REPUBLIQUE DU CAMEROUN
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ET POLITIQUES
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LE SECTEUR INFORMEL
L'EPREUVE DU DROIT DES
AFFAIRES OHADA
Mémoire soutenu publiquement en Mai 2009 vue de
l'obtention du Diplôme d'Études Approfondies (D.E.A) en Droit
Communautaire et Comparé CEMAC.
KANCHOP Thierry Noel Assistant de cours à la
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques Yaoundé II-Soa
(Cameroun).
E-mail: noelkanchop@gmail.com
Tel : +(237) 77380159 / 94021924
Sous
La Direction du : et La Supervision du
:
Dr. DJOUTSOP Phostin Roger Pr. Yvette R. KALIEU
ELONGO Chargé de Cours de Droit Privé Agrégée
des facultés de Droit
INTRODUCTION
La recomposition de l'environnement juridique mondial sous
l'influence des lois du marché suscite des enjeux importants
relativement à la croissance économique des nations. Cependant la
dynamique de construction des nouveaux paysages normatifs semble s'orienter
vers une gestion communautaire des intérêts nationaux. C'est
pourquoi, en Afrique, l'intégration régionale est
élevée au rang de palier fondamental entre le national et
l'international1. La signature à Port-Louis le 17 octobre
1993 du Traité instituant l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique
du droit des affaires (OHADA)2 a donné une vision nouvelle de
l'intégration communautaire par le droit. Avec cet instrument juridique,
les États signataires se sont engagés dans la mise sur pied d'un
instrument juridique capable de moderniser3, d'assainir4
et de sécuriser5 l'environnement économique des Etats
d'Afrique Francophone à travers un droit commun des affaires,
adapté aux réalités6 de l'Afrique et surtout
à son projet de développement économique7.
C'est ainsi que l'objectif d'harmonisation ou
1Abdoullah Cissé, « L'harmonisation du
droit des affaires en Afrique : l'expérience de l'Ohada à
l'épreuve de sa première décennie », Revue
Internationale de Droit Economique, 2004, P. 1.
2 Le traité relatif à l'harmonisation
du droit des affaires en Afrique signé le 17 octobre 1993 à
Port-Louis (ILE MAURICE) et dont l'entrée en vigueur est effective
depuis juillet 1995 confie la production du droit des affaires à un
organisme dénommé Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires (OHADA). Pour le moment seize états sont membres de
l'organisation il s'agit de la République du BENIN, le BURKINA FASO, la
République du CAMEROUN, la République du CENTRAFRICAINE, la
République fédérale islamique des COMORES, la
République du CONGO BRAZZAVILLE, la République de COTE D'IVOIRE,
la République GABONAISE, la République de GUINEE EQUATORIALE, la
République du MALI, la République du NIGER, la République
du SENEGAL, la République du TCHAD, la République TOGOLAISE.
3 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU (J.),
Droit des sociétés commerciales et du groupement
d'intérêt économique OHADA, Presses universitaires
d'Afrique, 1998, p. 3.
4 Cf. Préambule du Traité de l'OHADA.
5 DIAKHATÉ (M.), « OHADA : un nouveau
droit des affaires pour sécuriser l'investissement en Afrique », in
http:///
www.
Oecd.org/dataoecd/19/14/23731286.pdf.
6 Article 1 du traité OHADA.
7 KONE (M.), Le nouveau droit commercial des pays de
la zone OHADA : Comparaison avec le droit français, Thèse de
doctorat, Paris, 2003, P. 1.
mieux, d'uniformisation8 a conduit les Etats
signataires du Traité à s'intéresser aux domaines
fortement attractifs du droits des affaires, bien que l'opportunité soit
laissée au Conseil des ministres d'intégrer dans le vaste
chantier de l'harmonisation, toute matière qui intéresse le droit
des affaires ou qui est jugée nécessaire par ledit
Conseil9. L'oeuvre de l'OHADA dans les pays d'Afrique Noire
intervient dans un contexte économique particulier eu égard
à la lente croissance économique mais surtout à l'ampleur
du secteur informel.
En effet, La décennie 80 marque le début de la
crise économique et la mise du continent africain (en proie à des
difficultés économiques) sous quasi tutelle du F.M.I. et de la
Banque Mondiale. Implicite dans les années 7010, le secteur
informel a pris son envol de nos jours au point d'arriver à concurrencer
le secteur formel. Que de temps perdu aujourd'hui à élaborer des
plans de sauvetage et de restructuration, à réduire des dettes,
alors qu'entre temps les populations doivent vivre ou plutôt survivre :
d'où la floraison et l'ampleur des activités du secteur
informel11.
L'apparition de la notion de « secteur informel
» est souvent attribuée au célèbre «
rapport Kenya » du BIT (BIT 1972) 12. A partir de ce
moment, la notion a animé la littérature sur le
développement des pays africains, parce que
8 MATOR (B.) et THOUVENOT(S.), « L'uniformisation
du droit des affaires en Afrique par l'OHADA », in la semaine
juridique, entreprise et affaires, no 5 du 28 octobre 2004, p.
5.
9 Article 2 du Traité OHADA. On peut
dès lors constater qu'au plan législatif, huit actes uniformes
sont déjà disponibles sur des matières aussi diverses que
: le droit commercial général, le droit des
sociétés commerciales et G.I.E., le droit des
sûretés, les procédures simplifiées de recouvrement
et des voies d'exécution, les procédures collectives d'apurement
du passif, le droit de l'arbitrage, la comptabilité des entreprises et
les contrats de transport de marchandises par route, ( Les textes relatifs
à ces actes uniformes sont disponibles sur le site de l'OHADA, sur le
lien hhttp:/ // www. Ohada. com/ textes. php. D'autres actes uniformes sont
aussi en cours d'élaboration, notamment celui relatif au droit du
travail.).
10 Déjà à l'époque
coloniale, les agents économiques arrivaient à soustraire leur
production de l'impôt dit "impôt de capitation",
dénoncé par les leaders des mouvements de résistance.
11 LAUTIER (B.), L'économie informel dans le
tiers monde, col repères, édition la découverte, Paris,
1994, p. 3.
12 Le terme « secteur informel » aurait
été utilisé pour la première fois d'après
Richard Walter ; Richard Walter, Formation en secteur informel : note de
problématique et de présentation d'une étude pour
l'AFD, Février 2006. , dans une étude sur l'emploi urbain au
Ghana et officialisé en 1972 par une publication de l'Organisation
International du Travail sur l'emploi au Kenya.
désignant des réalités complexes et
diverses, renvoyant pour l'essentiel à l'ensemble des activités
économiques qui se réalisent en marge des législations
pénale, sociale et fiscale ou qui échappent à la
Comptabilité Nationale ; c'est-àdire à l'ensemble des
activités qui échappent à la politique économique
et sociale, donc à toute régulation de l'Etat13. Ainsi
ce secteur se caractérise par l'absence de reconnaissance juridique et
par une coexistence plus ou moins pacifique avec le secteur
formel14, d'où la floraison de qualificatifs
péjoratifs pour désigner les multiples facettes des
activités de l'informel15. Toutefois, cette
informalité juridique n'enlève en rien la place qu'occupe le
secteur informel dans la dynamique des économies africaines car il est
constant d'y relever l'ampleur et la densité des activités
informelles à coté de celles dites formelles16. Le
commerce n'échappe pas à cette informalité car, au sein de
la multitude des agents qui naviguent dans le secteur informel, se trouve en
bonne place le commerçant personne physique, qui appelle notre attention
dans le cadre de cette réflexion.
En effet, le secteur informel présente une grande
densité faisant intervenir autant les personnes morales que les
personnes physiques. L'hypothèse selon laquelle une personne morale
agirait comme commerçant informel recouvre celle de la
société créée de fait ; or cette notion n'est
souvent évoquée que lors d'un contentieux entre associés
et pose essentiellement des difficultés de preuve. Alors qu'un
véritable problème subsiste sur l'existence de telles
sociétés, de
13 L'économie informelle en Afrique, in «
Afrique: Histoire, économie, politique. »,
http://www.laconscience.com/article.php?id_article=7879
Il faut noter que bien que le concept ait été inventé dans
les années 70, la réalité sociale lui a longtemps
préexisté.
14 COGNEAU, RAZAFINDRAKOTO, ROUBAUD, « Secteur
informel et ajustement au Cameroun », in Revue d'économie du
développement, 1996, p. 4.
15 LAUTIER (B.) op.cit p. 12.
16 Il y a un dédoublement du secteur formel
en secteur informel où chaque activité dite "en règle" a
une réplique. Tout se passe comme si l'économie de ces pays
affiche deux faces. L'informel et le formel sont donc intimement liés,
ne serait-ce que par la monnaie dont ils font un usage commun. En
définitive, c'est l'incapacité de l'État de
répondre aux besoins fondamentaux de la population dans les domaines de
l'emploi, de la santé, du logement et de l'éducation qui est
à l'origine du foisonnement du secteur informel. Face à
l'échec des pouvoirs publics, le secteur informel est venu en quelque
sorte à la rescousse du modèle légal (formel).
pareilles difficultés n'apparaissent pas grandement
pour les commerçants personnes physiques de l'informel qui sont de plus
en plus nombreux et qui agissent habituellement au vu et au su de tous.
Sans commerçant, pas de fonds de commerce ; Sans fonds
de commerce, pas d'activité économique véritable; Sans une
telle activité, aucun espoir de développement. Le
commerçant et le fonds de commerce sont donc au coeur de la vie des
affaires et des préoccupations politico-économiques, d'où
leur stricte réglementation par le législateur OHADA à
travers les Actes Uniformes, mais plus particulièrement celui relatif au
Droit Commercial Général adopté en 1997 et entré en
vigueur le 1er janvier 199817. Cet Acte uniforme pose les
règles juridiques particulières, applicables aux
commerçants dans l'exercice de leurs activités professionnelles,
et régit aussi l'activité commerciale, voire les actes de
commerce accomplis par toute personne. Le Droit pluridisciplinaire des affaires
OHADA18 est désormais confronté à cette
réalité ambiante du secteur informel.
Il est donc question ici, de faire une étude sur le
commerçant personne physique du secteur informel. Encore faudrait-il
avoir une nette perception du concept « commerçant personne
physique » pour mieux l'observer dans le monde informel. Le
commerçant est une personne qui effectue des actes de commerce et en
fait sa profession habituelle19. Cette définition
brève de l'AU.DCG ne rend pas totalement compte de la
réalité en matière de définition du
commerçant. En effet elle fait intervenir deux idées principales
: l'accomplissement d'actes de commerce et la profession habituelle. Ces deux
idées sont complétées par une troisième qui renvoie
à la notion d'indépendance, donc, à l'exercice par le
commerçant en son nom et pour son compte. Il demeure toutefois difficile
de cerner la notion de commerçant, en raison de l'imprécision
17 Voir Art 289 AU.DCG.
18 Il a un domaine plus vaste que celui du droit
commercial classique et englobe aussi bien des questions relevant tant du droit
public (intervention de l'Etat dans l'économie, droit fiscal), ou
certaines branches du droit privé (droit du travail..), que des domaines
entièrement nouveaux (droit de la consommation). Pour ce domaine large
du doit des affaires, voir Art 2 du Traité OHADA.
19 Art 2 AU. DCG
des articles 3 et 4 de l'Acte Uniforme relatif au Droit
Commercial Général, qui rendent flous les contours de la notion
essentielle d'acte de commerce. Heureusement, à l'instar du Droit
français20, une technique permet d'atténuer
sensiblement la difficulté de la qualification : Il s'agit de la
présomption de commercialité édictée par l'article
38 de l'AU.DCG lorsque l'immatriculation au Registre du Commerce et du
crédit mobilier a été effectuée21.
Par conséquent, les difficultés sont
régulièrement observées à la qualification de
commerçant du secteur informel. Le recours à la notion de
« commerçant de fait » peut permettre
d'évacuer ces difficultés. Cette expression a été
utilisée par M. Pédamon et renvoie à une personne
répondant à la définition du commerçant, mais qui
n'a pas satisfait à l'obligation d'immatriculation au Registre du
Commerce et du crédit mobilier. La locution « de fait »
désigne en droit une situation réelle proche de celle
prévue par les textes, qui ne respecte pas totalement l'orthodoxie
juridique, mais produit cependant certains des effets de la situation de droit
correspondante. La théorie des situations de fait est d'usage
fréquent en droit des affaires : la notion de société de
fait ou de dirigeant de fait est couramment employée22.
Alors, cette locution « de fait » peut être
rapprochée du qualificatif « informel » qui gouverne
certaines activités commerciales ; ainsi, commerçant de fait
et
20 L'article L 123-7 du code de commerce
français édicte une présomption de commercialité
lorsque l'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés
a été effectuée.
21 ART. 38 AU.DCG : «
Toute personne immatriculée au Registre du Commerce et du
Crédit Mobilier est présumée, sauf preuve contraire, avoir
la qualité de commerçant au sens du présent Acte Uniforme.
Toutefois, cette présomption ne joue pas à l'égard des
groupements d'intérêt économique.
Toute personne physique ou morale immatriculée au
Registre du Commerce et du Crédit Mobilier est tenue d'indiquer sur ses
factures, bons de commande, tarifs et documents commerciaux, ainsi que sur
toute correspondance, son numéro et son lieu d'immatriculation au
Registre. ».
22 ART. 864 : AU. SC.GIE : « Il y a
société de fait lorsque deux ou plusieurs personnes physiques ou
morales se comportent comme des associés sans avoir constitué
entre elles l'une des sociétés reconnues par le présent
Acte uniforme. ».
ART. 865 : AU. SC.GIE : « Lorsque deux ou plusieurs
personnes physiques ou morales ont constitué entre elles une
société reconnue par le présent Acte uniforme mais n'ont
pas accompli les formalités légales constitutives ou ont
constitué entre elles une société non reconnue par le
présent Acte uniforme, il y a également société de
fait. ».
commerçant du secteur informel seraient tous deux des
branches d'un même arbre qui n'est rien d'autre que l'informalité
juridique.
Toute personne physique, ayant la qualité de
commerçant au regard du Droit OHADA, est tenue de se faire inscrire au
RCCM23. Cette immatriculation est soumise à un formalisme
rigoureux, ce qui témoigne de son importance dans la
réglementation du Droit commercial24.
Dans un premier temps, le Registre était un bottin
dépourvu d'effet juridique réel25, puis les
conséquences de l'inscription sont devenues de plus en plus importantes.
Le RCCM est progressivement devenu un instrument de publicité juridique,
renseignant les tiers sur les activités, la qualité et la
capacité du commerçant26. L'immatriculation a donc
pour but de faciliter la rapidité des transactions commerciales car,
à partir d'un numéro d'identification il est aisé de se
reporter au RCCM pour trouver tous les renseignements relatifs au
commerçant. Cette publicité destinée à renseigner
les tiers assure aussi leur sécurité juridique : dans
l'hypothèse d'une discordance entre la réalité et la
situation juridique, on tient compte de la mention au Registre. L'incitation
est donc forte pour que les assujettis accomplissent rapidement les
formalités afin d'assurer la concordance entre la réalité
de la situation et l'inscription27.
En raison de ce caractère obligatoire, il existe des
contraintes pour obliger les commerçants à
s'inscrire.28 Les manquements à cette obligation
23 Registre du commerce et du crédit
mobilier.
24 Sur la réglementation rigoureuse de RCCM,
titre I du livre II de l'AU. DCG
25 Le registre du commerce qui avait
été institué dans les pays d'Afrique Noire par une loi du
18 mars 1928 était un simple répertoire dont le contenu n'avait
pas une véritable valeur juridique. Le législateur Ohada en le
renommant `'RCCM», l'a réorganisé et moderniser à
travers d'une part l'élargissement de son contenu qui, en plus des
renseignements sur les commerçants, reçoit l'inscription des
sûretés mobilières ; et d'autre part l'organisation de sa
structure en forme pyramidale présentant un fichier local, un national
et un régional.
26 Art.19 AU.DCG.
27 ELHOUEISS (J-L.), « Le commerçant de
fait », Frédéric FIRHOLTZ, novembre 2004,
http://sites.estvideo.net/fdm/doc/bqbrse/20042005/commfait.doc
28 Art. 42 AU.DCG :« Faute par un
commerçant personne physique ou morale de requérir
son immatriculation dans le délai prescrit, la juridiction
compétente peut, soit d'office, soit à la requête du
peuvent d'ailleurs générer un régime de
responsabilité à l'égard des contrevenants à la
réglementation du RCCM 29; Il est également
obligatoire de faire figurer le numéro d'immatriculation sur tous les
documents que le commerçant communique au public (factures, notes de
commande, documents publicitaires...)
Nonobstant toutes ces mesures contraignantes et incitatives,
il existe toujours des situations où le commerçant ne sera pas
immatriculé, souvent pour des raisons dissimulatrices ou pour des causes
de négligence, d'ignorance ou tout simplement de
prépondérance de la préoccupation de survivre sur la
volonté d'une conformité juridique. C'est donc là le
secteur informel, ou du moins l'attitude des commerçants personnes
physiques qui oeuvrent dans l'informel. Contrainte sociale,
ambiguïté économique, ou défit juridique? En tout
état de cause, le droit des affaires OHADA est d'une part
confronté à cette réalité vivante, et doit d'autre
part faire avec cette dernière qui n'est pas prête de
disparaître de si tôt.
Il faudrait être très prudent dans l'adoption
d'un critère de définition du secteur informel car ce dernier a
régulièrement été au carrefour de nombreuses
divergences d'opinions et d'idéologies entre chercheurs en sciences
économiques et sociales. Le microcosme de l'informel présente
généralement
Greffe en charge du Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier, ou de tout autre requérant, rendre une décision
enjoignant à intéressé de faire procéder à
son immatriculation.
Dans les mêmes conditions, la Juridiction compétente
peut enjoindre à toute personne physique ou morale immatriculée
au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, de faire procéder
:
- soit aux mentions complémentaires ou rectificatives
qu'elle aurait omises,
- soit aux mentions ou rectifications nécessaires en cas
de déclaration inexacte ou incomplète, - soit à sa
radiation. ».
29 Article 43 « Toute personne tenue
d'accomplir une des formalités prescrites au présent titre, et
qui s'en est abstenue, ou encore qui aurait effectué une
formalité par fraude, sera punie des peines prévues par la loi
pénale nationale, ou encore le cas échéant par la loi
pénale spéciale prise par l'Etat partie en application du
présent Acte Uniforme. » Il faut cependant noter que ni la loi
Camerounaise N° 2003/008 du 10 juillet 2003 portant répression des
infractions contenues dans certains Actes Uniformes OHADA, ni la loi
sénégalaise N ° 98/22 du 26 mars 1988 portant sur les
sanctions pénales applicables aux infractions contenues dans l'AU.
SCGIE, n'assortit pas le défaut d'inscription de sanctions
pénales.
trois réalités concrètes : D'abord,
l'informel caractérisé par une intention frauduleuse qu'on range
globalement sous le vocable « d'économie dissimulée
» ou « irrégulière » ou encore «
économie souterraine ». Ensuite, l'informel animé
plus par une intention de survie qu'une volonté dissimulatrice et qu'on
classe souvent sous l'expression « d'économie de la
débrouille ou de survie » ou tout simplement «
d'économie non déclarée », cette
dernière fonctionnant parfois au vu et au su de tous. Et enfin
l'informel matérialisé par un caractère illicite qu'on
nomme par l'expression « d'économie criminelle »,
cette dernière constituée pour l'essentiel des activités
interdites ou qui portent atteinte à l'ordre public30. Ce
dernier volet lié à l'économie « noire
» n'est pas pris en compte ici dans l'appréhension de la notion de
secteur informel. Les deux premiers par contre, sont plus
considérés car, il s'agit d'activités non officielles,
donc susceptibles de réglementation ou de récupération
économique et surtout juridique31. Les études sur le
secteur informel convergent désormais vers l'ensemble des
activités normales par leur nature intrinsèque mais qui sont
irrégulièrement exercées ou encore qui ne sont pas «
enregistrées » et qui échappent à la
comptabilité nationale et à la reconnaissance juridique. Il
apparaît d'ailleurs qu'après avoir longtemps cherché
à éradiquer le secteur informel, il faut plutôt essayer de
composer avec. Le credo sur l'économie informelle a changé, il
n'est plus celui de « l'abattre à tout prix », mais
celui de « faire chemin ensemble »; d'où sa prise en
compte dans les stratégies de développement économique en
Afrique32. En effet, l'économie informelle
30 Emission Radiophonique, « Mémoire
d'un continent », Le secteur informel en Afrique, RFI. Voir
également (P) YOULOU, Economies informelles et criminalités: La
face cachée de la mondialisation: L'Afrique subsaharienne,
Penant No 861, octobre- décembre 2007, p. 471.
31 Pour Gérard Winter (ancien directeur de
l'IRD), on peut définir le secteur informel comme un secteur
potentiellement légalisable, l'économie de la drogue par exemple
ne fait pas partie du secteur informel. In `' Le secteur informel en
Afrique.»,
http://www.temoust.org/spip.php?article6939
32 Le secteur informel, en Afrique, a pris une
importance telle que la Banque Mondiale et le F.M.I. ont pris la
résolution de l'encourager et dorénavant d'insérer ses
activités dans les stratégies de développement du
continent. C'est ainsi que les institutions de Brettons Wood se penchent avec
attention sur les projets, soit des paysans regroupés au sein des
coopératives, soit de toute organisation de personnes qui
conçoivent et mettent en oeuvre des activités économiques
d'un intérêt social et
apparaît sans conteste comme un phénomène
qui, sans prendre l'allure d'un tranquillisant s'ajoutant à l'opium des
peuples d' Afrique Noire, calme les tensions, nourrit des espoirs et aide
à survivre. Survivre mal, moins bien ou à peine, mais survivre en
attendant mieux33.
Alors, si les activités du secteur informel sont
traversées pour les unes par une intention frauduleuse, et pour les
autres par une raison de survie, le droit des affaires doit pouvoir en tenir
compte afin d'être un droit non seulement rigoureux mais aussi et surtout
réaliste. Ce défi s'impose à la législation OHADA
qui ambitionne de régir toutes les situations de la vie
intéressant les affaires pour être un droit effectif et efficace,
ou tout simplement un ensemble de règles « communes, simples,
modernes et adaptées » à l'espace économique des
pays membres34. Un constat évident et clair fait
l'unanimité de nos jours, il s'agit de l'ampleur et de la densité
de l'économie informelle en Afrique ; les circonstances qui ont
causé l'émergence du secteur témoignent aujourd'hui de sa
taille sans cesse grandissante dans ce continent35. Dès lors,
on est porté à
d'auto-développement bien avéré. Ces
agents économiques subissent des stages d'initiation aux techniques de
gestion, à la concurrence et à l'économie de
marché. De plus en plus, les gouvernants africains aménagent des
conditions de micro-crédits adaptées au secteur informel afin
d'améliorer leurs activités. Le but sans doute étant de
ramener les activités du secteur informel dans le formel. On
aperçoit de nos jours de vastes programmes gouvernementaux d'appui au
secteur informel dans l'espace Ohada comme Par exemple, au Cameroun avec le
PIAASI (Programme Intégré d'Appui aux Acteurs du Secteur
Informel), et d'autres programmes rencontrés au Burkina Faso, au
Sénégal, au Togo., au Bénin ... . En clair, les
activités du secteur informel jouent un rôle dynamique dans les
économies africaines. C'est le point de vue du Bureau International du
Travail (B.I.T.) qui, a mis l'accent sur les aspects positifs de ce secteur
rentable, productif et créatif. D'où sa proposition de repenser
le processus évolutif spécifique du secteur informel qui est un
facteur de développement de l'Afrique ; Le vrai problème qui
subsiste étant celui de l'articulation des deux secteurs.
33 MASAMBA MAKELA (R.), « L'applicabilité
du droit des affaires au secteur informel », http//
www.congolegal.com, p. 1.
34Lire en ce sens le projet d'uniformisation du droit
des affaires qui a vu le jour lors de la réunion des ministres des
finances de la zone franc à Ouagadougou en 1991. Lire également
les conclusions de la réunion des chefs d'Etats à Libreville en
1992.
http://droit.francophonie.org/dfweb/publication.do?publicationId=3356
http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&from=fulltext&full=afrique+bongo+bereg
ovoy+libreville&num_notice=1&total_notices=1 Voir aussi Art
1er du Traité OHADA.
