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L'hypothèque maritime dans le code CEMAC de la Marine marchande

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par Marie Duvale KODJO GNINTEDEM
Université de Yaoundé II - DEA 2008
  

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SECTION II : LES DIFFICULTES DU RECOURS AU DROIT COMMUN DES HYPOTHEQUES IMMOBILIERES

182. En l'absence de mention contraire, rien ne s'oppose à l'application du droit commun des hypothèques immobilières. Surtout que cette application est utile pour combler les zones d'ombre laissées par le CCMM, et permettre l'appréhension aisée du régime de l'hypothèque maritime.

Dans certaines hypothèses, bien que les conditions du recours soient réunies, l'application peut paraître difficultueuse ; le silence du législateur pouvant alors être interprété non pas comme un renvoi au droit commun, mais comme une négation de la règle à invoquer. Cette difficulté se rencontre notamment dans le régime du droit de suite (paragraphe1), et dans le principe de spécialité (paragraphe2).

Paragraphe 1 : Les rouages du droit de suite

183. Il est facile pour la doctrine française d'admettre que l'hypothèque maritime est une véritable hypothèque parce qu'elle confère au créancier un droit de préférence et un droit de suite complet. D'ailleurs, la Loi du 3 janvier 1967 fixe le régime du droit de suite dans tous ses contours. Tel n'est pas le cas du CMMC qui ne fait aucune allusion au droit de suite du créancier hypothécaire. Faut-il en déduire que le droit de suite doit être expressément prévu par la loi et qu'en l'absence de disposition, le créancier en serait dépourvu ?259(*) Conclure ainsi serait nier ce qui donne toute sa vigueur à l'hypothèque. Aussi, doit on s'atteler à préciser les arguments qui lèvent l'équivoque sur l'existence du droit de suite en matière d'hypothèque maritime (A). Et lorsque le droit de suite est admis, il ne reste plus qu'à déterminer les règles qui gouvernent sa mise en oeuvre (B), laquelle requiert au préalable les précisions qui éviteront d'aboutir à une contradiction dans le régime de l'hypothèque maritime.

A. KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

L'admission du droit de suite au bénéfice du créancier hypothécaire

184. Avant d'envisager l'existence du droit de suite au bénéfice du créancier hypothécaire proprement dit (1), un état des raisons qui pouvaient faire penser à son inexistence dans le régime de l'hypothèque maritime est nécessaire (2).

1. Les difficultés d'admission du droit de suite

185. Le doute sur l'existence du droit de suite en matière d'hypothèque maritime trouve d'abord sa source dans le silence du CCMM, qui pourtant ne s'est pas abstenu d'en faire mention en ce qui concerne les privilèges maritimes. Ainsi, aux termes de l'article 73, les privilèges maritimes suivent le navire en quelques mains qu'il passe. L'inquiétude naît d'autant plus que certains codes nationaux antérieurs comportaient une disposition expresse relative au droit de suite260(*). Il se pose alors la question de savoir si le silence du CCMM relève d'une omission ou d'une négation.

Ensuite, tout est mis en oeuvre pour que le navire reste la propriété du constituant, à la différence de l'hypothèque immobilière qui n'empêche pas la vente de l'immeuble, étant donné que le droit de suite permettra d'appréhender le navire entre les mains du tiers acquéreur. Ceci laisse penser que le législateur a eu peur qu'en présence d'une telle vente, le tiers puisse opposer la fameuse règle qu'en fait de meuble, possession vaut titre. Pourtant, la publicité largement règlementée anéantit l'effet de cette règle. C'est d'ailleurs pourquoi en matière immobilière, l'on dit que la plus grande efficacité du droit de suite tient à ce que « le rôle de la possession est éclipsé par celui de la publicité »261(*). Mais l'on imagine mal une hypothèque, aussi particulière soit-elle, dépourvue du droit de suite.

2. La pertinence de l'existence du droit de suite

186. Les raisons susmentionnées ne constituent plus d'obstacles au droit de suite du créancier hypothécaire lorsqu'on s'en tient à la définition de l'hypothèque maritime par le CMMC comme un droit réel sur un navire. Il est en effet « classique d'affirmer que le droit de préférence et le droit de suite sont les caractéristiques du droit réel262(*) » accessoire, de sorte que si l'un ou l'autre de ces droits étaient inexistants, on ne pourrait parler de droit réel. Reste à déterminer la portée de ce droit, en référence au droit commun des hypothèques.

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

Le droit de suite hypothécaire ne peut être qu'un droit complet, auquel cas, on ne saurait parler d'hypothèque. C'est pourquoi au sein de la doctrine, les auteurs qui refusent de ranger les sûretés mobilières sans dépossession de droit commun au sein des hypothèques se fondent sur l'incomplétude de leur droit de suite263(*). Il s'agit d'un attribut de l'hypothèque et apparaît comme la technique juridique qui permet de traduire dans les faits, en cas de circulation du bien grevé, l'affectation de sa valeur au créancier ; puisque ce que recherche le créancier poursuivant, c'est la saisie du bien entre les mains d'un tiers pour être payé sur une valeur, le prix de l'immeuble264(*).

187. Fort de ces propos, si le droit de suite s'envisage aisément en ce qui concerne le navire, il n'en est pas de même pour ses accessoires. Le CCMM vise, dans le cadre des restrictions aux droits du créancier, la vente volontaire du navire. Mais il n'appréhende pas la vente des accessoires, qui pourtant sont affectés par l'hypothèque maritime. Faut-il en conclure a contrario que la vente des accessoires n'est pas interdite ? Encore qu'en l'absence de ces accessoires, le gage hypothécaire se trouverait diminué, et le créancier n'aurait pour assiette de sa sûreté qu'une coque de peu de valeur. En attendant l'intervention du législateur communautaire, ou une bienheureuse jurisprudence, deux hypothèses peuvent être avancées.

