DEDICACES
A mes parents,
NIEME ZANGA Denis,
MINX° Germaine.
Trouvez ici C~aurore des moissons,
De vos sacrifices ensemencés.
'line gratitude, pour votre soCCicitu de 'line
béatitu de de vos expectations,
'lin encouragement pour votre
ministére.
REMERCIEMENTS
R&diger la page de remerciements est toujours un exercice
difficile. Tellement de rencontres et de personnes contribuent en effet a faire
de nous ce que nous sommes.
Ma profonde gratitude s'exprime:
Au Professeur Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU' qui m'a
propos& ce sujet et a accept& de diriger cette recherche malgr& ses
plurielles occupations. Pour sa sollicitude' sa rigueur'
la qualit& de ses contributions et son sens du magister.
Au Professeur Bernard Raymond GUIMDO' qui m'a
&veill& a la recherche et n'a pas m&nag& son conseil a mon
endroit.
Au Professeur Alain Didier OLINGA' pour m'avoir
permis de puiser dans sa riche exp&rience en Droit International des Droits
de l'Homme.
A l'ensemble de mes Enseignants de DEA Droit International
Public et Communautaire.
A mon pere NLEME 2ANGA Denis et ma mere NLEME Germaine n&e
MINKO' qui m'ont initi& depuis ma tendre enfance a la religion
du travail et au culte de l'excellence' qui ont cru en moi et l'ont
manifest& en assurant chaque ann&e mes frais de scolarit& et les
charges connexes.
Au Docteur Doreen BRADY WEST' a Maitre DISSAKE
Dorette' au Colonel OYONGO Francois' a Mme MOFIRE Lucie
et M. NJOYA Israel' qui sont depuis de longues ann&es mon
soutien et ne cessent de sacrifier a l'autel de ma r&ussite.
A Roger Emmanuel LINGOM' St&phan
BANGOUB' Patrick NDJOMNNANG' Willy ENDAMEYO'
Sandrine NJEUNGA' Jeanne Mercise OBOUNOU AMOUGOU' amis de
destin&e' sans vous rien de ce qui est aujourd'hui ne serait
possible.
A Mme BOMBANG Marie qui a accept& de relire le manuscrit.
A tous mes camarades de promotion de DEA Droit International
Public et Communautaire' particulierement' Carole NOUA2I
et Ghislain BOMBELA MOSOUA pour les &changes enrichissants.
Je remercie Dieu' le Pere des lumieres'
de qui je tiens l'etre' le mouvement et l'&tincelle de
l'&rudition' pour la richesse de sa faveur' l'huile
de sa grace' constante et incontestable dans mes existences.
AVERTISSEMENT
L'Université de Yaoundé II n'entend donner
aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans le
présent mémoire. Ces opinions devront être
considérées comme propres à leur auteur.
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES
AFDI : Annuaire Français de Droit International
AHRLJ : African Human Rights Law Journal Art : Article
CEDA : Centre d'Edition et de Diffusion Africaines
CEDH : Cour Européenne des droits de l'Homme
CEDIC : Centre d'Études et de Recherche en Droit
International et Communautaire
CIRDI : Centre international de règlement de
différends relatifs aux investissements CIJ : Cour Internationale de
Justice
CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale
CDH : Comite des Droits de l'Homme
Charte : Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples.
Com : Communication
Commission : Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples. Conf : Confère
Cour africaine : Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples.
DIP : Droit international public
DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
EJLS : European Journal of Legal Studies
FIDH : Fédération Internationale des Droits de
l'Homme
JCL : Journal of Criminal Law
IRIC : Institut des Relations Internationales du Cameroun.
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
OACI : Organisation de l'Aviation Civile Internationale
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
OUA : Organisation de l'Unité Africaine
PIRDCP : Pacte International relatif au Droits Civils et
Politiques PIRDSE : Pacte International relatif au Droits Sociaux et
Économiques
PUF : Presse Universitaire Française.
RADDH : Rencontre Africaine pour la Défense des
Droits de l'Homme RASJ : Revue africaine des sciences juridiques
RCEI : Revue camerounaise d'études
internationales RIEJ : Revue Interdisciplinaire d'Études
Juridiques. RGDIP : Revue Générale de Droit
International Public
RJ PIC : Revue Juridique et Politique Indépendance et
Coopération
RTDH : Revue Trimestrielle des Droits de
l'Homme R.UDH : Revue Universelle des Droits de l'Homme.
TANU : Tribunal Administratif de Nations Unies
UA : Union Africaine
UIDH : Union Interafricaine de Droits de l'Homme
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour la Science et la
Culture
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : LA REAFFIRMATION D'UNE DEFINITION
21
FONCTIONNELLE DE LA REGLE
CHAPITRE I : LA GARANTIE DU PRINCIPE DE LA
PRIMAUTÉ DE LA 23
PROTECTION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME
Section 1 : Une consécration tacite du principe de
la souveraineté des États 23
Section 2 : Une présomption et une incitation
indirecte à l'effectivité des droits de 39 l'homme dans l'ordre
juridique interne
CHAPITRE II : LA SAUVEGARDE DU PRINCIPE DE LA
SUBSUSDIARITÉ 51 DE LA PROTECTION INTERNATIONALE DES DROITS DE
L'HOMME
Section 1 : Une prise en compte de la subsidiarité
des recours internationaux 51
Section 2 : Une prise en compte des contraintes du
règlement international 64
75 77 77 85
100
101
SECONDE PARTIE : L'AFFIRMATION D'UNE DEFINITION
MATERIELLE DE LA REGLE
CHAPITRE I : L'EDICTION RESTRICTIVE DES CRITERES
D'APPLICATION DU PRINCIPE
Section 1 : le critère formel : le contrôle
systématique de l'épuisement des voies de recours
interne
Section 2 : Les critères matériels : la
disponibilité, la satisfaction et l'effectivité des recours
à épuiser
CHAPITRE II : L'ENONCIATION NON LIMITATIVE DES
CIRCONSTANCES D'EXCEPTION
Section 1 : Les exceptions relatives aux circonstances
exceptionnelles d'ordre politique et juridique
Section 2 : Les exceptions relatives aux circonstances
personnelles du requérant 113
CONCLUSION GENERALE 122
BIBLIOGRAPHIE 126
ANNEXE 145
TABLE DES MATIERES 187
RESUME
Depuis plus de deux décennies, la Commission Africaine
des droits de l'homme et des peuples oeuvre à assurer aux populations
africaines, l'effectivité des droits que leur confère la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples. Dans un contexte marqué
par l'instabilité de la règle de droit, la
précarité des institutions judiciaires et les ingérences
politiques dans la pratique juridictionnelle, la règle de
l'épuisement des recours internes, consacrée par l'art. 56(5) de
la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, semble être un
obstacle insurmontable pour les victimes qui réclament justice devant
l'organe de Banjul.
La présente étude relève les
difficultés de la pratique de la justice en Afrique et, le rôle de
coordination et de conciliation, que la Commission assure dans ce domaine. En
effet, pour éviter le déni de justice, la Commission a
opté pour une interprétation téléologique et une
application in situ de la règle.
Entre nécessité et flexibilité, la
Commission a élaboré à travers sa riche jurisprudence une
véritable définition fonctionnelle et matérielle qui guide
désormais sa pratique de la règle. En dépit de quelques
novations, cette définition s'harmonise parfaitement avec l'ensemble de
la pratique de la règle devant les mécanismes universels ou
régionaux des droits de l'homme. Elle rappelle aux justiciables
demandeurs, qu'il revient d'abord aux États d'assurer la
réalisation et le redressement des violations des droits humains. Il
n'est meilleure protection en matière des droits de l'homme que celle
assurée par l'État. Cette position est respectueuse de la
structure de l'ordre juridique international, de son droit, ainsi que des
récents développements qui y sont advenus. En effet, aux
États ainsi mis en confiance, l'organe conventionnel souligne de
manière péremptoire l'obligation qui leur incombe de garantir,
l'efficacité des recours, aux risques de voir leur responsabilité
internationale engagée.
Mots clés: Règle, recours
internes, recevabilité, droits de l'homme, procédures,
réparation, subsidiarité, exception, contrôle,
effectivité, efficacité, règlement, justice.
ABSTRACT
Since more than two decades, the African's human and peoples
rights works to ensure that African population enjoys effectively the right
acknowledged to them by the African Charter of human and people's rights. In a
context where the rule of law is unstable, where judicial institutions are
substandard and under the influence of politics, the local remedies exhaustion
rule, provided by art 56(5) of the Charter, seems to be a hindrance to victims
who claim justice to the Banjul organ.
The current survey highlights the difficulties in the practice
of justice in Africa and the role of coordination and conciliation that the
Commission is playing in this domain. In fact, to avoid a denied of justice the
Commission has opted to a finalistic interpretation and an application in
situ of the rule.
Between necessity and flexibility, the Commission has
constructed trough its rich jurisprudence a genuine functional and substantive
definition that guides its practice of the rule. Despite some innovations this
definition well harmonizes with others universal and regional institutions
practice of the rule. This definition reminds the requester that it is primary
to States to supplied remedies to human's rights violations. The best
protection as far as human rights are concerns is of States. Such a position
line up with the international juridical order, its law and the recent
developments that had occurred in this realm. As a matter of fact, to the now
confident States, the conventional organ firmly updates their duty to guaranty
the efficiency of the local remedies, on plausibly to see their international
liability undertaken.
Key words: Rule, local remedies, admissibility,
human rights, procedure, remedies, subsidiarity, exception, control,
effectiveness, efficiency, settlement, justice.
INTRODUCTION GENERALE
La place de l'individu en droit international fait l'objet
d'un débat récurrent et la question reste d'actualité. Ce
qui par contre ne fait aucun doute, c'est que sa prise en compte par ce droit a
été facteur d'évolution voire de révolution. La
raison est que son avènement dans la société
internationale s'est fait par le vecteur d'une notion très
féconde, qui s'est imposée à l'ensemble des domaines des
relations internationales. Les droits de l'homme puisqu'il s'agit d'eux, sont
nés sur le champ des idéologies, et renvoient à des
idéaux ayant donné lieu à des combats politiques. Ils
peuvent se définir comme étant à la fois, « des
droits individuels, naturels, primitifs, absolus, primordiaux ou personnels. Ce
sont des facultés, des prérogatives morales que la nature
confère à l'homme en tant qu'être
intelligent»1. Cette conception ancrée dans le
jus naturalisme, avait déjà fait l'objet d'une
théorisation par les théologiens espagnols de l'école de
Salamanque. Francesco de Vitoria (1483-1546) à travers les principes de
droit naturel qu'il a formulé et son oeuvre contre la colonisation des
Indiens par les Portugais et les Espagnols, avait démontré que
les droits naturels de l'individu sont opposables aux États. Une telle
approche qui plaçait déjà l'individu comme potentiel sujet
de droit international, s'est trouvée minorée par la doctrine
souverainiste dominante. Quatre siècles plus tard, notamment en 1948,
sans pour autant renouer avec le jus naturalisme, les droits de
l'homme deviennent des normes au sens le plus juridique du terme. Entendus
comme l'«ensemble des droits et libertés fondamentales
inhérents à la dignité de la personne humaine et qui
concernent tous les êtres humains »,2 les droits de
l'homme vont rentrer dans le dispositif normatif, c'est-à-dire
intégrer le droit positif. Cette mutation fondamentale consistait
à reconnaître aux individus de véritables droits subjectifs
et à considérer comme fautive la violation de ses droits par
l'État. Elle constitue donc une évolution du droit international
jusqu'alors strictement interétatique.
L'autre révolution résulte de la prise en charge
institutionnelle dont les droits de l'homme ont fait l'objet. Cette
avancée est d'autant plus significative qu'elle s'opère dans le
domaine de la justice internationale où les États sont
exclusivement, sinon principalement les justiciables.
1Hersch (J),« Le droit d'être un Homme
»Anthologie mondiale de la liberté, JCL, UNESCO, 1990,
p.129. 2Salmon (J), Dictionnaire de droit international
public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p.396-397.
Au sens du droit international classique, les
différends entre personnes privés et l'État sont des
différends intra-étatiques, donc en principe irrecevables devant
les juridictions internationales. Le principe est infléchi lorsque la
personne privée en question est le national d'un autre État ;
alors, ce type de différend peut provoquer la naissance d'un
différend interétatique, par le jeu de la protection
diplomatique, au demeurant, institution coutumière très ancienne
du droit international.3 Cette pratique introduisait
déjà pour les individus, la possibilité d'un accès
indirect à la justice internationale. Toutefois, ce n'est
qu'après la seconde guerre mondiale, dans les hypothèses du
règlement des litiges économiques internationaux, et du
contentieux international des droits de l'homme, que l'individu accède
de façon immédiate à la juridiction internationale.
La reconnaissance des droits de l'homme proclamée au
plan universel avec l'adoption de la Déclaration universelle des droits
de l'homme de 1948, a donné lieu dans le cadre régional
européen et interaméricain à la mise en place d'un
appareillage normatif et institutionnel. Du point de vue normatif, il s'agit
des Conventions européenne et américaine des droits de l'homme.
Le cadre institutionnel, quant à lui, renvoie aux mécanismes de
contrôle, notamment la Commission européenne des droits de
l'homme, aujourd'hui, Cour européenne des droits de l'homme et la
Commission interaméricaine des droits de l'homme, à laquelle
s'est ajoutée, la Cour interaméricaine des droits de l'homme.
Ce schéma a été reproduit en Afrique,
puisque les États africains ont adopté dans le cadre de l'OUA,
une convention multilatérale, ouverte à la signature et à
la ratification des membres : La Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples. Celle-ci constitue, comme en témoigne le professeur Paul
Gérard Pougoué, « un point de non retour et un espoir
pour l'avenir.»4A la différence des instruments de
même nature, le texte panafricain est un carrefour tant pour les
traditions positives et la modernité que pour les droits individuels et
les droits collectifs. Elle s'affirme comme étant le consensus entre
l'universalité des droits de l'homme et les spécificités
africaines, ainsi que permet de le voir un regard croisé des §5 et
§10 du préambule.
3Voir affaire des concessions Mavromatis en Palestine,
arrêt du 30 Août 1924, CPJI, Ser A, n°2...C, n°5-I,
p.637. 4Pougoue (P.G), « Lecture de la Charte Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples », Droits de l'homme en Afrique
centrale, Acte de colloque de Yaoundé 9- 11 Nov. 1994 UCAC-
Karthala. Yaoundé, Paris 1996, p. 31
Par ailleurs, la proclamation des droits de l'homme en Afrique
a été conjointe à la prévision des
mécanismes institutionnels, gardiens de l'effectivité desdits
droits. Il ne pouvait en être autrement, puisque la pratique
révèle comme l'écrit le Professeur Frédéric
Sudre que « la justiciabilité de la règle conditionne
l'efficacité de la garantie et de la sanction » et qu'
« aucune protection internationale des droits de l'homme ne peut
sérieusement être mise en oeuvre si elle ne s'accompagne pas de
mécanismes juridictionnels appropriés. »5Il
revient donc aux institutions juridictionnelles de veiller à la mise en
oeuvre des dispositions consacrées. Cette mission incombe, au premier
plan, aux juridictions nationales. En réalité, la justice interne
est le lieu par excellence où les victimes des violations des droits de
l'homme doivent réclamer le respect de leurs droits et la
réparation des préjudices subis. La justice interne est « la
pierre angulaire » de la protection des droits de l'homme dans une
société démocratique. Elle est suppléée dans
cette charge par les juridictions internationales qui ne peuvent être
saisies qu'en cas d'échec du règlement interne. C'est ce postulat
qui justifie le caractère classique dans les Conventions de droits de
l'homme, de la condition d'épuisement des voies de recours internes.
L'article 56(5) de la Charte africaine de droits de l'homme et des peuples
dispose inter alia « Les communications visées à
l'article 55 reçues à la Commission et relatives aux droits de
l'homme et des peuples doivent nécessairement, pour être
examinées, remplir les conditions ci-après : (...) Être
postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu'il ne soit manifeste à la Commission que la
procédure de ces recours se prolonge d'une façon anormale
». Celle-ci est la seule condition de recevabilité commune aux deux
types de communications que sont les communications
interétatiques6 et les « autres communications
»7. Cette règle est appelé à s'appliquer
aux requérants dans un contexte africain particulièrement
délicat,
A - CONTEXTE DE L'ÉTUDE
Les obstacles à l'accès à la justice et
à sa bonne administration caractérisent à suffisance la
crise de l'État de droit en Afrique. Trois points de vue permettent de
le signifier. Il s'agit respectivement du contexte politique, juridique et
social.
5Sudre (F), Droit international et européen
des droits de l'homme, 3e Edition, Paris, PUF, 1997, p. 13.
6 Art 50 Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
art 90 [2(d)], 93[2(b)], 97(c) Règlement intérieur de la
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.
7 Art 55, Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
art 104(f) Règlement intérieur de la Commission africaine des
droits de l'homme et des peuples.
Sur le plan politique, Il est en effet facile
de constater que la crise de la démocratie a transformé l'Afrique
en un vaste champ de bataille. Actuellement, il y a plusieurs foyers de tension
avérés ou potentiels. Ces conflits armés qui affectent 15
pays soit le tiers du continent,8 menacent la paix et la
sécurité dans leurs sous régions respectives avec des
risques d'extension dans les pays voisins. Les conséquences sont
plurielles et ont pour dénominateur commun la violation des droits
humains.9
Que ce soit en période de conflit ou de post-conflit,
le contexte d'urgence, provoqué, hypothèque l'administration
d'une justice équitable. Les réfugiés et les personnes
déplacées rencontrent des obstacles parfois insurmontables pour
accéder à la justice. De plus, les régimes militaires qui
arrivent au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat ont l'habitude de
suspendre certaines compétences des tribunaux. A l'occurrence, la
pratique des clauses dérogatoires dans le droit interne a, pendant
près d'une décennie, occasionné une situation au Nigeria
où il semblait ne pas avoir de justice disponible. Cette pratique au
Nigeria comme en Gambie, au Soudan en Mauritanie s'est compliquée avec
de violations graves des droits de l'homme tel qu'il a été
observé au Bénin, au Tchad, au Togo au Malawi au Zaïre.
L'état actuel des droits de l'homme en Afrique rend
compte de violations constantes et flagrantes des droits constitutionnellement
proclamés. Ces violations vont s'installer, par leur
8 Les droits de l'homme en Afrique : Rapport 2004-2005 Union
interafricaine des Droits de l'Homme (UIDH), p.12.
9 D'une part, les conflits armés entraînent un
drame humanitaire. Ils favorisent la prolifération des armes
légères, le développement du grand banditisme, de la
criminalité transfrontalière et du mercenariat sources
s'insécurité pour les populations. Ainsi plus d'un million de
personnes ont perdues la vie lors du génocide rwandais en 1994 les
femmes et les enfants en particulier sont exposées aux violences
sexuelles ; les prises d'otage et le recrutement d'enfants soldats sont des
pratiques fréquentes. En même temps, ces crises occasionnent des
déplacements massifs de populations. Le Sénégal à
l'instar des autres pays d'Afrique et conformément aux instruments
régionaux et internationaux, accueille sur son sol des
réfugiés en provenance du Libéria, de la Sierra
Léone, du Rwanda, du Burundi etc. Ces personnes déplacées
et autres réfugiés sont très souvent victimes de
violations graves et systématiques des droits de la personne dans leur
Etat où régions d'accueil. Les conflits armés
représentent un des périls majeurs pour la démocratie,
l'État de droit et les droits de l'homme en Afrique.
D'autre part, les conflits armés qui ravagent le
continent conduisent très souvent les protagonistes des Etats
concernés à brader les ressources naturelles pour
s'équiper en armement, mettant ainsi à nu des fonds qui auraient
pu servir pour renforcer l'économie, l'éducation, la
santé, etc. Ils sont aussi obligés de s'endetter et de subir par
la même occasion les pressions des multinationales qui les ont
aidés à s'équiper. L'économie des Etats est ainsi
fragilisée et les droits de la personne humaine tels que l'alimentation,
le droit au développement, sont compromis. Cette situation est lourde de
sens dans les Etats en situation de post conflits comme en Angola, au
Mozambique, au Liberia, en Sierra Leone, au Rwanda, au Burundi, au
Congo-Brazzaville, en Guinée Bissau etc.
étendue et par leur constance parce qu'elles
n'épargnent aucune catégorie de droits. Cinq ordres d'arguments
sont convoqués pour justifier cette situation : la
nécessité de la construction nationale10, la
spécificité du pays résultant d'une longue guerre, la
jeunesse de la démocratie, la sauvegarde des institutions
républicaines, le développement de l'économie. Les
institutions républicaines vont être largement perverties pour
cette besogne.
Sur le plan juridique, il est facile de
constater qu'en Afrique, la pratique quotidienne de la justice
révèle sa forte dépendance à l'autorité
politique. Cette institution est sinistrée parce ce qu'elle semble ne
pas toujours être un véritable pouvoir. Il a été
observé au sujet des garanties normatives qui assurent la
séparation des pouvoirs que, « (...) dans la plupart des pays
d'Afrique noire francophone, les codes et les constitutions clef en main ne
sont bien souvent que des façades destinées à
l'extérieur (le retour à l'envoyeur !). »11.
Ce qui conduit à un contexte où les mutations de l'ordre
politique, se manifestent par l'instabilité de la règle de droit
de sorte que le fondement juridique du pouvoir politique change au rythme du
changement des hommes, et l'ordre juridique paraît subir les caprices des
saisons. « Des constitutions sont élaborées,
abrogées" et remplacées. » alors même qu'
« elles comportent toutes l'affirmation des mêmes principes au
service d'un même idéal de progrès dans l'ordre et la
liberté. ».12 Il faut convenir avec le Professeur
Atangana Amougou, que de nos jours encore, les révisions
constitutionnelles « participent souvent de la volonté des
gouvernants d'en faire un usage instrumental, généralement
tourné vers un renforcement de leur attributions. Les dernières
révisions constitutionnelles en Afrique s'inscrivent dans cette
logique. »13. Il en résulte que le fonctionnement
de l'institution judiciaire ne donne pas toujours cette belle image de «
dame justice » qui châtie les coupables, acquitte les innocents,
répare les torts, lave l'honneur bafoué des plaignants,
sanctionne l'arbitraire et les injustices. Elle apparaît plutôt
dominée par le pouvoir exécutif et les puissants qui la
manipulent et l'utilisent pour écraser leurs adversaires et
10 Kamto(M) Pouvoirs et droit en Afrique, LGDJ, 1987 ;
voir également, Atangana Amougou (J-L), L'Etat et les
libertés publiques au Cameroun, Essai sur l'évolution des
libertés publiques en droit camerounais. Thèse de droit
Université Jean moulin Lyon 3,1999.
11Nambo (J), « Le droit et ses pratiques au
Gabon », KUYU Camille (éd.), Repenser les Droits africains pour
le XXIème siècle », Yaoundé, Menaibuc, 2001,
pp.89-104.
12Kouassigan (G.A), Quelle est ma loi ?
Tradition et modernisme dans le droit privé de la famille en Afrique
noire francophone, Lyon, Éditions A, Pédone, 1974, p.202.
13 Atangana Amougou (J-L), « Les révisions
constitutionnelles dans le nouveau constitutionalisme africain »,
Politea, n°7, 2005 p.608. ATANGANA AMOUGOU (J-L) «
Rigidité Instabilité constitutionnelle dans le nouveau
constitutionalisme africain», Afrique juridique et politique, Vol
2, n°2, Juil-Dec.2006, pp. 42-87.
les faibles. La dépendance des institutions judiciaires
du pouvoir politique constitue une menace sérieuse pour une meilleure
garantie des libertés individuelles et collectives car c'est le pouvoir
judiciaire qui est gardien des droits et libertés définis par la
Charte et repris par les constitutions. Cela passe nécessairement par la
garantie de l'exécution des décisions de justice.
Sur le plan social et culturel, Le transfert
de l' « État de droit » occidental14 et de la
vision du monde qui le sous-tend démontre pleinement «
l'exogénéité de la justice »15tel
qu'instituée en Afrique. Cela se manifeste par la carence des demandes
en justice comparativement aux violations des droits. Le fossé entre les
offres et les demandes de justice pose problème par sa permanence et son
intensité avec des origines plus profondes tel qu'en témoigne le
Doyen Kamto lorsqu'il observe que « si l'on considère que la
culture des sociétés africaines traditionnelles est
dominée par le souci de préserver la cohésion et
l'harmonie du groupe, c'est-à-dire par les valeurs collectives, alors
que la culture occidentale tourne autour de la préservation des valeurs
individuelles, on peut dire que la coexistence ou la superposition des deux
cultures dans les États africains indépendants renvoie à
une opposition des conceptions de la fonction sociale de la Justice dans ces
pays : opposition entre l'équité et le glaive, entre l'esprit de
la conciliation et l'esprit de combat. »16 La justice
moderne est certes présente. Elle déploie ses mécanismes
et ses méthodes, mais force est de reconnaître qu'elle ne
réussit pas à s'intégrer dans les mentalités et ne
touche finalement qu'une infime partie des populations souvent décrites
comme « occidentalisée ». Certes le règlement à
l'amiable est reconnue et encouragé par la justice moderne. Il y'a
néanmoins une telle crise de la justice moderne au point où le
justiciable préfère subir le préjudice plutôt que de
saisir des juridictions auxquelles il n'a pas confiance au risque du
déni de justice entre autres caractéristiques de la crise de
l'État de
14Du point de vue de l'histoire il y'a lieu de dire
qu'il existe une contradiction fondamentale entre la conception de la justice
dans l'Etat moderne et sa caractérisation au sein des civilisations de
l'Afrique traditionnelle. En Afrique traditionnelle l'administration de la
justice ce fait par le biais de la « juridiction de la parole
» à travers le procédé de la palabre. Il ne
s'agit pas de répartir tort et raison à travers l'application de
normes générales et impersonnelles par une instance tierce et
supérieure, mais de négocier, lors du processus de palabre, un
compromis qui puisse rétablir une harmonie entre toutes les parties
concernées. Il ne s'agit pas de s'en remettre à un tiers, de se
soumettre à la pyramide judiciaire et d'en attendre une solution. La
solution revêt de l'autorité non pas parce qu'elle est
imposée par une autorité légitime, mais parce qu'elle se
dégage dans la négociation entre tous les acteurs
concernés et en vertu d'un idéal partagé par tous, celui
de rétablir l'harmonie sociale troublée. Cet objectif prime
même celui de l'exigence de vérité. Voire Bidima (J-G),
La palabre. Une juridiction de la parole, France, Éditions
Michalon, Col. Le bien commun, 1997, p.8.
15Leroy (E), « Contribution à la
refondation de la politique judiciaire en Afrique francophone à partir
des exemples maliens et centrafricains », afrika Spectrum n°
32, 1997, p.312.
16Kamto (M), « Une justice entre tradition et
modernité », Afrique Contemporaine, 4e trimestre, n°
156 (spécial) 1990, p.58.
droit. Pour Michel Alliot, « des
sociétés africaines, trop réalistes pour admettre les
mythologies européennes, nous donnent une grande leçon. Elles ne
font pas confiance au droit de l'État pour garantir les individus et les
groupes contre l'État : elles tiennent pour illusoire l'image
occidentale du droit de l'État conquis sur l'État par les
individus auquel il assurerait les garanties fondamentales. Elles comptent bien
plus sur les solidarités de groupe, la structure sociale, la
diversité et l'interdépendance des pouvoirs, le droit non
étatique. (...) Le droit n'a point de force par lui-même. Il a
besoin des hommes ».17
Par ailleurs, les justiciables en Afrique sont très
souvent ignorants de leurs droits, et partant, des différents recours
qui leurs sont ouverts.
Que dire du grand nombre de justiciables qui vivent en zones
rurales où des familles sont privées illégalement de leurs
terres et de leurs moyens d'existence sans annonce préalable, sans
compensation ni relogement, où les veuves sont
déshéritées par leur belle famille qui s'approprie les
biens du mari décédé ? L'État africain a le plus
souvent éprouvé de grandes difficultés à garantir
l'existence de mécanismes de justice, et en permettre l'accès.
Pour les rares cas dont les besoins en termes de justice reçoivent
quelque attention, la signification même de la justice est incertaine,
son contenu varie d'une place à l'autre et le rendu de la justice
dépend inévitablement de l'endroit où les justiciables
vivent, de leur réseau de connaissances, de leurs ressources
financières, et de la mesure dont l'autorité de l'État se
fait sentir sur la zone dans laquelle ils se trouvent. Il est possible de dire
que pour la majorité des habitants du continent, le champ assez
limité de l'État africain effectif fait en sorte que la plupart
de leurs besoins en termes de justice sont pris en charge à
l'extérieur des mécanismes judiciaires de l'État.
L'instance y dure très souvent des années avec
des renvois répétés à outrance. Le principe
conventionnel de l'égal accès de tous à la justice se
heurte au coût élevé de la justice qui exclut, de fait,
l'immense majorité des Africains des prétoires parce qu'elle
n'est pas en mesure de faire face aux contraintes financières qu'impose
un procès civil, pénal ou commercial. Ce sentiment de l'injustice
de la justice fige les justiciables dans les positions inflexibles à
l'égard de l'institution qu'ils ont tendance à considérer
comme une structure étrange et étrangère à eux.
Plus graves, les pratiques coutumières l'emportent sur toutes autres
considérations juridiques.
17Alliot (M), « La coutume dans les droits
originellement africains », Bulletin de Liaison du Laboratoire
d'Anthropologie Juridique de Paris, n° 7-8, 1985, p
79-100.
Au moment où l'avènement de la Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples attise l'espoir des gouvernements et
peuples africains, parce que pressentie comme constituant « sans aucun
doute une avancée importante dans le système africain de
protection des droits de l'homme dans la mesure où la Cour assurera un
meilleur respect de la Charte et pourra à terme faire triompher la
démocratie et l'État de droit, »18 il est
judicieux de constater que « des interrogations subsistent, notamment
en matière d'accès des requérants, qui pourraient
hypothéquer le fonctionnement et l'efficacité de la nouvelle
Cour»19. Cette remarque nous paraît essentielle.
Elle invite à relire le système africain de protection des droits
de l'homme dans une perspective d'efficacité et d'effectivité.
Dans cette optique, il y a lieu au premier plan, de faire un bilan critique du
rôle qu'aura joué la Commission africaine dans la mise en oeuvre
des droits de l'homme en Afrique. La fonction de la Commission ne
s'exerçant qu'à l'amont d'un examen du respect de la
règle. L'épuisement des voies de recours internes occupe une
place de choix dans le contentieux africain des droits de l'homme. Elle
constitue d'ailleurs, de l'avis de la Commission, le coeur du contentieux des
droits de l'homme, l'exigence majeure, lorsque la Commission est saisie d'une
communication. En effet, il s'agit d'une condition qui détermine
très souvent fatalement la suite de la requête, et qui se trouve
être la courroie de transmission permettant aux justiciables de passer
des juridictions nationales à la juridiction internationale. Dans le
chantier de la relecture de l'activité de la Commission, une
étude sur la pratique de cette règle telle que
dégagée des interprétations du commissaire africain des
droits de l'homme, se révèle impérative. Elle est d'autant
pertinente en ce que la Commission africaine est appelée à jouer
un rôle déterminant dans la recevabilité des requêtes
devant la Cour africaine, qui suscite toutes sortes de passions. Aussi, en
accord avec Paul Reuter sur le fait que « la construction juridique,
dans son austère édification, mène ceux qui la tentent
dans une voie ou clarté et sérénité doivent faire
reculer les intérêts et les passions »20,
cette recherche dans le système régional africain de protection
des droits de l'homme, se doit d'être clairement
délimitée.
18Atangana Amougou (J-L), « Avancées et
limites du système africain de protection des droits de l'homme : la
naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples »,
Revue de Droits fondamentaux, n°3, janvierdécembre 2003,
pp.175.
19Idem.
20Reuter (P), Plaidoirie devant la CIJ, 17juillet
1952, dans l'affaire Anglo-iranien, oil, compagny (exceptions
préliminaires).
B - DÉLIMITATION DU SUJET
La question de l'épuisement des voies de recours
internes est un aspect d'une problématique encore plus vaste, à
savoir celle des règles de procédure devant les instances
juridictionnelles internationales. Aussi pour une meilleure analyse, il serait
utile de l'appréhender au regard de la pratique en cours et à
partir d'un champ scientifique prédéfini. Il s'agit en effet de
délimiter cette étude dans le temps, l'espace et la
matière au sens scientifique du terme.
Pour ce qui est de la délimitation dans le
temps cette étude analyse la jurisprudence et les
déclarations de la Commission à partir de l'année 1989
date à laquelle elle est saisie des premières communications
à la sixième session ordinaire d'Octobre 1989 jusqu'à la
date de réalisation de la présente étude. Il importe de
préciser que la Commission africaine instituée par l'article 30
de la Charte africaine, est inaugurée à Addis-Abeba le 02
novembre 1987, quelques mois après que ses premiers membres soient
élus par la 23e conférence des Chefs d'État de
l'OUA tenue en juillet 1987.Toutefois, ce n'est qu'après l'inauguration
de son Siège à Banjul que la Commission africaine commence
effectivement son activité c'est-à-dire, le 12 juin 1989.
En ce qui concerne la délimitation
spatiale, le présent travail s'effectuera dans le cadre
régional africain. Le système régional africain de
protection des droits de l'homme, coexiste avec d'autres systèmes
régionaux notamment les systèmes européen et
interaméricain des droits de l'homme. Ces deux derniers systèmes
ne seront convoqués dans la présente étude qu'à
titre comparatif, tant il est vrai qu'ils auront et continuent d'inspirer le
système africain.
Sur le plan matériel, l'étude
est intrinsèquement une étude de la procédure devant une
instance internationale. Deux disciplines de droit international public
serviront ainsi de cadre scientifique. La première est le droit
international des droits de l'homme dont le but est de comprendre la
théorie et la mise en ouvre des droits de l'homme au niveau universel et
régional ainsi que les interactions entre les différents
systèmes de protection des droits de l'homme. La seconde est le droit du
contentieux international entendu comme l'ensemble des normes de fonds et de
procédures, droit qui étudie les questions soulevées par
la justice internationale et gouvernent le règlement juridictionnel de
différends opposant des sujets de droit international. Ce champ
matériel a entre autres caractéristiques la rigueur de sa
terminologie et la précision de ses
termes. Il est indispensable de restituer un sens et un contenu
précis aux concepts et mots clés qui forment
l'énoncé cette réflexion.
B - DÉFINITION DES TERMES OU
CONCEPTS
Pour mieux appréhender le sujet, il importe de
définir certains de ces concepts notamment les termes « condition
» et les expressions « voies de recours internes » «
épuisement des voies de recours internes»,
Littéralement, une « condition » est, en
termes de synonymie, une exigence, une obligation, c'est-à-dire un
pré requis auquel il faut satisfaire au risque de ne pouvoir aller plus
loin dans la procédure. Bien plus, l'édition de 2004 du Petit
Larousse, définit le mot « condition » comme étant
la « situation, l'état général »21.
Le terme « condition » aurait donc un double sens, il traduit soit
une règle sine qua non, soit le sort d'une personne ou d'une chose
matérielle ou théorique.
En droit, le mot est employé pour indiquer les
circonstances juridiques ou matérielles, déterminantes et
nécessaires, préalables à l'exercice d'un droit. Cette
définition ne rend pas compte de la dualité sémantique du
mot. Aussi, lui adjoint-on souvent le qualificatif « juridique » et,
la « condition juridique » renvoie à l'ensemble des
règles relatives à certaines catégories de personnes ou de
choses. Elle englobe à la fois l'état, le statut et la
qualité de la personne ou de la chose. Dans ce sens elle est analogue
à la situation juridique, entendue comme ensemble des
conséquences juridiques qui découlent de la pratique et dont la
somme caractérise la condition de la règle.
Perçue comme telle, la condition de l'épuisement
des voies de recours internes renvoie autant à la règle en tant
que pré requis de principe pour la recevabilité devant la
Commission africaine, qu'à la situation, à l'état
général de cette règle au sens conceptuel. La condition de
l'épuisement des voies de recours internes est donc la définition
de la règle en raison de la somme des interprétations
tirées de la pratique du commissaire africain des droits de l'homme.
C'est cette définition que notre étude retiendra.
21Petit Larousse, édition 2004.
S'agissant de l'expression « voies de recours
internes», il importe préalablement de définir ce que l'on
entend généralement par « recours ». En effet ce terme
est défini par le Petit Larousse 200422, comme
étant l'action de recourir, du moins de courir à nouveau. Plus
loin, le dictionnaire spécifie qu'en droit le mot se
réfère à la procédure permettant d'obtenir un
nouvel examen d'une décision judiciaire. Le recours serait donc une
procédure dont la finalité est l'obtention d'une
réexamination de la requête.
Aux fins de la présente étude, cette
définition présente un défaut majeur ; elle tend à
assimiler le recours à l'acte par lequel il est mis en oeuvre (appel,
opposition, tierce opposition etc.) et fait ainsi abstraction de ce que le
recours est constitutif d'un droit au sens le plus complet du terme.
La signification que donne le Professeur Gerald Cornu,
constitue donc une étape intéressante vers une
définition plus adéquate : « tout droit de critique
ouvert contre un acte, quelque soit la nature de cet acte (décision
administrative ou juridictionnelle etc.), et la qualité de
l'autorité de recours (juridiction ou autorité administrative
etc.) »23. En liant ainsi « recours » et «
droit » il inscrit le terme au répertoire des voies de droit. La
jonction entre le mot « recours » et l'expression « voies de
recours » est ainsi faite, puisque les voies de droit en question,
s'entendent des moyens offerts par la loi aux citoyens pour faire
reconnaître et respecter leurs droits, ou défendre leurs
intérêts, c'est-à-dire simplement des voies de recours. Le
mot « recours » comme le souligne d'ailleurs le Professeur Gerald
Cornu, est synonyme de « voies de recours », même s'il est plus
exact de dire qu'il est synonyme « d'une voie de recours. » A la
vérité, si « une voie de recours » est un moyen ou une
procédure permettant de reconsidérer une décision prise
par une autorité public ou privée, administrative ou
juridictionnelle, les « voies de recours », comme le précise
l'auteur précité, « englobe (...) toutes les voies de
recours ou l'ensemble de ses voies, à l'exception du pourvoi en
cassation. ». L'auteur entend par voies de recours « les
moyens juridictionnels, tendant à la fois à la reformation,
à la rétraction ou la cassation d'une décision de
justice. »24 Il s'agit en effet, de « l'ensemble
des procédures destinées à permettre un nouvel examen de
la cause. Soit que la procédure ait été
irrégulièrement suivie, soit que le juge n'ait pas tenu compte
d'un élément de fait présenté par la partie, soit
que le jugement n'ait pas été motivé
22Ibidem
23Cornu (G), Vocabulaire juridique,
Association Henri Capitan, 4e Edition, PUF, Quadrige, mai 2002,
p.743-745. 24Ibid, p. 935.
ou ait été insuffisamment motivé,
soit qu'il contienne une erreur de droit
».25Appréhender ainsi, l'expression « voies de
recours » est nécessairement une notion qui s'applique à un
ordre juridique spécifique pris dans sa globalité. S'il est vrai
qu'elle peut renvoyer à l'ordre juridique international, il reste tout
aussi vrai que l'expression est fréquemment utilisée par
référence à un ordre interne ; d'où l'adjectif
interne qu'on lui adjoint. Les « voies de recours internes » sont
donc, l'ensemble des moyens juridictionnels prévues par la
législation d'un État, en vue de permettre un nouvel examen de la
cause. Cette définition est celle qui est retenue à l'occasion de
cette étude26.
Cette définition permet de comprendre l'expression,
« épuisement des voies de recours internes ». En effet cette
expression traduit une règle de droit international commune au
contentieux des réclamations internationales. Si épuiser est dans
ce contexte synonyme d'achever, de terminer et de finir, l'épuisement
est forcement, soit le processus qui traduit l'action par laquelle l'on est
entrain de finir, soit l'état de ce qui est terminé.
L'épuisement des voies de recours internes ne peut alors signifier que
l'utilisation de toutes les procédures
25 Braudo (S), Dictionnaire du droit privé,
disponible sur le site
www.dictionnairejuridique.com
26 Mais alors, s'il est vrai qu'aucune analyse approfondie ne
peut se faire sur la question de l'épuisement des voies de recours
internes, en faisant l'impasse sur la typologie des recours à
épuiser, il importe de dire que les auteurs s'accordent difficilement
sur les critères de distinction et la pertinence de l'action en recours.
Tel est en tout cas ce qui ressort au regard des développements de
Gérard Cornu, qui en ne retenant que les recours juridictionnels, qui
plus est à l'exception du pourvoi, s'écarte de la position
défendue par Messieurs Valère Eteka Yemet et Fatsah
Ouguergouz.Pour le premier, le terme « recours » dans le contexte de
la Charte africaine « désigne toute démarche
auprès d'une autorité compétente : il renferme donc aussi
bien les recours administratifs que juridictionnels, ordinaires
qu'extraordinaires.» (Voir, Eteka Yemet (V), La
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Étude
comparative, Harmattan, Paris, 1996, p.308.) Il est
d'avis que ce n'est pas la nature du différend qui détermine les
types de recours à épuiser, mais plutôt la nature de la
revendication dont le recours fait l'objet. Ainsi, il est tenu de respecter
uniquement « les recours susceptibles d'apporter une solution à
la revendication d'un droit et non ceux qui ont pour objet l'obtention d'une
faveur. »( Eteka Yemet, p308). M. Ouguergouz est du même avis
quand il affirme « l'épuisement des recours internes doit
être apprécié sans qu'il y ait lieu de distinguer entre
recours ordinaires et recours extraordinaires, recours juridictionnels et
recours administratifs ; la seule exigence en la matière, est que le
plaideur ait exploité tous les moyens et voies juridiques
adéquates et `efficaces' mis à sa disposition par le
système juridictionnel et procédural de l'Etat mis en cause
»( Fatsah Ouguergouz, La Charte la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples: Une approche juridique des droits de l'homme entre
tradition et modernité, Paris, PUF, 1993, p.325.) . Cette
controverse marquée par le silence des textes nous autorise à
convoquer la « jurisprudence de la Commission africaine » comme
arbitre et c'est ce qui se fera dans le cadre de cette étude.
Parallèlement la traduction anglaise parle de « locals remedies
». La notion anglaise de « remedies » couvre deux aspects. Le
premier est procédural et le second substantiel. Au sens
procédural les « remedies » renvoient aux différentes
voies de droits offertes à la victime de la violation d'un droit. Ils
s'assimilent au droit à un recours et englobe ainsi le recours en appel,
le recours en opposition, le recours en cassation etc. Au sens substantiel les
« remedies » se rapportent à l'issue de la procédure et
la solution accordée au plaignant. Dans ce sens ils sont synonymes de
droit à la réparation et correspondent au recours en
réparation, recours en annulation. La réparation est l'essence
même du mot recours elle traduit les diverses voies par lesquelles
l'État, auteur d'une violation du droit international redresse la
violation alléguée. La réparation couvre aussi bien
l'aspect procédural que substantif d'un recours.
disponibles dans un pays pour protéger ses droits. Il
s'agit de mettre en oeuvre et ce de manière exhaustive tous les moyens
juridictionnels prévus par la législation nationale. Les recours
sont réputés épuiser lorsque la cause a fait l'objet d'un
jugement définitif, c'est-à-dire obtenu valeur de la chose
jugée. En effet, lorsque après un jugement en première
instance, une des parties exerce son droit d'appel, la cause reste "pendante"
devant la Cour d'appel et l' autorité qui s'attache au jugement encore
appelée " force de chose jugée ", est conservée
jusqu'à ce que la juridiction du second degré ait statué.
Si le jugement de première instance est infirmé, ou s'il est
seulement réformé, l'autorité de la chose jugée
s'attache alors à la nouvelle décision. Si le jugement de
première instance est confirmé, l'autorité de la chose
jugée continue à s'appliquer. Après sa signification
l'arrêt de la Cour d'appel, devient exécutoire. Ce principe qui
pose le principe hiérarchique réglant les rapports des tribunaux,
interdit, sauf s'il s'agit d'une juridiction supérieure saisie d'un
recours légal (opposition, appel ou pourvoi en cassation), de revenir
sur les dispositions d'une décision précédente devenue
définitive. Il impose, sous certaines conditions, au second tribunal
devant lequel l'exception est soulevée, de tenir compte du contenu de la
ou des décisions définitives déjà prononcées
par un autre tribunal d'un même Ordre (juridictions civiles entre elles,
juridictions pénales entre elles). L'autorité de la chose
jugée agit à l'égard des parties, dans son double effet
positif et négatif : elle constitue une présomption de
vérité d'une part et d'irrecevabilité de la nouvelle
demande d'autre part à la condition, d'une triple identité de
parties, d'objet et de cause. Ces conditions sont cumulatives.
L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux décisions
définitives, à l'égard de ce qui a fait l'objet du
jugement et ce qui a été tranché dans le jugement ou l'
arrêt27, et encore à la condition que la juridiction
ait jugé au fond et non sur un incident de procédure. Cette
irrecevabilité devant les juridictions de l'ordre interne, justifie que
de manière exceptionnelle et suivant les prescriptions conventionnelles,
ladite demande fasse l'objet d'un examen au fond devant une instance
internationale.
Il faut retenir qu'aux fins de cette étude,
l'épuisement des voies de recours internes s'entend de la règle
de droit international, suivant laquelle la réclamation internationale
ne peut être déclarée recevable, qu'à la triple
condition qu'elle ait fait l'objet d'une procédure devant les
juridictions internes, que toutes les degrés de juridiction de l'ordre
juridictionnelle concerné aient été saisies de la
procédure, et qu'a l'issue de cette procédure, il y'ait eu un
jugement définitif.
272e Civ., 10 juillet 2003, Bull., II, n°237, p.
197, 1ère CIV. ; arrêt du 22 novembre 2005, BICC 1er mars 2006
n°358 ; 17 janvier 2006. BICC n°638 du 15 avril 2006
D - INTÉRÊT DU SUJET
Comme le relève le Professeur Alain Didier Olinga :
« il est difficile de ne pas être redondant, voire ennuyeux, au
sujet de la Charte Africaine des Droits de l'homme et des Peuples, ou plus
globalement, du régionalisme africain en matières de droits
fondamentaux »28. L'auteur souligne la grande production
doctrinale qui traite de la question et finit par conclure qu'il y a une
nécessité d'un « renouvellement de problématique
», d'un « réajustement focale de l'approche
».29 Cette posture à laquelle nous adhérons,
transcende la redondance d'une certaine doctrine qui s'est limitée
à une description ondoyante du paysage normatif et institutionnel de la
protection des droits de l'homme en Afrique, sans véritablement en
questionner l'applicabilité et l'application. Il est question d'admettre
qu'il ne suffit pas de passer de l'idéal au droit, mais qu'il faut
encore passer du droit à la réalité. Aussi, aborder la
question de l'épuisement des voies de recours internes c'est toucher le
coeur même du contentieux des droits de l'homme car tout ou presque est
conditionné par elle. La question revêt donc un
intérêt à la fois scientifique et social.
Au plan scientifique, le présent
travail permettra de voir comment la Commission africaine des droits de l'homme
participe à réconcilier le justiciable africain avec sa
juridiction nationale, en contribuant à la conciliation entre la
souveraineté et les droits de l'homme. De plus, il concourt à
mieux appréhender l'articulation, dans le cadre africain, entre
l'interne et l'international. Il s'intègre dans les «chantiers
prioritaires de la recherche africaine à venir en matière de
droits de l'homme. »30. Sous un certain angle, la
dimension comparative de ce travail apportera plus de visibilité sur
l'homogénéité de la pratique internationale en
matière de droits de l'homme. A terme, l'étude est une
contribution à la formation d'une « théorie
générale de la condition de l'épuisement des voies de
recours internes devant les juridictions régionales de droits de
l'homme ».31 Elle participera dans ce sens, à
dégager l'évolution qu'a connu la règle de
l'épuisement des voies de recours internes comme préalable devant
les instances régionales des droits de l'homme, à travers les
interprétations du commissaire africain des droits de l'homme.
28Olinga (A.D), « L'effectivité de la
charte africaine des droits de l'homme et des peuples», Revue
Afrique 2000, avril-octobre, n°227-228, pp. 171
29Ibid, p.172.
30Olinga (A.D), op cit, p.168.
31Ghazi Gheraïri, « Aspect de la
procédure devant les juridictions relatives aux droits de l'homme
»in Justice et
juridictions internationale s, Actes du Colloque de
Tunis, 13-15 avril 2000, Paris, Pédone, p. 204.
C'est en réalité l'apport de la pratique
africaine des droits de l'homme, dans la théorisation d'une règle
commune à différents systèmes de protection des droits de
l'homme.
Au plan social, cette étude est une
modeste participation à l'enracinement d'une culture des droits de
l'homme en Afrique. En réalité, la justice et le droit, tiennent
une place croissante dans la régulation des rapports sociaux en Afrique.
Elle contribuera donc à la juridiciarisation de la société
africaine. On parle de « juridiciarisation de la société
», au sens où la propension « à entamer un litige,
à faire valoir des prétentions ou plus généralement
à affirmer ses droits, à travers un recours accru aux tribunaux
»32. L'étude fournira des informations relatives
à la procédure devant la Commission. Elle pourra ainsi être
utile aux auteurs des communications pour mieux se prémunir pour le test
de la recevabilité, étape `'périlleuse» de la
garantie juridictionnelle des droits par l'organe de Banjul. En effet, la
complexité des règles en la matière et une certaine
méconnaissance de la procédure devant la Commission font qu'un
grand nombre des communications sont déclarés irrecevables alors
que certaines d'entre elles auraient pu donner lieu à des
décisions sur des problèmes de fond importants. Cette
contribution permettra donc de faciliter la compréhension des
modalités de mise en oeuvre des requêtes que les justiciables
déposent lorsqu'ils se prévalent, dans un cas particulier, d'une
atteinte aux principes posés par la Charte et ratifiés par les
États.
E- PROBLÉMATIQUE
Il ressort de la doctrine33 que la question de
l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission
africaine des droits de l'homme reste sinon actuelle, au moins pertinente pour
la recherche. Il convient cependant, de relever que les analyses portent
très souvent sur des thématiques parfois plus vaste ou simplement
connexe à celle de l'épuisement des recours internes. Si la
pluparts se préoccupent de l'attitude que la Commission adopte dans la
pratique de la règle34, elles suggèrent de s'y
intéresser de prés.
32 Arnaud (A-J), Dictionnaire encyclopédique de
théorie et de sociologie du droit, LGDJ, Paris, 1988, p.487.
33 Eteka Yemet (V), La charte africaine des Droits de
l'Homme et des peuples : Étude comparative, Harmattan, Paris, 1996,
477 p ; Fatsah Ouguergouz, La Charte la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples: Une approche juridique des droits de l'homme entre
tradition et modernité, Paris, PUF, 1993, 393 p.
34 Olinga (A.D), « L'effectivité de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples », op cit, pp.177
; Olinga (A.D), « L'Afrique face à la « globalisation
» des techniques de protection des droits fondamentaux »,
Revue
.
Dès lors, la question principale se poserait en ces
termes : Comment la Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples appréhende et applique la règle de l'épuisement
des voies de recours internes ?
F - HYPOTHÈSE DE RECHERCHE
Cette question s'inscrit dans la logique des acquis de la
protection des droits de l'homme en Afrique au cours de ces deux
dernières décennies
L'hypothèse que pose cette étude consiste
à dire que la jurisprudence de la Commission africaine laisse
percevoir une conception foncièrement finaliste et une application
intrinsèquement in situ de la règle. C'est dire
que la Commission appréhende et applique la règle de
l'épuisement des voies de recours internes suivant deux aspects à
la fois différencié enchevêtré et en tout point de
vue convergents : un aspect fonctionnel, et un aspect matériel. Le
premier, elle le tient des éléments d'emprunt. Le
second, est le fruit d'une construction propre quis'appuie sur les
règles du droit international général et du droit
international des droits de
l'homme. Autrement dit, à travers la jurisprudence de
la Commission, l'épuisement des voies de recours internes a reçu
une définition fonctionnelle et matérielle. Cette
hypothèse sera vérifiée en suivant une méthodologie
bien définie.
G - DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE.
La recherche en droit comme dans toute autre science est
intimement liée à la méthode, laquelle requiert des
procédés pratiques ou techniques d'investigation.
La méthode
La méthode peut être entendue de façon
concrète de «la manière d'envisager ou d'organiser la
recherche, mais ceci de façon plus ou moins impérative, plus ou
moins précise, complète et
camerounaise des relations internationales, IRIC,
2000, pp.145-169 ;Olinga (A.D), « Le contentieux camerounais devant le
comité de droits de l'homme et la commission africain de Banjul
», in Intégrité physique et dignité humaine,
Cahiers africains des droits de l'homme, n°1, août 2001,
pp. 115-135.
systématique ».35Cependant
comme le souligne le professeur Maurice Kamto, en droit international : «
le raisonnement juridique est structuré autour du respect ou du non
respect d'une norme juridique, que celle-ci exprime une obligation subjective
ou une obligation objective. »36 Cette assertion rend bien
compte de la typologie du raisonnement en droit, qui, comme aime à le
précise le Professeur Bernard Raymond Guimdo : « ne sont que
des conjonctions et des transpositions spécifiques des formes
générales de raisonnement »37. Pour ce
faire, le juriste doit recourir à un ensemble d'instruments rationnels,
et mobiliser un certain nombre de ressources juridiques et des faits. Le
juriste quoique tenu de respecter le droit positif, ne doit aucunement se
déconnecter de la réalité. C'est dans cette logique qu'il
faut comprendre le Professeur Kamto lorsqu'il affirme qu' « en droit
international la pratique est aussi importante que la règle de
droit »38.
Ces considérations rendent compte de la méthode
juridique qui constitue la méthode principale par laquelle ce travail
sera conduit. Il s'agit concrètement de recourir à
l'exégèse en analysant d'une par la doctrine et d'autre part la
jurisprudence. Cette dernière variante de la méthode juridique
sera d'autant plus usité que nous sommes d'avis avec les Professeurs
Jean-Marie Auby et Roland Drago que : « l'étude des recours
s'intègre au contentieux » 39non seulement par ce
qu'il en est la meilleure illustration mais aussi parce que les liens entre la
règle de fond et la règle de procédure sont intimement
mêlés en raison de l'importance de la jurisprudence. La
présente étude étant une étude dans le contentieux
africain des droits de l'homme, elle est donc principalement une analyse, un
commentaire des décisions de la Commission africaine.
La technique d'investigation
S'agissant de la technique, la recherche se fera à travers
la technique documentaire qui implique inéluctablement la collecte des
décisions de la Commission africaine.
35Grawitz (M), Méthodes en Sciences Sociales,
Paris, Dalloz, 2001, p. 301.
36Kamto (M), Tcheuwa (J.C) et Mouangue Kobila (J),
Manuel de méthodologie et d'exercices corrigés en droit
international public, CEDIC, Yaoundé 2004, p.13
37Guimdo (B.R), Cours de Théorie
générale du droit, DEA droit public interne,
Université de Yaoundé II, 2007- 2008, (inédit)
38Kamto (M), Tcheuwa (J.C) et Mouangue Kobila (J).
Op.cit., p. 13.
39Auby (J-M) et Drago (R), Traite des recours en
matière administrative, Lilec, Paris, p.1.
H - ARTICULATION ET JUSTIFICATION DU PLAN
L'interprétation et l'application de la règle
par la Commission suggèrent une approche en deux parties. Non pas qu'il
faille distinguer le moment de l'interprétation de celui de
l'application car il n'existe pas de frontière étanche entre
l'interprétation et l'application. En effet s'il est évident que
la Commission africaine énonce certaines considérations avant de
mettre la règle en oeuvre, il reste tout aussi évident que cette
mise oeuvre pourrait comme cela est fréquemment le cas trahir une
interprétation implicite de la règle. Cette conjonction entre
l'interprétation et l'application de la règle rend difficile une
distinction entre l'activitée interprétative et la mise en oeuvre
proprement dite. De plus, ces deux moments de la mise en oeuvre se recoupent et
s'entremêlent en raison des logiques par lesquelles ils sont
menés. Suivant celles-ci, la Commission africaine interprète la
règle à la lumière de son devoir de protéger les
droits de l'homme et des peuples tel que stipulés par la Charte. Elle
l'applique cependant en tenant compte des particularités de chaque
communication. D'une part l'interprétation téléologique,
c'est-à-dire finaliste aboutit à une variabilité de
l'appréhension suivant les cas examinés. La Commission africaine
donne à la règle le sens qui permet le mieux la protection des
droits de l'homme dans la circonstance considérée. D'autre part
l'application in situ se manifeste par une inconstance des solutions.
La Commission africaine décide d'appliquer ou de ne pas appliquer la
règle suivant que celle-ci permet ou ne permet pas une meilleure
protection des droits de l'homme dans la circonstance particulière de la
communication examinée. Il n'est alors pas surprenant qu'on retrouve des
interprétations ou des solutions différentes pour des
communications fondées sur des faits similaires.40
Néanmoins il est possible de tirer des éléments de
constance de cette jurisprudence arc-en-ciel. Ceux-ci émergent
dès lors qu'on jette un regard sur la règle pour en souligner la
substance. En passant en revue la jurisprudence de ces deux dernières
décennies, on arrive à constater que deux arguments communs
à toutes les espèces imprègnent l'interprétation et
l'application de la règle.
Le premier ressort du fait que la Commission réaffirme
toujours les fondements, la finalité ou les fonctions de cette
règle telles que reconnues par le droit international. La Commission
prend ainsi en compte la définition fonctionnelle élaborée
en droit international laquelle vise à
40Comparé les faits de la Com 219/98,Legal
Defence Center c. Gambie à ceux des Com93/93,International Pen
c. Ghana et com.147/95,149/96, Sir Dawada K. Jawara c. Gambie.
assurer la primauté du règlement national et la
subsidiarité du règlement international (PREMIERE
PARTIE).
Le second se dégage au cours de la recherche de la
preuve de l'épuisement des recours internes. Au cours de cette
étape, la Commission rappelle constamment les critères formels et
substantiels qui conditionnent l'application du principe d'épuiser les
recours internes. A défaut de ceux-ci, elle procède à une
application extensive des exceptions en raison du contexte de la protection des
droits fondamentaux. L'affirmation et le respect de cette définition
matérielle sont un axe essentiel de l'interprétation et de
l'application de la règle (SECONDE PARTIE).
LA REAFFIRMATION D'UNE DEFINITION
FONCTIONNELLE DE LA REGLE.
PREMIERE PARTIE:
A travers sa riche jurisprudence, la Commission Africaine a
réaffirmé de manière décisive et
irréfutable, les fonctions du préalable d'épuisement des
recours internes aux fins de justifier son opportunité dans la
procédure devant elle. Dans cette optique la Commission a repris les
justifications communes à l'ensemble des mécanismes de protection
des droits de l'homme. Ainsi a-t-elle reconnu que : «
L'épuisement des voies de recours locales est un principe de droit
international permettant aux États de résoudre leurs
problèmes internes conformément à leurs propres
procédures constitutionnelles avant que ne soient invoqués les
mécanismes internationaux reconnus. L'État concerné peut
donc avoir une opportunité de réparer le tort causé dans
le cadre de son propre ordre juridique. Il s'agit d'une règle bien
établie de droit international qui veut, qu'avant l'instauration de
procédures internationales, les diverses voies de recours offertes par
l'État aient été épuisées
»41. Elle s'est ainsi référée au fondement
de la règle en droit international. Ce fondement est celui du principe
de la subsidiarité des organes internationaux de protection des droits
de l'homme. A cet effet, les Professeurs PETTITI et DECAUX affirment que :
« le fondement le plus général réside dans le
principe de subsidiarité qui veut que les procédures les plus
graves, les plus solennelles, celles qui se déroulent devant les
instances les plus éloignées ou les plus élevées ne
soient entreprises que si les plus simples les plus immédiatement
offertes ne parviennent à rétablir le droit.
»42. En prenant en compte ce fondement dans sa pratique de
la règle, la Commission appréhende et applique l'art 56 (5) dans
le respect d'une véritable définition fonctionnelle. Celle-ci a
largement été élaborée par le droit international
général. En vertu des articles 60 et 61 de la Charte, la
Commission a pris acte de cette définition qu'elle a consacrée
dans sa jurisprudence. Consubstantielle au principe de subsidiarité,
cette définition fonctionnelle traduit la double finalité de la
norme : à savoir d'une part garantir la primauté du
règlement interne en matière des droits de l'homme
(Chapitre I) et d'autre part assurer que le règlement
international reste d'un recours subsidiaire (Chapitre I)
41Com.275/200, Article 19/État
d'Érythrée, voire aussi, Com. 263/02, Section Kenyane de
la Commission Internationale de Juristes, Law Society of Kenya, Kituo Cha
Sheria c. Kenya ; « La règle imposant l'épuisement des voies
de recours internes a été appliquée par les organes
internationaux chargés de l'application des traités et elle est
basée sur le principe qui veut que l'Etat défendeur doit d'abord
avoir l'opportunité de redresser, par ses propres moyens et dans le
cadre de son propre système judiciaire interne, les torts
supposés être causés aux individus »
42Pettiti (L-E), Decaux (E), Imbert (P-H), La
convention européenne des droits de l'homme commentaire article par
article (dir) Louis-Edmond Pettiti, Economica ,2e
édition, p.591.
CHAPITRE I : LA GARANTIE DU PRINCIPE DE
LA PRIMAUTÉ DE LA PROTECTION NATIONALE DES DROITS DE
L'HOMME.
L'ordre national est la pierre angulaire de la protection des
droits de l'homme. C`est la nature des droits qui explique ce fait puisque les
droits et devoirs consacrés par la Charte Africaine créent des
obligations qui ne jouent pas directement entre États, mais entre les
États et leurs sujets de droit étant donné que ces droits
sont des prérogatives attachées à la personne humaine. La
Commission a souligné que « Les droits de la personne
considèrent comme d'une importance suprême qu'une
personne dont les droits ont été violés puisse s'adresser
à des recours internes pour corriger le tort au lieu de porter la
question devant un tribunal international ».43 C'est
pourquoi elle a constamment rappelle que :« La condition
d'épuisement des voies de recours internes est fondée sur le
principe qu'un gouvernement doit être informé des violations des
droits de l'homme afin d'avoir l'opportunité d'y remédier avant
qu'il ne soit appelé devant un organe international
».44En reconnaissant qu'il faut nécessairement donner
à l'État mis en cause l'opportunité de redresser par
lui-même la violation alléguée la Commission consacre de
manière implicite deux autres principes qui relaient le principe de
subsidiarité et servent de fondements immédiats à la
règle. Il s'agit du principe de souveraineté (Section I)
et celui de la prépondérance de la Charte dans l'ordre
interne des États qui assure l'effectivité des droits dans cet
ordre et prescrit la sanction nationale prioritaire45.
(Section II).
SECTION I : UNE CONSÉCRATION TACITE DU PRINCIPE
DE LA SOUVERAINETÉ DES ÉTATS
Sans nécessairement employer le terme souveraineté,
la Commission semble d'avis avec la doctrine et la pratique internationale que
la règle de l'épuisement des voies de recours tend à
43 Com 299/2005 Anuak Justice Council / Ethiopie
44Com. 27/89, 46/90, 49/91, 99/93 Organisation
Mondiale contre la Torture et l'Association Internationale de Juristes
Démocrates, Commission Internationales de Juristes (CIJ), Organisation
Mondiale contre la Torture, Union Interafricaine des Droits de
l'Homme/Rwanda
45Pettiti (L E), Decaux (E), Imbert (P-H), op cit,
p.592
ménager la souveraineté des États. Cette
consécration de la souveraineté des États par la
Commission a consisté à reconnaitre avec l'ensemble des
juridictions internationales, et à travers la volonté de donner
d'abord à l'État l'opportunité de redresser les tors
allégués, le principe fondateur qu'est la souveraineté
(Paragraphe I). Toutefois la Commission a concomitamment
reconnue que la règle de l'épuisement des recours internes
permettait de restreindre la mise en jeu de la responsabilité des
États (Paragraphe II).
Paragraphe I : Le respect de la juridiction souveraine des
États.
La commission affirme clairement que la règle de
l'épuisement des recours internes a pour justification de permettre
à l'État qui a violé les droits de l'homme «
d'avoir l'opportunitéde pouvoir les redresser
».46. Cette volonté de rendre la sanction
nationale prioritaire tient des
considérations relatives à la
souveraineté des États. Celles-ci ont été
développées en droit international coutumier (A)
et le principe à été consacré par les
autres instruments internationaux des droits de l'homme (B)
auxquelles la jurisprudence de la Commission fait largement
référence
A - La référence aux fonctions de la
règle en droit international général
L'art 97(c) dispose que « La Commission n'examine une
communication que dans la mesure où : La Commission s'est assurée
que tous les recours internes disponibles ont été utilisés
et épuisés, conformément aux principes de droit
international généralement reconnus ». Pour la
Commission, l'épuisement des voies de recours internes est un «
principe adopté par la Charte Africaine comme par le droit coutumier
international ».47Le préalable d'épuiser les
recours internes a en effet, d'abord été développé
en droit des gens. Cette règle, bien ancrée dans le contentieux
international fait désormais partie des règles
coutumières48. Certes, il est difficile de dire au regard du
phénomène de la conventionalisation du droit coutumier et celui
de la coutumièrisation du droit conventionnel si c'est la grande
référence à cette règle dans les traités
46Com 54/91, 61/91, 98/93, 164-196/97 et 210/98,
Malawi African Association, Amnesty International, Mme Sarr Diop, Union
Interafricaine des Droits de l'Homme et Rencontre Africaine des Droits de
l-Homme, Collectif des Veuves et Ayants Droit et Association Mauritanienne des
Droits de l'Homme c. Mauritanie, 13eme Rapport d'activité.
47Com 249/2002 Institut pour les Droits Humains et
le Développement en Afrique pour le compte des Réfugiés
Sierra-léonais en Guinée / République de
Guinée
48 Affaire de l'Hinterland Hinterland (Suisse. c.
États-Unis), Exceptions préliminaires, CIJ 27 Mars 1959, REC
CIJ 1959, p.27.
qui a conduit à sa reconnaissance en droit coutumier ou
si la reconnaissance conventionnelle n'a fait que suivre une règle
coutumière bien établie. En droit international
général, deux régimes permettent de rendre compte de cette
consécration. Il s'agit d'une part de l'arbitrage international
et d'autre part du mécanisme de la protection
diplomatique (2). Il importe néanmoins pour mieux
comprendre les principes que la règle vise à garantir, de
présenter brièvement la notion de souveraineté qui en est
le fondement. (1)
1 - Le principe de souveraineté en droit
international général
Selon Carré de Malberg, la souveraineté est une
notion française à l'origine qui apparaît au moyen
âge « où elle a d'abord eu un simple rôle
comparatif et servait à désigner le caractère d'une
autorité qui est supérieure à une autre pour se
spécifier dès le XVIème siècle dans un
rôle superlatif où elle ne servait plus qu'à
désigner le caractère d'une autorité qui ne relève
d'aucune autre et n'admet aucune puissance supérieure
».49 Elle apparaît ainsi comme une construction
théorique qui sert à affranchir le roi de l'omnipotence divine,
c'est-à-dire, à substituer à la souveraineté de
Dieu celle du suzerain.50 Devenue au fil des ans un concept
juridique autonome, elle se traduit par ces deux aspects que sont une
supériorité absolue au-dedans et une indépendance
complète au dehors.
Dans son premier aspect, il s'agit de la possibilité
qu'à l'État souverain d'imposer sa volonté à
l'intérieur de son territoire, non seulement aux individus, mais
à tout groupement publique et ou privé. La souveraineté
interne est un « pouvoir de droit originaire et suprême »
(Jules Laferière). Envisagée sous l'angle de la compétence
étatique, elle se résumerait à l'exclusivité de la
compétence, l'autonomie de la compétence, et la plénitude
de la compétence. C'est au nom de ce pouvoir supérieur et
originaire que l'État déciderait lui-même de sa propre
organisation. La souveraineté assoit l'autorité de l'État,
se définissant comme les attributs essentiels de l'État, qui lui
permettent d'influer directement les politiques sociales, économiques et
culturelles d'un groupe identifier de citoyens.
Il appartient donc à l'État de définir le
régime des libertés publiques qui s'applique sur son territoire
et à sa population. La souveraineté interne implique donc
qu'aucune autre autorité ne peut jouir et exercer quelques
compétences que ce soit sur le territoire de l'État souverain.
Elle
49Benyekhlef (K), « internet : un reflet de la
concurrence des souverainetés », lex electronica, vol 8,
n° 1 automne 2002, p.6.
50Ibidem, p.7
implique l'exclusivité de juridiction, postulat qui
s'applique à tout État. Cette souveraineté absolue
au-dedans est complétée par une indépendance totale au
dehors.
Le second aspect quant à lui, part de la doctrine que
la prééminence du pouvoir étatique se traduit par
l'absence de toute sujétion à l'égard d'autres
États ou de toute autre autorité. La souveraineté externe
est donc la liberté qu'a l'État d'agir sans contrainte
extérieure. C'est ce que consacrer l'article 2 de la Charte des Nations
Unies qui reconnaît un principe d'égalité souveraine entre
États. L'État, n'est pas soumis à un droit
Extérieur à lui-même. La paix de Westphalie aura ainsi
constitué la naissance d'un ordre international fondé sur la
pluralité d'États indépendants qui ne connaissent aucune
autorité supérieure à eux. L'Assemblée
Générale des Nations Unies condamne depuis 1965 les atteintes
à la souveraineté de l'État à travers sa «
déclaration pour l'inadmissibilité de l'intervention dans les
affaires intérieures des États et la protection de leur
indépendance et de leur souveraineté. » Celle-ci proclame
Qu'« aucun État n'a le droit d'intervenir directement ou
indirectement pour quelques raisons que ce soit dans les affaires
intérieures ou extérieures d'un autre État
»51. Ainsi pour qu'un État intervienne dans une affaire
qui relève de la compétence première des juridictions d'un
autre État, il est nécessaire que cette intervention soit
antérieure à l'épuisement des recours internes.
Certes, la souveraineté n'est pas une donnée
figée, inaltérable et transcendante. Elle est simplement un
concept médiateur du pouvoir et de la force. Des ses origines, la notion
s'est transformée pour passer du ciel à la terre, et aujourd'hui
encore, le concept est en pleine mutation, puisque les États
reconnaissent en même temps les limites imposées par le droit
international.
2 - Le rôle de la règle dans la pratique
de l'arbitrage international et de la protection diplomatique.
La pratique de l'arbitrage internationale et celle de la
protection diplomatique suffisent à démontrer que la règle
est un principe bien établi de droit international ayant une
justification certaine.
Pour ce qui est de l'arbitrage international, l'article 37 de
la Convention de la Haye du 18 octobre 1907 pose clairement que, «
l'arbitrage international a pour objet le règlement des
51Résolution 2131 (XX) AG /NU
litiges entre les États par des juges de leur choix
et sur la base du respect du droit. » La pratique de l'arbitrage
international52 a prospéré dans le domaine des
investissements étrangers53.
Dans les cas de règlement des litiges entre deux
États ou un État et un particulier, investisseur étranger,
l'épuisement des recours internes est de règle. Il permet de
réduire la portée du contentieux des investissements
étrangers. C'est une application directe de la doctrine Calvo (1865)
dont les postulats sont les suivants : les étrangers ne peuvent pas
revendiquer du pays d'accueil plus de droits que les nationaux,
spécialement en ce qui concerne la liquidation des dommages subis ; en
conséquence, le pays d'origine ne peut pas intervenir dans ce sens en
faveur de son citoyen ; au contraire, les étrangers restent soumis
exclusivement au droit matériel et à la juridiction de
l'État d'accueil.54 Ce n'est qu'après avoir
épuisé les recours internes qu'ils peuvent évoquer la
protection diplomatique de leur État.
Concernant la protection diplomatique55, le projet
d'articles sur la protection diplomatique bien que n'étant pas
rentré dans le droit positif, joue un rôle normatif incontestable.
Élaboré par la Commission de droit international sous les
auspices des Nations Unies, il sert de référence à plus de
150 États parties à la Charte des Nations Unies. En son article
14, il est explicitement reconnu que « l'État de la
nationalité ne peut formuler une réclamation internationale
à raison d'un préjudice causé à une personne ayant
sa nationalité ou une autre personne visée dans l'article 8 avant
que la personne lésée ait sous réserve de l'article 16
épuisé
52L'arbitrage international repose avant tout sur
le consentement et la confiance des parties. L'arbitrage est le plus souvent
rendu par un organe ad hoc établis pour le règlement d'un litige
généralement pour une durée indéterminée.
Les parties peuvent néanmoins, ce qui est très rare, confier
l'arbitrage à un organe permanant qui a d'autres compétences.
C'est l'exemple du traité de paix de 1947 qui charge l'Assemblée
Générale des Nations Unies comme arbitre pour fixer le sort des
colonies italiennes. L'organe ad hoc d'arbitrage peut avoir la forme juridique
d'un arbitrage unipersonnel ou d'un arbitrage collégial par commission
ou par tribunal
53 La plupart des conventions bilatérales
d'investissement exige l'épuisement des voies de recours internes dans
un délai précis, celui-ci varie de trois mois à deux ans
et plus. A titre d'exemple, la convention sur le règlement des
différends relatifs aux investissements entre États et
ressortissants d'autres États, prescrit que si les parties s'accordent
à soumettre le litige au CIRDI (Centre International pour le
Règlement des Différends relatifs aux Investissements),
l'étranger doit préalablement épuiser les recours
internes, à moins qu'une disposition particulière en dispose
autrement. (Convention CIRDI art 26, 18 mars 1965). Les parties peuvent
s'accorder à écarter cette exigence avant la saisine du tribunal
arbitral.
54Calvo (C), Le droit international
théorique et pratique, vol II, 5eme édition, Paris 1896,
p.348-349, voir également Shea(D), The Calvo Clause : A problem of
Inter-American and International Law, Minneapolis 1955, p.16-20.
55 L'article 1er du projet d'articles sur la
protection diplomatique définit la protection diplomatique comme
consistant
dans « le recours à une action diplomatique ou
à d'autre moyens de règlement pacifique par un État qui
prend fait et cause en son nom propre pour l'une des personnes ayant sa
nationalité en raison d'un préjudice subit par cette
dernière, découlant d'un fait internationalement illicite d'un
autre État ». Ce faisant, l'État exerce son droit de
s'assurer par la personne des ses sujets le respect du droit international
public. Ce mécanisme fonctionne sur deux piliers : la nationalité
du requérant ou de la victime, et l'épuisement des voies de
recours internes.
tous les recours internes ». La règle
fait échec à l'applicabilité de la protection diplomatique
devant une instance internationale, jusqu'à ce que le règlement
national soit épuisé. Il s'agit d'un usage, non pas partiel mais
complet et exhaustif des voies de recours internes. La règle assure
l'égalité des étrangers devant la loi nationale et les
tribunaux devant lesquels les nationaux ou l'État ont été
accusés.
Dans l'affaire Hinterland qui opposa la Suisse aux
États-Unis, exception préliminaire, le juge international en
l'occurrence, celui de la CIJ avait reconnu que « la règle
selon laquelle les recours internes doivent être épuisés
avant qu'une procédure internationale puisse être engagée
est une règle bien établie du droit international coutumier
». Pour la Cour, « les motifs sur lesquels se fonde la
règle de l'épuisement des voies de recours internes sont les
mêmes, qu'il s'agisse d'une Cour internationale, d'un tribunal arbitrale
ou d'une Commission de conciliation». 56Ces motifs se
résument à la garantie de l'exercice plein et entier de la
souveraineté de l'État territorial sur les individus se trouvant
sur son territoire. Comme l'a fait valoir le juge Cordova dans son opinion
dissidente à l'occasion de l'affaire Hinterland, l'existence de
cette règle tient de « la nécessité absolue
d'harmoniser les juridictions internationales et nationales assurant ainsi le
respect dû à la juridiction souveraine des États (...) L'on
parvient à cette harmonie, à ce respect de la souveraineté
des États, en accordant priorité à la juridiction des
tribunaux internes de l'État » 57
Au delà de la compétence de la juridiction,
l'exception préliminaire du préalable d'épuiser les voies
de recours internes doit être d'abord considérée comme
dirigée contre la recevabilité de
la requête. La Cour prend acte du fait que, cette
règle a été généralement observée
dans le cas oàun État prend faits et cause pour son
ressortissant dont les droits auraient été lésés
dans un autre
État en violation du droit international. Elle affirme
de façon péremptoire que « La règle subordonne
l'action judicaire internationale à l'épuisement préalable
des recours internes ».
Il ne fait pas de doute qu'en droit international
général, la finalité de la règle
d'épuisement des voies de recours internes est de ménager la
souveraineté des États. Il en est de même en droit
international des droits de l'homme.
56Affaire de Hinterland (Suisse. c.
États-Unis), Exceptions préliminaires, CIJ 27 Mars 1959 ; voir
également Aff. des Concessions Mavrommatis en Palestine
(Grèce c. Grande-Bretagne) CPJI 30 Aout 1924 Ser. A.
57 Affaire de l'Hinterland, opinion dissidente du juge
Cordova, Recuiel CIJ, 1959, p.45.
B - La référence aux fonctions de la
règle dans les autres instruments internationaux des droits de
l'homme
C'est sur le fondement de la détermination
conventionnelle que l'épuisement des voies de recours va rentrer dans
les instruments de protection des droits de l'homme. Dans Ilesanmi la
Commission a déclaré que : « Le principe selon lequel
une personne qui a subi une violation des droits de l'homme épuise
d'abord ses voies de recours internes se retrouve dans la plupart des
traités internationaux sur les droits de l'homme
»58Dans Jawara c. Gambie, il est fait état de
ce que la justification de la règle de l'épuisement des recours
internes est la même « tant dans la Charte que dans les autres
instruments internationaux des droits de l'homme »59.
Cependant tous ces instruments n'indiquent pas cette justification. Il faut
nécessairement retourner à la jurisprudence des mécanismes
de sauvegarde qu'ils instituent pour retrouver cette justification. Ceci se
vérifie tant dans la jurisprudence des organes de sauvegarde de ces
instruments qu'ils soient à portée universelle
(1) ou régionale (2).
1 - La justification de la règle dans les textes
à portée universel
La déclaration universelle des droits de l'homme
n'institue pas un organe chargé de veiller au respect des droits qu'elle
prescrit. Il a fallut attendre l'adoption de deux pactes par l'Assemblée
générale des Nations Unies dans sa résolution 2200 A(XXI)
du 16 déc. 1966.
Si le pacte relatif aux droits socio-économiques
n'institue pas d'organe de surveillance, celui relatif aux droits civils et
politiques, institue en son art 28 un Comité dénommé
Comité des droits de l'homme. Selon l'art 41(c) le Comité ne peut
connaitre d'une affaire qui lui est soumise « qu'après
s'être assuré que tout les recours internes disponibles ont
été utilisés et épuisés, conformément
aux principes de droit international généralement reconnus. Cette
règle ne s'applique pas dans le cas ou les procédures des recours
excédent les délais raisonnables ».
Le protocole facultatif se rapportant au pacte international
relatif aux droits civils et politiques adopté par la même
résolution et entrée en vigueur dans la même date porte sur
les procédures individuelles. L'article 5(b) dispose que la Commission
ne reçoit les communications individuelles contre un État partie
que si « le particulier a épuisé tous les recours
internes
58 Com 268/2003 Ilesanmi c. Nigeria.
59Com 147/95et 149/96, Sir Dawda k Jawara c.
Gambie
disponibles. Cette règle ne s'applique pas si les
procédures de recours excédent les délais raisonnables
».
De même, Le Conseil Économique et Social a
adopté une résolution en date du 27 mai 1970 qui a
été révisé par la résolution 2003/3 du
Conseil. Cette résolution 1503 (XLVIII) institue une procédure
nommée procédure 1503. Celle-ci est mise en oeuvre dans le cadre
du Conseil des droits de l'homme crée par la résolution 60/251 du
15 mai 2006, en remplacement de la Commission des droits de l'homme.
Une communication est recevable aux fins de la
procédure 1503 à la condition que « les recours internes
aient été épuisés, à moins qu'il
n'apparaisse que ces recours seraient inefficaces ou d'une durée
excessivement longue ».
2 - La justification de la règle dans les textes
à portée régionale
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme et celle de la Cour interaméricaine des droits de l'homme
suffisent à mettre en évidence la raison d'être du
préalable d'épuiser les recours internes dans les instruments de
protection des droits humains autres que la Charte.
La convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales dispose en son art 35(1) que : « 1. La
Cour ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de
recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit
international généralement reconnus, et dans un délai de
six mois à partir de la date de la décision interne
définitive ». Cette disposition est la reprise de l'ancien
article 26 puisque la reforme des organes de Strasbourg, avec l'entrée
en vigueur en 1998 du protocole additionnel n°11, n'a en rien changer les
conditions de recevabilité. Si le contrôle de recevabilité
est actuellement effectué par la Cour elle- même, « il ne
semble toutefois pas que la « fusion » de la Cour et de la Commission
en un organe unique, opérée par le Protocole n° 11, ait
entraîné des revirements de jurisprudence quant au contenu
même de l'exigence d'épuisement des voies de recours internes,
telle qu'elle avait été précisée par la Commission
européenne des droits de l'homme »60.
60Rosoux (G), « La règle de
l'épuisement des voies de recours internes et le recours au juge
constitutionnel : une exhortation aux dialogues des juges commentaire de la
décision de la Cour européenne des droits de l'homme, D.
c.
Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme a
à plus d'une fois rappelée que « la finalité de
l'article 35 est de ménager aux États contractants l'occasion de
prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux
avant que ces allégations ne soient soumises aux organes de la
Convention [...]. Les États n'ont donc pas à répondre de
leurs actes devant un organisme international avant d'avoir eu la
possibilité de redresser la situation dans leur ordre juridique interne.
»61Le fait que la protection nationale doive devancer la
protection internationale traduit donc d'abord le principe de
souveraineté des États que la règle sert à
ménager. Il en est ainsi par ce que la juridiction internationale
n'existe qu'en vertu d'un acte souverain des États, lesquels l'ont
voulus et acceptent de s'y soumettre. Cette finalité de la règle
est approuvée par le système interaméricain de protection
des droits de l'homme.
La Convention américaine relative aux droits de l'homme
et entrée en vigueur en 1978, dispose en son art 46(a) que la Commission
américaine des droits de l'homme ne retient une pétition si
« toutes les voies de recours internes aient été
dûment utilisées et épuisées conformément aux
principes de droit international généralement reconnus
». Cette condition vaut également pour la recevabilité
devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Les principes de
droit international en question sont pour l'essentiel le principe de la
souveraineté des Etats qui commande l'antériorité des
mécanismes internationaux. Dans la célèbre jurisprudence
Velasquez Rodriquez, la Cour interaméricaine a reconnue que
l'obligation d'épuiser les recours internes était
justifiée car le système international de protection des droits
de l'homme garanti par la Convention, est subordonné à la
législation nationale des États interaméricains. Elle a
ainsi affirmé en substance dans l'Affaire Viviana Gallardo
qu'« aux termes des principes du droit international
généralement reconnus et des pratiques internationales, la
règle qui fait une obligation d'épuiser au préalable les
voies de recours internes est conçue pour bénéficier
à l'État, car cette règle vise à éviter
à l'État de devoir répondre à des accusations
devant un organe international pour des actes qui lui sont imputés avant
qu'il n'ait eu la possibilité d'y
Irlande, du 5 juillet 2006, et digression autour du
mécanisme préjudiciel devant la cour constitutionnelle de
Belgique », RBDI, 2008, p.15.
61Cour européenne des droits de l'homme,
Dr. h. Selmouni c. France, 28 juillet 1999, point 74. Voir
également, Kuda c. Pologne CEDH 2000-XI, § 152 ;
Andráik et autres c. Slovaquie (déc.), n° 57984/00,
CEDH 2002-IX.
remédier par des moyens internes. C'est pourquoi cette
obligation est considérée comme un moyen de défense...
»62.
La règle de l'épuisement des recours internes se
justifie, tant en droit international général qu'en droit
international des droits de l'homme, par la prise en compte de la juridiction
souveraine de l'État sur les individus vivants sur son territoire. La
Commission africaine est venue prendre acte de cet état de chose et
là consacré dans sa jurisprudence. Elle a toutefois reconnue que
la règle permet de sauver la réputation des États en ce
qu'elle limite la mise en jeu de leur responsabilité internationale.
Paragraphe II : Le souci de restreindre la mise en jeu de
la responsabilité internationale des États.
La Commission soutient que la règle de l'épuisement
des recours internes a pour justification de permettre à l'État
qui a violé les droits de l'homme d'avoir l'opportunité de
pouvoir les redresser «et sauver sa
réputation qui serait inévitablement ternie s'il était
appelédevant une instance
nationale.»63Ce faisant, elle reconnaît que
la règle est un préalable à la mise en jeu de la
responsabilité internationale des États (A)
même si elle pense qu'un procès international est susceptible de
ternir la réputation de l'État mis en cause
(B).
A - Un préalable à la mise en jeu de la
responsabilité internationale des États
Il est évident que le respect de la règle
d'épuisement des voies de recours internes est un préalable
à la mise en jeu de la responsabilité international des
États. La Commission a considéré que : « Cela
reflète le fait que les États ne sont pas
considérés avoir violé leurs obligations en matière
de droits de l'homme s'ils dispensent des voies de recours authentiques et
effectives aux victimes de violations de droits de l'homme.
»64 En effet en s'assurant que, le requérant a
épuisé les recours internes avant de se pourvoir devant la
Commission le droit international, reconnait et
62Voir Cour interaméricaine des droits de
l'homme, dans l'Affaire Viviana Gallardo et autres. Jugement sur les
exceptions préliminaires, 13 novembre 1981, série A n° G
101/81, §26, pp.87-89.
63Com 54/91, 61/91, 98/93, 164-196/97 et 210/98,
Malawi African Association, Amnesty International, Mme Sarr Diop, Union
Interafricaine des Droits de l'Homme et Rencontre Africaine des Droits de
l-Homme, Collectif des Veuves et Ayants Droit et Association Mauritanienne des
Droits de l'Homme c. Mauritanie, 13eme Rapport d'activité.
64 Com 268/2003 Ilesanmi c. Nigeria.
à l'État mis en cause le droit d'utiliser cette
règle comme un moyen de défense (1) et par cela,
oblige le requérant à une conduite loyale à l'égard
de l'ordre interne (2).
1 - La règle d'épuisement des recours
internes comme un moyen de défense.
S'il est reconnu que la règle de l'épuisement
des voies de recours internes est « un important principe du droit
international coutumier »65, les débats sur sa
nature perdurent et sont loin d'êtres clos. En effet tandis que certains
y voient une règle de procédure d'autre l'appréhende comme
une règle de fond. Pour les premiers, à l'instar de Jean Chappez
la règle de l'épuisement des recours est « une exigence
de procédure qui tient à maintenir la balance égale entre
la souveraineté de l'État présumé responsable et la
sauvegarde du droit international »66. Elle appartient au
cadre purement procédural. Pour Charles Rousseau, « l'exigence
du local redress (n'est) que la traduction technique de l'idée que la
protection diplomatique est une voie exceptionnelle ou subsidiaire par rapport
aux recours de droit commun ».67 Pour les seconds par
contre, notamment Louis Cavare, « la règle de
l'épuisement des recours internes n'est pas une simple règle de
procédure (...), cette règle vise à
protéger les États contre des réclamations mal
fondées ou prématurées »68. De
même « lorsque la responsabilité de l'État
apparait certaine, la mise en ouvre de la règle a pour effet, de
retarder l'exercice de l'action internationale. »69.
L'épuisement des voies de recours rime avec la responsabilité
internationale. Le Professeur kaufmann note à ce sujet que « dans
le cas ou le délit a été commis avant tout recours
judiciaire, il n'est pas douteux que ce préjudice initial est le fait
générateur du dommage et que l'épuisement des recours
internes n'est qu'une condition de recevabilité.
»70 Même si la première semble l'emporter, il
reste clair que ces deux thèses se recoupent et se complètent. La
règle procédurale de l'épuisement des recours internes
participe à la mise en jeu de la responsabilité internationale
des États. Autrement dit « la procédure est au service
du fond »71. Ainsi pour la Commission de Droit
International, cette règle est perçue comme nécessaire
à la mise en ouvre de
65 Affaire Ziat, Ben Kiran, (Grande-Bretagne c.
Espagne), Max Huber, 24 décembre 1924, Sentence arbitrale relative
aux réclamations dans la zone espagnole du Maroc, RSA, vo II,
pp.729-732.
66Chappez (J), « La protection diplomatique
», JCL droit international, vol 4, édition du
Juris-classeur, 1999, fascicule 250, p.22
67Rousseau (C), Droit international public,
tome 5, Paris Sirey, 1983, p .158.
68Cavare (L), Le doit international public positif
,3eme édition, Pédone 1967, vol II, p.433.
69Ibidem, p.434
70Kaufman cité par Delbez (L) Les principe
généraux du contentieux international, LGDJ ? Paris ? 1962,
p. 198.) 71Rosoux (G), op cit, p.18.
la responsabilité des États. En effet l'art 11
décline clairement que : « les recours internes doivent
être épuisés lorsqu'une réclamation internationale
(...) repose principalement sur un préjudice causé à un
national(...) ».72L'épuisement des recours internes
est donc autant une condition de recevabilité de la demande qu'un
corollaire de la responsabilité internationale de l'État. L'art
13 énonce à ce propos que «Lorsqu'un étranger
introduit une instance devant les tribunaux internes d'un État pour
obtenir réparation à raison d'une violation du droit interne de
cet État, qui ne constitue pas un fait illicite international,
l'État dans lequel l'instance est introduite peut voir sa
responsabilité internationale engagée s'il y'a déni de
justice au détriment du ressortissant étranger
»73. La Commission de droit International confirme bien
que la règle de l'épuisement des recours internes constitue bien
un préalable nécessaire à la mise en jeu de la
responsabilité internationale d'un État.
Cependant, plus qu'un préalable la règle est un
moyen de défense. En effet, la règle quiexige
d'épuiser au préalable les voies de recours internes est
conçue pour bénéficier à l'État.
Cette règle est considérée comme un moyen
de défense de l'État et, à ce titre, il peut y renoncer,
même tacitement. La Cour interaméricaine des droits de l'homme a
énoncé ce principe à l'occasion de plusieurs affaires,
particulièrement l'Affaire Viviana Gallardo et l'Affaire Godinez
Cruz. Dans la première, elle a considéré que:
« aux termes des principes du droit international
généralement reconnus et des pratiques internationales, la
règle qui fait une obligation d'épuiser au préalable les
voies de recours internes est conçue pour bénéficier
à l'État, car cette règle vise à éviter
à l'État de devoir répondre à des accusations
devant un organe international pour des actes qui lui sont imputés avant
qu'il n'ait eu la possibilité d'y remédier par des moyens
internes. C'est pourquoi cette obligation est considérée comme un
moyen de défense et à ce titre, il est possible d'y renoncer,
même tacitementi74 Elle a considéré dans la
seconde affaire que, « Les principes du droit international
généralement reconnus indiquent premièrement que
[l'épuisement des voies de recours internes] est une règle
à laquelle l'État qui a le droit de l'invoquer peut renoncer,
explicitement ou implicitement». 75
72Article 11 ,deuxième rapport sur la
protection diplomatique de la CDI, disponible sur le site,
www.un.org. 73bid, art 13.
74Voir Cour interaméricaine des droits de
l'homme, dans l'Affaire Viviana Gallardo et autres, jugement sur les
exceptions préliminaires (13 novembre 1981), série A n° G 101/81,
p. 87-88, § 26.
75Voir Cour interaméricaine des droits de
l'homme, dans l'Affaire Godinez Cruz, jugement sur les exceptions
préliminaires 26 juin 1987, §88.
La CIJ est de cet avis puisqu'elle affirme que la règle
d'épuisement des voies de recours internes est un « des moyens
de défense qui visse la recevabilité de la
réclamation ».76Cette règle est
adossée d'une fiction généralement admise dans le
contentieux des réclamations internationales selon laquelle le plaignant
doit avoir les mains propres77.
2 - La règle d'épuisement des recours
internes comme un corollaire de la fiction des « mains propres
»
Pour engager la responsabilité d'un État devant
une instance internationale, il est nécessaire que l'individu victime
prouve un comportement irréprochable. Cette exigence est traduite par la
théorie des mains propres. Selon cette théorie « la
personne physique ou juridique étrangère doit avoir eu une
conduite correcte envers l'état territorial, s'en tenant à ses
lois ». Le recours à cette théorie a été
observé dans le contentieux devant la CIJ. A l'occasion de ce
contentieux les États fondent très souvent des exceptions
préliminaires, sur la conduite « anti juridique, immorale(e) ou
inconvenant(e) »78 de l'individu qui se réclame
victime d'un préjudice. La doctrine majoritaire s'accorde à dire
que la conduite blâmable et illicite de l'individu peut s'analysée
comme une cause d'exonération de la responsabilité internationale
de l'État territorial.79 Mais ce qui est entendu par
comportement blâmable reste très floue puisqu'on pourrait y
inclure un nombreux considérables de comportement individuels. Toutefois
l'on peut s'accorder à dire que le comportement blâmable peut
consister soit en comportement individuel en violation du droit interne de
l'État mis en cause, soit en une conduite individuelle en violation du
droit international. En effet, comment peut on recevoir la requête d'un
individu qui a méconnu le droit interne au risque de
méconnaître les règles du droit international lesquelles
obligent l'individu à se conformer impérativement aux lois
nationales. La condition de l'épuisement des recours internes participe
donc à exiger de la victime une conduite convenant et
révérencieuse envers l'État sur le territoire duquel il
vit. La fiction des mains propres très invoquée dans la
76Affaire Ambatielos (Grèce c.
Royaume-Uni), CIJ, 19 mai 1953.
77 Garcia-Arias(L), « La doctrine des « clean hands
» en droit international public », Annuaire des anciens auditeurs
de l'académie de droit international, vol 30, pp.14-22, cité
par Salomon(J.A), « Des « mains propres » comme condition de
recevabilité des réclamations internationales », AFDI,
1964, pp.225-266.
78Miaja de la Muela (A), « Le rôle de la
condition des mains propres de la personne lésée dans les
réclamations devant les tribunaux internationaux »,
Mélanges offerts à Juraj Andrassy, La Haye, Martinus
Nijhoff, 1968, pp.189- 213.