35 Entre les années 50 et 80, l'Afrique
s'est distinguée par un boom démographique inversement
proportionnel à la croissance économique. Avec un revenu per
capita inférieur à 1000 dollars, ces pays n'ont pas moins franchi
le cap de 24% de croissance démographique par an. Preuve s'il en
était que pauvreté et forte natalité font bon
ménage (le lit du pauvre est fécond). Au cours de la même
période, la population urbaine s'élevait au rythme de 6% par an
et celle des villes périphériques de 10% alors
s'interroger sur la prise en compte du secteur informel par le
droit harmonisé des affaires de l'OHADA dans un contexte marqué
par son foisonnement et son expansion en Afrique en général, et
dans l'espace subsaharien en particulier. En effet, peut-on
véritablement cerner le secteur informel ? Peut-on lui appliquer les
règles du secteur formel ?
La réalité ambiante de l'informel a fait
développer les commerçants personnes physiques d'une
catégorie particulière, gérant ou possédant un
fonds de commerce aussi particulier. Ce qui justifie l'inquiétude
majeure de l'applicabilité des dispositions du droit des affaires OHADA
à de tels commerçants. Pour en avoir l'esprit clair, on pourrait
prendre une activité quelconque du secteur informel (le commerce
informel du textile par exemple) pour observer cette applicabilité du
droit des affaires, mais ceci restreindrait la possibilité d'un compte
rendu total et profond sur la question, et réduirait de ce fait la
pertinence du problème. Il serait donc plus judicieux de faire un voyage
beaucoup plus large au coeur du secteur informel afin de mieux
appréhender au regard du Droit OHADA, la commercialité du secteur
informel d'une part (I), et d'autre part l'applicabilité de ce Droit
harmonisé des affaires au commerçant personne physique du secteur
informel. (II)
que l'accroissement des emplois offerts dans le secteur formel
ou secteur moderne ne représentait que 2%. Les crises économiques
mondiales créées par des décisions politiques, en
particulier la crise de la dette des pays africains, les programmes
d'ajustement structurels du FMI et de la BM (démantèlement du
secteur public), ont également favorisé l'éclatement du
secteur informel. Très vite, la demande d'emplois est apparue
supérieure à l'offre et le besoin d'assurer sa survie est devenu
plus conséquent. Quelques indications statistiques révèle
qu'en Afrique, la part du secteur informel dans l'emploi total en zone urbaine
est de 80% au Bénin (1992), 57% au Cameroun (1993) 72% en Gambie (1993),
79% au Ghana (1997), 77% au Sénégal (1991), 17% en Afrique du Sud
(1995) et 56% en Tanzanie (1991), 67% à Dar-es-Salaam (1995). Les
chiffres sont 28% pour le Maroc (1988) et 39% pour la Tunisie (1981). Pour la
Tunisie, mais recouvrant l'ensemble de l'économie (zones urbaines et
rurales) le chiffre est de 38% en 1995. Vu ceci, on est porté à
se demander si à la trilogie déterminante classique (secteur
primaire, secondaire et tertiaire), doit-on ajouter un quatrième secteur
qui serait le secteur informel ayant droit de cité au même titre
que ses trois rivaux ?
~~~1PE?E ~~q~7-E
LA COMMERCIALITE DU SECTEUR INFORMEL
Le terme « commercialité »
ne fait réellement pas l'objet d'une définition
claire et précise ; Les dictionnaires juridiques restent muets sur la
question. La référence au dictionnaire LAROUSSE permet de donner
une définition en retenant de la commercialité, ce qui appartient
au commerce. En effet, cet essai de clarification ne dissipe en rien le iou qui
entoure la commercialité, dans la mesure où le terme commerce ne
fait pas lui aussi l'objet d'une clarification précise36. A
la fin, c'est à travers la notion d'actes de commerce, qui elle
même induit celle de commerçant, qu'est appréhendée
la commercialité. Parler de la commercialité du secteur informel
commande donc de rester dans la même logique en recherchant dans ce
secteur, ce qui touche au commerce en incitant l'application du droit
commercial.
En effet, en raison de la particularité du secteur
informel due à son informalité juridique, il est convenable de
scruter de près le commerçant d'un tel secteur qui, en
réalité est un commerçant sui generis (Chapitre
I), dont le bien précieux comme tout commerçant est le fonds de
commerce (Chapitre II).
36 Le mot commerce a plusieurs sens ; Dans le
langage littéraire, il signifie relation ou fréquentation. Dans
ce sens, on parle par exemple du commerce (ou de la fréquentation) des
gens de lettres. Même dans le langage juridique, le mot commerce n'est
pas univoque ; dans le droit Romain par exemple, commercium
était employé pour designer les rapports juridiques de tous
ordres que les hommes établissaient entre eux dans l'utilisation des
biens. On disait alors que les choses étaient in commercio ou
extra commercium. De nos jours, le terme commerce a une signification
différente selon qu'il est utilisé par les économistes ou
les juristes. Pour les premiers, le commerce concerne la circulation et la
distribution des richesses, non la production qui relève de l'industrie.
Pour les seconds, il désigne à la fois la production, la
circulation et la distribution des richesses, l'industriel en droit
étant un commerçant.
CHAPITRE I
LE COMMERCANT DU SECTEUR INFORMEL : UN COMMERCANT SUI
GENERIS
L'Acte Uniforme relatif au Droit Commercial
Général regroupe la définition du commerçant et
celle des actes de commerce, comme pour signifier la nécessaire relation
qu'il y a entre l'une et l'autre37. Le commerçant ne saurait
donc faire l'objet d'une étude profonde sans appel aux actes de
commerce. Il en est de même du commerçant du secteur informel.
Alors, avant de marquer un temps d'arrêt sur l'activité
commerciale dans le secteur informel (section 2) ; il serait important au
préalable, d'appréhender la personne même du
commerçant dans ledit secteur, car pour l'essentiel, il ne respecte pas
les conditions subjectives d'exercice de la profession commerciale. (Section
1)
SECTION I
L'IRRESPECT DES CONDITIONS LIEES A LA PERSONNE POUR
L'EXERCICE DE LA PROFESSION COMMERCIALE DANS LE SECTEUR INFORMEL
Le droit Commercial est dominé par le principe de la
liberté du commerce et de l'industrie, proclamé dès les
années 170038, et devenu par la suite principe à
valeur constitutionnelle établie39. Par ce principe,
l'accès au commerce est ouvert à tout le monde, il n'y a ni
sélection, ni « numerus clausus
37 AU. DCG, Chapitre I.
38 Décret d'Allarde des 2 et 17 Mars 1791 et la
loi Royer du 27 décembre 1973, Art 1.
39 V. Cons. Constitutionnel, 16 jan, 1982:D.,
1983.169, note L. Hamon et les obsv. de MM. Savy au D.,1983, doc.105 et
J.Mestre, D.,1984.
», et c'est le jeu de la libre concurrence qui
élimine les plus faibles ou les moins nantis de compétences et de
stratégies40. Il en résulte que l'accès
à la profession commerciale ne devrait faire l'objet d'aucune limitation
; c'est ce que semble d'ailleurs admettre l'article 2 AU.DCG quand il dispose
que: « Sont commerçants ceux qui accomplissent
des actes de commerce et en font leur profession habituelle
». On pourrait croire à la lecture de cet article que
l'accomplissement des actes de commerce suffit pour acquérir la
qualité de commerçant ; Il n'en est rien car en
réalité, si cet accomplissement est nécessaire, il demeure
insuffisant. La qualité de commerçant est gouvernée par
des restrictions subjectives tenant tant au souci d'assainir les professions
commerciales qu'à celui de protéger le commerçant contre
son immaturité. Le secteur informel s'inscrit comme un milieu favorable
au contournement des restrictions au principe de la liberté du commerce
et de l'industrie, comme on peut le constater à travers le mépris
des règles de capacité pour exercer le commerce d'une part (para
1), et la méconnaissance des empêchements à l'exercice
d'une telle activité d'autre part. (para 2)
PARA I : LE MEPRIS DE LA CAPACITE D'EXERCER LE
COMMERCE
En raison de son caractère risqué, le commerce
et les activités y relatives font l'objet d'une restriction de ses
acteurs lorsqu'ils présentent une incapacité quelconque. La
capacité est un terme ambivalent, elle désigne à la fois
l'aptitude d'une personne à être titulaire des droits et des
obligations et son pouvoir à les mettre en oeuvre41. Aux
termes de l'article 6 AU.DCG : « Nul ne peut
accomplir des actes de commerce à titre de profession habituelle s'il
n'est
40 PEDAMON (M.), « La liberté
d'entreprendre et l'intervention des autorités publiques, dans les
autorités publiques et l'entreprise privée », in
Rev.jurisp.com.,
n° spec, 1983, p. 13
41 Il s'agit de la capacité de jouissance et
celle d'exercice qui ne sont pas toujours liées car en effet, la
personne humaine a en principe la jouissance des droits à la naissance,
voir dès sa conception, alors qu'elle n'en aura l'exercice qu'à
l'age de la majorité, à moins d'user dans les cas permis, de
l'exercice par représentation.
juridiquement capable d'exercer le commerce.
». La capacité relevant du statut personnel,
son organisation est l'oeuvre des droits nationaux. Pour l'essentiel,
l'incapacité d'exercer le commerce frappe les mineurs (A), certains
majeurs dits incapables (B). Sur cette question, la femme mariée a connu
une nette évolution.
(C)
A - LE MINEUR
Le mineur est généralement défini comme
la personne physique de l'un ou de l'autre sexe qui n'a pas encore atteint
l'âge de la majorité fixé ici par chaque droit
national42. L' AU.DCG en son article 7 al 1 dispose que:
« Le
mineur, sauf s'il est émancipé, ne peut avoir
la qualité de commerçant nieffectuer des actes de
commerce. » Au regard de cet article, la qualité de
commerçant du secteur informel à attribuer ou non
à un mineur doit être envisagée selon qu'il est (2) ou non
(1) émancipé.
1° Le mineur non émancipé et
l'impossible rattachement à la qualité
de commerçant du secteur
informel.
Le mineur non émancipé est protégé
non seulement du commerce mais aussi de la commercialité. En effet,
à la lecture de l'article 7 al 1 de l'AU.DCG, l'incapacité du
mineur d'exercer le commerce est double: L'incapacité d'avoir la
qualité de commerçant et celle d'effectuer les actes de commerce.
Aucune autorisation ou aucun procédé détourné ne
peut lever cette incapacité car en principe, la personne qui
désire exercer le commerce est généralement astreinte
à un certains nombre d'obligations dont l'observation lui
conférera la qualité de commerçant 43;
pourtant, le mineur non émancipé est par définition
incapable de faire le commerce. Il ne peut donc en toute hypothèse
acquérir la qualité de
42 L'âge de la majorité civile est
fixé à 21 ans au Cameroun (Ord N°81/02 du 29 juin 1981
portant organisation de l'état civil), au Sénégal (Art 276
al 1, C. fam.) et au Togo (Art 265 C.fam), à 20 ans au Burkina Faso (Art
554 C.pers et fam.).
43 Il s'agit en particulier de la capacité
juridique et l'immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier.
commerçant même à titre de
sanction44, encore que son incapacité d'effectuer les actes
de commerce est absolue45. Des arrêts de Cours d'Appel en
France, bien anciens mais toujours d'actualité46 ont
jugé que cette mesure édictait une règle absolue qui
interdisait de recourir à la notion de commerçant de fait
lorsqu'il s'agit d'un mineur47. Il s'agit bien sûr dans le
cadre du droit OHADA du mineur non émancipé qui ne peut donc
être qualifié de commerçant de fait ou tout simplement
celui du secteur informel. Alors, les mineurs non émancipés qui
s'adonnent aux activités commerciales dans le secteur informel ne
peuvent ni à titre de rigueur ou de faveur, bénéficier ou
subir les dispositions juridiques qui découlent du statut de
commerçant, et les actes de commerce, même isolés, conclus
par ces derniers sont en principe nuls. Il s'agit sans doute d'une
nullité relative ne pouvant être invoquée que par le mineur
une fois devenu majeur, ou son représentant légal, mais jamais
par son cocontractant puisqu'il est question de la protection du
mineur48.
44 Par exemple pour subir la rigueur du droit des
affaires et se voir appliquer les procédures collectives d'apurement du
passif.
45 Cette solution se justifie dans son ensemble car
les mineurs non émancipés sont trop jeunes pour mesurer les
risques courus. Cette incapacité radicale et absolue vaut aussi bien
pour les actes civils que les actes de commerce. De tels mineurs ne sont
capables que pour les actes usuels de la vie courante et les actes
conservatoires. Ainsi, lorsqu'un commerçant décède,
laissant des héritiers mineurs, ceux-ci ne peuvent pas personnellement
exploiter le fonds qui sera soit vendu, soit mis en location gérance ou
encore apporté dans une société dans laquelle les
associés n'ont personnellement la qualité de commerçant.
Le fonds échu au mineur peut aussi être exploité en vertu
d'un droit d'usufruit par celui de ses père et mère qui a le
droit de jouissance légale à la condition que celle-ci ou celui
là ait personnellement la capacité de faire le commerce.
46 CA Aix 2 jan.1876 et CA Douai 16 Août 1869. V
ELHOUEISS, op.cit., p 4. et
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cour_d'appel_d'Aix-en-Provence
47 Il faut rappeler que ces arrêts
aménagent cette protection du mineur sans distinguer qu'il est
émancipé ou non car l'article L121-2 du Code de Commerce
Français dispose que: « Le mineur même
émancipé, ne peut être commerçant. » Alors
contrairement au droit Ohada, l'émancipation en France n'a aucun
intérêt en droit commercial car le mineur émancipé
demeure incapable en matière commerciale ; l'émancipation qui est
possible à partir de seize ans ne lui donne pas le droit de devenir
commerçant. (C.Civ., Art477, al2).
48 La question du régime de cette
nullité reste controversée, pour le Pr Yves Guyon,cette
nullité obéirait au droit commun ; elle n'est pas encourue de
plein droit mais suppose que l'acte a été défavorable au
mineur par application de l'adage « Minor restituitur non tanquam minor
sed tanquam loesus . ». Pour cet auteur dont nous partageons l'avis, si
cette interprétation est exacte, elle réduirait
considérablement le domaine de la nullité puisque les actes
équilibrés, qui sont les plus nombreux, demeureraient
valables.
Cette situation peut être source de débat dans
notre société actuelle où la réalité
sociologique est plutôt autre. En effet, il faudrait peut être
prendre l'exemple des villes d'Afrique en général et celles du
Cameroun en particulier pour se rendre compte du nombre important de mineurs
qui font le commerce à titre de profession habituelle et même avec
une dextérité que certains majeurs n'ont pas. Combien de jeunes
enfants au Cameroun abandonnent les études après le cycle
primaire ou ayant à peine débuté le cycle secondaire, pour
se livrer au commerce ? Combien sont ces jeunes qui débutent un commerce
d'aiguilles et de tournevis pour finir quincailliers ? Combien de jeunes
commencent par vendre du pain chaque jour dans un panier pour ensuite devenir
boulangers ou propriétaires des grandes structures agroalimentaires ?
Combien sont ces mineurs qui gèrent des fonds de commerce dans le
respect des règles de l'art en matière d'affaires ? La
réponse, on la connaît, car il n'est pas étonnant de
constater que dans notre société actuelle, il y a beaucoup de
jeunes mineurs qui exercent une activité commerciale pour assurer le
paiement de leurs frais scolaires parce qu'abandonnés par les parents ou
parce que orphelins, ou tout simplement parce qu'ils ont choisi de
déserter le chemin de l'école pour s'installer à titre
professionnel et habituel dans le commerce.
Cette situation est de nature à faire méditer
sur l'applicabilité de l'article 7 al 1 AU.DCG en Afrique ; cette
disposition semble être très absolue. Devrait t-on toujours
protéger ces mineurs commerçants de la commercialité et du
commerce? Ne devraient-ils pas être soumis au droit des affaires autant
pour ses rigueurs que pour ses faveurs en raison de leur état de
commerçants professionnels ? Toutes ces questions sont troublantes car
elles génèrent de grands questionnements sur l'âge
réel pour l'exercice normal des professions commerciales dans notre
contexte Africain.
A cet égard, on serait tenté de penser à
une majorité ou à une minorité commerciale, permettant
d'intégrer dans le champs du droit des affaires ces mineurs aux
habitudes professionnelles. Cette situation serait sans doute de
nature à créer une véritable
disparité entre le souci de protection du mineur tel qu'organisé
par le Code Civil et son insécurité liée à
l'intervention dont il fait preuve dans le monde des affaires. Mais ce serait
également là une affirmation de la spécificité du
droit des affaires, qui se plaît d'ailleurs à se singulariser par
son caractère dérogatoire au droit commun. En tout état de
cause, la difficulté demeure en ce qui concerne ces mineurs non
émancipés, à moins que survienne leur émancipation
pour leur conférer un statut proche de celui du majeur ordinaire.
2° Le mineur émancipé et la
possibilité de rattachement au
commerçant du secteur
informel
Le mineur émancipé est la personne physique de
l'un ou de l'autre sexe qui n'a pas encore atteint l'âge de la
majorité, mais qui en raison d'un acte juridique a été
relevée de son incapacité. L'alinéa 1er de
l'article 7 de l'AU.DCG lève la double incapacité du mineur
à avoir la qualité de commerçant et à effectuer les
actes de commerce lorsqu'il est émancipé. La question ne se pose
donc plus en terme de la capacité d'exercice d'activités
commerciales par le mineur émancipé mais beaucoup plus en termes
de causes d'émancipation, qui ici sont déterminées par
chaque droit national via le droit des personnes et de la famille.
Au Cameroun par exemple, ces causes d'émancipation
tournent autour d'un cas d'émancipation de plein droit et des cas
facultatifs d'émancipation. L'émancipation de plein droit du
mineur s'obtient par son mariage (Art 476 CC), ce mariage ne peut intervenir
avant dix huit ans chez le garçon et quinze ans pour les filles sauf
dispense accordée par le Président de la République pour
motifs graves49. Pour les cas facultatifs d'émancipation, il
est tenu compte de l'âge du mineur qui peut à l'âge de
quinze ans révolus, être émancipé par son
49 Art 52 de l'ordonnance N° 81/02 du 29 juin
1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions
relatives à l'état des personnes physiques.
père ou à défaut sa mère sur
simple déclaration reçue par le juge du TGI50, soit
à partir de dix huit ans révolus par le conseil de famille pour
le mineur resté orphelin de père et de
mère51.
Il faut rappeler que dans la plupart des autres
législations nationales, le mariage apparaît comme la cause
d'émancipation de plein droit du mineur à telle enseigne que les
disparités qui surgissent résultent des autres cas
d'émancipation52. En droit commercial donc, le mineur
émancipé est un véritable majeur, et son
déploiement dans le secteur informel n'enlève en rien son
aptitude à être qualifié de commerçant de fait et
donc, à être frappé des rigueurs du droit des affaires. Le
mineur émancipé bénéficie ainsi de la
capacité d'exercer le commerce au même titre que le majeur
à moins que ce dernier soit déclaré incapable.
B - LES MAJEURS INCAPABLES
Il n'est pas expressément traité de
l'incapacité du majeur dans l'AU.DCG. Toutefois une déduction
permet de faire la lumière sur la question car, en autorisant à
accomplir les actes de commerce à titre de profession habituelle que les
personnes juridiquement capables, l'article 6 de l'AU.DCG exclut tacitement les
majeurs incapables de l'exercice des professions commerciales. Cette situation
se justifie par l'état de tels majeurs qui doivent être
ténus à l'écart des risques que pourrait
générer l'exercice d'une profession
50 Art 477 CC.
51 Art 478 CC.
52 Au Burkina Faso par exemple, le mineur peut
être émancipé par jugement lorsqu'il exerce une profession
séparée lui permettant de subvenir à ses besoins et s'il
à atteint l'âge de seize ans révolus (Art.623 c.pers., et
fam du Burkina) ou lorsque étant en tutelle, il a atteint l'âge de
dix huit ans accomplis et est autorisé par la déclaration
d'émancipation à accomplir des actes de commerce et à
acquérir la qualité de commerçant( Art 626.al 2 et al 3,
C. pers. et fam du Burkina.). Au
Sénégal et au Togo, le mineur peut être
émancipé volontairement par les parents ou par le conseil de
famille s'il atteint l'âge de dix huit révolus (Art.335, al.2, C.
fam. Du Sénégal ; Art. 311, al. 2,C.fam.du Togo.). Toutefois, au
Togo, il peut faire le commerce comme un majeur s'il y a été
spécialement autorisé selon les formes du code de commerce (Art
315 C. fam.du Togo.) ; alors qu'au Sénégal, la situation est plus
ambiguë car la loi se contente de déclarer le mineur
émancipé capable comme un majeur de tous les actes de la vie
civile (Art. 339 al. 1er, C.fam du Sénégal.).
commerciale. En l'absence de dispositions uniformes sur le
statut des majeurs incapables, il y a lieu de se référer aux
règles prescrites par le Droit Civil en la matière. Pour
l'essentiel, deux régimes sont aménagés et concernent
aussi bien le majeur représenté que le majeur assisté.
1° Le majeur
représentéIl est question ici du majeur en tutelle
qui est une personne dont les
facultés mentales sont altérées par une
infirmité, une maladie ou un affaiblissement dû à
l'âge. Ce dernier est généralement dans un état
habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur qui
empêche la libre expression de sa volonté. Le Code Civil dans sa
version applicable au Cameroun parle dans ce cas de l'interdiction. L'interdit
est assimilé au mineur pour sa personne et pour ses biens,
c'est-à-dire qu'il ne peut être commerçant, même par
représentation car, il n'y a pas de représentation possible dans
l'exercice d'une profession53. Il s'agit donc d'une
incapacité de jouissance. La protection qui lui est due l'emporte sur
celle des tiers avec qui il contracte, et comme le mineur, qu'il se
déploie dans le secteur informel en exerçant une activité
commerciale, il ne sera pour autant pas considéré comme
commerçant, et les actes par lui posés subiraient la même
sanction que celle du mineur à moins d'être rescindables pour
cause de lésion ; ce qui n'est pas très différent lorsque
le majeur est plutôt assisté.
2° Le majeur
assistéL'assistance du majeur renvoie au
régime de la curatelle car en telle
hypothèse, le majeur sans être hors d'état
de manifester sa volonté, a besoin d'être conseillé ou
contrôlé dans les actes de la vie civile en raison de son
intempérance, de sa prodigalité et de son oisiveté, qui
l'exposent au besoin ou à la compromission de l'exécution de ses
obligations. La question de savoir si le
53 PEDAMON (M.), Droit commercial,
Commerçants et fonds de commerce, concurrence et contrat du
commerce, Dalloz, 1994, p. 107.
majeur en curatelle peut ou non faire le commerce n'est pas
clairement tranchée dans les législations des pays de l'espace
OHADA. Traditionnellement, on conclut à l'impossibilité de faire
le commerce ; on estime que l'autorisation générale
éventuellement donnée par son curateur de faire le commerce ne
saurait couvrir l'incapacité de faire des actes déterminés
sans l'assistance ou les conseils du curateur54. Au Cameroun, il est
défendu au majeur en curatelle à l'issu d'une procédure
judiciaire introduite devant le TGI par un parent: «
de plaider, de transiger, d'emprunter, de recevoir un capital mobilier et d'en
donner décharge, d'aliéner ni de grever ses biens
d'hypothèques sans l'assistance du conseil. »55.
Cette hypothèse est identique aux restrictions faites aux majeurs en
tutelle56, et l'on pourrait penser aux mêmes solutions
à savoir l'impossibilité d'exercer des actes de commerce et de
devenir commerçant. La femme mariée fut pendant longtemps
frappée par les mêmes restrictions.
C - LA FEMME MARIEE
La capacité de la femme mariée de faire le
commerce n'a pas toujours été admise car cette dernière
était rapprochée des incapables. Elle ne pouvait faire le
commerce qu'avec l'autorisation de son mari ou ultérieurement parce que
celuici pouvait s'y opposer. L'évolution du droit sur la condition de la
femme permet de nos jours de réserver à cette dernière un
traitement meilleur que celui qui se faisait auparavant. En effet, de
l'incapacité à la capacité
contrôlée57, la femme
54 AKUETE (S.) et YADO (J.), OHADA, Droit
Commercial général, collection Droit Uniforme Africain,
Bruylant, Bruxelles, p. 99.
55 Art 513 C. Civ
56 Art 499 C. Civ
57 L'évolution de la condition de la femme
mariée s'est faite en plusieurs étapes. Sous le Code Civil de
1804 et le Code de Commerce de 1807, la femme était une véritable
incapable ; elle ne pouvait exercer une profession séparée de
celle du mari qu'avec l'autorisation de celui-ci. Cette incapacité
était générale et jouait aussi bien en matière
civile qu'en matière commerciale. La situation va commencer à
changer par une loi du 18 Février 1938 qui va consacrer
l'émancipation juridique de la femme mariée. Cette
émancipation a consister à permettre à la femme
mariée d'une part, de faire valablement des actes de commerce
isolés et d'autres parts, d'ester en justice sans l'autorisation du
mari.. ce qui sera consolidé par une autre loi du 22 Septembre 1942 qui
modifiera certaines dispositions du Code
est passée à l'égale capacité.