On peut dans un premier temps considérer que l'interdiction de vente ne s'étend pas aux accessoires du navire. Or, détaché du navire, ces accessoires redeviennent de simples meubles entraînant l'application du droit commun des meubles, et surtout de l'article 2279 du C Civ. Le droit de suite ne saurait alors prospérer à l'égard d'un tiers de bonne foi. Toutefois, le créancier hypothécaire peut toujours exercer l'action paulienne à l'égard du tiers de mauvaise foi. Dans tous les cas, l'action hypothécaire est mise à mal. S'agissant des hypothèques immobilières, la jurisprudence française précise que le créancier conserve le droit de préférence sur le prix de vente des immeubles par destination, redevenus meuble265(*).

La seconde hypothèse, pratiquement peu probable, concerne la présomption que la restriction s'étend à tout le navire, y compris ses accessoires. Dans ce cas, l'exercice du droit de suite à l'égard d'un tiers acquéreur à titre onéreux ne saurait exister. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'existe pas à l'égard d'autres tiers.

B. La réalisation du droit de suite

188. Une fois le droit de suite admis, le poursuivant peut se heurter à une nouvelle difficulté : selon quelle procédure va-t-il pouvoir concrètement réaliser le bien qu'il trouvera entre les mains d'un tiers ? Le CCMM étant muet, il convient de faire intervenir le droit commun des hypothèques pour préciser la procédure de mise en oeuvre du droit de suite (2). Mais au préalable, il faut identifier le tiers à l'égard duquel le droit de suite peut s'exercer (1).

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

1. Détermination du tiers détenteur

189. En droit commun, le droit de suite apparaît comme le droit de poursuivre l'immeuble en toutes mains. Le tiers détenteur visé est le nouveau propriétaire du bien hypothéqué, qu'il l'ait acquis à titre onéreux ou gratuit. Ce tiers ne supporte le droit de suite que s'il n'est pas tenu personnellement à la dette266(*). Il peut s'agir de l'acheteur, du donataire ou du légataire.

Il ressort du CCMM que le droit de suite ne peut s'exercer contre l'acheteur du navire. En effet, tant que le navire est hypothéqué, celui-ci ne peut être vendu par le propriétaire. De plus, la vente judiciaire opérant purge de plein droit de l'hypothèque, le droit du créancier se reporte sur le prix du bien267(*). Ainsi, le tiers acquéreur supportant le droit de suite d'un créancier bénéficiaire de l'hypothèque maritime est tout tiers non tenu à la dette, à l'exception de l'acheteur du navire. Dans ce cas, le droit de suite s'exerce selon les règles de la saisie immobilière.

2. Mise en oeuvre du droit de suite

190. La mise en oeuvre du droit de suite selon les règles de la saisie immobilière est rendue facile dans la mesure où la saisie-exécution du navire répond aux conditions et à la procédure de saisie immobilière. Ce droit est exercé contre le tiers détenteur dont le titre est publié postérieurement à l'hypothèque. Comme pour l'exercice de l'action hypothécaire à l'égard du débiteur, le critère d'exigibilité de la créance doit être rempli. Conformément à l' AUVE, le tiers dispose de plusieurs options. Il peut délaisser le navire, ou se laisser saisir. Il peut aussi choisir de désintéresser le créancier ou de purger.

Le droit de suite ne peut en outre s'exercer à l'égard du tiers que si le bien acquis est celui qui a été hypothéqué. Le contrôle est rendu facile grâce à l'exigence de spécialité.

* 259 Encore que même en matière immobilière où le droit de suite n'a jamais été contesté, les législateurs ont pris soin de le mentionner et de préciser son mode de réalisation.

* 260 On peut citer en exemple l'article 96 de l'ordonnance n°62/F du 31 mars 1962 portant Code de la Marine Marchande qui dispose que « les créanciers ayant une hypothèque sur un navire ou portion de navire le suivent en quelques mains qu'il passe pour être colloqués et payés suivant l'ordre de leurs inscriptions ».

* 261 MESTRE (Jacques) et al : Traité de droit civil, Droit commun des sûretés réelles, Paris, LGDJ, 1996, n° 468 ; CABRILLAC (Michel), MOULY (Christian) : Droit des sûretés, Paris, Litec, 3e éd, 1995, n°849.

* 262 MESTRE (Jacques), et al, op. cit, n° 469.

* 263 CABRILLAC (Michel), MOULY (Christian), op. cit, pp.571-573.

* 264 MESTRE (Jacques), et al, Ibid ; - CABRILLAC (Michel), MOULY (Christian), n° 849, p. 681.

* 265 MESTRE (Jacques), et al, Droit spécial des sûretés réelles, n° 1128.

* 266 Lorsque le tiers acquéreur est tenu à la dette, le créancier exerce ses poursuites contre lui comme il l'aurait fait à l'égard du débiteur, sans accomplir les formalités du droit de suite.

* 267 A ce niveau, la jurisprudence française refuse de considérer la vente judiciaire à l'étranger comme libératrice du navire ; le créancier non désintéressé pourra toujours saisir le navire revenu en France entre les mains du tiers acquéreur. v. supra, n° 77.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote