Ministère de l'Enseignement Supérieur
République du Cameroun
Ministry of Higher Education Republic of Cameroon
Université de Dschang Paix - Travail - Patrie
University of Dschang Peace- Work- Fatherland
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Faculty of Law and Political Sciences
LA RESPONSABILITE DU BANQUIER
DISPENSATEUR DE CREDIT
Thèse en vue de l'obtention du diplôme de
Master en Droit
Option : Droit des Affaires et de l'Entreprise
Présentée et soutenue publiquement par
:
CHACGOM FOKAM Aristide
Maîtrise en Droit des Affaires et de
l'Entreprise
Sous la direction de :
M. NGUIHE KANTE Pascal
Docteur d'Etat en Droit
Privé
Chargé de cours à la Faculté des
Sciences
Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang
Juin 2011
·
DEDICACE
A mes parents monsieur FOKAM Isidore et madame
FOKAM née METIEGAM Rachel, qu'ils
trouvent ici le fruit de leurs multiples efforts.
REMERCIEMENTS
Au moment où ce travail s'achève, il est
agréable d'adresser mes sincères remerciements et ma vive
reconnaissance à l'éternel tout-puissant et à tous ceux
qui de près ou de loin ont contribué à sa
réalisation.
Il s'agit particulièrement :
- De mon directeur de mémoire, le Docteur Pascal NGUIHE
KANTE, qui a suscité en nous l'enthousiasme dans la recherche. Pour ses
conseils, sa disponibilité et ses observations dans l'orientation de ce
travail.
- Du professeur François ANOUKAHA, pour son sens
élevé du devoir dans la conduite de la FSJP de
l'Université de Dschang.
- De tous les enseignants, qui n'ont cessé de nous
encourager sur la voie de la recherche, et surtout par la qualité des
enseignements dispensés.
- Des attachés de recherche, Patrice KAGOU KENNA, Eric
MOHO FOPA, Hervé TCHABO, pour leur collaboration.
- Du doctorant Gervais KEMMEGNE KOUAM, pour ses précieux
conseils et ses pertinentes remarques qui ont permis de réaliser ce
travail.
- De toute ma famille FOKAM : Serge, Olivier, Gisèle,
Madeleine, Béatrice, Diane, Dominique, Richard, Ange Lionel et Vannelle
pour le soutien qu'elle m'a toujours apporté, ainsi qu'a la famille MANI
à Yaoundé.
- De mes ami(e) s promotionnaires : Emmanuel TSAGMO TAMEKO,
Corneille KAMLA, Carol KENSON, Elodie ATONFACK, Anita Suzy YIMDJO,
Stéphane TALLA, et tous les autres pour leurs solidarités et
encouragements. Nous n'oublions pas Simplice MBAH, Stéphanie MASATSA,
Laetitia MAGOUA SIMO, Dorice LOYEM, Estelle PEMBIA, Elvis BIDIAS, Josée
BAKAM, Juldas BOUCKINDA pour leur soutien.
- De toutes les âmes de bonne volonté qui ont bien
voulu nous prêter leurs concours à la réalisation de ce
travail.
PRINCIPALES ABREVIATIONS
AJBEF. Association des juristes de banque et
établissements financiers.
Al. Alinéa.
Art. Article.
AUPCAP. Acte uniforme relatif aux
procédures collectives d'apurement du
passif.
AUSC. GIE Acte uniforme relatif aux
sociétés commerciales et groupements
d'intérêt économique.
Bull. civ. Bulletin des arrêts de la cour
de cassation, chambre civil.
CA Cour d'appel.
Cass. Civ. 1° Première chambre
civile de la cour de cassation.
Cass. Com.
Chambre commerciale, financière et économique de la cour
de
Cassation.
D. Recueil Dalloz.
Dr. et Patrim. Droit et Patrimoine.
Ed. Edition.
Gaz. Pal. Gazette du Palais.
JCP E Juris classeur périodique ou
semaine juridique édition entreprises.
JCP G Juris classeur périodique ou
semaine juridique édition générale
N° Numéro.
Obs. Observation.
OHADA. Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des
Affaires
Rev. Revue.
RTDciv. Revue trimestrielle de droit civil
RTDcom. Revue trimestrielle de droit
commerciale.
V. Voir
Vol. Volume.
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : UN FONDEMENT DEROGATOIRE AU DROIT COMMUN
DE
LA RESPONSABILITE CIVILE 9
CHAPITRE 1 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A
L'EGARD DU CLIENT . 11
Section1. L'appréciation de l'opportunité du
crédit 11
Section 2 : La surveillance des fonds prêtés 22
CHAPITRE 2 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A L'EGARD DES
TIERS. 28
Section 1 : Les conditions objectives du soutien abusif 29
Section 2 : Les conditions subjectives du soutien abusif: La
connaissance de la
situation de l'entreprise 34 DEUXIEME PARTIE : UNE
RESPONSABILITE DU BANQUIER EMPRUNTANT AU DROIT COMMUN DE LA RESPONSABILITE
CIVILE AU NIVEAU DE LA
SANCTION 37
CHAPITRE 1 : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION 38
Section 1 : Le préjudice et le lien de causalité
38
Section2 : Les demandeurs à l'action 45
CHAPITRE 2 : LE REGIME DES SANCTIONS 54
Section1 : La sanction patrimoniale : l'octroi des dommages
intérêts 54
Section2 : Les sanctions extrapatrimoniales : la
déchéance des sûretés 58
CONCLUSION GENERALE 61
INTRODUCTION GENERALE
Le développement du crédit depuis un
demi-siècle a conduit la jurisprudence, la doctrine et les pouvoirs
publics à porter la plus grande attention à l'attitude du
dispensateur de crédit. Il peut s'agir d'un associé, d'une
société mère ou d'un fournisseur. Le plus souvent, il
s'agit du banquier1. Le terme banquier employé ici ne doit
pas être pris dans son sens premier. En effet, il ne s'agit pas du
préposé de la banque, personne physique, employé, qui
travaille pour le compte de la banque. Mais, plutôt, l'entreprise,
personne morale qui l'emploi, c'est-à-dire la banque.
Aussi, la banque doit être comprise dans un sens
général, comme faisant partie d'un grand ensemble appelé
établissement de crédit2. De manière
générale, la banque peut être définie comme «
un commerçant qui spécule sur l'argent et le
crédit »3. Plus spécifiquement, la banque
est une personne morale ou une entreprise qui effectue à titre de
profession habituelle des opérations de banque4.
La banque est au coeur de l'activité économique.
Elle a pour rôle majeur de collecter des dépôts d'argent,
puis de les utiliser sous forme de crédits ou investissement. C'est en
cela que la banque fait partie de ce que l'on nomme intermédiaire
financier. L'intermédiation financière désigne le
rôle des établissements financiers qui reçoivent
l'épargne des ménages et qui la redistribuent sous forme de
crédit. La banque constitue en quelque sorte cette «
passerelle » entre ceux qui souhaitent sauvegarder leurs avoirs
d'une part, et ceux qui, d'autre part, voudraient obtenir du crédit pour
le financement de leurs activités. De nos jours, aucune activité
ne peut visiblement prospérer sans le concours des banques qui, à
cet effet, accordent
1 La banque n'est pas la seule structure qui
accorde des crédits à une entreprise. Souvent à la fin
d'une procédure de liquidation des biens d'une entreprise, le passif
fournisseur est le plus élevé.
2 On regroupe sous le vocable établissement
de crédit, les banques, les établissements financiers, les
sociétés financières d'investissement et de participation,
la caisse d'épargne postale, les banques mutualistes et les
établissements de micro finance. Ainsi tout au long de notre devoir nous
utiliserons indistinctement les termes banque, banquier, établissement
de crédit pour désigner cette personne morale qui fait le
commerce de l'argent.
3 Cf. RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité
de droit commercial, T.2, par DELEBECQUE (Ph.) et GERMAIN (M.), LGJD,
17°éd. 2004, n°2216.
4 Cf. Article 14 al. 2 du décret
n°90/1469 de 9 novembre 1990, portant définition des
établissements de crédit. Ces opérations comprennent entre
autres : la réception des fonds du public, les opérations de
crédit et la mise à la disposition de la clientèle ou la
gestion des moyens de paiement. A coté de ces opérations dites
principales, il en existe d'autres, plutôt accessoires. On tient pour
opérations de banque celles qui se rattachent à la circulation de
la monnaie ou à la distribution du crédit. Au Cameroun,
l'exercice de l'activité bancaire est réglementé par
l'ordonnance N°85/002 du 31 août 1985 relative à l'exercice
des établissements crédit. Ce texte de base a subi plusieurs
modifications et compléments notamment avec les lois N°88/008 du 15
juillet 1988 et N°90/019 du 10 août 1990. Plusieurs textes ont
été adoptés par la suite. Cette législation
nationale a été subrogée en partie par la
législation communautaire CEMAC.
des crédits nécessaires à sa
réalisation ou sa consolidation5, ou encore pour
sécuriser les fonds en les gardant. Les banques sont pour les
entreprises non seulement des temples où elles gardent leurs ressources,
mais aussi des sources de trésorerie6. Cet ainsi que, le
banquier se voit attribué le plus souvent plusieurs casquettes. Il peut
être souvent mandataire7, dépositaire8,
gardien de coffre-fort9, mais surtout dispensateur de
crédit.
Comme dispensateur de crédit, le banquier est
celui-là qui met à la disposition de son client les fonds
sollicités par lui, et qui sont nécessaires à la
réalisation de ses projets. Le crédit peut être
défini comme toute opération par laquelle une personne agissant
à titre onéreux, met ou promet de mettre des fonds à la
disposition d'une autre personne ou prend dans l'intérêt de
celle-ci un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement ou une
garantie10. Il ressort de cette définition que le
crédit11 comporte une multitude de techniques allant du
prêt d'argent, au cautionnement et à l'aval bancaire. Le
rôle du crédit est sans précédent dans
l'économie mondiale et plus particulièrement dans nos pays
africains en développement12. Monsieur STOUFFLET
écrivait d'ailleurs en ce sens qu' « il demeure que la banque
crée et véhicule une valeur qui n'est pas une marchandise comme
les autres : la monnaie. C'est le sang de l'économie. Les actes et les
abstentions du banquier ont de ce fait des conséquences sans commune
mesure avec les comportements des autres agents économiques
»13.
L'attribution d'un tel crédit dépend largement
de la confiance que le demandeur inspire au banquier. Prenant le risque
à l'occasion de chaque opération de crédit, le
5 Les banques partagent ce rôle avec les
marchés financiers (bourses) qui sont des marchés sur lesquels
des titres sont vendus et achetés.
6 Cf. TIANI (F.), « les entreprises face aux
banques dans le contexte actuel au Cameroun », in Juridis info,
n°06 avril-mai-juin 1991, p. 71
7 Comme mandataire, le banquier doit se conformer aux
ordres de son client et agir selon ses recommandations. C'est par exemple le
cas lorsque le banquier assure la gestion et les moyens de paiement d'une
entreprise.
8 Comme dépositaire, le banquier reçoit
ou collecte les recettes du client pour les conserver dans un compte bancaire.
Il s'agit en général des dépôts des clients dans des
comptes bancaires.
9 Comme gardien de coffre-fort, le banquier par un
contrat appelé contrat de location de coffre fort assure la garde des
biens de ses clients dans son coffre fort. Lui étant le bailleur de
coffre fort et le client le locataire. Cette activité n'est pas encore
exercée par les banques camerounaises.
10 Cf. Article 14 alinéa 1 du décret de
1990 précité.
11 Le crédit peut être à court,
moyen ou long terme.
12 Les entreprises africaines ont grand besoin des
crédits pour pouvoir se développer et faire concurrence avec les
grandes firmes occidentales.
13 Cf. STOUFFLET (J.), « Devoirs et
responsabilités du banquier à l'occasion de la distribution du
crédit », rapport aux journées de droit bancaire de
l'Université de Paris I, 10 et 11 février 1977
banquier s'assure au moment de l'accord, que son contractant
présente des capacités de remboursement14. Aussi,
doit-il s'assurer que le crédit ne comporte aucun risque tant à
l'égard du client que des tiers, de peur de voir sa
responsabilité engagée.
La responsabilité peut être ainsi définie
comme l'obligation pour une personne de réparer le dommage causé
à autrui15, par un acte contraire à l'ordre public. Le
terme responsabilité est tiré du latin « responsus
», participe passé de « respondere », qui
signifie « se porter garant, répondre ». La
responsabilité représente donc « l'obligation de
répondre d'un dommage devant la justice et en assumer les
conséquences civiles, pénales, disciplinaires... soit envers la
victime, soit envers la société16 ». La
responsabilité est au coeur de notre droit comme elle est au fondement
des rapports humains. Par conséquent, toute activité aussi
importante fût-elle, l'octroi du crédit ne peut déroger
à une éventuelle responsabilité du dispensateur.
L'idée que la responsabilité du banquier pouvait
être retenue du fait du crédit a choqué plus d'un. «
On est sans doute, en dessous de la réalité si l'on parle
d'émotion pour caractériser la réaction qu'a
suscité dans la profession bancaire, l'affirmation, par la
jurisprudence, il y'a une trentaine d'années, du principe d'une
responsabilité d'un préteur...Le terme scandale traduirait mieux
le sentiment qu'éprouvèrent les banquiers lorsque les
premières décisions furent rendues »17. Les
banques répugnent en effet à voir le juge s'immiscer dans ce qui
constitue « l'âme même de leur métier
»18, la liberté d'appréciation du risque.
Désormais, le risque couru par le banquier est double : lorsque le
banquier octroi du crédit il ne risque plus seulement
l'insolvabilité du débiteur, il risque aussi de voir sa
responsabilité retenue.
Certes, il parait surprenant que celui qui sollicite un
service et l'obtient puisse s'en plaindre par la suite. En effet, celui «
qui obtient ce qu'il a demandé, souvent avec insistance, est mal
venu de s'en plaindre ensuite ». La réflexion doit être
menée d'un point de vue juridique. Le droit enseigne que chacun est
garant du dommage qu'il
14 Cf. GATSI (J.), « Le recouvrement des
créances bancaires en droit OHADA », in L'effectivité du
droit OHADA, PUA, janv. 2006, p. 130
15 Le droit de A à Z, Dictionnaire
juridique pratique, EJE, 3°éd. 1998
16 Cf. CORNU (G.) et CAPITANT (H.), Vocabulaire
juridique, PUF, 8°éd. 2007.
17 Cf. STOUFFLET (J.), « Retour sur la
responsabilité du banquier donneur de crédit », in
Mélanges Cabrillac, Dalloz-Litec, 199, p. 517.
18 Cf. STOUFFLET (J.), article
précédent.
cause à autrui. C'est d'ailleurs dans cet esprit qu'est
rédigé l'article 1382 du Code civil19 qui dispose que
: «tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un
dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le
réparer.» Ce texte n'est-il pas rédigé en des
termes assez généraux pour qu'on n'en retienne qu'une
interprétation restrictive et qu'on exclut de son domaine l'octroi du
crédit? La responsabilité n'estelle pas l'obligation de
réparer le dommage causé à autrui par un acte contraire
à l'ordre juridique20, que ce dommage soit recherché
ou non?
Bien avant l'apparition des banques sous leur forme actuelle,
il a été constaté dès le IIème siècle
après J-C, la première forme de mise en jeu de la
responsabilité du banquier. Celui-ci, lorsqu'il présentait
à ses clients des arrêtés de compte volontairement inexacts
ou réclamait plus qu'il ne lui était dû, il perdait sa
créance, en capital et en intérêts21. Mais
aussi, l'on évoque l'arrêt de la Cour de cassation du 1er
août 1876 qui rejeta le pourvoi formé contre un arrêt de la
Cour d'appel. Cet arrêt condamnait des banquiers à réparer
le préjudice causé au fournisseur de l'un de leur client, client
auquel ils avaient octroyé un crédit apparent dissimulant le
passif dont il était accablé22.
La responsabilité du banquier dispensateur de
crédit peut être recherchée aussi bien sur le plan
pénal, civil ou disciplinaire. Le principal cas de responsabilité
pénale du banquier dans le cadre de son activité de crédit
est la complicité de banqueroute par l'utilisation de moyens ruineux,
quand le crédit a eu pour objet d'éviter ou de retarder
l'ouverture d'une procédure collective23. Par ailleurs, la
responsabilité disciplinaire du
19 Cet article est considéré comme
l'article le plus important du code civil et le socle de la
responsabilité civile.
20 Cf. TOURNEAU (Ph.) et CADIET (L.), Droit de la
responsabilité, D. 1999, p. 1.
21 Cf. LHOSPICE (A.) et MEISSONNIER (M.), « La
responsabilité du banquier fondée sur l'octroi de crédit
excessif » in Cahier de recherche ESC PAU n° 3, p. 33
22 Cf. MILOGA (J.), « Responsabilité du
banquier dispensateur de crédit », séminaire de l'AJBEF du
05 au 09 novembre à Douala, www.ajbef.info
23 Il s'agit du délit de banqueroute
prévu par l'AUPCAP et réprimé au Cameroun par la loi de
n°2003/008 du 10 juillet 2003portant répression des infractions
contenues dans certains Actes uniformes. L'article 25 alinéa 1 de cette
loi dispose : « est coupable de banqueroute simple et puni
d'emprisonnement d'un mois à deux ans, tout commerçant, personne
physique, en état de cessation des paiements qui, (...) emploie des
moyens ruineux pour se procurer des fonds » ; l'article 28 quant à
lui dispose que, « sont punis d'un emprisonnement d'un mois à deux
ans les dirigeants visés à l'article 27 ci-dessus, qui en cette
qualité, et, de mauvaise foi, ont (...) employé des moyens
ruineux pour se procurer des fonds dans l'intention de retarder la constatation
de cessation des paiements de la personne morale (...) » Par
conséquent, sera puni des mêmes peines, tout banquier qui aurait
fourni des moyens ruineux soit à une personne physique ou morale dans
l'optique de retarder la cessation des paiements.
Article 231 al 2 de l'AUPCAP
banquier est l'oeuvre de l'organisme qui assure la
surveillance des établissements de crédit24, des
pouvoirs publics25 ou même l'association professionnelle des
établissements de crédit26. Sans toutefois
dénier l'intérêt qu'on pourrait tirer de l'étude de
ces deux cas de responsabilités, un accent particulier devrait
être mis sur la responsabilité civile du banquier.
La responsabilité du banquier dispensateur de
crédit peut être retenue lorsque celui-ci met le crédit
à la disposition du client ou en cas de rupture abusive du contrat de
crédit. La responsabilité du banquier pour rupture abusive du
crédit est essentiellement fondée sur le contrat de
crédit. Chaque fois où le banquier ne mettra pas ou rompra
à tort le crédit, il verra sa responsabilité
engagée27. Seule l'hypothèse de responsabilité
où le banquier met effectivement le crédit à la
disposition du client sera examinée dans cette étude.