79A l'exemple de Perrin (g), « Réflexion sur la
protection diplomatique », in Mélanges à Bridel,
Lausanne, Imprimeries réunies, 1968, pp.379-411.
pratique de la protection diplomatique, participe en droit
international des droits de l'homme à travers l'exigence
d'épuiser les recours internes, à s'assurer que le
requérant à été loyal envers l'ordre juridique de
l'État. En effet bien qu'étant la victime, « son
comportement peut conduire à la restriction, voire à la
suppression de son droit d'agir ».80 Par contre
l'exemplarité de ce comportement, notamment en respectant la condition
d'épuisement des recours internes, justifie la recevabilité de la
communication. Cette situation selon la Commission ternie à coup
sûr la réputation de l'État mis en cause.
B - Un moyen de sauvegarder la réputation des
États.
Pour la Commission la règle de l'épuisement des
recours internes évite qu'un État se retrouve sans préavis
devant une instance internationale ce qui ternira inévitablement sa
réputation. Mais Dans quelle mesure un procès international nuit
il inévitablement à la réputation d'un État ? Pour
répondre à cette question, il importe au préalable de
comprendre la place des droits de l'homme dans les relations internationales
(1) avant que de voir la portée de la
recevabilité d'une communication. (2)
1 - La place des droits de l'homme dans les relations
internationales.
L'après seconde guerre mondiale marque de
manière significative une mutation profonde du droit international
général. A un droit international jusque là très
largement fondé sur des références souveraines, est en
train de se substituer un droit international qui trouve de plus en plus son
fondement dans la prise en compte, imposée par une sorte de
nécessité de la protection des individus et des peuples. Au cours
des cinq dernières décennies le droit international positif
semble révéler que les besoins sociaux auxquels s'adapte en les
réglementant le droit des la société internationale sont
ceux des individus et groupements humains dont les droits sont de plus en plus
protégés au niveau supra étatique.
L'avènement d'un droit international plus humaniste
à la place d'un droit international territorialiste et donc
souverainiste a était catalysé par les exactions des deux guerres
mondiales. Le souci de la protection de la dignité humaine
impulsé dans les domaines du droit humanitaire et
80Tigroudja (H), Contribution à
l'étude du statut de la victime en droit international des droits de
l'homme, thèse de doctorat, Lille II,2001, p.246.
des droits de l'homme a fini par gagner toutes les autres
branches du droit international, notamment, le droit de la Paix et de la
Sécurité Internationales (intervention humanitaire ou
responsabilité de protéger), Droit des Espaces (notion de
patrimoine commun de l'humanité), Droit des Organisations
Internationales, Droit International de Développement, Droit
International de l'Environnement etc. La théorie des droits de l'homme
est venue remettre en cause la définition classique de la
souveraineté étatique. La souveraineté étatique ne
peut plus en aucun cas être assimilée à un pouvoir
illimité et inconditionné de l'État, elle devient
nécessairement « la compétence qu'un État
possède sur la base du droit international »81 et
n'est invocable que « dans la mesure de la charge normative
définit par la communauté internationale
».82 Cette mutation de l'ordre juridique international semble
donner raison aux partisans de l'école sociologique (Scelle, Duguit,
Calvare) pour lesquels, l'individu est le sujet et l'objet final de toute
construction juridique. Le professeur Mouelle Kombi fait remarquer à ce
sujet qu'« en déclarant les droits de l'homme, la pleinitudo
potesta est quelque peu passé de l'État à l'homme.
»83 Les rapports entre individus formant une
société universelle et appartenant en même temps à
d'autres entités politiques, étatiques, inter étatiques,
supra étatiques, extra étatiques, que la communauté
humaine englobe et coordonne et que son droit régit.
Il relève aujourd'hui du lieu commun d'expliquer que
les progrès de la technique et des communications font de notre
planète un village. Dans cette société internationale
plurielle et de plus en plus rétrécie, les États
entretiennent des relations qui dépassent les limites de leur territoire
et échappent à l'emprise d'un pouvoir étatique unique. Les
informations relatives aux violations graves des droits de l'homme sont
instantanément répandues dans le globe et influencent les
relations internationales. En effet La protection des droits de l'homme est un
indicateur de l'État de droit. Elle traduit une stabilité et une
sécurité certaine, propre à attirer des investisseurs,
à inciter l'action des institutions internationales, à favoriser
les relations diplomatiques.
81Nguele Abada (M), « Conditionnalités et
souveraineté », in La conditionnalité dans la
coopération internationale, Colloque de Yaoundé, 20-22
juillet 2004, p.46.
82Ibid, p.42-43
83 Mouelle Kombi (N), « Éthique et
souveraineté dans l'ordre juridique international », RCEI,
n° 002, 1er semestre 2009, p.40.
A titre d'exemple, le régime des
conditionnalités économiques aura fortement remis en cause la
conception classique de la souveraineté car, « pour les pays
récipiendaires, la conditionnalité requiert...la promotion des
droits fondamentaux »84 .
Dans le monde contemporain, la réputation des
États dans les relations internationales est bâtie sur le respect
des droits de l'homme. C'est pourquoi la recevabilité d'une
communication devant la Commission est gênante pour l'État mis en
cause.
2 - La recevabilité de la communication comme
preuve d'un comportement étatique constituant une violation de la
Charte
Comme il sera souligné plus tard, dans l'ordre
international le procès demeure toujours exceptionnel. La Commission a
fait valoir que l'un des objectifs de la règle des « local
remédies », est d'éviter qu'un État soit
appelé devant une juridiction internationale ce qui ternirait à
coup sûr sa réputation. En d'autres mots le contentieux
international des droits de l'homme est déjà en lui-même
préjudiciable à la réputation de l'État mis en
cause. En effet la recevabilité d'une communication est la preuve que
l'État a faillit à ces obligations conventionnelles.
L'étude du contentieux international des droits de l'homme permet de
voir comment les États s'emploient à amener la juridiction
à déclarer la requête irrecevable. Avant que l'organe ne
statue sur le fond pour établir si oui ou non la responsabilité
de l'État peut être engagée sa décision sur la
recevabilité a pour enjeux d'admettre qu'il ya dans le comportement de
l'État mis en cause une attitude inique. Cette bataille juridique autour
de la recevabilité des communications est avant tout une lutte pour
l'État de sauvegarder son honorabilité. Pour l'État mis en
cause, déclaré une communication recevable c'est confirmé
qu'il a refusé de réparer le dommage subi par la victime. C'est
reconnaître qu'au moins au premier degré cet État a
violé les dispositions de la Charte relatives au droit à un
recours.
Par ailleurs le simple fait qu'un grand nombre de
communications à l'encontre d'un État particulier soient
déclarées recevables, signifie largement que cet État
viole constamment les droits de l'homme et ne garantie par le droit à un
recours qui, au demeurant, est un droit protecteur des autres droits. Cette
situation est préjudiciable à la réputation de
l'État, même si la décision au fond, prouve
infondées les prétentions de la victime.
84Atangana Amougou (J-L), «
Conditionnalité et les droits de l'homme », in La
conditionnalité dans la coopération internationale, Colloque
de Yaoundé, 20-22 juillet 2004, p.65.
A l'inverse, c'est avec une certaine fierté que
l'État mis en cause accueille très souvent
l'irrecevabilité des communications dirigées contre lui. C'est
une preuve qu'il est à même de résoudre les diverses
violations que ces institutions causent.. C'est l'évidence qu'il fait
partie des nations civilisées dont fait référence l'art 2
de la Charte des Nations Unies et dont qu'il est recommandable dans les
relations internationales.
Sans doute le principe de la sanction nationale prioritaire
est dicté par le respect de la souveraineté des États. Il
reste à démontrer que la garantie de ce principe incite les
États à appliquer les dispositions de la Charte.
SECTION II- UNE PRESOMPTION ET UNE INCITATION INDIRECTE
A L'EFFECTIVITÉ DES DROITS DE L'HOMME DANS L'ORDRE JURIDIQUE
INTERNE.
Les droits de l'homme sont par nature des droits opposables
à l'État. Comme l'écrit Daniel Lochak, « les
droits de l'homme mettent en jeu les rapports entre l'individu et
l'État, mais aussi les rapports entre le pouvoir et le droit
»85. C'est dire que l'ordre interne est le cadre
privilégié de la réalisation des droits de l'homme. La
primauté du règlement national découle naturellement de la
qualité des normes internationales de protection de droits de l'homme.
La Commission, en reconnaissant l'opportunité donnée à
l'État de redresser la violation présume que ce dernier a
aligné sa législation avec les standards internationaux. Pour
elle : « Cette règle est fondée sur le postulat selon
lequel la mise en oeuvre pleine et efficace des obligations internationales
dans le domaine des droits de l'homme est destinée à
améliorer la jouissance des droits de l'homme et des libertés
fondamentales au niveau national »86. Comme l'écrit
le Professeur Atangana Amougou, « La reconnaissance des droits est une
étape fondamentale car elle est la condition initiale de leur
efficacité et de leur opposabilité. »87 La
Commission est « consciente des obligations positives qui incombent
aux États parties à la Charte Africaine en vertu de l'article 1
de la Charte Africaine. Les États parties ont le devoir non seulement de
«reconnaître » les droits conformément à la
Charte Africaine mais encore de continuer à s'engager à
«adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer.
L'obligation est
85Lochak (D), Les droits de l'homme,
éditions la découverte, F Syres, Paris 2002, p.4.
86Com 299/2005 Anuak Justice Council /
Éthiopie, 20eme Rapport d'activités.
87Atangana Amougou (J-L), «
Conditionnalité et droits des l'homme », in La
conditionnalité dans la coopération internationale Colloque
de Yaoundé 20-22 juillet 2004, CEDIC p.65.
péremptoire et ne souffre d'aucune exception. A
vrai dire, ce n'est que lorsque les États prennent leurs obligations au
sérieux que les droits des citoyens peuvent être
protégés. »88
Les principes qui gouvernent cette réception rendent
compte de la nature spécifique des droits de l'homme. Celle-ci influe
sur les procédés d'incorporation des droits de la Charte dans
l'ordre interne car la majorité des États africains subordonnent
l'introduction du traité dans l'ordre juridique interne qui, en
reproduisant les prévisions du traité, le transforme en
règle interne obligatoire (Paragraphe I). La nature des
droits de la Charte conduit également à des principes
spécifiques qui assurent leur applicabilité dans ledit ordre
(Paragraphe II).
Paragraphe I- L'obligation de conformer la
législation interne à la Charte
La règle de l'épuisement des voies de recours
internes a donc une fonction essentielle, celle de protéger l'ordre
juridique national des États. Cet ordre juridique national doit
préalablement être conforme à la charte, laquelle jouit
d'un régime particulier d'application. En effet « l'un des
objectifs visés par la condition d'épuisement des voies de
recours internes est de donner la possibilité aux juridictions internes
de statuer sur des cas avant de les porter devant un forum
international, pour éviter des jugements contradictoires par des lois
nationales et internationales. Lorsqu'un droit n'est pas bien
prévu par la législation interne et qu'aucun procès ne
peut être prévu, toute possibilité de conflit est
écartée. De même, lorsque le droit n'est pas bien
prévu, il ne peut y avoir des recours efficaces ou un recours
quelconque.»89 La mise en oeuvre interne de la
Charte participe pleinement à l'effectivité des droits de
l'homme. Comme l'écrit Alain Pellet, l'État a « la
compétence du dernier mot, il est le « bras séculier »,
seul capable de donner vie à la norme internationale
»90. La convention de Viennes sur le droit des
traités en ses articles 26 et 27 crée une obligation juridique de
l'État de faire respecter les clauses du traité. Les États
sont ainsi contraints d'adopter les modifications législatives
nécessaires pour garantir le respect des obligations contenues dans la
convention91. Il s'agit pour
88Com 211/98 Legal Resources Foundation c. Zambie
89Voir les décisions de la Commission sur les
communications 25/89, 47/90. 56/91 et 100/93 : Organisation Mondiale contre la
torture et autres /Zaïre
90Pellet (A), « Droit de l'homnisme en droit
international » in colloque de Strasbourg : protection des droits de
l'homme et évolution du droit international, Avril 2003, p.13.
91Cour permanente de justice internationale,
Échange des populations grecques et turques, 1925, p. 20.
les États de transposer le traité dans l'ordre
interne à travers des procédés d'incorporation
(B). Cependant, cette transposition est le reflet de la
conception que l'État a des rapports entre la norme internationale et la
norme interne. (A)
A - Les rapports entre le droit international et la loi
nationale
Les droits de la Charte ont vocation à se
réaliser dans l'ordre interne des États. Comme l'écrit le
Professeur Olinga pour « assurer l'effectivité de la Charte
Africaine sur le plan interne, il faut lui assurer une place de choix dans
l'ordonnancement juridique(...) il faut lui attribuer un rang
hiérarchique privilégié ».92 Il est
certes vrai, comme le souligne le Doyen Maurice Kamto que : « Les
techniques classiques de réception des normes du droit international
dans l'ordre juridique interne des États sont fort connues
»93 . Il importe néanmoins, en raison de
l'importance de la relation entre ces procédés et la
règle, d'en rappeler brièvement la substance. Sans entrer dans
les détails d'une étude didactique qui dépasserait
très largement le cadre de cette réflexion il suffira pour
illustrer ces techniques d'en rappeler les traits caractéristiques. A ce
propos, la doctrine classe les systèmes juridiques des États en
deux groupes qui correspondent à deux techniques classiques
d'incorporation du droit international dans le droit interne : les
systèmes monistes (1) et les systèmes
dualistes (2).
1 - L'approche moniste
La conception moniste94 repose sur l'idée de
départ selon laquelle, le droit international et le droit interne
constituent un seul et même ensemble dans lequel les deux types de
règles seront subordonnés l'un à l'autre. Naturellement
deux options seront possibles et, l'on pourra avoir, soit un monisme avec
primauté du droit interne, soit un monisme avec primauté du droit
international. Pour le monisme avec primauté du droit interne, il
considère que le droit international découle du droit interne.
De ce fait, le droit interne est supérieur au droit international lequel
n'est qu'une forme de droit public externe de l'État. Les arguments
évoqués par les tenants de cette théorie sont que, en
l'absence d'autorité super étatique l'État
détermine par conséquent librement
92Olinga (A-D), L'effectivité de la Charte
Africaine des droits de l'homme et des peuples, op cit, p.181. 93M Kamto,
« Charte africaine instrument internationaux de protection des droits de
l'homme, constitutions
nationales, articulations respectives », in
L'application nationale de la Charte africaine des droits de l'Homme et des
peuples, J-F Flauss et Elisabeth Lambert-Abdelgawad (dir), Bruyant 2004,
p.P30.
94Présentée en Allemagne par
l'"École de Bonn" : Zorn, Erich Kaufmann, Max Wenzel (1920); en
France par Decencière- Férrandière, et ayant
inspiré largement la conception "soviétique " du droit
international
ses obligations internationales et reste seul juge de la
façon dont il les exécute. De plus c'est sur le fondement
constitutionnel (donc interne) que l'État a des compétences pour
conclure des traités qui l'engagent sur le plan international.
Pour le monisme avec primauté du droit international,
le droit interne dérive du droit international. Ce dernier lui est donc
supérieur et le conditionne. Les rapports entre les deux droits seraient
comparables à ceux existant, dans un État fédéral,
entre le droit des États membres et le droit fédéral.
Quel que soit la tendance, l'une des conséquences de la
conception moniste est que l'acceptation et l'adoption d'une norme
internationale par un État, le fait rentrer automatiquement dans son
ordre juridique interne de sorte que les tribunaux et les autorités
publiques pourront directement appliquer les dispositions de la convention
internationale.
2 - L'approche dualiste
Cette technique appréhende le droit international et le
droit interne comme deux systèmes juridiques spécifiquement
distincts. Elle découle des conceptions volontaristes des fondements du
caractère obligatoire du droit international public. Exposée par
les auteurs positivistes allemands Heinrich Triepel (1899), Helborn, Strupp et
italiens Dionisio Anzilotti (1905) et Cavaglieri, cette doctrine
considère que le droit interne et le droit international constituent
deux systèmes juridiques égaux, indépendants et
séparés. La valeur propre du droit interne est
indépendante de sa conformité au droit international. Pour
Heinrich Triepel, qui est le père de cette théorie les arguments
qui fondent cette théorie sont de deux ordres. D'une part, les sources
des deux droits sont différentes. En effet, si le droit interne
procède de la volonté d'un seul État, le droit
international tient lui de la volonté de plusieurs États. D'autre
part les deux droits régissent des sujets de droits différents.
Pour l'interne les rapports régis sont ceux entre individus ou entre
individus et État, tandis que le droit international régit les
rapports entre État et État.
Pour la théorie dualiste il ne peut y avoir, dans aucun
des deux systèmes juridiques, de normes obligatoires émanant de
l'autre. De même, Il ne peut y avoir de conflits possibles entre les deux
ordres juridiques. Les deux ordres étant totalement,
séparés, la seule possibilité qui existera sera uniquement
le renvoi de l'un à l'autre. De ce fait la norme internationale a
préalablement besoin d'une loi interne d'incorporation ou d'autres
instruments nationaux juridiquement contraignant pour être
insérée dans le droit interne
Indifféremment de ce que l'État est moniste ou
dualiste il existe une obligation de prendre des mesures pour assurer
l'exécution des traités auxquelles il est partie. Cette
conception sur l'obligation d'un État de prendre des mesures, y compris
d'ordre législatif, afin d'assurer l'application du Traité, est
acceptée par les États sous la forme de l'irrecevabilité
de l'invocation des lois nationales pour contester la validité d'un
Traité ou pour refuser son exécution.
B - L'incorporation de la Charte dans le droit
interne
L'art.1 de la Charte crée une obligation expresse pour
les États parties à incorporer la Charte dans leur
législation nationale. Cependant, il n'est pas de règle de droit
international règlementant la manière dont on fasse
l'incorporation des règlementations internationales dans le droit
interne ; une telle norme ne saurait exister, puisque la manière dont
les États garantissent l'application des Traités dans le droit
interne est établie par chaque État, selon ses dispositions
constitutionnelles, ce qui explique le fait que, dans ce domaine, la pratique
varie. A coté des techniques de promulgation, de proclamation et de
publication, les États africains procèdent le plus souvent
à la technique dite de constitutionnalisation (1). Elle
est la traduction ultime de la volonté des États de garantir
l'effectivité et la prépondérance des droits
proclamés (2).
1 - La technique de la constitutionnalisation des droits
de l'homme.
La constitutionnalisation des droits fondamentaux se
réalise à travers deux techniques principales, celle dite de la
constitutionnalisation bloquée, et celle dite de la
constitutionnalisation ouverte.
La constitutionnalisation bloquée renvoie à un
« énoncé limitatif de tous les droits
constitutionalisés dans le texte de la constitutionnalisation
»95. Les droits ainsi constitutionalisés sont
inscrits dans un titre spécifique de la constitution. Cette technique
est relativement récente en Afrique francophone et récente dans
la plupart des pays anglophones d'Afrique.96Les constitutions
béninoise du 11 décembre 1990 (titre II) burundaise du 9 mars
1992 (titre II) congolaise du 15 mars 1992(titre II) malgache du 19 août
1992 (titre II), et togolaise du 27 septembre 1992 (titre II), pour ne
cité que celles là, ont adopté cette technique.
95Kamto (M), « Charte africaine instrument
internationaux de protection des droits de l'homme, constitutions nationales,
articulations respectives », op cit, p.33.
96Ibid, p.35.
La constitutionnalisation ouverte quant à elle,
consiste à un renvoie pure et simple de la constitution à des
instruments juridiques et internationaux de protection des droits de l'homme.
Il peut également s'agir d'une référence à la
Charte suivie d'une énumération des droits de l'homme dans le
texte constitutionnel et selon le cas, dans le préambule ou dans le
dispositif. La Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 dans son
préambule, au demeurant contraignant, s'inscrit dans l'approche de la
constitutionnalisation ouverte des droits de l'homme.
2 - La portée de la constitutionnalisation des
droits de l'homme
La technique de la constitutionnalisation est pratiquée
dans la plupart des États membres de l'UA Comme le souligne le Doyen
Maurice Kamto, « la constitutionnalisation des droit de l'homme est
relativement ancienne en Afrique comme en témoigne l'évolution
constitutionnelle de la plupart des États du continent
»97. Les enjeux de cette constitutionnalisation des droits de
l'homme sont doubles, d'une part, elle « hisse ces droits au rang de
norme suprême dans l'ordonnancement juridique interne des États
» d'autre part, elle fait du juge constitutionnel, le juge des droits
de l'homme et des libertés publiques. La constitutionnalisation des
droits de l'homme est, en n'en point douter, une garantie normative de leur
effectivité. Elle apparait comme « le modèle universel
de respect efficace des droits fondamentaux sur le plan interne
».98 Ce modèle de protection constitutionnelle des
droits de l'homme, débouche généralement sur une garantie
juridictionnelle de type constitutionnel des dits droits. La juridiction
constitutionnelle assure à travers le contrôle de la
constitutionalité des lois et règlements, la prise en compte des
droits de l'homme dans l'élaboration de la législation interne.
La norme internationale de protection des droits de l'homme jouit, par cette
technique, d'une autorité supra-législative dans l'ordre
juridique interne. Des lors, l'application du principe de la valeur
interprétative constitutionnelle de la Charte relève
principalement du juge constitutionnel. Dans le contrôle de
constitutionnalité, la Cour constitutionnelle doit vérifier la
compatibilité des lois avec la Constitution. Il s'agit directement d'une
question de constitutionnalité, par le biais de
l'interprétation de la Constitution à la
lumière de la Charte. En cas d'inconstitutionnalité, la
loicesse de s'appliquer, avec des effets erga omnes.
97Ibidem, p.32.
98 Olinga (A-D), « L'Afrique face à la globalisation
des techniques de protection des droits de l'homme », op cit, p.154.
La technique de la constitutionnalisation offre le fondement
de la responsabilité des gouvernements à protéger les
droits énoncés. En effet, s'il n'existe pas de règle
générale suivant laquelle la non-conformité de la
législation nationale aux engagements internationaux constitue une
violation mettant en jeu la responsabilité internationale de
l'État. Il y a toutefois violation du droit international lorsqu'un
traité l'oblige expressément ou lorsque la non incorporation
entraîne le non respect de l'obligation internationale.99
La protection des droits de l'homme dépend en grande
partie des mesures nationales d'implémentation en raison de la constante
interaction entre le droit interne et le droit international dans cette
matière. La norme internationale de protection des droits de l'homme,
une fois rentrée dans l'ordre, interne est applicable.
Paragraphe II- L'obligation d'appliquer la Charte dans
l'ordre interne
La norme internationale de protection des droits de l'homme
s'avère être la plus efficace car elle prévaut toujours sur
les autres. Les instruments internationaux des droits de l'homme tendent en
effet à garantir au nom des valeurs communes et supra étatiques,
la protection des droits fondamentaux. La convention internationale relative
aux droits de l'homme n'est pas soumise au principe classique de
réciprocité et au caractère relatif et contingent du
traité en droit international. Les obligations conventionnelles en
matière des droits de l'homme ne s'imposent dont pas à titre de
contrepartie des droits consentis. La Cour européenne l'aura
souligné en 1978 dans l'affaire Irlande contre Royaume Unis qu'
« à la différence des traités internationaux de
type classique, la convention déborde le cadre de la simple
réciprocité entre État contractant ». Cette
particularité normative se traduit dans l'ordre interne par le principe
de l'applicabilité directe des droits de la Charte dans l'ordre
interne (A) même si celle-ci semble
tempérée par la distinction droits intangibles et droits
conditionnels. (B)
A - Le principe de l'applicabilité directe
Dans la communication Legal Resources Foundation c.
Zambie, la Commission a invoqué le commentaire
général no. 9 (XIX/1998) du Comité des Nations Unies sur
les Droits
99 Art 29 Convention de Vienne, droit des traités, art 30
et 31 projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat, Commission du
droit international
Économiques et Sociaux au sujet du devoir de donner
effet au Pacte dans la législation nationale. Il avait été
retenue que « les principes internationaux des droits de l'homme
légalement obligatoires devraient s'appliquer directement et
immédiatement dans le système juridique interne de chaque
État partie ; et ainsi permettre aux individus de faire valoir leurs
droits devant les Cours et tribunaux nationaux. » A la
différence des autres instruments internationaux le traité
international relatif aux droits humains énonce des droits erga
omnes. Il en découle qu'il jouit de l'effet direct (1)
et fait du juge interne le juge de droit commun en matière des
droits de l'homme. (2)
1 - La signification du principe
C'est la faculté qu'a l'individu d'invoquer directement
devant les juridictions internes les droits garantis par la Charte.
L'applicabilité directe suppose que les droits de la Charte n'ont
pas besoin pour être applicables qu'une disposition spéciale
les introduise dans l'ordre interne. Ce régime ne vaut que sous deux
conditions. La première est liée à la réception de
la règle conventionnelle de protection des droits de l'homme tel que
précédemment développée. En effet, la
prééminence de la règle internationale de protection des
droits humains ne signifie nullement que celle-ci va se substituer à
la règle interne. Les règles matérielles que la Charte
édicte n'ont pas pour visée de supplanter le droit interne, mais
au contraire de le compléter. Il ne s'agit donc pas pour les
États parties d'introduire dans leurs ordre interne des dispositions
identiques sur les droits humains, il s'agit simplement, par le fait de la
Charte, d'un minimum de protection définit de façon uniforme
pour tous les États parties, lequel harmonise les ordres juridiques
nationaux en fonction du standard de la Charte. Quant à la seconde, elle
a trait à la qualité de la règle internationale. En
effet, « un accord international ne peut comme tel
créer directement des droits et obligations pour les particuliers
à moins que les parties à l'accord aient exprimé leur
consentement à adopter des règles déterminées
créant des droits et des obligations pour les individus et
susceptibles d'être appliquées par des tribunaux internes
»100. L'effet direct de la norme internationale est une
exception qui tient de la volonté des parties contractante. Mais
cette exception est le caractère même des conventions des droits
de l'homme. La Charte africaine décline en son art1er que «
les États membres de l'organisation de l'unité
100Affaire de la compétence des tribunaux
de Dantzig, CPJI Avis du 3 mars 1928, Série B n°15 p17.
africaine (...) parties à la présente charte,
reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans
cette charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou
autre pour les appliquer ».
2 - Les effets du principe
L'applicabilité directe de la Charte revient in
fine au juge national. C'est dire que, l'effet direct a pour
conséquence principale de conférer au justiciable un titre
à agir et au juge national un titre à statuer.
Pour le juge, l'effet direct de la charte fait de lui, le juge
des droits communs de la charte. C'est à lui qu'il appartient en premier
d'assurer la sanction des droits garantis par la Charte. Il s'agit d'une
question de « conventionalité », et en cas de conflit entre la
Charte et une loi, le juge décide l'application de la Charte en
écartant l'application de la loi. La loi, en tant que telle, n'est pas
annulée, elle n'est pas déclarée incompatible à la
Charte, les effets de sa non application ne se produisent qu'inter
partes, et la loi continue à être en vigueur à
caractère général, pour toutes les autres personnes
juridiques et dans toutes les autres affaires, devant tout autre juge.
C'est donc le juge judiciaire qui est le principal gardien de
la « conventionalité » des lois alors que le juge
constitutionnel, en tant que juge à attribution spéciale, reste
le gardien de la constitutionnalité des lois.
Pour le plaideur, l'effet direct de la Charte lui permet une
double option à l'occasion d'une affaire judiciaire. Ainsi, s'il
considère qu'il y a contradiction entre une loi interne et la Charte,
deux voies de procédure lui sont accessibles. Il peut invoquer l'«
inconventionalité » de la loi c'est-à-dire la
contrariété directe entre la loi et la Charte, ou
l'inconstitutionnalité de la loi c'est-à-dire la
contrariété entre la loi et la Constitution. L' «
inconventionnalité » de la loi constitue une question
préalable, de la compétence du juge judiciaire où elle a
été soulevée, et qui doit statuer avant de régler
le fond de l'affaire. Par contre, l'inconstitutionnalité
représente une question préjudicielle, qui relève de la
compétence du juge constitutionnel, sous la forme d'une exception
d'inconstitutionnalité, le juge judiciaire étant obligé de
reporter l'affaire et de renvoyer l'exception d'inconstitutionnalité
devant la Cour constitutionnelle, en réinscrivant l'affaire sur le
rôle après la décision constitutionnelle.
Toutefois, la portée réelle de la norme
internationale de protection des droits de l'homme dans l'ordre interne, tient
aussi aux modalités qui assurent sa mise en oeuvre. La Commission
à ce propos souligner l'indivisibilité et
l'interdépendance des droits de la Charte.
B - L'affirmation de l'indivisibilité et de
l'interdépendance des droits de la Charte
Bien que la Commission ait affirmé avec force, «
qu'aucun État partie à la Charte Africaine ne devrait fuir
ses responsabilités en ayant recours aux limitations et aux clauses de
limitation de la Charte Africaine. Il a été
déclaré, suite aux développements dans d'autres
juridictions, que la Charte Africaine ne peut pas être utilisée
pour justifier des violations de certaines de ses parties. La Charte Africaine
doit être interprétée comme un tout et toutes les clauses
doivent se renforcer mutuellement. »101.
Cette position de la jurisprudence de la Commission reste originale
(2) en ce qu'elle déroge à la distinction
classique affirmer en droit international des droits de l'homme
(1).
1 - La distinction classique droits intangibles et droits
conditionnels.
En droit international des droits de l'homme il est classique
de constater que le principe de l'applicabilité directe tend à
être relativisé par la distinction102 droits
intangibles, droits conditionnels.
La notion de droits intangibles renvoie à l'ensemble
des droits conventionnels ne pouvant faire l'objet d'aucune restriction ou
dérogation par les États parties à la Charte. Ce sont des
droits individuels relatifs à l'intégrité physique et
morale de la personne et à sa liberté. La Convention
européenne en énonce cinq. Ce sont notamment, le droit à
la vie (art 2), le droit de ne pas être torturer ,ni de subir des
traitements inhumains ou dégradants (art 3) le droit de ne pas
être placé en esclavage ou en servitude et de ne pas être
astreint à un travail forcé (art 4), le droit à la non
rétroactivité pénale (art 7) et la règle non bis in
idem qui interdit aux juridictions d'un même État de poursuivre ou
de punir pénalement pour une même infraction quiconque a
déjà été acquitté ou condamné par un
jugement définitif. Le Pacte international sur les droits civils et
politiques reprend la liste des droits intangibles de la CEDH à
l'exception de la règle non bis in idem
101Com 218/98, Civil Liberties Organisation,
Legal Defence Centre, Legal Defence and Assistance Project / Nigeria 102
Il existe d'autres classifications des droits de l'homme notamment la
distinction droits classiques, droits sociaux proposé dans l'ordre
communautaire européen (voir, Human rights handbook publier par
le Ministère néerlandais des Affaires Étrangères,
(1995) p.4-7.) Citons aussi, la classification droit processuels/droits
substantiels. La classification la plus largement acceptée reste celle
qui distingue les droits de la première génération de ceux
de la seconde génération. On parle même, suivant le
développement historique des droits de l'homme, d'une troisième
génération des droits de l'homme.
et l'élargit à trois autres droits : le droit
à la reconnaissance de la personnaliste juridique (art. 16), le droit
à la liberté de penser, de conscience et de religion (art. 18) et
le droit de ne pas être emprisonné pour dette (art. 11).
Le régime juridique des droits conditionnels quant
à lui n'est pas homogène. Certains droits sont susceptibles de
dérogations et peuvent alors faire l'objet, à titre exceptionnel,
d'une non application provisoire mais non de restrictions103.
D'autres droits conditionnels sont susceptibles à la fois de
dérogations et de limitations.104 Les restrictions peuvent
aussi prendre la forme d'une clause générale d'ordre public.
Cette clause autorise l'État à limiter l'exercice du droit
proclamé tout en laissant subsister le droit: selon elle, l'exercice du
droit en cause peut faire l'objet des seules restrictions prévues par la
loi et lesquelles sont nécessaires à la protection de l'ordre
public dans une société démocratique.
Cette distinction qui contribue à la mise en ouvre des
droits de l'homme n'est pas défendable au regard de la jurisprudence de
la Commission, qui s'avère distinctive sur la question.
2 - L'originalité de la jurisprudence de la
Commission
Contrairement aux autres instruments internationaux des droits
de l'Homme, la Charte ne possède pas de clause générale de
dérogation, qui permet aux États, en cas de
situation d'urgence nationale, de suspendre l'application de certains droits
fondamentaux. Certes il existe dans la Charte africaine des clauses de
réserve associées à plusieurs articles, par lesquelles la
jouissance d'un droit ou d'une liberté peut être limitée
par les lois nationales. Par exemple, la liberté d'association est
protégée «sous réserve de se conformer aux
règles édictées par la loi » (art. 10).
Cependant, les clauses de réserve sont conformes au droit international
si : « Les raisons de la limitation se fondent sur un
intérêt public légitime et les inconvénients de la
limitation sont strictement proportionnels et absolument nécessaires
pour les avantages à obtenir. - la limitation n'a pas comme
conséquence le fait de rendre le droit lui-même illusoire.
»105.
103 Il en va ainsi du droit à un procès
équitable, du droit à un recours, du droit à
l'instruction, du droit à des élections libres
104 C'est spécialement le cas du droit à la
liberté et à la sureté.
105 Com 105/93, 128/94, 130/94 et 152/96, Media Rights
Agenda, Constitutional Rights Project, Media Rights agenda and Constitutional
Rights Project c/ Nigeria
Toutefois la Commission a par ailleurs affirmé
l'indivisibilité et l'interdépendance des droits de
l'homme.106 En effet, la Commission a d'abord eu la tentation
d'écarter l'examen des violations des droits économiques et
sociaux107 au profit des droits civils et politiques. Cette
résistance a peu à peu cédé aux
réalités du continent africain rendant nécessaire la prise
en compte de tels droits.
Dans l'affaire Legal Resources Foundation c. Zambie,
la Commission a tenue à rappeler « qu'aucun État partie
à la Charte Africaine ne devrait fuir ses responsabilités en
ayant recours aux limitations et aux clauses de limitation de la Charte
Africaine. Il a été déclaré, suite aux
développements dans d'autres juridictions, que la Charte Africaine ne
peut pas être utilisée pour justifier des violations de certaines
de ses parties. La Charte Africaine doit être interprétée
comme un tout et toutes les clauses doivent se renforcer mutuellement. Le but
ou l'effet de toute limitation doit également faire l'objet d'un examen,
car la limitation d'un droit ne peut pas être utilisée pour
retirer des droits déjà acquis. Par conséquent, la
justification ne peut pas provenir de la seule volonté populaire et,
partant, elle ne peut pas être utilisée pour limiter les
responsabilités des États Parties en vertu de la Charte
Africaine »108. Dans la même affaire l'organe de
Banjul a réaffirmé avec la Déclaration et le Programme
d'Action de Vienne (1993) que «tous les droits humains sont
universels, inter reliés, interdépendants »... et, en tant
que tels, ils doivent être interprétés et appliqués
en gardant à l'esprit qu'ils se renforcent mutuellement ». En
2002, sur plus de 45 cas examinés par la Commission, 15 concernaient
différents droits économiques et sociaux garantis par la
Charte109. En admettant que le principe de l'épuisement des
recours internes permet en droit international de garantir la primauté
de la protection nationale des droits de l'homme, la Commission a reconnu le
caractère subsidiarité du mécanisme qu'elle constitue.
106Guide pour comprendre et utiliser la Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples, op cit, p.37. 107Art. 15-18
Charte africaine des droits de l'homme.
108Com 211/98, Legal Resources Foundation c.
Zambie § 70.
109 Guide, op cit, p.37.
CHAPITRE II : LA SAUVEGARDE DU PRINCIPE DE
LA SUBSIDIARITE DE LA PROTECTION INTERNATIONALE DES DROITS DE
L'HOMME.
Pour des raisons historiques et juridiques, les États
sont, sinon exclusivement, du moins principalement les acteurs du contentieux
international. En effet, le contentieux international relève du droit
international. Or, pendant longtemps, les États ont été
considérés comme les seuls sujets du droit international. Par
conséquent, le droit du contentieux international est d'abord un droit
interétatique et le règlement international des conflits
internationaux n'est qu'un succédané du règlement
national. Pour la Commission, « la demande d'épuisement des
recours internes évite que la Commission ne devienne un tribunal de
première instance, une fonction qui ne lui est pas dévolue et
pour laquelle elle ne dispose pas des moyens adéquats
»110. La Commission prend ainsi en compte le principe de la
subsidiarité des juridictions internationales (Section
I) ainsi que les contraintes spécifiques à ce mode de
règlement des différends. (Section II).
SECTION I- UNE PRISE EN COMPTE DE LA
SUBSIDIAIRITÉ DES RECOURS INTERNATIONAUX.
Les juridictions internationales ne ressemblent que
très peu aux juridictions internes. Un ensemble d'éléments
théoriques participent à différencier les deux ordres. Il
tient du caractère primaire de la justice internationale.
La justice internationale est primaire en ce que sa saisine
dépend largement du consentement des parties,
lesquelles déterminent également son rôle
(Paragraphe I) et sa place. (Paragraphe
II)
Paragraphe I- La reconnaissance du caractère
supplétif des recours internationaux.
L'instance judiciaire internationale est une instance
exceptionnelle. Normalement, le règlement de litiges internationaux se
fait par voie diplomatique pour ce qui est des différends
110Com 74/92 et 155/96, Social and Economic Rights
Action Center, Center for Economic and Social Rights c. Nigeria
entre États, et à travers les juridictions
nationales pour ce qui est des différends mettant au prise État
et particuliers.
Le juge international n'est saisi qu'en cas d'échec des
modes ordinaires de règlement susévoqués. La CPJI
considérait déjà qu' « il apparaît bien
désirable qu'un État ne procède pas à une
démarche aussi sérieuse que l'assignation d'un autre État
devant la Cour sans avoir auparavant, dans une mesure raisonnable
tâché d'établir clairement qu'il s'agit d'une
différence de vue qui ne peut être dissipée autrement
».111 La Commission a estimé que, la règle
de l'épuisement des recours internes évite que la Commission ne
devienne un tribunal de première instance, « une
fonction qui ne lui est pas dévolue »112.
Elle reconnaissait ainsi le caractère supplétif de la juridiction
internationale. L'idée selon laquelle la Commission est une instance
supplétive est traduite par le fait que sa mise en oeuvre n'est pas
obligatoire (A) et que son mandat de protection ne s'inscrit
que dans une logique d'harmonisation et de coordination
(B).
A - La Commission : une instance consensuelle
Dans l'ordre interne, la justice est obligatoire. Toute partie
à un litige est en droit de saisir les tribunaux compétents.
Cette action oblige la partie adverse à comparaître sauf
engagement légal contraire.
Autre est la situation devant la justice internationale. Le
recours à une procédure de type juridictionnel est
subordonné au consentement des parties (2). Par contre
il est avéré que la règle de l'épuisement des
recours internes autorise une juridiction internationale à statuer sur
un cas déjà solutionné par la plus haute juridiction d'un
État. La première question qui se pose est inéluctablement
celle de savoir si la Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples
est une juridiction internationale. (1)
1 - De la juridictionalité de la
Commission.
La question de savoir si la Commission est une juridiction
internationale, ne manque pas de pertinence. En effet, dans sa décision
du 5 mars 1964 relative aux affaires linguistiques belges, la Commission
européenne s'était auto qualifiée de « juridiction
internationale ». Dans l'affaire Anuak Justice contre Ethiopie,
la Commission affirme clairement que « dans la mesure du
111Interprétation des arrêts n°7 et
8, usine de Chorzów arrêt n° 11 du 16
décembre 1927, CPJI, Série A, n°13. 112Com 74/92
et 155/96, Social and Economic Rights Action Center, Center for Economic
and Social Rights c. Nigeria
possible, un tribunal international y compris la
présente Commission ne devrait pas jouer le rôle d'une
première instance, rôle qui ne saurait s'arroger en aucune
circonstance ». Le « y compris » conduit à assimiler
l'organe de Banjul à un tribunal c'est-à-dire à un organe
de type juridictionnel. Cependant, définir la notion de juridiction
n'est pas une entreprise consensuelle, il est généralement
invoqué l'un ou l'autre des points que sont : le point de vue formel et
le point de vue matériel.
Au point de vue formel, il s'agit d'analyser à quels
signes se reconnaît une juridiction, question qui «
intéresse aussi bien le droit interne que le droit
international »113. Il a été
suggéré de considérer l'ensemble des règles de
forme et de procédure auquel l'organe est soumis. Cellesci ont trait
à la composition, à l'organisation et au fonctionnement de
l'organe selon qu'elles offrent aux plaideurs les garanties essentielles qu'ils
sont en droit d'attendre d'une bonne justice. Ainsi, un organe de
règlement a le statut de juridiction dés lors qu'il se soumet
à des règles dont l'objet est d'assurer le respect du
contradictoire c'est à dire l'égalité des parties. La
Commission africaine, à en croire les articles du chapitre III de la
Charte, obéis bien à cette exigence du contradictoire et de
l'égalité des parties.
Au point de vue matériel, une juridiction se
singularise par sa vocation à trancher des litiges avec force de
vérité légale. Ainsi et à tout le moins, l'organe
exerçant des fonctions juridictionnelles se distingue par le contenu de
sa décision. Celle-ci résulte d'un exercice qui consiste à
constater les faits d'une situation pour en apprécier la
légalité. C'est donc l'autorité de l'interprétation
légale qui fonde la juridiction.
Néanmoins il semble que, vouloir opposer les approches
formelle et matérielle c'est s'inscrire dans une démarche
déductive qui ne peut déboucher que sur une définition
purement synthétique. Chaque point de vue repose non sur une analyse de
la pratique juridictionnelle, mais sur ce que devrait être cette
pratique. En effet, une analyse inter subjective et inductive des juridictions
existantes révèle qu'elles possèdent simultanément
les caractères soulignés séparément par les deux
points de vue. A titre d'exemple, le fondement juridique du règlement
devant la Commission comme celui devant toute autre instance judicaire
internationale réside dans la volonté des parties en conflit. Les
deux procédés étant avant tout des modes juridictionnels
de règlement internationaux effectué sur la base du respect du
droit. C'est à ce
113 Cavaré (L), « notion de juridiction »
AFDI, 1956, pp. 502-503.
titre qu'il a été relevé qu'il «
parait impossible de prendre comme critère un certain tout, au moins
tel quel, un de ceux, formel ou matériel que le droit interne
reconnaît. Il faut dans chaque cas faire état de la structure de
l'organisation de la nature des décisions rendues par lui, de la
procédure suivie devant lui, du rôle qu'il joue, c'est la seule
considération de tout cet ensemble qui peut amener à prendre
partie » 114.
A la réalité, les caractères formels ou
matériels peuvent être plus ou moins marqués selon les
juridictions. Cette gradation des caractères permet de distinguer par
exemple, le règlement devant un organe quasi juridictionnel de celui
devant un organe purement juridictionnel. Le premier n'assure qu'une fonction
juridictionnelle alors que le second jouit de la nature juridictionnelle. En
effet, cette distinction tient essentiellement de l'absence des juges et du
caractère non obligatoire des décisions lesquelles conduisent
à qualifier la Commission de quasi juridiction. Toutefois, à
l'instar des juridictions internationales proprement dites, la saisine de cette
quasi juridiction est soumise au consentement des parties.
2 - De l'expression du consentement
Le principe de souveraineté fait obstacle à
l'établissement d'une justice internationale obligatoire115.
Le Droit international n'habilite pas un État à citer
unilatéralement un autre devant une juridiction internationale, sauf
consentement actuel ou passé du défendeur.
Dans le premier cas, l'acceptation de la juridiction
internationale peut intervenir avant la naissance du conflit, on parle de
consentement ante délictum. L'acceptation est soit
conventionnelle soit, unilatérale.
L'acceptation conventionnelle correspond à un
engagement spécial ou à un engagement général.
L'engagement spécial est pris dans le cadre d'un traité dont
l'objet principal n'est pas le règlement des différends. Il vise
les litiges qui peuvent naître de l'application ou de
l'interprétation de ce traité. Il s'agit en fait d'une clause
compromissoire. Cependant, l'engagement général est
stipulé dans un traité ayant pour objet principal le
règlement des différends. L'acceptation conventionnelle peut
être assortie de réserves116 .
114Ibidem.
115George Abi-Saab parle de justice consensuelle, voir
colloque de Lyon « La juridiction internationale permanente », Paris,
Pédone, p. 409.
116Affaire du plateau continental de la mer
Égée, Grèce c. Turquie, exception de compétence
nationale reconnue contre la Grèce, CIJ 19 décembre.
L'acceptation unilatérale correspond à la clause
d'option ou clause facultative de juridiction obligatoire comme c'est le cas de
l'article 36(2) du statut de la CIJ. Cette déclaration peut être
faite simplement ou sous condition de réciprocité pour une
durée déterminée. Il s'agit d'une clause facultative en ce
sens que nulle partie n'est tenue d'y souscrire, mais sa souscription a pour
conséquence de rendre obligatoire la juridiction de la CIJ. Elle permet
une saisine par voie de requête unilatérale en dehors de tout
compromis.
Dans le second cas, l'acceptation de la Juridiction intervient
après la naissance du différend. En principe, le consentement
post delictum résulte d'un accord entre parties au
différend appelé compromis, dans cette hypothèse, la
juridiction est saisie par la notification du compromis (art 40 statuts
CIJ).
Exceptionnellement, le consentement peut être
donné par l'État défendeur après la saisine
unilatérale de la juridiction par son adversaire. Cette acceptation
subséquente peut être explicite ou implicite. Elle illustre le
principe du forum prorogatum c'est-à-dire, l'extension de la
compétence normale de la Cour à une affaire qui d'après
les règles ordinaires n'en relève pas.
Ce tempérament constitue donc un
phénomène assez exceptionnel. L'indépendance des
différentes juridictions existantes les unes par rapport aux autres est
bien caractéristique de l'ordre juridique international. Un ordre
dominé par le consensualisme et le volontarisme.
Pour ce qui est de la Charte, la ratification par un
État de cet instrument vaut instrument vaut acceptation de la
compétence de la Commission pour les litiges relatifs à
l'interprétation et à la mise en oeuvre de la Charte.
B - La Commission : une instance de coordination et
d'harmonisation des jurisprudences nationales.
Contrairement au contrôle national qui tient d'une
logique de compétence souveraine, « Le contrôle
international procède d'une logique d'harmonisation (et) de
coordination ».117De l'avis de la Commission, «
l'un des objectifs visés par la condition d'épuisement des
voies de recours internes est de donner la possibilité aux juridictions
internes de statuer sur des cas avant de les porter devant un forum
international, pour éviter des jugements contradictoires par des
lois nationales et
internationales.»118 En effet,
pour la Commission,« Les mécanismes
117Olinga (A-D), « L'effectivité de la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », op cit, p.181.
118Com 155/96, Social and Economic Rights Action Center, Center
for Economic and Social Rights / Nigeria
internationaux ou les missions ne sont pas des substituts
à la mise en oeuvre interne des droits de l'homme mais devraient
être considérés comme des outils destinés à
assister les autorités nationales dans l'élaboration d'une
protection suffisante des droits de l'homme sur leur
territoire.»119 Deux affaires suffisent à exposer
les observations de la Commission concernant son rôle dans la
coordination des ordres internes et internationaux. Il s'agit d'une part de la
communication 255/2002 sur l'affaire Garreth Anver Prince c. Afrique du
Sud120(1) et d'autre part de la Communication
211/98 Legal Resources Foundation c. Zambie (2).