C'est sans doute dans le but d'exprimer cette égalité que
l'AU.DCG abandonne le terme de "femme mariée" pour consacrer
celui du "conjoint du commerçant". En effet l'al 2 de son article 7
dispose: « Le conjoint d'un commerçant n'aura
la qualité de commerçant que s'il accomplit les actes
visés aux articles 3 et 4 ci-dessus, à titre de profession
habituelle, et séparément de ceux de son époux.
» L'article 4 al 2 du code commerce n'avait
envisagé que le cas de la femme mariée qui n'était pas
réputée marchande publique si elle ne faisait que
détailler les marchandises du commerce de son mari ; elle le devenait
quand elle exerçait un commerce différent de celui de son mari.
L'AU.DCG élimine toute discrimination entre la femme mariée et
son époux quand il fait usage de l'expression « conjoint du
commerçant. »
L'exercice séparé étant une question de
fait, il n'est pas toujours évident de clarifier la situation des
époux dont l'un au moins est commerçant, ceci devient encore plus
délicat dans le secteur informel où l'économie de la
survie et de la débrouille a fait développer une
solidarité de moyens dans la mise en oeuvre et l'exercice du commerce
par les époux ; la situation de fait ne permettant pas toujours de
savoir si l'un de ceux-ci est un collaborateur, un co-exploitant ou un
salarié:
- S'il est collaborateur à l'activité
commerciale de son époux, par exemple, s'il détaille les produits
de son conjoint ou l'y remplace de temps en temps, il n'acquiert point la
qualité de commerçant et ne peut a fortiori être
considéré comme commerçant informel ;
- S'il est salarié de son conjoint, il y a donc une
relation de travail et la contrepartie de la prestation de l'époux
salarié sera une rémunération, en pareil cas, le
salarié n'est pas commerçant en raison du défaut
d'indépendance ;
de Commerce notamment l'article dont L'alinéa
1er dispose désormais que: « La femme peut être
marchande publique à moins que le mari ne s'y oppose. ».
- S'il est co-exploitant de son conjoint il est commerçant
en raison de son indépendance dans l'activité commerciale
co-exploitée.
La situation est moins difficile lorsque l'époux a son
commerce différent de celui de son conjoint, chacun des deux est
commerçant pour son propre compte. Il ne faudra sans doute que
procéder à la détermination des pouvoirs dont dispose
chaque époux sur ses biens58.
Ces restrictions liées au défaut de
capacité sont accompagnées d'autres qui s'apparentent à
des empêchements à l'exercice de la profession commerciale en
raison de la protection de cette profession, ou tout simplement de la
sauvegarde de l'intérêt général. C'est par
contournement de ces exigences que certaines personnes exercent un commerce
informel.
PARA II : LA MECONNAISSANCE DES EMPECHEMENTS A L'EXERCICE DU
COMMERCE DANS
LE SECTEUR INFORMEL.
L' informalité juridique en matière de commerce
se manifeste avec plus d'importance lorsqu'il est question des
empêchements à l'exercice de la profession commerciale tenant,
soit au défaut de compatibilité de cette dernière avec
toute autre profession, soit au défaut d'honorabilité ou d'autres
restrictions objectives. En effet, alors que les incapacités ont pour
but de protéger l'incapable lui-même et sont sanctionnés
par le défaut de la qualité de commerçant, il existe
d'autres limitations aux principes du libre accès aux professions
commerciales qui ont des buts et des sanctions différents,
justifiés par le souci du législateur d'assurer la police de la
profession commerciale ou
58 Dans le silence de l'AU.DCG sur la question il
faut se refermer tant qu'elle demeure applicable au dispositions de L'Art 5 du
Code de Commerce qui donne à la femme marchande le droit de s'obliger
personnellement par les actes qu'elle fait pour les besoins de son commerce et
d'obliger aussi son mari s'il y a communauté entre eux. La
réciprocité établie par l'al 2 de l'Art 7 AU. DCG, doit
conduire à ce que cet Art. concerne dorénavant le mari comme la
femme ; ce qui peut être dangereux pour le patrimoine familial lorsque
les affaires de l'époux commerçant tournent mal. La solution pour
les époux commerçants résiderait dans le choix d'un
régime matrimonial séparatiste.
tout simplement ce qu'il est convenu d'appeler un ordre public
économique.59 Les incompatibilités et les
déchéances tiennent une place importante au registre de ces
empêchements60, qui demeurent somme toute indifférents
à la qualification de commerçant informel.
A - L'INDIFFERENCE DE L'INCOMPATIBILITE DANS LA
QUALIFICATION DE COMMER~ANT INFORMEL.
L'exercice de certaines fonctions, professions ou
responsabilités est déclaré incompatible avec le commerce
afin de protéger leur dignité qui s'accommoderait mal de l'esprit
de spéculation. En effet, le fondement attribué aux
incompatibilités demeure discuté ; habituellement on justifie
leur existence davantage par un motif de conscience
professionnelle61. D'une manière générale, une
même personne peut difficilement exercer dans les conditions
satisfaisantes plusieurs fonctions aussi éloignées les unes des
autres que sont les charges publiques dont le but est la satisfaction des
besoins d'intérêt général, les professions
libérales qui sont animées par la prestation de service et enfin
le commerce dont le but principal est la réalisation des
bénéfices. L'art 8 al 1er de
l' AU.DCG énonce que: « Nul ne peut exercer une
activité commerciale lorsqu'il est soumis à un statut
particulier établissant une incompatibilité. ».
59 On touche ici à un des aspects de la
réglementation administrative et professionnelle du commerce qui vise
à restreindre dans un but d'intérêt général,
la liberté d'entreprendre. Le législateur agit ici dans un
intérêt de police au sens large pour protéger les
commerçants, le commerce, les consommateurs etc... Voir PEDAMON (M.),
Op.cit., n° 129, p. 110.
60 Il existe en plus des incompatibilités et
des déchéances, d'autres restrictions qui peuvent être
liées aux autorisations administratives pour l'exercice d'un commerce.
Il s'agit par exemple de l'exercice du commerce par les étrangers. Au
Cameroun par exemple, l'exercice du commerce par un étranger est soumis
à deux conditions:
- L'exigence d'une réciprocité législative
comme le rappelle l'art. 9 de la loi du 10 Août 1990 régissant
l'activité commerciale au Cameroun ;
- L'obtention d'une carte professionnelle de commerçant
étranger délivrée par les services administratifs
compétents après vérification de la
régularité du séjour de l'étranger.
61 GUYON (Y.), Droit des affaires- Droit
commercial général et sociétés, T1,
8ème éd, Paris, Economica, 1994, n° 48, p. 43.
Avant d'envisager des sanctions à la violation des
incompatibilités, (2) il faudrait d'abord les explorer de près
pour en appréhender le contenu. (1)
1° L'incompatibiité des professions
commerciales avec certaines
fonctions.
L'art 9 AU. DCG énumère une série de
fonctions ou professions avec l'exercice desquelles le commerce est
incompatible. Cet article dispose en effet que: « L'exercice d'une
activité commerciale est incompatible avec l'exercice des fonctions ou
professions suivantes :
- Fonctionnaires et Personnels des Collectivités
Publiques et des Entreprises à participation publique ;
- Officiers Ministériels et Auxiliaires de Justice
: Avocat, Huissier, Commissaire Priseur, Agent de Change, Notaire, Greffier,
Administrateurs et Liquidateurs Judiciaires ;
- Expert Comptable agréé et Comptable
agréé, Commissaire aux Comptes et aux Apports, Conseil Juridique,
Courtier Maritime ;
- plus généralement, de toute profession
dont l'exercice fait l'objet d'une réglementation interdisant le cumul
de cette activité avec l'exercice d'une profession commerciale.
». Il s'agit là en réalité des
incompatibilités minimales62 qui peuvent faire l'objet
d'extension par chaque Etat membre eu égard à la formulation
libérale dudit article. Ainsi, il appartient à chaque Droit
national de définir les statuts particuliers et de préciser s'ils
sont ou non incompatibles avec l'exercice d'une profession
commerciale63. Dans tous les cas, des sanctions
sévères sont prévues pour ceux qui transgressent ces
exigences de compatibilité.
62 AKUETE (S.) et YADO (J.), Op.cit ., n° 176, p.
105.
63 ANOUKAHA (F.), « L'incompatibilité
d'exercice d'un activité commerciale dans l'espace OHADA: le cas du
Cameroun », Annales de la FSJP, T5, 2001, PUA, n° 25 et ss, p. 14.
2° Les sanctions de la violation des
incompatibiités.
La violation de l'interdiction d'exercer le commerce
résultant d'une incompatibilité n'entache pas la validité
des actes conclus à l'égard des tiers de bonne foi. En effet, en
plus des sanctions disciplinaires, professionnelles et même
pénales64, la méconnaissance des
incompatibilités entraîne une sanction particulière: celle
de la qualification du contrevenant comme commerçant de fait ou de
l'informel65. Il ne sera donc considéré comme
commerçant que pour les obligations et les non- avantages. Par
conséquent, les tiers avec qui il a contracté pourront se
prévaloir des actes issus de son activité. Le contrevenant pourra
par exemple faire l'objet de la liquidation judiciaire, alors qu'il ne pourra
être ni électeur, ni éligible dans les instances
consulaires. C'est ce qui explique que des notaires puissent être
astreints devant les tribunaux de commerce lorsqu'ils ont fait des
opérations commerciales et financières prohibées par leur
statut66. On ne saurait admettre que ces derniers puissent
échapper aux conséquences de leur fait en tirant
précisément argument de cette illicéité, ou en
considérant que l'activité commerciale n'a pas été
exercée pour la seule raison qu'elle l'a été illicitement.
Prétendre le contraire serait méconnaître la distinction
fondamentale entre d'une part, les critères de l'activité
commerciale, et, d'autre part, les conditions d'exercice de cette
activité. La violation de cellesci n'empêche évidement pas
l'application de ceux-là67. Il s'agira donc de lui appliquer
un régime de rigueur68, comme dans le cas du commerce
exercé au mépris d'une mesure de déchéances.
64 Sur le plan disciplinaire et professionnel, on
peut observer la révocation du fonctionnaire, la destitution de
l'officier ministériel. Des sanctions pénales sont parfois
prévues, par exemple pour le fonctionnaire qui prend un
intérêt dans une affaire qu'il était chargé de
contrôler ou avec laquelle il était chargé de conclure un
marché. (Art. 37 du décret du 12 Octobre 2000 portant statut de
la fonction publique et Art135 et 136 du Code Pénal.
65 L' Art 8 AU.DCG est clair sur la question: Les
actes accomplis par une personne en situation d'incompatibilité restent
valables à l'égard des tiers de bonne foi. Ceux -ci peuvent donc
s'en prévaloir à la différence de l'auteur de l'acte.
66 Com. 2 Février. 1970: D., 1970, 430 ; JCP
1970. II. 16313, obs. J.A.
67 SAVELI (B.), note sous com., 2 février 1970,
op.cit.
68 Voir infra p. 57 ss.
B - LES DECHEANCES ET LE COMMERCE INFORMEL
L'idée que le commerce suppose une bonne
moralité fut très développée dans le passé.
Elle a toutefois subit un recul avec l'économie libérale qui
estimait que le seul jeu de la concurrence devait suffire à
éliminer les mauvais commerçants. Par prévention, le
législateur anticipe en fermant l'accès à l'exercice du
commerce à ceux qui ont déjà fait la preuve de leur
indignité. Il s'agit de la déchéance comprise comme la
perte d'un droit infligée soit à titre de sanction, soit en
raison du non respect des conditions de l'exercice de ce droit. Les
déchéances sont inspirées par un souci
général d'assainir les professions commerciales et beaucoup plus
par la sauvegarde des droits du public qui doit être
protégé contre les personnes d'une moralité douteuse.
S'il est vrai que les déchéances apparaissent
comme une sanction fermant l'accès à l'exercice du commerce, il
est également constaté que les commerçants du secteur
informel sont parfois des personnes qui ont déjà fait l'objet
d'un défaut d'honorabilité et qui, dès lors, exercent une
activité commerciale en violation de ces déchéances. En
effet, par sa caractéristique dissimulatrice, l'informel offre souvent
un moyen aux personnes déchues d'exercice du commerce de contourner cet
empêchement en continuant leurs activités commerciales. Ces
derniers qui ne peuvent en principe avoir la qualité de
commerçant, subiront toutefois les obligations de cette qualité
sans oublier les sanctions qui jalonnent l'exercice du commerce au
mépris de telles déchéances. Avant de s'intéresser
à de telles sanctions, (2) il serait ordonné d'observer au
préalable les cas de déchéance. (1)
1° Les cas de
déchéance
L'AU.DCG en son article 10 énumère trois (3)
séries de cas dans lesquels le commerçant est déchu du
droit de faire le commerce. L'origine de la
déchéance peut être soit une
décision d'une juridiction étatique, soit celle d'une juridiction
professionnelle. L'Acte Uniforme emploie de façon impropre le terme
d'interdiction69 pour designer ces déchéances qui
frappent la personne exerçant le commerce par elle-même ou par
personne interposée.
La déchéance d'origine judiciaire consiste soit
en une interdiction générale, définitive ou temporaire
prononcée par une juridiction de l'un des Etats parties, que cette
interdiction ait été prononcée comme peine principale ou
comme peine complémentaire, soit en une condamnation définitive
ou en une peine privative de liberté pour crime ou délit de droit
commun, ou à une peine d'au moins trois mois d'emprisonnement non
assortie de sursis pour un délit contre les biens ou une infraction en
matière économique et financière. La
déchéance peut être de droit, il en est ainsi lorsque
qu'une décision prononce la faillite personnelle d'un commerçant
; cette faillite emporte de plein droit l'interdiction générale
de faire le commerce70. Il en est de même en cas de
condamnation d'une personne à une peine perpétuelle ou de
condamnation pour tout autre crime71. La déchéance
peut également être facultative et laissée à
l'appréciation souveraine des juges. Il en sera ainsi en cas de
condamnation d'une personne pour délit contre les biens ou toute autre
infraction en matière économique et
financière72.
Quant à la déchéance d'origine
professionnelle, elle est édictée dans chaque cas lorsque le
statut professionnel concerné le prévoit. La
déchéance
69 Le lexique des termes juridiques dans sa
treizième édition définit l'interdiction comme la
situation juridique d'une personne privée de la jouissance et de
l'exercice de ses droits en totalité ou en partie en vertu de la loi ou
d'une décision judiciaire. Nul doute qu'à la lecture de cette
définition, l'on se rende compte que l'interdiction intègre
à la fois les incompatibilités qui sont établies par la
loi et les déchéances qui découlent d'une décision
judiciaire. Toutefois, le législateur Ohada en usant l'interdiction dans
l'Art 10 de L'AU.DCG, voulait sans doute parler de la déchéance
puisqu'il est question ici des interdictions d'exercer une activité
commerciale issue d'une décision soit d'une juridiction étatique,
soit d'une juridiction professionnelle.
70 Art 203 AU.PCAP.
71 Art 31 du Code Pénal Camerounais.
72 Il s'agit pour l'essentiel de toutes les
infractions qui sont courantes dans les milieux d'affaires (chèques sans
provision, usure, fraudes) et des délits classiques contre les biens
(vol, recel, abus de confiance, escroquerie...).
prononcée par une juridiction professionnelle ne
s'applique qu'à l'activité commerciale
concernée73, une déchéance
générale d'exercer le commerce ne pouvant être prise que
par les juridictions étatiques. Dans tous les cas, qu'elle soit
d'origine étatique ou professionnelle, de nature temporaire ou
définitive, la déchéance peut être couverte et la
personne frappée pourra en être relevée sur sa
requête cinq (5) années au moins après sa condamnation, par
la juridiction qui a prononcée ladite déchéance. Le failli
pourra aussi être relevé de sa déchéance
conformément aux conditions et à la procédure
prévue par les articles 204 et ss de l'AU.PCAP.74
Lorsque la personne déchue exerce une activité
commerciale sans être relevée de sa déchéance, il en
ressort qualifié de commerçant de l'informel pour subir la
rigueur du droit des affaires comme le témoignent d'ailleurs les
sanctions aménagées en pareille hypothèse par le
législateur Ohada.
2° Les sanctions de l'exercice du commerce par
un déchu
La violation des déchéances entraîne des
sanctions prévues par l'AU.DCG en son Art 12. En effet, ces sanctions
concernent d'une part l'inopposabilité aux tiers de bonne foi des actes
accomplis en violation de la déchéance, et d'autre part
l'opposabilité de ces actes à l'interdit lui-même. La bonne
foi des tiers est toujours présumée ; elle suppose que le tiers
croyait en la validité de l'acte qu'il a passé avec l'interdit.
Il appartiendra par conséquent à celui qui invoque
l'irrégularité d'un acte passé de démontrer que le
tiers avait connaissance de l'irrégularité au moment ou il
contractait. L'on peut s'interroger sur l'option du législateur OHADA en
ce qui concerne le choix de l'inopposabilité comme sanction de
l'exercice du commerce par un déchu. N'est-elle pas moins rigoureuse que
la nullité, et donc plus indulgente à l'égard
73 PEDAMON (M.), op.cit., N° 134 , p 113.
74 Ces articles aménagent la
réhabilitation du déchu qui peut être soit de plein droit,
soit facultative, ceci en cas de clôture d'une procédure
collective pour extinction du passif ou lorsque le déchu
bénéficie du consentement unanime de ses créanciers pour
sa réhabilitation après remise entière de ses dettes par
ces créanciers.
du déchu ? On pourrait répondre par la
négative car en réalité, le droit des affaires, ne
souhaitant pardonner aucun forfait à la personne qui fait le commerce
malgré une mesure de déchéance, ne s'appliquera pas en sa
faveur mais bien plus contre lui et ceci sans ménagement. Ainsi, il est
normal que l'acte de commerce accompli par un déchu ou un
indésirable en violation de sa situation, soit néanmoins
considéré comme un acte de commerce valable, lui privant la
possibilité de se rétracter car, comme le dit l'adage "nul ne
peut se prévaloir de sa propre turpitude."75
Au delà de ce que l'on pourrait qualifier des
critères personnels de la commercialité informelle,
marquée en général par l'irrespect des conditions
classiques tenant à la personne pour exercer le commerce, il existe
d'autres critères qu'on pourrait qualifier de réels et qui
concernent l'exercice d'actes de commerce ou tout simplement l'activité
commerciale dans le secteur informel.
SECTION II
L'ACTIVITE COMMERCIALE DANS LE SECTEUR INFORMEL
L'on est porté à se demander si les actes de
commerce dans le secteur informel sont des actes de commerce au sens de
l'article 3 de l'AU.DCG. Comme mentionné plus haut, la qualité de
commerçant est inextricablement liée à l'exercice d'une
activité commerciale.76 L'activité commerciale ne
pouvant pas se concevoir sans référence aux actes de
commerce77, le législateur OHADA sans définir la
notion essentielle d'actes de commerce78 a opté pour une
méthode par énumération qui a consisté à
présenter
75 MASAMBA MAKELA (R.), op.cit., p. 11
76 Art 2 AU.DCG
77PEDAMON (M.), op.cit., N°206, p. 168.
78 Bien qu'ayant actualisé l'article 632 du
Code de Commerce, L'AU.DCG en son article 3 ne résout pas le
problème de la définition de la notion d'acte de commerce. Sur la
question, la doctrine française a bâti une théorie
générale des actes de commerce partagée entre deux
courants opposés. Pour le 1er courant, ce qui caractérise le
commerce c'est son objet, sa nature, peu importe la personne qui l'accomplit:
C'est la conception dite objective. Pour le deuxième courant qui estime
que le droit commercial a été à l'origine un droit
professionnel, l'acte de commerce est celui qui est accompli par
de façon indicative, une série d'actes dont
l'accomplissement habituel et indépendant confère à la
personne concernée la qualité de commerçant. La doctrine a
vu dans les actes de commerce le centre de la
commercialité.79 Dans le secteur informel le constat est
semblable mais avec quelques précisions, car s'il est évident que
l'activité commerciale dans ledit secteur, respecte les exigences
d'habitude et d'indépendance (para II) , il n'est pas toujours
aisé d'identifier les actes de commerce dans l'économie
informelle au regard de l'énumération faite par les textes. (Para
I)
PARA I : LES ACTES DE COMMERCE DU SECTEUR
INFORMEL.
La théorie traditionnelle des actes de commerce
présente généralement trois catégories d'actes de
commerce que sont : Les actes de commerce par nature, les actes de commerce par
accessoire et les actes de commerce par la forme. S'il est remarquable de
constater que l'acte de commerce par la nature apparaît comme l'acte de
commerce par excellence du secteur informel (A), il est toutefois possible de
s'intéresser à la théorie de l'accessoire dans le secteur
informel (B). Quant à l'acte de commerce par la forme ou actes de
commerce objectifs, ils sont réputés commerciaux quels que soient
leur objet et leur but et quelle que soit la personne qui les accomplit. Ces
actes ont donc un caractère commercial même si c'est un non
commerçant ou encore quelqu'un du secteur informel qui l'effectue ; il
s'agit ainsi d'une commercialité en vertu de la loi80. IL
sera beaucoup plus question ici des deux autres catégories.
un commerçant: C'est la conception dite subjective. L'une
comme l'autre de ces conceptions présentent des insuffisances qui ne
facilitent pas l'appréhension de la commercialité.
79 PEDAMON (M.), op.cit., N°206, p. 168.
Toutefois il s'agissait particulièrement de la catégorie des
actes de commerce par nature.
80 PEDAMON (M.), op.cit., N°214, p. 174.
A - L'ACTE DE COMMERCE PAR NATURE : ACTE DE COMMERCE
PAR EXCELLENCE DU SECTEUR INFORMEL
Il est reconnu qu'en matière commerciale en
général, l'acte de commerce par nature tient une place importante
car il s'agit manifestement de l'acte qui matérialise la
spéculation et la recherche du lucre. Le secteur informel en la
matière n'est donc pas une exception. Il est plutôt une
confirmation de cette place de l'acte de commerce par nature dans le commerce
en général. Au regard de l'énumération faite par
l'Art 3 AU.DCG, l'on peut observer dans cette catégorie d'acte de
commerce par nature ou par leur objet, une autre division qui fait état
de l'achat pour la vente, des opérations de services et de
l'exploitation industrielle des ressources naturelles.
L'achat pour revendre est considéré comme le
prototype même de l'acte de commerce par nature ; alors qu'il s'agisse du
colportage, du « Bayamsellam »81, de la vente
à la sauvette ou de toute autre activité du secteur informel, on
retrouve bien l'achat des denrées et marchandises pour revendre soit en
nature, soit après les avoir travaillé82. Ce n'est pas
l'achat pris singulièrement qui est commercial, mais aussi la vente ; il
s'agit d'un mouvement « achat- vente » réalisé
dans l'intention d'effectuer des bénéfices par la
différence entre le prix d' achat et celui de la revente. Ce qui
signifie que demeure civile l'activité de celui qui tantôt
achète, tantôt revend. Il faut rappeler que cet achat pour la
revente cadre avec ce que l'on a qualifié par économie de la
débrouille ou de la survie83.
En ce qui concerne l'économie dite souterraine ou
dissimulée, en plus de l'achat pour la revente, on peut recenser
d'autres opérations dites de services qui, bien que se déroulant
généralement dans le cadre d'une entreprise, peuvent
81 Ce terme désigne au Cameroun
l'activité des femmes qui achètent des denrées et
marchandises dans les zones rurales pour les revendre en zone urbaine afin d'y
tirer les moyens de leur subsistance.
82 FONE (A.M.), « le secteur informel Camerounais
au regard du droit commercial », An.FSJP, Dschang, TII, PUA,
1998, pp 123.
83 Voir supra, page 7.
être effectuées par le commerçant
informel. Il en est par exemple des opérations financières comme
on peut le constater avec le notaire qui se livre aux activités de
courtage, d'agence d'affaires et même de banque, lorsqu'il effectue des
prêts à titre onéreux en utilisant l'argent laissé
en dépôt par ses clients et ceci à ses
risques84. Qu'il s'agisse du secteur informel, de la survie ou de
l'économie souterraine, les acteurs qui y opèrent effectuent des
actes de commerce par nature avec une forte domination des actes d'achat pour
la revente. Ces actes sont donc commerciaux, contrairement aux actes civils,
à moins que ces derniers soient faits pour les besoins du commerce du
commerçant de fait.