La principale fonction de la responsabilité civile est
la réparation en nature du dommage causé28.
Cette responsabilité était fondée sur
l'idée que les banques seraient « l'instrument d'un service
public de distribution et de régulation du crédit » et
leur responsabilité était appréciée en fonction de
la notion de « service public ». Elle était par
conséquent basée sur la présomption de
responsabilité. C'était au banquier de rapporter la preuve qu'il
n'a pas commis de faute. Le professeur BOULOC, à cet égard,
écrivait: « on éprouve le sentiment que, pour les
tribunaux, le banquier tend à être présumé toujours
responsable quelles que soient les circonstances et les conditions dans
lesquelles le banquier a été emmené à consentir un
crédit »29. Comme le remarque par ailleurs un
auteur, c'est une idée assez fausse et il n'est pas possible
d'assimiler, même approximativement, l'activité bancaire à
une activité de
24 Dans le cadre de la CEMAC, cette fonction est
assurée par la Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC).
25 Au Cameroun c'est le Ministère des finances
à travers le Conseil National du Crédit, qui assure la tutelle
des établissements de crédit.
26 La réglementation bancaire actuelle issue de
l'ordonnance de 1985 a prévu la mise sur pied d'une association
professionnelle regroupant à la fois les banques et les
établissements financiers. L'adhésion y est obligatoire.
27 Les cas d'exonération possible de la
responsabilité du banquier en cas de rupture du contrat de crédit
sont : l'arrivée de l'échéance en cas de contrat à
durée déterminée ; une modification importante intervenue
chez le crédité ; il en est de même lorsque la situation de
crédité est irrémédiablement compromise.
28 La responsabilité a aussi une fonction
préventive. Voir à ce propos TOURNEAU (Ph.) et CADIET (L.),
ouvrage précité, p. 1.
29 Cf. BOULOC (M.), cité par MILOGA (M.),
article précité, p.2
service public, bien qu'elle fasse l'objet d'une
réglementation particulière et contraignante30.
Par la suite, cette responsabilité de la banque a
été fondée sur la notion de faute. Il revenait au
demandeur de prouver la faute de la banque. C'est cette conception de la faute
prouvée qui prévaut actuellement au Cameroun et dans le droit de
l'OHADA en générale. Elle est évoquée par les
articles 118 de l'Acte Uniforme portant organisation des Procédures
Collectives et d'Apurement du Passif et 22 alinéa 1 et 2 de la loi
camerounaise n° 85/ 002 du 31 août 1985 relative à l'exercice
de l'activité des établissements de crédit. Le premier
texte dispose, « les tiers, créanciers ou non qui, par leurs
agissements fautifs, ont contribué à retarder la cessation des
paiements, à diminuer l'actif ou à aggraver le passif du
débiteur peuvent être condamnés à réparer le
préjudice subi par la masse sur l'action du syndic agissant dans
l'intérêt collectif des créanciers... ». Le
second article quant à lui précise que «
l'établissement de crédit n'est tenu de respecter aucun
délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à
durée indéterminée ou déterminée en cas de
comportement gravement répréhensible du
bénéficiaire du crédit, ou au cas où la situation
de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise. Le
non respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité
pécuniaire de l'établissement de crédit. »
L'article 118 ne fait expressément allusion au
banquier, puisqu'il parle de « tiers, créanciers ou non...
». C'est souvent et très généralement en ses
qualités que la banque voit sa responsabilité
engagée31.
Cette responsabilité du banquier peut être
contractuelle à l'égard du client et délictuelle à
l'égard du tiers, mais ce sera toujours une responsabilité
fondée sur la notion de faute32. Cette responsabilité
du banquier commence là où cesse l'exercice normal de son
activité qui est principalement financière. Cette
responsabilité est généralement mise en cause à
l'occasion de la défaillance de l'entreprise cliente.33
30 Cf. MARTIN (L-M.), Traité de droit
commercial, Banque et bourse, T.7, III° éd. p. 400.
31 « Dans la pratique, cette solution n'a pas conduit
à de fréquentes condamnations des banquiers, qui auraient eu pour
effet de les inciter à réduire leur concours aux entreprises en
difficulté au moment où elles en ont le plus besoin »,
souligne SAWADOGO (F-M.), in OHADA, Traité et actes uniformes
commentés et annotés, Juriscope 2002, p. 902.
32 La faute peut être définie comme la
violation d'une obligation légale.
33 Sous le coup d'une procédure collective.
L'étude de cette responsabilité du banquier,
nous permettra de montrer dans quelle mesure les normes légales et
jurisprudentielles qui régulent la distribution du crédit peuvent
permettre de dégager une ligne de conduite destinée au banquier.
Ceci se passera par la mise en relief d'un ensemble de règles de
prudence qui s'imposent au banquier, dans l'octroi et dans le suivi du
crédit. Nous pourront par conséquent définir le
degré de risque « acceptable pour l'économie,
c'est-à-dire pour les tiers34 ». Etant donné de
l'absence de la jurisprudence camerounaise et africaine adéquate en la
matière, nous justifieront nos propos plus par la jurisprudence
française.
La responsabilité du banquier dans son principe
respecte les canaux classiques de la responsabilité civile. Ainsi, celui
qui se plaint des agissements fautifs du banquier doit prouver l'existence
d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité. L'activité
bancaire est une activité spécifique, professionnelle, en ce sens
qu'elle est régie par un droit qui lui est propre35. Cette
spécificité de la banque déteint fortement sur
l'application stricto sensu des règles de droit commun et tend à
les colorer de traits originaux. Cette responsabilité du banquier
dispensateur de crédit n'est donc pas identique point par point à
la responsabilité civile de droit commun. Par conséquent, son
régime juridique36 doit être
déterminé.
La réglementation bancaire est assez diversifiée
et éparse. L'étude de ce régime s'effectuera à
travers cette multitude de législations, aidée en cela par la
doctrine et la jurisprudence. Il ressort nettement des différents textes
que la véritable difficulté réside dans la
définition de la faute du banquier. Il s'agit de l'appréciation
de la faute d'un professionnel avec à sa charge de nombreuses
obligations.
C'est l'élément le plus original de la
responsabilité bancaire et elle est dérogatoire au droit commun
de la responsabilité (première partie). Tel
n'est pas le cas en ce qui concerne ses conséquences qui sont
empruntées au droit commun de la responsabilité
civile(deuxième partie).
34 Cf. STOUFFLET (J.), « retour sur la
responsabilité du banquier donneur de crédit »,
précité, p. 517.
35 Il s'agit du droit bancaire.
36 L'étude du régime juridique d'une
notion est l'étude de l'ensemble des règles applicables à
cette notion.
PREMIERE PARTIE : UN FONDEMENT DEROGATOIRE AU
DROIT COMMUN DE LA RESPONSABILITE CIVILE
La faute est l'élément le plus original de la
responsabilité du banquier, et, elle sera, selon le cas, de nature
contractuelle ou délictuelle ; mais ce sera toujours une faute
appréciée in concreto37 par rapport au
comportement du bon banquier38. Cette faute est originale d'autant
plus qu'il s'agit d'apprécier le comportement d'un professionnel. Elle
prend une connotation particulière et sa définition n'est plus
aisée. Il s'agit donc d'une faute professionnelle et la principale
difficulté c'est de la définir.
Au lieu de procéder à une démarche
explicative des différentes fautes pouvant être reprochées
au banquier, nous adopterons plutôt la démarche
préconisée par un auteur39, qui est celle
d'établir les différentes obligations incombant aux banques dans
le cadre de l'octroi de crédit. L'idée que les banques «
s'apparentent à un service public » pousse les tribunaux
à exiger des banques une grande rigueur et un devoir discernement, qui
ne va pas jusqu'à un devoir de clairvoyance économique
absolu40. Pour cela, le crédit doit être
dénié de tout risque, aussi bien pour le crédité
que les tiers. Ainsi le banquier est tenu d'obligations aussi bien à
l'égard du tiers (chapitre 2), que du client (chapitre 1)
Chapitre 1 : Les obligations du banquier à l'égard
du client
Chapitre 2 : Les obligations du banquier à l'égard
du tiers
37 Selon le Lexique des termes juridiques
l'appréciation in concreto se dit de la manière
d'apprécier le comportement d'une personne dans une situation
donnée, en ne tenant compte que de ses propres aptitudes, sans
références à ce qu'aurait été le
comportement standard d'une personne avisée.
38 Cf. GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.), ouvrage
précité.
39 Cf. RIVES-LANGE (J-L.) et RAYNAUD (C.), Droit
bancaire, D. 1986, n°546, p. 678.
40 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit
commercial, T. 2, n° 227, cité par GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.),
ouvrage précité.
CHAPITRE 1 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A
L'EGARD DU CLIENT
Le crédit est le support de la faute et doit par
conséquent être «digne» et ne revêtir
aucun caractère fautif. Tout d'abord, il peut paraître inopportun
et constituer une faute. Le banquier doit apprécier l'opportunité
du crédit (section1). Ensuite, le banquier doit
procéder à une surveillance du crédit octroyé. Son
défaut constitue par conséquent une faute
(section2).
Section1. L'appréciation de l'opportunité
du crédit
Lors de l'octroi du crédit, le banquier doit s'informer
non seulement sur la situation de l'entreprise, mais aussi sur l'objet du
crédit. Il faut admettre, en effet, que la prudence d'un « bon
banquier » l'oblige à veiller au caractère rationnel du
crédit et de son opportunité pour le débiteur. Ainsi, la
question de l'opportunité ou de l'inopportunité du crédit
semble être un principe dont il convient de préciser le fondement
(paragraphe 1), après quoi nous examinerons une
donnée essentielle dans l'appréciation de la
responsabilité du banquier, à savoir la prise en compte de la
personnalité du débiteur (paragraphe 2).
Paragraphe1 : Le principe de l'opportunité du
crédit
L'étude du contenu (A) de ce principe va
précéder celui de son fondement (B)
A- Le Contenu du principe de l'opportunité du
crédit
La difficulté apparaît particulièrement
lorsque la nature et les modalités des crédits apportés
sont d'une importance considérable. En effet, un concours très
court, trop cher ou trop réduit, ne fera que provoquer des
difficultés, aggraver la situation alors que s'il avait
été bien adapté, il aurait pu permettre la poursuite de
l'exploitation.
Les tribunaux devront, pour retenir la faute du banquier,
constater qu'au moment de l'octroi du crédit, ce dernier ne pouvait
qu'inévitablement conduire à la
cessation des paiements. En d'autres termes, il faut que le
crédit soit incompatible avec toute perspective de
rentabilité41.
Le montant n'est pas à lui seul
révélateur d'une faute. Aussi, un crédit remboursé
sans incident pendant plusieurs années n'est pas constitutif de faute.
Le critère de la faute est plutôt celui de l'inadéquation.
La proportion du soutien financier doit correspondre à la situation
économique de l'entreprise. Ainsi, le banquier doit veiller à ce
que le montant ou le coût du crédit ne soit pas hors de proportion
avec les facultés financières de l'emprunteur. Les termes
utilisés par les juges pour qualifier cette faute sont assez
variés, mais expriment la même réalité ou sont
très proches : il s'agit du crédit « excessif
», « dépassant manifestement » les
capacités de remboursement de l'emprunteur ou révélant une
« disposition manifeste », « hors de proportion
», « incompatible », « sans rapport
» avec les ressources de l'entreprise. La détermination du
caractère inapproprié du crédit ne peut résulter
que de la confrontation de son montant et de ses caractéristiques
financières à un ensemble permettant d'analyser au plus
près la situation de l'emprunteur lors de l'octroi du prêt.
Ainsi, pour apprécier cette disproportion, on tient
compte, en général, des fonds propres42, du fond de
roulement, de l'évolution du chiffre d'affaires. Mais, la faiblesse des
fonds propres n'est pas à elle seule suffisante pour établir la
faute du banquier, sinon, le banquier ne pourrait jamais financer la
création d'entreprises43.
S'agissant particulièrement de la création
d'entreprise ou d'un projet nouveau, le banquier se doit de s'assurer tout
simplement qu'il a en face de lui un projet viable. Il doit faire preuve d'un
grand discernement. Ce discernement doit être relatif, non pas à
la situation financière de l'entreprise, mais au crédit
lui-même. Puisque la société peut être en formation,
et il est par conséquent impossible pour lui de se baser sur son
passé. Il est seulement possible de prendre en compte des projections.
La jurisprudence admet dans ce cas la responsabilité du banquier, au
motif qu'avant de mettre à
41 Redressement et liquidation judiciaire
(Responsabilité du banquier), J-CI Banque-crédit-bourse, 2000,
fasc. 520, n°14.
42 Cf. JEANTIN (M.), « La situation du banquier
dispensateur de crédit », Revue Procédure Collectives ; 1991
p. 141.
43 Cf.
Cass. Com. 18 juin 1996, RTD com. 1996, P.
701, obs. CBRILLAC (M.).
disposition des moyens de paiement44, le banquier
devait apprécier si le projet était ou non dépourvu de
toute crédibilité.
La banque est un partenaire incontournable qui ne peut
financer n'importe quel montant ou des projets trop hasardeux. C'est sur cette
base qu'il faut comprendre l'appréciation de l'opportunité du
crédit, dont le fondement a été précisé par
la jurisprudence.
B- Le fondement juridique
Un constat d'évidence se dégage : un emprunteur
ne peut engager la responsabilité du banquier du seul fait que le
prêt sollicité a été accordé et qu'il se soit
retrouvé ultérieurement dans l'impossibilité de le
rembourser. S'il lui est permis de le faire c'est parce qu'il fonde son action
sur un élément essentiel du droit des contrats : le devoir de
conseil. Le fondement de la responsabilité pourrait alors être le
manquement du banquier à un devoir de conseil qui lui incomberait.
L'existence d'un tel devoir a été reconnue par la cour de
cassation elle-même dans un arrêt de sa Première chambre
civile en 199545 (1). Mais les arrêts
postérieurs n'y font plus référence, et l'existence d'un
tel devoir est très critiquée en doctrine, à tel point
qu'il faille peut être trouver ailleurs un autre fondement de cette
responsabilité (2).
1- L'apparition d'un devoir de conseil dans l'octroi du
crédit
« Il y a quelque chose de choquant à voir une
entreprise chercher à faire supporter à sa banque les
conséquences de ses propres erreurs de gestion »46.
Cette précision d'un auteur est également valable pour un
crédit consenti à un particulier. Que l'emprunteur lui-même
se plaigne d'avoir obtenu ce qu'il demandait, semble à
44 Il s'agit de la délivrance de formule de
chèque, mais la solution vaut, par analogie, pour l'ouverture de
crédit
45 Cf. Civ. 1ère, 27 juin 1995 ;
D. 1995, 621, note PIEDELIEVRE ; DEFRENOIS 1996 P. 689 note SCHOLASTIQUE (E.).
Dans cet arrêt, la première chambre civile affirme : « la
présentation d'une offre préalable conforme aux exigences de
l'article 5 de la loi du 13 juillet 1979 ne dispense pas l'établissement
de crédit de son devoir de conseil à l'égard de
l'emprunteur, en particulier lorsqu'il apparaît à ce professionnel
que les charges du prêt sont excessives par rapport à la
modicité des ressources du consommateur ».
Selon certains auteurs, la cour de cassation avait
déjà reconnu ce devoir implicitement, sans le nommer comme c'est
le cas dans l'arrêt : Civ. 1ère, 8 juin 1994 : JCP E,
1995, II, 652, note LEGEAIS.
46 Cf. STOUFFLET (J.), « Retour sur la
responsabilité du banquier donneur de crédit » in
Mélanges Cabrillac, Dalloz-Litec 1999, n° 17.
première vue déconcertant. S'il lui est tout de
même permis de le faire, c'est parce qu'il se situe sur un terrain bien
connu du droit des contrats en général : le devoir de conseil.
Le même auteur rappelle que « le conseil est
une obligation que la jurisprudence moderne considère comme
inhérente à tout contrat bancaire avec bien entendu, un contenu
variable selon la nature et le degré de complexité de
l'opération et le niveau d'expérience du client. Aucune raison ne
justifie que les opérations de crédit échappent à
ce devoir de conseil dont peuvent se prévaloir le client lui-même
et ses cautions... »47.
Autrement-dit, lors de l'octroi du crédit, le banquier
doit fournir à son client toutes les informations possibles, afin que
les actes qu'il passe se fassent sans incident. La banque se doit non seulement
de rechercher toutes les informations nécessaires à la
réalisation des opérations projetées et de les communiquer
à son client, mais aussi, elle doit lui fournir les moyens
d'échapper aux risques qu'il court. Cela ne peut être fait que par
le conseil. Cette obligation de conseil s'accompagne toujours de l'obligation
d'information, car on ne peut conseiller sans informer. L'obligation de conseil
repose sur l'obligation d'information qui lui sert de base et elle lui donne
son plein effet. Si une telle obligation pèse sur le banquier, il est
logique que son manquement soit une source de responsabilité.
Les avis, conseils, informations, du banquier dispensateur de
crédit doivent être donnés avec tout le sérieux
nécessaire et la pertinence dont il est capable. Il doit procéder
aux études indispensables, en s'entourant de collaborateurs
qualifiés et compétents. Sauf à le répéter,
l'obligation consiste pour le banquier à faire ce qu'il
peut, le mieux qu'il peut : « La banque se tient
à la disposition de son client pour luifournir de son
mieux...tout conseil bancaire », « de son mieux »,
c'est-à-dire du mieux
qu'elle peut, sans qu'on puisse attendre d'elle ni lui
réclamer l'impossible ou plus qu'elle ne peut
raisonnablement.48
47 Ibid.
48 Cf. JAMES (J-C.), « Le secret bancaire en
droit gabonais », in Afrique Juridique et Politique, revue du CERDIP, Vol.
N°1, 2002, N°2, p. 29.
La responsabilité du banquier pour défaut de
conseil ne pourra être engagée que dans l'hypothèse
où le manquement porte sur des informations utiles pour le client.
Toutes les informations qui peuvent présenter un intérêt
direct pour le client et dont la connaissance conditionne la réussite de
l'opération doivent être communiquées.49
Cependant, force est de reconnaître que ce critère laisse planer
un certain nombre de doutes. En effet, si certaines données
présentent un caractère évident, comme par exemple les
informations sur le « surendettement » du client de la
banque, d'autres ne sont pas aussi évidemment utiles.
La question cruciale à examiner porte sur l'objet du
conseil. Ne s'agit-il que de la pertinence financière du crédit
consenti? C'est à dire surtout de son adéquation aux ressources
de l'emprunteur ? Où s'agit-il, aussi de l'opportunité
économique de l'opération financée? C'est-à-dire
d'une appréciation des risques liés à l'investissement
?