1 - La négation des interprétations
restrictive de la doctrine de la marge d'appréciation et la
prééminence du mandat de la Commission
Dans l'affaire Garreth Anver Prince c. Afrique du
Sud, le plaignant, un Sud Africain, adepte de la religion rastafari
s'était vu refuser l'enregistrement de son contrat de travail à
titre d'intérêt public par l'Ordre des avocats du Cap de Bonne
Espérance. Le refus était motivé par sa double
condamnation pour possession de cannabis au titre de la loi sur la possession
et le trafic des drogues. Le plaignant maintenait sa volonté de
continuer à consommer du cannabis en raison de ses convictions
religieuses sur les vertus de l'herbe. L'affaire avait été
examiné par les tribunaux sud africains qui donnèrent raison, au
regard de la Constitution, à l'Ordre. La Cour constitutionnelle sud
africaine, lors de son jugement avait « établi un juste milieu
entre les intérêts opposé dans la société
tout en restant consciente du contexte historique et du caractère unique
de la société sud africaine. ». Le problème
semblait délicat puisque l'Etat défendeur, qui était
l'Afrique du sud, avait fait remarquer à la Commission qu'en prenant
« une décision qui serait en contradiction avec celle prise par
un organe judiciaire hautement appréciée, cela sèmerait
inévitablement les germes d'un conflit éventuel entre les
systèmes judiciaires nationaux et internationaux et perturberais le
juste équilibre entre les nouveaux systèmes des droits de l'homme
des États membres de l'UA ».
L'État défendeur, avait prétendu
qu'« en utilisant les mêmes sources du droit international que
les tribunaux sud africains, la Commission africaine parviendra aux mêmes
conclusions que ceux des tribunaux nationaux sud africains ».Il avait
été recommandé à l'organe de recourir à deux
méthodes d'interprétation afin de rendre pacifique la coexistence
entre le
119 Com 268/2003 Ilesanmi c. Nigeria.
120 Toutes les références jurisprudentielles
citées dans ce sous paragraphe sont tirées de la Com 255/2002 sur
l'affaire Garreth Anver Prince c. Afrique du Sud à l'exception
des revoient explicitement évoqués.
système judicaire de l'État défendeur et
la Charte africaine. Les deux méthodes se rapportaient au principe
subsidiaire et à la doctrine de la marche
d'appréciation121
Pour la Commission, les deux doctrines établissent la
compétence et les devoirs de l'État défendeur dans la mise
en oeuvre de la Charte dans l'ordre interne. Ils justifient l'obligation
qu'à le plaignant d'épuiser les recours internes prescrit par la
Charte. S'il est vrai qu'elles autorisent aux États membres d'introduire
des restrictions, il doit être remarqué que les États
procèdent à des interprétations restrictives lesquelles ne
doivent en aucun cas remettre en cause la prééminence du mandat
de la Commission.
Ces interprétations consistent à élargir
le champ de la compétence des autorités nationales et à
l'inverse amoindrir celui de la Commission. Selon elle, de telles
interprétations si elles ne sont pas rectifiées «
équivaudraient à déposséder la Commission africaine
de son mandat de suivi et de supervision, de la mise en oeuvre de la Charte
africaine ». Elles sont donc à proscrire et l'entendement de
la Commission sur la question participe à conforter le primat de son
mandat.
En matière de coordination entre les systèmes
judiciaires nationaux et l'ordre international le rôle de la Commission
est clair. Il consiste à «guider, assister, superviser et
inciter les États membres à acquérir des normes plus
élevé en matière de promotion et de protection des droits
de l'homme ». La doctrine du principe subsidiaire et celle de la
marge d'appréciation partent de la présomption que les
États membres ont donné plein effet aux droits
énoncés par la Charte. Nonobstant la discrétion dont
jouissent tous les États membres du fait de ces doctrines «
elles ne dénient pas à la Commission africaine son
mandat ». Il reviendra à celle-ci de se prononcer si les
restrictions à apporter aux libertés et droits de l'homme sont
compatibles avec la Charte. Pour ce faire elles se réfèrent a
l'article 27(2) qui énonce clairement que les droits garantis par la
121 La Commission a reconnu avec l'État
défendeur que la doctrine du principe subsidiaire « guide la
Charte africaine comme tout autre instrument des droits internationaux et ou
régionaux des droits de l'homme par rapport à son organe de
supervision respectif créer a cet effet ». Des lors, les
compétences de supervision de l'organe subsidiaire qu'est la commission
doivent être exercées dans un cadre restreint par le choix des
moyens employés par l'État pour donner vie à la Charte
dans l'ordre interne. En effet, la Commission ne devrait en aucun cas «
se substituer aux institutions nationales dans l'interprétation et
l'application de la législation nationale». Elle ne peut
remplacer les procédures internes et nationales trouvées dans
l'État défendeur pour mettre en oeuvre la promotion et la
protection des droits de l'homme et des peuples prescris par la Charte. Il
s'agit d'une construction théorique qui « guide la Commission
africaine en ce sens qu'elle considère l'État défendeur
comme mieux disposé à adopter des politiques, lignes directrices
et règles nationales relatives à la promotion et la profession
des droits des peuples ». Elle s'explique par le fait que,
l'État connait très bien les besoins et les défis de sa
société mieux que la Commission. Quant à la marche
d'appréciation, elle est une faculté de discrétion dont
jouit l'État dans l'application des droits de l'homme .Elle oblige
l'organe de supervision à ne pas examiner les communications in
abstracto, mais plutôt à la lumière spécifique de
l'État défendeur..
Charte « doivent être exercés en tenant
dûment compte des droits des autres, de la sécurité
collective, de la moralité et de l'intérêt commun
». Aussi, « les restrictions éventuelles doivent
être fondées sur l'intérêt légitime de
l'État et les conséquences néfastes de la restriction des
droits doivent être strictement proportionnelles et absolument
nécessaires pour les avantages à obtenir » (§43).
Cette position a prévalu dans le cas Garreth puisque les restrictions
étaient compatibles et ne violent aucun droit de la Charte.
Par ailleurs, la Commission par la technique de «
l'emprunt interprétatif », assure à travers sa
jurisprudence l'harmonisation des jurisprudences nationales.
2 - La règle de l'épuisement des voies de
recours internes comme instrument de coordination et d'harmonisation de la
jurisprudence nationale et internationale des droits de l'homme.
La commission a fait valoir que la règle de
l'épuisement des voies de recours internes « renforce
également la relation subsidiaire et complémentaire existant
entre le système international et les systèmes de protection
internes. »122A travers les juridictions
nationales, l'épuisement des voies de recours internes contribue
à l'arrimage des législations nationales au standard commun
qu'est la Charte. L'invocabilité de la jurisprudence de la Commission
dans l'ordre interne participe de ce qui a été appelé
« le dialogue des juges entre ordres juridiques »,
à l'échelle internationale, entre l'ordre juridique
conventionnel africain et l'ordre juridique interne. Dans l'affaire
Legal Resources Foundation c. Zambie, la Commission était
appelée à se prononcer sur la légitimité d'une
loi portant modification de la Constitution zambienne aux
fins inavouées de priver l'ancien Président Kenneth Kaunda du
droit de candidature aux élections présidentielles. L'organe
de Banjul avait alors fait valoir qu'« un organe créé en
vertu d'instruments internationaux comme la Commission n'a aucune
compétence pour interpréter ou appliquer le droit national.
Par contre, un organe comme la Commission peut examiner le respect d'un
traité par un État et donc, dans le cas d'espèce, le
respect de la Charte Africaine. Autrement dit l'exercice consiste à
interpréter et à appliquer la Charte africaine plutôt que
de tester la validité du droit national ».123
Ces précisions faites, la Commission avait alors «
opérer
122Com 299/2005 Anuak Justice Council c.
Ethiopie 123Com 211/98 Legal Resources Foundation c.
Zambie
un véritable coup de force institutionnel
»124en affirmant que : « Lorsque la Commission
estime qu'une mesure législative est incompatible avec la Charte
Africaine, son avis oblige l'État concerné à
rétablir la conformité dans le respect des dispositions de
l'article 7 ».125 Une telle interprétation de sa
compétence équivaudrait à inviter indirectement la
juridiction constitutionnelle zambienne, à travers le contentieux
interne des droits de l'homme, à donner des interprétations
évolutives de la constitution qui prennent en compte la Charte. Cette
perspective, semble être le seul moyen d'éviter des jugements
contradictoires entre les juridictions nationales et la Commission de Banjul.
En effet, si l'individu doit rechercher la réparation de la violation
auprès des juridictions nationales, les États, et les
juridictions nationales, doivent également, chercher à
éviter une sanction de la Commission. Ils ne peuvent y parvenir qu'en
appliquant un droit interne qui reflète et, s'inspire des principes et
de la jurisprudence de la Commission. Il ya de ce fait une incitation de la
jurisprudence de la Commission à l'endroit du juge national à
appliquer le droit interne de manière compatible avec la jurisprudence
de la Commission. En influençant l'interprétation même de
la loi fondamentale des États, la Commission s'assurer
d'une certaine façon, qu'aucune norme interne ne puisse
échapper à un contrôle de compatibilitéavec les
dispositions de la Charte. Ce contrôle de la portée des
dispositions constitutionnelles
nationales, permet à la Commission de forger bien
qu'elle s'en défende, un standard africain qui gomme progressivement les
identités juridiques des États.
Du fait qu'elle intervient avant toute décision au
fond, la règle de l'épuisement des voies de recours internes
participe, peut-être encore plus, sinon autant que le contenu «
matériel » des décisions au fond, à l'harmonisation
des droits nationaux autour du standard commun qu'est la Charte126.
Cette règle est un « mécanisme boomerang
»127, qui instaure une forme de coopération, être
les juridictions internes et la Commission aboutissant à une mutation du
droit interne, conformément aux dispositions de la Charte. Elle
constitue un facteur extérieur qui en induisant une modification du
droit interne, fait du juge l'acteur essentiel de la standardisation de l'ordre
juridique interne.
124Olinga (A-D), « Les emprunt normatifs de la
Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples aux systèmes
européen et interaméricain de garantie des droits de l'homme
», op ci, p.517.
125Com 211/98 Legal Resources Foundation c.
Zambie
126Sudre(F), « Existe-t-il un ordre public
européen ? », in Quelle Europe pour les droits de l'homme ? La Cour
de Strasbourg et la réalisation d'une « Union plus étroite
» (35 années de jurisprudence : 1959-1994), Bruylant, Bruxelles,
1996, p. 49.
127Sudre (F), « L'influence de la Convention
européenne des droits de l'homme sur l'ordre juridique interne»,
R.U.D.H., 1991, pp. 259-274, p. 265.
Si la Commission a admis que la règle de
l'épuisement des recours internes traduit le principe selon lequel la
juridiction internationale est une instance supplétive, elle a par
ailleurs validé le principe suivant lequel ces juridictions sont
exclusivement des organes de derniers recours.
Paragraphe II- L'acceptation du caractère ultime des
recours internationaux.
En reconnaissant que, la règle de l'épuisement
des recours interne « évite (également)
à la Commission de jouer le rôle d'un tribunal de
première instance mais plutôt celui d'un organe de dernier
recours »128, la Commission a accepté le principe
du caractère ultime des recours internationaux
généralement admis en droit international. Cette acceptation
s'est traduite par un refus de la Commission à jouer les
premières instances (2), refus motivé par les
considérations de droit international selon lesquelles la justice
internationale est une justice extrême (1).
A - La justice internationale : une justice
extrême
Il est constamment rappeler dans la jurisprudence de la
Commission que : « Dans la mesure du possible, un tribunal
international, y compris la présente Commission, ne devrait pas jouer le
rôle d'une première instance, rôle qu'il ne saurait
s'arroger en aucune circonstance. L'accès à un organe
international devrait être disponible mais seulement en dernier ressort :
après épuisement et échec des recours internes
».129 Dire que la juridiction internationale est une
justice extrême, c'est reconnaître qu'elle ne peut aucunement
constituer un premier degré de juridiction puisqu'il n'existe pas une
hiérarchie formelle des tribunaux dans l'ordre international
(1). Toutefois, il y-a lieu de signaler que ce principe
connaît un certain nombre de tempéraments
(2).
1 - L'absence de soumission à une juridiction
suprême.
Contrairement à l'ordre interne, les justiciables de
l'ordre international choisissent la juridiction qui tranchera leur litige. Il
n'existe pas de règle générale les soumettant à un
ordonnancement judiciaire précis. L'ordre international a entre autres
caractéristiques
128Com 147/95 et 149/96 Sir Dawda K. Jawara c
.Gambie, §31. 129 Com 299/2005 Anuak Justice Council /
Éthiopie
fondamentales l'absence d'un aménagement judiciaire
comparativement à l'ordre interne. Le Professeur Rafa'a Ben Achour
écrit : « il n'existe pas de système de juridiction
hiérarchisé avec au sommet une juridiction suprême ayant
pour rôle la vérification et l'harmonisation de la
jurisprudence ». 130
Dans l'ordre interne, les tribunaux s'insèrent dans un
ordonnancement hiérarchisé qui traduit la procédure devant
les juridictions nationales. Ainsi les justiciables sont obligés de
saisir les juridictions inférieures avant de prétendre aux
l'instance supérieures. Pour preuve, la saisine des juridictions
supérieures est conditionnée par la saisine préalable des
juridictions inférieures.
Il en va autrement dans l'ordre international. A l'image de
l'ordre international, « la justice est en effet
décentralisée, éclatée et les différentes
juridictions qui existent ne sont pas soumises à une autorité
juridictionnelle suprême »131. C'est à cet
égard qu'il a été affirmé « que la justice
internationale n'existe pas, il n'y a que des juridictions internationales
».132Elle n'existe pas car sa saisine demeure très
largement fermée aux autres sujets de droit international et, largement
soumise à la discrétion des États. Il y a tout de
même quelques tempéraments au morcellement de la justice
internationale.
2 - Les tempéraments au morcellement de la justice
internationale
Il existe en effet des juridictions dont les décisions
sont susceptibles d'appel devant une autre juridiction internationale. Cette
tendance peut se voir dans trois hypothèses.
D'abord, une partie au litige peut sous certaines conditions
contester devant la CIJ la validité d'une sentence arbitrale. C'est ce
qui ressort de l'affaire de la sentence arbitrale rendue par le Roi d'Espagne
le 23 décembre 1906133 . Ensuite, la CIJ est juge d'appel des
décisions du Conseil de l'Organisation de l'Aviation Civile
Internationale (OACI) et ce au terme de l'article 84 de la convention relative
à l'aviation civile internationale du 17 décembre 1944
134Chicago. Enfin, la CIJ peut être saisi pour avis sur la
validité des décisions rendues par le Tribunal Administratif des
Nation Unies.
130Rafa'a Ben Achour, « Quel rôle pour la
justice internationale ? », Colloque de Tunis 13, 14 et 15 Avril 2000
Justice et juridictions internationales (dir) Rafa'a Ben Achour et
Slim Loghmani, Paris, Pédone 2000, p.17. 131Ibid, p.17.
132Cavare (L), cité par Rafa'a Ben Achour
Ibid., p.17.
133Voir aussi l'arrêt du 18 novembre 1960, CIJ,
recueil 1960, sentence arbitrale du 31 juillet 1989 Guinée Bissau
contre Sénégal. Arrêt du 12 novembre 1991 CIJ recueil
1991.
134Cf. Appel concernant la compétence du
Conseil de l'OACI, Arrêt du 18 Août 1972 CIJ, recueil 1972
Il y a lieu de préciser néanmoins que la CIJ est
une institution comme les autres, elle n'est « au terme de l'article
92 de la charte des Nations Unies, que l'organe judiciaire « principale
» (et non suprême) de l'ONU et non de la Société
internationale ». Elle ne constitue donc pas d'office une juridiction
d'appel ou de cassation à l'égard des autres tribunaux
internationaux. Ce tempérament constitue donc un phénomène
assez exceptionnel. L'indépendance des différentes juridictions
existantes les unes par rapport aux autres est bien caractéristique de
l'ordre juridique international. Un ordre dominé par le consensualisme
et le volontarisme. Cependant de ce que les juridictions internationales sont
indépendantes, peut on conclure que la Commission est un organe
suprême ?
B - La Commission : Un recours suprême ?
Le caractère supplétif du règlement
international présente la juridiction internationale comme un organe de
dernier recours. La Commission a plusieurs fois rappelé que «
la justification de la règle de l'épuisement des voies de
recours tant dans la Charte que les autres instruments internationaux des
droits de l'homme évite à la Commission de jouer le rôle
d'un tribunal de première instance mais plutôt celui d'un
organe de dernier recours ».135 Cette aperception
est conforme à la Charte (1) mais tend à
être relativisée au regard du nouveau système africain des
droits de l'homme (2).
1 - Selon la Charte africaine
En tant que texte constitutif de la Commission, la Charte
africaine reconnaît à l'organe, un mandat de promotion et de
protection des droits de l'homme en Afrique (art 30). Une analyse des
dispositions pertinentes de la Charte, notamment celle du chapitre III permet
d'affirmer que la Commission constitue bien l'organe de dernier recours en
matière des droits de l'homme en Afrique.
Dans le cadre des communications étatiques, il est
institué en vertu des articles 47, 48 et 49 une procédure de
conciliation préalable à la saisine de la commission.
L'échec de la négociation bilatérale ou de toute autre
voie de règlement pacifique justifie que les Etats disposent du droit de
saisir la Commission. Cette disposition ne signifie pas que la
négociation
135Com. 25/89Jawara contre Gambie, com. 74/92, Free
Légal Assistance Group et autre c. Zaïre, et com. 83/92 Degli et
autre c. Togo.
soit obligatoire. L'unique communication
étatique136 enregistrée jusqu'à cette date,
confirme bien la possibilité garantie par l'art 49 d'une saisine direct
de la Commission. Il ne pouvait en être autrement puisqu'on sait que ni
dans la Charte « ni ailleurs en droit international de règle
générale selon laquelle l'épuisement des
négociations diplomatiques serait un préalable à la
saisine de la Cour »
Les juridictions internationales ne sanctionnent l'obligation
de négocier que si elle a été expressément
souscrite par la partie contre laquelle elle est invoquée. Par ailleurs,
l'exigence d'épuiser les recours internes, commune aux deux types de
communications participe à rendre compte du fait que la Commission
constitue bien un organe ultime de recours ou de dernier recours.
2 - Selon le nouveau système africain de
protection des droits de l'homme.
Le nouveau système mis en place par le protocole
additionnel de 1998 instituant la Cour africaine des droits de l'homme tend
à relativiser le caractère ultime du recours devant la
Commission. Dans l'avènement de la Cour africaine, le caractère
ultime du recours devant la Commission semble être mis en bémol.
Le rôle de la Commission risque s'inscrire dans une logique de
dépendance et de subordination à la Cour africaine dont elle est
l'antichambre en matière de recevabilité. Dans la nouvelle
configuration du système il est difficile de savoir si la
décision de la recevabilité, prise au niveau de la Commission lie
la Cour africaine. En d'autres mots dans le cadre de la saisine directe la Cour
peut elle examiner une communication alors que la Commission l'a
déclarée irrecevable ? En l'état actuel du droit positif
cette question semble être sans réponse. Néanmoins
l'extension des compétences de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples à l'application d'autres instruments internationaux de
protection des droits humains137 suggère de répondre
par l'affirmative. Tel est le cas lorsque l'irrecevabilité
136La Communication 227/99, R. D. Congo / Burundi,
Rwanda et Ouganda est à cette date l'unique communication
examinée par la Commission. Introduite au Secrétariat de la
Commission le 8 mars 1999 elle à été examine à la
33eme session en mai 2003.
137En effet, l'article 3 du Protocole de
Ouagadougou dispose: « La Cour a compétence pour
connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont
elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la
Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent
relatif aux droits de l'homme et ratifié par les États
concernés ». L'article 7 stipule que : « la Cour
applique les dispositions de la Charte ainsi que tout autre instrument
pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par l'État
concerné ». Ces dispositions sont reprise par l'article 26
§ 1 du Règlement intérieur intérimaire de la Cour
africaine.
devant la Commission est fondée sur
l'incompétence de l'organe à statuer sur les différends
relatifs à des textes autres que la Charte. De même L'article 6
§ 1 du Protocole dispose que : « la Cour, avant de statuer sur la
recevabilité d'une requête introduite en application de l'article
5 § 3 du présent Protocole, peut solliciter l'avis de la Commission
qui doit le donner dans les meilleurs délais ». Cette
disposition semble indiquer que la Commission ne serait plus un organe de
denier recours.
Il importe de préciser que les rapports entre la Cour
et la Commission africaine sont plus des rapports de
complémentarité que des rapports de compétition. Au regard
de cet attelage, il apparaît évident que la primauté de la
Cour sur la Commission est avérée. En effet sans,
nécessairement reprendre la forme, le système africain de
protection des droits de l'homme est catalogué sur le modèle
européen lequel trahit la prééminence de la Cour, nature
juridictionnelle oblige. La fusion prochaine de la Cour de justice africaine
d'avec la Cour africaine des droits de l'homme traduit à suffisance
cette option. Il n'ya qu'a constater que la Commission est conservée
dans la Section droits de l'homme de la future Cour africaine de justice et des
droits de l'homme (CAJDH).
A travers le principe de l'épuisement des recours
internes la Commission n'a pas seulement admis la subsidiarité des
recours internationaux, elle a aussi reconnu les difficultés relatives
à ce type de procédures.
SECTION II- UNE PRISE EN COMPTE DES CONTRAINTES
DU RÈGLEMENT INTERNATIONAL
La Commission a pris en considération les
difficultés liées à la mise en oeuvre des recours
internationaux. Elle a admis qu': « En outre, les recours internes
sont normalement plus rapides, moins onéreux et plus efficaces que les
recours internationaux. Ils peuvent être plus efficaces au sens qu'un
tribunal d'appel peut casser la décision d'un tribunal inférieur
alors que la décision d'un organe international n'a pas cet effet, bien
qu'elle engage la responsabilité internationale
de l'Etat concerné. »138
Ceux-ci justifient la subsidiarité du règlement international et
peuvent être appréciées sous deux angles. Il y a d'une part
les nécessités qu'impose le travail de la Commission.
(Paragraphe I) D'autre part, il y'a les réalités peu
attrayantes auxquelles donne lieu le recours au règlement
international (Paragraphe II).
Paragraphe I : Le souci du filtrage et de la diligence dans
le traitement des communications
La règle de l'épuisement des recours locaux a
entre autre fonction d'assurer un certain filtrage des communications
(A) et de permettre la célérité dans le
traitement de ces communications (B).
A - Le filtrage des communications
Certes, les sept conditions de recevabilité servent
toutes d'une certaine manière à filtrer les requêtes devant
la Commission. Cependant, l'épuisement des recours locaux est la
condition qui assure le mieux cette fonction. En effet si toutes les autres
à l'exception de l'article 56(6) peuvent être remplies dès
lors qu'il y a violation des droits de la Charte, la condition 56(5) exige
nécessairement un certain temps. Cela évite le rôle de la
Commission d'être engorgée (2) dans un contexte
où les violations sont plurielles (1).
1 - La réalité des violations plurielles et
multiformes
L'Afrique continue de s'illustrer par l'autoritarisme de ses
dirigeants politiques. La conception et la gestion du pouvoir par les leaders
politiques africains tire plus dans l'autoritarisme que dans la
démocratie. Cette situation se traduit par des politiques
répressives extrêmes à la suite de chaque contestation des
régimes au pouvoir. Au nom de la construction nationale, il s'est
développé en Afrique une véritable culture de
l'impunité des violations des droits de l'homme par l'Etat et ses
agents. Dans le passé, et notamment cette dernière
décennie, les situations de crise qui ont frappé nombre d'Etats
africains font état de multiples violations des droits de l'homme. A
titre d'exemple, dans la seule année de 2008 à 2009, l'Afrique a
été secouée par des crises aux répressions
politiques très critiquées. Il est notable de citer la
138Com 299/2005 Anuak Justice Council /
Ethiopie
répression des émeutes de la vie chère
qui ont eu lieu au Cameroun en février 2008, la répression des
contestations électorale au Togo et au Zimbabwe, les assassinats
politiques en Guinée Bissau et la récente répression de la
junte militaire en Guinée Conakry (28 septembre 2009).
Il ne s'agit là que de violations intéressant
l'opinion internationale, parce que rendues visibles par l'activité des
mass médias. D'autres violations multiformes prolifèrent. Elles
touchent des individus isolés, des groupes minoritaires dans leurs
droits les plus absolus tel que la vie, l'intégrité physique, la
propriété.139
Cette multitude de violations quotidiennes de la Charte,
permet d'entrevoir ce que pourrait être le rôle de la Commission,
si la règle de l'épuisement des voies de recours, n'assurait pas
son rôle de filtre. Il est clair qu'il y aurait risque d'engorgement.
2 - Le risque d'engorgement de la Commission
A l'idée que les multiples violations
précédemment évoquées parviennent devant la
Commission, celle-ci se trouverait inévitablement
débordée. Le principe subsidiaire, que garantie la règle
de l'épuisement des voies de recours, sert à éviter une
telle situation. En réalité, il évite que des
requêtes fantaisistes et manifestement mal fondées n'arrivent au
rôle de la Commission et encombre celui-ci. Il canalise les demandes en
justice vers les juridictions internes, plus nombreuses et diverses. Organe
unique pour tout un continent, la Commission ne peut prendre en charge à
elle toute seule, autant de demande en justice. Seules les requêtes
pertinentes qui n'ont pas de réponse en droit interne sont retenues par
la Commission. L'engorgement du rôle de la commission compromettrait
considérablement son mandat de protection puisqu'il conduira à
différer le rendu d'une justice dont la diligence est déjà
querellée.
B - La diligence dans le traitement des
communications
Le souci de la célérité de la justice est
une préoccupation constante en matière de protection des droits
humains. La diligence dans le traitement des communications est une
résultante du rôle de filtre que joue la règle 56(5). Il
est pertinent de préciser que cette diligence se trouverait fortement
compromise dès lors que les méthodes et la fréquence de
travail de la commission semblent inadéquates (1). Par
ailleurs, la durée de l'instance de recevabilité devant la
139Voir Rapport des droits de l'homme 2007-2008, Union
Interafricaine des Droits de L'homme, disponible, en ligne
www.fidh.org
Commission est un argument sérieux qui participe au souci
de célérité dans le traitement des communications
(2).
1 - L'incommodité des méthodes de
travail
La Commission tient deux sessions ordinaires par an,
c'est-à-dire une session tous les six mois. Chaque session ordinaire
dure deux semaines, au cours desquelles elle examine les communications
à elle soumises et remplit certaines de ses obligations de promotion.
Elle a tenu sa première session le 2 Novembre 1987 à Addis-Abeba.
Elle a également la possibilité de se réunir en session
extraordinaire sur décision de son président et selon les
modalités de l'article 3 de son règlement intérieur. La
durée de rencontre de la Commission, comparativement au nombre
éventuel de communication conduirait inéluctablement à
l'impasse. Ceci est d'autant plus vrai qu'il a été observé
que les « réunions sont ainsi trop brèves pour permettre
un travail approfondi »140 il a même
été constaté qu'« Au fil des ans, il est devenu
claire que les quatre semaines au cours desquelles la commission se
réunit chaque année sont inadéquates pour permettre
à la Commission de remplir son mandat »141.
Par ailleurs pendant les deux semaines que durent les travaux,
la moitié des sessions est ouverte au public et l'autre moitié
est tenue à huis clos. C'est pendant cette seconde moitié, soit
sept jours, que les affaires confidentielles et les communications sont
examinées.142
Au regard du champ et de la masse du contentieux africain des
droits de l'homme ces sept jours de travail sont insuffisants et la
règle joue un véritable rôle de frein.
2 - La durée de l'instance de
recevabilité devant la Commission.
Il faut distinguer la procédure de saisine de la
procédure de recevabilité. Selon l'art 55(1) la soumission d'une
communication est suivie par leur compilation par le Secrétaire de la
Commission en une liste transmise par le Secrétaire à chaque
membre de l'organe. Les articles 55(2) de la Charte et 102(1) du
règlement intérieur prévoient qu'une communication est
prise en compte si elle a été admise par la majorité
simple des onze membres de la Commission.
140Atangana Amougou (J-L), « La commission
africaine des droits de l'homme et des peuples », op cit, p.100.
141Bahame Tom Nyanduga, « Perspectives on the African
Commission on Humans' and Peoples Rights' at the occasion of the 20th
Anniversary of the entry into force of the African Charter on humans' and
Peoples Rigths' », African Human rights law journal, vol 6,
n°2, 2006, p. 259.
142Murray (R), « The African Charter on Human and
Peoples' Rights' 1987-2000: An overview of its progress and problems
», African human rights law journal (AHRLJ), vol 1, n°1,
2001, p.8.
La procédure normale veut que, la saisine et la
recevabilité soient considérées en deux sessions
différentes. Ces sessions ne sont pas nécessairement
consécutives, dans la communication 97/93, Modise contre
Botswana, la Commission a décidé de la saisine de la
communication à sa 13ème session et ne l'a
déclaré recevable qu'à sa 17ème session,
contrairement à la communication 204/97, Mouvement Burkinabé
des Droits de l'Homme et des peuples contre Burkina Faso ou la saisine a
eu lieu à la 23ème session et la recevabilité
à la 24ème session. Selon l'article 114 du
règlement intérieur, la Commission examine les communications
suivant l'ordre de leur réception ceci afin d'assurer que chaque
communication reçoivent l'attention qu'elle mérite. Il s'en suit
qu'une période d'au moins un an sépare le moment de la saisine de
celui de la recevabilité. Pour preuve, l'une des communications qui a
mis le moins de temps devant la Commission est la communication 221/98,
Cudjoe c. Ghana. Reçue au secrétariat de la Commission
en 1998, elle a été soumise à la Commission à la
24ième session en octobre 1998 et déclarée
recevable à la 25ième session de mai 1999 date
à laquelle elle fut examinée. Elle aura passé un an devant
l'organe. L'une des plus longues instances est la communication Malawi
Afican Association c. Mauritanie. Elle est restée devant la
Commission du 14 novembre 1991 à mai 2000 soit neuf ans.143.
La durée moyenne de l'instance de recevabilité semble être
de quatre ans. En effet, en faisant une analyse statistique des
différentes durées d'instance, on peut conclure que la plupart
des communications restent pendantes durant près de quatre ans avant de
se voir examiner144. Cette situation est réelle alors que
l'art 113 du Règlement Intérieur de la Commission, prévoit
que la Commission décidera le plut tôt possible si la
communication est admissible selon la Charte.
Les requêtes étant examinées par ordre de
saisine, une requête qui arrive au rôle de la Commission devra
attendre que toutes les requêtes qui l'ont précédé
soient examinées avant de
143Com 54/91, voir également communication
65/92 Ligue Camerounaise des Droits de l'Homme contre Cameroun
(1992-1997) communication Association pour la Défense des Droits de
l'Homme et des Liberté contre Djibouti (1994-2000) communication
73/92 Diakate contre Gabon (1992-2000), Com 39/90, Annette
Pagnoulle( pour le compte de Abdoulaye Mazou ) c. Cameroun
(1990-1997)communication 97/93 Modise contre Botswana (1993-2000) la
Commission avait elle-même reconnu que « cette communication est
longtemps resté en instance devant la commission »
144Voir et comparer les Com 104/93, Centre pour
l'indépendance des magistrats et des avocats c Algérie
(1993- 1995) ; Com 16/88, Comite Culturel pour la
Démocratie au Bénin et autres c. Bénin (1988-1995);
Com 97/93, John k. Modise c. Botswana (1993-2000); Com 39/90,
Annette Pagnoulle( pour le compte de Abdoulaye Mazou ) c. Cameroun
(1990-1997) ;Com 59/91, Embga Mekongo c. Cameroun (1991-1995);
Com133/94, Association pour la Défense des Droits de l'Homme et des
Libertés c. Djibouti (1994-2000); Com 40 :90, Bob Ngozi Njoku
c. Egypte (1990-1997); Com 73/92 Mohammed Lamine Diakité c.
Gabon (1992-2000); Com 90/93, Paul S Haye c. Gambie (1993-1995)
;Com 86/93, M S Ceesay c. Gambie (1993-1995); Com 147/95 et 149/96
Sir Dawada K. Jawara c.Gambie (1996-2000); Com 54/91 Malawi Afican
Association c. Mauritanie (1991- 2000) .
recevoir l'attention de la Commission. La règle, en
filtrant le nombre de requête réduit le nombre d'année que
la requête pourra faire en instance car le moins elles sont, le plus vite
elles seront traitées pour faire place au traitement d'autres.
Paragraphe II- Les considérations relatives au
coût et à l'effectivité du règlement
international
Le plaignant qui décide d'emprunter les recours
internationaux devra faire face à certaines réalités.
Parmi celles-ci le coût de la procédure internationale
(A) et la relativité de la décision du juge
international (B) semblent être des plus notables.
A - Le coût élevé du
règlement international
Dans l'affaire Annuak Justice contre Ethiopie, la
Commission observe que « les recours internes sont normalement plus
rapides, moins onéreux et plus efficaces que les recours
internationaux »145. C'est dire en d'autres termes que la
procédure internationale serait plus coûteuse (1)
ce qui justifie la pratique de l'actio popularis
(2).
1 - Les frais de procédure et la
représentation légale.
Dans l'ordre interne, la gratuité de la justice est
assurée par le principe de gratuité du service publique. Il reste
que la gratuité de la justice ne dispense pas de certaines charges
légales. Les dépenses se composent d'une part des
différents frais de justice, d'autre part des droits de
greffe146. Il faut ajouter à ces dépenses, le
coût de la représentation que sont les émoluments ou droits
d'avocat, lesquelles comprennent un droit fixe de constitution de dossier et un
droit proportionnel fixé en fonction de la difficulté et de
l'importance de la procédure.
Il n'existe ni dans la Charte ni dans le règlement
intérieur de la Commission une clause prévoyant la provision
d'une représentation légale pour les requérants. Aucun
article ne prévoit
145Com 299/2005 Anuak Justice Council / Ethiopie,
20eme Rapport d'activités.
146 Les frais de justice couvrent les frais de correspondances
et de notification, les frais d'établissement des copies et des
requêtes, mémoires et pièces jointes ou des
expéditions des jugements et arrêts notifier aux parties, des
frais d'instruction et de greffe et des frais de timbres et d'enregistrement.
Quant aux droits de greffe, ils sont destinés à
l'expédition, à la mise au rôle, à la transcription
des actes, aux actes reçus par le greffier, aux frais d'affranchissement
et à la notification. Voir pour les développements sur les frais
de justice dans l'ordre interne Guimdo Dogmo (B-R), « Le droit
d'accès à la justice administrative au Cameroun. Contribution
à l'étude d'un droit fondamental. », op cit, p.208.
une assistance légale pour les requérants
indigents. Or le magistère d'un avocat est de plus en plus
nécessaire puisque la jurisprudence de la Commission est de plus en plus
complexe. Un avocat est plus outillé pour les questions techniques de la
phase de recevabilité surtout lorsque les voies de recours internes non
pas été épuisées ou que les procédures se
prolongent indûment. Les honoraires de plaidoirie de l'avocat qui sont
fixés d'accord partie entre l'avocat et le requérant sont
variables. Comme l'a écrit le Doyen M. Kamto, ils «
dépendent en général de la notoriété de
l'avocat, de la difficulté du procès, de l'importance de la
procédure, de l'intérêt en jeu...et parfois aussi du «
statut social » du client ».147 Ils
représentent un obstacle majeur à la saisine de la Commission.
Par ailleurs, le plaignant supporte les frais de traduction,
dans les langues de travail de la Commission des documents annexés
à sa plainte. Les copies de ces documents que le Secrétariat de
la Commission transmet aux parties sont faites aux dépens du
demandeur.
Il est donc clair qu'au niveau international également,
et conformément à ce qui a été observé,
« la gratuité de la justice est un leurre au vue des frais
qu'il faut engager ».148Le coût élevé
de ce contentieux a conduit à l'admission de l'actio
popularis.
2- Les limites de l'actio popularis
Dans un continent marqué par la pauvreté, le
coût des procédures internationales est un obstacle incontestable
à franchir. La Charte tient compte cette réalité. Elle
permet que l'auteur de la communication ne soit pas nécessairement la
victime mais toute autre personne physique ou morale agissant en son compte. La
Commission permet à un large panel de personnes et d'organisations de
soumette des Communications sans qu'il ne leur soit exigée un
intérêt à agir. Cette approche est plus connue sous
l'expression latine actio popularis. L'actio popularis est un
principe qui renvoi à une capacité légale et
générale des individus ou institutions à initier une
procédure. Si une telle perspective a le mérite d'aider les
victimes indigentes, il convient de dire qu'elle a néanmoins
été prouvée désavantageuse lorsque les plaignants
ont de grandes difficulté à apporter des informations et des
preuves suffisantes concernant certaines violations. A titre d'exemple dans
l'affaire Interrigths pour le compte de (de Safia Yakobu Husaini) et Autres
c.
147 kamto (M), Droit administratif processuel du
Cameroun, Presses Universitaires du Cameroun, Yaoundé, 1990, p. 95.
Cité par Guimdo Dogmo (B-R), Ibid p. 208.
148Guimdo Dogmo (B-R), « Le droit d'accès
à la justice administrative au Cameroun. Contribution à
l'étude d'un droit fondamental. », op cit, p.209.
Nigeria, la communication avait été
rédigée et introduite par l'ONG Interigths. Elle alléguait
différentes violations de la Charte par les Cours nigérianes
appliquant la nouvelle loi sur la Charia notamment, la Condamnation à la
mort par lapidation de Mme Safia Yakobu Husaini par la Cour de l'État du
Sokoto au Nigeria. Il s'est avéré que pendant le procès
l'ONG a été incapable de prouver suffisamment les
allégations qu'elle avait faites149.
Cet exemple comme bien d'autres, montre que les ONG, qui
depuis prolifèrent, ne se rapprochent pas suffisamment des victimes pour
avoir l'information nécessaire. Une situation préjudiciable quant
on sait que la Commission n'examine les Communications qui portent sur des
faits avérées de violations des droits de l'homme150.
Au cas contraire, la communication est simplement rayée du rôle de
la Commission ce qui est forcement au détriment de la victime. Par
ailleurs, les ONG comme tout autre individu ont la faculté de retirer la
communication même si ce retrait n'est pas nécessairement à
l'avantage de la victime. Cette faculté s'explique par la logique
conciliatoire qui guide la Commission151. Il arrive qu'une ONG
décide de retirer ou d'arrêter de poursuivre une communication
à cause d'un changement de priorité. Le Contentieux africain des
droits de l'homme semble dominer par l'initiative et la pratique des ONG. Il
semble être de facto un contentieux entre États et ONG.
Lorsque la victime est en même temps le plaignant comme il est
généralement de règle en droit interne, elle dispose de
plus de chance pour permettre l'examen au fond de sa plainte et le cas
échéant obtenir réparation. La règle de
l'épuisement des recours internes participe à favoriser cette
option, ce d'autant plus que les solutions internationales semblent
relatives.
B- La relative effectivité du règlement
international
La Commission a affirmé que la règle de
l'épuisement des recours internes se justifiait par le fait que
« les recours internes sont normalement plus rapides, moins
onéreux et plus efficaces que les recours internationaux. Ils peuvent
être plus efficaces au sens qu'un tribunal d'appel peut casser la
décision d'un tribunal inférieur alors que la décision
d'un organe international n'a pas
149 Com 269/2003, Interights (on behalf of Safia Yakobu
Husaini & Others) v Nigeria 18 rapport d'activité
150Com 224/98Media Rights Agenda c/ Nigeria, Com 225/98 -
Huri-Laws c/ Nigeria.
151 Olinga (A-D), « L'Afrique face à la globalisation
des techniques de protection des droits de l'homme », op cit, p.158.
cet effet, bien qu'elle engage la responsabilité
internationale de l'État concerné ».152
Ainsi comparativement au règlement national qui jouit de la force
obligatoire et des mécanismes coercitifs d'application, tel le recours
à la police judiciaire ou à la contrainte par corps, le
règlement international est relativement efficace. Ceci s'explique par
la nature de ses décisions (1) et l'absence d'une
autorité d'appel pour les réviser (2).
1 - La nature et la portée des règlements
internationaux
La juridiction internationale donne des décisions
obligatoires pour les parties. On parle de la force obligatoire des
décisions de juridictions internationales. Par contre, les quasis
juridictions à l'instar de la Commission, émettent des
décisions qui n'ont pas de force Obligatoire Elles ont l'autorité
de la chose constatée, contrairement à celle des juridictions qui
ont l'autorité de la chose jugée.
La typologie de ces décisions en est une illustration.
Si les juridictions rendent des arrêts et que les arbitres prononcent des
sentences, les quasi juridictions ne font elles, que des recommandations ce que
la doctrine a défini comme des résolutions d'un organe
international, dépourvu en principe de force obligatoire pour les
États parties153.
Cependant au-delà du plan théorique il n'ya pas
de grande différence entre les recommandations et les arrêts pris
dans le cadre des droits de l'homme. Comme l'écrit le professeur Karel
Vasak « il n'existe pas d'institution de droit de l'homme
exerçant une fonction de sanction »154. Le fait est
que la mise en oeuvre d'une recommandation comme celle d'un arrêt,
dépend encore de la bonne foi de l'État mis en cause. Il n'y a
pas de mesure de contrainte directe sur l'État, sinon celle touchant sa
réputation et son honorabilité. Aucune institution chargée
du respect des droits de l'homme ne dispose d'un pouvoir coercitif efficace.
2 - L'absence d'une juridiction d'appel
La décision d'un tribunal international est
irrévocable. Cette situation s'explique par l'absence d'une
véritable hiérarchie des tribunaux internationaux tels que
précédemment
152 Com 299/2005 Anuak Justice Council / Ethiopie
153Guilien (R) et Jean Vincent, lexique des termes
juridiques (dir) Serge Guinchard et Gabriel Montagnier,
8ième éd, Dalloz, 1990, p.409.
154Vasak (K), « Les institutions internationales
de protection et de promotion des droits de l'homme », in Les
dimensions internationales des droits de l'homme, dir Karel Vasak UNESCO,
Paris, 1978, p. 244.
évoqués. Elle ne peut faire l'objet d'un autre
examen par un autre organe. Cette situation qui concerne le jugement au fond
est confortée par la règle contenue à l'article 56(7)
selon laquelle les communications sont recevables si elles n'ont fait l'objet
d'un examen devant une autre juridiction. Cet article, est commun aux
instruments régionaux de protection des droits de l'homme et traduit le
principe classique « electa una via, non datur recursus ad
alteram »155.
La question reste de savoir si dans un système comme
celui Africain, qui consacre l'attelage Commission-Cour, une affaire
examinée au fond par la commission, peut faire l'objet d'un appel devant
le Cour africaine ?
155Olinga (A.D) « Le contentieux camerounais
devant le CDH et la Commission Africaine de Banjul », op cit, note
n°7, p.116.
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
La règle de l'épuisement des voies de recours
internes comme préalable à la saisine d'une juridiction
internationale a été développée et appliquée
en droit international général avant de s'étendre dans les
conventions internationales de protection des droits de l'homme. En faisant
constamment référence à ces cadres dans sa jurisprudence,
la Commission est venue prendre acte de l'existence d'une définition
fonctionnelle ayant cours dans la pratique de l'arbitrage international, de la
protection diplomatique et du contentieux international des droits de l'homme.
A l'occasion, elle a réaffirmé la double fonction de la
règle. D'une part elle a accepté que la règle vise
à garantir le principe de la primauté des juridictions nationales
dans le règlement des différends entre États et individus.
Ce faisant elle consacrait de manière tacite mais fort innovante, le
principe de la souveraineté des États et celui de la
primauté de la Charte dans l'ordre juridique interne. D'autre part, elle
a admis que la règle permet de s'assurer que le recours aux instances
internationales reste un mode subsidiaire de règlement de ce type de
différends. Il s'agissait pour la Commission de reconnaître le
rôle de substitut et les contraintes du règlement international.
Néanmoins, si l'emprunt de la définition fonctionnelle permet
à la Commission de circonscrire la finalité de la règle,
et partant de dégager sa légitimité, elle ne lui sert que
trop peu à la mettre en oeuvre. Aussi lui est-il apparut essentiel
d'élaborer par elle-même une définition substantielle.
L'AFFIRMATION D'UNE DEFINITION
MATERIELLE DE LA REGLE.
SECONDE PARTIE :
Il est difficile à la seule lecture des articles 56 (5)
de la Charte et 97 du règlement intérieur, de se rendre compte de
la densité normative de la règle d'épuisement des recours
internes. En effet, « cette règle simple dans sa formulation
s'avère en réalité assez complexe à mettre en
oeuvre ».156L'un des mérites de la Commission
africaine a été d'apporter une définition
matérielle à cette règle. Dans cette oeuvre
d'interprétation, la Commission d'une manière
générale ne s'est pas éloignée de la
définition substantielle pourvue par les autres mécanismes de
protection des droits humains. Elle a par contre adopté des approches
différentes sur certains points. Il ressort de la pratique de la
règle que la Commission est guidée par un souci permanent de
rester fidèle au sens matériel qu'elle a progressivement
élaboré. En effet, « En interprétant et en
appliquant la Charte Africaine, la Commission se fonde sur les
précédents juridiques de plus en plus nombreux
créés par ses décisions prises sur presque quinze ans
environ ».157 L'affirmation d'une définition
substantielle de la règle est le signal d'une volonté
d'harmonisation de la jurisprudence. Cette définition matérielle
constitue donc le modus operandis de la Commission en matière
de recevabilité. Elle a été dégagée à
l'occasion de l'établissement de la preuve de l'épuisement des
recours internes et des motivations relatives à la décision sur
la recevabilité des communications. Il s'est agi pour la Commission,
d'une part, de souligner la nécessité et de requérir des
critères fondamentaux pour l'application du principe (Chapitre
I) et d'autre part, d'indiquer et de défendre sa
flexibilité dans l'application des exceptions (Chapitre
II)
156Pettiti (L E), Decaux (E), Imbert (P-H), La
convention européenne des droits de l'homme commentaire article par
article, op cit, p.591.
157Com 218/98, Civil Liberties Organization, Legal
Defense Centre, Legal Defense and Assistance Project / Nigeria
CHAPITRE I : L'EDICTION RESTRICTIVE
DES CRITÈRES D'APPLICATION DU PRINCIPE
En droit processuel, l'établissement de la preuve est
un élément central du procès. Elle en constitue le pilier,
car la preuve est un élément déterminant dans la
résolution du litige et l'application du droit. Dans la quête de
la preuve que les recours internes ont été dûment
épuisés, la jurisprudence de la Commission témoigne de
deux conditions qui encadrent l'application du principe. D'une part, il faut un
contrôle systématique de la preuve de l'épuisement des
recours internes. (Section I) D'autre part, il faut
obligatoirement que les recours à épuiser présentent un
certain nombre de caractère (Section II).
SECTION I : LE CRITÈRE FORMEL: LE CONTRÔLE
SYSTÉMATIQUE DE L'ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS
INTERNES.
Le système interaméricain applique les
mêmes conditions de recevabilité que celles pratiquées par
la Commission. Devant la Commission interaméricaine rares sont, sur le
plan pratique, les obstacles à l'examen des requêtes
portées devant elle. Pour faire face à la réalité
des États de l'Amérique latine où les systèmes
judiciaires n'étaient pas susceptibles de garantir le droit à un
procès équitable, la Commission interaméricaine a choisi
de présumer l'épuisement des recours internes, laissant aux
États mis en cause le soin d'évoquer la question158
.
Autre est le cas, devant la Commission
africaine. En effet, celle-ci procède systématiquement à
l'examen de la règle de l'épuisement des voies de recours
internes. De façon constante, la Commission examine à l'occasion
de chacune des communications dont elle est saisie, que la règle de
l'épuisement des voies de recours internes a été
respectée. Pour l'organe « cette règle est l'une des
conditions les plus importantes de la recevabilité des communications,
et c'est pour cela que dans presque tous les cas ,la première question
que se pose aussi bien l'État visé que la Commission est relative
à l'épuisement des recours internes »159.
Cette phase scrupuleuse de contrôle (Paragraphe I)
aboutit fréquemment à la sanction d'irrecevabilité
(Paragraphe II).
158Guide pour comprendre et utiliser la Cour
Africaine des Droits de l'Homme, p. 52.
159Com 147/95 et 149/96, Sir Dawada K. Jawara c.
Gambie, 13eme Rapport annuel d'activités.
Paragraphe I : L'exercice du contrôle
La constance du contrôle de l'épuisement des
voies de recours internes devant la Commission, peut se vérifier dans le
dispositif de la décision par les considérations contenues dans
la partie intitulée « du droit : Recevabilité ». La
condition de l'épuisement des voies de recours internes est parmi les
sept conditions de recevabilité celle qui est la plus fréquemment
invoquée et contestée par les parties et qui « requiert
le plus d'attention »160 . Cette grande attention consiste
à examiner, que la condition de l'épuisement des voies de recours
internes a bel et bien été respectée. La Commission a
formulé une véritable méthodologie pour examiner les voies
de recours internes. Cette méthodologie s'articule autour de la charge
de la preuve (A) et des modes de la preuve
(B).
A - La charge de la preuve
Avant de comprendre comment la charge de la preuve est
répartie entre les parties au procès (2), il
convient de préciser à qui incombe la charge d'épuiser les
recours internes. (1)
1 - De la responsabilité d'épuiser les
recours internes
La première question qui se pose est celle de savoir,
qui de la victime des violations alléguées des droits de l'homme
ou de l'auteur de la communication doit épuiser les recours internes
?
Selon l'article 56(1) de la Charte c'est l'auteur de la
communication qui doit indiquer son identité. Cela laisse t'il
présupposer que c'est l'auteur qui doit épuiser les recours
internes ? Comme il a été souligné,
précédemment la Charte prend en compte les situations d'indigence
dans la mesure où elle autorise que l'auteur d'une communication ne soit
pas nécessairement la victime. Très souvent les auteurs de
communications sont des ONG agissants pour le compte des véritables
victimes. De nombreuses communications émanant de ces ONG ont ainsi
été admises devant la Commission. Pour la Commission «
il incombe à l'auteur d'une communication de prendre des mesures
concrètes pour se conformer aux dispositions de l'article 56 ou
d'indiquer
160Com. 140/90 141/94, 145/95 Civil Liberty
Organisation and Media Rights Agenda c. Nigeria
la raison pour laquelle il lui est impossible de le faire
»161. Les ONG et autres particuliers qui sont très
souvent auteurs de la communication en faveur des véritables victimes,
sont donc tenus de rapporter la preuve que les recours ont été
épuisés. La charge de la preuve qui
incombe à l'auteur de la communication ne l'est qu'au premier
degré.
2 - La rotation de la charge de la preuve
Il existe devant la Commission un cadre d'affectation de la
charge de la preuve entre les plaignants et les États
défendeurs162. La charge de la preuve pèse en premier
lieu sur le requérant. Celui-ci doit démontrer qu'à
l'occasion d'une violation actuelle des droits de la Charte, il a
épuisé ou tenté d'utiliser dans l'ordre interne toutes les
possibilités judiciaires pour obtenir réparation. La charge de la
preuve initiale, sera pour le requérant, d'établir que non
seulement la procédure n'est pas pendante devant les juridictions
internes, mais que la décision de la juridiction suprême a
été obtenue sans qu'il n'y ait eu satisfaction. La preuve
consiste donc à démontrer que l'État a eu
l'opportunité de résoudre le problème dans le cadre de son
propre système national. Il ne s'agit pas de montrer que le
problème a été résolu où qu'il ne l'a pas
été. Mais que l'État a eu l'opportunité de le
résoudre. En effet « tout ce que la Commission africaine
souhaite entendre du plaignant est qu'il s'est approché des organes
judiciaires internes ou nationaux ».163Il faut dire que
très peu de communications arrivent à prouver l'épuisement
des voies de recours internes en démontrant un jugement définitif
de la plus haute juridiction de leur pays164. La plupart prouve
plutôt l'exception de non épuisement des recours. Les
requérants y parviennent « en présentant des preuves
découlant de situations analogues ou en témoignant d'une
politique de l'État leur refusant ce recours »165 ;
ce qui fera l'objet d'un autre développement. La charge de la preuve
initiale à l'endroit du requérant a été admise dans
l'affaire Illssami c. Nigeria.
La Charge initiale de la preuve est réalisée
dans la plainte que le requérant adresse à la Commission.
Après réception de cette plainte, la Commission en adresse une
copie à l'État mis en cause. Dans son contre mémoire
celui-ci doit réfuter point par point chacune des allégations
161Com. 275/2003, Art. 19 c. Erythree
162Com. 293/2004- Zimbabwe Lawyers for Human
Rights & Institute for Human Rights and Development /République du
Zimbabwe, § 44.
163Com 221/98 Alfred B. Cudjoe c/ Ghana],et com
260/02 Bakweri Land Claims Committee / Cameroun 164Com 243/2001
Woman's Legal Aid Central, § 27; Com 49/90 Njoku c. Egypte,
§57.
165Com 299/2005 Anuak Justice Council c.
Ethiopie.
du plaignant en y apportant des réponses
spécifiques. Celui-ci doit démontrer que le plaignant avant de
saisir la Commission n'a pas préalablement épuisé les
recours internes. La preuve secondaire est consacrée dans la
jurisprudence Art 19 c. Érythrée.
Lors de l'examen de la communication la Commission, revient
sur les objections faites par l'État dans son contre mémoire. Si
l'État contredis la thèse de la partie demanderesse sur
l'épuisement des recours internes en démontrant que les recours
dans le système juridique national permettent de traiter la violation en
question, il revient alors au plaignant de démontrer que lesdits recours
ont été épuisés ou que l'exception à l'art
56(5) est applicable. Il y a donc une rotation de la charge de la preuve entre
les parties tout au long du procès.
B- Les modes de la preuve
selon les jurisprudences 263/02 - Section Kenyane de la
Commission Internationale de Juristes, Law Society of Kenya, Kituo Cha
Sheria/Kenya, et 127/94 Sana Dumbuya c/Gambie, la preuve de
l'épuisement des recours internes consiste à « fournir
les informations sur les efforts faits pour épuiser les voies de recours
internes ». En effet, « Il doit être
démontré qu'il a été accordé à
l'État lui-même une opportunité de remédier au cas
avant d'avoir recours à un organe international»166
Il appartient au requérant et au défendeur de mettre à la
disposition de la Commission toute information167 concernant les
efforts faits pour épuiser les voies de recours internes. La preuve
porte soit sur l'épuisement des recours internes soit sur l'exception
à l'art 56(5) de la Charte. L'épuisement des recours internes ou
son exception peut être prouvé par tous les moyens. La preuve est
très souvent écrite (1) et /ou verbale
(2)
1 - La preuve écrite
Il s'agit de preuves matérielles qui consistent en la
présentation de tout document, démontrant que l'État, a eu
l'opportunité de régler l'affaire par son système
judicaire. La preuve peut ainsi être les copies de décisions des
juridictions nationales jointes aux requêtes168. A titre
d'exemple, dans la communication 228/99 Law Office of Ghazi Suleiman c.
Soudan la Commission a « demandé au plaignant de
soumettre, par écrit, ses observations sur la question
166 Com 268/2003 Ilesanmi c. Nigeria.
167Com 263/02 Section Kenyane de la Commission
Internationale de Juristes, Law Society of Kenya, Kituo Cha Sheria/Kenya
Communication 127/94 - Sana Dumbuya c/Gambie,§ 36.
168Com 48/90, 50/91, 52/91, 89/93 Amnesty
International. c. Zambie
de l'épuisement des voies de recours internes. En
outre, les parties devraient lui fournir la législation et les
décisions de justice pertinentes (en anglais ou en français)
»
Dans le cas de l'exception de non épuisement des
recours internes, la preuve peut être établie à partir de
toute jurisprudence, de correspondances administratives, de textes
législatifs, appuyés de commentaires pour montrer l'incidence de
l'application de ces documents sur la procédure des recours. De simples
doutes sur l'effectivité des voies de recours internes ne suffisent
pas,169 au risque que la Commission « établirait un
dangereux précédent si elle recevait un cas sur la base du
sentiment d'un plaignant de l'absence d'indépendance des institutions
internes d'un pays ».170
De même l'État qui allègue le non
épuisement des voies de recours internes doit en apporter la preuve. Il
s'agira pour lui de présenter le droit positif instituant ces
recours171, de rapporter des pièces officielles de
procédures démontrant que l'affaire est pendante devant ses
tribunaux, ou simplement de remettre à la Commission des jurisprudence
qui démontrent que les recours internes ont redressé des
violations similaires et sont donc aptes à redressée la situation
litigieuse172. Toutefois, il en va autrement lorsque les
autorités nationales ont amplement été informées de
la violation et ce même en dehors des modes juridictionnels. En effet la
Commission a décidé dans la Communication 275/2003 - Article
19/État d'Érythrée que « le fait que le plaignant
n'ait pas suffisamment démontré avoir épuisé les
voies de recours érythréennes ne signifie pas que ces voies de
recours soient accessibles, effectives et suffisantes. La Commission africaine
peut arriver à des déductions à partir des circonstances
entourant le cas et déterminer si ces recours sont en fait accessibles
et s'ils le sont, s'ils sont effectifs et suffisants. »
169Dans l'affaire Article 19, la
Commission se rapportant à la jurisprudence du comité des droits
de l'homme, (Affaire A c. Australie) normes minimales
d'indépendance judicaire de l'IBA adopté e 1982. Voir
également L. Emile Caabe c. Island, Com. N° 674/1995 UN
Doc ; CCPR/C/58/D/674/1995/(1996) ; Antoine Randolph c. Togo Com. 910
ONU Doc. CCPR/C/79/D/910/2000 (2003) est d'avis que « de simples
doutes sur l'efficacité des voies de recours nationales ou sur la
perspectives de coûts financiers impliqué n'absolvait pas l'auteur
de rechercher ces voies de recours ».
170Com 260/02 Bakweri Land Claims Committee /
Cameroun.
171Com 228/99 Law Office of Ghazi Suleiman
/Soudan §28, « Le Représentant de l'État a fourni
des preuves de recours internes efficaces sous forme de lois et de cas de
jurisprudence.»
172Com 198/97 SOS-Esclaves c.
Mauritanie.§16 ; la Commission a considéré que le
silence du demandeur au sujet des information relative à l'art 56(5)
donne « à penser que les recours internes n'auront pas
été épuisés...le cas échéant le
requérant l'aurait fait savoir. »
2 - La preuve verbale
La preuve verbale est retenue au cours du procès
pendant lequel les déclarations des parties sont prises en
compte.173 Tel a été le cas dans la jurisprudence
Bakweri Land Claims Committee où il est
rapporté que : « Comme il ressort de
l'ensemble des faits présentés devant la Commission Africaine par
les deux parties, tant par écrit que verbalement, le plaignant n'a pas
saisi une seule fois un tribunal local ou national
»174.
La preuve matérielle de l'épuisement des voies
de recours internes n'est pas le seul mode de vérification de cette
condition. La jurisprudence de la Commission fait état de nombreux cas
de présomption du non épuisement des voies de recours. Il en est
ainsi lorsque malgré les appels de la Commission les parties restent
silencieuses.175
La preuve de l'épuisement des voies de recours,
entraîne la recevabilité de la communication. Dans le cas
contraire la plainte est simplement déclarée irrecevable.
Paragraphe II : Les effets du contrôle
Le contrôle de la preuve de l'épuisement de
recours internes se termine par la décision sur la recevabilité
(A). Cette décision est par contre révisable
conformément au règlement intérieur de la Commission
(B).
A - La décision sur la recevabilité
C'est la deuxième décision de la Commission sur
une communication après la décision sur la saisine. Elle consiste
soit à déclarer la communication recevable (1)
soit à la déclarer irrecevable (2).
173Com 236/2000 Curtis Francis Doebbler /
Soudan §13, « Lors de la 28è Session Ordinaire tenue du
23 octobre au 6 novembre 2000 à Cotonou, Bénin, la Commission
Africaine a reporté l'examen de cette communication à la
29è Session Ordinaire et a demandé au Secrétariat
d'incorporer les observations orales de l'État Défendeur ainsi
que les observations écrites de l'avocat des plaignants dans le projet
de décision afin de lui permettre de statuer sur la recevabilité
en pleine connaissance de cause. »
174Com 260/02 Bakweri Land Claims Committee /
Cameroun
175Com 230/99 Motale Zacharia Sakwe c.
Cameroun, § 19; Com 201/97 Egyptian organisation for Human Rights
c. Egypte,§ 15; Com 127/94 Sana Dumbuya c.Gambie,§
2.
1 - De la recevabilité de la
communication
La recevabilité de la communication est la
première victoire que remporte la victime d'une violation des droits de
l'homme. Elle est la preuve que la communication satisfait à toutes les
exigences de l'art 56. En effet la Commission n'admet une communication que si
et seulement si elle est en règle avec l'ensemble des sept conditions de
la recevabilité. Le respect établi de l'épuisement des
recours internes est pour la Commission synonyme du sérieux et de la
bonne foi du plaignant. La recevabilité marque donc le point de
départ d'un examen au fond de la communication. En l'occurrence, la
Commission va devoir s'intéresser de près au véritable
contentieux des droits de l'homme. Le contentieux de la recevabilité
quoique déterminant n'est donc qu'accessoire au contentieux de la
réparation qui est l'essence même du contentieux des droits
humains. A ce jour, peu de requêtes réussissent à braver
l'étape de la recevabilité. La plupart tombe sous le coup du non
épuisement des recours internes et sont ainsi déclarées
irrecevables.
2 - De l'irrecevabilité de la
communication
L'irrecevabilité est la sanction qui frappe toute
communication dont l'auteur n'a pas entre autres conditions,
épuisé les recours internes sans qu'il ne soit prouvé
autrement. A plusieurs reprises, des communications ont été
déclarées irrecevables chaque fois que les plaignants ont omit de
répondre à la question concernant l'épuisement des voies
de recours internes. Dans le cadre européen, la condition relative
à l'épuisement des voies de recours internes « constitue
le motif de prés de la moitie des cas d'irrecevabilité
prononcés par la Commission »176. A titre
d'exemple, des 52 communications déclarées irrecevables à
la date du 1er janvier 1998, 23 l'étaient pour
incompatibilité avec la Charte, 16 pour d'autres raisons et 13 pour non
épuisement des recours internes177 . A la fin de Mai 2002, la
Commission a reçu 251 communications. De ces 251communications, 80
furent déclarées irrecevables soit 31% du total. Il n'existe pas
de statistiques actualisées pour montrer combien parmi, les
communications irrecevables celles qui l'étaient pour non
épuisement des recours internes.178
176Pettiti (L E), Decaux (E), Imbert (P-H), La
convention européenne des droits de l'homme commentaire article par
article, op cit, p.591.
177Nsongurua Udombana (J.), « So far, so
fair: the local remedies rule in the jurisprudence of the African Commission on
Human and Peoples' Rights», op cit, p. 14.
178 Ibid.
En 2008, « environ 300 requêtes ont
été reçus depuis 25ans, dont un tiers environ
déclaré irrecevable principalement pour non épuisement des
voies de recours internes »179
Cette sanction d'irrecevabilité n'est par contre pas
définitive.
B - La possibilité d'une réexamination de
la communication
Si la décision peut porter selon le cas sur la
recevabilité ou l'irrecevabilité, seule la dernière
situation peut faire l'objet d'un réexamen (1). Une
telle pratique ne va pour autant pas sans enjeux. (2)
1 - Les conditions de la réexamination
L'article 118 al .2 du règlement intérieur de la
Commission stipule que : « Si la Commission a déclaré
une communication irrecevable, elle peut reconsidérer cette
décision à une date ultérieure si elle en reçoit la
demande ». La sanction de non épuisement des voies de recours
internes n'est donc pas définitive. L'irrecevabilité qui frappe
de désuétude, la communication, pourra faire l'objet d'un
réexamen à la demande du plaignant ou de son représentant.
La pertinence d'une telle demande dépend des nouvelles informations qui
rendent caduques les motifs d'irrecevabilité en l'occurrence ici,
l'épuisement effectif des recours internes ou la preuve de
l'impossibilité d'une telle exigence180.
2 - La portée de la
réexamination
Contrairement au cadre européen où le juge peut
selon sa conviction s'autosaisir, pour réexaminer la décision
d'irrecevabilité, la Commission africaine, à en croire l'article
118 (2), ne jouit pas de cette faculté. Tout comme à l'inverse,
elle ne peut à l'instar du juge européen réviser la
décision de recevabilité. Dans l'affaire Article 19 c.
Érythrée ; il a été retenu qu' « il
n'existe aucune disposition selon laquelle la Commission africaine peut
déclarer une communication irrecevable après l'avoir
déclarée recevable ». Par contre la Commission s'est
rapprochée du
179 Abdelgawad (E.L), « La Charte Africaine des droits de
l'homme » in Dictionnaire des droits de l'homme,
Andriantsinnbazovina (J) et Gaudin (H), 1er édition,
Octobre 2008, Quadrige-Puf, p.122.
180Com 90/93 Paul S.Haye c.Gambie §4. La
communication a été déclarée irrecevable pour non
épuisement des voies de recours internes. Le plaignant a écrit de
nouveau à la Commission pour lui demander de revoir sa décision
« Comme aucun élément nouveau n'a été
invoqué, la Commission n'avait aucune raison de revoir sa
première décision qu'elle a d'ailleurs confirmée.
»
juge européen. Comme il sera vu plus loin, lorsqu'une
nouvelle voie de recours a été pourvue dans le cadre interne, la
Commission déclare la communication irrecevable afin que le plaignant
épuise le nouveau recours. Ce fut le cas lors de l'examen de la
communication 263/02 Section Kenyane de la Commission Internationale de
Juristes, Law Society of Kenya, Kituo Cha Sheria/Kenya. La Commission
Africaine ayant reçu l'information que l'État défendeur
avait mis sur pied des tribunaux spéciaux. Elle avait alors
considéré « qu'en l'état actuel des choses, les
plaignants peuvent approcher les tribunaux nationaux du Kenya sans aucune
appréhension d'un procès arbitraire dans cette affaire. (...) En
conséquence, comme les plaignants ont maintenant un locus standi dans le
processus de révision judiciaire, ils devraient épuiser les voies
de recours internes disponibles »
A côté de ce critère formel de la preuve, la
Commission a défini des critères matériels
nécessaires à la mise en oeuvre de la règle
d'épuisement des voies de recours internes.
SECTION II - LES CRITÈRES MATÉRIELS : LA
DISPONIBILITÉ, LA SATISFACTION ET L'EFFECTIVITÉ DES RECOURS
À ÉPUISER
En cette fin de XXIe siècle et la
cinquième décennie des indépendances approchant, il se
dégage de la pratique que l'administration de la justice sur le
continent se heurte à plusieurs difficultés liées à
l'indépendance, à la crédibilité et à
l'effectivité des institutions judiciaires.
Consciente de cette réalité, la Commission a
fait oeuvre de médiation à travers sa jurisprudence. Elle a
réconcilié le justiciable africain avec ses tribunaux. Pour ce,
elle a mis à la charge de l'État défendeur, la
responsabilité d'assurer que les recours internes à
épuiser remplissent un certain nombre de condition faute de quoi, le
requérant en est exonéré. Un recours interne a
été défini comme étant « toute action
juridique interne pouvant donner lieu à la résolution de la
plainte au niveau local ou national. »181 Selon l'organe
de Banjul : « Les organes internationaux reconnaissent effectivement
que, dans de nombreux pays, les voies de recours sont inexistantes ou
illusoires. En conséquence, ils ont élaboré des
règles sur les caractéristiques que devraient présenter
les voies de recours, la manière dont ces recours devront être
épuisés et les circonstances particulières où il
pourrait ne pas s'avérer nécessaire de les épuiser.
La Commission africaine a considéré que, pour être
épuisées, les voies de
181Com 60/91 constitutional right project c.
Nigeria, et Com 299/2005 Anuak Justice Council c.
Éthiopie.
recours locales doivent être accessibles,
effectives et suffisantes. Si les voies de recours internes
qui existent ne remplissent pas ces critères, une victime peut ne pas
avoir à les épuiser avant de porter sa réclamation devant
un organe international. Toutefois, le plaignant doit pouvoir démontrer
que les voies de recours ne remplissent pas ces critères in practice, et
non pas seulement dans l'opinion de la victime ou de son représentant
léga »182. Ainsi, trois critères pertinents
ont ainsi été dégagés depuis la jurisprudence
Jawara. Ils concernent la disponibilité (Paragraphe
I) l'effectivité et la satisfaction des recours
internes183 (Paragraphe II).
Paragraphe I - Des recours internes effectifs : Le
critère de disponibilité
Selon les termes de l'Article 56 (5), les recours doivent
être épuisés « s'ils existent ». Il y a là
une condition qui laisse supposer que l'inexistence des voies de recours
constitue la première exception à la règle. Cependant, les
dispositions textuelles inter alia ne déterminent pas les
conditions qui permettent de valider l'existence d'un recours. Dans plus d'une
espèce la Commission a précisé que l'existence dont il
s'agit est la disponibilité des recours. Celle-ci est
déterminée par certains traits (A) et, elle vise
à garantir l'effectivité du droit à un recours
(B).
A- La caractérisation de la disponibilité
des recours internes
En examinant l'affaire Jawara c. Gambie (com.
147/95), la Commission, a évoqué l'idée de
disponibilité des recours internes. Elle, pose clairement qu' «
une voie de recours est considérée comme existante lorsqu'elle
peut être utilisée sans obstacle pour le requérant
». Selon l'organe de Banjul, « l'existence d'une voie de recours
interne doit être suffisamment certaine non seulement en théorie
mais aussi en pratique » Il ressort de cette définition que la
disponibilité des recours est à la fois théorique
(1), et pratique (2).
1 - Une disponibilité théorique :
l'existence des recours internes
Certes l'existence d'une voie de recours est d'abord une
prérogative républicaine, mais elle est surtout une obligation
conventionnelle. Suivant l'article 7 de la charte, l'État a le devoir de
mettre en place des voies juridictionnelles pour assurer à toute
personne « le droit à ce que sa
182 Com 268/2003 Ilesanmi c. Nigeria.
183Communication 147/95 et 149/96 Sir Dawda K
Jawara c. Gambie, et com. 275/2003, Art 19 c.
Érythrée.
cause soit entendue ». La Commission
interprète l'article 56(5) concomitamment avec l'article7184.
L'existence renvoie donc à la mise en place d'un système
judiciaire identifiable et effectif. Or ce qui est effectif, c'est «
le caractère de ce qui existe en fait. C'est la qualité d'une
situation juridique qui correspond à la réalité, d'une
compétence qui s'exerce réellement »185. La
Commission indique que. Cela traduit le souci de l'évidence des voies de
recours et c'est à l'État qu'incombe la charge de prouver que les
recours existent. Il peut le faire en convoquant et en présentant tous
documents officiels tels que les textes légaux qui instituent ces
recours ou la jurisprudence des recours en question. Dans l'affaire
Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme c.
Zambie (Com 71/92), la Commission a observé que « lorsque
le gouvernement zambien affirme que la communication devait être
déclarée irrecevable parce que les voies de recours non pas
été épuisées, il lui incombe de démontrer
l'existence de ces recours ». Le gouvernement zambien s'est ainsi
référé sur la loi relative à l'immigration et
à la déportation, qui prévoit une procédure d'appel
contre les mesures d'expulsion. Dans l'affaire Art 19 c.
Érythrée la Commission a fait remarquer que « la
partie État a généralement réfuté les
plaintes alléguées et a insisté sur le fait qu'il existe
des voies de recours en Érythrée et que le plaignant ne s'est pas
efforcé de les épuiser ».
La Commission s'est rapprochée de la Cour
européenne dans la définition de l'exigence de recours
disponibles. La Cour européenne est d'accord qu'une voie de recours, aux
termes de l'article 35 de la Convention européenne des droits de
l'homme, doit nécessairement satisfaire au critère de
disponibilité. Pour l'essentiel, la cour énonce en des termes
à peu près similaires à ceux de la Commission, ce qu'elle
entend par disponibilité des recours.
Dans l'arrêt Selmouni c. France186,
la Cour pose clairement que l'article 35 de la Convention ne prescrit
l'épuisement des recours internes que s'ils sont « disponibles et
adéquats». Elle poursuit qu' « ils doivent exister à un
degré suffisant de certitude non seulement en théorie, mais aussi
en pratique sans quoi ils leur manquent l'effectivité et
l'accessibilité voulues »187. Il incombe au gouvernement
excipant du non épuisement de convaincre la Cour que le recours
était « disponible en théorie et en pratique »
c'est-à-dire « qu'il était accessible, était
susceptible d'offrir au requérant le règlement de ses
griefs».
184Com 48/90 Amnesty Internationale c.
Soudan.
185Jean Salomon, Dictionnaire de droit
International public, op cit, pp. 411-412. 186Arrêt
Selmouni c. France n° 25803/94 ; CEDH 1999-V.
187Arrêt Vernillo c. France du
20/02/1991 série A n° 198, p. 11 -12.
Toutefois elle a souligné « que la partie
État s'est contentée d'énumérer in abstracto
l'existence de voies de recours sans les lier aux circonstances du cas et sans
démontrer de quelle manière elles pourraient permettre une
réparation effective des circonstances de ce cas ». La preuve
de l'existence des recours ne consiste donc pas en une
énumération de ceux-ci mais à la démonstration de
leur opérationnalité.
2 - Une disponibilité pratique :
l'accessibilité des recours internes
Selon la jurisprudence Anuak Justice Council c.
Éthiopie (com. 299/2005), la Commission considère qu'un
recours est disponible « si le requérant peut le poursuivre
sans empêchement ou s'il peut l'utiliser dans les circonstances entourant
son cas »188. Cette définition met en valeur deux
éléments essentiels à l'accessibilité, l'un
étant objectif et l'autre purement subjectif. L'élément
objectif de l'accessibilité renvoie selon la Commission, à ce qui
est « immédiatement possible d'être obtenue,
accessible »189 ou à ce qui est «
réalisable, joignable à la demande, à portée de
main, frais, présenté »190 ; il s'agit de
s'assurer que le recours est sans entrave , qu'il est actuel et comporte en son
sein les éléments de son opérationnalité.
Quant à l'élément subjectif, il fait
allusion à ce qui est « opportun, à son service,
à sa volonté, à sa disposition, au doigt et à
l'oeil. »191 Suivant cette approche, la
disponibilité ou plus nettement l'accessibilité s'apprécie
en fonction des possibilités qu'a le requérant d'emprunter les
recours en question. Elle emphase sur l'aptitude du requérant à
utiliser le recours invoqué. Tout compte fait, il s'agit d'une
interprétation extensive de la disponibilité qui rend compte de
la maxime selon laquelle, l'organe examine la règle de
l'épuisement des voies de recours internes à la lumière de
son devoir de protéger les droits de l'homme et des peuples tels que
stipulés par la Charte. La disponibilité peut aussi être
appréciée dans les cas où une nouvelle voie de recours
devient accessible au requérant, après le dépôt de
sa requête, mais avant que la Commission ne se soit prononcée sur
sa recevabilité. Le requérant est alors tenu d'épuiser
cette nouvelle voie de recours. C'est ce qui ressort de la Com. 263/02 -
Section Kenyane de la Commission Internationale de Juristes, Law Society of
Kenya, Kituo Cha Sheria/Kenya. L'État défendeur avait
informé la Commission qu'il avait mise en place des tribunaux
spéciaux d'enquête pour les
188Voir également, Com 228/99, Law Office
of Ghazi Suleiman c. Soudan §31.
189Com 299/2005 Anuak Justice Council c.
Ethiopie
190Idem. 191Idem.
membres de la magistrature soupçonnés d'avoir
pris part à des actes contraires à l'éthique dans
l'exercice de leurs fonctions. La commission a estimé que« face
à une telle information, la Commission Africaine considère qu'en
l'état actuel des choses, les plaignants peuvent approcher les tribunaux
nationaux du Kenya sans aucune appréhension d'un procès
arbitraire dans cette affaire »192 et, « En
conséquence, comme les plaignants ont maintenant un locus standi dans le
processus de révision judiciaire, ils devraient épuiser les voies
de recours internes disponibles et saisir aussi cette opportunité pour
mettre en cause devant une juridiction supérieure du Kenya les
ordonnances qui ont été émises par le Tribunal de grande
instance »193. En considérant ces motifs la
communication avait été déclarée irrecevable pour
non épuisement des voies de recours.
Cette position est similaire à celle de la
jurisprudence européenne. En effet la Cour européenne
évalue l'épuisement des voies de recours internes en fonction de
l'état de la procédure à la date de laquelle la
requête a été déposée devant elle bien. Cette
façon d'opérer connaît, toutefois, quelques exceptions
comme il a été indiqué dans l'affaire Icyer c.
Turquie194. Ainsi lorsque dans un arrêt pilote elle a
constaté des lacunes structurelles ou générales , elle
peut demander à l'État mis en cause d'examiner la situation, et
si nécessaire de prendre des mesures effectives pour éviter que
des affaires de même nature ne soient porter devant
elle.195L'effectivité avérée d'une telle voie
oblige les auteurs des requêtes analogues à l'épuiser pour
autant qu'ils n'en soient pas empêchés par des questions de
délai. A défaut de cela, elle déclare les requêtes
analogues irrecevables au titre de l'article 35 (1), même si celles-ci
ont été exercées avant la création de ces nouvelles
voies196.
A travers le critère de disponibilité la Commission
s'assure de l'effectivité du droit à un recours.
B - Une garantie du droit à un recours
Le préalable de l'épuisement des recours
internes et le droit à un recours dans l'ordre interne, constituent les
deux faces de la même médaille qui tend à favoriser
l'application matérielle des droits de l'homme par les autorités
nationales. La maxime latine Ubi jus, Ibi
192Com. 263/02, Section Kenyane de la Commission
Internationale de Juristes, Law Society of Kenya, Kituo Cha Sheria c.
Kenya, §45.
193Ibid, §46.
194Arrêt Icyer c. Turquie, n°
18888/02 décision du 02 janvier 2006, §72.
195Arrêt Broniwski c. Pologne (GC)
Arrêt du 232 Juin 2004
196Arrêt Charzynski c. Bologne et
Michkal c. Pologne, Scordino c. Italie (n°1) (GC) Arrêt du 29
Mars 2006 (§140- 149.
remedium, traduit clairement que la violation de tout
droit doit nécessairement se suivre d'un redressement ou d'un recours.
Le droit à un recours est nécessairement, un droit d'accès
à la justice (1), avant d'être le droit à
un procès équitable (2).
1 - Un droit d'accès à la
justice
Le droit d'accès à la justice, traduit
parfaitement l'exigence que les recours soient disponibles. Pour le professeur
J. Morand-Devilliers, le droit d'accès au juge indique « la
place de l'État de droit au sein d'une société
»197. Il est autant un droit subjectif, c'est à dire une
faculté dont jouit un individu 198 qu' « un
mécanisme essentiel de garantie »199 des autres
droits.
L'État a donc l'obligation en vertu des articles 1, 7
et 26 de la Charte, de garantir un accès libre des individus à la
justice. L'un des aspects essentiel de ce droit qui retient l'attention de
cette étude est l'assistance judiciaire. Dans un continent où la
grande majorité des populations vit en dessous du seuil de la
pauvreté200l'aide à l'accès à la
justice, encore appelée assistance judiciaire ou aide juridictionnelle
est fortement problématique. L'accès effectif des indigents
à la justice est fondamental en matière de protection des droits
de l'homme. Le critère d'accessibilité et de disponibilité
des recours, conduit à considérer que l'État devrait
accorder aux personnes défavorisées une aide juridictionnelle
devant toutes les juridictions, que ce soit en matière civile comme en
matière pénale et administrative. L'aide juridictionnelle aux
justiciables indigents est « nécessaire pour assurer
l'effectivité de l'accès à la justice
»201.
Plus qu'un simple droit d'accès à la justice, le
droit au juge est « non seulement la possibilité de saisir le
juge, mais aussi celle d'obtenir un jugement et exiger l'exécution de la
décision »202.
197Morand-Devilliers (J), Cours de droit
administratif, Motehres Tien, Paris, 2005, pp. 706-709
198Guimdo Dogmo (B-R), « Le droit d'accès
à la justice administrative au Cameroun. Contribution à
l'étude d'un droit fondamental. », op cit, p. 171.
199Sawadogo (F.M) « L'accès à la
justice en Afrique francophone : Problèmes et perspectives. Le cas du
Burkina Faso ». RJ PIC, n°2, 1995, p.168.
200Selon un rapport de la Banque mondiale publie en
1990, le seuil de pauvreté est de 1dollar US par jour .Ce chiffre
à été revue à été revue à 1,25
dollar US en 2008.Les nouveaux chiffre semblent ne pas concernée
l'Afrique subsaharienne ou le taux de pauvreté en de 50% soit le
même qu'en
1981.www.onu.org (centre
d'actualité de l'ONU).
201Article 47 Charte des droits fondamentaux de
l'Union Européenne
202Rainaud (J.M), « le droit u juge devant les
juridictions administratives » in le droit au juge dans l'Union
européenne » cité par Guimdo (B-R) « le droit
d'accès à la justice administrative au Cameroun. Contribution
à l'étude d'un droit fondamental », op cit, p.171.
Le droit au juge est assuré par la consécration
tant au civil qu'au pénal du double degré de juridiction, et par
conséquent l'exclusion du juge de première instance dans la
composition de l'instance de la Cour d'Appel. Le droit d'interjeter appel est
un droit qui relève du droit à ce que sa cause soit entendue, tel
que prévu aux termes de l'Article 7 de la Charte. Le droit d'interjeter
appel est également déterminant dans la réalisation des
exigences de l'Article 56(5) de la Charte.203
La disponibilité de la justice doit être
appréciée par référence à ces
considérations. Le droit au juge n'a de sens que si celui-ci assure un
procès équitable.
2 - Un droit à un procès
équitable
Dans l'affaire Anuak Justice c. Éthiopie, la
Commission fait observer que l'art.56 (5) « doit être
appliqué concomitamment à l'art.7 qui établit et
protège le droit à un procès
équitable».204C'est dire l'étroitesse des
liens que les deux articles entretiennent. La notion de procès
équitable a son origine en Common Law, où le fair trial,
n'est que la transposition en droit processuel du fair play en
sport.205 Il constitue une émanation du droit à une
bonne administration de la justice. La Commission a rappelé que le droit
à un procès équitable nécessite certains
critères objectifs, notamment le droit à l'égalité
de traitement, le droit à la défense par un avocat, ainsi que les
obligations pour les Cours et Tribunaux de se conformer aux normes
internationales afin de garantir un procès équitable pour
tous.206 Le droit à un procès équitable est
donc réparti autour de l'égalité des armes entre les
parties qui doivent avoir les mêmes chances de préparation et de
présentation de leur plaidoirie et de réquisitoire au cours du
procès.
Le droit à la défense, est spécifiquement
le droit d'être informé des charges retenues contre soi, ainsi que
des preuves desdites charges. Il s'exerce non seulement au cours du
procès mais également durant la détention.207La
notion de procès équitable, intègre les garanties
spécifiques à l'accusé telles que : la présomption
d'innocence, le droit à l'assistance judiciaire.
203Com. 228/99 Law Office of Ghazi Suleiman c.
Soudan §35.
204Voir aussi com. 48/90. Amnistie Internationale
c. Soudan §31.
205Matcher (F), « le droit à un
procès équitable dans la jurisprudence européenne de la
Convention des Droits de l'Homme», in Le droit à un
procès équitable, Commission européenne pour la
Démocratie et le Droit, collection science et technique de la
démocratie, n° 28, p.10.
206Com. 231/99, Avocats Sans Frontières
(pour le compte de Gaétan Bwanpanye) c. Burundi.
207Com. 144/95 William A Courson c. Guinée
Equatoriale
A l'impératif de la disponibilité des recours la
Commission adjoint celui de leur effectivité et de leur satisfaction.
Paragraphe II - Des recours internes efficaces : Les
critères de satisfaction et d'effectivité
A côté du critère de disponibilité,
la Commission n'exige l'épuisement des recours internes que s'ils sont
effectifs et satisfaisants. L'efficacité et la satisfaction comme
caractère fondamental des recours à épuiser ont fait
l'objet d'une définition substantielle devant la Commission. Celle-ci
porte sur l'admission exclusive des modes juridictionnels comme gage
d'efficacité des recours (A), et les modes de
réparation qui en détermine la suffisance
(B).
A- L'admission exclusive des modes
juridictionnelles
La jurisprudence de la Commission donne la preuve que les
recours à épuiser ne peuvent être efficace que s'ils sont
d'abord judiciaires. Elle souligner que : « aux termes du
présent Article [art 56(5)], tout ce que la Commission Africaine
souhaite entendre du plaignant est qu'il s'est approché des organes
judiciaires internes ou nationaux ».208 Ceci se confirme
au regard de la définition que l'organe a donné au terme
efficacité (1) et au vue de la pertinence des recours
juridictionnels (2).
1 - La signification de l'effectivité et de la
satisfaction des recours
internes
Dans la jurisprudence Jawara c. Gambie, la Commission
s'était limitée à exiger que soit pris en compte le
critère de l'efficacité des recours, entendu comme des recours
qui « offrent une perspective d'aboutissement ». C'est dans
l'affaire Anuak justice, que la Commission va définir le terme efficace
comme étant ce qui est « adéquat pour accomplir un
objectif ; produisant le résultat recherché ou attendu
». Elle ajoutera qu'il s'agit d'un recours « opérant,
utile, utilisable, exécutable, en ordre, pratique, courant, effectif,
réel, valide ».209Deux tests permettent
208 Com 221/98 Alfred B. Cudjoe c/ Ghana
209Com 299/2005, Anuak Justice Council c
Éthiopie.
d'apprécier l'efficacité d'un recours. Le
premier est que ce recours doit présenter toutes les garanties
permettant d'obtenir la solution recherchée. Il ne s'agit pas de relever
que le recours doit absolument aboutir à cette solution, mais de
considérer qu'il doit offrir de manière certaine des perspectives
probantes pour la solution. En d'autres mots et plus commodément,
l'efficacité de recours se mesure, à sa plausibilité
à résoudre le problème.
La seconde possibilité est que le recours doit
être praticable c'es-à-dire à mesure d'être
utilisé. Elle fait allusion à la mécanique interne qui
assure le fonctionnement du recours et partant sa validité.
Pour réunir ces deux exigences fondamentales de
l'efficacité, le recours ne peut être que juridictionnel. La
Commission va d'ailleurs le rappeler dans plus d'une espèce, notamment
l'affaire Amnesty International et Autres c. Soudan ; où il est
clairement affirmé que l'épuisement des voies de recours internes
n'est exigible que si « les recours existent et sont
juridictionnels ».
En substance, elle affirme qu'elle « exige
l'épuisement des voies des recours internes si elles existent, si elles
sont juridictionnelles (...) et ne dépendent pas du pouvoir
discrétionnaire de l'autorité publique ». En examinant
la communication Cudjoe c. Ghana (com. 221/98), la Commission
reconnaît que « les recours internes dont fait mention
l'alinéa 5 de l'art. 56 cidessus, s'entendent des recours introduits
devant les Tribunaux de l'ordre judiciaire». Il y a là une
affirmation péremptoire de la nature juridictionnelle du recours qui
confirme bien le fondement de la règle suivant laquelle : «
l'État visé doit d'abord avoir l'opportunité de
redresser par ces propres moyens dans le cadre de son système judiciaire
les tords qui auraient été causés à l'individu
»210. Le choix des modes juridictionnels des jugements
s'explique en raison de leur indépendance à l'égard du
pouvoir politique.
2 - La pertinence des recours juridictionnels
Dans Malawi African Association et autres c.
Mauritanie, la Commission rappelle que l'une des justifications de la
règle est que « l'État mis en cause, doit être
informé des violations des droits de l'homme dont il est accusé
afin d'avoir l'opportunité de pouvoir les redresser ». Elle ne
précise pas par quels moyens l'État mis en cause devra redresser
les violations, il en est de même dans l'affaire Commission des
Droits de l'Homme et des Libertés c. Tchad (com. 74/92) où
la Commission parle simplement de « la possibilité d'y
remédier» sans préciser comment. La
210Com. 71/92, Rencontre Africaine pour la
Défense des Droits de l'Homme c. Zambie.
position de l'organe reste tout aussi équivoque dans
Jawara c. Gambie, puisqu'elle parle de « remédier
à la situation par son propre système national. » Mais
qu'est-ce que le système national ? Les jurisprudences RADDH c.
Gambie et Diakate c. Gabon semblent répondre unanimement
avec plusieurs autres espèces qu'il s'agit du « système
judiciaire ». Dans ces espèces, la Commission précise
clairement que l'État doit avoir « l'opportunité de
redresser par ses propres moyens dans le cadre de son propre système
judiciaire ». Ainsi, «les recours internes dont fait mention
l'alinéa 5 de l'art. 56 ci-dessus, s'entendent des recours introduits
devant les Tribunaux de l'ordre judiciaire ». la Commission a tenue
à préciser qu' « il demeure cependant que dans
l'acception généralement admise, les voies de recours, dont
l'épuisement est requis avant d'engager une procédure de
communication - plainte devant la Commission africaine, sont les voies de
recours ordinaires de droit commun, disponibles devant les juridictions et
normalement accessibles au justiciable ».211 En tout
état de cause, le système judiciaire dans ce contexte est
synonyme d'ordre judiciaire ou d'organisation judiciaire. A en croire le
Professeur Guimdo : « Organiquement la justice est l'ensemble des
institutions juridictionnelles chargées de régler des
différends par voie de jugement au terme d'une procédure
donnée. Fonctionnellement, elle est l'activité qui consiste
à juger, mieux à «trancher les litiges sur la base du
droit»»212.
Celle-ci varie selon les traditions juridiques des
États. L'on s'accorde à dire que cette organisation est faite
suivant plusieurs ordres. Selon le droit applicable l'on distinguera les
juridictions de l'ordre administratif et celles de droit commun. Selon la
nature du litige, l'on distinguera les juridictions pénales, les
juridictions civiles et les juridictions administratives. Suivant l'objet du
litige on distingue les juridictions de fond (premier degré et appel, et
les juridictions de cassation). Selon la matière du procès, on
distinguera les juridictions de droit
211 Com. 242/01 Interights, Institut de droits humains et
développement en Afrique et Association mauritanienne des droits de
l'homme/République islamique de Mauritanie, 17ème Rapport
annuel d'activités.
Il faut relever également qu'au cours de l'examen de la
recevabilité de la communication 254/02 Mouvement des
Réfugiés Mauritaniens au Sénégal c.
Sénégal la Commission a indiqué que le plaignant
avait la possibilité d'intenter une action contre l'arrêté
incriminé qui est un acte administratif susceptible de deux voies de
recours dont : Le recours administratif qui consiste à saisir
l'autorité hiérarchique pour excès de pouvoir, notamment
le gouverneur, le Ministre de l'Intérieur, le Premier Ministre et enfin
le Président de la République conformément à loi
organique no. 92-24 du 30 mai 1992 sur le conseil d'État telle que
modifiée et l'article 729 du Code de Procédure Civile ; Le
recours juridictionnel, par la saisine du conseil
d'État en annulation pour excès de pouvoir de l'acte
administratif incriminé. La représentante de l'État
Défendeur a démontré que ces voies de recours existent et
que le plaignant n'a utilisé aucune des deux. Elle a indiqué par
ailleurs que dans les cas d'urgence, le recours à la procédure de
référé d'heure à heure est également ouvert
aux justiciables. Elle a conclu que le plaignant n'a pas épuisé
les voies de recours internes.
212Guimdo Dogmo (B-R), « Le droit d'accès
à la justice administrative au Cameroun. Contribution à
l'étude d'un droit fondamental. », op cit, p.173.
commun et les juridictions spécialisées. Ce qui
importe malgré ces distinctions c'est qu'il existe dans chaque ordre,
une hiérarchie des tribunaux coiffée par une juridiction
suprême, très souvent une Cour Suprême. La hiérarchie
des Tribunaux traduit la notion de recours en tant que voie de
réformation. Ainsi, les Tribunaux hiérarchiquement
supérieurs pourront connaître des recours portant sur les
décisions des Tribunaux hiérarchiquement inférieurs. Ces
recours peuvent être des recours en annulation, des recours en
reformation etc.
La pertinence des recours juridictionnels doit tout à
la notion de pouvoir judiciaire dont l'indépendance de la justice
constitue l'essentiel. En effet, le pouvoir judiciaire est souvent entendu
comme étant à la fois, « l'ensemble des actes par
lesquels sont jugés les procès » et « un
ensemble de Tribunaux présentant certaines propriétés
structurelles »213. Un ensemble de maximes
constitutionnelles détermine et organise l'exercice de ce pouvoir. Elles
garantissent en même temps l'indépendance et l'impartialité
des juridictions.
Par l'indépendance des tribunaux on voit une
manifestation de l'État de droit. Au nom de l'intérêt
général, les Cours veillent à ce que les
législations ne portent pas atteinte d'une manière injustifiable
à certains intérêts individuels et collectifs fondamentaux.
Les tribunaux assurent la protection des droits garantis par la Charte autour
de chaque individu. A travers cette prérogative, ils apportent des
réparations aux violations par l'État des droits humains La
Charte africaine par confère aux tribunaux un rôle important,
à savoir la défense des libertés
individuelles214 fondamentales et des droits de la personne contre
les ingérences de tout organe gouvernemental.. Il est donc capital de
donner à ce mandat tout son sens.. Ce rôle essentiel et
profondément constitutionnel, passe nécessairement par une
indépendance de la justice.
L'indépendance judiciaire stricto sensu,
renvoie à la garantie qu'ont les tribunaux contre toute influence de
l'exécutif. C'est la liberté pleine et totale des juges
d'instruire et de juger les affaires qui leur sont soumises. Personne ne doit
intervenir ou tenter d'intervenir dans la façon dont un juge mène
l'affaire et rend sa décision. L'indépendance judiciaire a deux
dimensions. Il s'agit d'une part d'une indépendance individuelle du
juge, et d'autre part d'une indépendance institutionnelle ou collective
de la Cour ou du Tribunal auquel le juge appartient215.
213Troper (M), « Le pouvoir judiciaire et la
démocratie », EJLS vol.1, n°2, p. 1.
214 Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, art
7.
215Michel Robert (J-J), « l'indépendance
judiciaire de Valente à aujourd'hui : les zones claires et les zones
grises », 6e conférence Albert Mayrand, Université de
Montréal, faculté de droit ,14 Novembre 2002, p. 8.
L'indépendance judiciaire est réalisée
à travers trois critères que sont : l'inamovibilité, la
sécurité financière et l'indépendance
administrative216. Elle assure que les recours à
épuiser ne dépendent pas « du pouvoir
discrétionnaire de l'autorité publique
»217.
L'admission exclusive des modes juridictionnels ne signifie
par contre pas que si cette action est conjointe à l'usage d'autres
modes non juridictionnels des règlements, elle tombe en
désuétude. Ainsi dans l'affaite Annette Pagnoule le
requérant qui recherchait sa réintégration dans ses
fonctions de magistrat a adressé un recours gracieux au Président
de la République et propose un arrangement à l'amiable au
ministère de la justice. Il a par ailleurs introduit une requête
auprès de la Chambre administrative et introduit d'autre recours
auprès de la Cour Suprême camerounaise. La Commission avait
retenue que : « compte tenu de toutes ses actions entreprises par la
victime, sans qu'aucun résultat ne soit atteint, la Commission
considère que les voies de recors internes ont été
dûment épuisées». Au-delà de la «
diversité des actions conjointes à l'absence des
résultats concrets »218, c'est plus le recours au
juge quoique conjoint aux recours politiques, qui a conduit à la
recevabilité de la communication. Les recours juridictionnels offrent
les garanties pour la réparation des violations de droits de la
personne.
B - Une garantie du droit à la
réparation
Dans Anuak Justice, la Commission estime qu' «
un recours est jugé suffisant s'il est capable de réparer la
plainte ». Le terme « suffisant » signifie ce qui est
« adéquat pour l'objectif, assez » ou « ample,
abondant, ...satisfaisant. » La notion de droit porte en
elle-même l-obligation de redresser sa violation. Si le droit à un
recours est une réparation procédurale le
216 L'inamovibilité comme condition première de
l'indépendance judiciaire, est aux antipodes de la révocation
discrétionnaire ou arbitraire des juges. Elle hisse la fonction
judiciaire à l'abri de toute intervention discrétionnaire ou
arbitraire de la part de l'exécutif ou de l'autorité responsable
des nominations. La sécurité financière quant à
elle est à la fois individuelle, collective et institutionnelle. Elle
génère de l'impératif constitutionnel qui veut que, les
rapports entre le judiciaire et les deux autres pouvoirs soient
dépolitisés. Cet impératif commande que la magistrature
soit protégée contre l'ingérence des politiques et des
autres pouvoirs, par le biais des manipulations financières. C'est une
sécurité qui place le droit au traitement et la pension des juges
à l'abri des ingérences et de l'arbitraire de l'exécutif.
Quant à l'indépendance administrative, elle pourrait s'entendre
du pouvoir d'un Tribunal de contrôler les décisions
administratives qui portent directement et immédiatement sur l'exercice
des fonctions judiciaires. Ces décisions concernent notamment
l'affectation des juges aux causes, les séances de la Cour, le
rôle de la Cour, ainsi que les domaines connexes de la location des
salles d'audience et de la direction du personnel administratif exerçant
cette fonction.
217Com.87/93 Constitutional Rights Project(pour le
compte de Zamani Lekwot et six Autres) c. Nigeria, voir également,
com. 49/90, com50/91, com. 52/9, com. 51/93.
218Olinga (A.D), « le contentieux camerounais
devant la CDH et la Commission Africaine de Banjul », op cit, p.136.
droit à la réparation est plus substantiel.
C'est la capacité à réparer le dommage subi et à
apporter ainsi satisfaction au besoin de justice, qui constitue la suffisance
des recours. L'absence d'une mention express du droit à la
réparation dans la Charte a conduit certain auteurs à penser
qu'il n'existe pas de droits à une réparation dans la
Charte219. Mais il suffit de remarquer que la justiciabilité
des droits de la Charte rend évident le droit à la
réparation de sorte qu'il n'est plus nécessaire de le consacrer
de façon spécifique. Plusieurs dispositions revoient à ce
droit220 Les jurisprudences Malawian African Association et
Autres c. Mauritanie, et Mouvement Burkinabé des Droits de
l'Homme et des Peuples c. Burkina Faso sont des cas ou la Commission
à ordonner des réparations concrètes et
spécifiques. La réparation des violations peut prendre plusieurs
formes. Il peut s'agir soit d'une indemnisation ou d'une
restitution(1), soit d'une réadaptation ou des
garanties de non répétition(2).
1 - La restitution et l'indemnisation
Le droit à la réparation des violations des
droits de l'homme s'inscrit dans l'essence même du droit à un
recours effectif et emporte le droit à de réparations
matérielles. Ce principe est une règle d'or de droit
international. La Cour Permanente de Justice (CPJI) a rappelé que «
la règle selon laquelle violer une obligation au terme du droit
international entraîne le devoir d'accorder réparation, constitue
un principe fondamental de droit international général
»221. Selon le Comité des droits de l'homme «
la réparation doit au tant que possible effacer toutes les
conséquences de l'acte illicite et rétablir l'état qui
aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas
été commis »222.
La restitution consiste à rétablir le statu quo
ante, c'est-à-dire ramener l'état initial qui prévalait
avant la violation .Elle pourra par exemple consister à remettre la
personne en liberté, à lui restituer ses fonctions ou son emploi,
sa citoyenneté ou ses droits politiques. Dans Constitutional Rights
projects and Civil Liberties Organization c. Nigeria La commission a
219 Musila (GM) `The Right to an Effective Remedy under the
African Charter on Human and Peoples' Rights' AHRLJ, Vol. 6 No 2
(2006) 442. Voir également, Naldi(G) « future trends in human
rigths in africa : The increased role of the OAU ? in M Evans et Murray (ed)
The African charter on Human and Peoples' Rigths : The système in
practice, 1986-2000(2002), p. 1.
220 Voir les articles 7(1), 21(2) et 10 de la Charte africaine
des droits de l'homme.
221Affaire Usine de Chorzow Pologne c. RFA
1927, série A n° 17.
222Albert Wilson c. Philippines, com.
868/1999, doc. NU, CCPR/C/79/D/868/1999, 2003.
ordonné la relaxation de tous ceux qui étaient
détenus en raison de contestation de l'annulation des
élections.223 Elle exiger la réintégration de M
Mazou dans ces fonctions de magistrat224
Quant à l'indemnisation, elle est une réparation
par compensation. Il s'agira, selon que le préjudice est
financièrement estimable, de compenser la victime en lui versant une
somme à titre de dommage - intérêt. L'indemnisation couvre
tant le préjudice matériel que le préjudice moral. Elle
doit cependant satisfaire au principe de l'adéquation, et son calcul
doit prendre en compte la réparation totale du dommage, de sorte qu'on
puisse parler de « la juste indemnité ». La Commission a
toujours laissé aux autorités nationales le soin de fixer selon
leur loi le quantum des préjudices225. Si plus tard elle
s'est référée à la décision de la Court
Suprême de Brazzaville pour prononcer une indemnisation a titre de
compensation pour le préjudice subie en sa personne et ses biens par
Antoine Bissangou du fait de la police nationale. Le montant de l'indemnisation
s'élevait à 195.037.000 FCFA, soit 297.333.00
Euros226. Néanmoins le manque dû au non paiement du
montant initial devait selon la Commission être calculer selon la
législation congolaise et verser à la victime.
La restitution et l'indemnisation ne sont pas les seuls moyens
de réparation de la violation. Il ya aussi la réadaptation et les
garanties de non répétition.
2 - La réadaptation et les garanties de non
répétition
La réadaptation s'avère utile lorsque le
préjudice subi a entraîné des troubles physiques et/ou
psychologiques chez la victime. Il pourra s'agir d'une prise en charge
médicale et psychologique avec accès à des services
juridiques et sociaux. Très souvent en nature, la réadaptation
peut être incluse dans une réparation pécuniaire. Sous
cette forme, elle se distingue de l'indemnité versée à
titre d'indemnisation.
Les garanties de non répétition quant à
elles sont toutes mesures susceptibles de contribuer à des objectifs de
réparation plus large et à plus long terme. Un certain nombre de
ces mesures sont énoncées dans les principes fondamentaux sur le
droit à la réparation. Parmi ceuxci, la cessation des violations
persistantes, les sanctions judiciaires à l'encontre des responsables
223Com 1023 Constitutional Rights projects and
Civil Liberties Organization c. Nigeria
224 Com 39/90 Annette Pagnoulle (pour le compte de Abdoulaye
Mazou) c. Cameroun.
225Com 59/91, Embga Mekongo c. Cameroun, op
cit, §
2. Com
226 Com 253/2002 Antoine Bissangou c. République
Démocratique du Congo, Commission africaine des droits de l'homme
et des peuples, 21 rapports d'activités.
des violations, des excuses publiques, des
commémorations et hommages aux victimes, ainsi que la mise en oeuvre des
mesures préventives telles que le contrôle des forces
armées et des forces de sécurité par l'autorité
civile, la protection des défenseurs des droits de l'homme, des membres
des professions juridiques et du personnel des médias et autres
professions analogues. Dans Malawi African Association et Autres c.
Mauritanie la Commission à recommander au gouvernement Mauritanien
de « mettre en place une stratégie tendant à
l'éradication totale et définitive »227 des
pratiques avilissantes et dégradantes que constitue l'esclave en
Mauritanie
Toutefois, comme l'écrit Etienne Leroy « la
justice souffre en Afrique d'un mal mystérieux, comme si quelque magie
noire pesait sur son exercice ou sur ses représentants... le nombre de
magistrats est notoirement insuffisant et leur formation laisse à
désirer, le contrôle hiérarchique à céder
à un compagnonnage clientéliste ou claniste, l'évitement
très généralisé de la justice officielle tant au
civil qu'au pénal, la corruption et bien d'autres maux
endémiques, rendent l'administration de la justice difficile»
228. La Commission consciente de cet état de fait ne se
limite pas à exiger que les recours à épuiser soient
disponibles, effectifs et satisfaisants, elle souligne que l'application de la
règle n'est pas rigide. Celle-ci ne s'applique pas littéralement
dans un certain nombre de cas.
227 Com Malawi African Association et Autres c. Mauritanie,
op cit.
228Le Roy (E), « Contribution à la
refondation de la politique judiciaire en Afrique francophone à partir
des exemples maliens et centrafricains », Afrika Spectrum n°32, 1997,
p. 311.
CHAPITRE II : L'ÉNONCIATION NON
LIMITATIVE DES CIRCONSTANCES D'EXCEPTION
Dans l'affaire Malawi Africain Association et autres c.
Mauritanie (com. 54/91, 69/91, 98/93, 164-196/97 et 210/98) la Commission
rappelle que l'art.56 (1) de la Charte exige que tous les auteurs des
communications reçues, relatives aux violations des droits de l'homme
déclinent leur identité. Les auteurs ne doivent donc pas
être nécessairement des victimes directes ou des membres de leur
famille. Pour la Commission, « cette caractéristique de la
Charte africaine reflète une sensibilité aux difficultés
pratiques que peuvent rencontrer les individus dans les pays où les
droits de l'homme sont violés. Les voies de recours nationales ou
internationales peuvent ne pas être accessibles aux victimes
elles-mêmes, ou peuvent s'avérer dangereuses à suivre
». La Commission reconnaît ainsi clairement que les voies de recours
internes ne doivent être épuisées que « si elles
existent » et « à moins que la procédure de
ces recours ne se prolonge d'une façon anormale ».
La Charte consacre deux exceptions à la règle.
L'une ayant trait à l'inexistence des recours, l'autre au prolongement
anormal de leur procédure. La Commission est d'avis que la règle
« ne signifie pas que les plaignants doivent épuiser les voies
de recours qui en termes pratiques ne sont indisponibles, ni efficaces
» mieux encore, « ce principe ne signifie pas que le
requérant doit impérativement épuiser les recours qui, en
termes pratiques ne sont pas disponibles »229. De
même, la Commission ne considère pas que la condition
d'épuisement des recours internes s'applique littéralement aux
cas où il n'est « ni pratique, ni souhaitable
»230 pour les plaignants ou les victimes de se tourner vers ces
voies de recours internes dans chaque situation de violation des droits de
l'homme. La Commission n'a jamais considéré « que la
condition d'épuisement des voies de recours internes ne s'appliquent
à la lettre lorsqu'il n'est ni pratique, ni souhaitable que le plaignant
saisisse les tribunaux nationaux dans le cas de chaque violation
».231
La Commission consacre ainsi, la flexibilité dans
application de la règle. Pour preuve, « La Commission Africaine
note que l'exigence d'épuisement des voies de recours internes
aux
229Com 73/92, Diakate c. Gabon, §10
230Com 54/91, 61/91, 98/93, 164-196/98, Malawi
African Association, (...) c. Mauritanie, §85. 231Com
25/89, 47/90, 56/91, 100/93, Free Legal Assistance Group et autres c.
Zaire, §46.
termes de l'Article 56 (5) de la Charte africaine devrait
être interprétée souplement de manière à ne
pas fermer la porte à ceux qui ont ne serait-ce que timidement
tenté d'épuiser les voies de recours internes
».232Par une interprétation extensive des
exceptions conventionnelles, la Commission a admis de nouvelles exceptions ou
exceptions jurisprudentielles. Ainsi a-t-elle admise que « la
règle des voies de recours locales n'est pas rigide. Elle ne s'applique
pas si :
(i) Les voies de recours locales sont inexistantes ;
(ii) les voies de recours locales sont indûment et
irraisonnablement prolongées ;
(iii) le recours aux voies de recours locales est rendu
impossible ;
(iv) au vu de la plainte, il n'y a pas de justice ou il
n'y a aucun recours local à épuiser, par exemple, lorsque le
pouvoir judiciaire est sous le contrôle de l'organe exécutif
responsable de l'action illégale ;
(v) le tort est dû à un décret du
gouvernement, à l'évidence non soumis, en tant que tel, à
la juridiction des tribunaux nationaux».233
Cette énumération on le voit bien, est
simplement indicative. Elle est appelée à s'étendre en
raison des spécificités des communications examinées.
Selon cette logique au lieu d'une classification qui distingue les exceptions
conventionnelles aux exceptions jurisprudentielles il apparait plus indiquer de
les ranger en exceptions relatives aux circonstances d'ordre politique et
juridique (Section I) et celles relatives aux circonstances
personnelles du requérant ou de la victime (Section
II).
SECTION I- LES EXCEPTIONS RELATIVES AUX
CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES D'ORDRE POLITIQUE ET JURIDIQUE
La logique finaliste qui guide la pratique de la Commission,
conduit celle-ci à déclarer une communication recevable,
dès lors qu'il est établi que des circonstances empêchent
le recours aux juridictions internes. Ces circonstances, peuvent être
politiques notamment en cas d'Etat d'urgence avec des violations graves et
massives des droits humains (Paragraphe I). Elles sont d'ordre
juridique lorsqu'elles ont trait à une mauvaise configuration de l'ordre
juridique ou des procédures judiciaires. (Paragraphe
II)
232Com. 260/02 Bakweri Land Claims Committee /
Cameroun §55. 233 Communication 275/2003 Article 19/Etat
d'Erythrée.
Paragraphe I - L'État d'urgence et les violations
graves et générales
Dans la jurisprudence de la Commission, il est clairement
admis qu'en situation d'État d'urgence où des violations graves
et générales des droits de l'homme sont perpétrées,
les plaignants sont exemptés du préalable d'épuiser les
voies de recours internes. Cette exemption n'est néanmoins admise que
sous certaines conditions (A). Elle traduit la caducité
au niveau international des solutions politiques prises au niveau interne dans
ce genre de circonstances (B).
A- Les préalables à l'exception
Pour que cette exception joue, le requérant doit
prouver qu'une situation exceptionnelle d'ordre politique avait cours dans le
pays, au moment de la commission des faits. Dans une description aux
détails près, il doit relever le caractère exceptionnel de
cette situation. La charge de la preuve qui pèse ainsi sur le plaignant,
peut être substituée à la simple constatation de la
Commission elle-même dès lors que cette circonstance est largement
connue de la Communauté internationale.234 Il doit être
prouvé ou constaté, qu'au moment de la commission des faits,
prévalait une situation de trouble politique (1), qui a
entraîné des violations graves et massives des droits de
l'homme (2).
1 - Une situation de trouble politique...
Trois clichés contribuent à caractériser
une situation de trouble politique, soit l'existence d'un climat de tension
politique ouvert. C'est la contestation de la légitimité des
gouvernants ou leur gestion du pouvoir qui ouvre très souvent les
hostilités. Il peut aussi s'agir de campagne xénophobe ou de
nettoyage ethnique. Ces contestations et revendications ouvertes, transforment
partiellement ou totalement le pays en zones rouges, où s'installent la
violence et le non droit. Soit encore, un état d'exception où les
pouvoirs des forces de sécurité (armée et police) sont
accrus et où la règle de droit souffre de violation. La
légalité dite d'exception qui caractérise de telles
circonstances, n'est souvent qu'une façade qui cache des
réalités horribles. Soit enfin, une guerre internationale qui
compromet profondément l'exercice quotidien de la fonction
juridictionnelle dans un cadre où le droit est bafoué et la
violence est de règle. Le génocide rwandais est la preuve
parfaite d'une situation de trouble politique.
234Voir les communications contre le régime
militaire au Nigeria et celles contre la Mauritanie.
La situation de trouble politique ne suffit pas à elle
seule pour constituer une exception à la règle. Il faut encore
qu'elle donne lieu à des violations graves et massives des droits
contenus dans la Charte.
2 - ... Entraînant des violations graves et
massives des droits de l'homme
Les violations des droits de l'homme observées en cas
de troubles politiques, doivent répondre aux qualificatifs de «
graves et massives ».
Les violations sont dites graves lorsqu'elles sont
multiformes, répétées, impunies et touchent les droits de
l'homme les plus élémentaires. Ce sont très souvent des
traitements cruels et inhumains tels, la torture, les viols d'enfant et de
femmes, les mutineries diverses.
Quant au caractère massif des violations, il renvoie
à leur généralité. C'est dire que les violations
doivent être de celles qui touchent un grand nombre de personnes, de
sorte qu'il soit difficile de dire qu'elles concernent quelques personnes
isolées. Les communications 27/89, 46/90, 49/91,99/93 Organisation
Mondiale contre la Torture et l'Association Internationale de Juriste
Démocrates, Union Interafricaine des Droits de l'Homme c. Rwanda,
faisaient état d'arrestations arbitraires, d'exécutions
sommaires, de détentions sur des considérations ethniques et
politiques, de milliers de personnes dans différentes parties du Rwanda
par les forces de sécurité rwandaises. Elles alléguaient
des violations graves et massives en Octobre 1990 et Janvier 1992. En
détails, les plaignants indiquent comment les violations se sont
généralisées sous formes de massacres et
d'exécution extra judiciaire des membres de l'ethnie Tutsi. La position
de la Commission africaine fut sans ambages : ces communications «
révèlent l'existence de violations graves et massives des
dispositions de la Charte ». Dans ce cas, et conformément
à ces décisions antérieures sur les cas de violations
graves et massives des droits de l'homme, il a été observé
qu'étant donné « l'ampleur et la diversité des
violations alléguées, et le grand nombre de personnes
impliquées, la Commission considèrent que les voies de recours ne
doivent pas être épuisées ». Les communications
ont été déclarées recevables.
La Commission examine conjointement les communications, qui
portent sur des faits similaires déplorant des violations graves et
massives dans un pays au cours d'une même période. Dans
l'affaire Malawi Africain Association et autres c. Mauritanie, la
Commission justifie sa position en affirmant que « dans une
situation de violations graves et massives des
droits de l'homme, il peut être impossible de donner
la liste nominative de toutes les victimes ». Elle fait valoir que la
règle d'épuisement des recours locaux ne s'applique pas «
lorsqu'il y a de nombreuses victimes. La gravité de la situation des
droits de l'homme en Mauritanie et le grand nombre de victimes
concernées, rendent les recours indisponibles en termes pratiques
». Il se dégage le contre principe selon lequel, chaque fois qu'il
est prouvé des violations graves et massives dans un État, la
jurisprudence de la Commission autorise à écarter la règle
de l'épuisement des recours internes. Une telle exception a un certain
nombre de conséquences dont la plus notoire est la caducité ou
l'effet limité des solutions nationales.
B- La portée de l'exception : la limitation des
effets des solutions nationales
La solution interne à la suite de violations graves et
massives en l'occurrence en cas d'état d'urgence, est
généralement la loi d'amnistie et/ou la grâce (1).
Pour la Commission ces solutions, n'exonèrent pas l'État
qui a violé la Charte de sa responsabilité internationale
(2).
1 - L'amnistie et la grâce
La loi d'amnistie et la grâce sont les solutions
auxquelles les États recours après des répressions
massives à caractère politique. Pour des raisons de politique
extérieure, les gouvernements adoptent ces remèdes et rendent
ainsi caduques les procédures judiciaires nationales. A la
vérité, les effets de la grâce et de l'amnistie sont les
même selon qu'il a été remarqué à propos du
cas Mauritanien précité, que « la loi d'amnistie
adoptée par le législateur mauritanien a abouit à effacer
le caractère pénal des faits et violations dont se plaignent
précisément les requérants, que ladite loi a
également eu pour effet de conduire à la forclusion des actions
judiciaires éventuellement intentées devant les juridictions
locales par les victimes des violations alléguées » .
Devant une telle situation, la Commission dans ses premières
espèces jurisprudentielles n'en prenait qu'acte235. Par la
suite, elle a reviré pour retenir la responsabilité de l'Etat mis
en cause.
235Com. 138/9, International Penn (pour le compte
de Senn) et autres c. Côte d'Ivoire.
2 - La survivance de la responsabilité
internationale de l'État
La commission a toujours traité les communications en
statuant sur les faits allégués au moment de la
présentation de la communication236 : «
Par conséquent, même si la situation s'est
améliorée, de manière à permettre la
libération des détenus, l'abrogation des lois offensantes et la
lutte contre l'impunité, la position reste inchangée en ce qui
concerne la responsabilité du gouvernement actuel du Nigeria pour les
actes de violation des droits de l'homme perpétrés par ses
prédécesseurs »237. En rappelant que son
rôle consiste à se prononcer sur les allégations des droits
de l'homme et violation des peuples protégés par la Charte, la
Commission a fait valoir qu' « une loi d'amnistie prise dans le but de
rendre caduque les poursuites et autres actions en réparation
introduites par les victimes et leurs ayant-droits, bien qu'ayant des effets
sur le territoire national [Mauritanien] ne peut soustraire ce pays de ses
obligations internationales découlant de la Charte
».238La responsabilité internationale de l'État
mis en cause, reste intacte malgré les mesures de loi d'amnistie et de
grâce prises dans les cas de violations massives des droits de
l'homme.
Une position originale à l'image de la Charte qui
« contrairement aux autres instruments des droits de l'homme (...) ne
permet pas de dérogation aux obligations du traité, en raison des
situations d'urgence. Ainsi, même une situation de guerre civile ne peut
être invoquée pour justifier la violation par l'État, ou
son autorisation de violation de la Charte africaine »239.
A côté de cette exception d'ordre purement politique, la
Commission a admis des exceptions relatives aux circonstances d'ordre
juridique.
Paragraphe II - Une mauvaise configuration de l'ordre
juridique ou des procédures judiciaires
L'idée selon laquelle, une mauvaise configuration de
l'ordre juridique ou de la procédure judiciaire exonère du
préalable d'épuisement des voies de recours internes peut
être affirmée au regard de la jurisprudence de la Commission. Il
s'agit en effet, de circonstances liées à des
236Com 27/89, 46/91 et 99/93 Organisation mondiale
contre la torture& al / Rwanda.
237Com 224/98, Media Rights Agenda c/ Nigeria
225/98, Huri-Laws c/ Nigeria § 37 et com. 222/98 et 229/99 Law Office
of Ghazi Suleiman / Soudan §40.
238Com 54/91. Malawi African Association et autres
c. Mauritanie
239Com 54/91. Malawi c. Mauritanie ; com. 74/92,
Commission Nationale des Droits de L'homme et des libertés c.
Tchad, §36.
clauses dérogatoires qui hypothèquent
l'administration de la justice (A). Il s'agit
également, des cas où il est prouvé que la
procédure des recours se prolonge de façon anormale
(B).
A - Les exemptions du fait de dispositions
légales
Dans cette catégorie, il est possible de ranger quatre
exceptions à la règle. Celles-ci ont été admises
par une interprétation déductive des exceptions classiques
à l'article 56(5). Ces exceptions sont admises dans les cas où
les recours internes sont rendues inexistants, inefficaces et illégaux.
Il s'agit de : l'existence des clauses dérogatoires
(1), l'existence des recours discrétionnaires ou
extraordinaires (2), la non justiciabilité de la
plainte (3), l'accès inéquitable à la
justice (4).
1 - L'existence de clauses
dérogatoires
On entend par clauses dérogatoires des clauses qui
écartent, dans des limites déterminées, la règle
normalement applicable.
La Commission a retenu dans le cas de la communication
International Penn et autres (pour le compte de Saro-Wiwa) c. Nigeria,
que tous les décrets dont il est question dans les quatre
décisions prises contre le Nigéria contiennent des clauses
dérogatoires « dans le cas des Tribunaux spéciaux, ces
clauses interdisent aux Tribunaux ordinaires d'examiner tout appel contre des
décisions prises par des Tribunaux spéciaux
»240. Dans le cas d'espèce, le décret relatif
à la suspension et modification de la Constitution qui en interdit toute
contestation devant les Tribunaux nigérians, le décret
régissant les praticiens du droit qui ne peut être contesté
devant aucun Tribunal, constituent pour la Commission, des clauses
dérogatoires qui rendent les recours inexistants, inefficaces ou
illégaux. Elle soutient que dans ces circonstances, le judiciaire ne
peut exercer aucun contrôle sur la branche exécutive du
gouvernement.
2 - Des recours discrétionnaires ou
extraordinaires
Ayant rappelé à plusieurs occasions que les recours
dont il s'agit au terme de l'article 56(5) sont des recours judiciaires, la
Commission rejette les allégations des Etats parties qui
240Com. 60/91 et 87/98
invoquent le non épuisement des recours internes en se
basant sur les recours d'une nature non judiciaire. La Commission africaine a
systématiquement rejeté la preuve des modes non juridictionnels
de règlement en matière des droits de l'homme au titre de
l'article 56 (5). Ces modes non juridictionnels sont les recours
discrétionnaires et les recours extraordinaires.
On entend par recours discrétionnaires, des moyens de
reformation de l'acte querellé ou de redressement de la situation,
soumis à l'appréciation arbitraire d'une autorité
politique ou administrative. Il s'agit en effet, des voies et moyens que la
victime peut emprunter, mais dont l'issue dépend entièrement de
la bonne volonté, et de la clémence du titulaire de cette
prérogative. Les recours politiques et hiérarchiques sont
caractéristiques de cette typologie. Dans l'affaire Diakaté
c. Gabon, la Commission a retenu que, le sieur Diakaté «
bien que revenu dans son pays d'origine entreprit des démarches
auprès des autorités politiques en vue de l'annulation de l'ordre
d'expulsion ». Qu' « il ressort pour l'essentiel que le
sieur Lamine Diakaté n'a jamais attaqué en justice,
l'arrêté d'expulsion n°148/MATCLI-DGAT-DDF-SF prit contre
lui ». Son retour sur le territoire gabonais résultant d'une
décision politique. Cette communication a été
déclarée irrecevable pour non épuisement des voies de
recours internes. Dans Constitutional
Right Projet (pour le compte de Akamu) et autres c.
Nigéria, la Commission a soutenu que la
loicontestée par la communication 60/71 « le Roberry
and Fireams act investit le gouverneur du
pouvoir de confirmer ou d'annuler la décision du
Tribunal spécial ...ce pouvoir est à considérer
comme une voie de recours discrétionnaire et extraordinaire d'une nature
non judiciaire ». La Commission motive sa décision en
soulignant que « l'objectif du recours est d'obtenir une faveur et non
de réclamer un droit ». Or le recours au sens de l'article
56(5) est un véritable droit dont la victime est titulaire : le droit
à un recours.
Le rejet des recours discrétionnaires est d'autant plus
justifié qu'ils aboutissent à une réparation
discrétionnaire et relative. Une réparation arbitraire et non
satisfaisante. Pour la Commission, « il serait incorrect d'obliger les
plaignants à user des voies de recours qui ne fonctionnent pas de
façon impartiales et qui ne sont pas tenus de statuer
conformément aux principes de droit ».241
S'agissant des recours extraordinaires, ils peuvent se
distingués suivant deux critères.
Il s'agit d'une part de la nature des justiciables et d'autre
part du droit applicable.
241Com 60/91, Constitutional Rights Project (pour
le compte de Wahab Akanu, G adega et Autres) c. Nigeria, § 8.
Suivant la nature des justiciables, les recours
extraordinaires sont ceux qui ne sont ouverts qu'à une certaine
catégorie de personnes. Suivant le droit applicable, c'est le droit
d'une catégorie spécifique de personnes qu'applique l'organe de
recours. Les Tribunaux militaires caractérisent fort bien les types de
recours extraordinaires. De jurisprudence constante, la Commission a
radicalement rejeté l'invocation des recours spéciaux comme les
Tribunaux militaires au titre de l'article 56(5). Elle a ainsi
considéré dans Media Rights Agenda c. Nigéria,
que la comparution d'un civil devant un Tribunal militaire spécial,
utilisant des procédures spéciales, étaient non seulement
en violation du paragraphe 5 des principes des Nations Unies sur
l'indépendance de la magistrature, mais aussi l'article 7 de la Charte.
Dans la communication 60/91 Constitutional Right Projet c.
Nigéria, seul le gouverneur militaire pouvait confirmer ou infirmer
la décision rendue par le Tribunal spécial. La Commission a fait
valoir qu'« une voie de recours discrétionnaire et
extraordinaire d'une nature non judiciaire », telle que le recours au
gouverneur militaire, n'était pas pertinent aux fins de l'alinéa
5 de l'article 56.
3 - La non justiciabilité de l'objet de la
plainte
La règle de l'épuisement des voies de recours
internes ne s'applique pas lorsque « au vue de la plainte, il n'y a
pas de justice où il n'y a aucun recours local à épuiser,
par exemple, lorsque le pouvoir judiciaire est sous le contrôle de
l'organe exécutif, responsable de l'action illégale
»242. Il s'agit de considérer que lorsqu'un Etat n'a pas
assuré l'effectivité des droits de la Charte dans son ordre
interne il reste tenu en cas de violation desdits droits de redresser la
violation. Le cadre national n'étant pas habilité à
prendre en charge une telle situation la Commission exempte les victimes
d'épuiser les recours internes et les autorisent à saisir
directement l'organe conventionnel.
4 - Un accès inéquitable à la
justice du fait de la loi
Dans l'affaire Purohit et Moore c. Gambie, la
Commission relève que « les dispositions
générales de la loi qui pourrait offrir un recours à toute
personne lésée par la faute d'autrui, sont accessibles aux riches
et à ceux qui peuvent se payer les services d'un avocat privé.
L'on ne
242Com 275/2003, Art.19 c. Erythrée,
voir aussi com. 241/2001, Purohit et Moore c. Gambie.
peut toutefois pas affirmer comme une vérité
générale qu'il n'existe pas dans le pays des voies de recours
internes, mais elles existent pour ceux qui ont les moyens de les utiliser
»243.
L'exception est donc admise, non pas sur le fondement
subjectif de la pauvreté du plaignant, mais celui plus objectif de la
loi qui tend à écarter une catégorie sociale de personnes.
Autrement dit, l'exception ne joue pas en considération de la condition
sociale du plaignant, mais plutôt au vue de l'impartialité de la
loi à l'égard des couches socialement pauvres. Ayant
considéré dans le cas d'espèce qui portait sur les
conditions de détention et de traitement des malades mentaux en Gambie,
que « les voies de recours offertes (...) ne sont pas réalistes
pour cette catégorie de personnes et partant, pas efficaces
»244. Pour ces raisons, la Commission a déclaré
la communication recevable.
B - L'exemption en cas de prolongement anormal des
procédures
L'alinéa 5 de l'article 56 admet clairement
l'inapplicabilité de la règle dès lors « qu'il est
manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se
prolongent d'une manière anormale ». Dans l'affaire Zimbabwe
for Humans Rights et Institute for Humans Rights and Development c.
Zimbabwe, la Commission reconnaît que « ce qui constitue la
prorogation de façon anormale de la procédure, n'a pas
été définie par la Commission
africaine.»245 Plus loin, elle avoue qu'« il
n'existe donc pas de critères standards employés par la
Commission africaine pour déterminer si une procédure a
été indûment prolongée ». Cette position
lui permet de garder une certaine flexibilité pour considérer
chaque situation dans ses spécificités246 . Ainsi la
Commission recours à certaines alternatives dans une logique qui
emprunte à la doctrine anglaise du « test de l'homme raisonnable
» (1). Il est par contre possible de dégager
à travers la jurisprudence de l'organe ce qui pourrait être
considéré comme étant la durée moyenne de
l'instance nationale (2).
243Com, 241/2001, Purohit et Moore c. Gambie
§36. Voir aussi Guide pour comprendre et utiliser la Cour Africaine
des Droits de l'Homme et des Peuples, op cit, p.55.
244Ibid,§38.
245Com292/2004, Zimbabwe for Humans Rights et
Institute for Humans Rights and Development c. Zimbabwe §58.
246Guide, Ibid, p. 56.
1 - Les alternatives à l'absence de
critères standards
N'ayant pas défini des critères à partir
desquels l'ont apprécie la prorogation des recours, la Commission «
a tendance à traiter chaque communication dans le fond [et] dans
certains cas, la Commission tient compte de la situation politique
prévalant dans le pays, de l'histoire judiciaire du pays, et dans
d'autres la nature judiciaire de la plainte. »247.
La prise en compte de la situation politique du pays, consiste
à considérer que le prolongement anormal des procédures
n'est pas causé par la volonté manifeste du pouvoir en place. En
fait, « Indûment » est le qualificatif que l'article 56(5)
donne à la prolongation anormale des procédures. Ce terme a
été défini comme signifiant « excessivement
» ou « de façon injustifiable»248. La
Commission a alors conclu que « s'il y a une raison justifiable pour
prolonger l'affaire, elle ne peut être qualifiée d'indue
»249. Elle cite l'exemple d'un pays qui est pris dans une
agitation civile ou une guerre. Dans ce cas, les recours ne sont pas
considérés comme indûment prolongés.
A contrario, lorsque le comportement de la victime est la
cause du prolongement des procédures, l'exception ne peut être
invoquée. Ceci est vrai, si le retard même en partie est
causé par la victime elle-même, sa famille ou ses
représentants, le prolongement des procédures étant par
ces facteurs justifié.
Par ailleurs, la Commission a recours à la doctrine
anglaise du « test de l'homme raisonnable». Cette doctrine de Common
Law, révèle une certaine équité dans
l'administration de la justice. Dans ce sens, la Commission cherche à
« découvrir compte tenu de la nature et des circonstances
entourant un cas particulier quelle serait la décision d'un homme
raisonnable »250. (§60). Dans l'espèce
considérée, ayant fait remarquer que « les
résultats électoraux sont supposés être rendus le
plus rapidement possible, de manière à permettre aux concurrents
de connaître les résultats »251, que la
plupart des juridictions mettent en place, des mécanismes pour assurer
cette diligence dans le traitement. La Commission parvient à la
conclusion qu'un homme raisonnable finira par croire que l'affaire a
été prolongée de manière anormale. Cette conclusion
tient du fait que, plus de quatre ans après l'introduction des
requêtes en contestation d'élection, les Tribunaux
247Com292/2004, Zimbabwe for Humans Rights et
Institute for Humans Rights and Development c. Zimbabwe.
248 Idem
249 Idem
250 Idem
251 Idem
de l'Etat défendeur ne sont pas parvenus à
statuer et les fonctions que les victimes contestent sont toujours
occupées alors que les mandats sont presque arrivés à
terme». La communication fut déclarée recevable. Ce qui fait
jouer l'exception, ce n'est pas nécessairement le prolongement des
procédures, mais ce sont les anomalies directement imputables à
l'Etat ou au plaignant, qui vicient ce prolongement. La Commission tient
également compte de l'histoire judiciaire du pays.
2 - La durée moyenne de l'instance
nationale
En prenant en compte l'histoire judiciaire du pays, la
Commission analyse au regard du fonctionnement des juridictions nationales si
l'on est à même de dire que la procédure se prolonge de
façon anormale. Elle interroge ainsi la jurisprudence nationale pour
voir quelle est la durée moyenne de l'instance dans l'ordre interne.
La célérité de la procédure est un
principe dans la conduite du procès. Pradel disait dans ce sens que
« le temps qui passe c'est la vérité qui s'enfuit
». Il poursuivait qu' « une justice tardive équivaut
à l'injustice »252. La
célérité de la procédure est de
l'intérêt de la victime selon que la Charte parle d'être
jugée dans un délai raisonnable253. Le droit
d'être jugé dans un délai raisonnable, est le droit d'une
application régulière de la loi. Le droit d'avoir sa cause
entendue dans un délai raisonnable, intègre non seulement le
moment auquel le procès devrait commencer, mais également le
moment auquel il devrait prendre fin et le jugement rendu aussi bien en
première instance qu'en appel.
Malheureusement, les législations nationales ne sont
pas assez élaborées à ce sujet. Au Cameroun par exemple,
aucune disposition légale ne fait obligation au juge de conduire les
procès dans un délai bien déterminé. Certes, il
faut nuancer qu'en matière de contentieux administratif, l'issue du
recours contentieux doit être connue dans un délai de 60 jours
après dépôt du recours gracieux préalable. La
pratique révèle que les systèmes judiciaires africains
sont caractérisés par une lenteur. Cette lenteur est due à
la carence du personnel de justice, l'engorgement des tribunaux internes et
parfois, l'ingérence du politique dans la pratique judiciaire. Dans
Modise c. Botswana, la Commission a admis que le fait que le dernier
recours
252Pradel (J), La procédure
pénale, CUJAS, 11 édition, 2002-2003, P.307.
253Article 7 (5) Charte africaine des droits de l'homme et des
Peuples.
du requérant soit toujours en instance 16 ans plus tard
permet de conclure à la réalisation par le plaignant de la
condition d'épuisement des recours internes254.
Dans la communication 204/97, Mouvement burkinabè
des droits de l'homme et des peuples c. Burkina Faso, la Commission estime
que « 15 ans sans qu'aucun acte de procédure ne soit prit et
sans aucune décision ne se prononçant sur le sort des personnes
concernées, ni sur les réparations sollicitées, constitue
un déni de justice et une violation de l'article 7(1) ». Dans
la jurisprudence Art 19 c. Érythrée, la Commission a
jugé qu' « En l'absence de mesures concrètes de la part
de l'État pour faire comparaître les victimes devant un tribunal
ou pour leur permettre d'avoir accès à leurs représentants
légaux trois ans après leur arrestation et leur détention
et plus d'un an après avoir été saisie de la question, la
Commission africaine, en toute conviction, conclut que les voies de recours
érythréennes, même si elles sont accessibles, ne sont ni
effectives ni suffisantesi255
La Cour européenne dans son arrêt Kulda c.
Pologne, rendu en Grande Chambre le 26 Octobre 2000, a innové en
mettant les États parties face à leur responsabilité en
les incitant à créer dans leurs systèmes juridiques
nationaux un recours effectif permettant aux justiciables de se plaindre de la
durée excessive d'une procédure.256 Aujourd'hui,
« plusieurs des États parties à la Convention ont
intégré dans leurs systèmes juridiques internes, un
recours qui permet aux justiciables de se plaindre du caractère
déraisonnable d'une procédure et que les requérants sont
désormais tenus d'exercer avant de s'adresser à la Cour
européenne des droits de l'homme. C'est notamment le cas des
systèmes français et italien ».257Il s'agit
d'un précédent dont la Commission africaine devrait s'inspirer
pour assurer aux justiciables africains le droit à un procès
rapide.
En marge de ces exceptions qui sont liées à des
raisons objectives, il est facile de remarquer que la Commission a
également admis des exceptions à la règle de
l'épuisement des voies de recours internes, sur la base des
considérations purement subjectives.
254Com. 97/93 John K. Modise c.
Botswana§19.
255Com. 275/2003 Article 19/Etat
d'Érythrée §82.
256Voir aussi les arrêts confirmant la
jurisprudence Kulda, notamment Horvat c. Croatie, arrêt
du 26 Juillet 2001, Selva c. Italie, arrêt 11 Décembre
2001, Nouhaud et autres c. France, arrêt du 09 Juillet 2002,
Konti-Arvaniti c. Grèce, arrêt du 10 Avril 2003,
Hartman c. République Tchèque arrêt du 10 Juillet
2003.
257Beernanert (M-A), « De l'épuisement des
voies de recours internes en cas de dépassement du délai
raisonnable », Revue trimestrielles des droits de l'homme,
n°60, 2004, p. 906.
SECTION II- LES EXCEPTIONS RELATIVES AUX
CIRCONSTANCES PERSONNELLES DU REQUERANT
Les dérogations relatives aux circonstances
personnelles du requérant traduisent l'option de la Commission
d'examiner les requêtes in situ. Dans cette optique, la
disponibilité des recours et même leur efficacité
avérée est occultée par la situation particulière
dans laquelle le requérant se trouve. Il en est ainsi lorsque celui-ci
se trouve soit hors du territoire de l'État mis en cause
(I), soit dans une situation extrême
(II).
Paragraphe I- L'impossibiité pour le
requérant de mettre en oeuvre les recours internes
Il importe de dire que les exceptions relatives aux
circonstances personnelles du requérant ou de la victime sont admises
dans un contexte où les recours internes existent, et sont en
règles générales efficaces. Toutefois, en raison des
circonstances spécifiques à l'espèce, la Commission
considère que ces recours n'existent pas pour le requérant ou lui
sont manifestement impropres. Il en est ainsi dans les cas d'exil et de
déportation. Pour cela, un certain nombre de conditions doivent
être remplies (A), et l'exception traduit une protection
contre les représailles politiques (B).
A - Les conditions d'admission de l'exception
C'est dans la communication, 307/2005 M. Obert Chinhame c.
Zimbabwe, la Commission a exposé de manière
détaillée les conditions dans lesquelles s'applique cette
exception. Dans cette espèce, il est manifeste que la Commission a
exigé un élément matériel en cas de
déportation (1) et un élément
psychologique en cas d'exil (2).
1 - Un élément matériel en cas de
déportation : la détention et
l'expulsion consécutive
Dans Rights International c. Nigeria, la Commission a
retenu que l'inaptitude d'un plaignant à poursuivre les recours
internes, à la suite de sa fuite au Bénin, suffisait à
établir une norme d'épuisement effectif des recours internes.
Dans Institute pour les Droits Humains et le
Développement des Droits en Afrique c. République d'Angola,
la Commission fait remarquer que la condition de l'article 256(5), « n'est
pas une condition stricte à remplir toujours». Il en est ainsi
lorsqu'il n'existe pas de recours interne disponible. Car « le fait
que les expulsés aient été rassemblés
détenus et expulsés de telle sorte qu'ils n'ont pas
collecté leurs effets personnels, ou les confier à leurs parents
ou les garder, sans parler de saisir les autorités compétentes
pour contester la manière dont ils ont été et l'expulsion
consécutive »258. De même, « des
excursions massives, en particulier suites aux arrestations et
détentions consécutives, dénient aux victimes l'occasion
d'établir la légalité de ces actions au niveau des
tribunaux »259. Dans de telles circonstances et suivant
les jurisprudences Civils Liberties Organisations c. République
Fédérale du Nigeria, Civils Liberties Organisations (pour le
compte de la Nigerian Bar Association) c. République
Fédérale du Nigeria, et Rights International c. République
Fédérale du Nigeria,260 la Commission est d'avis
que « le fait que les plaignants ne se trouvent plus dans le pays
d'où provient la plainte et qu'ils le ne peuvent y retourner à
des fins de réparation, constitue un épuisement implicite des
recours internes ». Cette position se justifie par le fait qu' «
il serait absurde de demander au plaignant de retourner dans le pays
d'où provient la plainte [en Angola], pour chercher réparation
auprès des tribunaux nationaux261.
L'arrestation, la détention et l'expulsion
consécutive sont le fondement de l'exception à la règle en
cas de déportation. C'est-à-dire des cas où les plaignants
ont été involontairement expulsés par les agents de l'Etat
mis en cause. Qu'en est-il des cas où le plaignant décide par
luimême de s'exiler ?
2- Un élément psychologique en cas d'exil :
La crainte pour sa vie
perpétrée par des institutions
identifiée de l'Etat
A cette date, l'exposé le plus riche de la jurisprudence
de la Commission concernant cette question, a été fais dans
l'affaire M. Obert Chinhame c. Zimbabwe. Dans cette espèce,
le
258Com. 292/2004, Institute pour les Droits
Humains et le Développement des Droits en Afrique c. République
d'Angola.
259Com. 71/92, Rencontre africaine pour la
défense des droits de l'homme c. République de Zambie.
260Respectivement, com. 87/1993, com. 101/93 et com. 215/98
261Com. 159/96 Union Interafricaine des droits de
l'homme, Rencontre Africaine des Droits de l'Homme, Organisation Nationale des
Droits de l'Homme au Sénégal et Association Malienne des Droits
de l'Homme c. République d'Angola
plaignant prétend avoir été
arrêté, détenu et relâché sans être
inculpé, ni informé des motifs de son arrestation. Il
prétend également qu'à la suite des menaces de mort qui
lui ont été faites à plusieurs reprises, il a fini par
fuir son pays, par crainte pour sa vie, en abandonnant sa famille. Il estime
que cet argument suffit à lui faire bénéficier de
l'exception de non épuisement des voies de recours, conformément
aux jurisprudences Jawara c. Gambie, Alhassam Abubakar c. Ghana et Rights
International c. Nigeria. Il avait été décidé
dans ces espèces « qu'on ne pouvait s'attendre à ce que
les plaignants dans ces cas poursuivent les recours internes dans leurs pays en
raison du fait qu'ils avaient fuit leurs pays par crainte pour leur vie
».
Après une étude comparative262, la
Commission conclue que « les quatre cas ci-dessus ont une chose en
commun, un établissement clair de l'élément de peur
perpétré par les institutions identifiés de
l'État». La peur comme élément
déterminant dans l'exception relative à l'impossibilité du
requérant de saisir les recours internes est justifiée. En effet,
la Commission estime que dans de telles circonstances ce serait «
inverser le cours de la justice en demandant que le plaignant tente les
recours internes » ce qui « serait un affront au sens commun
et à la logique que de demander au plaignant de retourner dans son pays
pour y épuiser les recours internes».
L'élément important qui fait défaut
à la communication Obert Chinhama, est que la peur doit
être imputée à l'État, ce n'est qu'alors qu'elle
rend indisponible les recours internes à l'égard du plaignant.
Dans le cas contraire, la Commission estime que le plaignant n'a pas besoin
d'être
262La Commission a procédé à
une comparaison des arguments invoqués et est parvenue à une
conclusion. Dans Jawara, le plaignant était un ancien chef
d'État renversé par un coup d'État militaire. Le
gouvernement militaire a instauré un régime où
sévissait « une peur
généralisée.» Cette peur ne faisait aucun doute,
ce « sentiment suscité non seulement dans l`ésprit de
l'auteur mais dans celui de toute personne sensée, était que
retourner dans son pays à ce moment précis pour quelque raison
que ce soit, mettrait sa vie en péril. » Dans Alhassam
Abubakar c. Ghana, le plaignant un gouverneur, arrêté et
détenu sans procès pendant 7ans pour cause de collaboration avec
des dissidents politiques, s'était évadé vers la
Côte d'Ivoire. Malgré la possibilité à lui offerte
pour retourner au Ghana, le plaignant invoquait l'existence d'une loi
ghanéenne, infligeant des peines de 2 à 6 ans de prison aux
évadés de prison quelque soit la légitimité des
causes de leur évasion. La Commission affirma que «
considérant la nature de la plainte, il ne serait pas logique de
demander au plaignant de retourner au Ghana pour chercher une solution
auprès des autorités. Les recours internes n'étaient donc
pas disponibles. » Dans Rights International c.
Nigéria, l'étudiant Charle Baridom a fuit le Nigéria
après avoir subi des tortures pendant sa détention dans un camp
militaire. Il a également été menacé de mort par
les agents du gouvernement. Dans ce cas, la Commission a déclaré
la communication recevable « aux motifs qu'il n'existait pas de
recours internes disponibles et efficaces pour les violations des droits de
l'homme au Nigéria sous le régime militaire. » Elle a
ainsi affirmé que « la norme d'épuisement des recours
internes est satisfaite lorsqu'il n'existe pas de recours efficacse ou
adéquats pour l'individu. » Dans le cas particulier, M.
Wiwa « ne pouvait poursuivre aucun recours interne après sa
fuite par crainte pour sa vie vers la République du Bénin
». Dans Gabriel Choumba c. Zimbabwe, le plaignant
après avoir subi un harcèlement politique, arrêté,
détenu, torturé sans procès et menacé de mort,
s'est enfuit du Zimbabwe par crainte pour sa vie.
physiquement présent dans un pays pour avoir
accès aux recours internes263. Ce fut le cas de l'affaire
Chinhama, le requérant n'ayant pas pu établir qu'il a
fuit le pays contre sa volonté en raison des agissements de
l'État. Ainsi, « si le plaignant ne peut pas aller vers le
tribunal de son pays, parce qu'il a peur pour sa vie ou pour celle des membres
de sa famille, les voies de recours internes sont considérées
comme inexistantes pour lui ».264 Cette exception, a une
certaine portée dans le champ de la protection des droits de l'homme.
A - La portée de l'exception
L'exception relative à la délocalisation de la
victime tend à assurer une double protection. Dans les cas d'exil, elle
permet la protection en cas de représailles politiques (1).
Elle vise par contre à garantir la légalité des
expulsions dans le cas de déportation (2).
1 - La protection contre des représailles
politiques
La règlementation des libertés politiques doit
être conforme aux obligations à l'égard de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples. Ce principe fondamental qui
ressort de la jurisprudence Jawara265s'impose à tous
les États parties à la Charte.
Très souvent, les individus ayant un passif politique
opposé au régime en place, font l'objet de représailles
organisées par leurs adversaires politiques. Ces représailles,
consistent souvent en des restrictions de libertés ; telles que la
liberté de circulation (art 12) notamment, des restrictions de voyage
imposées aux anciens membres du parlement ou du gouvernement; la
liberté d'expression garantie par l'art 9 de la Charte, tel que les
intimidations, arrestations et expulsions des journalistes pour des articles
publiés ou des questions posées ; la liberté d'association
(art.10al 1) à l'instar d'interdiction des partis politiques ; la
liberté de participer à la direction des affaires publiques
(art.13al 1) notamment lorsque les anciens chefs d'État et autres hommes
politiques du régime déchu, sont interdits de prendre part
à aucune activité politique.
263Com. 219/88, Legal Defense Center c.
Gambie. 264Com 147/95 et 149/96 sir Dawda K. Jawara
§35. 265Ibid, §43 et 68.
C'est en réponse à cette réalité
que la Commission a adopté une approche qui tend à
protéger les droits et libertés des personnes
considérées, en assouplissant la règle par l'exception
d'impossibilité de recourir aux recours internes en cas d'exil.
2 - La légalité des expulsions et
l'interdiction des expulsions collectives
L'article 12(5) de la Charte, dispose : « l'expulsion
collective d'étrangers est interdite. L'expulsion collective est celle
qui vise globalement les groupes nationaux, raciaux ou religieux ».
La Charte africaine n'est pas la seule à interdire les expulsions
collectives. Les situations de crise politique et de crise économique
que connaissent certains États africains, conduisent les
autorités nationales à procéder à de vastes
campagnes d'expulsion d'étrangers. La commission a admis que,
«les États africains en général (...) sont
confrontés à de nombreux défis essentiellement
économiques, face à ces difficultés l'État a
souvent recours à des mesures radicales destinées à
protéger leurs ressortissants et leurs économies des
étrangers. Quelques puissent être les circonstances ces mesures ne
devraient pas être prises au détriment de la défense des
droits de l'homme. L'expulsion collective de n'importe quelle catégorie
de personne sur la base de la nationalité, de la religion, de l'ethnie,
de la race ou d'autres considérations constituent une violation
particulière de droits de l'homme ».266
Par cette interprétation extensive des exceptions, la
Commission protège les groupes vulnérables à l'encontre
desquels une action gouvernementale est dirigée. Ces actions ont un
caractère purement discriminatoire, en ce sens qu'elles manquent de
fondement juridique. L'expulsion doit rester compatible avec l'art12(4), selon
lequel « l'étranger l également admis sur le territoire
d'un État partie à la présente Charte, ne pourra en
être expulsé qu'en vertu d'une décision conforme à
la loi ». Les méthodes de contrainte à l'expulsion
légale doivent ne pas affecter la vie et l'intégrité
physique des personnes concernées.267
L'indisponibilité des recours internes justifie
l'exception à la règle du fait de la délocalisation du
plaignant, autre est le fondement de l'exception en cas de circonstance
extrême tel que le décès des victimes et l'urgence.
266Com. 159/96, Union Interafricaine des Droits de
l'Homme, Fédération Internationale des Droits de l'Homme,
Rencontre Africaine des Droits de l'Homme, Organisation Africaine des Droits de
l'Homme au Sénégal, Association Mondiale des Droits de l'Homme c.
Angola.
267Voir aussi Comité des Droits de L'homme,
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Nations Unies,
A/57/40, Vol. 1(2002) §76 al 13.
Paragraphe II- Le décès de la victime et
l'urgence
Ces deux situations relatives à la personne du
requérant, obligent par leur caractère extrême à
écarter l'application de la règle de l'épuisement des
voies de recours internes. Dans le cas du décès de la victime,
c'est la forclusion des recours qui permet de déroger à la norme
(A). Par contre en cas d'urgence, c'est l'imminence de
l'irréparable qui conduit à la recevabilité de la
requête (B).
A - Le décès de la victime : une
dérogation péremptoire à la règle
La Commission a admis que le décès des victimes
rendait le recours forclos (1). Cette admission a
suscité un certain nombre de critiques qui mettent en relief les
conséquences de l'exception. (2)
1 - La forclusion des recours existants
De manière laconique, la Commission fait remarques
à propos de la communication Forum of Conscience c. Sierra Leone
« que la plainte est introduite au nom des personnes déjà
exécutées. A cet effet, la Commission convient qu'il n'existe pas
de recours locaux que le plaignant peut formuler. Cependant, même si une
telle possibilité existait, l'exécution des victimes a
définitivement forclos un tel recours ».268 Le
décès de la victime conduit à l'inadéquation des
recours internes. En effet comment comprendre que des victimes
décédées épuisent encore des recours. Ceux-ci
certes existent, mais sont inutiles pour redresser la violation commise. Une
telle exception soulève toute de même quelques interrogations.
2 - Les conséquences de l'exception
Le fait que l'action devant la Commission soit menée
par une ONG, démontre la pérennité de la violation. Il
s'agit d'admettre que le décès de la victime s'il rend les
recours internes forclos, n'absout pas l'État responsable de la
violation des droits de l'homme. Cette responsabilité continue de peser
à l'encontre de l'État mis en cause. L'enjeu consiste à
admettre que la responsabilité de l'État en matière des
droits de l'homme ne s'éteint avec le décès des victimes.
Le droit à la vie, étant à la base de tous les autres
droits, il est selon la Commission : « la source d'où
découle les autres droits ». Dans la communication
268Com. 223/98, Forum of Conscience c. Sierra
Leone
précédemment évoquée, la
Commission reconnaît évidement que « bien que la
procédure ne puisse ramener les victimes à la vie, elle n'exempte
pas le gouvernement Sierra léonais de ses obligations prises en vertu de
la Charte ». Il y'a tout de même lieu de s'interroger si les
ayants droit de la victime ne sont pas tenus d'épuiser les recours
internes ? En effet, il apparaît logique que pour ces derniers, les
recours locaux restent adéquats pour remédier au préjudice
morale qu'ils subissent.
B - L'urgence : une dérogation provisoire
à la règle
L'urgence peut s'entendre du « caractère d'une
situation ou d'un état de faits ou de droit susceptible de causer ou de
provoquer un préjudice irréparable ou difficilement
réparable s'il n'est porté remède à bref
délai ».269Habilitée par l'article 111 de
son règlement intérieur, « la Commission africaine a en
effet bâti et développé un régime juridique qui
techniquement a tout le moins sacrifié pleinement au paradigme de la
« culture d'urgence »270. Ce régime juridique
conduit à écarter provisoirement l'épuisement des recours
internes pour statuer sur la requête en mesure d'urgence. La
procédure d'urgence est de manière indirecte une
dérogation à la règle d'épuisement des recours
internes. Elle n'est mise en oeuvre que dans des circonstances précises
(1) et résulte sur l'édiction des mesures
provisoires (2).
1 - Les conditions d'admission de l'urgence
Deux conditions nécessaires sont requises pour admettre
la procédure d'urgence. D'une part, il faut qu'il y ait un cas
d'extrême gravité, et d'autre part, que dans cette situation il
existe un risque de préjudice irréparable. Ces conditions ont
pour fondement commun la prise en compte du danger qui menace un
intérêt ou un droit devant la longueur d'une procédure
ordinaire271
La procédure d'urgence est donc fondamentalement
préventive, même s'il est admis une urgence en réparation.
Elle vise à prévenir l'irréparable dans une situation qui
est actuelle.
269Guimdo Dongmo (B-R), le juge administratif
Camerounais et l'urgence, recherche sur la place de l'urgence dans le
contentieux administratif Camerounais, Thèse de Doctorat,
Université de Yaoundé II - Soa, 2004, p. 18.
270Flauss (J.F), « Notule sur les mesures
provisoires devant la Commission africaine des droits de l'homme et de peuples
» Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme, n°55, 2003, p.
923.
271 Cossa (A), « L'urgence en matière de
référé », Gazelle du Palais, 1955, 2, Doc, p.46.
Cette procédure est typiquement dérogatoire
à la procédure normale qui écarte ainsi les règles
ordinaires gouvernant l'instance, notamment, le préalable
d'épuiser les voies de recours internes. Le plaignant qui l'invoque
attend de la Commission qu'elle prononce des mesures provisoires.
2 - La portée des mesures provisoires
La Commission a noté que « lorsqu'il est
allégé qu'un préjudice peut être causé
à la victime, elle agit très rapidement pour demander à
l'État de s'abstenir de prendre une quelconque action susceptible de
causer un préjudice irréparable jusqu'à ce qu'elle
détermine l'examen de l'affaire en profondeur ».272
Les mesures prises sont essentielles pour assurer une protection provisoire
liée à l'urgence. La Commission africaine a pris des mesures
provisoires portant pour la plupart sur des situations dans lesquelles il y
avait menace sur la vie ou/et sur l'intégrité physique des
victimes273. Statutairement, les mesures provisoires adoptées
par la Commission ne sont revêtues d'aucune force obligatoire. Tout au
plus sont elles assimilables à des recommandations274.
Après avoir pris ses mesures, la Commission peut
statuer par la suite sur la recevabilité de la communication au titre de
l'article 56(5) pour voir si le plaignant a tenté de recourir aux
juridictions internes. Si tel n'est pas le cas, rien n'empêche l'organe
de déclarer la communication irrecevable. Toutefois, lorsque les mesures
n'ont pas été respectées et c'est très souvent le
cas, le décès des victimes rend les recours internes forclos, la
procédure d'urgence est donc une dérogation provisoire à
l'article 56(5).
272Voir note, com.239/2001, Interrights (pour le
compte de José Domingno Sikunda) c. Namibie. 273Ibidem,
note 9, p.926.
274Lire à ce propos, Jean François
Flauss, op cit, p. 926-927.
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
Dans un souci de constance, de régularité et de
légalité, la Commission a été amenée
à apporter une définition substantielle à la règle
de l'épuisement des voies de recours internes. Il s'agissait d'une part,
de définir un certain nombre de critères fondamentaux à
l'application du principe. Parmi ceux-ci, un critère formel consistant
aux modalités du contrôle de l'épuisement des recours
internes et trois critères matériels inhérents au principe
et préalables à sa mise en oeuvre notamment la
disponibilité, la satisfaction et l'effectivité des recours
à épuiser. Il s'agissait d'autre part, à travers une
application flexible de la règle, de formuler de manière
indicative et non limitative les différentes exceptions au principe.
Celles-ci ont trait aussi bien aux circonstances exceptionnelles d'ordre
politique et juridique et qu'aux circonstances personnelles du
requérant. Cette définition fonctionnelle tient compte de la
spécificité du contexte africain en matière de protection
des droits de l'homme. Si elle guide la pratique de la règle par la
Commission, elle est néanmoins appelée à s'enrichir. Il
s'agit donc d'une définition en perpétuelle constitution à
travers laquelle la Commission travaille à garantir le meilleur de la
protection des droits de la Charte tant à l'interne qu'à
l'international.
CONCLUSION GENERALE
Il a été question dans cette étude de
rendre compte et d'analyser la façon dont la Commission africaine des
droits de l'homme et des peuples appréhende et applique la règle
de l'épuisement des voies de recours internes ? Au terme de cette
recherche, il y'a lieu d'affirmer, sinon de confirmer, que la pratique de la
règle se fait sous un double aspect.
D'une part, en se référant au droit
international coutumier et aux autres instruments internationaux de protection
des droits de la personne humaine, la Commission réaffirme les fonctions
traditionnelles de la règle. Il s'agit d'une simple opération
d'emprunt au cours de laquelle l'organe de Banjul se limite à
présenter lesdites fonctions de manière générale
sans en justifier les fondements. La référence que fait la
Commission au droit international général et au droit
international des droits de l'homme invite à revisiter ces disciplines.
Il se dégage alors que la Commission admet et réaffirme le
principe de la subsidiarité des organes internationaux de protection des
droits de l'homme dont le corollaire est la primauté des juridictions
nationales en matière de contentieux des droits humains. A travers ces
principes reconnus dans la jurisprudence de la Commission, la règle vise
à ménager la souveraineté des États, à
garantir l'effectivité des droits de la Charte dans l'ordre interne,
à préserver le rôle supplétif des juridictions
internationales, ainsi qu'a permettre la célérité du
règlement en évitant les contraintes auxquelles sont tenues de
telles juridictions dans un contexte particulier comme celui de la protection
des droits de l'homme.
D'autre part, bien qu'il existait également une
définition matérielle pourvue par le droit international
général et les autres mécanismes de protection des droits
de l'homme la Commission, s'est limité à s'en inspirer pour
élaborer par elle-même une définition substantielle de la
règle. Cette option se justifie par les particularités du
contexte africain, qui orientent à une interprétation
adaptée aux réalités des États africains
plutôt qu'une duplication artificielle d'un standard d'application
emprunté à d'autres systèmes. Cette définition
substantielle porte sur une édiction restrictive des conditions
d'application du principe et une énonciation extensible des exemptions.
Elle permet d'affirmer que la Commission procède de manière
systématique au contrôle de l'épuisement des recours
internes, lesquels doivent au préalable, être disponibles
satisfaisants et effectifs, au risque de voir le principe écarté
comme lorsqu'il est démontré des circonstances exceptionnelles
d'ordre politique et juridique, ou relative à la situation personnelle
du requérant.
Ainsi, au moyen d'une méthode de raisonnement
dialectique la Commission à déterminer la définition de la
règle de droit à la lumière du but poursuivi. Par cette
définition la Commission a soupesé de manière
concrète et détaillée les intérêts
opposés afin de mesurer la conformité de leurs effets respectifs
par rapport au but poursuivi. Une telle interprétation et application
pro victima laisse tout de même certaine critique. On lui reproche «
une acceptation assez généreuse des règlements
à l'amiable y compris sous déclaration unilatérale de
l'État défendeur ; alors que dans le contexte africain les
victimes sont dans une situation particulièrement vulnérable
».275
Cette construction jurisprudentielle d'une définition
fonctionnelle et matérielle de la règle a le mérite de
satisfaire au double souci d'une jurisprudence constante et d'une absence de
formalisme excessif dans l'application du principe. Elle constitue une
véritable ligne directrice. La jurisprudence de Banjul rend compte de ce
qu'« en interprétant et en appliquant la Charte africaine, la
Commission se fonde sur les précédents juridiques de plus en plus
nombreux créés par ses décisions prises sur presque quinze
ans environ ; elle doit également se conformer à la
Charte africaine, aux normes internationales des droits de
l'homme définies dans la Charte quicomprennent les
décisions et commentaires généraux des organes des Nations
Unies créés par
traités (article 60). Elle doit également
tenir compte des principes de droit définis par les États parties
à la Charte africaine et aux pratiques africaines, conformément
aux normes et critères internationaux (article 61)
»276.
A travers cette définition doublement dissuasive de la
règle, tant pour les plaignants que pour les États, la Commission
assure une protection préventive au seul seuil de la recevabilité
des communications. S'il est vrai que cette définition s'harmonise avec
l'ensemble de la pratique de la règle devant les autres
mécanismes de protection des droits de l'homme, il reste tout autant
vrai que ces mécanismes ont apporté des interprétations
évolutives de la règle qui devraient inspirer la Commission.
Rappelons par exemple à cette fin, que la Commission
interaméricaine a choisi de présumer l'épuisement des
recours internes, laissant aux États mis en cause le soin
d'évoquer la question.277Il y' a là un exemple qui
cadre bien avec le contexte africain où les systèmes judicaires
ont des sérieuses difficultés à garantir le droit à
un procès équitable.
Par ailleurs, bien qu'il semble que l'actuel attelage
Cour/Commission, et la future Cour africaine de justice et des droits de
l'homme et des peuples, ne devraient pas nécessairement
275Abdelgawad (E.L), « La Charte Africaine des
droits de l'homme », op cit, p.122-123.
276Com218/98 Civil Liberties Organisation, Legal
Defence Centre, Legal Defence and Assistance Projectc. Nigeria
277Guide pour comprendre et utiliser la Cour Africaine des
Droits de l'Homme, p. 52.
conduire à des revirements de jurisprudence quant au
contenu de l'épuisement des voies de recours internes tels
précisé par la Commission. Il est nécessaire que le
nouveau régionalisme africain de protection des droits de l'homme
à travers la force obligatoire de ces jugements, amène les
États à garantir la bonne administration de la justice. Ceci
suppose, qu'il ne devrait pas se limiter à défendre à tout
prix le statut quo. Mais plutôt, qu'il devra faire avancer la
jurisprudence des droits de l'homme en Afrique à travers des
interprétations évolutives de la règle. Autrement dit, il
devra être plus sensible à la précarité de la
situation des justiciables africains devant les violations de leurs droits par
les gouvernements.
Ce faisant, la règle procédurale de
l'épuisement des voies de recours internes, produira des effets
matériels et normateurs, par la médiation du juge national et
international, respectivement juge de droit commun et juge d'exception en
matière de droits de l'homme.
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l'épuisement des voies de recours internes et le recours au juge
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l'homme ? La Cour de Strasbourg et la réalisation d'une « Union
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l'homme », in Les dimensions internationales des droits de l'homme,
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développement, démocratie, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp.
1428-1429.
III- THESES ET MEMOIRES
· ATANGANA AMOUGOU (J-L),
L'État et les libertés publiques au Cameroun,
Essaisur l'évolution du constitutionnalisme
négro-africain, Thèse de Doctorat, droit public,
Université Jean Moulin Lyon III, 1999.
· GUIMDO DONGMO (B-R), Le juge
administratif Camerounais et l'urgence, recherche sur la place de l'urgence
dans le contentieux administrative Camerounais, Thèse de Doctorat,
droit public, Université de Yaoundé II - Soa, 2004.
· TIGROUDJA (H), Contribution à
l'étude du statut de la victime en droit international des droits de
l'homme, thèse de doctorat, Lille II, 2001.
· BEAUCHOT (B), La protection diplomatique
des individus en droit international, Mémoire de DEA, Université
de Lille II, 2002.
IV - DICTIONNAIRES ET AUTRES DOCUMENTS
· ANDRIANTSINNBAZOVINA (J) et
GAUDIN (H), Dictionnaire des droits de l'homme,
1er édition, Quadrige-Puf Octobre 2008.
· ARNAUD (A-J), Dictionnaire
encyclopédique de théorie et de sociologie du droit. Paris :
Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1988, 487p.
· ATANGANA AMOUGOU (J-L), Cours de
droit international des droits de l'homme, DEA droit international public et
Communautaire, Université de Yaoundé II 2007-2008,
(inédit).
· BOUKONGOU (J.D), Cours de droit
international des droits de l'homme Université Catholique d'Afrique
Centrale,
· CHAPPEZ (J), La protection
diplomatique, JCL droit international, vol 4, édition du
Juris-classeur, 1999, fascicule 250.
· CORNU (G), Vocabulaire juridique,
Association Henri Capitant, 4e Edition, PUF- Quadrige, mai
2002..
· GUIMDO (R-B), Cours de Théorie
générale du droit, DEA droit public interne, Université de
Yaoundé II, 2007-2008, (inédit).
· KAMTO (M), TCHEUWA (J-C) et
MOUANGUE KOBILA (J) Manuel de méthodologie et d'exercices
corrigés en droit international public, CEDIC, Yaoundé
2004.
· Guide pour comprendre et utiliser la Cour Africaine
des Droits de l'Homme
· Le petit Larousse, sous la direction de Yves GARNIER et
Mady VINCIGUERA, VUEF, Paris, Edition 2004.
· Rapport d'activités de la Commission Africaine des
droits de l'homme et des peuples, n° 10-25.
· Recueil Africain des décisions des Droits
Humains, Pretoria University, Law Press ((PULP), 2000.
V- TEXTES JURIDIQUES A-Textes Universels
· Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du
10 décembre 1948.
· Pacte international relatif aux droits civils et
politiques du 16 décembre 1966.
· Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1997.
B-Textes Régionaux
1-Textes africains
· La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
adoptée le 27 juin 1981 et entrée en vigueur le 21 octobre
1986.
· Le protocole relatif à la Charte africaine portant
création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples
adopté le 9 juin 1998 et entré en vigueur le 25 janvier 2004.
· Le Règlement intérieur de la Commission
africaine des droits de l'homme et du peuple entré en vigueur le13
février 1988.
2-Textes européens
· Le Règlement intérieur de la Commission
africaine des droits de l'homme et du peuple entré en vigueur le13
février 1988.
· La Convention européenne des droits de l'homme
adoptée à Rome le 4 novembre 1950.
· Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales telle qu'amendée par le Protocole
n°11
· Protocole n°11 à la Convention
européenne des droits de l'homme adopté le 11 mai 1994 à
Strasbourg et entré en vigueur le 1er novembre 1998.
3-Textes américains
· Protocole n°11 à la Convention
européenne des droits de l'homme adopté le 11 mai 1994 à
Strasbourg et entré en vigueur le 1er novembre 1998.
· Convention américaine relative aux droits de
l'homme adoptée le 22 novembre 1969.
· Statut de la Cour interaméricaine des droits de
l'homme adopté en octobre 1979.
· Règlement de la Commission interaméricaine
des droits de l'homme adopté le 29 juin 1987.
· Statut de la Cour interaméricaine des droits
de l'homme, octobre 1979.
· Règlement intérieur de la Cour
interaméricaine des droits de l'homme adopté le 18 janvier
1991.
VI. JURISPRUDENCE
A. JURISPRUDENCE AFRICAINE
1- Communication interétatique
· Com 227/99 - R. D. Congo / Burundi, Rwanda et Ouganda
2- Autres communications
· Com 104/93 Centre pour l'indépendance des
magistrats et des avocats c Algérie.
· Com 16/88 Comité Culturel pour la
Démocratie au Bénin et autres c. Bénin
· Com 97/93 John k. Modise c. Botswana
· Com 23/99, Avocat Sans Frontière (pour le compte
de Gaétan Bwampamye) contre Burundi
· Com 260/02 - Bakweri Land Claims Committee / Cameroun.
· Com 59/91, Embga Mekongo c. Cameroun
· Com 39/90, Annette Pagnoulle ( pour le compte de
Abdoulaye Mazou ) c. Cameroun
· Com. 138/9, International Penn (pour le compte de Senn)
et autres c. Côte d'Ivoire.
· Com 253/2002 Antoine Bissangou c. République
Démocratique du Congo.
· Com133/94, Association pour la Défense des Droits
de l'Homme et des Libertés c. Djibouti.
· Com 40 :90, Bob Ngozi Njoku c. Egypte.
· Com 299/2005 Anuak Justice Council c. Ethiopie.
· Com 73/92 Mohammed Lamine Diakité c. Gabon.
· Com 90/93, Paul S Haye c. Gambie.
· com. 241/2001, Purohit et Moore c. Gambie
· Com 86/93, M S Ceesay c. Gambie..
· Com 147/95 et 149/96, Sir Dawda K. Jawara c. Gambie
· Com 263/02 - Section Kenyane de la Commission
Internationale de Juristes, Law Society of Kenya, Kituo Cha Sheria/Kenya
Communication 127/94 - Sana Dumbuya c/Gambie.
· Com 221/98 Alfred B. Cudjoe c/ Ghana
· Com. 144/95 William A Courson c. Guinée
Equatoriale
· Com 54/91 Malawi Afican Association c. Mauritanie
· Com. 140/90 141/94, 145/95 Civil Liberty Organisation and
Media Rights Agenda c. Nigeria
· Com 218/98 - Civil Liberties Organisation, Legal Defence
Centre, Legal Defence and Assistance Project / Nigeria
· Com 60/91, Constitutional Rights Project (pour le compte
de Wahab Akanu, Gadega et Autres) c. Nigeria
· Com.87/93 Constitutional Rights Project (pour le compte
de Zamani Lekwot et six Autres) c. Nigeria
· Com224/98, Media Rights Agenda c/ Nigeria
· 225/98, Huri-Laws c/ Nigeria
· Com 60/91 constitutional right project c. Nigeria
· Com 243/2001 Woman's Legal Aid Central
· Com 198/97 SOS-Esclaves c. Mauritanie
· Com 27/89, 46/90, 49/91,99/93 Organisation Mondiale
contre la Torture et l'Association Internationale de Juriste Démocrates,
Union Interafricaine des Droits de l'Homme c. Rwanda
· Com. 223/98, Forum of Conscience c. Sierra Leone
· Com 236/2000 - Curtis Francis Doebbler / Soudan
· Com. 222/98 et 229/99 - Law Office of Ghazi Suleiman /
Soudan
· com. 74/92, Commission Nationale des Droits de L'homme et
des libertés c. Tchad
· Com 48/90, 50/91, 52/91, 89/93, Amnesty International c.
Zambie
· Com 25/89, 47/90, 56/91, 100/93, Free Legal Assistance
Group et autres c. Zaïre.
B- AUTRE JURISPRUDENCE
1- CPIJ et CIJ et Sentences Arbitrale.
· Affaire, des Concessions Mavrommatis en Palestine
(Grèce c. Grande-Bretagne) CPJI, 30 août 1924 Ser. A
· Affaire, Usine de Chorzow Pologne c. RFA 1927, CPIJ,
série A n° 17
· Affaire de la compétence des tribunaux de Dantzig,
CPJI, Avis du 3 mars 1928, Série B n°15 p17
· Interprétation des arrêts n°7 et 8,
usine de Chorzów arrêt n° 11 du 16 décembre 1927,
CPJI, Série A, n°13
· Affaire Ambatielos (Grèce c. Royaume-Uni), CIJ, 19
mai 1953
· Affaire, Hinterland (Suisse. c. États-Unis),
Exceptions préliminaires, CIJ, 27 Mars 1959
· Affaire de l'Hinterland, opinion dissidente du juge
Cordova, Recuiel CIJ, 1959, p.45.
· Affaire Ziat, Ben Kiran, (Grande-Bretagne c. Espagne),
S A Max Huber, 24 décembre 1924, Sentence arbitrale relative aux
réclamations dans la zone espagnole du Maroc, RSA, vo II, pp.729-732
2- Comité des droits de
l'homme
· Com. 868/1999Albert Wilson c. Philippines, doc. NU,
CCPR/C/79/D/868/1999, 2003.
· Com n° 458/1991, Albert Womah Mukong c.
Cameroun UN Doc, CCPR/C/51/D/458/1991, du 10 août 1994
· Com 674/1995 Emile Caabe c. Island, UN Doc,
CCPR/C/58/D/674/1995/(1996)
· Com. 910/2000, ATI Antoine Randolph c. Togo UN Doc.
CCPR/C/79/D/910/2000 (2003)
3- Cour européenne des droits de
l'homme.
· Arrêt Selmouni c. France n° 25803/94 ; CEDH
1999-V
· Arrêt Vernillo c. France du 20/02/1991 série
A n° 198, p. 11 -12.
· Arrêt Icyer c. Turquie, n° 18888/02
décision du 02 janvier 2006.
· Arrêt Broniwski c. Pologne (GC) 23 Juin 2004
· Arrêt Dalia c. France 19 Février 1998,
Recueil 1998-I, PP 87-88.
4- Cour interaméricaine des droits de l'homme
· Affaire Viviana Gallardo et autres. Jugement sur
les exceptions préliminaires (13 novembre 1981), série A n° G
101/81, p. 87-88, § 26.
· Affaire Godinez Cruz, Jugement sur les exceptions
préliminaires, 26 juin 1987, supra, §88
· Affaire Fairen Garbi et Solis Corrales, Jugement sur les
exceptions préliminaires, jugement du 26 juin 1987, Série C, n°
2, §87.
VII- REFERENCES INTERNET
·
http://www.fidh.org: Site de la
fédération international des ligues des droits de l'homme
·
www.revue-df.org, ou
www.droitsfondamentaux.org:
Site de la Revue de Droits fondamentaux
·
www.achpr.org: Site de la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples
·
www.cidh.oas.org/: Site de la
Commission interaméricaine des droits de l'homme
·
www.corteidh.or.cr/: Site de
la Cour interaméricaine des droits de l'homme
·
www.droitshumains.org/Biblio/Txt
Afr/HP Afr.htm/ Site des instruments africains de protection des droits de
l'homme
·
http://www.reliefweb.int /rw
/dbc
· http://www.humanrightstz.org/ site de l'ONG Human
Rights Organization
·
www.un.org Site de l'Organisation des
Nations unies.
·
www.apdhac.org Site du centre
interdisciplinaire de formation et de recherche en droits de l'homme pole
d'excellence régionale en droits de l'homme
ANNEXES
ANNEXE 1 : EXTRAIT COMMUNICATION 227/99 - R. D. CONGO /
BURUNDI, RWANDA ET OUGANDA
Le Droit
De la Recevabiité
51. La procédure visant à soumettre des
communications étatiques à la Commission est régie par les
articles 47 à 49 de la Charte. A ce stade, il est important de
mentionner qu'il s'agit de la première communication
interétatique introduite devant la Commission Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples.
52. Il est à noter qu'il a été
communiqué au Burundi2, Etat défendeur, tous les
mémoires pertinents ayant trait à la présente
communication, conformément à l'Article 57 de la Charte
Africaine. Le Burundi n'a non seulement pas réagi à aucun d'entre
eux mais il n'a fait aucune présentation orale devant la commission eu
égard à la plainte.
53. La Commission Africaine souhaiterait insister sur le fait
que l'absence de réaction de la part du Burundi n'absout pas cet Etat de
la décision que la Commission pourrait rendre lors de l'examen de la
communication. Le Burundi, de par sa ratification de la Charte Africaine, a
indiqué son engagement à coopérer avec la Commission
Africaine et à respecter toutes les décisions que cette
dernière pourrait rendre.
54. Dans leurs observations orales faites devant la
Commission, lors de sa 27ème session ordinaire tenue en Algérie
(du 27 avril au 11 mai 2000), le Rwanda et l'Ouganda ont allégué
que la décision de l'Etat plaignant de soumettre la communication
directement au Président de la Commission sans les en avoir
préalablement informés ni en avoir d'abord fait notification au
Secrétaire général de l'OUA, n'est pas valable du point de
vue procédural et que cela compromet la recevabilité du cas.
55. L'article 47 demande à l'Etat plaignant d'attirer,
par communication écrite, l'attention de l'Etat en violation sur la
question. Cette communication devra également être adressée
au Secrétaire général de l'OUA et au Président de
la Commission. Dans un délai de trois mois à compter de la date
de réception de la communication, l'Etat destinataire fera tenir
à l'Etat qui a adressé la communication des explications ou
déclarations écrites élucidant la question.
56. Conformément aux dispositions de l'article 48 de
la Charte, si, dans un délai de trois mois à compter de la date
de réception de la communication originale par l'Etat destinataire, la
question n'est pas réglée à la satisfaction des deux Etats
intéressés, par voie de négociation bilatérale ou
par toute autre procédure pacifique, l'un comme l'autre auront le droit
de la soumettre à la Commission par une notification adressée
à son Président et d'en notifier les autres Etats
concernés.
57. Les dispositions des articles 47 et 48 couplées
avec les dispositions des articles 88 à 92 du Règlement
intérieur de la Commission sont orientées vers la
réalisation de l'un des principaux objectifs et principes fondamentaux
de la Charte : la conciliation.
58. La Commission considère la disposition de
l'article 47 de la Charte souple et non obligatoire. L'utilisation du terme
«peut» en atteste. Tout comme la première phrase de cette
disposition :« Si un Etat partie à la présente Charte a
de bonnes raisons de croire qu'un autre Etat également partie à
cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il peut appeler, par
communication écrite, l'attention de cet Etat sur la question.
»
59. En outre, lorsque le différend n'est pas
résolu à l'amiable, l'article 48 de la Charte demande à
l'un ou à l'autre Etat de soumettre la question à la Commission
par une notification adressée à son Président et d'en
notifier les autres Etats concernés. Toutefois, elle ne prévoit
pas sa soumission au Secrétaire général de l'OUA. Dans
tous les cas, l'Etat plaignant avait entrepris des démarches visant
à y remédier en se basant sur la décision de la Commission
prise lors de sa 25ème session ordinaire, à savoir qu'elle fasse
parvenir une copie de sa plainte au Secrétaire général de
l'OUA(voir paragraphe 14 ci-dessus).
60. Par ailleurs, il apparaît que la principale raison
pour laquelle la Charte a prévu une disposition stipulant que l'Etat
défendeur soit informé de ces violations ou notifié de la
soumission d'une telle communication à la Commission, est
d'éviter des surprises aux Etats concernés. Cette disposition
permet en conséquence aux Etats défendeurs de décider de
régler la plainte à l'amiable ou pas. La Commission estime que,
même si l'Etat plaignant ne s'était pas conformé à
ladite disposition de la Charte, cette omission n'est pas fatale pour la
communication dans la mesure où, après avoir été
saisie de l'affaire, une copie de la communication est, comme il est d'usage
pour la Commission, envoyée aux Etats défendeurs pour recueillir
leurs observations (voir paragraphe 15 cidessus).
61. L'article 49, en revanche, offre la possibilité de
saisir directement la Commission sans passer par l'étape de la
conciliation. A cet égard, l'Etat plaignant peut porter la question
directement à l'attention de la Commission en adressant une
communication au Président, au Secrétaire général
de l'OUA et à l'Etat intéressé. Une telle procédure
permet à l'Etat demandeur d'éviter d'entrer en contact avec
l'Etat défendeur dans le cas où un tel contact ne serait pas
diplomatiquement efficace ni souhaitable. Du point de vue de la Commission, tel
semble être le cas dans l'espèce sous examen. En effet, la
situation de guerre non déclarée qui prévaut entre la
République Démocratique du Congo et ses voisins à l'Est ne
favorise pas le genre de contacts diplomatiques qui auraient permis
l'application des dispositions des articles 47 et 48 de la Charte. C'est
également pour cette raison que la Commission a considéré
que l'Article 52 ne s'appliquait pas à la présente
communication.
62. En outre, la Commission ne peut connaître d'une
affaire qui lui est soumise qu'après s'être assuré que les
dispositions de l'article 50 de la Charte et de l'article 97 (c) du
Règlement intérieur ont été respectées.
C'est à dire, si toutes les voies de recours interne, si elles existent,
ont été épuisées, à moins que la
procédure de ces recours ne se prolonge d'une façon anormale.
63. La Commission note que les violations ayant fait l'objet
de la plainte sont paraît-il perpétrées par les Etats
défendeurs sur le territoire de l'Etat plaignant. Dans ce cas, la
Commission estime qu'il n'existe pas de voies de recours internes et que la
question de leur épuisement ne se pose donc pas.
64. Les activités alléguées des rebelles
et des forces armées des Etats défendeurs parties à la
Charte, qui soutiennent également les rebelles, ne relèvent pas
seulement du droit humanitaire mais également du mandat de la
Commission. Les dispositions combinées des Articles 60 et 61 de la
Charte imposent cette décision qui est également
étayée par l'Article 23 de la Charte Africaine.
65. Au regard de l'autorité qui n'exclut par les
violations perpétrées dans le cadre de conflits armés, de
la compétence de la Commission. Dans la communication 74/92,
Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés c/
Tchad, la Commission a considéré que la Charte Africaine
«contrairement aux autres instruments des droits de l'homme, ne permet
pas aux Etats parties de ne pas respecter leurs obligations au titre du
traité en cas de situations d'urgence. En conséquence, même
une situation de [...] guerre [...] ne peut être invoquée comme
une justification par l'Etat violant ou autorisant des violations de la Charte
Africaine pour justifier de la violation de la Charte Africaine ou du fait de
permettre sa violation». (voir également la communication
159/96, UNDH & Autres c/ Angola).
A la lumière de ce qui précède, la
Commission déclare la communication recevable.
ANNEXE 2 : EXTRAIT COMMUNICATIONS 147/95 ET 149/96,
SIR DAWDA K JAWARA C. GAMBIE
Le droit
La recevabilité
22. La recevabilité des communications par la
Commission est régie par l'article 56 de la Charte africaine. Cet
article prévoit sept conditions qui, dans les circonstances normales,
doivent être remplies pour qu'une communication soit recevable. De ces
sept conditions, le gouvernement prétend que deux ne sont
réunies, à savoir, celles de l'article 56(4) et 56(5).
23. L'article 56(4) stipule que: « ... [les
communications ne doivent pas se limiter à rassembler] exclusivement des
nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse ».
24. Le gouvernement soutient que la communication devrait
être déclarée irrecevable parce qu'elle est basée
exclusivement sur des nouvelles diffusées par les moyens de
communication de masse. Il fait spécifiquement référence
à la lettre du Capitaine Ebou Jallow annexée à la
communication. Tout en étant peu commode de se fier exclusivement aux
nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse, il
serait tout aussi préjudiciable que la Commission rejette une
communication parce que certains des aspects qu'elle contient sont basés
sur des informations ayant été relayées par les moyens de
communication de masse. Cela provient du fait que la Charte utilise
l'expression « exclusivement ».
25. Il ne fait point de doute que les moyens de communication
de masse restent la plus importante, voire l'unique source d'information. Nul
n'ignore que l'information sur les violations des droits de l'homme vient
toujours des moyens de communication de masse. Le génocide au Rwanda,
les violations des droits de l'homme au Burundi, au Zaïre et au Congo,
pour n'en citer que quelques-uns, ont été
révélés par les moyens de communication de masse.
26. La question ne devrait donc pas être de savoir si
l'information provient des moyens de communication de masse, mais plutôt
si cette information est correcte. Il s'agit de voir si le requérant a
vérifié la véracité de ses allégations et
s'il a pu le faire étant donné les circonstances dans lesquelles
il se trouve.
27. L'on ne peut dire que la communication sous examen est
exclusivement basée sur des nouvelles diffusées par les moyens de
communication de masse dans la mesure où elle n'est pas uniquement
basée sur la lettre du Capitaine Ebou Jallow. Le plaignant
allègue des exécutions extra judiciaires et a joint à la
communication une liste de certaines des victimes alléguées. La
lettre du Capitaine Ebou Jallow ne fait pas état de cette
information.
28. L'article 56 alinéa 5 prévoit que les
communications doivent « être postérieures à
l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu'il
ne soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours
se prolonge d'une façon anormale ».
29. Le gouvernement soutient aussi que l'auteur n'a pas
essayé d'épuiser les voies de recours internes. Il estime que le
requérant aurait pu envoyer sa plainte à la police qui aurait
mené des enquêtes et poursuivi les coupables devant le
tribunal.
30. Cette règle est l'une des conditions les plus
importantes de la recevabilité des communications et c'est pour cela que
dans presque tous les cas, la première question que se pose aussi bien
l'Etat visé que la Commission est relative à l'épuisement
des recours internes.
31. La justification de la règle de
l'épuisement des recours internes tant dans la Charte que dans les
autres instruments internationaux des droits de l'homme est de s'assurer
qu'avant que le cas ne soit examiné par un organe international, l'Etat
visé a eu l'opportunité de remédier à la situation
par son propre système national. Cela évite à la
Commission de jouer le rôle d'un tribunal de première instance,
mais plutôt celui d'un organe de dernier recours (Voir communications
25/89 [Free Legal Assistance Group et Autre c. Zaïre], 74/92
[Commission Nationale des Droits des l'Homme et des Libertés c.
Tchad (ACHPR 1995)] et 83/92 [Degli et Autre c. Togo]). Dans
l'application de cette règle, les trois critères fondamentaux
suivants doivent être pris en compte: la disponibilité,
l'efficacité et la satisfaction.
32. Une voie de recours est considérée comme
existante lorsqu'elle peut être utilisée sans obstacle par le
requérant, elle est efficace si elle offre des perspectives de
réussite et elle est satisfaisante lorsqu'elle est à même
de donner satisfaction au plaignant.
33. La thèse du gouvernement relative à
l'épuisement des recours internes doit donc être examinée
dans ce cadre. Comme déjà mentionné, une voie de recours
n'est considérée disponible que lorsque le requérant peut
l'utiliser dans sa situation. Dans ses décisions antérieures, la
Commission a déclaré les communications
60/91 [Constitutional Rights Project (pour le compte de
Akamu et Autres) c. Nigeria], 87/93 [Constitutional Rights Project
(pour le compte de Lekwot et Autres) c. Nigeria], 101/93 [Civil
Liberties Organisation (pour le compte de l'Association du Barreau) c.
Nigeria] et 129/94 [Civil Liberties Organisation c. Nigeria]
recevables parce que la compétence des juridictions nationales avait
été révoquée soit par décrets, soit par la
création de tribunaux spéciaux.
34. La Commission a souligné que des voies de recours
dont l'existence n'est pas évidente ne peuvent pas être
invoquées par l'Etat à l'encontre du plaignant. En
conséquence, dans cette situation où la compétence des
juridictions nationales a été révoquée par des
décrets dont la validité ne peut pas être mise en cause par
aucun tribunal, l'on considère que les voies de recours internes
n'existent pas et toute tentative d'y recourir serait une perte de temps.
35. L'existence d'une voie de recours interne doit être
suffisamment certaine, non seulement en théorie, mais aussi en pratique,
faute de quoi elle ne serait ni disponible ni efficace. Par conséquent,
si le plaignant ne peut pas aller vers le tribunal de son pays parce qu'il a
peur pour sa vie ou pour celle des membres de sa famille, les voies de recours
internes sont considérées comme inexistantes pour lui.
36. Dans le cas sous examen, le requérant a
été renversé par les militaires, il a été
jugé par contumace, les anciens parlementaires et les membres de son
gouvernement ont été mis aux arrêts et la terreur
règne. Ce serait un affront contre le bon sens et la logique de demander
au plaignant de retourner dans son pays pour épuiser les voies de
recours internes.
37. Il n'y a aucun doute que le régime
dénoncé par le plaignant avait instauré le règne de
la terreur. Ainsi, non seulement pour le plaignant, mais aussi pour toutes les
personnes de bonne foi, retourner dans son pays, en ce moment précis,
pour quelque raison que ce soit, aurait mis sa vie en danger. Dans ces
conditions, on ne peut pas dire que les voies de recours existent pour le
plaignant.
38. Dans la jurisprudence de la Commission, une voie de
recours qui n'a aucune chance de réussir ne constitue pas un recours
efficace. La perspective de saisir les juridictions nationales, dont la
compétence est anéantie par les décrets, devient
elle-même nulle. Ce fait est renforcé par la réponse du
gouvernement du 8 mars 1996, dans sa note verbale no. PA 203/232/01/(97-ADJ)
dans laquelle il affirme que « ... le gouvernement gambien
présidé par AFPRC n'a pas l'intention de perdre beaucoup de temps
à répondre à des allégations frivoles et non
fondées d'un despote déchu ».
39. En ce qui concerne le caractère satisfaisant des
voies de recours internes, on peut déduire de l'analyse qui
précède qu'il n'y avait pas de voies de recours susceptibles de
donner satisfaction au requérant.
40. Compte tenu du fait qu'à ce moment précis
le régime contrôlait toutes les branches du gouvernement et avait
peu d'égard pour la justice, tel qu'en témoigne son mépris
pour la décision du tribunal dans l'affaire T. K. Motors et
considérant en outre que la Cour d'Appel de la Gambie a constaté,
dans l'affaire Pa Salla Jagne c. l'Etat, qu'il n'y avait plus de
droits de l'homme ou de lois objectives dans le pays, il serait contraire au
système de justice de demander au plaignant de tenter les voies de
recours internes.
41. Il convient aussi de noter que le gouvernement
prétend que la communication manque de « preuves à l'appui
». La position de la Commission a toujours été qu'une
communication fournisse des preuves indiquant à première vue une
violation des droits de l'homme. Elle précise les dispositions de la
Charte prétendument violées. L'Etat prétend aussi que la
Commission n'est habilitée à traiter, aux termes de la Charte,
que des cas de violations graves et massives des droits de l'homme.
42. Cette proposition est erronée. Outre les articles
47 et 49 de la Charte qui habilitent la Commission à examiner des
plaintes introduites par des Etats parties contre d'autres Etats
également parties, l'article 55 de la Charte prévoit l'examen des
« communi- cations autres que celles des Etats parties ». De
même, l'article 56 de la Charte énonce les conditions d'examen de
ces communications (voir aussi Section XVII du Règlement
intérieur intitulée « Procédures d'examen des
communications reçues conformément à l'article 55 de la
Charte »). Dans tous les cas, la pratique de la Commission a toujours
été d'examiner les communications même lorsqu'elles ne
révèlent pas une série de violations graves et massives.
