La reformulation Rawlsienne des principes de la justice( Télécharger le fichier original )par Pénéloppe Natacha MAVOUNGOU Institut catholique de Toulouse - Master 2 de philosophie 2011 |
Première partie :Cadre global de la reformulation des principes de la justice.IntroductionDans la préface de La Justice comme équité, John Rawls précise sa volonté de réviser les positions de Théorie de la justice : Dans ce travail, je poursuis deux objectifs. L'un consiste à rectifier les erreurs les plus graves de Théorie de la justice qui ont obscurci les idées principales de la justice comme équité, ainsi que j'ai nommé la conception de la justice présentée dans ce livre. Comme j'ai toujours confiance en ces idées, et que j'estime que les difficultés les plus importantes peuvent être résolues, j'ai entrepris cette reformulation. J'essaie d'améliorer l'exposition, de corriger un certain nombre d'erreurs, d'inclure quelques révisions utiles, et d'esquisser des réponses à certaines des objections communes. Je remanie également l'argumentation à de nombreux stades [...] l'autre objectif est de mettre en relation, dans le cadre d'une présentation unifiée, la conception de la justice présentée dans Théorie de la justice avec les principales idées qui figurent dans mes essais publiés à partir de197411(*). Rawls a lui-même identifié les erreurs et les limites de sa théorie de la justice, mais il est aussi resté ouvert aux critiques qui lui ont été adressées par d'autres philosophes. De la forme au contenu, l'auteur de Théorie de la justice a senti l'urgente nécessité de réviser ses prises de position. Pourtant, si toute son oeuvre reste marquée par des reformulations ou des révisions continuelles, c'est dans les sections 13, 14 et 15 de La justice comme équité, Reformulation, que nous avons ciblé son autocritique sur les principes de la justice ainsi que les critiques adressées par d'autres auteurs. Si l'on considère tous les textes que John Rawls consacre à la question de la justice, on constate que la grande majorité, sinon du moins tous ses écrits, reste marquée par cette idée ou cette empreinte de justice sociale. La distinction n'est pas difficile à faire, parce que le texte de base demeure Théorie de la justice qu'il tente simplement de remanier à plusieurs reprises, et dont La justice comme équité constitue le dernier texte qu'il a eu à remanier et que l'on pourrait considérer comme son testament. Ainsi dans la section 13, John Rawls commence par présenter une formulation révisée des deux principes de la justice : 1- Chaque personne a une même prétention indéfectible à un système pleinement adéquat des libertés de base égales, qui soit compatible avec le même système de libertés pour tous ; et 2- (a)Les inégalités économiques et sociales doivent remplir deux conditions : elles doivent d'abord être attachées à des fonctions et des positions ouvertes à tous dans des conditions d'égalité équitable des chances ; ensuite, (b) elles doivent procurer le plus grand bénéfice aux membres les plus défavorisés de la société (principe de différence)12(*). Dans cette formulation révisée, Rawls mentionne l'idée de priorité du premier principe sur le second, de même que la priorité de l'égalité des chances sur le principe de différence. La priorité lexicale signifie que pour être mise en pratique, le principe qui a priorité doit d'abord avoir été pleinement satisfait. Il apparaît donc que la structure de révision des principes de la justice présente quatre points distincts qui correspondront aux quatre moments de réflexion qui vont conduire la critique interne de cette première partie. Tel qu'annoncé par Rawls lui-même, cette oeuvre constitue en elle-même tout d'abord des critiques, ensuite des réponses à ces critiques. Dans ce travail, il ne sera pas question de répertorier toutes les erreurs constatées par Rawls. Il sera question des critiques liées directement aux principes de la justice, l'idéal étant de rester fidèle à la logique empruntée par Rawls. Nous suggérons de restituer dans la première partie de ce chapitre cette critique que Rawls a lui-même faite de sa théorie, à partir des nouvelles idées qu'il apporte dans La justice comme équité. Cette critique est composée de quatre sections principales. La première souligne les limites du principe d'égalité, tandis que la deuxième redéfinit ce que Rawls nomme la séquence des quatre étapes et des questions constitutionnelles importantes. Cette deuxième section débouchera sur la critique de l'égalité des chances formelles que Rawls établit en proposant la notion d'égalité équitable de chances ; ce sera la troisième section. Enfin, dans la quatrième section, nous verrons comment l'auteur de Théorie de la justice pose le problème de la justice distributive qu'il oppose à celui de la justice attributive, en montrant les failles et les limites de celle-ci, de même que son incompatibilité avec l'idée de justice comme équité. Rester fidèle à l'ordre suivi par Rawls nous semble être la solution la mieux adaptée pour démontrer le sens de la reformulation de son oeuvre. La critique rawlsienne de Rawls ainsi analysée, le deuxième chapitre, intitulé critiques externes, s'attachera à souligner les points de vue d'autres auteurs sur la pensée de Rawls. Ce chapitre examinera donc, de façon précise, le point de vue de Robert Nozick, à travers sa critique des principes rawlsiens de la justice, en soulignant leur incompatibilité et leur incohérence, ainsi que les limites de la justice distributive et de la méthode procédurale. * 11 Ibidem, p. 11. * 12 Ibid., p. 26. |
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