Après avoir hésité, la jurisprudence
libère le préteur de tout contrôle d'opportunité
économique qui l'amènerait, sous couvert de conseil, à
juger des affaires et des décisions de l'emprunteur. Aussi
réitère-t-elle, depuis peu mais avec constance, que « le
banquier n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de son
client », pour en déduire qu'il incombe au seul emprunteur
d'apprécier « l'inopportunité du
crédit.»50 Ce parti est sage et rétablit une
juste distribution des rôles. Ainsi, il appartient au professionnel ayant
recours au crédit pour les besoins de son activité de s'assurer
que « les conditions du succès de l'opération sont
réunies » et que « le banquier n'a pas à se
substituer à son client pour apprécier la rentabilité de
l'usage auquel ce dernier destine les fonds qu'il met à sa
disposition.»51
Toutefois, la Cour de cassation a tempéré
l'ardeur de l'obligation de conseil. Le banquier a vu sa responsabilité
allégée notamment par la Cour de Cassation en introduisant un
certain équilibre, car la responsabilité professionnelle du
pourvoyeur
49 Cf. CLEMENT (J-F.), Le banquier vecteur
d'information, RTD com. 1997, p. 216, cité par LOKO-BALOSSA (E J.),
« La responsabilité du banquier dispensateur de crédit
», in Annales de la Faculté des Sciences Juridique et Politiques de
l'Université Marien NGOUABI (Brazzaville-Congo), 2007,p. 10.
50
Cass. Com. 11 mai 1999, D. 1999, IR p. 155
; Petites affiches 1999, N° 118, obs. L.C ; 22 mai 2001, arrêt
N° 990.
51 CA Paris 8 mars 2002, D. 2002, AJ p. 2049.
de fonds tient désormais compte de la
personnalité ou des compétences personnelles du débiteur
ou du client.
Le fondement de l'opportunité ou de
l'inopportunité du crédit sur le devoir de conseil n'a pas
reçu l'unanimité de la doctrine, puisqu'il a fait l'objet de
nombreux critiques.
2- Un fondement critiqué
Dès les premiers commentaires de l'arrêt de la
Cour de cassation de 1995, des voix se sont élevées pour
critiquer le devoir de conseil tel qu'il semblait peser sur le banquier
d'après la Cour de cassation. On lui reprochait, d'abord, de permettre
une critique artificielle du comportement du banquier dans les cas où un
formalisme légal est prévu et a été parfaitement
respecté par l'établissement de crédit : «
l'arrêt du 27 juin 1995 paraît bien subtil, sinon
spécieux. La Cour de cassation, sous le couvert de distinguer des
obligations assurément distinctes, y autorise en fait l'ouverture d'un
débat sur le fond - à savoir la vérification de la
qualité du consentement de l'emprunteur - alors même que le
formalisme légal a été entièrement
respecté...52 ».
Le même auteur formule une critique encore plus
fondamentale à l'encontre du raisonnement de la Cour : « on
discerne difficilement la cohérence du fondement invoqué, le
prétendu devoir de conseil ou de mise en garde de la banque : un
crédit pourrait-il être légitime, tout en étant
insupportable pour l'emprunteur, du seul fait que la banque a attiré
l'attention de ce dernier sur ce point ? »
Un autre auteur53 affirme même que «
l'admission d'un devoir de conseil conduit à une impasse
». Le Pr. MAZEAUD souligne qu' «on voit mal la cohérence
qui pourrait animer le comportement d'un établissement de crédit
qui après avoir constaté l'incapacité pour le candidat
emprunteur de supporter la charge de l'endettement envisagé et
dissuadé, dans cette mesure, ce dernier de conclure le
prêt,
52 Cf. PIEDELIEVRE (S), note sous Civ. 1er
du 27 juin 1995, précité.
53 Cf. GOURIO (A.), dossier « la
responsabilité civile du préteur au titre de l'octroi d'un
crédit à un particulier, le prêteur est-il
réellement tenu d'une obligation de conseil envers le particulier
emprunteur », Rev. De Droit bancaire et financier jan. /fév. 2001,
p. 50 et s.
émettrait néanmoins une offre de prêt,
alors qu'il est évident que, si celle-ci est acceptée, les
échéances ne pourront pas être
respectées54 ».
Autant de critiques qui mettent en doute la cohérence
de la Première chambre civile de la Cour de cassation lorsqu'elle
sanctionne un banquier octroyant un crédit excessif sur le fondement
d'un devoir de conseil. Faut-il en déduire, comme le Pr GOURIO, que
« l'obligation de conseil, n'est pas véritablement mise en
oeuvre en tant que telle, même lorsqu'elle est visée
formellement55 ? »
La doctrine a donc recherché de nouveaux fondements. On
a ainsi proposé de rattacher cette question au « principe de
proportionnalité » ou même du devoir de vigilance
incombant au banquier56. Autrement-dit, le banquier doit tout
simplement vérifier si le crédit sollicité par le client
est proportionnel à ses ressources. Ainsi, le crédit ne doit pas
être considérablement supérieur aux revenus du client. Par
conséquent la banque doit se renseigner sur les capacités
financières de son client avant de procéder à toute
opération de crédit.
Toutefois, le banquier ne saurait échapper à la
règle que la jurisprudence a posée depuis longtemps, à
savoir que les professionnels ont un devoir de conseil à l'égard
de leur client. Cependant, ce devoir est à géométrie
variable et s'applique avec moins de force voire disparaît
vis-à-vis des clients expérimentés ; elle est par
conséquent exercée avec plus de rigueur à l'égard
des clients moins au fait des opérations de crédit.
Paragraphe 2 : La prise en compte de la personnalité
du
débiteur
Le droit de la responsabilité bancaire dans le cadre du
crédit inopportun s'articule désormais autour d'une distinction
entre emprunteur averti et emprunteur profane, deux notions qu'il convient de
cerner (A). Cette distinction à des incidences sur les
obligations mises à la charge du banquier (B).
54 Cf. MAZEAUD (D), cité par NETTER (E.) et
RAVEL d'ESCLAPON (Th.), « la responsabilité du banquier
dispensateur de crédit », Séminaire de droit bancaire,
Université Robert Schuman Strasbourg, 2006, p. 06.
55 Cf. GOURIO (A.), art. préc. p. 53.
56 Cf. GOURIO (A.), art. préc. p. 53.
A- Les notions d'emprunteurs avertis et
d'emprunteurs
profanes
La distinction emprunteur averti et emprunteur profane
constitue désormais la summa divisio, et détermine le
régime de responsabilité applicable. Cette distinction n'est
apparue que très récemment dans la jurisprudence57.
Mais, la principale difficulté réside dans le contenu à
donner à chaque notion, étant entendu que la Cour de cassation
qui introduit cette distinction ne se préoccupe pas à les
définir. La principale difficulté sera de trouver un contenu
valable à ces concepts. Dès lors, ainsi que le préconise
le professeur LEGEAIS, on aurait pu espérer de la Cour de cassation
qu'elle pose une présomption de sorte que les choses en auraient
été considérablement facilitées58.
Elle aurait ainsi pu considérer qu'est
présumé emprunteur non averti, c'est-àdire comme
emprunteur profane, tout particulier n'agissant pas dans le cadre de son
activité professionnelle. Rien n'a été effectué en
ce sens et bien au contraire, la Cour ne s'est pas livrée à un
tel exercice, probablement dans l'idée de laisser aux juges la
possibilité de tenir compte des circonstances.
Certains auteurs59 font un rapprochement entre
cette distinction ou cette opposition entre emprunteur averti et emprunteur
profane et celle qui est faite dans le droit des marchés financiers,
à propos d'une autre source de responsabilité à laquelle
peut être soumise le banquier, quand il a agi en qualité de
prestataire de services d'investissement entre investisseur néophyte et
investisseur qualifié. Ici on cherche à savoir si le client a une
certaine maîtrise ou est rompu aux techniques des marchés
financiers. En la matière, la complexité des techniques
combinées est considérable. Le même rapprochement est fait
en ce qui concerne la caution avertie et la caution non avertie.
57 Cf. DELPECH (X.), note sous les arrêts de la
Première chambre civile de la cour de Cassation du 12 juillet 2005,
Dalloz 2005, Dalloz 2005 n°33 p. 2278.
58 Cf. LEGEAIS (D.), obs. sous Cass. Civ.
1ere, 12 juillet 2005.
59 Cf. NETTER (E.), RAVEL d'ESCLAPON (Th.), article
précité ; BONNEAU (Th.) et DRUMMOND (F.), Droit des
marchés financiers, ed., Economica, Paris, 2005,
2ème ed., n°63, p. 381et 469.
Que recouvre la notion d'emprunteur averti ? Que recouvre la
notion d'emprunteur profane ? La question est difficile à
résoudre et à cet égard, les arrêts du 12 juillet
2005 apportent quelques éléments de réponse.
La profession ou plus généralement la
catégorie socio professionnelle et l'assise
financière60 sont les critères importants de
définition. Cette solution se justifie par le fait qu'une personne haut
placée dans une société ou ayant des revenus
conséquents, sera plus facilement perçu comme habituée
à effectuer des opérations bancaires et, plus
particulièrement, des opérations de crédit. Elle sera, par
conséquent, présumée plus apte à juger du bien
fondé des opérations économiques financées par le
prêt litigieux. Cependant, il ne s'agit que de simples
présomptions qui pourront être renversées à la vue
des circonstances de fait. D'autres éléments devront donc
être pris en considération par les magistrats, tel que la bonne
foi des parties, la fréquence des opérations, l'âge de
l'emprunteur ou encore le montant des prêts61. Il appartiendra
alors aux banques, dans chaque affaire, de veiller à rassembler un
faisceau d'indices permettant par la suite aux juges du fond d'apprécier
le bien fondé de la qualification retenue. Cette solution a
néanmoins pour intérêt de permettre au juge de tenir compte
des circonstances de fait de chaque espèce.
Il en résulte en particulier, qu'il n'existe aucune
corrélation nécessaire entre la qualité de professionnel
et celle d'emprunteur averti ; un emprunteur averti peut n'être qu'un
simple consommateur, tandis qu'un emprunteur agissant à titre
professionnel peut être considéré comme un emprunteur non
averti62. Il importe par ailleurs de relever que la jurisprudence
considère comme averti l'époux qui est assisté par l'autre
époux, dès lors que ce dernier est considéré comme
lui-même averti63 .
Selon François BOUCARD64, « le
profane est celui qui n'est pas en mesure d'apprécier lui-même les
risques de l'opération pour laquelle il envisage de souscrire
60 Dans le même sens, Cass. Civ. 1ere, 2
novembre 2005, Juris-Data, n°2005-030521, D. 2005, Aff., p. 3084, obs.,
AVENA-ROBARDET. Le caractère profane des époux emprunteurs
semblaient découler de leur faible assise financière, leur avis
d'imposition pour l'année 1995 ne mentionnant aucune ressource
imposable.
61 Cf. LEGEAIS (D.), JCP E, 2005, 1359, PIEDELIEVRE
(S.), Revue Lamy droit civil, 2005, n°21, p. 17 ; GOURIO (A.), JCP., 2005,
II, 10140.
62 Cf. Cass. Chambre Mixte 29 juin 2007,
n°05-21104.
63 Cf.
Cass. Com. 3 mai 2006, n°02-11211.
64 Cf. BOUCARD (F.), Revue de droit bancaire et
financier n°5, sept. 2007, étude 17 ; GUYADER (H.), Contrats
Concurrence, Consommation n°4, avril 2008, étude 5.
un emprunt ou de donner sa caution »,
c'est-à-dire celui dont la qualité (statut et capacité)
permet de considérer qu'il n'est pas en mesure de saisir
l'entière portée de ses engagements d'emprunt.
Cependant, les juges doivent tenir compte de l'ensemble de la
situation et se livrer à une analyse empirique des espèces
soumises à leur examen. Le degré de connaissance des
mécanismes du crédit qui joue un rôle fondamental dans la
distinction entre emprunteur averti et emprunteur non averti. Il revient au
juge de fond d'apprécier cette qualité.
Cette différenciation emprunteur averti et emprunteur
non averti introduit par la jurisprudence, a pour principale conséquence
l'application d'un régime de responsabilité propre à
chacun.
B- Incidences de la personnalité de l'emprunteur
sur les obligations du banquier
La distinction emprunteur averti et profane déteint
considérablement sur la responsabilité du banquier, puisque les
obligations mises à sa charge seront tantôt
allégées(1) ou renforcées(2).
1- Les obligations allégées du banquier
face à l'emprunteur averti
Lorsque le demandeur à l'action en
responsabilité est un emprunteur averti, la solution retenue par la
première Chambre civile correspond à la jurisprudence de la
Chambre commerciale de la Cour de cassation française en matière
de responsabilité pour octroi de crédit, constante depuis 1999.
L'arrêt « Guigan » du 12 juillet 2005 reprend ainsi ce
que certains auteurs appellent « formule désormais
sacramentelle utilisée par la chambre commerciale
»65 :« ne prétendant pas que la banque aurait
eu sur sa situation financière des renseignements que lui-même
aurait ignorés, M. X,
emprunteur averti, ne peut faire grief à cette
banque de lui avoir accordé un prêt qu'iiavait
lui-même sollicité. » L'idée désormais est
qu'un emprunteur jugé averti ne peut
mettre en cause la
responsabilité de l'établissement de crédit au motif que
le crédit
65 V. GOURO (A.), JCP G 2005 p. 1875 et s.
s'est révélé inopportun. Cette solution
est soutenable dans la mesure où l'emprunteur averti ne pouvait ignorer
la portée du prêt sollicité66.
La seule piste ouverte à l'emprunteur averti se trouve
sur le terrain de « l'asymétrie d'informations »
énoncée notamment par la Chambre commerciale de la cour de
cassation française, dans un arrêt du 20 septembre
200567. Un commentateur y décèle une brèche
ouverte à l'emprunteur averti. « C'est moins l'asymétrie
d'information entre le créancier et le débiteur qui est
sanctionné en tant que telle, que le fait que le banquier «
ignorait l'ignorance » de son client. En d'autre termes, la faute de
la banque tient ici en ce qu'elle ne s'est pas renseignée sur le
degré de connaissance de son client et qu'elle aurait dû, dans
l'ignorance de celui-ci, lui délivrer l'information nécessaire
pour qu'il s'engage en parfaite connaissance de cause.
La responsabilité du banquier vis-à-vis d'un
emprunteur averti est donc cantonnée à des hypothèses
précises et relativement restreintes. Il n'en va pas de même, en
revanche, quand l'emprunteur est un profane.
2- Les obligations renforcées du banquier face
à l'emprunteur profane
Le banquier s'est vu confier une nouvelle mission de «
gardien » des intérêts de l'emprunteur. En plus de sa mission
de police bancaire, il faut lui reconnaître également celle «
d'assainisseur » financier puisqu'il doit désormais, avant
d'octroyer un crédit, veiller à ce qu'un tel concours
n'altère la situation financière de l'emprunteur68. Le
banquier pourvoyeur de fonds est astreint à plusieurs obligations et
notamment d'information ou même encore de conseil, mais depuis
peu69 en vertu de la jurisprudence, à une obligation de mise
en garde. Elle a été dégagée explicitement par
66 Cf. LEGEAIS (D.), l'obligation de conseil de
l'établissement de crédit à l'égard de l'emprunteur
et de sa caution, Mélanges AEDBF III, 2001, p. 1524.
67 D. 2005 n°37, actualités juridiques,
note DELPECH (X.).
68 Cf. BOUCARD (F.) et DJOUDI (J.), « La
protection d l'emprunteur profane », Recueil Dalloz-2008, n°8, p.
500.
69 Nombreux sont les auteurs à s'être
intéressés à cette nouvelle obligation. Voir par exemple :
BOURDALLE (N.) et J. CAPDEVILLE (J-L.), « le développement
jurisprudentielle de l'obligation de mise en garde du banquier », Banque
et Droit 2006, n°107, p. 17 ; BOUCARD (F.), « le devoir de mise en
garde du banquier à l'égard de l'emprunteur et de sa caution :
présentation dialectique », RD banc. Fin, sept.2007, p. 24 ;
HOVQUET-BERG (S.), Les fournisseurs de crédit à nouveau mis en
garde ? RCA. 2007. Etude 15.
l'arrêt époux jauleski du 12 juillet
200570 réitérée à de multiples
reprises71.
L'obligation de mise en garde classiquement peut être
définie comme le devoir pour le professionnel d'attirer l'attention de
son cocontractant sur un aspect négatif du contrat ou de la chose objet
du contrat. Ainsi, le banquier, en matière de crédit devra
informer son client sur les charges et dangers de l'opération
projetée. Dans ce sens une telle obligation se confond à
l'obligation de conseil ou même à l'obligation d'information. S'il
est vrai que l'information se distingue du conseil, ce dernier se rapproche
davantage de l'obligation de la mise en garde et l'on pourrait
considérer la mise en garde comme un conseil renforcé. La mise en
garde apparait comme un conseil négatif, un conseil de ne pas faire,
accompagné de l'explication des dangers ou simplement des
inconvénients encourus si ce conseil n'est pas suivi.
Ainsi, le banquier se doit de veiller que le client qui
sollicite le crédit soit à même de le rembourser. Ce
crédit ne saurait être supérieur à ses
capacités de remboursement. Toutefois, cette vérification des
capacités de remboursement de l'emprunteur n'est pas automatique et
concerne plus l'emprunteur non averti. Le principe de l'opportunité du
crédit a pour corollaire la surveillance des fonds.
Section 2 : La surveillance des fonds
prêtés
On admet de plus en plus aujourd'hui que le rôle du
banquier ne se limite plus a celui de « marchand d'argent ».
De par sa position par rapport à l'entreprise, la relation qu'il
entretient avec ses clients l'amène à les accompagner au
quotidien dans leurs affaires. Ce rôle de la banque doit se faire dans
une proportion bien définie, afin qu'il ne s'immisce pas dans les
affaires de son client (paragraphe 2). En la matière, le principe est
celui de la non ingérence (paragraphe 1).
70 Civ. 1er, 12 juillet 2005, Bull. civ.
I, n° 327; D. 2005. Jur. 3094, note PARANCE (B.), AJ 2276, obs. DELPECH
(X.).
71 Cf. Civ. 1ère, 2 novembre
2005, bull. Civ. I, n°397; D. 2005, AJ. 3084, obs. AVENA-ROBARDET (V.);
RTD com., 2006. 171, obs., LEGEAIS (D.); RDI 2006. 294, obs. HEUGAS-DARRASPEN
(H.) ; RTD com. 2006. 462, obs. LEGEAIS (D.).
Paragraphe 1 : Le principe de non ingérence
L'étude du contenu du principe (A) va
précéder celle de sa limite (B).
A- Le contenu du principe
Encore appelé devoir de non immixtion, le principe de
non ingérence interdit aux
établissements de crédit
d'intervenir dans les affaires de leurs clients. Ce devoir a une
origine
prétorienne. Un arrêt de la Cour de cassation française du
28 janvier 1930
semble en être la première application. Dans cette
affaire, la cour déclare qu' « ils'agissait
d'un dépôt de fonds aux mains d'un banquier, qu'aucune
règle de droit ne
met à la charge du dépositaire l'obligation
de procéder spontanément à la vérification de
l'identité du déposant ou des droits de celui-ci, pas plus lors
du dépôt que de la restitution ». Il s'agissait
là des prémisses du devoir de non immixtion du
banquier72. Ce principe a ensuite été sans cesse
rappelé par les juges et systématisé par la doctrine.
Ainsi, selon Thierry BONNEAU « ce principe repose sur
un paradoxe apparent : ilprotège à la fois le client
et le banquier »73. Il protège le client en lui
conférant une
large marge de manoeuvre74. Le banquier ne se
mêlera pas de ses affaires. Il ne peut intervenir ni pour empêcher
son client d'accomplir un acte irrégulier, ni pour refuser
d'exécuter les instructions données par son client au motif que
celles-ci lui paraissent inopportunes. Si le banquier intervient tout de
même, il engage sa responsabilité et c'est en ce sens que ce
principe protège l'intérêt du banquier. Il protège
le créancier aussi bien à l'égard de ses clients
eux-mêmes que des tiers.
Le fondement de ce principe reste tout de même
très discuté en doctrine. Certains auteurs75 y voient
un prolongement du secret des affaires, ce qui est contesté par
d'autres76, qui considèrent que le principe de non
ingérence prend appui sur le droit commun de la responsabilité.
Il parait plus juste et simple de fonder ce principe
72 Cf. Cass 28 janvier 1930, Gaz. Pal. 1930. 1.
550, RTD, Civ. 1930, P. 369, obs. DEMOGUE (R.) In CAPOEN (A-L.) «
Responsabilité bancaire à l'égard des entreprises en
difficultés », thèse Université de Toulouse 18
Décembre 2008, p. 142.
73 Cf. BONNEAU (Th.), Droit bancaire, Montchrestien,
2°éd. 1996, n°395, p. 243.
74 Le client de la banque doit mener ses affaires en
toutes libertés sans aucune contrainte, procéder aux choix qu'il
juge opportun.
75 Cf. VEZIAN (J.) cité par BONNEAU (Th.),
ouvrage pré-cité.
76 Cf. GRUA cité par BONNEAU (Th.), ouvrage
pré-cité.
sur le respect de la vie privée : chacun est
maître de ses affaires et les gère comme bon lui semble. Pour
cette raison, le banquier n'a pas à s'immiscer dans les affaires de ses
clients. Il en découle nécessairement que, ni les tiers, ni le
client, ne peuvent lui reprocher de ne pas être intervenu dans leurs
affaires.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le banquier se
doit de ne pas s'ingérer dans les affaires de son client ; d'un autre
côté, pourtant l'on exige du banquier une surveillance des fonds
prêtés.
B- L'exception au principe : l'obligation de
surveillance des fonds prêtés
En vertu du principe de non immixtion, la libre utilisation
par le client des fonds prêtés a longtemps été la
règle. Puis, la jurisprudence a permis, voire obligé le banquier
à surveiller l'utilisation des fonds, notamment leur destination et leur
affectation. Cela signifie plus concrètement que le banquier doit selon
les moyens qu'il dispose, s'assurer que le prêt qu'il accorde serve
effectivement à ce pour quoi il a été demandé. Il
ne saurait rester sans réagir face au détournement ou gaspillage
de son client, de telle sorte que le défaut de surveillance de sa part,
pourrait l'amener à engager sa responsabilité.
Ce droit s'est parfois transformé en obligation,
lorsque la jurisprudence l'a jugée nécessaire. D'une
manière générale, pour voir dans quelle mesure le banquier
devra veiller à l'emploi des fonds prêtés, il faut
distinguer les crédits destinés au fonds de roulement ou aux
besoins généraux de l'entreprise dont le banquier n'a pas
à surveiller l'utilisation et ceux affectés au financement d'une
opération déterminée dont il peut être tenu de
vérifier la destination77. Il n'existe pas à
l'état actuel une obligation générale de surveillance
à la charge du banquier.
Plus encore et comme le relève le professeur KALIEU
Yvette78, loin de traiter les entrepreneurs camerounais «
d'incapables », elle préconise une grande implication du
banquier dans les affaires de leurs clients, non par faute de bonne foi mais
parce
77 Cf. RIVES-LANGE (J-L.) et RAYNAUD (C.), Droit
bancaire, Dalloz 1995, N°650 et s.
78Cf. KALIEU (Y-R.), « Les garanties
conventionnelles du fournisseur de crédit en droit camerounais »,
thèse, Université de Montpelier 1995, p. 294 et s.
qu'ils ne savent pas gérer leurs propres
affaires79.
En matière de crédit, la libre utilisation des
fonds est le principe, pourtant, le banquier doit procéder à la
surveillance de la bonne utilisation des fonds. Cette surveillance doit
être mesurée, pour éviter que le banquier ne se retrouve
dirigeant de fait de l'entreprise cliente.
Paragraphe 2 : Le banquier, dirigeant de fait de
l'entreprise
cliente
Le point de départ de cette responsabilité se
trouve dans l'article 180 de l'Acte Uniforme sur les Procédures
Collectives d'Apurement du Passif80. C'est une règle
classique selon laquelle, en cas d'insuffisance d'actifs et de fautes de
gestion, le tribunal peut mettre cette insuffisance à la charge des
dirigeants de droit ou de fait.
Sont dirigeants de fait, les personnes qui, n'ayant pas la
qualité de dirigeant, accomplissent des actes positifs de gestion et de
direction en toute souveraineté81. Les personnes qui prennent
en fait des décisions réservées aux organes de gestion,
qui exercent un véritable pouvoir de gestion et qui influencent ainsi de
manière notable la formation de la volonté sociale. Il ressort de
cette définition un critère fondamental de la
caractérisation de la banque comme dirigeant de fait ; il faut que la
banque ait accompli des actes positifs de gestion en toute
souveraineté.
L'activité positive est nécessaire à la
reconnaissance de la qualité de dirigent de fait. En effet, les
abstentions ne peuvent conférer cette qualité. Il doit s'agir
d'une participation effective. Ceci doit se faire en toute indépendance
traduisant ainsi l'idée selon laquelle la personne en question n'est pas
liée à la société par un lien de
79 Compte tenu de la jeunesse de nos Etats et de la
sous scolarisation, nombreux sont les entrepreneurs qui n'ont aucune ou du
moins des connaissances minimes en matière de gestion. Cependant la
tendance progressive tend à démontrer le contraire, avec
l'entrée dans le monde des affaires des entrepreneurs sortis de grandes
écoles de gestion.
80 Cet article stipule que: «les dispositions
du présent chapitre sont applicables, en cas de cessation des paiements
d'une personne morale, aux dirigeants personnes physiques ou morales, de droit
ou de fait, apparents ou occultes, rémunérés ou non et aux
personnes physiques représentants permanents des personnes morales
dirigeantes »
81 Cf. COUDERT (J-C.) et MIGEOT (P.), «
L'appréciation par l'expert du comportement dans la distribution du
crédit », in Les Petites Affiches, mai 1993, p. 9, cité par
MAGUEU Les banques et les entreprises en difficultés, mémoire
DEA, Université de Dschang 2005.
subordination, de sorte que son activité soit
exercée en liberté. C'est d'ailleurs l'exigence d'actes positifs
qui différencient le dirigeant de fait du dirigeant de droit. Si le
dirigeant de droit engage sa responsabilité pour les fautes d'omission,
le dirigeant de fait se révèle par son action82.
Par ailleurs, les actes en question doivent porter, soit sur
la gestion, soit sur la direction de la société. Ce
critère est sans cesse exigé par la jurisprudence et elle retient
par exemple comme actes positifs de gestion : les décisions prises en
matière d'investissement, la signature au nom de la
société, de contrat, déclarations fiscales et sociales,
comptes annuels, chèques ou traites, la passation de marchés, la
fixation des prix, ou enfin l'exercice de pouvoirs en matière de gestion
du personnel (recrutement, plan de carrière). Il peut aussi s'agir de
pressions (menace, chantage, ultimatum) sur les organes de direction, afin de
diriger leurs actions. Il faut par ailleurs une multiplicité d'actes de
façon à démontrer que les fonctions exercées ne
sont pas limitées à des opérations ponctuelles. Autrement,
il faut une répétition dans l'accomplissement des actes par le
dirigent de fait. Le simple conseil ou la surveillance des fonds ne peut
être source de responsabilité, à moins que
l'établissement de crédit soit très proche de l'entreprise
pour devenir une direction occulte.
La banque est un partenaire incontournable qui ne doit pas se
mêler des problèmes de gestion interne de l'entreprise cliente.
Un adage populaire dit souvent que « l'argent c'est
le diable ». Cet adage peut bien se vérifier dans le domaine
bancaire. En effet, si le crédit du banquier peut faire un très
grand bien à une entreprise, il peut aussi en être son pire poison
et être la cause de son déclin. Il en va ainsi lorsque, le
banquier accorde son soutien à une personne qui, en principe, n'en avait
pas besoin : c'est l'inopportunité du crédit ; ou que le
crédit ayant été accordé, il ne s'assure pas que la
destination du crédit est celle préalablement établie ; ou
encore surveille le crédit au point de s'ingérer dans la gestion
de son débiteur et devenir dirigeant de fait. La jurisprudence, de plus
en plus, pour alléger la responsabilité du banquier, tient compte
de la compétence du débiteur en faisant la distinction selon
qu'il est averti ou non averti. Toujours est-il que c'est le crédit
du
82 Cf. TRICOT (D.), « les critères de la
gestion de fait », Dr. et Patrim. Janvier 1996, p. 24et s, spéc. p.
24, cité par CAPOEN (A-L.) thèse précitée,
p.139.
banquier qui doit conduire à la décadence des
affaires du débiteur. Ce cas se distingue nettement du cas où le
crédit est accordé à une entreprise vouée à
l'échec.
CHAPITRE 2 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A
L'EGARD DES TIERS
L'entreprise, comme une personne humaine, connaît au
cours de sa vie d'importants problèmes qui, souvent, peuvent la
conduire, s'ils ne sont pas résolus, à la cessation des
paiements, puis à la liquidation des biens. Ces difficultés sont
souvent à l'origine de l'intervention des tiers et notamment des banques
pour sauver et empêcher la mort de la société. Mais cette
intervention de la banque peut l'amener à engager sa
responsabilité. Cette responsabilité peut découler de la
rupture brutale des concours à un moment important pour la
société. Elle peut aussi engager sa responsabilité pour
avoir accordé un prêt à une entreprise qui visiblement
était vouée à la perte : c'est le soutien abusif.
Le soutien abusif n'est pas directement visé par le
législateur. C'est dans l'analyse et l'interprétation de
l'article 118 de l'AUPCAP qu'il faut aller pour le trouver. Il peut être
défini comme la faute du banquier qui, en continuant d'octroyer du
crédit, permet la prolongation artificielle d'une activité dont
la continuité était déjà compromise et contribue
ainsi à l'augmentation du passif ou à la diminution de l'actif,
tout en laissant paraître une fausse apparence de
solvabilité83. A cet égard, la banque peut être
condamnée à réparer les préjudices subis par les
tiers.
A l'examen, plusieurs conditions sont nécessaires pour
l'existence de la faute de soutient abusif. Il s'agit de : la situation
irrémédiablement compromise de l'entreprise, le maintien ou
l'octroi du crédit pendant cette période et la connaissance par
la banque de cette situation. Les deux premières conditions constituent
les conditions objectives (section1) et la dernière, la
condition subjective (section 2) du soutien abusif.
83 La situation irrémédiablement
compromise est une cause de rupture légitime du contrat bancaire. Car,
comme le précise l'article 22 alinéa 2 et 3 de l'ordonnance de 85
précité, commet un faute le banquier qui ne rompt pas son
concours à une entreprise dont la situation est
irrémédiablement compromise.
Section 1 : Les conditions objectives du soutien
abusif
Les conditions objectives du soutien abusif sont
constituées de la situation irrémédiablement comprise
(paragrphe1), et l'octroi ou le maintien du crédit
pendant cette période (paragraphe2).
Paragraphe 1 : La situation irrémédiablement
compromise de
l'entreprise
La situation d'une société est
irrémédiablement compromise lorsque l'activité de
l'entreprise présente des signes évidents et irrésistibles
de déclin, c'est-à-dire lorsque la poursuite de l'activité
s'inscrit dans un cadre de difficultés insurmontables ne pouvant
objectivement aboutir à un redressement économique. Cependant,
cette notion pour mieux être comprise, doit être confrontée
à certaines voisines à elle (A) afin d'en apprécier la
quintessence (B)
A- Situation irrémédiablement compromise
et notions voisines
Pour mieux définir la notion de situation
irrémédiablement compromise, il faut la distinguer aussi bien des
difficultés passagères (1), que de la cessation
de paiement (2).
1- Situation irrémédiablement compromise
et difficultés passagères
Naturellement, si une entreprise à besoin de
financements pour poursuivre son exploitation, il en va de même et
à fortiori, lorsqu'elle traverse des moments difficiles. En effet, une
entreprise aussi puissante soit-elle à un moment ou à un autre,
rencontre des difficultés qui souvent, sont passagères ou se
compliquent si des mesures84 ne sont pas prises. En pareille
situation, les entreprises font recours aux banques pour apporter une solution
à leur problème. Il peut s'agir des problèmes de
trésorerie ponctuelle, comme par exemple des arriérés de
salaire. Il peut aussi s'agir des difficultés
84 Comme mesures nous avons la suspension des
poursuites individuelles, l'arrêt du cours des
intérêts...
juridiques85. A ce moment-là, il n'y a pas de
responsabilité du banquier, puisque son rôle est justement d'aider
à franchir ce cap par son appui financier et ses conseils.
2- Situation irrémédiablement compromise et
cessation des paiements
La cessation des paiements est la situation qui conduit
l'entreprise à l'ouverture d'une procédure de redressement
judiciaire et de liquidation des biens. Elle est définie comme
l'impossibilité pour une entreprise de faire face au passif exigible
avec son actif disponible. Il s'agit donc d'un état de trésorerie
à un moment donné. C'est la condition sine qua non de l'ouverture
d'une procédure de redressement prévue par l'Acte Uniforme
OHADA86 sur les procédures collectives, pouvant conduire
à la liquidation des biens. Il ne faut tout de même pas confondre
cessation des paiements et la situation irrémédiablement
compromise, et le faire se serait vider les procédures collectives de
toutes les substances. En effet, le but premier des procédures
collectives issues du droit OHADA est la sauvegarde de l'entreprise. Même
s'il reste vrai que cette notion de cessation des paiements jadis87
était définie avec celle de la situation
irrémédiablement compromise, et par conséquent, une
entreprise en cessation des paiements était celle qui était
irrémédiablement compromise. Or, avec l'évolution des
procédures collectives, on assiste à une forte propension pour le
législateur de protéger l'entreprise et c'est ainsi que la
référence à cette notion de situation
irrémédiablement compromise s'est trouvée
inappropriée. Car même si les problèmes que traverse
l'entreprise sont graves le souci majeur du législateur est de la
sauver, notamment par un plan de redressement88 sérieux et
aussi avec le concours des banques. La cessation de paiements n'est pas source
de responsabilité des banques.
85 La difficulté juridique n'est que la
résultante de la première, à savoir les difficultés
de trésorerie. Ces difficultés peuvent conduire à un
règlement préventif couronné par un concordat
préventif, prévu par le Titre1 de l'AUPCAP
86 Article 25 l'AUPCAP.
87 La situation irrémédiablement
compromise était la référence retenue par la jurisprudence
antérieure à 1979 comme critère de la cessation des
paiements.
88 Il s'agit du concordat de redressement. Le
concordat sérieux est probablement celui qui, tout en préservant
et en favorisant l'assainissement de l'entreprise, assure le paiement des
créanciers dans des conditions acceptables. Il doit comporter d'une part
des mesures de redressement de l'entreprise et plan de paiement des
créanciers théoriquement satisfaisants, d'autre part des
garanties d'exécution des engagements que contient la proposition de
concordat.
La cessation des paiements, y compris la situation difficile
conduisent à des mesures collectives dont le but est de sauver la
société89, avec souvent une collaboration franche du
banquier. Par contre la situation irrémédiablement compromise,
est plutôt source de responsabilité du banquier dispensateur de
crédit.
La situation irrémédiablement compromise n'est pas
la situation difficile, encore moins la cessation des paiements. Qu'est-elle en
réalité ?
B- Appréciation de la notion de situation
irrémédiablement compromise
On considère généralement que la
situation irrémédiablement compromise qui n'est pas
définie par la loi est constituée dès lors que, au moment
où est accordé le crédit, l'entreprise
bénéficiaire se trouve dans l'impossibilité de poursuivre
l'exploitation ou dès lors que le dépôt de bilan de
l'entreprise apparaît inéluctable. Autrement-dit, la poursuite de
l'activité de l'entreprise s'inscrit dans un cadre de difficultés
insurmontables. C'est la situation d'une entreprise qui ne peut trouver des
conditions normales d'exploitation90. La continuation du concours de
la banque dans de telles circonstances l'exposerait, du reste, à
être poursuivie pour soutien abusif. Autrement dit, la faute du banquier
traduit souvent un manquement à son devoir de rompre le crédit
lorsque l'entreprise se trouve dans une situation
irrémédiablement compromise91.
Plusieurs termes en jurisprudence sont employés pour
exprimer la même réalité : on parle par exemple de «
situation désespérée », « sans
issue », « situation compromise » ou encore «
définitivement compromise ».
La situation irrémédiablement compromise est un
état de fait qui est souverainement apprécié par les juges
du fond et qui doit être appréciée au moment où est
accordé le soutien. Par ailleurs, il convient de rappeler que c'est la
situation du bénéficiaire du crédit qui doit être
prise en compte. Dès lors, le banquier n'est pas fautif s'il accorde un
crédit au dirigeant, afin de lui permettre de poursuivre une
89 Arrêt du cours des intérêts,
suspension des poursuites individuelles...
90 Cf. CREDOT (F.), Mélanges en l'honneur de
VASSEUR (M.), p. 62.
91 Cf. article 22 al 2 et 3 de l'ordonnance de 85
précité.
activité propre.
Finalement, l'entreprise en situation
irrémédiablement compromise est celle dont la continuation
d'exploitation est devenue impossible, son échec ne fait plus l'objet
d'aucun doute. L'entreprise se retrouve sans aucun actif, ni commandes
certaines. L'octroi de crédit sera alors injustifié s'il est
certain ou fortement probable que les difficultés rencontrées par
l'entreprise sont sans issues. La banque commet alors une erreur en continuant
à soutenir financièrement son entreprise cliente.
La situation irrémédiablement compromise ne
constitue pas à elle seule la cause de responsabilité du
banquier. Ce dernier doit en face d'une entreprise sans issue commettre
l'erreur fatale, continué à financer son client.
Paragraphe 2 : Le financement des déficits de
l'entreprise
En réalité, la situation
irrémédiablement compromise ne suffit pas pour engager la
responsabilité du banquier, celui-ci doit avoir continué à
financer l'entreprise. L'établissement de crédit continue
à financer l'entreprise qui est vouée inexorablement à
l'échec, car la situation irrémédiablement compromise est
une cause légitime de rupture de contrat de crédit.
En soutenant financièrement une entreprise dont la
situation financière est désespérée, le banquier
masque la réalité, prolonge artificiellement la vie de
l'entreprise et diffère l'ouverture d'une procédure de
redressement ou de liquidation des biens ; ce qui conduit nécessairement
à augmenter les pertes de l'entreprise et donc à diminuer les
chances des créanciers de voir leurs créances honorées. Le
fournisseur de crédit commet donc une faute dans la mesure où il
manque à son devoir de discernement, de diligence.
Un auteur avait même soutenu que la
responsabilité du banquier mérite d'être
écartée, parce que le plus souvent les tiers ignorent l'existence
du crédit. Cette opinion ne doit pas, semble-t-il, être retenue
dans la mesure où, le créancier ne prétend pas qu'il a
contracté à cause du crédit octroyé par le
banquier, mais parce qu'il a été abusé par la situation
générale créée par le
crédit92.
92 Faire du crédit, c'est avant tout faire
confiance. Or, le banquier ne fait pas confiance aveuglement. Il n'accorde
Il est toutefois des cas où, quelle que soit la
gravité de la situation financière de l'entreprise, le
dispensateur de crédit ne pourra voir sa responsabilité
engagée. Il s'agit des crédits dits « légitimes
».
Il s'agit d'abord des concours octroyés dans le cadre
d'un plan de redressement. Les juges ont ainsi admis que n'est pas fautif
l'établissement de crédit consentant une avance à une
entreprise qui offre des possibilités de redressement, alors que des
mesures concrètes d'assainissement sont prévues. Il en est de
même du changement de dirigent et d'actionnariat, de la mise en place
d'une politique de gestion et d'investissement, et ce, même si le plan de
redressement s'avère finalement être un échec. Il semble
ensuite, que l'intervention des pouvoirs publics puisse légitimer aussi
le soutien du fournisseur de crédit.
En effet, il se peut qu'une entreprise en difficulté se
voit accorder le bénéfice d'une aide des pouvoirs publics aux
côtés des banques privées afin de tenter de surmonter une
crise qui peut très bien n'être que passagère, mais aussi
s'avérer fatale pour l'entreprise. La difficulté qui se pose
alors est celle de savoir si le banquier est susceptible d'engager sa
responsabilité pour octroi abusif de crédit, alors qu'elle a agit
concomitamment avec l'Etat.
Il est possible de dire que la banque n'est pas responsable
puisqu'elle a accordé un crédit aux côtés même
des pouvoirs publics. L'intervention des pouvoirs publics dans ce cas
constituant une présomption du caractère sérieux du plan
de redressement. Aussi les banques pourront toujours faire valoir qu'elles
n'ont pas été totalement libres dans leur décision
d'apporter ou non leur concours à l'entreprise en difficulté, en
raison de la pression exercée sur elles par les autorités
publiques.
En plus de la situation irrémédiablement
compromise et du financement des déficits de l'entreprise, le banquier
doit avoir la connaissance de la situation de cette entreprise cliente.
normalement son crédit qu'à ceux qui inspirent
entièrement confiance par les garanties de sérieux et
d'honorabilité qu'ils offrent. Le crédit est donc
révélateur, en principe, d'une parfaite honorabilité du
crédité. Dans la vie des affaires, il est, synonyme de
dignité. Dans ces conditions, s'il ne correspond pas dans la
réalité à cette image, si en fait il a accordé
à une personne peu honorable, il est concevable qu'il soit trompeur et
que les victimes de cette dissimulation songent à demander des comptes
au banquier. Peu importe que le banquier ait été inspiré
par la volonté de masquer la situation le temps de se dégager,
qu'il ait été imprudent, incohérent ou qu'il se soit
laissé tenter par une fuite en avant.
Section 2 : Les conditions subjectives du soutien
abusif: La
connaissance de la situation de l'entreprise
La situation sans issue de l'emprunteur et le maintien du
crédit ne suffisent pas à mettre en jeu la responsabilité
de la banque ; encore faut-il qu'elle soit au courant de cette situation et
qu'elle ait manqué d'informer le débiteur.
En effet, lorsque le banquier disposait d'informations qui
auraient dû alerter sa vigilance et renforcer ses contrôles, il a
maintenu, voire augmenté les crédits accordés, la faute ne
fait aucun doute. Il est reproché en réalité au banquier
de n'avoir pas su apercevoir les signes clairs des difficultés graves
dans lesquelles l'entreprise se trouve.
Or, il n'est pas simple de prouver que le banquier connaissait
la situation de l'entreprise. C'est au demandeur qu'il appartient d'en apporter
la preuve. C'est pourquoi, la jurisprudence, pour condamner le manque de
vigilance, procède par présomption. Elle affirme, que le banquier
« aurait pu connaître93 » ou « ne
pouvait ignorer94 »la situation du débiteur. Elle a
par conséquent crée, à la charge du prêteur, une
obligation de se renseigner. L'obligation d'information met à la charge
du banquier celle de s'informer, de se renseigner. Le donneur de crédit
doit par conséquent se renseigner sur la situation financière de
son débiteur. Il faut donc, pour la Cour de Cassation, que la situation
de l'entreprise « ait été connue du banquier au moment
de l'octroi du crédit ou du moins qu'il n'ait pu ignorer celle-ci en
fonction des éléments qu'il connaissait ou devait
connaître ».
Il existe certaines circonstances dans lesquelles la situation
de son client ne peut être légitimement ignorée du
banquier, notamment, lorsque ce dernier détient une participation au
capital de la société bénéficiaire. Ainsi, on
présume que le banquier a toute la latitude pour accéder aux
informations.
Pour autant, même si le plus souvent la banque est
extérieure à l'entreprise, elle ne peut soutenir qu'elle ignorait
la situation réelle. Tenue d'une obligation de vigilance, elle doit
s'informer sur la situation du client en prenant divers types de renseignements
sur ses capacités financières ou l'évolution des ses
affaires. La
93
Cass. Com., 7 October 1997,
n°95-17.065, RJDA 1998, n°, n°90.
94
Cass. Com., 12 Juillet 1980,
n°78-16.088, Bull. civ. IV, n°317, p. 256.
jurisprudence ne se contente pas d'apprécier la
responsabilité du banquier en fonction des informations dont il dispose
concrètement dans chaque espèce, elle fait peser sur le
fournisseur de crédit un devoir général de s'informer sur
la situation du client. La banque devra donc se livrer, en bon professionnel,
à l'analyse des documents comptables de l'entreprise financée,
auxquels elle ne pourra se fier que dans la mesure où ceux-ci ne
présentent pas d'irrégularités évidentes. Dans
cette perspective, le banquier doit exiger que son client lui communique les
documents comptables prévisionnels intermédiaires au même
titre que le bilan annuel. Il doit par ailleurs s'assurer de la
régularité et de la sincérité des documents qu'il
reçoit.
Mais seulement, l'investissement du banquier dans la recherche
de l'information ne doit pas dépasser la limite du raisonnable pour se
trouver sur le terrain de l'immixtion dans les affaires de son client. En
effet, le banquier n'est pas « un policier » devant mener
ses investigations sans limites, il est tenu d'un devoir de non immixtion ou de
non ingérence dans les affaires de son client.
Pour que la responsabilité du banquier soit retenue, il
faut que le débiteur soit dans une situation
irrémédiablement compromise ou encore en situation
désespérée. Cependant, la doctrine a
révélé que la situation irrémédiablement
compromise n'est pas la condition sine qua non de la responsabilité de
la banque. Celui-ci doit encore être au courant de cette situation et
avoir continué à soutenir son client au lieu de rompre le
crédit. Toutefois, la décision n'est pas facile à prendre
et peut même constituer un dilemme. La question étant de savoir
s'il convient de renouveler le crédit ou l'interrompre au moment
où l'entreprise est en difficulté, « le banquier est
contraint de fonctionner en permanence entre le soutien abusif et la rupture
abusive »95.
95 Cf. LIPZER (M.), Directeur à la Banque
Populaire, cité par Amel GUAAYBESS, mémoire
pré-cité, p. 52.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Le caractère particulier de l'activité de la
banque a conduit la jurisprudence à déterminer l'étendue
des obligations des établissements de crédit. Préteur par
profession, le banquier est tenu d'obligations qui dépassent celles d'un
simple préteur96. Il doit non seulement mettre à la
disposition du débiteur les fonds promis, mais aussi s'assurer que
ceux-ci ne sont pas source de préjudice pour le client. En effet, le
crédit qu'il octroie doit être digne97. Cette notion de
dignité du crédit se réfère davantage à
l'opportunité financière du crédit mais aussi au regard de
la situation générale de l'entreprise.
La jurisprudence distingue le devoir de discernement, le
devoir de s'informer et le devoir de surveillance des fonds
prêtés98et très récemment le devoir de
mise en garde. Le banquier doit s'assurer au moment où il accorde un
crédit, que celui-ci ne soit pas la cause de la chute du
débiteur. Il doit éviter que son crédit ne vienne pas
plutôt enfoncer le débiteur dans les profondeurs des
procédures collectives en augmentant son passif. Le banquier est devenu
une sorte de « conscience individuelle » de ses
débiteurs, sans doute soutenu par l'idée que la banque accomplit
une mission de « service public99 ». En effet, la
moindre faute, fût-elle légère est de nature à
engager la responsabilité du banquier.
Au total, l'appréciation de la responsabilité du
banquier s'accompagne d'une extension de la notion de faute. C'est finalement
la spécificité du contenu des obligations qui donne une
coloration particulière à la faute commise par le
banquier100. Cependant, la faute seule ne suffit pas ; d'autres
éléments puisés dans le droit commun de la
responsabilité doivent être associés pour
véritablement mettre le banquier en cause
96 Cf. MILOGA (M.), « La responsabilité du
banquier dispensateur de crédit », Séminaire AJBEF, Douala
05 au 09 novembre 2001, www.ajbef.info, p. 4.
97 Il est vrai qu'il est souvent dit que le client
cesse d'être digne lorsqu'il a un comportement gravement
répréhensible.
98 Cf. RIVES-LANGE (J-L.) et RAYNAUD (C.), Droit
bancaire, D. 1986, n°546, p. 678
99 L'idée de service public ne doit pas
être prise au sens technique et il ne faut pas lui attacher toutes les
conséquences qu'elle emporte en droit public. Elle justifie seulement un
renforcement des différentes obligations mises à la charge du
banquier.
100 Cf. LOKO-BALOSSA (E-J.), « La responsabilité du
banquier dispensateur de crédit », Annales de l'Université
Marien NGOUABI Brazzaville - Congo, 2007, p. 2.
DEUXIEME PARTIE : UNE RESPONSABILITE DU
BANQUIER
EMPRUNTANT AU DROIT COMMUN DE LA
RESPONSABILITE CIVILE AU NIVEAU DE LA
SANCTION
La responsabilité du banquier dispensateur de
crédit n'est pas une responsabilité ex nihilo,
c'est-à-dire, néée de nulle part. Elle part du droit
commun pour y revenir. La responsabilité civile est l'obligation de
réparer le dommage causé à autrui par un acte contraire
à l'ordre juridique. Son auteur doit y répondre. Sa principale
fonction est réparatrice. Elle remplit aussi une autre fonction,
préventive. La responsabilité civile permet, dans la mesure du
possible, de prévenir la réalisation des dommages par crainte
légitime de la sanction pécuniaire qu'elle engendre, à
laquelle peuvent se grever d'autres sanctions101.
S'agissant particulièrement du banquier, sa
responsabilité remplit le même rôle. Mais la nature
particulière de sa profession déteint considérablement sur
le régime (Chapitre 1) et la mise en oeuvre
(chapitre2) de la sanction sans toutefois les muter. Chapitre
1 : la mise en oeuvre de la sanction
Chapitre 2 : le régime de la sanction
101 Cf. CADIET (L.), le TOURNNEAU (Ph.), ouvrage
précité, p. 1.
CHAPITRE 1 : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION
Mettre en oeuvre une sanction signifie la mettre en marche ou
en mouvement. Pour mettre en oeuvre l'action qui aboutira à la
condamnation du banquier, convient-il de déterminer les personnes
susceptibles d'intenter l'action (section2). Ces personnes
comme en droit commun, doivent en plus démontrer l'existence d'une
faute, établir un préjudice et un lien de causalité
(section1).
Section 1 : Le préjudice et le lien de
causalité
La responsabilité du banquier à raison de
l'octroi de concours, est fondée sur la faute de celui-ci. Il s'agit
d'une responsabilité pour faute. Elle doit être accompagnée
d'un préjudice et d'un lien de causalité102. Le
préjudice et le lien de causalité sont nécessaires
à la reconnaissance de la responsabilité du banquier. En effet,
même si dans le cadre du droit commun on a l'impression qu'ils sont
parfois placés en second rang, dans le cadre de la responsabilité
pour faute, le lien de causalité et le préjudice restent des
conditions indispensables. La responsabilité civile a un objet
principalement indemnitaire ; la reconnaissance de la responsabilité
permet de réparer un dommage, dans son intégralité. Or, la
réparation ne saurait être intégrale, si le
préjudice subi n'a pas été déterminé au
préalable (paragraphe1). De même, on ne saurait
condamner le banquier, à la réparation de ce préjudice, si
aucun lien n'a été établi entre son comportement et le
dommage subi (paragraphe2).
Paragraphe1 : Le préjudice
Le préjudice subi par les victimes du comportement
fautif du banquier est fixé par le premier alinéa de l'article
118 de l'AUPCAP : « les tiers, créancières ou non ...ont
contribué à retarder la cessation paiements ou à diminuer
l'actif ou à aggraver le passif du débiteur peuvent être
condamnés à réparer le préjudice... ». La
détermination du préjudice est assez importante en ce sens que
c'est lui qui fixera les
102 Le dommage et le lien de causalité constituent ce que
le TOURNEAU (Ph.) et CADIET (L.), dans leur ouvrage, Droit de la
responsabilité. 1996, nomment les constantes de la responsabilité
civile.
personnes titulaires de l'action en responsabilité
contre le banquier. Mais la formulation de cet article n'est pas aussi claire
comme on pourrait le penser. Par conséquent, il convient de
préciser le contenu réel du préjudice (A)
et bien entendu délimiter son étendue (B).
A- Le contenu du préjudice
Le préjudice subi par les créanciers (autres que
le banquier) tient à ce que le concours bancaire a accentué le
passif de l'entreprise soumise à la procédure collective,
diminuant ainsi leurs chances de remboursement.
Ces créanciers peuvent aussi bien être des
personnes de droit public comme le fisc, ou les fournisseurs disposant de
sûretés moins solides que celles du banquier. Les fournisseurs
sont le plus souvent des créanciers chirographaires. Ils sont donc les
premiers à subir la cascade des difficultés.
Le préjudice des salariés est d'autant plus
grave qu'ils sont subordonnés à l'entreprise. Leur emploi
dépend de la survie de l'exploitation. Or l'aggravation du passif
diminue les chances de redressement de l'entreprise. Sont aussi
concernées les personnes directement liées à l'entreprise,
tels que les actionnaires ou associés.
Certains auteurs103 ont à juste titre
relevé l'existence d'une dualité des conséquences du
crédit fautif. Ils distinguent le préjudice né de la
création d'une fausse apparence de solvabilité ou de
prospérité104 du préjudice né de la
poursuite d'une activité génératrice d'un passif
supplémentaire.
Un autre auteur105 reprend cette distinction pour
la mettre en parallèle avec deux catégories de créanciers,
ceux dont la créance est née antérieurement à la
procédure collective et ceux dont la créance est née
postérieurement. Cette distinction correspond respectivement aux
créanciers dans la masse, et aux créanciers de la masse. La masse
est constituée des créanciers dont la créance est
antérieure à la décision d'ouverture et ce, même si
leur créance est antérieure à la décision
d'ouverture106. On y trouve aussi
103 Cf. GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.), Droit bancaire,
Litec, 1999, p. 195, n°400.
104 Celle-ci étant susceptible de tromper les tiers qui
vont continuer de contracter avec le crédité.
105 Cf. PIEDELIEVRE (S.), cité par Amel GUAAYBESS «
la responsabilité civile du banquier d'une entreprise en
difficultés » mémoire pré cité.
106 Article 72 de l'AUPCAP.
bien les créanciers chirographaires, que les
créanciers titulaires de privilèges généraux, sauf
ceux titulaires de sûretés spéciaux.
Par contre les créanciers de la masse sont les
créanciers dont la créance est née après le
jugement d'ouverture de la procédure, suite à la
continuité de l'exploitation de l'entreprise.
Les créanciers dans la masse subissent
généralement un préjudice égal à la
différence entre ce qu'ils auraient touché et ce qu'ils auraient
dû toucher si le crédit n'avait pas été consenti et
donc si la procédure avait été ouverte plus
tôt107. Alors que les créanciers de la masse subissent
la fausse apparence de solvabilité qui les a amenés à
contracter avec l'entreprise soumise à la procédure.
Mais la distinction semble se situer à un autre niveau,
car il ne faut pas perdre de vue que c'est la faute du banquier (octroi de
crédit) qui fait naître le préjudice, et non l'ouverture de
la procédure ; si bien que c'est par rapport à la faute qu'il
faut se situer pour établir la distinction.
Le préjudice subi par les créanciers
antérieurs à la faute de la banque consiste en l'atteinte
portée à leur droit de gage général sur le
patrimoine du débiteur ; le crédit augmente le passif et permet
une continuation de l'exploitation qui ne fait que creuser le déficit.
