1.4. Le cheminement d'une réflexion éthique
sur l'aide alimentaire
Dans la première partie, nous avons balayé de
façon non exhaustive le paysage des actions d'aide alimentaire pour
identifier les problèmes éthiques qu'elles peuvent soulever. Dans
cette seconde partie, nous nous proposons d'aborder la problématique en
sens inverse : sur la base d'un questionnement critique, quelles devraient
être les réponses éthiques que les actions d'aide
alimentaire devraient apporter.
Pour ce faire, nous nous baserons sur l'étude de
François Grünewald, pourquoi la simple
interrogation « Pour ou contre l'aide alimentaire » doit être
dépasser : Il s'agira plutôt de répondre aux questions
pourquoi l'aide alimentaire ? Quand l'aide alimentaire ? Comment l'aide
alimentaire ? Et enfin comment s'en passer ? ». Il n'est alors plus
question de remettre en cause la finalité, mais bien de débattre
des moyens et des mécanismes de mise en oeuvre.
1.4.1. Pourquoi aide alimentaire ?
D'un point de vue éthique, l'aide alimentaire
internationale se fonde avant tout sur la perception morale des pays
donateurs69. Il s'agit d'un altruisme pur de donneur et/ou de sa
responsabilité vis-à-vis des pays en situation de crise
alimentaire. Selon Peter Singer cité par
Mahieu, il n'y a pas de différence entre laisser mourir
et tuer. Les citoyens des pays riches en n'intervenant pas dans les pays en
crise apparaissent alors comme meurtrier. De même, Levinas
cité aussi par Mahieu exposait cette
responsabilité ainsi : « Etre moi, signifie dès lors, ne pas
pouvoir se dérober à la responsabilité, comme si tout
l'édifice de la création reposait sur mes épaules
»70
69 On ne considère alors pas seulement les
décideurs, mais l'ensemble des citoyens.
70 MAHIEU (François-Régis), Ethique
économique, fondements anthropologiques, éd. Harmattan,
Paris, 2001, p.150
La seconde notion éthique qui justifie la
finalité de l'aide alimentaire répond à la
nécessité de justice sociale dans la communauté mondiale.
On distinguera alors une approche « substantive » à la
Rawls : les besoins premiers, tel l'accès à une
nourriture en quantité et en qualité suffisante, doivent
être assurés pour tous. A cette approche, Nozick
oppose la justice « procédurale » par laquelle le juste
mécanisme de mise en oeuvre est garanti. Il s'agit alors de corriger les
répartitions inégalitaires initiales de revenus et de puissance
liées à l'histoire. L'aide alimentaire est alors un vecteur de
redistribution de richesse par le maintien de filet de
sécurité71.
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