ses registres. Par contre, si la sûreté est constituée sur un navire étranger qui sollicite battre pavillon d'un Etat membre, deux formalités doivent être respectées. La sûreté doit avoir été publiée conformément à la loi du pavillon du navire ou, à défaut au lieu de construction du navire ; elle doit être portée à la connaissance de l'acquéreur avant l'acte de transfert du navire128(*). KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande La lettre de l'article 96 CCMM laisse croire que l'inscription sur le registre d'hypothèque de l'Etat du nouveau pavillon n'est pas nécessaire. On se demande alors si l'effectivité de la sûreté demeure même si du fait de l'octroi d'une nouvelle nationalité au navire, l'Etat du pavillon antérieur radie de ses registres tous les actes concernant ledit navire. A ce niveau, la loi française du 03 janvier 1967 se démarque du CCMM. L'article 50 ajoute que la sûreté doit avoir fait l'objet d'une publicité réglementaire lors de la francisation. On peut néanmoins noter un avantage qu'a le CCMM par rapport au système français. Celui-ci ne limite pas les sûretés qui peuvent faire l'objet de reconnaissance comme le fait l'article 50 al 2 de la loi du 03 janvier 1967 portant statut des navires, qui dispose que des décrets détermineront les sûretés constituées en application d'une législation étrangère, auxquelles s'appliquent les critères de reconnaissance. 91. Dans les deux systèmes, la reconnaissance des hypothèques et sûretés étrangères est réservée aux navires qui devront acquérir la nationalité d'un Etat membre. La protection des créanciers, « nationaliste » en France, est « régionaliste » en CEMAC. Aussi, lorsqu'on aborde le cadre véritablement international, les solutions du CCMM s'avèrent limitées. L'inquiétude aurait été évacuée par l'uniformité du régime des hypothèques maritimes. Malheureusement, de nombreux obstacles empêchent une véritable unification, relativisant ainsi la protection des créanciers. * 124 L'extranéité peut aussi toucher la nationalité des parties. Celle du constituant n'a d'importance que dans l'attribution de la nationalité au navire et ne joue pas sur le régime de l'hypothèque maritime. Par contre, celle du bénéficiaire peut être prise en compte. Ainsi l'hypothèque maritime n'est consentie à un étranger qu'avec l'autorisation de l'autorité maritime compétente. Voir supra, le bénéficiaire, n° 54 s. * 125 Article 95 CCMM. * 126 Art 98 al3 CCMM. * 127 Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 10e éd, 1995. * 128 Art. 96 CCMM. |
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