Le préjudice est égal non pas à l'insuffisance
d'actif108, mais à la différence entre ce qui est
perçu dans la procédure et ce qui l'aurait été si
elle avait été mise en oeuvre plus tôt109. De
même, la caution doit prouver que la faute de la banque a aggravé
son risque par rapport à ce qu'il était. Dans le cas contraire,
la jurisprudence estime que le préjudice fait défaut
malgré l'augmentation des concours financiers.110
Les créanciers postérieurs à la faute
font valoir que sans elle, il n'y aurait pas eu ouverture d'une
procédure et qu'ils ne seraient donc pas devenus créanciers de la
faillite. Leur préjudice peut donc correspondre à la
différence entre le montant de leur créance et le dividende
perçu.
107 Aux créanciers dans la masse s'applique la discipline
collective : arrêt du cours des intérêts, suspension des
poursuites individuelles...
108 Cf.
Cass. Com, 24 mars 1992, Bull.civ, IV,
n°125, RD bancaire et bourse, 1992, p. 163, obs. CREDOT (F.) et. GERARD
(Y.).
109Cf. Cass. Com,
11 octobre 1994 RD bancaire et bourse, 1995, p. 16, obs. CREDOT (F.) et. GERARD
(Y.).
110 Cf.
Cass. Com, 4 octobre 1994, RD bancaire et
bourse, 1995, p. 15, obs. CREDOT (F.) et. GERARD (Y.).
Encore faut-il naturellement que la preuve de ce
préjudice soit rapportée. La détermination du
préjudice pose le problème de la délimitation des domaines
respectifs entre le préjudice collectif et le préjudice
individuel.
B- L'étendue du préjudice
Le préjudice causé par le banquier dispensateur
de crédit peut être individuel ou collectif. Il convient de
distinguer le préjudice collectif subi par la collectivité de
créanciers du crédité (1), et le
préjudice particulier subi par chaque créancier individuellement
(2).
1-Le préjudice collectif
Le préjudice collectif est le premier des
préjudices dont est demandée la réparation au banquier. Il
est la justification de la responsabilité civile du banquier pour
soutien abusif. Néanmoins, cette responsabilité s'inscrivant au
sein des procédures collectives, est hautement influencée par ce
droit. C'est la raison pour laquelle la définition du préjudice
collectif est étroitement liée à la masse des
créanciers et dont la personnalité morale ne souffre plus d'aucun
doute111.
Ainsi le préjudice collectif peut être compris
comme celui qui touche aux intérêts de la masse. C'est la «
diminution de l'actif » et « l'augmentation du
passif » suscitée par la faute de la banque. L'une comme
l'autre sont de nature à faire apparaître une insuffisance
d'actif.
Dès lors, pour certains, le préjudice ne peut
être collectif que s'il recouvre celui subi en commun par la
totalité des créanciers112. Mais cette approche du
préjudice collectif conduirait à le considérer comme un
simple agrégat de tous les préjudices individuels. Le
préjudice collectif doit être envisagé dans sa
globalité. L'intérêt collectif « est beaucoup plus
que la somme des intérêts individuels qui composent la
111 Selon l'article 72 de l'AUPCAP « la décision
d'ouverture (de la procédure d'apurement du passif) constitue les
créanciers en une masse représentée par le syndic qui,
seul, agit en son nom et dans l'intérêt collectif et peut
l'engager. La masse est constituée par tous les créanciers dont
la créance est antérieure à la décision
d'ouverture, même si l'exigibilité de cette créance
était fixée à une date postérieure à cette
décision à condition que cette créance ne soit pas
inopposable en vertu des articles 68 et 69 ci-dessous ».
112 Cf. DERRIDA (F.), notes sous
Cass. Com. 16 mars 1993, LPA, 20 octobre
1993, n°126, p. 14 et s.
collectivité des créanciers ; elle a des
intérêts originaux »113. L'idée
d'uniformité, c'est-à-dire d'un préjudice subi par tous
les créanciers de l'entreprise a été rejetée par la
Cour de cassation française de façon implicite dans l'arrêt
Laroche du 7 janvier 1976. Les professeurs GAVALDA et STOUFFLET relevaient que
« le dommage collectif n'est pas la photocopie composite des divers
préjudices particuliers ni leur accumulation »114.
Par conséquent, le préjudice collectif n'est pas la somme des
préjudices de l'ensemble des créanciers. Le préjudice
collectif peut donc être le préjudice subi par certains
créanciers seulement. Ainsi peut-on définir le préjudice
collectif au moyen de la constatation d'une aggravation du passif ou de
l'insuffisance d'actif du débiteur. Dans l'arrêt Laroche, la Cour
de cassation estimait que le préjudice collectif était «
constitué par une diminution du patrimoine de l'entreprise, soit
sous forme d'une diminution de l'actif, soit sous forme d'une aggravation du
passif ».
En outre, le préjudice collectif ne peut être
supérieur à l'insuffisance d'actif, c'est-à-dire à
la différence entre le montant des créances admises et celui des
dividendes reçues, et il doit être limité à la
différence entre l'insuffisance à la date d'ouverture de la
procédure et celle du moment de la faute.
Au-delà du préjudice collectif que peuvent subir
les créanciers en général, il peut arriver que d'autres se
plaignent d'un préjudice particulier qui leur est propre.
2-Le préjudice individuel
Le droit des procédures collectives n'a pas
annihilé la possibilité pour les victimes d'un préjudice
personnel de s'en prévaloir. Ce préjudice doit être
individuel et n'être invoqué que s'il est différent du
préjudice collectif et non inhérent à la procédure
collective. Ces trois critères requis pour la recevabilité de
l'action individuelle d'un créancier ont été fixés
par un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de
cassation du 9 juillet 1993115. Dans cette affaire était mise
en cause la responsabilité d'un banquier
113 Cf. LIKILLIMBA (G-A.), le soutien abusif d'une entreprise
en difficulté, Préface de MESTRE (J.), Bibliothèque
de droit de l'entreprise, Litec 2°ed. 2001, p. 169, n° 180.
114 Cf. GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.), note sous
Cass. Com. 7 janvier 1976 n°72-14.029
arrêt Laroche, JCP 1976 II 18327.
115 Cass. Ass. Plen. 9 juillet 1993, D. 1993, p. 469, note,
DERRIDA ; JCP E 1993, II, 509, note POLLAUDDULIAN (F.) ; JCP E 1993, I, 298,
obs. CABRILLAC (M.); JCP E 1993, I, 302, obs. GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.) ;
Dr. Sociétés 1994, n° 26, obs. CHAPUT.
dispensateur de crédit, par un créancier
agissant seul. La procédure a été entamée en 1962.
La Cour d'appel de Montpellier avait admis la recevabilité de cette
action avant que la chambre commerciale ne cassât sa décision par
un arrêt du 26 novembre 1986116 et renvoyât l'affaire
à la Cour d'appel de Toulouse. Celle-ci rendît deux arrêts
très remarqués117 dans lesquels elle admettait la
recevabilité de l'action individuelle d'un créancier en cas
d'immobilisation des créances, c'est-à-dire la perte des
intérêts. La question de l'action individuelle d'un
créancier est une question délicate puisqu'elle concerne à
la fois le droit spécial des procédures collectives et le droit
commun de la responsabilité civile. Il est évident qu'on ne peut
pas priver le créancier de son droit d'agir pour obtenir la
réparation de son préjudice personnel118, mais cela
doit se concilier avec le droit complexe des procédures collectives. La
Chambre commerciale dans un arrêt du 2 juin 2004119, a
d'ailleurs reconnu l'existence d'un préjudice personnel distinct de
celui de la masse des créanciers.
Finalement, les créanciers peuvent demander aussi bien
la réparation d'un préjudice collectif que celle d'un
préjudice personnel. Ils doivent par conséquent démontrer
l'existence d'un lien de causalité.
Paragraphe 2 : Le lien de causalité
Conformément aux règles générales
de la responsabilité civile, la responsabilité d'une banque
envers son client doit obligatoirement faire ressortir un lien de
causalité entre la faute et le dommage subi. Les tribunaux exigent sans
cesse ce lien de causalité : « La responsabilité
prévue par l'article 1382 suppose un rapport de causalité entre
la faute et le dommage120». La preuve de ce lien de
causalité doit nécessairement être rapportée par le
demandeur. Mais les juridictions et notamment la haute juridiction s'est
abstenue de poser les principes permettant de construire une
116
Cass. Com. 25 juin 1986, Bull. civ. IV,
n°220, JCP E 1987, I, 16026, D 1987, 88, note DERRIDA (F.)
117 CA Toulouse 26 juin 1989, sur renvoi de
Cass. Com. 25 juin 1986, D. 1989, jur. P.
530, note DERRIDA (F.) RTD Com 1990, p. 71, obs. CABRILLAC (M.) et TEYSSIE
(B.)
118 Le droit à la réparation est désormais
considéré comme un droit fondamental.
119
Cass. Com 2 juin 2004, n°01-17.945,
F-D, BNP Paribas c/ Ste Bianchi, jurisdata, N° 2004-024061, RDBF,
novembre-décembre 2004, n°6, p.414, n°253, obs. LUCAS
(F-X.).
120 Cass. Civ. 2°, 27 octobre 1975, Gaz. Pal. 1976, 1, 169,
note, PLANCQUEEL (A.)
véritable définition juridique de la
causalité121. Toutefois, et en particulier dans le domaine
des droits des entreprises en difficulté, les causes du dommage sont
multiples. Comment évaluer dans ce cas la causalité ?
Dans certains cas, les juges admettaient une
présomption du lien de causalité, de sorte que le cumul de
l'accroissement du passif et d'une faute de la banque, suffisait à
prouver le lien de causalité122. Cette situation
n'était qu'exceptionnellement admise : la preuve d'un lien de
causalité direct est indispensable. La légèreté
blâmable par laquelle le banquier a accordé du crédit, ne
peut à elle seule justifier la condamnation de la banque. En
réalité, la relation causale semble dépendre des faits de
l'espèce : certains auteurs estiment que le lien de causalité,
s'il n'est présumé, peut en revanche être aisément
établi lorsque le préjudice résulte d'une faute exclusive
du banquier. Il sera en revanche moins évident lorsque le demandeur a
également commis une faute. Il n'est pas certain que la faute du
banquier soit ici à l'origine du préjudice subi. Le juge
procède à l'évaluation du lien de causalité en
fonction de plusieurs paramètres. La causalité dépend en
effet, à la fois d'éléments de fait, tels que l'ampleur de
la faute du banquier, ou les circonstances dans lesquelles le préjudice
est survenu ou encore la qualité du demandeur ou même la nature
juridique du préjudice123. Le seul critère commun que
semble retenir la Cour suprême française est celui du rapport de
nécessité entre le fait générateur,
c'est-à-dire la faute et le dommage124.
Le fait reproché au banquier doit avoir
été nécessaire à la réalisation du dommage,
il doit en être la condition sine qua non. Dès lors, si le
demandeur ne démontre pas que le dommage résulte de la faute du
défendeur, alors, l'action en responsabilité doit être
rejetée par les juges. Parfois le juges requièrent bien plus la
nécessité, à savoir l'adéquation, de sorte que
lorsque les causes du dommage sont multiples, seule la cause adéquate
doit être retenue. Cela signifie que certains faits
121 Cf. VINEY (G.) et JOURDAIN (P.), « Les conditions de la
responsabilité », in Traité de Droit civil sous la direction
de GHESTIN (J), LGDJ 3° ed. 2006, p. 196, n° 350.
122 CA AIX en Provence, 7 février 1984.
123Cf. LIKILLIMBA (G-A), Le soutien abusif d'une
entreprise en difficulté, Préface de MESTRE (J),
Bibliothèque de droit de l'entreprise, Litec 2°ed. 2001, p. 188,
n° 208.
124 Cf. VINEY (G) et JOURDAIN (P), « Les conditions de la
responsabilité », in Traité de Droit civil sous la direction
de GHESTIN (J), LGDJ 3° ed. 2006, p. 197, n° 352.
générateurs peuvent être
écartés comme ne constituant pas une cause adéquate du
préjudice125.
D'une manière générale, il est soutenu
que la relation causale est plus difficile à établir en cas
d'octroi de crédit ; si bien que c'est sur ce terrain que le banquier
trouvera les meilleurs moyens de défense.
Section 2 : Les demandeurs à l'action
Dans un souci de clarté et pour mieux ressortir les
demandeurs à l'action, deux points seront successivement examinés
: les demandeurs parties à la convention d'ouverture de crédit
(paragraphe 1), et l'action des personnes extérieures
à cette convention (paragraphe 2).
Paragraphe1 : L'action en justice des parties à la
convention d'ouverture de crédit
La jurisprudence de la Cour de cassation relative à la
responsabilité des banques en matière d'octroi de crédit
s'est montrée particulièrement favorable aux particuliers, de
telle sorte que, les bénéficiaires ou les garants de
crédits professionnels ont cru devoir profiter de cette tendance. Mais
la Chambre commerciale de la Cour de cassation a mis un frein a cette tendance
en restreignant fortement les possibilités d'action des emprunteurs
(A) et garants dirigeants (B) de
crédits professionnels, lesquels empruntent ou garantissent la plupart
du temps en parfaite connaissance de cause de la situation financière
difficile de l'entreprise ou les risques d'une opération de
crédit.
A- L'emprunteur
Le principe est que l'action en responsabilité
intentée contre la banque par le débiteur lui-même est
recevable. Une telle action relève de la responsabilité
contractuelle.
125 Selon la théorie de la causalité
adéquate, lorsque plusieurs faits ont concouru au même dommage, on
doit rechercher celui qui a normalement provoqué le dommage
considéré ou encore la cause efficiente du dommage.
Mais ces actions sont généralement
rejetées, car le banquier oppose la faute de la victime qui est souvent
plus grave et joue un rôle causal plus important que celle du banquier.
La jurisprudence manifeste clairement son hostilité à ces
actions. En effet, elle estime le plus souvent que la faute de la banque ne
peut être invoquée, ni par ses dirigeants et associés, ni
par la société elle-même, dès lors que la situation
était connue d'eux ou résultait de leurs fautes126.
Récemment, la Chambre commerciale127 de la
Cour de cassation a jugé que dès lors qu'un « homme
d'affaires expérimenté (...) connaissait les risques des
opérations dont il avait pris l'initiative, la banque n'avait pas
manqué à son devoir de conseil ». Elle a, en outre,
précisé, dans un autre arrêt128 rendu le
même jour, que la banque ne peut être responsable que si elle
savait qu'une entreprise était dans une situation
irrémédiablement compromise et si l'emprunteur, par suite de
circonstances exceptionnelles l'ignorait.
Cette solution posée comme principe apparaît
très favorable à l'égard des banques. En effet, la
portée est considérable puisque l'emprunteur dirigeant
étant présumé connaître la situation
financière de son entreprise, il se verra la plupart du temps refuser
l'engagement de la responsabilité du banquier. Désormais, les
fautes de la banque en matière de conseil, son manque de prudence au
regard de la situation de trésorerie de l'entreprise ne suffisent pas,
lorsque l'action est intentée par l'entreprise emprunteuse. La cour de
cassation rejette des demandes en responsabilité en arguant de
surcroît de l'interdiction qui est faite aux banques de s'immiscer dans
la gestion de l'entreprise. Autrement dit, ce n'est que dans des cas
très exceptionnels que la responsabilité de la banque pourra
être engagée par l'emprunteur. Pour reprendre une formule d'un
auteur129, ces actions ne sont pas irrecevables, mais elles «
doivent par principe être rejetées ».
Ce principe n'est pas absolu, comme l'atteste d'ailleurs la
formule de la Chambre commerciale : « sauf circonstances
exceptionnelles ». Celle-ci ne remet pas
126 Dans un des ses arrêts du 5 janvier 1999 la Chambre
commerciale a jugé irrecevable l'action de la société et
de l'administrateur « le soutien prétendument abusif accordé
par la banque à la société débitrice a porté
préjudice aux seuls créanciers », PA, 26 janvier 1999,
n°19, p. 8.
127
Cass. Com. 11 mai
1999(3°espèce), JCP E, 1999, p. 1730, note LEGEAIS (D).
128
Cass. Com. 11 mai 1999(2°
espèce), JCP E, 1999, p. 1730, note LEGEAIS (D).
129
Cass. Com., 17 juin 1997, RTD com. 1997,
p. 662, note M. CABRILLAC.
fondamentalement en cause sa jurisprudence antérieure.
Pourrait constituer des circonstances exceptionnelles, une information
ignorée du dirigeant sur la situation irrémédiablement
compromise de l'entreprise mais détenue par la banque. Il en irait de
même, lorsque la banque intervient dans la gestion de l'entreprise ou
bien encore lorsque les circonstances font apparaître la mauvaise foi de
la banque dans les modalités de souscription de crédit.
L'impossibilité avérée de rembourser un crédit,
même, en tenant compte des perspectives de revenus futurs, surtout en
présence d'un dirigeant peu expérimenté, pourrait
également servir d'appui pour engager l'action en
responsabilité.
En résumé, pour pouvoir agir, l'emprunteur
avisé devra prouver que le banquier a manqué gravement à
son devoir de discernement ou qu'il a contracté de mauvaise foi.
La jurisprudence n'est pas favorable à l'action de
l'emprunteur et ne l'admet qu'exceptionnellement. Ce courant de pensée
vaut aussi pour la caution dirigeante.
B- La caution dirigeante
Il est fréquent que la responsabilité de la
banque soit invoquée par la caution appelée à payer en cas
de défaillance du débiteur principal, agissant personnellement.
Or, le plus souvent, la caution se trouve être dirigeante de l'entreprise
débitrice principale. La caution va invoquer, outre la faute de la
banque commise dans son financement, la faute commise à son
égard. Elle ne peut le faire que par référence à
l'obligation de conseil ou, au principe de proportionnalité dont elle
peut bénéficier.
A cette action, la jurisprudence oppose
généralement la connaissance que ce dirigeant avait de la
situation lorsqu'il a sollicité le concours bancaire. La Chambre
commerciale considère que la caution dirigeante n'est pas fondé
à agir contre la banque. Il lui est toutefois exceptionnellement permis
de le faire en cas de « circonstances
exceptionnelles130 ». Cette formule, reprise plus
tard par la Cour de cassation131, vient sceller le sort de la
caution dirigeante qui n'est autre que la caution
130
Cass.com. 12 novembre 1997, JCP, E, 1998,
p. 82, note LEGEAIS (D).
131
Cass. Com. 11 mais 1999, JCP, E, 1999, P.
1730, note LEGEAIS (D).
« interne ». Elle est caution interne ou
dirigeante parce qu'elle qui participe à la gestion de la
société pour laquelle elle se porte caution.
La responsabilité sera écartée dans la
mesure où la caution a une double casquette : celle de dirigeant et
celle de caution. Ainsi, en qualité de dirigeante, la Cour de cassation
considère qu'elle est mal fondée à reprocher à la
banque d'avoir prêter de l'argent à l'entreprise en se fondant sur
la connaissance par la banque de sa situation financière compromise,
alors même qu'en tant que dirigeante, elle est présumée en
avoir une parfaite connaissance elle-même.
De même, le fait que la banque connaisse la situation
obérée de l'entreprise ne suffit pas pour engager sa
responsabilité, car le dirigeant le savait lui-même au moment
où il s'engageait à se porter caution ; c'est dans des cas
exceptionnels que la responsabilité de l'établissement de
crédit pourra être engagée par la caution dirigeante.
Il convient cependant de préciser que, le
critère de compétence n'est pas irréfragablement
lié à la qualité de dirigeant. La caution dirigeante
pourra, en effet, démontrer qu'il n'avait pas la compétence
nécessaire pour apprécier tous les risques d'un montage
sophistiqué que le banquier lui aurait proposé en connaissance de
cause. A contrario, lorsque c'est le dirigeant lui-même qui propose le
montage financier ne présentant pas d'aberration, et qu'aucune
circonstance exceptionnelle ne montre qu'il n'avait pas connaissance de la
situation obérée de l'entreprise, quand bien même la banque
en avait eu connaissance, son action sera rejetée132.
La portée de cette jurisprudence, inspirée sans
doute de la règle « nul ne peut se prévaloir de sa
propre turpitude », permettra aux banques de contracter en toute
sérénité face à des emprunteurs professionnels et
des garants avisés, et de rester particulièrement vigilantes en
face de cocontractants profanes ou inexpérimentés.
Il s'ensuit que le devoir de discernement s'arrête
là où commence celui du demandeur à l'action. L'action est
relativement fermée pour les personnes « internes »
à l'entreprise qui doivent prouver qu'elles étaient ignorantes de
la situation de leur entreprise ou encore que le banquier était de
mauvaise foi.
132
Cass. Com. 11 mai 1999, JCP E, 1999, p.
1730, note LEGEAIS (D.).
En revanche, l'action est relativement ouverte pour les
véritables tiers au contrat de crédit.
Paragraphe2 : L'action en justice des parties
extérieures à la
convention de crédit
Les personnes dont il est question ici sont celles que nous
pouvons qualifier d'externes à la convention de crédit ou tout
simplement à l'entreprise : il s'agit en principe des
créanciers133 de l'entreprise (A), et des
cautions non dirigeantes (B).
A- L'action des créanciers de l'entreprise
L'action collective est exercée en premier lieu par un
intermédiaire issu des procédures collectives que l'on nomme le
syndic, qui agit au nom de la masse ou de l'intérêt collectif des
créanciers (1). Néanmoins, l'inaction de cet intermédiaire
peutelle permettre l'exercice de l'action ut singuli de l'action en
responsabilité par les créanciers (2).
1- L'action du syndic
L'article 72 de l'AUPCAP énonce que « la
décision d'ouverture constitue les créanciers en une masse
représentée par le syndic qui, seul, agit en son nom et dans
l'intérêt collectif et peut l'engager ». Il ressort
clairement de ce texte que le syndic seul peut agir en justice pour
défendre les intérêts des créanciers. Il faut
reconnaître qu'il n'en a pas toujours été ainsi.
En effet jusqu'à l'arrêt Laroche de la Cour de
Cassation de 1976134, chaque créancier devait agir
individuellement contre la banque dans la limite du préjudice qu'il a
personnellement subi, mais par l'intermédiaire du syndic
représentant l'ensemble des créanciers réunis au sein de
la masse. Masse où l'on retrouve justement, avec d'autres
créanciers et lui-même à titre de créancier et de
débiteur, le
133 Il s'agit indifféremment des créanciers
internes (associés, salariés...), que les créanciers
externes (obligataires...).
134 Chambre commerciale, 7 janvier 1976, Dalloz 1976, 277, note
DERRIDA et SORTAIS.
banquier qui a consenti les crédits135. La
solution retenue par cette cour dans l'arrêt du 19 mars 1974 était
qu' « il n'appartient pas au syndic d'introduire contre le banquier,
au nom et pour l'ensemble des créanciers formant la masse, une action en
responsabilité... ». Cette solution a été
vivement contestée et considérée comme « une
astuce de procédure », voire un procédé
aboutissant à « l'irresponsabilité de fait des
banques »136.
L'arrêt Laroche du 7 janvier 1976 vient prendre le
contre-pied de la jurisprudence antérieure et affirme que « le
syndic trouve, dans les pouvoirs qui lui sont conférés par la
loi, qualité pour exercer une action en paiement des dommages
intérêts contre toute personne, fût-elle
créancière dans la masse, coupable d'avoir contribué, par
ses agissements fautifs, à la diminution ou à l'aggravation du
passif ». C'est dans des termes voisins que s'est prononcé le
Tribunal de première instance de Ouagadougou dans son jugement du 13
juin 1984137. Cette position est celle qui a été
entérinée par le législateur OHADA138. Mais en
facilitant la voie de l'action collective contre les banques, le texte de
l'OHADA aussi bien que l'arrêt Laroche, ont créé un autre
problème : si le syndic est recevable à agir, les
créanciers conservent-ils leur droit d'action individuelle recevable
face à un syndic inactif ?
2- L'exercice de l'action ut singuli de l'action
collective en cas d'inaction du syndic
La jurisprudence a admis l'exercice de l'action individuelle
pour tout créancier justifiant de l'existence d'un préjudice
personnel, spécial et distinct de celui des autres créanciers.
La question qui se pose et qui demeure est celle de savoir si
l'action ut singuli139 des créanciers est maintenue ou non ?
Autrement-dit un ou plusieurs
135 Cf. DI VITTORIO (J.), Banque 1977 n°368, p. 1354.
136 Cf. GAVALDA (Ch.), JCP. 1971, II, 16686. à cet
égard, il cite une affaire dans laquelle 285 créanciers qui se
prétendaient victimes d'agissements fautifs de 3 banques ; les
créanciers dans la masse, se voyaient débouter et renvoyer
à intenter chacun une action individuelle à l'encontre des
banques.
137 Cf. revue burkinabé de droit, n° 12,
décembre 1987, p. 501 à 518 ; note SAWADOGO (F-M.)
138 Voir article 72 précité note 97.
139Cf. MARTIN (L.M.) pense que ce terme action ut
singuli n'est pas exact. Car, précise t-il, l'analyse procède
d'une analogie avec l'action sociale qui peut et la loi le prévoit
être exercée par un ou plusieurs associés agissant
individuellement ou groupés pour le compte de la
société.
créanciers peuvent-ils agir en justice en d'inaction du
syndic pour la réparation d'un préjudice collectif ?
La doctrine reste encore partagée sur ce point.
Cependant, la Chambre commerciale de la Cour de cassation française, en
1997140, a-t-elle tranché en faveur de ceux qui condamnaient
l'action ut singuli. Elle a ainsi considéré qu'un associé
ou un créancier n'est pas recevable à agir au nom et dans
l'intérêt social. En cas d'inaction du représentant des
créanciers, la seule possibilité dont dispose les
créanciers est la mise en oeuvre de la responsabilité de
celui-ci.
Ceci étant, il faut souligner que, quand bien
même l'action aurait été possible, sa pertinence reste
limitée, puisque le sort des dommages et intérêts reste
sujet à caution. Où devront-ils être affectés?
Seront-ils comme dans le cas de l'action sociale versés à la
société et non à l'associé en cas de l'exercice de
l'action ut singuli141 ? Ou alors seront-ils alloués au
créancier qui a intenté l'action ?
Comme dans le cas de l'action sociale, si le syndic
représentant et défendant l'intérêt des
créanciers manque à sa mission, il serait judicieux qu'avant que
sa responsabilité personnelle ne soit mise en cause, que le ou les
créanciers puissent avoir la possibilité d'exercer en justice
l'action qui était dévolue au syndic défaillant et obtenir
la réparation du préjudice qu'a subi la masse. Les sommes
allouées devraient logiquement entrer dans le patrimoine de la
société142. Ainsi donc, l'action ut singuli devrait
être admise mais seulement à titre subsidiaire143, en
cas d'inaction du syndic.
Ainsi, l'article 72 alinéa 1 ne peut faire obstacle
à l'exercice par le créancier d'une action contre les actes
frauduleux du banquier indélicat. Cette règle devrait trouver
application chaque fois que le syndic néglige d'agir au nom de
l'intérêt des créanciers qu'il représente.
L'article 167 l'AUDSC.GIE prévoit aussi ce cas de
figure quand il dispose que : « un ou plusieurs associés peuvent
intenter l'action sociale après une mise en demeure des organes
compétents non suivie d'effet dans le délai de trente jours. Les
demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du
préjudice subi par la société. En cas de condamnation, les
dommages et intérêts sont alloués à la
société ».
140
Cass. Com. 3 juin 1997, D, 1997, jur. p.
517, note DERRIDA (F.).
141 Selon l'article 167 précité, les dommages
intérêts alloués lors de l'exercice de l'action ut singuli
sont versés à la société. Cette action permet la
réparation du préjudice collectif suite à l'action d'un ou
de plusieurs créanciers
142 Pour MARTIN (L-M.), les dommages intérêts
obtenus sont versés non à la société comme dans
celle de l'action sociale mais au créancier qui a intenté
l'action pour la réparation de son préjudice personnel, ouvrage
précité, p. 406.
143
Cass. Com. 25 juin 1981, d. 1981 p.643
1ere espèce, note DERRIDA (F.) et SORTAIS (J-P.) ; D. 1982,
I, 196, obs. VASSEUR (M.).
Les créanciers de l'entreprise défaillante,
agissant seul ou sous le couvert du syndic sont ceux dont les
intérêts sont les plus protégés. La jurisprudence
est favorable à leur action. Qu'en sera-t-il de la caution
non-dirigeante?
B- L'action de la caution non- dirigeante
La jurisprudence144 évoquée
précédemment et relative à l'accueil de l'action de la
caution dirigeante, permet de retenir des solutions inverses en ce qui concerne
les cautions profanes ou « externes » à l'entreprise
qui sont les cautions non dirigeantes. Il s'agit notamment et le plus souvent
du conjoint ou des parents du dirigeant. Elles doivent être
extérieures à l'entreprise.
Aussi, ces cautions pourront-elles bénéficier du
courant jurisprudentiel favorable à leur action. En effet, le
développement du devoir de conseil et le respect du principe de
proportionnalité se justifient en face de personnes ne disposant pas
d'informations suffisantes ou des compétences nécessaires pour
les exploiter utilement. La responsabilité de la banque sera
engagée si la banque n'a pas informé la caution de la situation
obérée de l'entreprise ou de la disproportion du crédit
souscrit. Il en sera de même en cas de disproportion de l'engagement de
la caution eu égard à ses propres facultés de
remboursement ou en cas de mise en oeuvre du cautionnement. Elles pourront agir
contre le banquier manquant à son obligation de contracter de bonne foi,
ceci donc, en référence au manquement à l'obligation
générale de bonne foi contractuelle ou plus
précisément au devoir du créancier de ne pas aggraver la
situation de la caution.
De manière générale, cette
responsabilité naissant, entre parties au contrat de cautionnement, doit
être plutôt rattachée à la responsabilité
contractuelle.145 Certains arrêts visent
généralement l'article 1147du Code Civil146.
L'assimilation de la situation
144 Cf. note 116.
145 Mais le fondement de la responsabilité du banquier
envers la caution peut aussi se trouver dans les articles 1382 et s. du code
civil.
146 Lamy, Droit du financement, 2001, n° 3317. Cet
article dispose « le débiteur est condamné, s'il y a lieu,
au payement de dommages et intérêt, soit à raison de
l'inexécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que
l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut
lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa
part ».
de la caution à celle du tiers au contrat de crédit
est toutefois limitée par le fondement contractuel en ce qui concerne la
responsabilité du banquier.
La personne qui intente l'action doit établir
l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité. La
jurisprudence accorde plus d'importance aux créanciers
représentés par le syndic, ou encore la caution externe.
L'emprunteur rencontre encore beaucoup de difficultés à voir
condamner le banquier. Dans tous les cas, ceux-ci doivent établir
l'existence d'un préjudice qui peut être collectif ou individuel,
et bien entendu celle du lien de causalité. Ce n'est qu'après
tout ceci que le juge peut prononcer les sanctions appropriées contre le
banquier, qui peuvent être pour le moins redoutables.
CHAPITRE 2 : LE REGIME DES SANCTIONS
L'article 118 AUPCAP prévoit de sanctionner le
créancier ou le banquier dispensateur de crédit, si son
crédit a causé un préjudice à autrui. Cette article
dispose que : « les tiers, créanciers ou non, qui, par leurs
agissements fautifs ont contribué a retarder la cessation des paiements
ou à dissimuler l'actif ou à aggraver le passif du
débiteur peuvent être condamnés à réparer le
préjudice subi par la masse sur l'action du syndic agissant dans
l'intérêt collectif des créanciers.
La juridiction compétence choisit, pour la
réparation du préjudice, la solution la plus appropriée,
soit le paiement des dommages-intérêts, soit la
déchéance de leurs sûretés pour les
créanciers titulaires de telles garanties ». Il ressort de cet
article que la loi prévoit deux types de sanctions qu'il faudrait
envisager : la condamnation au paiement des dommages intérêts
(section1) et la déchéance des
sûretés (section2) en cas de reconnaissance de la
responsabilité du banquier en raison de ses concours fautifs.
Section1 : La sanction patrimoniale : l'octroi des
dommages
intérêts
La première sanction à laquelle le
créancier est susceptible d'être condamné, réside
dans le paiement des dommages intérêts. Il s'agit de la sanction
de droit commun lorsque la responsabilité d'une personne est reconnue.
L'article 1382 en pose le principe : « tout fait quelconque de
l'homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel
il est arrivé à le réparer ». Puisque le
préjudice subi du fait de l'octroi du crédit par la banque est le
plus souvent un préjudice pécuniaire, l'octroi des dommages
intérêts est dès lors necessaire. Deux points sont alors
à envisager : le principe de la réparation par l'octroi des
dommages intérêts (paragraphe 1), et la
détermination du quantum de cette réparation (paragraphe
2).
Paragraphe1 : Le principe de la réparation par
l'octroi des
dommages intérêts
La réparation des préjudices du fait de l'octroi
du concours du banquier est sans doute la plus ancienne des sanctions. Cette
réparation posait et pose encore deux sortes de difficultés, que
monsieur LIKILLIMBA, dans sa thèse a dégagées : la
première, théorique, est relative à la
détermination de la date à prendre en compte pour la fixation des
dommages intérêts (A) ; la seconde, plus
pratique, est relative à l'affectation du produit de l'action
intentée contre le banquier (B)147.
A- La date de fixation des dommages
intérêts
La date à prendre en compte pour la fixation des
dommages et intérêts est sans doute celle à laquelle le
passif du débiteur a commencé à s'aggraver. Les solutions
du juge du fond étaient assez divergentes en la matière, prenant
la date de report de la cessation de paiement, celle du jugement d'ouverture de
la procédure collective ou encore la date à laquelle le banquier
est supposé avoir pris connaissance de la situation financière
réelle du débiteur148.
Soulignons que la date cessation des paiements est soit la
date d'ouverture de la procédure collective c'est-à-dire celle
qui la constate, soit une date fixée par le juge Lorsque cette date est
fixée par le juge on parle de date de report de la procédure
collective. Cette ne peut être antérieure de plus de dix huit mois
au prononcé de la décision d'ouverture. Cette date de report ne
peut non plus être postérieure de plus de dix huit mois à
al date d'ouverture de la procédure collective149.
Toutefois, la doctrine fait remarquer, qu'en
général, la jurisprudence se fixe sur une période allant
« de la date à laquelle le banquier a effectivement pris
connaissance de la véritable situation de son client à celle de
l'ouverture de la procédure collective » ; de sorte que le
« montant de la condamnation du banquier pourrait en
147 Cf. LIKILLIMBA (G.A), Le soutien abusif d'une entreprise
en difficulté, Préface de MESTRE (J.), Bibliothèque de
Droit de l'entreprise, Litec, 2° éd. 2001, spéc. P. 412 et
s, n°529 et s. cité par CAPOEN (A-L.), « la
responsabilité bancaire à l'égard des entreprise en
difficulté », thèse Toulouse I, 2008, p. 284.
148 Ibid. p. 284.
149 Article 34 de l'AUPCAP. Cet article permet de fixer la
période suspecte
principe être fixé à partir de la
différence entre la valeur de l'actif réalisé et le
montant du passif antérieur déclaré et admis
150».
Qu'en sera-t-il du sort des dommages et intérêts
?
B- L'affectation des dommages intérêts
La question de l'affectation des dommages
intérêts issus de l'action intentée contre le
créancier dispensateur de crédit fautif, a connu une
évolution en concordance avec celle de l'action en responsabilité
elle-même et surtout le droit des procédures collectives.
Faut-il le souligner, seules les sommes demandées en
vertu d'un préjudice personnel et distinct du préjudice
appartenaient à ceux qui en avaient fait la demande. Ainsi, les dommages
intérêts issus de la réparation d'un préjudice
individuel d'un créancier, fût-il de la masse, ne pose en pratique
aucun problème. En effet, celui qui souffre d'un préjudice
individuel et obtient gain de cause reçoit la totalité des sommes
mises à la charge du fautif, ce qui est différent de l'action
collective.
Jadis, les dommages intérêts issus de l'action
contre le banquier du fait du préjudice collectif subi par les
créanciers, ou résultant de leur action ut singuli,
intégraient le patrimoine de la masse des créanciers, et
étaient ensuite répartis entre eux. Ces sommes devaient servir de
dédommagement aux créanciers qui ont été
trompés par l'apparence de solvabilité créée par
l'octroi de crédit au débiteur, aggravant ainsi sa situation
financière.
L'AUPCAP a voulu prendre tout un autre visage et donner «
la priorité à la reconstruction du patrimoine de l'entreprise
débitrice »151, de sorte que les dommages
intérêts issus de la condamnation du banquier doivent être
versés dans le patrimoine du débiteur. Ces sommes peuvent
être affectées à l'apurement du passif de l'entreprise en
difficulté, ou en cas de continuation de l'activité de
l'entreprise, elles le seront selon les modalités prévues par le
plan de redressement. Le nouvel objectif recherché par le
législateur OHADA est de reconstruire l'entreprise défaillante et
désintéresser les créanciers.
150 Ibid. p. 284.
151 Cf. LIKILLIMBA (G.A), précité, P. 414 et s,
n°532.