B - LA COMMERCIALITE PAR ACCESSOIRE ET LE SECTEUR
INFORMEL
Certains actes qui ne sont pas objectivement commerciaux et
qui ne constituent point la trame d'une activité commerciale
accèdent toutefois à la commercialité lorsqu'ils sont
accomplis par un commerçant en liaison avec son commerce. Il
apparaît peut être surprenant de faire appel à la
théorie de l'accessoire dans le secteur informel en raison de
l'informalité juridique qui caractérise les commerçants
d'un tel univers. Toutefois, il faut reconnaître que dès lors que
la qualité de commerçant informel est reconnue à une
personne, la théorie de l'accessoire peut jouer et faire déclarer
commerciaux les actes normalement civils de cette personne. Pour l'essentiel,
l'acte peut être accessoire à la profession commerciale (1) ou
à un acte de commerce à titre principal. (2)
1° Les Actes de commerce accessoires à
la profession commerciale.
La théorie des actes de commerce par accessoire encore
appelés actes de commerce relatifs ou subjectifs, puise son fondement
dans les articles 631 et 632 du Code du Commerce (dans sa version d'avant 1960)
qui considèrent
84 Com, 2 février. 1970, JCP, 1970, II
N°16313.
comme actes de commerce, les engagements, transactions et
obligations entre commerçants, présumés
contractés pour les besoins de leur profession.
L' AU.DCG en son article 3 est plus explicite sur le sujet
lorsqu'il range dans les actes de commerce d'une part, les contrats entre
commerçants pour les besoins de leur commerce et d'autre part, les actes
effectués par les sociétés commerciales. On admet
toutefois que la théorie des actes de commerce par accessoire s'applique
même aux engagements extra-contractuels du commerçant.
Pour la première catégorie, à savoir les
actes juridiques, il faut dire que la situation des personnes physiques est
plus complexe que celle des sociétés commerciales85.
Il y a lieu tout d'abord d'écarter de la théorie de l'accessoire
tous les actes faits par le commerçant pour les besoins de sa vie
privée ainsi que tous les actes accomplis à titre gratuit
à moins qu'ils ne se rattachent à l'exploitation commerciale. En
dehors de ces cas, il est généralement admis que la
théorie des actes de commerce par accessoire atteigne les contrats les
plus variés passés par le commerçant dans
l'intérêt de son commerce. (Achat ou location du matériel
d'outillage, emprunt contrat d'assurance, de transport, achat ou vente d'un
fond de commerce). La théorie de l'accessoire atteint aussi les
obligations quasi contractuelles contractées par le commerçant
dans l'exercice de son commerce.86 Il s'agit là d'une oeuvre
de la jurisprudence car les textes de loi en la matière ne parlent que
d'acte de commerce. En pareille hypothèse, il faut que la faute du
commerçant se rattache à l'exercice du commerce informel. Dans la
mesure où la jurisprudence fait désormais présumer comme
commercial tout engagement extracontractuel du
85 La situation des sociétés
commerciales est plus simple car n'ayant pas de vie privée et
obéissant au principe de la spécialité, les
sociétés commerciales ne peuvent accomplir que des actes de
commerce quand bien même leur objet serait civil, pourvu qu'elles soient
commerciales par leur forme ; il en est de même à fortiori si la
société a un objet commercial.
86 Tel est par exemple le cas de la gestion
d'affaires ou de la répétition de l'indu. Voir à ce sujet
Req., 15 décembre 1856, D., 1857, 1, 170. Civ., 5 février 1097,
D., 1097, 1,429, S, 1907, 1, 305, note Lyon Caen.
commerçant dès lors qu'il se rattache à
l'exercice du commerce,87 sont qualifiés d'actes de commerce
par accessoire les engagements extracontractuels nés d'une faute
personnelle du commerçant informel aussi bien que ceux nés du
chef de ses préposés dans l'exercice de leur fonction ou ceux
nés des risques d'exploitation.
Pour la deuxième catégorie, à savoir les
faits juridiques, la commercialité par accessoire a été
étendue aux délits et quasi-délits commis par le
commerçant dans l'exercice de sa profession. Ici, ce n'est pas le but
poursuivi par le commerçant qui est déterminant puisque
l'obligation ne naît pas d'un acte de volonté. C'est le fait que
l'engagement soit né à l'occasion de l'activité
commerciale et du fait de cette activité. Ainsi seront qualifiés
d'actes de commerce les agissements de concurrence déloyale ou de
diffamation fait par le commerçant informel. Toutefois, ne sont pas des
actes de commerce les accidents de travail, les actions en contrefaçon
et les actions en responsabilité civile pour réparation de
dommages de toute nature causés par un véhicule dudit
commerçant. Il se verra de ce fait appliquer le droit commercial dans sa
rigueur si l'acte est accessoire à sa profession commerciale informelle
ou plutôt à un acte de commerce à titre principal.
Quid du caractère accessoire par rapport à un acte
de commerce à titre principal ?
2° Les actes de commerce accessoires à
un acte de commerce à titre principal
Il s'agit dans ce cas des actes accomplis par des non
commerçants mais qui sont commerciaux parce qu'ils se rattachent
à un acte de commerce à titre principal. L'article 91 du code de
commerce en son alinéa premier en donnait un exemple en prévoyant
qu'est commercial le gage constitué par un individu non
commerçant pour un acte de commerce. Il en était de même
d'un billet à ordre
87 Req., 21 juillet 1936, Gaz.pal., 1936, 2, 609.
souscrit par le débiteur d'une dette commerciale ou
d'un chèque tiré en règlement d'une dette commerciale.
Mais ceci ne vaut désormais plus que pour le chèque car l'article
4 AU DCG a rendu commercial par la forme le billet à ordre au même
titre que la lettre de change, et le warrant. En dehors de ces actes
déclarés commerciaux par la forme entre toutes personnes, les
autres en réalité sont des actes qualifiés par la doctrine
d'acte mixte, c'est-à-dire en l'espèce des actes qui
présentent la caractéristique d'être commerciaux pour l'une
des parties (ici le commerçant informel) et civil pour l'autre.
Les actes de commerce doivent être exercés comme
profession habituelle mais aussi de façon indépendante pour
appeler la qualité de commerçant informel.
PARA II : L'EXERCICE HABITUEL ET INDEPENDANT DU COMMERCE ET
LE SECTEUR INFORMEL
Tel que définit à l'article 2 AU DCG la
qualité de commerçant est conditionnée par
l'accomplissement d'actes de commerce88 comme profession habituelle
mais aussi de façon indépendante. Ces exigences s'appliquent
également dans la détermination de la qualité de
commerçant de l'informel tel qu'on peut l'observer à travers les
notions d'habitude (A), et d'indépendance. (B)
A - L'EXERCICE HABITUEL
Il serait préférable de parler de l'exercice des
actes de commerce à titre de profession habituelle car, habitude et
profession présentent des connexités
88 Le commerçant est celui qui fait des
actes de commerce tels qu'ils sont énumérés à
l'article 3 de l'AU.DCG ou prévus par les lois spéciales en
raison du caractère énonciatif et non limitatif de cet article.
Toutefois il faut écarter de fait une série d'actes de la logique
de l'article 2 AU.DCG. Il s'agit d'une part des actes de commerce par
accessoire, qui supposent que leur auteur est déjà
commerçant, et d'autre part les actes de commerce par la forme qui bien
qu'étant commerciaux, ne confèrent pas la qualité de
commerçant à leur signataire. Ce sont donc principalement les
actes de commerce par nature ou par l'objet dont l'accomplissement peut
conférer la qualité de commerçant.
fortes dans l'appréhension de l'attitude et le
comportement du commerçant, qu'il soit du secteur informel ou formel.
L'habitude se caractérise d'abord par un élément
matériel qui suppose la répétition des actes et des
opérations; toutefois il est difficile et même impossible de fixer
de manière abstraite et absolue le nombre d'actes nécessaires et
la cadence à laquelle ils doivent être accomplis.89
L'habitude suppose également un élément intentionnel en
l'absence duquel on n'est pas commerçant. L'habitude fait
présumer la profession commerciale. La profession renvoie ici à
une occupation déterminée et apparente dont on peut tirer ses
moyens d'existence. La profession suppose selon certains auteurs soit une
entreprise organisée, soit au moins un fonds de commerce et une
clientèle.90 Cette interprétation n'est pas toujours
suivie et c'est l'activité véritable qui compte plus que le cadre
dans lequel elle s'exerce.91
Dans le secteur informel lorsque le commerçant ne vit
et n'exerce que son commerce, bien sûr informel, il y a moins de
difficulté à déduire l'exercice d'acte de commerce comme
profession. La difficulté apparaît lorsque le commerce informel
est exercé de façon complémentaire ou concomitante
à une activité ou une profession civile. Cette situation se
justifie par le souci de ces personnes de trouver des ressources
supplémentaires pour arrondir les revenus généralement
insuffisants, reçus de ces professions civiles. Trois situations peuvent
être envisagées :
- la profession commerciale constitue la profession principale
parce
qu'elle procure la plus grande partie des ressources
nécessaires aux besoins de l'existence. L'intéressé est
commerçant même s'il exerce accessoirement une profession civile.
Il en est ainsi du vendeur à la sauvette (à l'instar des vendeurs
de friperie dans les pays membres de l'OHADA) qui s'adonne aux activités
agricoles pendant ses heures perdues.
89 GUYON (Y), op.cit., N°71, p. 63.
90 HOUIN (R) et PEDAMON (M), op.cit., N°244, p.
266.
91 C'est ainsi que la jurisprudence
considère le spéculateur d'habitude comme un commerçant
pourtant il n'a pas de fonds de commerce ; il est donc un professionnel en
raison de la répétition des actes de spéculation dont il
tire ses principaux moyens d'existence.
- La profession commerciale est secondaire mais sans lien
nécessaire
avec la profession civile principale.
L'intéressé est également considéré comme
commerçant car la règle de l'accessoire ne joue pas, il faut
toutefois que les actes de commerce aient un caractère habituel et non
pas occasionnel. Tel est le cas du notaire qui se livre aux opérations
bancaires en octroyant des prêts avec intérêts au public
avec l'argent reçu de ses clients. La solution est justifiée car
le caractère secondaire ne doit pas permettre à
l'intéressé d'éluder les obligations qui incombent aux
commerçants. Certains auteurs donnent de à ce
phénomène, le nom de para-commercialité.92
- L'activité commerciale est le complément
nécessaire d'une
profession civile. L'intéressé ne devient pas
pour autant commerçant. Ainsi un médecin
généraliste achète des moustiquaires qu'il revend à
ses clients après les avoir imprégnés d'une substance
protectrice contre l'anophèle. Mais cet achat pour revendre est
tellement accessoire par rapport aux prestations fournies par ledit
médecin, que l'ensemble de la profession demeure civil. Il faudrait
même sans doute aller plus loin et considérer qu'un achat pour
revendre intervenu dans ces conditions est en réalité un acte
civil par accessoire93. Toutefois, la situation peut devenir
difficile si l'activité commerciale est plus importante que
l'activité civile principale. En telle hypothèse,
l'intéressé est commerçant. Le cas se rencontre notamment
chez les enseignants de la matière informatique dans nos
établissements scolaires, lesquels se transforment en fournisseurs de
pièces informatiques à leurs collègues et aux
élèves ; cette activité est parfois très importante
et ne peut être retenue comme le complément indispensable de la
profession civile d'enseignant informatique.
Qu'en est-il de la notion d'indépendance dans l'exercice
des actes de commerce ?
92 GUYON (Y), op.cit., N°73, p. 64.
93 GUYON (Y), op.cit., N°91, p. 84.
B - L'EXERCICE INDEPENDANT
L'exercice d'une activité commerciale pour son nom et
pour son compte est une exigence que la jurisprudence a ajoutée à
la définition textuelle du commerçant. Seul mérite la
qualité de commerçant celui qui court le risque du commerce et
qui agit de façon indépendante, c'est-à-dire en son nom et
pour son compte personnel. L'identification de cette activité
indépendante n'est pas toujours aisée, encore moins dans le
secteur informel où le sentiment de la débrouillardise fait
généralement naître une solidarité familiale dans
les activités menées, mais surtout dans les moyens mis en oeuvre
pour ces activités. C'est ainsi que beaucoup, à moins
d'être salariés, participent comme collaborateurs ou
représentants du véritable maître de l'affaire. Ceux
là ne sont donc pas commerçants comme c'est
généralement le cas du conjoint du commerçant qui
collabore ou participe simplement à l'activité commerciale de son
époux, sans en être co-exploitante. (Voir supra, page 19).
Le commerçant du secteur informel présente,
à n'en point douter, des particularités quant à son
identification au regard des dispositions de l'AU.DCG. Si les critères
réels d'identification (ici l'activité commerciale marquée
par l'accomplissement d'actes de commerce comme profession habituelle) de
l'opérateur informel sont plus proches de la norme, il n'en est pas de
même des critères personnels qui s'éloignent
considérablement des exigences légales en la matière.
Il faut sans doute scruter de près le bien de tels
opérateurs qui n'est rien d'autre que le fonds de commerce, pour mieux
se convaincre de ces particularités qui singularisent les
opérateurs du secteur informel.
CHAPITRE II
LE FONDS DE COMMERCE DU SECTEUR INFORMEL : UN BIEN
PARTICULIER
S'il y a une peur qui hante au quotidien tout
commerçant, c'est sans doute celle de perdre son fonds de commerce, car
ce dernier est son bien précieux ou plutôt l'élément
essentiel de son patrimoine. Le législateur OHADA sur la lignée
de son homologue Français en a pris conscience et de ce fait, a
réglementé avec minutie autant le contenu que la protection du
fonds de commerce ; mais aussi sa circulation et toutes les opérations
qui l'entourent. Dès lors, le fonds de commerce apparaît comme
l'un des éléments centraux de la vie et du droit des affaires,
tant il est vrai que sa disparition cause du tort non seulement au
commerçant et à sa famille qui en dépend, mais surtout
à la société qui par principe encourage l'initiative
privée en général et les activités commerciales en
particulier afin de disposer d'une économie à réseau
étoffé. La notion de fonds de commerce est relativement
récente car elle est une création de la pratique commerciale
française au cours du XIXème Siècle. Le Droit
s'en est saisi sous l'effet de la nécessité d'une double
protection : D'une part, protéger le commerçant contre les
attaques de concurrents en raison des investissements intellectuels et
financiers souvent importants qu'il a réalisés lors de la mise
sur pied de son activité ; D'autre part, protéger les
créanciers du commerçant contre la dissipation d'un
élément souvent important de son patrimoine qui est le fond de
commerce ou son prix de cession.94
94 Une personne ne pouvant avoir qu'un patrimoine,
la théorie du patrimoine d'affectation est exclue en ce qui concerne
le fonds de commerce et, les créanciers du commerçant sans
distinction d'origine
De grandes controverses doctrinales ont donc ponctué la
détermination de la nature juridique de ce bien du commerçant.
Finalement, les auteurs se sont accordés pour lui reconnaître
d'abord le caractère d'un bien unitaire distinct des
éléments qui le composent, et ensuite le caractère d'un
bien meuble incorporel car, il est composé de biens meubles et de biens
incorporels qui sont assimilés à des meubles.95 L'Acte
Uniforme relatif au Droit Commercial Général ne définit
pas la notion de fonds de commerce, il en donne plutôt les
éléments constitutifs. Ainsi, son article 103 en son al
1er dispose que : « Le fonds de commerce
est constitué par un ensemble de moyens qui permettent au
commerçant d'attirer et de conserver une
clientèle.». L'al 2 du même article
poursuit en énonçant qu'il regroupe différents
éléments mobiliers corporels et incorporels. L'article 104 quant
à lui désigne la clientèle, l'enseigne, le nom commercial
comme éléments obligatoires du fonds de commerce à
côté des éléments subsidiaires que l'article 105
énumère.96 Il ressort de tous ces textes que le fonds
de commerce comprend une série d'éléments disparates, tous
mobiliers. De là, on est inéluctablement porté à
s'interroger sur le contenu du fonds de commerce dans le secteur informel.
L'opérateur d'un tel secteur a-t-il un fonds de commerce avec tous
les
civile ou commerciale ont action sur tous ses biens, mais surtout
ont un droit d'opposition sur le prix de la vente du fonds de commerce.
95 Bien que le fonds de commerce comprend des
éléments corporels, il demeure un bien meuble incorporel en
raison de l'importance des éléments incorporels dans l'ossature
général du fonds de commerce. Comme tel, la règle de
l'article 2279 du Code Civil qui édicte que: « En fait de meubles,
possession vaut titre. », ne lui est pas applicable.
96 L'article 10 dispose en effet que: « Le fonds
de commerce peut comprendre en outre, à condition qu'ils soient
nommément désignés, les éléments suivants
:
- les installations,
- les aménagements et agencements,
- le matériel,
- le mobilier,
- les marchandises en stock,
- le droit au bail,
- les licences d'exploitation,
- les brevets d'inventions, marques de fabrique et de commerce,
dessins et modèles, et tout autre droit de propriété
intellectuelle nécessaires à l'exploitation. »
éléments prévus par l'AU.DCG ? Le fonds de
commerce du secteur informel est-il identique à celui du secteur formel
?
D'emblée la réponse ne peut être positive
car l'informalité juridique ou encore les motivations psychosociales et
/ ou économiques qui accompagnent la logique de l'informel sont par voie
de conséquence, de nature à altérer ou à
désagréger les éléments qui le composent. A la
vérité, le fonds de commerce dans le secteur informel
présente de curieuses particularités eu égard non
seulement à l'altération (section 1), mais aussi et surtout
à la fragilité (section 2) de certains de ces
éléments.
SECTION I
PARTICULARITE LIEE A L'ALTERATION DE
CERTAINS ELEMENTS DU FONDS DE COMMERCE INFORMEL
Les opérateurs du secteur informel disposent d'un fonds
de commerce profondément altéré et
désagrégé comme on peut l'observer à travers
l'inconstance du fonds commercial (PARA I) et l'inconsistance des ses
éléments corporels. (PARA II)
PARA I : L'INCONSTANCE DU FONDS COMMERCIAL DANS LE SECTEUR
INFORMEL
Le fonds commercial est un concept nouveau introduit par
l'AU.DCG pour désigner des éléments particuliers entrant
nécessairement dans la composition du fonds de commerce. Sa
caractéristique principale est d'être exclusivement composé
d'éléments incorporels que sont la clientèle, l'enseigne
et le non commercial97. Dans le secteur informel, ce fonds
commercial est grandement altéré et ceci en fonction de la
situation du commerçant informel. Il
97 Art 104 AU.DCG.
faut rappeler en effet que lorsqu'il s'agit de
l'économie de la survie ou de la débrouille (faisant appel aux
petits commerçants sur les rues, colporteurs, ambulants, bayam-sellam,
ou toute activité commerciale exercée au vu et au su de tous), ce
fonds commercial perd sa constance alors que pour ce qui est de
l'économie souterraine (cas du notaire précité), il est
quasi dilué ou tout simplement, difficile à appréhender.
Dans tous les cas, les éléments qui constituent le fonds
commercial dans le secteur informel ne sont pas toujours conformes à
l'esprit du législateur OHADA, comme on peut d'ailleurs le constater
à travers la clientèle (A) l'enseigne et le non commercial.
(B)
A - LA CLIENTELE
C'est l'élément essentiel du fonds de commerce.
Il en constitue la finalité, puisque tous les autres
éléments convergent vers sa conquête et son
maintien.98 On définit généralement la
clientèle comme l'ensemble des personnes qui se fournissent chez un
commerçant ou qui ont recours à ses services.99 Il
peut s'agir des personnes attirées par les qualités propres du
commerçant, par exemple ses qualités d'accueil et de
compétence professionnelle, ou des personnes attirées par
l'implantation géographique du fonds de commerce. Dans ce dernier cas,
on parle de chalands. Toutefois l'AU.DCG ne fait pas de distinction entre
clientèle et achalandage.
En partant du principe qu'il n'y a pas de fonds de commerce
sans clientèle, l'ensemble de la doctrine reconnaît que la
jurisprudence réserve un sort particulier à la clientèle
parmi les éléments du fonds de commerce. En effet, la vente d'un
élément quelconque du fonds de commerce sans la clientèle
ne constituerait pas une vente du fonds de commerce100. Ainsi, la
transmission de la clientèle entraîne inéluctablement le
transfert du fonds de commerce même s'il
98 Art 103 AU.DCG.
99 GUYON (Y), op.cit., N° 690, p. 705.
100 JAUFFRET (A), MESTRE (J), Droit Commercial, 23
éd, L.G.D.J. 1997 N° 559, p 391.
est parfois difficile de déterminer si cette
clientèle appartient au commerçant 101 Toutefois, la
clientèle se rattache à des personnes et peut en principe
être dépersonnalisée au point de constituer l'objet d'un
bien102. Cependant, bien que constituant une collectivité
concrète de personnes, elle est parfois détachée de la
personne lorsque les rapports commerciaux s'élargissent. Les liens entre
fournisseurs et clients dans ce cas n'apparaissent plus comme ceux d'une
personne physique attirée par sa confiance en une autre. Ces rapports
unissent plutôt les acheteurs à des habitudes, à des
commodités, à une renommée, à des moyens de
publicité, où s'efface la personne du vendeur103. Pour
l'essentiel, il est unanime de reconnaître que la clientèle est
l'essence même du fonds de commerce sans laquelle le fonds ne peut
exister104. Elle ne peut d'ailleurs survivre en cas de disparition
de ce fonds par suite d'une cessation d'exploitation105.
La clientèle ainsi appréhendée, n'a pas
identiquement les mêmes caractères dans le secteur informel.
Certes on y retrouve des individus qui disposent de moyens propres pour acheter
et revendre dans le but de tirer un profit leur permettant de vivre ou
survivre. Peut-on ainsi affirmer que ces moyens qui diffèrent d'un
opérateur informel à l'autre (colporteur, sauveteur, etc...) leur
permettent d'attirer et de maintenir la clientèle au sens de l'art 103
al 1 de l' AU.DCG ? L'inquiétude est d'autant plus poussée que
des gens achètent de façon occasionnelle106, encore
qu'une grande partie d'activités commerciales dans le secteur informel
est par principe du commerce ambulant ou mobile. D'aucuns se demandent par
exemple si la « bayam-sellam » a une clientèle au
101 En effet, dans un régime d'économie
libérale ou de concurrence, la clientèle n'appartient pas
véritablement au commerçant et est plutôt à qui sait
la prendre, à moins d'être dans un cas de contrat
d'approvisionnement. Les clients vont donc chez ceux qui sont assez habiles
pour les attirer et assez diligents pour les conserver.
102 FONE (A.M), op.cit., p. 125.
103 Ibidem.
104 Com., 31 mai 1988, bull. civ. IV, N° 180.
105 Civ. 3e, 18 mai 1978,
Rev. Trim. Dr. Com.., 1978, p. 559,
obs. Derrupé. Com., 26
janvier 1993,
Rev. Trim. Dr. Com., 1994, p. 40,
obs. Derrupé.
106 FONE (A.M),op.cit., p. 126.
sens propre du terme ou si le vendeur de beignets dans un
pousse-pousse107, en a une108 . Ils répondent
à leurs inquiétudes par la négative dans la mesure
où cette clientèle de passage se rapproche davantage de
l'achalandage et ne semble pas être une véritable clientèle
attachée au fonds de commerce109.
On pourrait objecter à cette position en pensant que la
nature mobile de telles activités sous-tend l'existence d'une
clientèle aussi mobile, qui n'est pas liée au fonds par la
position géographique ou la connaissance personnelle du
commerçant, mais par une relation psyco-sociale qui unit de
manière fictive ces commerçants mobiles à des clients
indéterminées. En effet combien de consommateurs de tabac
s'approvisionnent chez des colporteurs qui, savent en retour q'ils ont des
clients habitués à l'achat ambulant ? Qu'est ce qui justifierait
donc l'existence pléthorique des commerçants ambulants dans nos
cités si ces derniers n'étaient pas assurés de l'achat de
leur marchandise par un public quelconque. La vendeuse ambulante de «
bouillie »110 qui se promène dans les
hôpitaux ne sait-elle pas que ces malades ont quotidiennement grand
besoin de sa marchandise ? En retour ces malades savent qu'une telle ambulante
passerait et qu'ils pourraient se servir. La situation est identique à
celle des marchands ambulants de beignets, de bonbons et biscuits qui
sillonnent les villes et les milieux scolaires. Il s'agirait donc dans tous ces
cas de l'existence d'une clientèle particulière,
caractérisée par une grande mobilité, une
variabilité et un défaut de fixité car à la
vérité, rien ne permet véritablement d'affirmer que de
tels opérateurs du secteur informel soient capables de conserver une
clientèle, ou du moins en dispose une au sens de l'AU.DCG.
107 Espèce de porte-tout à deux roues et sans
moteur, fabriqué à l'archaïque et permettant de circuler
presque partout avec les objets transportés. Une grande partie de jeunes
au Cameroun communément dénommés " pousseurs" se servent
de ce porte -tout pour se livrer soit à des commerces ambulants, soit
à des prestations de service de transport de marchandises et d'effets
mobiliers d'un point à un autre, moyennant
rémunération.
108 FONE (A.M), op.cit., p. 126.
109 Ibid.
110 Préparation généralement faite à
base de céréales de maïs dans de l'eau bouille et
utilisée comme petit déjeuner.
Mais ces difficultés concernant la clientèle
dans le secteur informel s'estompent lorsque l'activité commerciale
informelle bénéficie d'une fixité, d'une organisation
semblable à celle du commerce formel. Il en est ainsi des
commerçants installés dans des comptoirs, ou des femmes qui sont
installées de façon habituelle à un coin de la rue et se
livrent à des activités de « braise »
(poisson, poulet, porc...), ou de restauration. Ces dernières ont une
clientèle semblable à celle définie à l'article 103
AU. DCG dans la mesure où elles développent des techniques et
méthodes pour attirer et conserver les clients.111 Dans tous
les cas, la clientèle est incontournable pour la survie du fonds car
elle permet de le vivifier et de le revitaliser constamment. Mais bien
qu'étant essentiel, elle n'est pas suffisante et s'accompagne d'autres
éléments qui permettent d'identifier le commerçant
à l'instar du nom commercial et de l'enseigne.
B - LE NOM COMMERCIAL ET L'ENSEIGNE
Le nom commercial et l'enseigne font partie des
éléments obligatoires du fonds de commerce et servent de
passerelle d'identification du commerçant. Le nom commercial est
l'appellation sous laquelle le commerçant exerce son activité et
la distingue des autres. Il peut s'agir d'un nom patronymique, d'un
prénom, d'un pseudonyme ou d'une nomination fantaisiste. Le
commerçant peut également choisir comme nom commercial une marque
dont il est propriétaire. Il peut même arriver qu'une
dénomination serve tout à la fois de marque, de nom commercial et
d'enseigne. Le nom commercial du fonds ne se confond pas avec le
propriétaire du fonds ; le nom patronymique en tant qu'il exprime
l'état d'une personne physique, est soumis à un régime
d'ordre public qui en interdit la cessibilité et plus
généralement, la place hors du commerce 112; mais il
devient cessible lorsqu'il est utilisé à des fins commerciales.
En pareille hypothèse, il pourra être vendu à
l'acquéreur du fonds en même temps que le
111 Au moins par le caractère
appétissant des plats qu'elles offrent au public.
112 AKUETE (P) et YADO (J), op.cit., N°333, p.
205.
fonds lui-même. Le nom commercial se transmet non
seulement au successeur immédiat, mais à tous les exploitants
successifs, il assure le maintien de la clientèle existante et permet
d'en acquérir une nouvelle, le cessionnaire du fonds devant toutefois
procéder à des additions des mentions particulières pour
éviter la confusion pouvant résulter de l'homonymie. Il s'agira
des mentions « et successeurs », « anciennes maisons
»113.
Quant à l'enseigne, il s'agit d'une
dénomination, l'emblème choisi pour individualiser le fonds.
Parfois, c'est le nom commercial qui sert d'enseigne, mais le plus souvent
c'est une dénomination de fantaisie. Mais il ne doit pas être de
mauvais goût, par exemple constituer une insulte à l'art, au bon
sens, et à l'esthétique du lieu où s'exerce
l'activité114. L'enseigne comme le nom commercial se
transmettent avec le fonds. Leur protection est assurée par l'exercice
de l'action en concurrence déloyale. Que dire de ces deux
éléments d'identification du commerçant dans le secteur
informel ?
Il est important de noter que le nom commercial et l'enseigne
existent dans le secteur informel avec l'originalité de
l'oralité115. On y retrouve des noms qui varient au
gré de son utilisateur de telle sorte qu'un même opérateur
peut en utiliser plusieurs à la fois116. Ces noms sont
parfois attribués par les clients qui, généralement dans
l'embarras, cherchent à retenir un élément de
désignation de leur partenaire commerçant. Et quand bien
même c'est le commerçant informel qui s'attribue un nom, surtout
si son activité est fixe et stable, il lui arrive de le changer au
gré des circonstances et ceci de façon habituelle. C'est donc
dire que les éléments du fonds commercial tels
qu'énoncés par le législateur OHADA, présente une
très grande inconstance généralement accompagnée
par la fragilité et la vulnérabilité de ces
opérateurs informels, toute chose qui ne peut laisser
113 FONE (A.M), op.cit., p. 127.
114 AKUETE (P) et YADO (J), op.cit., N°333, p. 205.
115 FONE (A.M), op.cit., p. 127.
116 Au Cameroun, on dénombre une variété de
ces noms tels que " maman gentille", "papa cadeau", "toujours prêt",
"papa bonus", "gâteau chaud", "asso",...
sans affecter la consistance même des
éléments corporels du fonds de commerce dans le secteur
informel.
PARA II : L'INCONSISTANCE DES ELEMENTS CORPORELS DU FONDS
DE COMMERCE DANS LE SECTEUR INFORMEL
S'il est vrai que les marchandises apparaissent comme
l'élément corporel toujours existant dans le secteur informel
(B), il n'en est pas de même avec les autres éléments
corporels tels le matériel et l'outillage qui, à moins
d'être quasiment inexistant, est généralement réduit
et inconsistant. (A)
A - LE MATERIEL ET L'OUTILLAGE
Il s'agit de tous les objets corporels qui servent à
l'exploitation du fonds de commerce notamment les machines et
l'équipement117. L'AU.DCG retient de ces effets mobiliers
servant à l'exploitation du fonds, les installations, les
aménagements et les agencements, le matériel et le mobilier. Il
apparaît ainsi un changement de vocabulaire en la matière qui
traduit la volonté du législateur OHADA de ne pas se comporter en
simple copiste plus ou moins fidèle de son homologue français, et
d'engager de ce fait une nouvelle doctrine 118; car sur la question
la loi du 17 mars 1909 ne parle que du matériel et de l'outillage. Quoi
qu'il en soit et, malgré cet écart de terminologie, il est
certain que dans l'un comme l'autre cas (France et espace OHADA), il s'agit
d'effets mobiliers servant à l'exploitation du fonds.
Dans le secteur informel, ces objets mobiliers existent mais
avec moins d'importance. En effet, l'activité informelle se
caractérisant par son aspect non structuré et
généralement de taille réduite, n'accorde pas grande
importance à ces objets. Alors, contrairement aux commerçants du
secteur formel qui
117 GUYON (Y), op.cit., N° 696, p 710.
118 AKUETE (P) et YADO (J), op.cit., N°345, p.
210.
s'investissent souvent dans le matériel
nécessaire à l'exploitation du fonds, et ceci avec beaucoup de
sérieux, ceux du secteur informel, plus animés par la recherche
immédiate du pain quotidien, se passent grandement de l'implantation de
ces objets mobiliers119, encore moins s'il est question d'un
commerce ambulant et mobile. C'est dire que dans un tel secteur, ces objets
mobiliers existent avec moins d'importance ou de consistance que dans le
secteur formel, car les agents informels s'intéressent habituellement
aux marchandises qu'ils achètent pour revendre.
B - LES MARCHANDISES
Les marchandises sont les meubles corporels destinés
à être vendus, constituant l'objet du commerce. Elles constituent
des stocks qui par hypothèse sont variables et fongibles. Ce que le
langage comptable range dans la rubrique d'actif circulant.
Il faut entendre par marchandises autant les matières
premières destinées à être travaillées, que
les produits destinés à la vente. Il est important de distinguer
les marchandises du matériel car le nantissement du fonds de commerce
peut porter sur le matériel mais non sur les marchandises, en raison de
leur instabilité. Ces dernières pouvant tout de même
être données en gage, ce qui suppose en principe leur transfert
matériel chez le créancier gagiste. Toutefois cette distinction
marchandise et matériel devient difficile lorsque le commerçant
utilise pour l'exploitation de son fonds des objets semblables à ceux
qu'il met en vente120. Cette distinction est davantage plus complexe
lorsqu'il faut prendre en compte les matières premières.
Celles-ci sont incontestablement des marchandises lorsqu'elles sont
destinées à être vendues
119 Certes, ces effets mobiliers existent dans le secteur
informel, mais de façon artisanale et précaire ; c'est ainsi
qu'on peut recenser des paniers servant aux colporteurs dans leurs
activités, des tablettes faites en matériaux non durables servant
aux activités commerciales de certaines femmes dans les abords de
rues.
120 Ainsi une machine de reprographie ou à écrire,
un ordinateur, tous des matériels dans certains cas deviendront des
marchandises si le fonds vend du matériel de bureau.
en l'état ; par contre, elle doivent être
traitées comme de l'outillage ou du matériel si elles servent
à la fabrication de produits proposés à la vente mais sans
entrer dans le processus de transformation de ces derniers121.
Les marchandises sont incontestablement les effets corporels
toujours présents dans le secteur informel, au moins en ce qui concerne
l'économie de la débrouille. L'opérateur y achète
pour revendre, aux fins de survie, des choses corporelles pour la
plupart122.
Le fonds de commerce dans le secteur informel présente
donc en ce qui concerne les éléments corporels une non
consistance qui vient aiguiser de ce fait son caractère particulier,
surtout que le constat affiche en ce qui concerne les éléments
incorporels dudit fonds, une quasi inexistence, du moins une
vulnérabilité certaine.
SECTION II :
PARTICULARITE LIEE A LA FRAGILITE DES ELEMENTS
INCORPORELS DU FONDS DE COMMERCE INFORMEL
Le fonds de commerce informel continue à se distinguer
par ses curieuses particularités lorsqu'il est question des
éléments incorporels Ces derniers tiennent en principe une place
importante dans l'ossature globale du fonds de commerce, ce qui a fait retenir
sans doute par la doctrine la nature incorporelle du fonds, pour signifier la
prépondérance ou l'importance des éléments
incorporels sur ceux corporels. L'AU.DCG énumère ces
éléments incorporels en faisant référence au droit
au bail, aux licences d'exploitation et brevets d'invention, aux marques de
fabrique et de commerce, aux dessins et modèles et à tout autre
droit de propriété intellectuelle nécessaire à
l'exploitation123. Il n'est pas exagéré de dire que le
fonds de commerce informel ne dispose véritablement pas de ces biens
incorporels nécessaires à l'exercice une activité
structurée. Il s'agit là d'une situation qui ne peut qu'accentuer
la
121 AKUETE (P) et YADO (J), Op. cit., n° 345, p.
210.
122 FONE (A.M), Op.cit P. 127
123 Art 105 AU.DC~
précarité d'un tel fonds de commerce en raison
de la fragilité dont souffrent ses éléments incorporels
comme on peut d'ailleurs le constater à travers la quasi-inexistence des
droits de propriété industrielle (para I) et la
vulnérabilité du bail commercial (Para II).
PARA I : LA QUASI INEXISTENCE DES DROITS DE
PROPRIETE INDUSTRIELLE
On définit généralement le droit de
propriété industrielle comme des monopoles d'exploitation ou
d'utilisation regroupant les brevets d'intentions, les marques de fabrique ou
de commerce, les dessins et modèles124. Le terme
propriété a été choisi pour souligner
l'étendue des prérogatives du titulaire. Celui-ci peut opposer
son droit à tous et en disposer librement. Cependant, la
propriété industrielle n'est pas en tous points comparable
à la propriété telle que définie par l' Art 544 du
Code Civil. Elle porte sur une création intellectuelle et non sur une
chose matérielle, elle n'a qu'une durée limitée alors que
la propriété ordinaire est en principe
perpétuelle125. On assimile aux propriétés
industrielles le droit de propriété littéraire, les
secrets de fabrication, le savoir faire et le droit de se prévaloir des
récompenses officielles et médailles obtenues dans l'exercice du
commerce126.
Les brevets d'invention sont des droits limités dans le
temps, conférés par l'Etat à l'inventeur d'une
création nouvelle. Les marques de fabrique ou de commerce sont des
signes visibles utilisés ou que l'on se propose d'utiliser, pour
désigner et distinguer les produits et les services d'une unité
quelconque. Quant aux dessins, ils confèrent comme les brevets, un
monopole d'exploitation, mais sur la forme nouvelle donnée à un
produit existant et non sur une découverte.
124 AKUETE (P) et YADO (J), Op.cit n°337, p. 208
125 GUYON (Y), Op.cit., n° 717, p. 735
126 AKUETE (P) et YADO (J), Op.cit n°337, p. 208
Tous ces droits ne sont véritablement
protégés au profit de leur titulaire que s'ils sont
exploités car l'exploitation est essentielle dans le droit des
propriétés industrielles. Il doit s'agir ici d'une exploitation
régulière c'est-à-dire conforme aux dispositions
légales, réglementaires et statutaires. De là, on peut
bien se rendre compte qu'en raison de l'informalité qui
caractérise le secteur informel, couplée par la
précarité de ses opérateurs et leur organisation parfois
résiduelle, les droits de propriété industrielle sont
quasi inexistants. Même s'ils existent, la protection qui en est la
manifestation fera défaut, car il n'est pas sans doute question de
protéger les droits d'une personne qui ne respecte pas le droit.
Certains auteurs sur la question, ont tout simplement conclu en l'absence de
tels éléments dans le secteur informel127.
PARA II : LA VULNERABILITE DU BAIL COMMERCIAL
Habituellement, le commerçant n'est pas
propriétaire de l'espace ou de l'immeuble utilisé pour
l'exploitation de son fonds. Il occupe généralement cet espace en
exécution d'un contrat de bail. Le législateur OHADA a entendu
protéger la stabilité de ce contrat afin de garantir le locataire
commerçant des évictions parfois fantaisistes du bailleur. Il est
donc aménagé un droit de créance du locataire
commerçant contre le propriétaire de l'immeuble abritant le fonds
exploité. L'AU.DCG définit les règles du bail commercial
dans les articles 69 à 102. Ces règles sont destinées
à régir aussi bien les baux d'immeuble à usage commercial,
industriel et artisanal que professionnel.
La réglementation sur les baux commerciaux est pleine
d'avantages pour tout commerçant en ce qu'elle garantit la
stabilité de la clientèle, élément vital pour le
fonds de commerce. Il s'agit en réalité d'un privilège de
la qualité de commerçant, et comme tel, il ne peut
bénéficier qu'aux opérateurs commerçants
régulièrement installés. Dès lors, le
commerçant non immatriculé ne pourra pas bénéficier
des dispositions de l'AU.DCG en ce qui concerne le régime
127 FONE (A.M), Op.cit., p. 127.
particulier des baux commerciaux. Il s'agit là d'un
handicap certain puisque la constance dans la localisation de l'activité
est un facteur essentiel pour la préservation de la clientèle.
Les obligations qui pèsent normalement sur le bailleur se verront
dégagés par cette informalité du commerçant
informel. C'est ainsi que les exigences de renouvellement ne sont pas
imposables à un tel bailleur. Il pourra donner congé à son
locataire sans lui verser d'indemnité d'éviction. Les locataires
commerçants de l'informel se trouvent dans une insécurité
qui vient dénaturer fondamentalement le fonds de commerce qu'ils
exploitent. Ils courent le risque de perdre régulièrement leur
clientèle ou de changer fréquemment leur localisation en raison
de la liberté du bailleur de renouveler ou pas le bail. Cet état
des choses, bien que justifié par la nécessité du respect
des normes, peut être source de débats dans notre
société où l'on dénombre plusieurs petits
commerçants animés par le sentiment de la débrouillardise
et de la survie, qui occupent comme locataires des immeubles pour
l'exploitation de leurs fonds. Leur fermer le bénéfice du
régime des baux commerciaux apparaît comme la
méconnaissance d'une classe sociale déjà marginale ;
Toutefois, le droit étant établi pour se faire respecter, bon
gré ou malgré, l'on peut comprendre que ce privilège
commerçant ne soit pas accordé aux commerçants coupables
de non immatriculation.
CONCLUSION DE LA IERE PARTIE
En guise de conclusion de cette partie, il faut noter que la
désagrégation de l'économie a fait naître une grande
ingéniosité de la part de la population d'Afrique au sud du
Sahara, désireuse de trouver des moyens alternatifs pour réguler
la crise sociale. C'est dans la mouvance de cette situation que le commerce
parallèle ou encore le secteur informel, s'est développé
au vu et au su de tous, mais surtout de l'Etat, très souvent impuissant
de le comprendre et à le manipuler. Ceci est d'autant plus ambigu que le
législateur OHADA ne s'est pas manifesté avec détail et
clarté sur la question de l'informel. Le constat en est que les
opérateurs commerçants d'un tel secteur sont d'un genre
particulier, gérant ou possédant un fonds de commerce aussi
singulier. C'est au grand mépris des exigences gouvernant l'exercice des
professions commerciales que ces derniers se déploient dans les
activités liée au commerce, tantôt par contournement
volontaire de la législation, tantôt par négligence ou par
simple volonté de survie, ou encore à cause des lourdeurs
administratives et procédures onéreuses de la
régularité juridique en la matière. Mais comme le droit
OHADA est là pour diriger la vie des affaires et non l'observer
passivement, il est évident que ce droit ait ambition et vocation de
gouverner tout le monde des affaires, de telle manière que
l'applicabilité de ses dispositions au commerçant de l'informel
ne soit pas une simple hypothèse d'école.
~EUX7EME V1497E
L'APPLICABILITE DU DROIT DES AFFAIRES OHADA AU
COMMERCANT PERSONNE PHYSIQUE DU SECTEUR INFORMEL
L'applicabilité du droit des affaires OHADA au secteur
informel est sans nul doute une question qui soulève des
intérêts pratiques et une importance certaine. En effet, il faut
de prime abord relever que le législateur OHADA ne traite pas de
façon claire et précise l'épineux problème de
l'informel. Une lecture à doigt mouillé du traité OHADA,
accompagné des huit actes uniformes déjà en vigueur ne
permet véritablement pas de ressortir la prise en compte du secteur
informel dans l'oeuvre de l'uniformisation. Ce n'est que par des études
a contrario et de façon analogique qu'on peut faire ce relais entre le
droit OHADA et le secteur informel. Toutefois, la certitude est que le droit
des affaires OHADA a vocation à régir toutes les situations qui
touchent aux affaires. Le législateur s'y est attelé et
désormais, c'est sans grande gymnastique intellectuelle que l'on peut
faire état de l'applicabilité du droit des affaires au secteur
informel en raison de sa commercialité de fait (Chapitre I). Cependant,
il est souhaitable que le législateur intervienne avec plus
d'affirmation et que la problématique du secteur informel ne soit plus
une question incidente ou encore qu'elle ne soit évoquée que pour
la rigueur du droit des affaires ; car sa nécessaire prise en compte
dans l'entreprise OHADA commanderait au législateur de rechercher le
juste équilibre entre rigueur, protection et même normalisation du
secteur informel. (Chapitre II)
CHAPITRE I
LA COMMERCIALITE DE FAIT DU SECTEUR INFORMEL ET
L'APPLICABILITE DU DROIT DES AFFAIRES
IL a été présenté que le droit des
affaires opère systématiquement des rapprochements entre des
situations de fait et celles de droit pour appliquer aux premières des
règles régissant les secondes, afin que rien de ce qui touche
à la vie des affaires ne passe à coté de son orbite. Il
s'agit ainsi d'une interprétation extensive et souple du concept de la
commercialité, mais plus pour imposer la rigueur que pour faire partager
les faveurs du droit des affaires. Chaque opérateur du secteur informel
se convainc qu'il échappe au droit et se complaît infiniment dans
ce non droit, qui pourtant ne dépasse guère le stade d'une vue de
l'esprit car rien n'échappe véritablement à l'empire
tentaculaire du système juridique128. En effet, aux termes de
l'article 39 AU.DCG, les personnes physiques assujetties à
l'immatriculation au RCCM qui n'ont pas requis celle-ci dans les délais
prévus, ne pourront se prévaloir de la qualité de
commerçant et ne pourront également invoquer leur défaut
d'inscription au RCCM pour échapper aux responsabilités et
obligations inhérentes à cette qualité. Il s'agit
assurément de ce qu'il est convenu d'appeler l'applicabilité
discriminatoire du droit des affaires aux commerçants qui baignent dans
l'informalité juridique. Cette discrimination repose sur le bon sens et
la logique juridique qui voudraient que ceux qui s'adonnent aux
activités informelles en échappant aux contraintes qui accablent
les opérations du secteur structuré, ou tout simplement en
violant les lois et règlements, soient sanctionnés par le droit
qui, par essence, veille au respect des dispositions légales,
règlementaires et statutaires. Pour faire la
128 MASAMBA MAKELA (R.), op.cit., p. 3.
lumière sur cette applicabilité discriminatoire,
mieux rigoureuse, du droit des affaires OHADA au secteur informel, il serait
judicieux d'observer le régime applicable aux commerçants d'un
tel secteur selon qu'on est (section I) ou non (section II) dans un cadre
contentieux.
SECTION I :
LE REGIME APPLICABLE HORS CONTENTIEUX: LA SOUMISSION
AUX CONTRAINTES DE LA QUALITE DE
COMMERÇANT.
La qualité de commerçant est
généralement tributaire d'un certain nombre d'obligations,
notamment les exigences d'ordre fiscal, de compatibilité ou
d'éthique commerciale. Intéressons-nous à ces deux
dernières exigences129 car en réalité, il est
sans doute problématique et délicat d'admettre avec
effectivité et efficacité, la soumission du secteur informel aux
obligations comptables du commerçant (Para1), la difficulté
devenant de plus en plus sérieuse quand il est question du respect des
règles d'éthique commerciale dans le secteur informel. (Para
2)
PARA I : LA PROBLEMATIQUE DE LA SOUMISSION DU SECTEUR
INFORMEL AUX OBLIGATIONS COMPTABLES DU COMMERÇANT.
Le droit comptable étant un outil important pour toute
activité commerciale sérieuse et ordonnée, il n'est pas
surprenant de constater que l'article 2 du traité OHADA ait retenu cette
matière dans son vaste chantier d'harmonisation. En effet, bien que
l'obligation de tenir une comptabilité s'apparente comme une contrainte
dans la mesure où elle permet aux tiers en général
d'être informés sur le commerçant, et à l'Etat en
particulier de mieux
129 Parce que en ce qui concerne la fiscalisation ou
l'imposition de l'économie informelle, les pouvoirs publics trouvent
toujours les moyens pour prélever les taxes de telle manière que
les difficultés ne subsistent que pour la soumission aux obligations
comptables et d'éthique commerciale.
l'assujettir à différents impôts et taxes,
elle peut être aussi regardée comme un moyen permettant au
commerçant de mieux gérer son affaire par une évaluation
et un suivi normal de ses activités. Les obligations comptables du
commerçant sont l'oeuvre des dispositions combinées de l' AU.DCG
et de l'AU.OHCE130. Pour l'essentiel, le commerçant est tenu
de disposer d'une comptabilité régulière qui peut servir
de moyens de preuve en justice131. Dès lors, on est
porté à s'interroger sur la tenue d'une compatibilité
régulière et des documents comptables dans le secteur informel
(A) ; mais surtout sur la valeur juridique de cette comptabilité dans le
secteur informel. (B).
A - LA TENUE D'UNE COMPTABILITE ET DES LIVRESDE
COMMERCE DANS LE SECTEUR INFORMEL.
Avant même de se présenter comme une obligation
légale, la comptabilité a toujours été une
nécessité pour le commerçant afin de connaître
l'état de ses finances et pour conserver la mémoire de ses
opérations132. La loi l'a par la suite imposée car
elle est une source irremplaçable d'informations pour reconstituer
l'histoire des activités du commerçant au cas où il
viendrait à faire l'objet d'une procédure collective d'apurement
du passif. Ainsi, l'art 13 l'AU.DCG oblige tout commerçant, personne
physique ou morale à tenir un journal dans lequel sont
enregistrées au jour le jour, ses opérations commerciales et un
grand livre comportant une balance récapitulative ainsi qu'un livre
d'inventaire. Ces livres comptables doivent être tenus
conformément aux dispositions de l'AU.OHCE. l'Art 14 AU.DCG poursuit en
précisant que le journal et le livre d'inventaire
130 Les règles qui gouvernent la tenue d'une
comptabilité sont précisées d'une part par: l'Acte
Uniforme portant Organisation et Harmonisation des Entreprises, entré en
vigueur dans les Etats parties au Traité de l'OHADA depuis le
1er janvier 2001 pour les comptes "personnels des entreprises ", et
à compter du 1er janvier 2002 pour leurs" comptes
consolidés et combinés" ; On les nomme globalement "
Système Comptable OHADA. Et d'autre part par le Chapitre III du livre I
de l'Acte uniforme relatif au Droit Commercial Général.
131 En effet, aux termes de l'Art 15 de L'AU.DCG:
« Les livres de commerce visés à l'article 13 cidessus et
régulièrement tenus peuvent être admis par le Juge pour
constituer une preuve entre commerçants ».
132 AKUETE (P.) et YADO (J.), op.cit., p 83.
doivent mentionner le numéro d'immatriculation au
Registre du Commerce et du Crédit Mobilier de la personne physique ou
morale concernée et doivent être côtés et
paraphés par le Président de la juridiction compétente, ou
par le Juge délégué à cet effet. Ils doivent
également être tenus sans blanc, ni altération d'aucune
sorte. Alors, si le législateur a les moyens plus ou moins
avérés pour veiller au respect de cette exigence liée
à la comptabilité dans le secteur formel, dispose-t-il des
mêmes moyens pour assujettir les opérateurs du secteur informel
à cette contrainte comptable? La réponse n'est pas aisée
lorsqu'on fait une fois de plus référence à l'Art 14 sus
mentionné pour se rendre compte que le commerçant informel, se
définissant par principe à travers l'absence d'immatriculation,
ne peut véritablement faire l'objet d'un suivi administratif à
travers le rôle du président de la juridiction compétente
ou du juge délégué qui, par leur côtes et paraphes,
assurent le suivi de la comptabilité dans leurs circonscriptions de
compétence. Dès lors, cette contrainte liée à la
tenue d'une comptabilité régulière est d'une
applicabilité difficile dans le secteur informel, et cela peut
d'ailleurs trouver une justification dans le fait que l'informalité
juridique qui englobe les opérateurs d'un tel secteur, affecte
inéluctablement leur comptabilité qui, rarement respectera les
règles de l'art en la matière. On peut ainsi s'interroger sur les
documents comptables tels que exigés par l'art 13 de l'AU.DCG et 19 al
1er de l'AU.OHCE et leur respect dans le secteur informel. Pour
l'essentiel, le constat de la tenue de la comptabilité dans le secteur
informel est loin de la situation de droit exigée, les opérateurs
de ce monde tiennent leur comptabilité comme bon leur semble du moment
où il y trouve satisfaction. Ils ne tiennent cette comptabilité
pour autres personnes qu'eux-mêmes et sont dans la majorité des
cas, les seuls à comprendre les écrits qui sont portés sur
ce qui tient lieu de livre ou document comptable. Les principes de
régularité, sincérité, transparence et tout autre
gouvernant la tenue d'une comptabilité n'y sont que des vains mots, sans
incidence majeure sur leurs comportements. Ceci se justifie parfois par la
petite taille de ces commerces
informels, ou par la nature même de certaines de leurs
activités (à l'instar du colportage), qui présentent pour
ces derniers une difficulté de tenue régulière de la
comptabilité, ou encore par la négligence, l'ignorance et parfois
la volonté de troubler le fisc en matière de vérification
et d'imposition. Quoiqu'il en soit, la tenue d'une comptabilité et des
documents comptables demeure une obligation du commerçant, qui s'impose
à tout opérateur économique. L'on est très vite
tenté de se questionner sur la valeur juridique d'une telle
comptabilité dans le secteur informel.
B - LA VALEUR JURIDIQUE DE LA COMPTABILITE
DANS LE SECTEUR INFORMEL.
Il est admis que la comptabilité sert à
conserver la mémoire des opérations passées par le
commerçant. Elle constitue donc l'essentiel des moyens de preuve dont la
force probante est fonction de la régularité de sa tenue. En
effet, aux termes de l'article 15 de l'AU.DCG, « Les livres de
commerce visés à l'article 13 ci-dessus et
régulièrement tenus peuvent être admis par le Juge pour
constituer une preuve entre commerçants. » Quand à leur
production en justice, en plus de cet article 15, il faut se
référer aux articles 16 de l'AU.DCG et 68 de l'AU.OHCE. Pour le
résumé de ces articles, il faut noter que la loi n'accorde aucune
valeur probante aux livres de commerce irrégulièrement
tenus133. Alors, les documents comptables dans le secteur informel,
bien qu'exigés, ne présentent aucune force probante en raison de
leur irrégularité naturelle, mais surtout de
l'impossibilité pour un tel commerçant de se prévaloir de
la qualité de commerçant même si sa comptabilité est
bien tenue. L'on comprend très bien que les opérateurs dudit
secteur ne puissent invoquer leur propre comptabilité qui pourrait
même d'ailleurs être retournée contre eux ; car la preuve
des actes juridiques en matière commerciale pouvant se faire par
133 Art 15 AU.DCG et 68 al 1er AU.OHCE
tous moyens et notamment par des présomptions de fait,
des mentions peuvent être relevées de ces livres
irréguliers pour être opposées aux commerçant
informel afin que se manifeste l'application discriminatoire
énoncée à l'article 39 AU.DCG.
Quid du respect de l'éthique commerciale dans le Secteur
informel ?
PARA II: L'ETHIQUE COMMERCIALE ET SON RESPECT DANS LE
SECTEUR INFORMEL.
Il est peut-être surprenant de constater que les
opérateurs informels doivent respecter une éthique commerciale
alors même qu'ils transgressent les exigences de l'exercice d'une
profession commerciale. Toutefois, en raison de la déloyauté dont
font montre certains opérateurs, fussent-ils du secteur informel ou
formel, il est important par souci de police et de protection, de soumettre
avec exigence tous les opérateurs commerçants à cette
éthique commerciale. Cette dernière suppose le respect des
règles de la concurrence entre commerçants et la protection des
consommateurs. Il serait donc judicieux d'observer ces règles de
concurrence (A) et la protection des consommateurs (B) face au secteur
informel.
A - LES REGLES DE CONCURRENCE ET LE SECTEUR
INFORMEL.
Les règles de la concurrence s'imposent à tous
les commerçants dans un souci d'ordre public économique. Il y a
déjà longtemps que l'on a admis que des limites doivent
être apportées au principe de liberté du commerce et de
l'industrie en général, et celui de la libre concurrence en
particulier car, un certain nombre de pratiques tendent à en fausser le
jeu. C'est cela qui constitue
la réglementation de la concurrence. Celle-ci doit
être entendue dans deux sens car elle renvoie aussi bien à la
concurrence déloyale qu'à la concurrence illicite.
- La concurrence déloyale
encore appelée droit des concurrents ou "petite concurrence" est le
droit qui protège les concurrents contre les fautes dommageables
commises à leur encontre par d'autres concurrents.
- La concurrence dite illicite
encore appelée « grande concurrence » comporte
l'ensemble des règles qui gouvernent le bon fonctionnement de
l'économie de marché et assure un certain ordre public
économique. Elle sanctionne tous les actes contraires en matière
de concurrence.
Le législateur OHADA n'ayant pas
règlementé le droit de la concurrence, ce dernier reste
régis au plan national par des lois nationales134, et au
niveau régional par des dispositions d'ordre régional, si les
agissements anticoncurrentiels sont de dimensions communautaires135.
Les activités du secteur informel étant
généralement de taille réduite, il va de soi qu'il est
beaucoup plus question ici de la « petite concurrence » ou
concurrence déloyale. En effet, certains auteurs ont vu dans le fait
d'exercer le commerce en échappant aux obligations habituelles de
commerçant, une concurrence déloyale à l'endroit des
commerçants régulièrement installés dont les frais
généraux sont plus lourds136. Ceci est encore plus
grave si en plus de cette informalité d'exercice, ces commerçants
procèdent à des agissements déloyaux. L'essentiel des
règles de la concurrence déloyale tire son fondement des articles
1382 et ss du Code Civil. En effet, si l'opérateur du secteur informel
se livre à des actes de déloyauté,
134 Au Cameroun par exemple, la concurrence fait l'objet de la
loi N° 98/013 du 14 juillet 1998.
135 Sur un plan régional, on pourrait observer dans la
zone CEMAC, le Règlement N° 1/99/UEAC/CM/639 du 25 juin 1999
portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles
et le règlement N°4/99/UEAC/CM/639/ du 18 août 1999 portant
réglementation des pratiques étatiques affectant le commerce
entre Etats membres ; Et dans la zone UEMOA, le règlement N°
02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anti-concurrentielles à
l'intérieur de l'union, le règlement N°03/2002/CM/UEMOA
relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position
dominantes dans l'union, le règlement 04/2002/CM/UEMOA relative à
la transparence des relations financières entre les Etats membres et les
entreprises publiques et entes ces Etats et les organisations internationales
ou étrangères.
136 GUYON (Y.), op.cit., N°73 ; p. 65.
(confusion, dénigrement, désorganisation,
parasitisme...) en s'appropriant indûment des efforts ou de la
renommée d'un autre à moindres frais, ou en jetant le
discrédit sur un concurrent à travers la tenue des propos
malveillants et la diffusion des renseignements inexacts , le droit de la
concurrence par le truchement de la responsabilité civile doit s'en
saisir et en tirer les conséquences juridiques, afin que de tels
opérateurs soient sanctionnés pour leurs agissements au terme
d'une action en concurrence déloyale. Les règles de concurrence
se trouvent donc imposées aux opérateurs informels, qui ne
peuvent se rétracter derrière leur informalité juridique
pour se soustraire à cette exigence d'éthique commerciale. La
situation devient plus délicate lorsqu'il est question de la protection
du consommateur face au secteur informel.
B - LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS FACE
AU COMMERCE INFORMEL.
Il n'est pas maladroit de s'interroger sur la protection des
consommateurs face au phénomène croissant du commerce informel
dans l'aire OHADA. En effet, le consommateur peut être globalement
appréhendé comme toute personne achetant des biens et services
pour des usages habituels. Dans l'absence d'une législation
communautaire sur le droit de la consommation, l'on peut se
référer aux textes nationaux sur la question. Au Cameroun par
exemple, la loi 90 /031 / du 10 Août 1990 régissant
l'activité commerciale137 permet de faire une lumière
sur la protection du consommateur. De là, l'on peut bien tirer des
conséquences de droit en ce qui concerne les activités de
l'informel. Pour s'en convaincre, il faut se remémorer des exigences
(liées à l'information du consommateur, à la
réglementation stricte et même à l'interdiction de
certaines pratiques commerciales.) qui visent la protection des consommateurs
dans cette loi. C'est ainsi que le législateur de 1990 fait reposer sur
le commerçant une
137 Juridis Info, N° 5, 1991, p. 5 à 9.
obligation de renseignement. Cette obligation réside
dans la publicité des conditions de vente de produits tant en ce qui
concerne le prix, que les caractéristiques de la marchandise vendue et
même à l'existence des garanties138. Il poursuit en
réglementant de façon stricte certaines pratiques commerciales
jugées dangereuses pour le consommateur. Ainsi en a été du
démarchage qui consiste à proposer à des consommateurs
à leur domicile ou dans un lieu non destiné à la
commercialisation des biens et services, la vente, la location, la
location-vente des biens autres que des produits de consommation courante,
ainsi que la fourniture de services. Cette opération de
démarchage doit faire l'objet d'un contrat écrit permettant
notamment de bien identifier le vendeur, l'objet vendu, le prix, les
modalités de payement, le lieu de livraison. Un exemplaire de ce contrat
doit être remis au consommateur139. A coté de ces
pratiques réglementées, existent d'autres qui sont purement et
simplement interdites et qui concernent par exemple la publicité
mensongère140, ou toute opération publicitaire
présentant les caractéristiques d'une moquerie à moins
qu'elle n'impose aux participants aucune obligation d'achat, et plus
généralement aucune contrepartie financière de quelque
nature que ce soit. Pour l'essentiel, la publicité, tant dans ses formes
que son contenu, est réglementée dans un souci toujours de
sauvegarde des droits du consommateur141.
Il est donc évident que tout commerçant doit
s'incliner devant les exigences d'éthique liées à la
protection des consommateurs, les opérateurs de l'informel y sont
également soumis ; encore que leurs activités peuvent
générer de grandes entorses aux droits de ces consommateurs. Le
problème véritable ne sera pas tellement celui de l'exigence de
cet assujettissement du secteur informel
138 Concernant le prix, l'Art 20 al 1er de la loi
de 1990 prévoit que « Tout vendeur ou prestataire de service doit
par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre moyen
approprié, informer le consommateur sur le prix. »
139 Loi N°90/031 du 10 Août 1990régissant
l'activité commerciale au Cameroun.
140 C'est le fait pour le commerçant de faire de fausses
allégations, de donner des présentations ou indications inexactes
de sa marchandise de nature à induire en erreur le consommateur.
141 Voir pour le cas du Cameroun, la loi N°2006/018 du 29
décembre 2006 régissant la publicité, Juridis
Périodique, N° 69, p. 9 ss.
à ces prescriptions mais, beaucoup plus celui de
l'efficacité et du contrôle du respect de l'éthique
commerciale par le secteur informel.
Après avoir parcouru l'application du droit des
affaires au secteur informel dans un cadre hors contentieux, il serait
important d'observer cette même applicabilité dans un cadre
contentieux, pour davantage observer la rigueur du droit OHADA aux
opérateurs informels.
SECTION II :
LE REGIME APPLICABLE DANS UN CADRE CONTENTIEUX
La qualité de commerçant, bien que tributaire
d'un vaste ensemble d'obligations, s'accompagne tout de même d'une gamme
d'avantages ou de privilèges que la loi aménage en faveur des
commerçants pour faciliter la conduite de leurs activités. Ces
privilèges s'observent avec plus de clarté dans le cadre d'un
contentieux avec un tiers. Le commerçant de l'informel se verra
écarté du bénéfice de nombreuses dispositions qui
lui auraient été fort utiles dans un quelconque contentieux (Para
I) ; plus important sera la question de l'application du droit des
procédures collectives à son égard (Para II).
PARA I : L'IMPOSSIBLE BENEFICE DES PRIVILEGES DE
PROCEDURE EN MATIERE COMMERCIALE.
Le régime procédural dans un contentieux en
matière commerciale est spécifiquement déterminé en
raison de la nature des professions commerciales, et surtout par souci
d'efficacité et de célérité, dans un monde
où délicatesse et temps coûtent cher. En effet, il est
aménagé à l'égard du commerçant, des
privilèges de procédure comme on peut le constater
d'emblée par le droit pour lui d'être jugé devant un
tribunal de commerce en principe composé de commerçants et de
magistrats rompus à la pratique des affaires, et qui sont plus
au fait des pratiques commerciales que les juges civils.
Malgré l'inexistence des tribunaux consulaires dans les Etats membres de
l'OHADA, la théorie n'en perd grandement pas son importance puisque
devant les juridictions de droit commun, s'appliquent des règles propres
au droit commercial ; bien qu'on puisse douter du professionnalisme de ces
magistrats de droit commun en ce qui concerne la matière commerciale. En
toute hypothèse, le commerçant de l'informel perd ce droit
d'être jugé selon les formes propres au droit commercial, il ne
pourra l'être que si l'autre partie le désire afin d'y tirer des
avantages qui joueront sans doute contre ce commerçant dans le
déroulement et l'issu du procès.
De même, le commerçant de l'informel pourrait
perdre le bénéfice des clauses compromissoires. Ce sont des
stipulations obligeant les parties à soumettre leurs éventuels
litiges à un arbitre prédéterminé et se distinguent
du compromis en ce qu'elles préexistent au litige. Les clauses
compromissoires n'étaient licites qu'entre commerçants, si l'un
d'eux ne l'était que de fait, il ne pouvait donc se prévaloir de
la clause et son adversaire avait le choix de l'invoquer ou non.142
En déclarant à l'article 1er de son AU.DA que ses
dispositions s'appliquent à tout arbitrage, le législateur OHADA
entend faire disparaître la distinction qui existait entre l'arbitrage
commercial et l'arbitrage civil. Par conséquent, la clause
compromissoire, naguère réservée en droit interne à
l'arbitrage commercial, peut s'appliquer aussi bien en matière civile
qu'en matière commerciale, ou tout simplement inciter l'application du
droit de l'arbitrage OHADA, fut-elle une clause entre un commerçant
régulier et un commerçant informel.
La perte de ces privilèges de procédure
s'observe avec plus d'importance quand il est question des règles de
preuve et de prescription (A) ou encore du régime des baux commerciaux.
(B)
142 ELHOUEISS (J.L), « le commerçant de fait »,
op.cit., p. 5.
A - LES REGLES DE PREUVE ET DE PRESCRIPTION
L'examen des règles de preuve (1) précèdera celui
des exigences liées à la prescription (2)
1° Les règles de preuve.
Contrairement au droit civil où la preuve est
réglementée, le droit commercial préconise la
liberté de preuve des actes juridiques. Cette liberté de preuve
est exprimée par l'article 5 AU.DCG qui dispose que : « Les
actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à l'égard
des commerçants ». Le législateur OHADA fait une
application singulière de cette règle en reconnaissant qu'en
l'absence d'un écrit, le contrat de vente commerciale peut se prouver
par tout moyen y compris par témoin143, le contrat
d'intermédiaire de commerce aussi144. Le fondement juridique
de la liberté de preuve repose sur la rapidité, la confiance et
le caractère répétitif des opérations commerciales
qui sont conclues souvent dans les mêmes conditions et entre les
mêmes personnes, un écrit signé par les deux parties se
présenterait comme une formalité inutile145. Alors la
liberté de preuve facilite la rapidité des transactions car le
commerçant n'aura pas à fournir uniquement un acte écrit
pour prouver l'acte juridique. Il pourra en effet faire usage de tout moyen de
preuve (témoignages, copies, livres de compte, usages...) et, les
dispositions du Code Civil en la matière ne lui sont pas applicables.
Toutefois, si le commerçant est de fait ou de l'informel, il perdra le
bénéfice de cette liberté de preuve et sera soumis au
formalisme de ce code civil en matière de règles de preuve. Ce
qui pourra poser quelques problèmes puisque dans la majorité des
cas, le commerçant n'aura pas de preuve préconstituée.
Mais que faire ? Puisque ce dernier doit subir son état et se voir
écarter des avantages qui accompagnent les professions commerciales
comme c'est également le cas pour les règles liées
à la prescription.
143 Art 208 AU.DCG.
144 Art 144 al 2 AU.DCG.
145 GUYON (Y.), op.cit., N°78 ; p. 71.
2° Les règles de
prescription
La rapidité des opérations commerciales commande
que le délai de la prescription extinctive ne soit pas en principe celui
de droit commun qui est de 30 ans. En France, l'article 189 bis du Code de
Commerce, introduit seulement en 1948 et qui préconisait la prescription
décennale, harmonisait ainsi le délai de cette prescription avec
le délai de conservation des livres de commerce qui est de
10ans146. L'idée de cette prescription plus courte part du
fait qu'on ne peut pas demander au commerçant de conserver plus
longtemps la preuve des actes qu'il accomplit alors qu'il ne lui est pas
souvent exigé d'écrits. De plus la sécurité et la
rapidité des transactions commerciales s'accommodent mal de la
nécessité de faire peser indéfiniment la menace des
poursuites judiciaires sur les débiteurs147. Il s'agit ainsi
de mettre fin le plus rapidement possible à l'insécurité
dans laquelle se retrouveraient les parties, anxieuses l'une et l'autre
après la conclusion d'un contrat à l'effet de le voir
invalidé par la suite. L'article 18 AU.DCG est venue réduire ce
délai de prescription pour le ramener à 5 (cinq) ans.
D'après cet article, « Les obligations nées à
l'occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre
commerçants et non commerçants, se prescrivent par cinq ans si
elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes. »
Comme le laisse entrevoir cette disposition, il est des cas où
l'obligation peut être éteinte avant le délai de 5 ans.
C'est ainsi que l'article 274 du même acte uniforme prévoit que le
délai de prescription en matière de vente commerciale est de 2
(deux) ans.
Cette prescription extinctive préférentielle
s'applique aux obligations nées lors du commerce entre commerçant
et non commerçant. Si le commerçant est de l'informel c'est
à dire s'il n'est pas immatriculé, la sanction est le passage
à la prescription trentenaire de droit commun148. Il perd
donc en pareil cas, le
146 AKUETE (P.) et YADO (J.), op.cit., N° 125, p. 75
147 Ibid
148 Com 2 mars 1993, RTD-CIV., 1993, N° 283.
régime favorable de la prescription courte. La privation
du bénéfice de la propriété commerciale accentue
cette rigueur.
B - LA PRIVATION DU REGIME DES BAUX
COMMERCIAUX.
Le commerçant non immatriculé ne pourra pas
bénéficier du régime de faveur de ce qu'il est convenu
d'appeler improprement la propriété commerciale. Cette
dernière désigne en effet, le droit reconnu au preneur d'un bail
commercial, qui après avoir exploité après un certain
nombre d'années son fonds de commerce, dans le lieu loué en
respectant les obligations souscrites , a droit au renouvellement de son bail.
A défaut et sauf dans les cas où il est reconnu au bailleur un
droit de reprise, le locataire a une indemnité d'éviction. La
perte du bénéfice des dispositions sur la propriété
commerciale est un handicap certain pour ces commerçants informels
puisque la constance dans la localisation de l'activité est un facteur
essentiel pour la conservation de la clientèle149.
Qu'en est-il de l'applicabilité des procédures
collectives aux commerçants du secteur informel ?
PARA II : L'APPLICATION DU DROIT DES PROCEDURES COLLECTIVES
AUX COMMERÇANTS INFORMELS.
L'Acte Uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif, publié au journal
officiel de l'OHADA le 1er juillet 1988150 et entré en
vigueur le 1er janvier 1999, vient reformer l'état du droit
des procédures collectives dans les pays de la zone franc en substituant
un droit uniforme aux législations nationales antérieures,
généralement vétustes,
149 Voir supra, p. 52
150 Voir J.O., OHADA, N°7, 1er juillet 1998, p.
13.
incertaines et disparates151. Comme tous
les autres actes uniformes de l'entreprise OHADA, celui sur les
procédures collectives d'apurement du passif a été
salué par les praticiens du droit, acclamé par les entreprises et
félicité par toutes les parties prenantes à des
opérations commerciales, en raison du compromis qu'il réalise
entre le paiement des créanciers, le paiement des salariés et le
sauvetage de l'entreprise. C'est sans doute dans la mêlée de cette
appréciation positive que certains auteurs ont avancé que l'Acte
Uniforme organisant les procédures collectives a été
rédigé de telle sorte qu'il puisse « régler le
maximum de questions ».152 Toutefois, cette exaltation de
l'AU.PCAP ne doit en rien occulter les quelques critiques qui peuvent
être dirigées à l'endroit des experts de l'oeuvre OHADA. En
effet, l'Acte Uniforme est muet sur l'épineuse question du secteur
informel si important en Afrique mais qui, pour l'essentiel, n'est pas à
mesure de supporter le coup et la complexité de la
procédure153. On est tenté d'objecter au
législateur OHADA d'avoir manqué d'originalité et de
réalisme sur cette question de l'informel, ou tout simplement de n'avoir
pas saisi l'occasion pour manifester avec force détails, le
caractère adapté du droit OHADA aux réalités
africaines, comme le rappellent les juristes africains dans une formule aux
allures génériques tirées de l'article 1er du
traité OHADA154.
La question de l'application des procédures collectives
aux opérateurs du secteur informel présente une complexité
particulière, car dans les précédents cas, (concernant la
perte des privilèges des procédures), il apparaissait
nettement
151 SAWADOGO (F.M.) Présentation du Droit des
procédures collectives, in " OHADA-Traité et Actes Uniformes
commentés et annotés", juriscope, 2002, p. 811.
152 SAWADOGO (F.M), Présentation du Droit des
procédures collectives, in " OHADA-Traité et Actes Uniformes
commentés et annotés", juriscope, 1999, p. 877: Dans l'ensemble,
on peut l'apprécier (l'Acte Uniforme) positivement du fait de l'effort
fait pour résoudre le maximum de questions comme celles ayant trait aux
procédures collectives internationales ou à l'ouverture d'une
seconde procédure. ».
153 SAWADOGO (F.M), Présentation du Droit des
procédures collectives, in " OHADA-Traité et Actes Uniformes
commentés et annotés", juriscope, 2002, P. 818.
154 C'est à la lumière de l'article
1er du Traité que l'on peut observer chez la
quasi-totalité des juristes africains l'affirmation selon laquelle,
l'harmonisation du droit des affaires OHADA se traduit principalement par
l'adoption des règles simples, modernes et adaptées aux
économies nationales.
que la norme était éditée en faveur du
commerçant. Il était dès lors évident que ces
règles ne devaient pas bénéficier aux commerçants
qui ne sont pas immatriculés au RCCM. En matière de
procédures collectives, rien n'est aussi simple et clair car la
jurisprudence en la matière fait état d'une application
distributive des procédures collectives aux opérateurs de
l'informel (A) ; ce qui peut conduire à discuter des incertitudes
liées à cette application des procédures collectives au
secteur informel, en raison de l'esprit général qui gouverne de
telles procédures. (B).
A- UNE APPLICATION DISTRIBUTIVE DES PROCEDURES
COLLECTIVES AUX OPERATEURS DE L'INFORMEL
Il s'agit de l'application sélective du droit des
procédures collectives aux commerçants informels. A
l'époque où la faillite était jugée
infamante155, les tribunaux n'hésitaient pas à la
prononcer à l'égard des commerçants de fait156.
Il aurait été injuste que la personne négligente soit
mieux traitée que le commerçant immatriculé, la logique de
la théorie du commerçant de fait était fort
respectée157. Actuellement cette raison n'est plus
pertinente, le redressement n'est pas une sanction; il permet de
bénéficier des reports d'échéance accordés
par les créanciers et autorisés par le tribunal. Son application
aux commerçants de fait ou de l'informel peut donc être tout
autant un avantage qu'une contrainte.158 En France, cette position
jurisprudentielle a été implicitement consacrée par la loi
n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la
liquidation judiciaire des biens. L'article 189 de cette loi accorde en effet
au tribunal la faculté de prononcer la faillite personnelle de
« toute personne ayant exercé une activité commerciale
contrairement à une interdiction prévue par la
155 CHAPUT (Y.), La faillite, PUF, 1981, p.
9.
156 Com, 2 février. 1970, op.cit.
157 ELHOUEISS (J.L), op.cit., p. 6.
158 GUYON (Y.), Droit des Affaires, T 2,
economica, 6e éd, 1997, N° 1097.
loi » 159, or puisque ce texte
renvoie expressément à l'article 185160 de la
même loi, son application suppose que l'intéressé ait
préalablement été l'objet d'un redressement judiciaire. La
position du législateur OHADA sur le sujet est bien semblable. En effet,
l'article 196 de l'AU. PCAP accorde à la juridiction compétente
de prononcer à toute époque de la procédure, la faillite
personnelle des personnes qui ont commis des actes de mauvaise foi ou des
imprudences inexcusables, ou qui ont enfreint gravement les règles et
usages du commerce tels que définis par l'article 197. Il faut
préciser que ce dernier article dispose que sont présumés
actes de mauvaise foi, imprudences inexcusables ou infractions graves aux
règles et usages du commerce, l'exercice d'une activité
commerciale contrairement à une interdiction prévue par les actes
uniformes ou par la loi de chaque Etat partie161.
Le problème est qu'une faillite ne concerne pas
seulement le failli, il faut également tenir compte des
intérêts d'autres parties principalement les créanciers et
même les salariés. En effet l'exclusion du commerçant
informel ou illicite du champ des procédures collectives priverait les
premiers des procédures de concours et les seconds des dispositions des
articles 95et 96
159 Cet Art 189 de la loi du 25 jan 1985 disposait en
substance que: « A toute époque de la procédure, le tribunal
peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée
à l'article 185 contre laquelle a été relevé l'un
des faits ci-après :
1. Avoir exercé une activité commerciale,
artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une
personne morale contrairement à une interdiction prévue par la
loi :
2. Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder
l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation
judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou
employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
3. Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contre-partie,
des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu
égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale
;
4. Avoir payé ou fait payer, après cessation des
paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au
préjudice des autres créanciers ;
5. Avoir omis de faire, dans le délai de quinze jours la
déclaration de cessation de paiement. ».
160 Cet Art dispose en effet que: « Lorsqu'une
procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est
ouverte, les dispositions du présent titre sont applicables:
1° Aux personnes physiques exerçant la profession de
commerçant, d'artisan ou d'agriculteur ;
2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait
de personnes morales ayant une activité économique ;
3° Aux personnes physiques, représentants permanents
de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au
2° ci-dessus. ».
161 Art 197 al 1er AU.PCAP.
AU.PCAP qui aménagent le privilège des
salariés162. Comment donc protéger les
intérêts de ces personnes sans que le commerçant informel
n'en tire avantage? Le problème est complexifié par le fait que
le commerçant informel ne bénéficie pas des règles
relatives aux baux commerciaux, plus que tout autre, il est donc exposé
au risque de la perte de clientèle et par voie de conséquence
à la faillite. Pour dissiper cette difficulté il faudrait sans
doute prendre en renfort la solution jurisprudentielle française
affirmée dans un arrêt de la chambre commerciale du 25 mai
1997163. Cet arrêt prend en compte le fait que l'ouverture
d'une procédure peut être requise par quatre intervenants: le
débiteur commerçant de fait, les créanciers, le procureur
de la république ou le tribunal qui dispose en la matière d'une
très rare capacité d'auto saisine164. Selon cet
arrêt, seuls les trois derniers peuvent demander le redressement de fait,
le débiteur ne pouvant plus selon la cour, réclamer
lui-même le bénéfice du redressement
judiciaire165. Il s'agit donc ici de ménager
créanciers et salariés sans conférer d'avantages aux
commerçants de fait. Ainsi, le débiteur commerçant
informel ne pourra pas bénéficier du règlement
préventif qui est une procédure destinée à
éviter la cessation d'activité et à permettre l'apurement
de son passif au moyen d'un concordat préventif166. Il ne se
verra pas non plus appliquer les dispositions qui aménagent le
redressement judiciaire car ce dernier à pour but principal de
restructurer l'activité du commerçant, de le
162 En effet, les Articles 95 et 96 AU.PCAP précisent
respectivement que: « Les créances résultant du contrat de
travail ou du contrat d'apprentissage sont garanties, en cas de redressement
judiciaire ou de liquidation des biens par le privilège des salaires
établi pour les causes et le montant définis par la
législation du Travail et les dispositions relatives aux
sûretés. »
« Au plus tard, dans les dix jours qui suivent la
décision d'ouverture et sur simple décision du Jugecommissaire,
le syndic paie toutes les créances super privilégiées des
travailleurs sous déduction des acomptes déjà
perçus.
Au cas où il n'aurait pas les fonds nécessaires,
ces créances doivent être acquittées sur les
premières rentrées de fonds avant toute autre créance.
Au cas où lesdites créances sont payées
grâce à une avance faite par le syndic ou toute autre personne, le
prêteur est, par la même, subrogé dans les droits des
travailleurs et doit être remboursé dès la rentrée
des fonds nécessaires sans qu'aucune autre créance puisse y faire
obstacle. ».
163 Rev. Soc., 1997, p. 601.
164 Ibid.
165 ELOUIESS (J.L), op.cit., p. 7.
166 Art 2 al 1 AU.PCAP.
sauver de ses difficultés afin qu'il retrouve meilleure
fortune. Puisqu'il n'est pas question d'aider un commerçant informel
à bénéficier des avantages d'une telle procédure,
le droit des procédures collectives fera abstraction de ses dispositions
pour lui appliquer uniquement celles qui s'apparentent comme des sanctions. A
la fin, c'est la liquidation des biens qui est appliquée à de
tels commerçants car cette procédure à pour seul objectif
le désintéressement du ou des créanciers. Cette solution
logique peut bien être exploitée dans le cadre de l'OHADA en ce
qui concerne l'applicabilité des procédures collectives au
secteur informel.
Toutefois une difficulté pourra se faire ressentir car
l'article 26 AU. PCAP dans la continuité de l'article 25 AU.PCAP,
dispose que le débiteur doit déposer le bilan dans les trente
jours suivant la cessation des paiements. L'arrêt précité
posera problème car il interdira au débiteur ce que la loi lui
impose. En toute clarté, il s'agira de l'application des
procédures collectives aux opérateurs informels à titre de
sanction. D'où l'inquiétude de savoir si l'application de ces
procédures à titre répressif ne serait pas incertaine
parce que difficilement compatible avec l'esprit général des
procédures collectives167.
B - LES ZONES D'OMBRE AUTOUR DE LA SOUMISSION DU
SECTEUR INFORMEL AUX PROCEDURES COLLECTIVES
L'application des procédures collectives au secteur
informel est troublante et complexifiée car, si l' application à
titre répressive telle que susmentionnée, peut s'avérer
plus ou moins justifiable et logique pour l'économie souterraine, elle
demeure critiquable en ce qui concerne l'informel de la débrouille ou de
la survie. N'aurait-il pas été nécessaire d'envisager des
procédures propres aux opérateurs de ce dernier volet du secteur
informel ? Ces
167 TCHEUMALIEU FANSI (M.R), L'application des
procédures collectives aux personnes morales de droit privé non
commerçants, Mémoire de D.E.A., Dschang, 2001, p. 8.
procédures ne serviraient-elles pas aussi à
assainir ce milieu propre au secteur informel168.
Cette dernière interpellation est encore plus
méditative quand on se rend compte de l'option prise par le
législateur OHADA, et selon laquelle les procédures collectives
ne sont pas ouvertes uniquement aux seuls commerçants, mais aussi aux
groupements non commerçants169; Un raisonnement plus
poussé lui aurait sans doute permis d'inclure dans cette extension le
secteur informel. Omission législative ou prudence juridique? Il n'est
pas aisé d'y répondre. En tout cas, cette situation du droit
OHADA sur la question peut susciter des compréhensions:
D'abord un grand doute existerait sur l'aboutissement normal
des procédures collectives dans le secteur informel dit de la survie
car, les opérateurs d'un tel monde disposent des actifs souvent
résiduels. A quoi servirait de déclencher une procédure
collective pour un actif dérisoire170. Il serait donc inutile
de poursuivre une procédure qui est source de frais
supplémentaires171, et c'est à juste titre que
l'article 173 AU. PCAP donne la possibilité au tribunal et, ou à
la suite de la demande de toute personne, de prononcer la clôture de la
procédure pour insuffisance de fonds172.
Ensuite, il y aurait d'énormes imprécisions sur
le point de départ de la cessation des paiements, sans oublier les
difficultés liées à la prévention des crises. En
effet, l'intérêt d'une comptabilité régulière
est certain et concourt à l'établissement de la transparence dans
la conduite de toute activité commerciale ; or les opérateurs du
secteur informel se détournent souvent de l'exigence de la tenue d'une
comptabilité normale et sincère. Toute chose
168 (M.R) TCHEUMALIEU FANSI, op.cit., p. 6.
169 Article 2 AU.PCAP.
170 TCHEUMALIEU FANSI (M.R), op.cit., p. 21.
171 POUGOUE (P.G) et KALIEU (Y.), L'organisation de la
procédure collective d'apurement du passif OHADA, PUA, 1999, p.
90.
172 C'est sans doute ce qui justifie que certaines
législations Européennes exonèrent des procédures
collectives, les petits commerçants pour ne les soumettre qu'a des
procédures sommaires et accélérées. Voir
TCHEUMALIEU FANSI (M.R), op.cit., p. 20.
nécessaire pour l'évaluation des risques qu'ils
courent et même des éventuelles mesures adéquates à
prendre pour anticiper sur ces difficultés. Il est certain que
l'efficacité d'une procédure dépend du moment auquel les
difficultés ont été dépistées.
L'imprécision sur le point de départ de la cessation des
paiements173 dans le secteur informel rendrait difficile
l'application des inopposabilités de la période
suspecte174.
Toutefois, ces difficultés et questionnements ne
commanderaient pas au législateur OHADA d'être moins actif sur la
question, il devrait prendre les devants afin de clarifier ces
inquiétudes en ce qui concerne la problématique du secteur
informel. Encore que ce dernier s'avère être incontournable dans
les économies africaines, tant il est vrai qu'il se présente
comme un régulateur de pauvreté et de crise. Il serait donc
judicieux et nécessaire pour le législateur OHADA de prendre en
compte le secteur informel dans son entreprise juridique à l'effet de
rechercher le juste équilibre entre, rigueur, protection et même
normalisation de ce secteur.
173 La cessation des paiements est une condition de
l'ouverture des procédures collectives. Elle fait désormais
l'objet d'une définition légale figurant à l' Art 25
AU.PCAP. C'est la situation où le débiteur ne peut faire face
à son passif exigible avec son actif disponible. Il n'est pas toujours
aisé de distinguer cette cessation des paiements de la situation
difficile mais non irrémédiablement compromise tant la
frontière entre les deux n'est pas claire. Voir à ce sujet, MOHO
FOPA (E.A), Réflexions critiques sur le système de
prévention des difficultés des entreprises de L'OHADA,
Mémoire de D.E.A., Dschang, 2006, p. 43.
174 La période suspecte est la période comprise
entre la date de la cessation des paiements et la date du jugement d'ouverture.
Il s'agit d'une période de crise qui rend tous les actes du
débiteur passés en ce moment suspects de fraude. Cela s'explique
par le fait que le débiteur « aux abois », a tenté de
se livrer à des actes frauduleux dans les jours précédents
le jugement d'ouverture. Les Art 67 à 71 AU.PCAP rappèlent les
règles applicables à de tels actes en distinguant entre les
inopposabilités de droit et les inopposabilités facultatives.
CHAPITRE II
LA NECESSAIRE PRISE EN COMPTE DU SECTEUR
INFORMEL PAR LE LEGISLATEUR OHADA : Vers la recherche
d'un équilibre entre rigueur, protection, et normalisation du secteur
informel.
Le secteur informel en Afrique Noire se présente dans
la grande majorité des cas comme une stratégie de
débrouillardise et de survie. Il n'est plus nécessairement
considéré comme marginal car, au delà de la
diversité des points de vue sur la question, les auteurs s'accordent
pour affirmer la réalité des articulations de l'informel avec le
secteur moderne dont il se nourrit, s'approvisionne, et dont il en
dépend énormément. Face à
l'accélération de la crise des modèles de
développement dans les pays d'Afrique sub-saharienne, l'informel est
apparu comme un ensemble dynamique peut-être le mieux à même
d'assurer le plus grand nombre de créations d'activités et
d'emplois. Ainsi, n'est-il pas un élément important
peut-être essentiel pour l'avenir de l'Afrique ? Le fait que la nouvelle
politique de développement de la Chine encourage l'émergence d'un
secteur informel est une invite supplémentaire à
réfléchir sur la question. C'est ce qui justifie sans doute le
changement d'attitude des Etats et des Organisations Internationales qui
s'interrogent désormais sur les potentialités créatrices
de ces pratiques en matière d'emplois, de revenus et de biens et
services, tous régulateurs de la pauvreté.
Le secteur informel serait à divers égards, un
amortisseur de crise témoignant ainsi de grandes capacités
d'ingéniosité et d'adaptation des africains face aux situations
changeantes et déroutantes d'une société en constante
dégradation. Il constituerait même dans de nombreux
cas, un préalable à l'efficience des grandes activités,
organisations ou entreprises.
Bien que présentant certains atouts, il existe
toutefois des difficultés pour les Etats à promouvoir la
dynamique de l'informel : Comment résoudre la contradiction du refus du
« laisser-faire » sans tuer « la poule aux oeufs
d'or » dans un contexte où l'informel aide à survivre
mais frôle en permanence l'illégalité ? Comment prendre en
compte ce secteur informel sans faire prévaloir le non droit ? Cette
interrogation interpelle également le législateur OHADA qui doit
pouvoir en donner une réponse satisfaisante. En effet, la loi est un
moyen permettant de réguler les rapports sociaux et les conflits
d'intérêt, mais aussi un levier de protection pour les plus
faibles. Le risque est certes grand de créer une administration à
deux vitesses ou un système juridique d'apartheid s'opposant aux
principes d'universalité du droit, mais l'on ne devrait pas perdre de
vue cette réalité vivante de l'informel lorsqu'elle est
animée par le besoin de survie, dans un contexte marqué par
l'échec des plans de développement en Afrique au sud du
sahara.
C'est peut-être vrai que le secteur informel ne
mérite pas un excès d'honneur175, mais il ne doit pas
pour autant souffrir d'une criarde indignité. Il est question de
rechercher le juste milieu, et cela permettra sans doute au législateur
OHADA de faire preuve de réalisme (section I), et même d'oeuvrer
à la normalisation du secteur informel dans les Etats membres de
l'organisation (section II).
175 HUGON (P), les politiques d'appui au secteur informel en
Afrique in « Tiers monde:L'informel en question.» Op.cit., p.
61.
SECTION I :
L'APPEL AU REALISME DU DROIT DES AFFAIRES OHADA
Le réseau informel est le témoignage de la
vitalité de l'Afrique d'aujourd'hui, de sa capacité à
s'adapter à des situations nouvelles, à des situations jamais
vues dans le monde176. Il est le plus souvent ignoré des
gouvernements africains qui sont impuissants à le manipuler, et il est
peu compris des occidentaux car il est difficile à saisir et à
définir. Pourtant, il s'agit d'une réalité sociologique
qu'il faut pouvoir ménager sans créer une frustration des plus
faibles et des moins nantis. Il n'est plus question comme le souhaitent
certains auteurs peu avertis, de combattre le secteur informel, de le
détruire et de l'abattre à tout prix ; mais beaucoup plus de
repenser un processus évolutif de ce secteur pour une intégration
dans les stratégies de développement socioéconomique de
l'Afrique. Les études sur la question ont conduit à relever les
fonctions macro-économiques et sociales du secteur informel dans
l'espace OHADA (Para I), toute chose qui devrait emmener le législateur
OHADA à aménager un régime particulier pour les
commerçants de l'économie de la survie.(Para II)
PARA I : FONCTIONS MACROECONOMIQUES ET SOCIALES DU SECTEUR
INFORMEL DANS L'ESPACE OHADA.
L'échec des politiques publiques et des plans de
développement a généré une dégradation
accélérée de la situation économique des pays
d'Afrique Noire. La population s'est trouvée obligée de concevoir
des moyens alternatifs à cette crise. De là, le secteur informel
est venu à leur rescousse en leur offrant des possibilités
d'occupation, mais surtout des moyens pour satisfaire les besoins existentiels.
Il est donc reconnu aujourd'hui au secteur informel un atout
176 GIRI (J), L'Afrique en panne. « Vingt cinq ans
de «développement », ed Karthala, Paris, 1986, p. 115.
d'amortisseur de pauvreté (A) mais surtout sa
qualité de palliatif au non emploi. (B)
A - LE SECTEUR INFORMEL COMME AMORTISSEUR
DE LA PAUVRETE.
Il y a longtemps que les indicateurs de croissance dans les
pays d'Afrique Noire sont au rouge, signalant la dégradation d'une
société et l'accélération de la pauvreté. Le
constat alarmant en est que la grande partie de la population de cet espace vit
avec moins de un (1) Euro par jour, dans un contexte où santé,
éducation et nutrition coûtent de plus en plus cher. Les experts
internationaux ont toujours été sidérés devant
cette situation lorsqu'ils se posent la question de savoir comment cette
population réussit à se nourrir, à se soigner, à se
vêtir, bref à survivre. La réponse à cette
inquiétude est donnée par le secteur informel. Ce dernier
apparaît comme un régulateur de crise et de pauvreté
permettant à la population d'initier différentes activités
génératrices de revenus. C'est dans cet esprit, animé par
le besoin profond d'assurer leur survie que des milliers de petits
commerçants achètent et vendent tout ce qui peut être vendu
et même apparemment ne peut l'être.
La société en général en
bénéficie car ces commerçants choisissent le gagne pain
quotidien à travers le travail et le labeur, ce qui permet de contribuer
à l'efficience de l'économie toute entière. Le secteur
informel s'est ancré dans nos habitudes et est devenu par là
même une originalité permettant d'identifier les
sociétés d'Afrique. Il faudrait pour s'en convaincre, imaginer la
disparition de ces biens et services qu'on se voit régulièrement
proposer aux moindres pas de la rue, soit par les colporteurs ou par des
personnes installées et exerçant des activités
quelconques. Une telle situation présenterait à n'en point douter
un manque pour une société habituée à ces genres
activités. Il est donc certain que le secteur informel occupe une place
de choix dans le vécu quotidien des africains, encore qu'il se
présente comme un important palliatif au non emploi.
B- LE SECTEUR INFORMEL COMME PALLIATIF AU
NON EMPLOI
Les chercheurs en sciences sociales ont de tout temps
démontré qu'un homme qui croise les bras et qui n'exerce aucun
emploi ou aucune activité, est un danger pour la société
toute entière. Les économistes sont plus explicites sur la
question car ils présentent le chômage comme une source de
désagrégation de l'économie, et surtout un gaspillage des
ressources humaines s'accompagnant d'une sous utilisation de la population
active. Chaque société a donc le devoir d'assurer l'emploi
à tout le monde, et, devant son incapacité à le faire,
elle devrait se réjouir des solutions de rechange qui lui sont
proposées en faveur de la création d'initiatives privées ;
ceci étant une soupape de lutte à priori contre la prostitution,
le banditisme, la consommation de drogue et toutes ces pratiques incommodes qui
guettent l'être oisif en inactivité. Il est reconnu de nos jours
que le secteur informel récupère presque tous ceux qui, pour une
raison ou une autre, n'ont pas pu avoir une place dans le secteur dit
structuré, ce qui fait de lui un espace offrant le pus grand nombre
d'emplois. Les pouvoirs publics en ont pris conscience, les organisations
internationales s'y sont ralliées dans le cadre d'une plus grande
considération du secteur informel à travers des politiques
d'appui ; toute chose qui devrait inciter le législateur OHADA à
intervenir lui aussi dans le sens de l'aménagement d'un régime
particulier pour ces opérateurs de l'économie de la survie.
PARA II : L'AMENAGEMENT D'UN REGIME PARTICULIER POUR LES
COMMERÇANTS DE L'ECONOMIE DE LA SURVIE
Il ne serait pas exagéré de dire que les
dispositions du droit OHADA, à moins d'être inadaptées,
sont d'une application incertaine et malaisée en ce qui concerne
l'économie informelle de la survie ; car à l'origine, le droit
OHADA a ignoré cet aspect de la vie des affaires. On pourrait sans
crainte conclure comme
certains auteurs, en l'inadaptation de ce droit à
l'évolution économique en faveur de l'existence et de
l'évolution accrue d'un secteur incontournable177. Le droit
OHADA doit faire preuve non seulement de rigueur mais aussi et surtout
d'humanisme. Les opérateurs du secteur informel de la survie sont en
majorité des personnes d'un revenu très faible, vivant parfois en
dessous du seuil de pauvreté et présentant de ce fait une
fragilité et une vulnérabilité qui ne demande que la
protection. Les constitutions des pays d'Afrique ne se sont-elles pas
engagées à garantir la protection des minorités et des
classes sociales défavorisées et vulnérables ? Il est donc
question d'affronter avec beaucoup de management cette réalité
sociologique consubstantielle à l'état même de nos
cités. Le droit OHADA devrait ainsi en tenir compte et penser un moyen
d'identification de ces derniers (A), mais surtout en aménageant une
protection à leur égard. (B)
A - A TRAVERS UNE IDENTIFICATION
Lorsque l'adage Latin « Nemo auditur
ignorarem legem » retentit d'un écho immense
chez les juristes et les citoyens en rappelant par une formule de mise en garde
que « nul n'est censé ignorer la loi », c'est sans
doute parce que la loi elle-même n'est censée ignorer personne ;
elle est faite pour tous et par tous, et doit servir tout le monde. C'est en
cela qu'on dit de la loi qu'elle est générale et impersonnelle.
Le système juridique devrait donc autant que faire se peut, avoir une
idée de tous ceux qui vivent en société afin de ne pas
être source de marginalisation ou accusé tout simplement
d'ignorance coupable.