Toutefois, cette affectation des dommages
intérêts, censés réparer les dommages causés
aux créanciers, pose quelques difficultés pratiques, notamment la
répartition des sommes aux créanciers152. En effet, le
principe de l'égalité suppose que les sommes, en cas de
liquidation de l'entreprise, soient réparties au marc de franc entre
tous les créanciers153. La Cour de cassation française
a ainsi rappelé que « les créanciers doivent participer
de manière égalitaire à la répartition des dommages
et intérêts sans qu'aucun ne puisse invoquer la
sûreté dont il pourra être titulaire. »
Cette forme de répartition met à mal les
créanciers titulaires de privilèges et qui voudraient bien les
faire valoir. C'est sans doute pour cette raison que le législateur
français contrairement à son homologue de l'OHADA a introduit une
exception à cette pratique en introduisant un privilège en ce qui
concerne les créanciers dont les créances sont nées
régulièrement après le jugement d'ouverture, sauf au stade
de la liquidation judiciaire, où les créances antérieures
assorties de sûretés priment sur les créances
postérieures.
Après avoir examiné dans sa globalité le
principe de la réparation des dommages et intérêts, l'autre
pan du problème non moins négligeable est celui du quantum de la
réparation.
Paragraphe2 : Le quantum de la réparation
La Cour de cassation dans un arrêt récent en date
du 22 mars 2005154 a considéré que «
l'établissement de crédit qui a fautivement retardé
l'ouverture de la procédure collective de son client n'est tenu de
réparer que l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'il a ainsi
créée », de sorte que le montant des dommages
intérêts ne peut être calculé que sur le montant de
l'insuffisance d'actif constaté. « Il appartient au juge de le
proportionner, de le limiter aux effets du crédit abusif. (...)
L'établissement ne peut se voir imputer le passif né avant la
date à laquelle il a
152 Cf. LIKILLIMBA (G.A.), précité, P. 417et s,
n°539.
153
Cass. Com. 28 mars 1995, Bull. civ. IV,
n°105, D. 1995, 410, note DERRIDA (F.), Rev. Droit bancaire 1995, 118,
obs. CAMPANA et CALENDINI ; RTD Com. 1996, 127, obs. MARTIN-SERF (A.).
154
Cass. Com 22 mars 2005, n°03-12.922,
Crédit industrielle de l'ouest c/ Chataignère, bull. civ. IV,
n°67, Gaz. Pal. Proc. Coll. 2005/2, 6-7 juillet, p.32, obs. ROUTIER (R.) ;
D 2005, AJ p 1020, obs. LIENHARD (A) ; Bull. Joly Société 2005, p
1213, note, LUCAS (F-X.) ; Banque et droit juillet août 2005, p 71, obs.
BONNEAU (T.) ; JCP G 2005, IV 2091 et JCP E 2005, 1976, p 1975, n°32, obs.
DUMOULIN (L.) ; RTD Com 2005, p 578, obs. LEGEAIS (D.). Dr et Patrim.
Décembre 2005, p97, obs. MATTOUT (J-P.) et PRÜM (A.).
maintenu artificiellement l'activité de
l'entreprise en poursuivant le financement155.» La Chambre
commerciale l'a encore admis dans un arrêt du 16 octobre
2007156, en censurant les juges du fond : « il n'y a pas
lieu de distinguer entre les créanciers qui ont contracté avec le
débiteur antérieurement à la date de l'octroi des concours
et ceux ayant contracté postérieurement a cette date. Même
si l'apparence de solvabilité créée par le soutien abusif
a amené ces derniers à prendre des engagements qu'ils n'auraient
pas pris le risque d'accepter s'ils avaient connu la réalité de
la situation, les établissements de crédit qui, par leur faute,
ont retardé l'ouverture de la procédure collective, ne sont tenus
de réparer que l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'ils ont ainsi
contribué à créer »
Cette solution s'accorde avec le principe selon lequel le
fautif ne peut réparer plus que le dommage qu'il a causé. Bien
souvent, le soutien abusif du banquier n'est pas l'unique cause des
difficultés de l'entreprise, il ne saurait être condamné
à réparer toutes les insuffisances d'actif du débiteur.
Section2 : Les sanctions extrapatrimoniales : la
déchéance des
sûretés
Les sanctions prescrites par l'article 118 de l'Acte Uniforme
portant Organisation des Procédures Collectives et d'Apurement du Passif
sont à juste titre impressionnantes. Il peut s'agir d'une condamnation
au paiement des dommages intérêts, et d'une
déchéance des sûretés. Cet article, bien qu'il donne
la latitude au juge de choisir la sanction la plus appropriée, il peut
aussi les cumulées. La mesure de ces sanctions doit attirer l'attention
du pourvoyeur de fonds et l'amener davantage à plus de
précaution.
La déchéance d'un droit peut être
définie comme le fait de ne plus pouvoir en obtenir la reconnaissance en
justice. Ainsi, on est déchu d'un droit lorsqu'on ne peut plus jouir de
ce droit. Elle peut être le fait du temps, c'est-à-dire la non
mise en oeuvre d'un droit pendant une période précise. Elle peut
aussi être le fait d'une faute commise
155 Cf. LIENHARD (A.), Sauvegarde des entreprises en
difficulté, 2°éd. Delmas 2007, p 470, n°2305.
156
Cass. Com. 16 octobre 2007,
n°06-15.386 (arrêt n°990, F-D), Gaz. Pal. 23-24 janvier 2008, p
59, obs. ROUTIER (R).
postérieurement à la conclusion du
contrat157 et c'est celle qui a été retenue par le
législateur OHADA. Compte tenu de l'ampleur de cette sanction il est
reconnu en la matière le principe « pas de
déchéance sans texte. » Aucune déchéance
ne peut être prononcée que si un texte le prévoit
expressément.
La déchéance est donc une sanction prévue
par le droit civil, qu'a reprise l'Acte uniforme sur les procédures
collectives, l'alinéa 2 de l'article 118 de cet acte uniforme
prévoit que « la juridiction compétente choisit pour la
réparation du préjudice [...] soit la déchéance des
sûretés pour les créanciers titulaires de telles
sûretés ». Ainsi, le créancier banquier qui,
ayant, consenti du crédit à son débiteur en contre partie
d'une sûreté ou d'une garantie158, n'est plus
fondé à se prévaloir de celle-ci du fait que le
crédit ait été fautif. Cette déchéance
provient du fait que, le banquier n'a pas pris toutes les mesures
nécessaires avant d'octroyer le crédit.
La formulation du texte laisse croire qu'il s'agit d'une
déchéance de plein droit qui, bien entendu, reste à la
discrétion du juge. Il reste que le régime de cette sanction
n'est pas prévu par la loi. Qu'adviendra-t-il si la sûreté
a fait l'objet d'un commencement d'exécution ? Autrement dit cette
déchéance a-t-elle des effets rétroactifs ?
C'est sans doute pour éviter de telles interrogations
que l'article L650-1 du code de commerce français parle plutôt de
nullité. Ainsi, si même la sûreté a reçu un
début de commencement d'exécution, la nullité, par son
effet rétro actif remettra les parties en l'état,
c'est-à-dire on considèrera qu'aucune sûreté n'a
été conclue entre le banquier et débiteur.
On aurait alors souhaité que l'acte uniforme fasse autant
ou soit un peut plus explicite sur le régime de cette sanction somme
toute importante.
157 Ainsi lorsque dans un contrat de prêt prévoit
un remboursement par fractionnement de la dette et qu'une clause édicte
qu'en cas de non-paiement d'une seule échéance l'emprunteur sera
déchu du terme après une mise en demeure restée sans
effet, cela signifie que, du fait de sa négligence, le débiteur a
perdu le droit de se libérer par acomptes aux échéances
prévues par le contrat et que, donc, la totalité des sommes
restant dues au jour de la défaillance devient immédiatement
exigible et en sa totalité. Le contrat n'est pas le seul domaine de la
déchéance ; le Code civil a prévu les cas de
déchéance de la nationalité camerounaise ou encore de la
déchéance de l'autorité parentale sur leurs enfants
mineurs et bien d'autres cas de déchéance.
158 Il peut s'agir du cautionnement, du gage ou encore de
l'hypothèque.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Comme en droit commun, celui qui se plaint du mauvais concours
du banquier doit pouvoir établir l'existence d'un préjudice et
d'un lien de causalité. Il peut s'agir, d'un préjudice collectif
inhérent à la masse dans les procédures collectives, ou
d'un préjudice individuel qui est celui que se plaint un des
créanciers mais extérieur aux procédures collectives. En
jurisprudence, on assiste à une tendance visant à recevoir
davantage l'action introduite par les tiers et beaucoup moins pour les
personnes présentes à la convention de crédit, notamment
l'emprunteur ou encore la caution interne. Cette tendance se justifie par le
fait que l'emprunteur qui contracte connaît mieux que quiconque sa
situation financière. Aussi est-il inadmissible qu'il vienne mettre en
cause par la suite le banquier.
Toujours est-il que lorsque la responsabilité du
banquier est reconnue, celui-ci peut être condamné au paiement des
dommages intérêts ou à la déchéance des
sûretés qu'il a consenties envers le débiteur. La mesure de
ses sanctions parle d'elle-même et s'inscrit dans la mouvance consistant
à considérer le banquier comme toujours solvable. L'innovation de
l'article 118 de l'Acte uniforme réside toutefois dans la latitude
laissée au juge de prononcer la sanction la plus appropriée et
c'est à lui que revient au final la charge de trouver la juste mesure
entre le banquier et ceux qui se plaigne de ces mauvais concours.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre étude, il convient de constater que
le contexte de difficulté des entreprises est parfois propice à
la commission d'actes répréhensibles par le banquier dispensateur
de crédit.
A l'analyse, cette responsabilité du banquier
relève des règles classiques de droit commun, néanmoins
elles conservent une certaine spécificité en raison du
caractère professionnel de l'activité bancaire.
En effet, la responsabilité professionnel est à
la fois plus stricte et plus souple que la responsabilité civile de
droit commun. Elle est plus stricte dans la mesure où, on exige du
banquier une diligence beaucoup plus étendue que celle d'un bon
père de famille. On estime que s'agissant d'un professionnel, celui-ci
dispose de plusieurs moyens, tant matériels qu'intellectuels, qui lui
permettent d'éviter un grand nombre d'erreurs. Elle plus souple que la
responsabilité du droit commun dans la mesure où il faut prendre
en considération certains impératifs techniques et certains
rapports privilégiés entre le banquier et ses clients. Pour
concilier ses deux situations contradictoires les juges étendent le
contenu des obligations qui pèsent sur le banquier.
Le banquier doit non seulement mettre à la charge du
client les fonds promis, mais aussi s'assurer de la proportionnalité
desdits fonds avec les ressources personnelles du client et lui donner au
besoin les conseils nécessaires au bon déroulement des
opérations. Il doit désormais, au regard de l'obligation de mise
en garde attirer l'attention du client profane ou non averti sur les aspects
négatifs de l'investissement projeté par le client. Il doit
ensuite procéder à la surveillance des fonds sans toutefois
s'ingérer dans les affaires de son client, au risque de se retrouver
dirigeant de fait. Par ailleurs, il doit s'abstenir de fournir du crédit
à une entreprise vouée à l'échec et dont la
situation est irrémédiablement compromise.
Inévitablement, la responsabilité d'un
établissement de crédit rend compte du paradoxe que rencontrent
les banquiers dans leur profession. Ils peuvent, en effet, se voir reprocher un
soutien sans discernement au profit d'un client dont la santé
financière justifie une rupture précoce, alors même qu'ils
sont soumis à une obligation de non-ingérence dans les affaires
de leurs clients.
Malgré cette rigueur de la faute, on
décèle des cas de limitation de la responsabilité du
banquier. C'est notamment le cas lorsque le client est un emprunteur
averti. En pareille situation, la responsabilité du
banquier est exceptionnellement ouverte, précisément lorsque le
professionnel rapporte la preuve que le banquier avait sur l'investissement des
informations que lui-même ignorait. Aussi, la responsabilité du
banquier ne peut être retenue s'il démontre que son concours
financier accompagne une perspective sérieuse de redressement.
Dès lors, l'opportunité économique du crédit
octroyé devient peu-à-peu, mais inexorablement, le critère
d'irresponsabilité du banquier, et son inopportunité, un
critère de responsabilité159.
D'un point de vue économique, cet état de chose
peut justifier la frilosité des banques à traiter les
difficultés des entreprises ayant recours au financement bancaire,
surtout les jeunes entreprises. Ainsi, les petites entreprises, à la
différence des grandes, se heurtent à un traitement financier
plus défavorable de la part des banques. Pour PILLASKI160,
celui-ci se traduit par « un coût de la dette plus
élevé mais aussi par un risque de rationnement plus fort de la
nouvelle entreprise ». Par ailleurs, les difficultés pour la
banque d'identifier le risque ou la qualité de l'emprunteur sont plus
importantes pour les jeunes entreprises, puisqu'elle dispose peu d'information
sur les capacités managériales ou sur les opportunités
d'investissements de celles-ci. On en déduit que le système
actuel de responsabilité du banquier dispensateur de crédit n'est
pas favorable au financement des entreprises. La France, consciente de cet
enjeu a reprécisé les contours de la responsabilité du
banquier dispensateur de crédit à travers la réforme
intervenue le 18 décembre 2008161. La responsabilité
de la banque y est désormais cantonnée à trois cas bien
précis : l'immixtion, la fraude, et la garantie
disproportionnée.
159Cf. MESTRE (J.), PUTMAN (E.), VIDAL (D.), Grands
arrêts du droit des affaires, D 1995, n6, p. 437.
160 Cf. PILLASKI, « Le rationnement du crédit et PME
: une tentative de mise en relation », Revue internationales P.M.E vol.
N°3-4, pp. 67-68.
161 L'Ordonnance française n° 2008-1345 du 18
décembre 2008 reformant le droit des entreprises en difficulté
qui a procédé à un allègement de la
responsabilité bancaire, a conduit certains auteurs à parler d'un
« principe d'irresponsabilité du banquier ». La
responsabilité bancaire est désormais cantonnée en France
dans trois cas bien définis : à savoir les cas de fraude,
d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur et de
la disproportion dans la garantie des concours. L'article L. 650-1 du Code de
commerce précise que «Lorsqu'une procédure de
sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est
ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables
des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf cas de fraude,
d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si
les garanties prises en contreparties de ces concours sont
disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la
responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises
en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou
réduites par le juge»
BIBLIOGRAPHIE
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IV- Codes, lois, recueils et dictionnaires
- recueils Dalloz 2008 et 2009
- L'Acte uniforme OHADA relatif au droit des procédures
collectives et d'apurement du passif.
- Loi camerounaise n° 85/ 002 du 31 août 1985
relative à l'exercice de l'activité des établissements de
crédit.
- La loi camerounaise n°90/ 019 du 19 août 1990
portant définition des établissements de crédit
- La loi 2003/008 du 10 juillet 2003 portant répression
des infractions contenues dans certaines Actes uniformes OHADA
- Loi française n°2005/845 du 26 juillet 2005 sur la
sauvegarde des entreprises.
- OHADA, traité et actes uniformes commentés et
annotés, 3ème Edition juriscope 2008 - Juris classeurs
périodiques
V- sites utiles
-
www.juriscope.org
- www.ajbef.info
-
www.monjuriste.com -
www.OHADA.com
- www.playmondroit.free
TABLE DES MATIERES
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
PRINCIPALES ABREVIATIONS iv
Sommaire v
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : UN FONDEMENT DEROGATOIRE AU DROIT COMMUN
DE
LA RESPONSABILITE CIVILE 9
CHAPITRE 1 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A
L'EGARD DU CLIENT . 11
Section1. L'appréciation de l'opportunité du
crédit 11
Paragraphe1 : Le principe de l'opportunité du
crédit 11
A- Le Contenu du principe de l'opportunité du
crédit 11
B- Le fondement juridique 13
1- L'apparition d'un devoir de conseil dans l'octroi du
crédit 13
2- Un fondement critiqué 16
Paragraphe 2 : La prise en compte de la personnalité du
débiteur 17
A- Les notions d'emprunteurs avertis et d'emprunteurs profanes
18
B- Incidences de la personnalité de l'emprunteur sur les
obligations du banquier 20
1- Les obligations allégées du banquier face
à l'emprunteur averti 20
2- Les obligations renforcées du banquier face à
l'emprunteur profane 21
Section 2 : La surveillance des fonds prêtés 22
Paragraphe 1 : Le principe de non ingérence 23
A- Le contenu du principe 23
B- L'exception au principe : l'obligation de surveillance des
fonds prêtés 24
Paragraphe 2 : Le banquier, dirigeant de fait de l'entreprise
cliente 25
CHAPITRE 2 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A L'EGARD DES TIERS
28
Section 1 : Les conditions objectives du soutien abusif 29
Paragraphe 1 : La situation irrémédiablement
compromise de l'entreprise 29
A- Situation irrémédiablement compromise et notions
voisines 29
1- Situation irrémédiablement compromise et
difficultés passagères 29
2- Situation irrémédiablement compromise et
cessation des paiements 30
B- Appréciation de la notion de situation
irrémédiablement compromise 31
Paragraphe 2 : Le financement des déficits de l'entreprise
32
Section 2 : Les conditions subjectives du soutien abusif: La
connaissance de la
situation de l'entreprise 34
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 36
DEUXIEME PARTIE : UNE RESPONSABILITE DU BANQUIER
EMPRUNTANT
AU DROIT COMMUN DE LA RESPONSABILITE CIVILE AU NIVEAU DE LA
SANCTION 37
CHAPITRE 1 : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION 38
Section 1 : Le préjudice et le lien de causalité
38
Paragraphe1 : Le préjudice 38
A- Le contenu du préjudice 39
B- L'étendue du préjudice 41
1-Le préjudice collectif 41
2-Le préjudice individuel 42
Paragraphe 2 : Le lien de causalité 43
Section 2 : Les demandeurs à l'action 45
Paragraphe1 : L'action en justice des parties à la
convention d'ouverture de crédit 45
A- L'emprunteur 45
B- La caution dirigeante 47
Paragraphe2 : L'action en justice des parties extérieures
à la convention de crédit 49
A- L'action des créanciers de l'entreprise 49
1- L'action du syndic 49
2- L'exercice de l'action ut singuli de l'action collective en
cas d'inaction du syndic 50
B- L'action de la caution non- dirigeante 52
CHAPITRE 2 : LE REGIME DES SANCTIONS 54
Section1 : La sanction patrimoniale : l'octroi des dommages
intérêts 54
Paragraphe1 : Le principe de la réparation par l'octroi
des dommages intérêts 55
A- La date de fixation des dommages intérêts 55
B- L'affectation des dommages intérêts 56
Paragraphe2 : Le quantum de la réparation 57
Section2 : Les sanctions extrapatrimoniales : la
déchéance des sûretés 58
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 60
CONCLUSION GENERALE 61
BIBLIOGRAPHIE 64
TABLE DES MATIERES 67