Il serait ainsi judicieux en ce qui concerne les
opérateurs du secteur informel de la survie, de définir une
politique pour leur identification, et ceci à travers des
procédures simplifiées. Ceci permettrait d'avoir une idée
de leur nombre, de leur comportement et activités dans le monde des
affaires. Une
177 FONE (A.M), op.cit., P. 128.
difficulté pourrait se faire ressentir sur la
détermination des critères
d'identification de l'économie de la survie. Il
faudrait peut être prendre en renfort les dispositions du décret
N° 93/720/PM du 22 novembre 1993 qui fixent les modalités
d'application de la loi N° 90/031 du 10 août 1990 régissant
l'activité commerciale au Cameroun, pour appréhender le commerce
de la survie. En effet, ce décret avait opéré une
répartition des commerçants en trois (3) groupes, sur la base du
volume et de la nature des produits commercialisés, du lieu d'exercice
de l'activité commerciale, de l'importance et la
régularité de cette activité178. C'est ainsi
que le groupe N° III a été réservé aux seuls
nationaux qui exercent les « petits métiers »,
à savoir les commerçants ambulants, les vendeurs à la
sauvette, les buyam-sellam et les exploitants de gargotes travaillants
seul ou aidés par les membres de leur famille179. L'article 8
dudit décret poursuivait en exonérant ces commerçants du
groupe III de la formalité d'immatriculation à l'ancien registre
du commerce et au registre statistique, et en créant à leur
égard une procédure simplifiée d'immatriculation sur un
répertoire communal ouvert auprès de la commune du lieu
d'exercice de leurs activités.
Le formalisme du RCCM étant rigoureux, on pourrait
penser comme certains auteurs, à la suite dudit décret, à
un recensement de ces commerçants de la survie dans un fichier
spécial tenu au niveau de la commune du lieu où le courage
d'entrer dans le monde difficile des affaires dans un contexte où la
crise économique ne leur permet pas d'accéder à des
crédits consistants pour s'établir comme commerçant du
secteur formel. Ainsi ce ne serait que justice si le droit saisissait cet
aspect de l'informel pour protéger ceux qui ont refusé la
facilité par le vol, et choisi le dur labeur180. Cette
protection consisterait donc à ne plus leur appliquer le droit des
affaires seulement pour sa rigueur mais aussi et surtout
178 NYAMA (J.M.), « Décret N° 93/720/PM du 22
novembre 1993 fixant les modalités d'application de la loi N°
90/031 du 10 août 1990: De la raison à la démesure »,
Juridis Info, N° 18, 1994, p. 61.
179 Art 4-c du décret N° 93/720/PM du 22 novembre
1993 fixant les modalités d'application de la loi N° 90/031 du 10
août 1990. V Juridis Info N° 16, 1993, p. 9
180 FONE (A.M), op.cit., p. 129.
pour ses faveurs, par exemple en leur permettant de
bénéficier dans le cadre d'un éventuel contentieux avec un
tiers commerçant ou non commerçant, des règles de
liberté de preuve et de courte prescription. Il faudrait
également trouver un moyen pour assurer la protection des
opérateurs en ce qui concerne les baux commerciaux car, l'assurance du
renouvellement de leur bail renforcerait à coup sûr leur
sécurité.
SECTION II % VERS LA NORMALISATION DU SECTEUR
INFORMEL DANS
L'ESPACE OHADA.
La tendance actuelle qui favorise la prise en compte du
secteur informel dans la stratégie de développement
socio-économique, milite pour une normalisation de toutes les
activités du secteur informel dans un but d'une plus grande
efficacité et cohérence des politiques gouvernementales. Le terme
« normalisation » peut à priori prêter à
confusion. Il ne s'agit pas en toute évidence de la
réglementation complète du secteur informel, mais de
l'établissement et de la mise en application d'un ensemble de techniques
permettant une organisation des opérateurs de l'informel afin de
traîner progressivement et en douce, le secteur informel dans le secteur
structuré. La normalisation serait donc une oeuvre tant politique que
juridique, appelant les opérateurs informels de la survie à une
plus grande organisation et à une manifestation s'exerce
l'activité181. Cependant, une inquiétude se fait
ressentir. Ces dispositions suscitées ne sont-elles pas contradictoires
à l' AU.DCG qui, sans opérer une telle classification des
commerçants, assujettit toute personne ayant la qualité de
commerçant à l'obligation d'immatriculation au
RCCM182. Il faut dire que le législateur OHADA, en remodelant
l'ancienne procédure
181 FONE (A.M.), op.cit., p. 128.
182 Art 25 AU.DCG.
d'immatriculation (dans une forme et une rigueur qui font
d'ailleurs l'une des originalités du droit OHADA), a substitué
l'immatriculation au RCCM à toutes les autres formes d'immatriculation
qui existaient auparavant. Il est donc évident que les dispositions du
décret précité sont contraires à la lettre et
même à l'esprit du législateur OHADA. On peut toutefois
regretter car, la réalité est que le formalisme rigoureux du RCCM
ne peut en l'état être aisément appliqué à
ces commerçants de la survie qui, doivent pourtant être
identifiées et recensés. Les experts de l'OHADA devraient y
penser et aménager une procédure simplifiée pour de tels
commerçants. La procédure d'immatriculation ou de recensement
communal susmentionnée serait une solution pour dissiper cette
difficulté. Cette identification simplifiée permettrait
d'aménager une protection pour ces commerçants informels de la
survie car on ne protège pas celui qu'on ignore183.
B - A TRAVERS UNE PROTECTION CERTAINE.
Il est question de permettre aux opérateurs qui vendent
pour la survie de bénéficier des aspects favorables du statut du
commerçant ordinaire et de se voir également
exonéré de certaines dispositions rigoureuses du droit des
affaires lorsqu'elles peuvent aggraver leur fragilité. Ceci permettrait
au droit de gagner d'un peu d'humanisme car il serait en effet inutile de
déstabiliser davantage des personnes désoeuvrées qui ont
coordonnée. Ce souci justifie l'érection des techniques de
normalisation (ParaI), comme on peut le constater à travers quelques
exemples nationaux (para II)
PARA I : L'ERECTION DES TECHNIQUES DE
NORMALISATION DU SECTEUR INFORMEL
Il est de plus en plus reconnu qu'il est nécessaire
d'envisager des voies
et moyens pour drainer le secteur informel vers le secteur
formel afin de mieux
183 FONE (A.M), op.cit., p. 128.
protéger les opérateurs du secteur informel
d'une part, et d'autre part de pouvoir les soumettre à des normes qui
tiennent compte de leur spécificité. La problématique du
secteur informel qui a acquis droit de cité au seuil du
21ème siècle se ramène essentiellement à
la question de savoir comment le rendre performant en termes de
résultats macro-économiques et de promotion sociale des
opérateurs de l'informel. Il est dès lors important
d'aménager des techniques de récupération du secteur
informel. Pour l'essentiel, ces techniques tournent autour de l'identification
des opérateurs informels via des cellules de regroupement, mais surtout
par la mise sur pied des programmes de formation en secteur informel pour
améliorer leur rendement (A) et l'adaptation des mesures propres au
secteur informel. (B)
A - LES PROGRAMMES DE FORMATION DANS LE
SECTEUR INFORMEL.
Les mesures visant à améliorer le capital humain
par l'éducation, la formation ou le perfectionnement professionnel sont
vitales pour tous les agents économiques particulièrement ceux du
secteur informel qui sont souvent analphabètes ou, tout au plus
faiblement scolarisés, ce qui limite leurs capacités à
améliorer les méthodes de commercialisation ainsi que la
qualité des produits et services. Pour acquérir de nouvelles
compétences, la grande majorité des acteurs du secteur informel
ne peuvent compter presque exclusivement que sur des processus ou programmes de
formation et d'apprentissage. C'est ainsi que des opérateurs
économiques du secteur informel pourront bénéficier des
stages d'initiation aux techniques de gestion à la concurrence et de
l'économie de marché afin d'améliorer leur
rentabilité et efficience en tant qu'agents économiques. Il est
donc question d'instruire ces opérateurs, ce qui pourrait d'ailleurs
avoir un effet d'entraînement indirect de leurs activités dans le
secteur structuré, surtout lorsque des mesures adaptées à
leurs spécificités sont prises.
B - L'AMENAGEMENT DES MESURES ADAPTEES AU
SECTEUR INFORMEL.
Le souci de la prise en compte du secteur informel dans la
stratégie de développement socio-économique conduit
à définir des mesures qui lui sont adaptées parce que
tenant compte de ces spécificités. Le manque de moyens financiers
et les difficultés d'accès au crédit sont en bonne place
parmi les principaux facteurs qui limitent et fragilisent les
potentialités du secteur informel en Afrique subsaharienne francophone.
Pour remédier à cela, de nombreuses initiatives ont
été prises par les Etats, les bailleurs de fonds, les ONG et les
opérateurs eux-mêmes dans le cadre des stratégies
d'autofinancement de leurs activités. Plus révélateur est
l'aménagement des conditions de micro crédits adaptées au
secteur informel, afin que ces opérateurs puissent faire face aux
problèmes de trésorerie et d'approvisionnement. Les
commerçants informels pourraient ainsi bénéficier de ces
micro-crédits pour mieux structurer leurs activités et
améliorer considérablement leur rendement. De là, il n'est
plus surprenant d'observer des chantiers de normalisation du secteur informel
se construire dans les Etats membres de l'OHADA Comme on peut le constater avec
le cas du Cameroun.
PARA II : LES CHANTIERS NATIONAUX DE NORMALISATION DU
SECTEUR INFORMEL : LE CAS DU CAMEROUN.
L'Etat camerounais n'est pas resté indifférent
à la mouvance qui accompagne le secteur informel dans un élan de
normalisation. Ainsi, le Cameroun a initié depuis un moment, de vastes
programmes de normalisation du secteur informel afin d'intégrer ce
dernier dans la dynamique générale de développement. Ces
programmes visent une amélioration des conditions
d'activité et de travail des opérateurs
informels pour une plus grande efficacité dans leurs différentes
actions. En effet, les pouvoirs publics et privés développent
actuellement des initiatives convergentes pour envisager les perspectives
d'évolution coordonnée du secteur informel.
Au rang de ces multiples initiatives, se situe le Programme
Intégré d'Appui aux Acteurs du Secteur Informel (PIAASI), qui,
apporte un appui varié et multiforme aux opérateurs de
l'économie informelle à l'effet d'accroître leurs
possibilités de production, de commercialisation, sans oublier la
qualité de leurs biens et services. Créé depuis 2002, Le
PIAASI est un projet éligible aux fonds PPTE dès 2003. Son
objectif premier est le renforcement des capacités des acteurs du
secteur informel au Cameroun. A cet effet, Il bénéficie depuis
une période de quatre ans, d'un financement sur ressources PPTE de
près de dix (10) milliards de F CFA, destinés à la
création d'emplois productifs au profit des jeunes, sous la forme d'un
appui au triple plan de la formation, de l'organisation et du financement.
C'est ainsi que le PIAASI s'intéresse à l'encadrement, au
financement et au suivi des opérateurs de l'informel. On note cependant
que cet instrument de « lutte contre la pauvreté et le
chômage » reste très peu connu. Pourtant, il est vieux
de 5 ans déjà184.
De plus en plus, le PIAASI apporte du soutien à
plusieurs opérateurs informels pour le renforcement de leurs
activités et l'amélioration de leur rendement, les statistiques
en la matière sont très indicatives185. Les
bénéficiaires des crédits du PIAASI disposent d'un
différé de onze (11) mois entre le moment
184 KOUETCHA (C), « Cameroun: PIAASI, projet louable mais
ignoré », Le Messager, 17 Octobre 2008.
185 En 2007, le PIAASI a fait le tour des 10 provinces du
Cameroun, pour remettre des micro-finances à quelques 1200
bénéficiaires. Ces derniers ont reçu un montant de 1,710
milliards de Fcfa pour environ 120 promoteurs par province. Cette
opération était la 3ème qu'effectuait cette structure
depuis 2005 (année de sa mise en activité avec un financement
« expérimental » de 40 millions de Fcfa). Une autre
opération de distribution a eu lieu en 2006, pour un montant de 760
millions. Les sommes allouées à chaque bénéficiaire
varient entre 100.000 et 1.500.000 de Fcfa les bénéficiaires
doivent simplement remplir des formulaires de demande d'appui disponibles dans
les secrétariats techniques du PIAASI et composer un dossier qui
diffère selon qu'il s'agisse d'une initiative individuelle ou d'un
projet commun, le reste dépend de la somme prévue pour les
micro-finances.
de la réception du crédit et celui du
recouvrement. A cela, s'ajoute une période de quinze (15) mois pour
s'acquitter totalement de leur dette. Le taux d'intérêt annuel est
de à 6%186.
Les activités du PIAASI sont suivies par le
ministère de l'Emploi et de la Formation Professionnelle (MINEFOP), qui
oeuvre à la mise en place des structures de proximité, afin
d'entrer en contact avec les différentes organisations, unités ou
activités du secteur informel, et de leur apporter un appui
conséquent.
186 KOUETCHA (C), « Cameroun: PIAASI, projet louable mais
ignoré », Le Messager, 17 Octobre 2008.
CONCLUSION DE LA IIEME PARTIE
En guise de conclusion de cette partie, il faut rappeler que
la commercialité de fait du commerçant informel incite
l'application du droit des affaires qui se déploie pour affirmer sa
rigueur et non pour partager ses faveurs. C'est ce que beaucoup d'auteurs ont
qualifié d'application discriminatoire du droit des affaires à
l'égard de ceux qui sont coupables de non immatriculation. Ces derniers
ne pourront pas bénéficier, au regard de l'Art 39 AU.DCG, des
avantages de la qualité de commerçant, mais ne pourront
également se rétracter derrière leur informalité
pour se défaire des obligations du commerçant. Il s'agit
là d'une situation d'extrême rigueur car ces dispositions
sacrifient une partie considérable des personnes qui se battent pour la
survie, ce qui peut créer une double marginalisation à
l'égard de ces derniers qui ne demandent qu'à être
protégés et pris en compte.
Le changement d'attitude à l'égard du secteur
informel conduit aujourd'hui à reconnaître sa présence
inéluctable et incontournable, son expansion incessante et
impressionnante, et surtout son importance en terme macro-économique et
sociale. Il est donc de plus en plus question de repenser des techniques de
prise en compte de ce secteur dans les stratégies de
développement, d'où l'appel fait au législateur OHADA
d'aménager un régime particulier pour ces opérateurs de la
survie afin de tenir réellement compte des spécificités
africaines dans l'oeuvre de l'harmonisation. Il rejoindrait de ce fait la
tendance actuelle qui milite en faveur de la normalisation du secteur informel
pour un grand réalisme et une plus grande cohérence de la
société et du droit.
CONCLUSION GENERALE
Il serait difficile et même prétentieux
d'envisager une conclusion au sens littéral du terme en ce qui concerne
le secteur informel en général, et surtout le commerçant
informel dans l'orbite du droit des affaires en particulier. En effet, le
secteur informel, antérieurement considéré comme un
« accident », transitoire du processus de construction d'une
économie moderne dans les pays en voie de développement, a
révélé par la suite un dynamisme d'expansion et de
renforcement de son rayon d'action, qui fournit des raisons objectives de
penser qu'il continuera durablement à occuper une place importante de la
population active187. Nonobstant quelques particularismes nationaux,
il existe des spécificités communes qui traversent les pays
membres de l'OHADA aux plans géopolitique, économique,
sociologique, et qui se présentent comme autant de facteurs d'extension
et de consolidation de l'économie informelle.
Le lourd passif du legs de la colonisation, amplifié
par les contre performances économiques du modèle étatique
post colonial en vigueur un peu partout, et les résultats mitigés
des politiques d'ajustement structurel qui leur sont consécutives, ont
conjugué leurs effets pour consacrer la marginalisation et la
paupérisation croissantes de la population qui initient tous azimuts des
stratégies de survie faites d'activités précaires
multiformes. C'est dans ce contexte et dans cette logique que se
déploient des commerçants informels, moins soucieux de la
régularité juridique que de la volonté d'assurer leur
survie.
Le législateur OHADA a bien l'ambition de régir
avec évidence toute la vie des affaires dans son espace de
compétence. La problématique de l'application de ses dispositions
aux commerçants du secteur informel, bien que
187 Cette tendance se vérifie particulièrement
en Afrique subsaharienne où le secteur informel absorbe 61% de la main
d'oeuvre active. V SOULEYE KANTE, Le secteur informel en Afrique Subsaharienne
Francophone: Vers la promotion d'un travail décent, B.I.T,
Genève, 2002, p. 17.
parfois emprunte de difficultés, présente un
constat qui révèle une affirmation du droit des affaires dans sa
rigueur à de tels commerçants. Le Droit OHADA se manifeste au
secteur informel plus pour affirmer sa rigueur que pour partager ses faveurs.
Si cette situation est justifiable pour les commerçants de
l'économie souterraine, elle est tout de même critiquable pour
ceux de l'économie de la débrouille et de la survie.
En effet, l'ampleur du secteur informel et la diversité
qui le caractérise dans la plupart des pays, obligent l'Etat à
faire un effort dans la définition des stratégies d'intervention
qui tiennent compte à la fois du souci de promouvoir les acteurs de
l'informel, de la nécessité de contenir la croissance du secteur
informel et de l'impératif du respect des lois et règlements.
L'attitude des gouvernements et des acteurs institutionnels à
l'égard du secteur informel a évolué. La volonté
primaire de freiner son expansion a fait place à une tolérance,
voire à une envie de l'appuyer. Globalement, il existe un très
large consensus sur la nécessité de prévenir l'arbitraire
de la part des pouvoirs exécutifs africains et de créer les
conditions de participation véritable des couches diminuées de la
population à l'oeuvre de la construction nationale.
Le législateur OHADA ne doit pas rester étranger
à toute cette dynamique qui se développe autour de lui, il ne se
doit non plus de garder davantage de silence sur cette question de l'informel.
Il est important qu'il s'affirme sur le sujet dans une logique semblable
à celle initiée au plan politique, social et économique,
à l'effet de rechercher le juste milieu entre rigueur, protection et
normalisation du secteur informel. Une telle intervention ferait gagner le
droit OHADA d'un peu de réalisme, mais aussi d'humanisme, pour la
matérialisation du caractère adapté de ce droit
harmonisé aux réalités africaines.
cBrcB Lr0gcRflcvJ-Cr9
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décembre 2007, pp 465-475.
IV - LEGISLATION
- Acte uniforme OHADA, sur le droit de l'arbitrage.
- Acte uniforme OHADA, relatif droit commercial
général.
- Acte uniforme OHADA, relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique.
- Acte uniforme OHADA, portant organisation des procédures
collectives d'apurement du passif.
- Acte uniforme OHADA, portant organisation et harmonisation des
comptabilités des entreprises.
- Code Civil, LITEC, 1998-199.
- Code de Commerce, Dalloz, 1997-1998.
- Codes et Lois du Cameroun.
- Décret N° 73/720/ PM du 22 Novembre 1993 fixant
les modalités d'application de la Loi N° 90/031 du 10 Août
1990 régissant l'activité économique au Cameroun
- Loi N° 90/031 du 10 Août 1990 régissant
l'activité économique au Cameroun
- Ordonnance N°2 du 29 Juin 1981 portant organisation de
l'Etat Civil et diverses dispositions relative à l'état des
personnes physiques.
REMERCIEMENTS .ii
PRINCIPALES ABREVIATIONS .iii
SOMMAIRE ..vi
INTRODUCTION GENERALE ..1
Ière PARTIE : LA COMMERCIALITE DU SECTEUR INFORMEL
11
CHAPITRE I : LE COMMERCANT DU SECTEUR
INFORMEL : UN COMMERCANT SUI GENERIS 12 SECTION I :
L'IRRESP
ECT DES CONDITIONS LIEES A LA PERSONNE POUR L'EXERCICE DE
LA PROFESSION COMMERCIALE DANS LE SECTEUR INFORMEL
12
PARA I : Le mépris de la capacité d'exercer
le commerce 13
A : le mineur .14 1°
Le mineur non émancipé et l'impossible
rattachement à la qualité de commerçant du secteur
informel ..14 2° Le
mineur émancipé et la possibilité de rattachement au
commerçant du
secteur informel 17
B : Les majeurs incapables ..
18
1° Le majeur
représenté 19
2° Le majeur assisté
.. 19
C : La femme mariée
20
PARA II : La méconnaissance
des empêchements a l'exercice du commerce dans le secteur informel 22 A
: l'indifférence de l'incompatibilité dans la
qualification de
commerçant informel. 23
1° L'incompatibilité
des professions commerciales avec certaines fonctions
24
2° Les sanctions de la
violation des incompatibilités. 25
B : Les déchéances et la commerce
informel . 26
1° Les cas de
déchéance .26
2° Les sanctions de l'exercice
du commerce par un déchu 28
SECTION II : L'ACTIVITE COMMERCIALE DANS LE
SECTEUR INFOR-
MEL 29
PARA I : Les actes de commerce du
secteur informel . 30
A : L'acte de commerce par nature : acte de
commerce par excellence du
secteur informel 31
B : La commercialité par accessoire et le
secteur informel .32
1° Les Actes de commerce
accessoires à la profession commerciale. 32
2° Les actes de commerce
accessoires à un acte de commerce à titre principal
.34 PARA II : L'exercice habituel et indépendant du
commerce et le secteur
informel 35
A : L'exercice habituel 35
B : L'exercice indépendant
38
CHAPITRE II : LE FONDS DE COMMERCE DU SECTEUR
INFORMEL : UN BIEN PARTICULIER .. 39 SECTION I :
PARTICULARITE LIEE A L'ALTERATION DE CERTAINS
ELEMENTS DU FONDS DE COMMERCE INFORMEL
.41
PARA I : L'inconstance du fonds commercial dans le
secteur informel 41
A : La clientèle . .
42
B : Le nom commercial et l'enseigne .
45 PARA II : L'inconsistance des éléments corporels du fonds
de commerce
dans le secteur informel .... 47
A : Le matériel et l'outillage
47
B : Les marchandises .. 48
SECTION II : PARTICULARITE LIEE A LA FRAGILITE DES
ELEMENTS
INCORPORELS DU FONDS DE COMMERCE INFORMEL
49
PARA I : La quasi inexistence des droits de
propriété industrielle 50
PARA II : La vulnérabilité du bail
commercial 51
CONCLUSION DE LA Ière PARTIE .. 53
IIème PARTIE : L'APPLICABILITE DU DROIT DES AFFAIRES OHADA AU
COMMERCANT PERSONNE PHYSIQUE DU SECTEUR INFORMEL 54 CHAPITRE I : LA
COMMERCIALITE DE FAIT DU SECTEUR INFORMEL ET L'APPLICABILITE DU DROIT DES
AFFAIRES 55 SECTION I : LE REGIME APPLICABLE HORS
CONTENTIEUX: LA SOU-MISSION AUX CONTRAINTES DE LA QUALITE DE COMMERÇANT
56 PARA I : la problématique de la soumission du secteur
informel aux obligations comptables du commerçant 56
A : La tenue d'une comptabilité et des
livres de commerce dans le secteur informel .. 57
B : La valeur juridique de la
comptabilité dans le secteur informel ...... 59 PARA II:
L'éthique commerciale et son respect dans le secteur
informel..60
A : Les règles de concurrence et le
secteur informel . 60
B : La protection des consommateurs face au
commerce informel 62
SECTION II : LE REGIME APPLICABLE DANS UN
CADRE CONTENTIEUX . 64 PARA I : L'impossible
bénéfice des privilèges de procédure en
matière
commerciale 64
A : Les règles de preuves et de
prescription . 66
1° Les règles de preuve
66
2° Les règles de
prescription 67
B : La privation du régime des baux
commerciaux .. 68
PARA II : L'application du droit des procédures
collectives aux commerçants informels . 68
A : Une application distributive des
procédures collectives aux opérateurs de l'informel
70
B : Les zones d'ombre autour de la soumission du
secteur informel aux
procédures collectives . 73
CHAPITRE II : LA NECESSAIRE PRISE COMPTE DU SECTEUR INFORMEL
PAR LE LEGISLATEUR OHADA : vers la recherche d'un équilibre entre
rigueur, protection, et normalisation du secteur informel. 76 SECTION I
: L'APPEL AU REALISME DU DROIT DES AFFAIRES OHADA ..
78 PARA I : Fonctions macroéconomiques et sociales du secteur informel
dans
l'espace OHADA ..78
A : Le secteur informel comme amortisseur de la
pauvreté . 79
B : Le secteur informel comme palliatif au nom
emploi 80
PARA II : L'aménagement d'un régime
particulier pour les commerçants
de l'économie de la survie .. 80
A : A travers une reconnaissance juridique
... 81
B : A travers une protection certaine
83 SECTION II : VERS LA NORMALISATION
DU SECTEUR INFORMEL DANS L'ESPACE OHADA .. 84 PARA I :
L'érection des techniques de normalisation du secteur infor-
mel. 84
A : Les programmes de formation dans le secteur
informel .. 85
B : L'aménagement des mesures
adaptées au secteur informel 86
PARA II : Les chantiers nationaux de normalisation du
secteur informel :
Le cas du Cameroun 86
CONCLUSION DE LA IIème PARTIE
89
CONCLUSION GENERALE 90
BIBLIOGRAPHIE 92
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