C'est par cet exercice utile qu'au fil des années, la Commission a
développé sa jurisprudence.
43. L'argument qui veut que le gouvernement a agi
conformément aux règles prévues par la loi n'est pas
fondé dans la mesure où la Commission a, dans sa communication
101/93 [Civil Liberties Organisation (pour le compte de l'Association du
Barreau) c. Nigeria, paragraphe 15], décidé qu'en ce qui
concerne la liberté d'association: Les autorités
compétentes ne devraient pas édicter des lois qui limitent
l'exercice de cette liberté. Les autorités compétentes ne
devraient pas outrepasser les dispositions de la Constitution ou amoindrir les
règles de droit international. Et plus important, par sa
Résolution relative au droit d'association, la Commission avait
précisé que la réglementation de l'exercice de ce droit
à la liberté d'association devrait être conforme aux
obligations des Etats à l'égard de la Charte Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples. Il s'ensuit que toute loi visant à limiter la
jouissance de tout droit reconnu par la Charte doit répondre à
cette condition.
Par ces motifs, la Commission déclare les communications
recevables.
ANNEXE 3 : EXTRAIT COMMUNICATION 275/2003 - ARTICLE
19/ETAT D'ERYTHREE
Du Droit Recevabilité
43. La présente communication est soumise en vertu de
l'Article 55 de la Charte africaine qui autorise la Commission africaine
à recevoir et à considérer des communications, autres que
celles émanant d'Etats parties. L'Article 56 de la Charte africaine
dispose que la recevabilité
d'une communication soumise en vertu de l'Article 55 est
assujettie à sept conditions.4 La Commission africaine a
insisté sur le fait que les conditions énoncées à
l'Article 56 sont conjonctives, ce qui signifie que, en l'absence de l'une
d'entre elles, la communication est
déclarée irrecevable.5
44. Les parties à la présente communication
semblent convenir que six des conditions énoncées à
l'Article 56 ont été réunies. Elles sont néanmoins
en désaccord sur l'application de l'une de ces conditions : l'Article
56(5), qui dispose que les communications relatives aux droits de l'homme et
des peuples auxquels il est fait référence à l'Article 55,
reçues par la Commission africaine devraient être prises en
considération si elles «sont envoyées après
épuisement des voies de recours locales, s'il en existe, a moins qu'il
ne soit manifeste que cette procédure est indûment
prolongée ».
45. L'épuisement des voies de recours locales est un
principe de droit international permettant aux Etats de résoudre leurs
problèmes internes conformément à leurs propres
procédures constitutionnelles avant que ne soient invoqués les
mécanismes internationaux reconnus. L'Etat concerné peut donc
avoir une opportunité de réparer le tort causé dans le
cadre de son propre ordre juridique. Il s'agit d'une règle bien
établie de droit international qui veut, qu'avant l'instauration de
procédures internationales, les diverses voies de recours offertes par
l'Etat aient été épuisées.
46. Selon des communications de la Commission africaine, pour
que les voies de recours locales soient épuisées, elles doivent
être accessibles, effectives et suffisantes. Dans ses communications
n° 147/95 et 149/96, la Commission africaine considérait qu'un
recours est considéré comme accessible si le plaignant peut
l'exercer sans entrave, qu'il est réputé
effectif s'il offre une perspective de succès et
jugé suffisant s'il peut réparer le tort.6
47. Ainsi, aux termes de l'Article 56(5), la loi sur
l'épuisement des voies de recours locales présuppose : (i)
l'existence de procédures érythréenes ayant trait à
la
plainte ; (ii) la justiciabilité ou autrement au niveau
érythréen, de l'objet de la plainte ; (iii) l'existence aux
termes de l'ordre juridique interne de dispositions relatives à la
réparation du type de tort faisant l'objet de la plainte et (iv) des
voies de recours locales accessibles et effectives, à savoir : des
recours suffisants ou capables de réparer le tort faisant l'objet de la
plainte.
48. La seconde partie de l'Article 56(5), objet de la
contestation entre les parties, dispose qu'une communication sera prise en
considération si elle est adressée après épuisement
des voies de recours locales «...s'il en existe, à moins qu'il ne
soit manifeste que cette procédure est indûment prolongée
». Il en découle donc que la règle des voies de recours
locales n'est pas rigide. Elle ne s'applique pas si :
(i) Les voies de recours locales sont inexistantes ;
(ii) les voies de recours locales sont indûment et
irraisonnable ment prolongées ;
(iii) le recours aux voies de recours locales est rendu
impossible ;
(iv) au vu de la plainte, il n'y a pas de justice ou il n'y
à aucun recours local à épuiser, par exemple, lorsque le
pouvoir judiciaire est sous le contrôle de l'organe exécutif
responsable de l'action illégale ;
(v) le tort est dû à un décret du
gouvernement, à l'évidence non soumis, en tant que tel, à
la juridiction des tribunaux nationaux.
Questions soumises à la Commission
Africaine :
49. Comme nous l'avons vu ci-dessus, les parties au
présent cas sont en conflit sur la question de l'épuisement des
voies de recours en Erythrée et il incombe en conséquence
à la Commission africaine de résoudre cette question.
50. D'une part, l'Etat soutient que la condition
stipulée à l'Article 56(5) n'a pas été remplie par
le plaignant et qu'aucune des exceptions ci-dessus mentionnées ne
devrait dont s'appliquer. D'autre part, le plaignant allègue que la
règle d'exception de l'Article 56(5) devrait être
appliquée.
51. Chaque fois qu'un Etat allègue le non
épuisement des voies de recours nationales par un plaignant, il lui
incombe la charge de prouver que les recours qui n'ont pas été
épuisés sont accessibles, effectifs et suffisants pour
réparer la violation alléguée, à savoir : que ces
recours dans le
système juridique national permettent de traiter de la
transgression d'un droit et sont effectifs.7 Lorsque l'Etat y est
parvenu, la charge de la responsabilité incombe alors au plaignant qui
doit prouver que les recours en question sont épuisés ou que
l'exception prévue à l'Article 56(5) ) de la Charte africaine est
applicable.
Conclusions du plaignant :
52. Dans la présente communication, le plaignant
soutient que les voies de recours érythréennes ne sont pas
accessibles et fait remarquer que le fait que les victimes soient
détenues depuis plus de trois ans (depuis septembre 2001) au secret
«est une manifestation du fait que l'administration de la justice en
Erythrée est extrêmement anormale ».
53. Le plaignant souligne en outre le fait que la Section 17
de la Constitution érythréenne prévoit des clauses de
sauvegarde contre l'arrestation et la détention arbitraires des
personnes et que le
Gouvernement de érythréen a failli au respect
de ces sauvegardes.8 Le plaignant prétend que «le
manquement délibéré du gouvernement à se conformer
à sa propre obligation constitutionnelle démontre qu'il est sans
espoir et impossible ou déraisonnable pour les détenus de saisir
les tribunaux érythréens via l'habeas corpus.
54. Le plaignant soutient en outre qu'en Erythrée, le
pouvoir exécutif du Gouvernement interfère dans les affaires du
pouvoir judiciaire, rendant ainsi suspecte l'indépendance et
l'efficacité de ce dernier. Il cite la destitution du Président
de la Cour Suprême par le Président de la République
lorsque celui-ci aurait demandé à l'Exécutif de ne pas
interférer dans le Judiciaire. Le plaignant a fait remarquer que
«si le Président de la Cour Suprême pouvait être
révoqué pour avoir simplement demandé à
l'exécutif gouvernemental de ne pas interférer sur
l'indépendance du judiciaire, qu'arriverait-il à un juge qui
oserait ordonner la libération de détenus désignés
comme étant des `traîtres' et des `ennemis de l'Etat' par la plus
haute autorité, le Président» ?
55. Le plaignant fait en outre remarquer que les violations
des droits de l'homme invoquées sont graves et lourdes et qu'en termes
de jurisprudence de la Commission africaine, ces violations ne
nécessitent pas l'épuisement des voies de recours locales.
56. Le plaignant conclut en déclarant qu'en fait, il
avait adressé un ordre d'habeas corpus au Ministre de la Justice
réclamant que les victimes comparaissent devant le tribunal mais qu'il
n'avait pas reçu de réponse du Ministre et qu'il avait
demandé à rendre visite aux victimes mais que la permission ne
lui avait pas été accordée par l'Etat défendeur.
Observations de l'Etat :
57. Dans ses observations, l'Etat Défendeur maintient
qu'en Erythrée, le pouvoir judiciaire est indépendant et que le
plaignant aurait dû épuiser les voies de recours locales,
directement ou à travers des représentants légaux. L'Etat
Défendeur soutient avoir informé le plaignant qu'il aurait
dû prendre l'initiative de se rapprocher directement des tribunaux pour
demander justice pour les détenus mais que le plaignant n'a pris aucune
initiative à cet égard.
58. L'Etat Défendeur plaide en outre le fait que les
réclamations du plaignant selon lesquelles il y aurait un
«black-out d'informations» et le judiciaire érythréen
manquerait d'indépendance sont infondées dans la mesure où
elles ne sont pas étayées par des exemples concrets indiquant
qu'il y ait eu interférence dans le travail effectif des juges dans la
dispense de justice dans le pays. Eu égard au
congédiement du Président de la Cour Suprême,
l'Etat Défendeur soutient qu'en Erythrée, c'est le
Président qui nomme le Président de la Cour Suprême et
qu'il a donc le pouvoir de le destituer.9
59. L'Article 52 de la Constitution érythréenne
dispose de la destitution et de la suspension des juges. Le sous-article 1
prévoit qu'un juge ne peut être destitué avant l'expiration
de la durée de ses fonctions que par le Président, agissant sur
recommandation de la Commission des Services judiciaires (Judicial Service
Commission), en vertu des dispositions du sous-article 2 de cet Article pour
incapacité physique ou mentale, violation de la loi ou du code
judiciaire d'éthique Le sous-article 2 dispose que la Commission des
services judiciaires vérifiera si un juge devrait être ou non
destitué aux motifs de ceux énumérés au
sous-Article
1 de cet Article. Dans le cas ou la Commission des services
judiciaires décide qu'un juge devrait être destitué, elle
en fera pla recommandation au Président. Et le sous-article 3 dispose
que le Président pourra, sur recommandation de la Commission des
services judiciaires, destituer un juge faisant l'objet d'une enquête.
L'Etat n'a pas indiqué si ces sauvegardes de procédure avaient
été suivies mais a simplement laissé entendre que le
Président de la Cour Suprême est nommé par le
Président et peut être destitué par lui.
60. Dans ses conclusions verbales, lors de la
35ème Session ordinaire, le Représentant de l'Etat
défendeur a réitéré que les allégations du
plaignant étaient fausses et non fondées dans la mesure où
elles avaient été formulées sans tentatives
sérieuses de la part du plaignant de vérifier les faits avant de
porter l'affaire devant la Commission africaine. En outre, le plaignant ne
s'était pas présenté lui-même devant les tribunaux
érythréens et, à ce titre, il incombait au plaignant de
trouver les voies et moyens d'utiliser les tribunaux érythréens
avant de porter l'affaire devant la Commission africaine. Il a rappelé
à la Commission africaine que toutes les conditions de l'Article 56
doivent être réunies pour qu'une affaire soit recevable et que si
l'une quelconque de ces conditions n'est pas remplie, la communication doit
être déclarée irrecevable.
61. Le Représentant de l'Etat défendeur a
informé la Commission africaine que les journalistes
incarcérés avaient été arrêtés par la
police et qu'ils étaient détenus par l'Exécutif.
Toutefois, à l'issue de l'enquête, une décision
administrative avait été prise pour libérer deux des
journalistes et que la décision concernant les autres journalistes
incarcérés devait prochainement intervenir.
62. Il a concédé que les détenus au nom
desquels la présente communication était introduite n'avaient pas
comparu devant un tribunal en raison de la nature du système de justice
pénale en Erythrée. Il a déclaré qu'en
Erythrée, le système de justice pénale n'a pas la
capacité institutionnelle de gérer promptement les cas et,
à ce titre, il y avait une énorme accumulation de cas en attente
dans tous les tribunaux du pays.
63. L'Etat défendeur a, en outre,
déclaré que, contrairement aux réclamations du plaignant
selon lesquelles il n'avait pas pu se rendre en Erythrée afin d'assister
les victimes, toutes les personnes impliquées dans l'affaire relative
aux journalistes détenus et aux détenus politiques étaient
invitées à se rendre en Erythrée, y compris le plaignant
qui a choisi de ne pas se rendre dans le pays.
Décision de la Commission Africaine sur la
recevabilité :
64. Pour déterminer la question de la recevabilité
de la présente communication, la Commission africaine devra
répondre, entre autres, aux questions suivantes :
- Qui doit, aux termes de la Charte africaine, épuiser
les voies de recours locales : l'auteur de la communication ou la victime des
violations alléguées des droits de l'homme ?
- La destitution d'un Président de la Cour suprême
rend-elle les recours érythréens
inaccessibles ou insuffisants ?
- Le fait qu'un Etat manque au respect de ses propres lois
rend-il les voies de recours érythréennes «sans espoir,
impossibles et irraisonnables?»
- La communication révèle-t-elle de lourdes et
graves violations des droits de l'homme et des
peuples ?
- La poursuite de la détention au secret des victimes
rend-elle les recours érythréens inaccessibles, ineffectifs et
insuffisants ?
65. La Charte africaine est claire eu égard à la
partie devant épuiser les voies de recours locales. Elle indique, en son
Article 56(1) que les auteurs de la communication doivent indiquer
leur identité, même s'ils sollicitent l'anonymat. Cela
présuppose que les voies de recours locales doivent être
épuisés par les auteurs. Dans sa considération des
communications, la Commission africaine a adopté une approche actio
popularis par laquelle l'auteur d'une communication ne doit pas connaître
la victime ni avoir de relation d'aucune sorte avec elle. Il s'agit de
permettre aux victimes désavantagées de droits humains sur le
continent de bénéficier de l'assistance d'ONG et de particuliers
très éloignés de l'endroit où elles vivent.
L'auteur doit simplement se conformer aux conditions de l'Article 56. La
Commission africaine a ainsi autorisé de nombreuses communications
émanant d'auteurs agissant au nom de victimes de violations de droits
humains. Ainsi, ayant décidé d'agir pour le compte de ces
victimes, il incombe à l'auteur d'une communication de prendre des
mesures concrètes pour se conformer aux dispositions de Article 56 ou
d'indiquer la raison pour laquelle il lui est impossible de le faire.
66. Eu égard à la destitution du
Président de la Cour Suprême, le plaignant échoue à
démontrer suffisamment dans quelle mesure cette destitution l'aurait
empêché de pressentir les voies de recours en Erythrée ou
de quelle manière elle aurait rendu ces recours érythréens
«sans espoir, impossibles et irraisonnables ?» L'indépendance
du Judiciaire est un élément crucial de la règle de droit.
L'Article
1er des Principes des Nations Unies sur l'indépendance
du judiciaire10 indique que "l'indépendance du judiciaire
sera garantie par l'Etat et inscrite dans la Constitution ou la loi du pays.
Toutes les institutions, gouvernementales et autres, ont le devoir de respecter
et d'observer l'indépendance du judiciaire." Selon l'Article 11 des
mêmes principes "la durée de fonction des juges, leur
indépendance, leur sécurité ...doivent être
suffisamment garanties par la loi." Et l'Article 18 de disposer que "les juges
seront passibles de suspension ou de destitution en raison d'incapacité
ou
de comportement les rendant inaptes à l'exercice de leurs
fonctions." L'Article 30 des normes
minimales d'Indépendance judiciaire11 de
l'International Bar Association (IBA) garantit également que "un juge ne
sera passible de destitution que si, en raison d'une action criminelle ou d'une
faute de nature délictuelle ou répétée ou d'une
incapacité physique ou mentale, il a manifestement
démontré son inaptitude à remplir la fonction de juge
" et l'Article 1(b) d'énoncer que
"l'indépendance personnelle signifie que les termes et conditions du
service judiciaire sont suffisamment assurés pour garantir que les
juges, à titre individuel, ne soient pas soumis au contrôle de
l'exécutif." L'Article 52 (1) de la constitution
érythréenne comporte une disposition presque similaire.
67. La question, toutefois, est de savoir si la destitution
du Président de la Cour Suprême, de manière non conforme
aux normes internationales, rend inaccessible et ineffectif le pouvoir
judiciaire d'un Etat ? Le plaignant émettait simplement des doutes sur
l'effectivité des voies de recours en Erythrée. La Commission
africaine estime qu'il incombe au plaignant de prendre toutes les mesures
nécessaires pour épuiser ou, du moins, tenter d'épuiser
ces voies de recours. Il ne suffit pas au plaignant de dénigrer
l'aptitude des voies de recours de l'Etat en raison d'incidences
isolées. A cet égard, la Commission africainesouhaiterait se
référer à la décision du Comité des droits
de
l'homme dans le cas A c. l'Australie12 dans
laquelle le Comité a considéré que «de
simples doutes sur l'efficacité des voies de recours nationales ou
sur la perspective des coûts financiers
impliqués n'absolvait pas l'auteur de rechercher ces
voies de recours ».13 La Commission africaine peut donc ne pas
déclarer la communication recevable sur la base de cet argument.
68. Au regard de l'argument du plaignant selon lequel le
Gouvernement n'aurait pas respecté ses propres obligations
constitutionnelles aux termes de l'Article 17 de la constitution
érythréenne, la Commission africaine est d'avis que l'essence
même de l'occurrence de violations de droits de l'homme est due au fait
que les gouvernements ne respectent leurs obligations ni
érythréenes ni internationales. Lorsque cela se produit, les
personnes dont les droits ont été ou sont susceptibles
d'être violés saisissent les tribunaux nationaux pour invoquer
leurs droits pour convaincre les gouvernements à respecter ces
obligations. La constitution érythréenne offre de nombreuses
sauvegardes par rapport aux personnes arrêtées et détenues
sans accusation ni procès. Outre les sous- articles 1, 3 et 4 de
l'Article 17, le sous-article 5 du même article est très
instructif. Il dispose que «toute personne aura le droit de
réclamer au tribunal un ordre d'Habeas Corpus. Lorsque l'auteur de
l'arrestation ne le fait pas comparaître devant le tribunal et ne fournit
pas la raison de l'arrestation, le tribunal doit accepter la demande et
ordonner la libération du prisonnier ».
69. Donc, dans le cas en instance, le plaignant aurait pu,
à tout le moins, avoir saisi un tribunal érythréen par un
ordre d'habeas corpus pour attirer l'attention du tribunal sur la disposition
constitutionnelle qui aurait, selon lui, été violée par le
gouvernement. Les avocats cherchent souvent la libération de
détenus en introduisant une demande d'ordre d'habeas corpus. Un ordre
d'habeas corpus est un mandat judiciaire à l'auteur d'une arrestation
lui ordonnant de faire comparaître un détenu devant le tribunal
pour déterminer si cette personne est légalement
emprisonnée et si elle devrait ou non être libérée
de sa détention. Une demande d'habeas corpus est une demande
adressée au tribunal par une personne qui s'élève contre
sa propre détention ou son propre emprisonnement ou ceux d'un tiers.
L'ordre d'habeas corpus a été décrit comme étant
"l'instrument fondamental de
sauvegarde de la liberté individuelle contre une action
arbitraire ou illégale d'un Etat."14 Il sert à
contrôler efficacement la manière dont les tribunaux respectent
les droits constitutionnels.
70. Dans ses conclusions, le plaignant reconnaît avoir
adressé un ordre d'habeas corpus au Ministre de la Justice. La
Commission africaine est d'avis que, même si elle attendait du Ministre
qu'il conseille le plaignant sur la procédure appropriéeà
suivre, son manquement à le faire ne constitue pas une violation de la
loi. Le Ministère de la Justice est la même entité du
Gouvernement qui a failli à «se conformer à ses propres
obligations constitutionnelles...» et seuls les tribunaux sont
habilités à lui ordonner de le faire. En adressant l'ordre au
Ministre de la Justice, le plaignant ne peut prétendre avoir
tenté d'épuiser les voies de recours érythréennes
dans la mesure où l'Article 56(5) exige l'épuisement des voies de
recours légaux et non pas de recours administratifs.
71. Eu égard à l'argument selon lequel la
communication révèle de graves et lourdes violations des droits
de l'homme, la Commission africaine souhaiterait réitérer ses
décisions antérieures des communications
n° 16/88,15 25/89, 47/90, 56/91, 100/93
16, 27/89, 46/91, 49/91, 99/9317 selon lesquelles [...]
elle ne peut considérer que l'exigence d'épuisement des voies de
recours nationales s'applique littéralement dans les cas où il
est impossible ou non souhaitable que le plaignant saisisse les tribunaux
locaux pour chaque plainte individuelle comme c'est le cas lorsqu'il s'agit
d'un grand nombre de victimes. En raison de la gravité de la situation
des droits de l'homme et du nombre important de personnes impliquées,
ces recours, tels qu'ils pourraient théoriquement en exister
auprès des tribunaux érythréens, sont dans les faits
pratiquement inaccessibles ...»
72. Toutefois, eu égard à la poursuite de la
détention au secret des détenus, la Commission africaine
souhaiterait faire remarquer la reconnaissance par la partie Etat que les
victimes sont toujours maintenues en détention à cause de la
piètre situation du système de justice pénale dans le
pays. Eu égard à cet argument de la partie Etat, la Commission
africaine fait remarquer qu'à chaque fois qu'un crime peut faire l'objet
d'investigations et de poursuites par l'Etat, sur sa propre initiative, l'Etat
a l'obligation de faire avancer le processus pénal jusqu'à son
ultime conclusion. Dans de tels cas, on ne peut exiger du plaignant, des
victimes ou des membres de leur famille qu'ils assument la tâche
d'épuiser les voies de recours nationales lorsqu'il incombe à
l'Etat d'enquêter sur les faits et de faire comparaître les
personnes accusées devant le tribunal, conformément aux normes de
procès équitables tant érythréennes
qu'internationales.
73. La Commission africaine souhaiterait également
faire remarquer que la partie Etat a généralement
réfuté les plaintes alléguées et a insisté
sur le fait qu'il existe des voies de recours en Erythrée et que le
plaignant ne s'est pas efforcé de les épuiser. La Commission
africaine fait toutefois remarquer que la partie Etat s'est contentée
d'énumérer in abstracto l'existence de voies de recours sans les
lier aux circonstances du cas et sans démontrer de quelle manière
elles pourraient permettre une réparation
effective des circonstances de ce cas.18
74. En conséquence, dans la communication en instance,
le fait que le plaignant n'ait pas suffisamment démontré avoir
épuisé les voies de recours érythréennes ne
signifie pas que ces voies de recours soient accessibles, effectives et
suffisantes. La Commission africaine peut arriver à des
déductions à partir des circonstances entourant le cas et
déterminer si ces recours sont en fait accessibles et s'ils le sont,
s'ils sont effectifs et suffisants.
75. L'invocation de l'exception à la règle voulant
que les voies recours, aux termes de la législation
érythréenne, soient épuisées, comme prévu
à l'Article 56(5), doit invariablement être liée à
la détermination de possibles violations de certains droits inscrits
dans la Charte africaine, tel que le
droit à un procès équitable inscrit
à l'article 7 de la Charte africaine.19 L'exception à
la règle de l'épuisement des voies de recours
érythréennes s'appliquerait donc lorsque la situation de l'Etat
ne permet pas la sauvegarde de la liberté individuelle (due process of
law) pour la protection du droit ou des droits qui auraient été
prétendument violés. Cela semble être le cas dans la
présente communication.
76. Le fait de garder des victimes au secret depuis plus de
trois ans démontre une violation, de prime abord, fondée des
clauses de sauvegarde de la liberté individuelle et, en particulier, de
l'Article 7 de la Charte africaine. Le fait de n'avoir pris aucune mesure de
réparation de cette situation plus de douze mois après la saisie
de la communication par la Commission africaine démontre que l'Etat a
également failli à démontrer l'accessibilité et
l'effectivité des voies de recours érythréennes.
77. La Commission africaine est également d'avis que
l'Etat a eu suffisamment de temps et a été suffisamment
informé pour, au moins, inculper les détenus et leur accorder
l'accès à des représentants légaux. Autre
raisonnement lié à la condition requise d'épuisement :
celui selon lequel un gouvernement devrait être notifié d'une
violation des droits humains pour avoir l'opportunité de remédier
à cette violation avant d'être cité à
comparaître pour rendre compte devant un tribunal international.
Toutefois, s'il est démontré que l'Etat a été
amplement informé et qu'il a eu suffisamment de temps pour
remédier à la situation, même en dehors du contexte des
recours locaux de l'Etat, comme c'est le cas pour la présente
communication, l'Etat sera toujours réputé avoir
été dûment informé et il aurait dû prendre les
mesures appropriées pour remédier à la violation
alléguée. Le fait que l'Etat érythréen n'ait pris
aucune mesure signifie que les voies de recours en Erythrée sont soit
inaccessibles,soit, si elles le sont, qu'elles ne sont ni effectives ni
suffisantes pour réparer les violations alléguées.
78. A cet égard, la Commission africaine souhaiterait se
référer à sa décision de la Communication
18/8820 portant sur la détention et la
torture du plaignant pendant plus de sept ans sans inculpation ni
procès, les privations alimentaires pendant de longues périodes,
le blocage de son compte bancaire et l'utilisation de son argent sans sa
permission. La Commission africaine a considéré que, dans de
telles circonstances, il est clair que l'Etat a été amplement
informé de ces violations et aurait dû prendre des mesures pour y
remédier La Commission africaine souhaiterait également
réitérer sa
position prise dans la communication 250/200221.
Dans cette communication, la Commission africaine était d'avis que la
situation, telle que présentée par l'Etat défendeur, ne
permettait pas la sauvegarde ni la protection des droits présumés
avoir été violés ; les détenus se sont vus
interdire l'accès aux voies de recours aux termes de la
législation nationale et ont donc été
empêchés de les épuiser. En outre, on les a fait
comparaître avec un retard injustifié.
79. La situation, telle que présentée par l'Etat
défendeur, ne permettait pas la sauvegarde ni la protection des
droits présumés avoir été violés ; les
détenus se sont vus interdire l'accès aux voies de recours aux
termes de la législation nationale et ont donc été
empêchés de les épuiser. En outre, on les a fait
comparaître avec un retard injustifié.
80. Dans le cas Albert Mukong, le Comité des droits de
l'homme a considéré que «un Etat partie à
la Convention, indépendamment de son niveau de développement,
doit répondre à certaines normes
minimales concernant les conditions de
détention».22 Ce raisonnement du Comité des
droits de l'homme peut également inclure le fait qu'un Etat partie
à la Charte africaine, indépendamment de son niveau de
développement, doit répondre à certaines normes minimales
concernant l'équité des procès ou les clauses de
sauvegarde de la liberté individuelle ». Le Comité a conclu
que "l'objectif légitime de sauvegarder et, en fait, de renforcer
l'unité nationale dans des circonstances politiques difficiles ne peut
être atteint en tentant de museler ... les principes démocratiques
et les
droits de l'homme".23
81. La poursuite de la détention au secret des victimes
sans inculpation les prive de toute représentation légale et
rend difficile pour le plaignant ou toute autre personne soucieuse de leur
prêter assistance à partir de quelque voie de recours accessible
que ce soit. Laisser les détenus languir indéfiniment en
détention à cause de l'insuffisance du système de justice
pénale de l'Etat ou parce que personne n'a accès aux tribunaux
érythréens en leur nom serait d'une injustice voire d'un manque
d'équité choquants.
82. En l'absence de mesures concrètes de la part de
l'Etat pour faire comparaître les victimes devant un tribunal ou pour
leur permettre d'avoir accès à leurs représentants
légaux trois ans après leur arrestation et leur détention
et plus d'un an après avoir été saisie de la question, la
Commission africaine, en toute conviction, conclut que les voies de recours
érythréennes, même si elles sont accessibles, ne sont ni
effectives ni suffisantes.
Pour cette raison, la Commission africaine déclare la
communication recevable.
ANNEXE 4 : EXTRAIT COMMUNICATION 299/2005 - ANUAK
JUSTICE COUNCIL / ETHIOPIE
Présentation du plaignant sur la recevabilité :
Le plaignant avance que l'article 56 (5) de la Charte
Africaine requiert que les plaignants épuisent tous les recours internes
avant de soumettre leur cas à la Commission Africaine. Le plaignant fait
en outre observer que, si les recours internes potentiels ne sont pas
accessibles ou se prolongent d'une façon anormale, la Commission peut
néanmoins examiner une communication, en ajoutant que cela est d'autant
plus vrai lorsque le pays contre lequel la plainte est engage a
perpétré une série vaste et diverse de violations et que
la situation générale du pays que l'épuisement des recours
internes serait vain.le plaignant soutient que, dans le cas Anuak
Justice, il serait vain de poursuivre les recours locaux en raison de
l'absence d'un appareil judiciaire indépendant et impartial, de
l'absence de recours efficaces, de la probabilité considérable de
prolongement anormal des recours internes et, plus important encore, de la
violence potentielle contre Anuak ou ceux qui les soutiendraient au sein du
système judiciaire.
Anuak Justice Council allègue qu'il ne peut
chercher l'épuisement des recours internes en raison de son inaptitude
à jouir d'audiences indépendantes et équitables
découlant directement du fait que l'agresseur est le gouvernement
éthiopien. Le plaignant fait observer qu'en dépit de la
protection de l'Article 78 de la Constitution de l'Etat défendeur
garantissant l'indépendance du Judiciaire, la perception tant dans le
pays qu'à l'étranger est que l'exécutif a une influence
considérable, voire indue sur le judiciaire.
Le plaignant cite un rapport de la Banque Mondiale
intitulé «Ethiopie : évaluation du secteur juridique et
judiciaire» (2004) ayant conclu que «... des trois branches du
gouvernement, le judiciaire est celle qui a le moins d'histoire et
d'expérience d'indépendance et qu'il requiert donc un
renforcement considérable pour acquérir une authentique
indépendance». Selon le plaignant, ce rapport fait observer que
l'interférence dans le judiciaire est plus flagrante au niveau de l'Etat
où des rapports de responsables administratifs interfèrent avec
des décision de justice, la destitution de juges, des ordres de
décisions aux juges, des réductions de salaires des juges et le
refus délibéré d'exécuter certaines
décisions des tribunaux.
Le plaignant allègue que l'introduction du cas devant
les tribunaux éthiopiens entraînerait une prolongation sans
anormale dans la mesure où le système judiciaire éthiopien
souffre d'un système complexe de tribunaux multiples sans coordination
ni ressources, dont de «sombres conditions de service, le manque de
personnel, le manque de formation adéquate, des infrastructures
fragilisantes et des problèmes logistiques ». Le plaignant
prétend que les procédures devant les tribunaux prennent des
années avant d'aboutir et en conclut que le système judiciaire de
l'Etat défendeur est si dépourvu de ressources que des poursuites
seraient pratiquement impossibles, en faisant remarquer qu'aucune mesure
n'a été prise pour poursuivre les membres de
l'Ethiopien Defence Force ou les responsables du gouvernement pour les
atrocités qu'ils ont commises contre les Anuak.
Le plaignant allègue également que les Anuak
craignent pour leur sécurité en introduisant leur cas en Ethiopie
en ajoutant qu'il n'existe aucun avocat anuak formé qui puisse
introduire le cas devant les tribunaux éthiopiens. Le plaignant fait
observer que le sentiment écrasant dans la Région Gambella et
chez les Anuak ayant fui le pays est que des avocats non anuak en Ethiopie ne
serait pas enclin à défendre ce cas à cause des
persécutions potentielles dont ils pourraient faire l'objet ainsi que
tous les obstacles insurmontables à l'obtention de justes
réparations. Le plaignant ajoute que les Anuak qui restent dans la
Région Gambella continuent d'être exposés à des
exécutions extrajudiciaires, à la torture, au viol et aux
détentions arbitraires du fait des autorités de l'Etat
défendeur en ajoutant que plusieurs d'entre eux ont été
menacés et spécifiquement prévenus de ne pas engager de
poursuites contre l'Etat défendeur. Le plaignant fait observer qu'en
janvier 2005, l'Etat défendeur a menace les dirigeants anuak, en
déclarant que quiconque tenterait de ternir la réputation de
l'Etat défendeur aurait à en répondre. Le plaignant
conclut en déclarant que l'introduction du cas dans l'Etat
défendeur ne ferait que mettre davantage en danger la vie des Anuak
restés en Ethiopie.
Le plaignant ajoute que l'Etat défendeur a
été prévenu et a joui d'un délai adéquat
pour réparer les violations des droits de l'homme à l'encontre
des Anuak mais qu'il a totalement échoué à le faire. Que
l'Etat défendeur a été prévenu des violations mais
qu'il a choisi de ne pas prendre de mesures pour mettre un terme aux
atrocités ou demander des comptes à ses forces. Le plaignant
ajoute que la réponse de l'Etat défendeur aux massacres de
décembre 2003 dans la Région Gambella a été
inadéquate et fourbe. Que, sous les pressions internationales, l'Etat
défendeur a établi une Commission d'enquête pour faire la
lumière sur les tueries. Toutefois, selon le plaignant, l'enquête
était faussée et sans résultat et ne répondait pas
aux normes internationales d'une investigation indépendante.
Présentation de l'Etat défendeur sur la
recevabilité :
L'Etat défendeur allègue que le cas des
personnes impliquées dans les violations alléguées ayant
eu lieu dans la Région Gambella sont actuellement pendants devant le
Federal Circuiting Court et le défendeur allègue donc
que les recours internes n'ont pas été encore
épuisés. L'Etat a fourni une liste d'environ 9 cas de ce type y
compris leur numéro de dossier et leurs dates précédentes
et futures de report.
L'Etat défendeur allègue que la règle
d'épuisement des recours internes ne se limite pas aux individus mais
qu'elle s'applique également aux organisations, y compris celles ne
relevant aucunement de la compétence de l'Etat défendeur. Selon
le défendeur, le plaignant aurait pu chercher réparation devant
les tribunaux internes, le Judicial Administration Office, la
Commission d'enquête ou la Commission des Droits de l'homme mais il ne
l'a pas fait. Selon l'Etat, le plaignant n'a pas démontré
l'existence d'obstacles à l'utilisation de ce processus de recours ou
que celui-ci se serait prolongé de façon anormale.
Sans indiquer l'état de la procédure, l'Etat
allègue que toutes les personnes alléguées de violations
des droits de l'homme en relation avec l'incident de Gambella de
décembre 2003 ont été attraites devant la Cour de circuit
fédérale. L'Etat indique que trois recours internes
étaient disponibles pour les plaignants : les tribunaux
compétents, l'Administrateur judiciaire et la Commission des Droits de
l'Homme mais que les plaignants ne se sont rapprochés d'aucun d'entre
eux.
Mesures provisoires
La République d'Ethiopie allègue que le
plaignant n'a cherché qu'à présenter ce qu'il
prétend être une preuve fondée (prima facie) de
violations et n'a pas démontré que si ces violations
alléguées se poursuivent, il y aurait un «dommage
irréparable », comme requis. Enfin, le défendeur avance que
le gouvernement a suffisamment prouvé qu'il a pris des mesures
adéquates pour rectifier la situation et que celle-ci s'est
généralement stabilisée et ne nécessite aucune
mesure provisoire émanant de la Commission. L'Etat défendeur
présente ce qui suit :
En février 2004, le Bureau du Premier Ministre a
donné instruction aux institutions fédérales d'assister
l'Administration régionale à sauvegarder la
sécurité des personnes et des institutions et de prévenir
toute nouvelle violence, sollicitant le soutien des personnes
âgées, des jeunes et des fonctionnaires aux efforts dans le sens
d'une paix durable, de la démocratie et du développement ; en
réhabilitant les victimes de violences et les personnes
déplacées et en attrayant en justice les responsables des
violences perpétrées et des destructions de biens.
Les Forces de défense, une fois
déployées, ont protégé la population civile et
permis l'assistance humanitaire et la réhabilitation.
Le Gouvernement fédéral, en coopération
avec les agences internationales, a coordonné l'assistance humanitaire
pour soulager les souffrances des victimes de violences et les personnes
déplacées.
Une Commission d'enquête a été
établie pour enquêter sur les circonstances entourant la crise et
des accusations ont été introduites en conséquence contre
plusieurs individus. Des détails sur les fonctions, les tâches
entreprises et les résultats obtenus par la Commission sont inclus dans
les informations fournies.
Le Gouvernement a organisé diverses consultations et
ateliers avec la participation des populations locales qui ont propose des
solutions concrètes destinées à résoudre les
problèmes auxquels la région est confrontée et qui ont
identifié les causes profondes de la crise.
La Police fédérale a récemment
diplômé plus de trois cents officiers de police de la
région de Gambella pour aider à faire respecter la loi et l'ordre
dans la région une fois que la situation aura été
stabilisée.
Le droit
La recevabilité
La présente communication est présentée
en vertu de l'Article 55 de la Charte Africaine qui autorise la Commission
Africaine à recevoir et à examiner des communications, autres que
celles des Etats parties. L'Article 56 de la Charte Africaine dispose que la
recevabilité d'une communication introduite en vertu de l'Article 55
soit soumise à sept conditions. La Commission Africaine a insisté
sur le fait que les conditions énoncées à l'Article 56
sont conjonctives ; ce qui signifie que si l'une d'elles n'est pas remplie, la
communication sera déclarée irrecevable.
Dans la présente communication, le plaignant
allègue avoir satisfait aux conditions de recevabilité
énoncées à l'Article 56 de la Charte et qu'à ce
titre, la communication devrait être déclarée recevable.
L'Etat défendeur, en revanche, soutient que la communication devrait
être déclarée irrecevable parce que, selon l'Etat, le
plaignant n'est pas conforme à l'Article 56 (5) de la Charte Africaine.
Comme il semble y
avoir accord entre les deux parties concernant le respect des
autres exigences aux termes de l'Article 56, la Commission ne se prononcera pas
à cet égard.
L'Article 56 (5) de la Charte Africaine dispose que les
communications ayant trait aux droits de l'homme et des peuples seront
examinées si elles : «sont postérieures à
l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu'il
ne soit manifesté que la procédure de ce recours se prolonge
d'une façon anormale ».
Les droits de la personne considèrent comme d'une
importance suprême qu'une personne dont les droits ont été
violés puisse s'adresser à des recours internes pour corriger le
tort au lieu de porter la question devant un tribunal international. Cette
règle est fondée sur le postulat selon lequel la mise en oeuvre
pleine et efficace des obligations internationales dans le domaine des droits
de l'homme est destinée à améliorer la jouissance des
droits de l'homme et des libertés fondamentales au niveau national. Dans
Free Legal Assistance Group c/. Zaïre et Rencontre Africaine
pour la Défense de Droits de l'Homme [RADDHO] c/ Zambie, la
Commission a considéré que «un gouvernement devrait
être informé d'une violation des droits de l'homme pour avoir
l'opportunité de réparer cette violation avant d'être
attrait devant un organe international.»1 Cette
opportunité permet à l'Etat accusé de sauver sa
réputation qui sera inévitablement ternie s'il était
attrait devant une juridiction internationale.
Cette règle renforce également la relation
subsidiaire et complémentaire existant entre le système
international et les systèmes de protection internes. Dans la mesure du
possible, un tribunal international, y compris la présente Commission,
ne devrait pas jouer le rôle d'une première instance, rôle
qu'il ne saurait s'arroger en aucune circonstance. L'accès à un
organe international devrait être disponible mais seulement en dernier
ressort : après épuisement et échec des recours interne.
En outre, les recours internes sont normalement plus rapides, moins
onéreux et plus efficaces que les recours internationaux. Ils peuvent
être plus efficaces au sens qu'un tribunal d'appel peut casser la
décision d'un tribunal inférieur alors que la décision
d'un organe international n'a pas cet effet, bien qu'elle engage la
responsabilité internationale de l'Etat concerné.
La Charte Africaine déclare que la Commission Africaine
examine une communication après l'épuisement des recours internes
par le requérant, «s'ils existent, à moins qu'il ne soit
manifesté que la procédure de ces recours se prolonge d'une
façon anormale.» La Charte reconnaît donc que, bien que
l'exigence d'épuisement des recours internes soit une disposition
conventionnelle, elle ne devrait pas constituer un empêchement
injustifiable à l'accès à des recours internationaux. La
présente Commission considère également que l'Article
56(5) «doit être appliqué concomitamment à l'Article 7
qui établit et protège le droit à un procès
équitable.»2 Dans l'interprétation de cette
règle, la Commission semble prendre en considération les
circonstances entourant chaque cas, y compris le contexte général
dans lequel fonctionnent les recours internes et les circonstances
particulières du requérant. Son interprétation des
critères de recours internes peut donc ne pas être comprise sans
une certaine connaissance de ce contexte général.
Un recours interne a été défini comme
étant «toute action juridique interne pouvant donner lieu à
la résolution de la plainte au niveau local ou national.»
3 Le Règlement intérieur de la Commission Africaine
dispose que «la Commission statue sur la question de recevabilité
conformément à l'Article 56 de la Charte.» 4
Généralement, les règles exigent que les requérants
citent dans leur requête les mesures prises pour épuiser les
recours internes. Ils doivent fournir la preuve apparemment fondée
d'une tentative d'épuisement des recours internes.
5 Selon la procédure de soumission des communications, les
requérants doivent indiquer, par exemple, les tribunaux auprès
desquels ils ont cherché un recours interne. Les requérants
doivent indiquer qu'ils se sont adressés à tous les recours
internes en vain et doivent fournir des preuves à cet effet. S'ils n'ont
pu utiliser ces recours, ils doivent expliquer pourquoi. Ils peuvent le faire
en présentant des preuves découlant de situations analogues ou en
témoignant d'une politique de l'Etat leur refusant ce recours.
Dans la jurisprudence de la Commission, trois critères
majeurs président à la détermination de la
règle d'épuisement des recours internes, à savoir : le
recours doit être disponible, efficace et suffisant.»1
Selon
la Commission, un recours est considéré
disponible si le requérant peut le poursuivre sans
empêchement2 ou s'il peut l'utiliser dans les circonstances
entourant son cas.3 Le terme «disponible» signifie
«immédiatement possible d'être obtenu; accessible»;
ou
«réalisable, joignable; à la demande,
à portée de main, prêt, présent; . . . opportun,
à son service, à sa volonté, à sa disposition,
au doigt et à l'oeil.»4 En d'autres termes «les
recours dont la disponibilité n'est
pas évidente ne peuvent être invoqués par
l'Etat au détriment du plaignant.»5
Un recours sera réputé efficace s'iI offre une
perspective d'aboutissement.6 Si son aboutissement n'est pas
suffisamment certain, il ne répondra pas aux exigences de
disponibilité et d'efficacité. Le terme «efficace» a
été défini comme signifiant «adéquat pour
accomplir un objectif; produisant le résultat recherché ou
attendu» ou «opérant, utile, utilisable, exécutable, en
ordre; pratique, courant, effectif, réel, valide.»7
Enfin, un recours est jugé suffisant s'il est capable de réparer
la plainte.8 Il est réputé insuffisant si, par
exemple, le requérant ne peut se tourner vers le judiciaire de son pays
par peur généralisée pour sa vie« ou même pour
celle des membres de sa famille.»9 La Commission a
également déclaré qu'un recours était insuffisant
parce que sa poursuite dépendait de considérations
extrajudiciaires telle que la discrétion ou tout autre pouvoir
extraordinaire dévolu aux responsables du pouvoir exécutif de
l'Etat. Le terme «suffisant» signifie littéralement
«adéquat pour
l'objectif; asez»; ou «ample, abondant; . . .
satisfaisant.»10
Dans la présente communication, l'auteur est
basé au Canada et allègue de violations des droits de l'homme
dans l'Etat défendeur à la suite d'un incident survenu dans le
pays. Le plaignant ne cache pas le fait que les recours locaux n'ont pas
été tentés mais argue que les poursuivre serait vain
«en raison du manque d'indépendance et d'impartialité du
judiciaire, du manque de recours efficace, de la vraisemblance de prolongation
anormale des recours internes et, plus important, du potentiel de violence
à l'égard des Anuak ou de ceux qui les soutiennent au sein du
système judiciaire ». Le plaignant allègue que les
violations qui se sont produites dans la région de Gambella
étaient massives et graves et impliquaient un grand nombre de personnes:
il fait remarquer que «les forces gouvernementales et leurs
collaborateurs, ayant préalablelement établi une liste de cibles,
se sont rendus de porte en porte, massacrant tous les hommes Anuak
éduqués qu'ils ont pu trouver, violant les femmes et les enfants
et incendiant les foyers et les écoles ...».
Le plaignant fait en outre observer que l'appareil judiciaire
dans l'Etat défendeur n'est pas indépendant en raison
d'interférences au niveau de l'Etat, des rapports d'officiers
d'administration interférant avec les décisions du tribunal,
licenciant des juges et leur dictant leurs décisions, réduisant
leurs salaires et refusant délibérément d'appliquer
certaines décisions des
tribunaux, et que porter le cas devant les tribunaux
éthiopiens équivaudrait à prolonger le processus d'une
façon anormale puisque le système judiciaire souffre d'un
«système complexe de tribunaux multiples qui
manquent de coordination et de ressources», y compris «de tristes
conditions de service, de manque de personnel, de manque de formation
adéquate, d'infrastructures débilitantes et de problèmes
logistiques ». Le plaignant argue que les procédures judiciaires
«mettent des années pour produire des résultats» et
conclut que le système judiciaire de l'Etat défendeur est
«si dépourvu de ressources que les poursuites seraient pratiquement
impossibles ».
Le plaignant allègue également que la crainte
des Anuak pour leur sûreté en introduisant l'affaire en Ethiopie
et d'ajouter que les Anuak ne comptent aucun avocat de formation susceptible de
porter l'affaire devant les tribunaux éthiopiens. Le plaignant conclut
en déclarant que porter l'affaire dans l'Etat défendeur ne ferait
que mettre davantage en péril la vie des Anuak restant en Ethiopie. Le
plaignant ajoute que l'Etat défendeur a été informé
et a eu le temps nécessaire pour remédier aux violations des
droits de l'homme à l'encontre des Anuak mais qu'il a
échoué à le faire de façon flagrante.
La Commission peut-elle conclure, sur la base des
allégations du plaignant qui précèdent, que les recours
internes de l'Etat défendeur ne sont pas disponibles ou qu'ils sont
inefficaces ou insuffisants ?
Il doit être observé ici que les observations du
plaignant semblent suggérer que les recours internes puissent être
réellement disponibles mais il doute de leur efficacité
concernant le cas présent. Il apparaît clairement, des
observations du plaignant, que celui-ci s'est fondé sur des rapports, y
compris un rapport de la Banque Mondiale qui concluait que «l'un des trois
pouvoirs du gouvernement, le judiciaire, a un plus faible héritage et
une moindre expérience de l'indépendance et, par
conséquent, a besoin d'un renforcement significatif pour acquérir
une véritable indépendance».
Les observations du plaignant démontrent
également son appréhension quant à l'aboutissement des
recours internes, par crainte pour la sûreté des avocats, par
manque d'indépendance du judiciaire ou en raison des maigres ressources
disponibles du judiciaire. Outre le fait de jeter le doute sur
l'efficacité des recours internes, le plaignant n'a pas apporté
de preuves concrètes ni démontré suffisamment que ces
appréhensions étaient fondées et pourraient constituer un
obstacle pour se tourner vers des recours internes. La Commission est d'avis
que le plaignant jette simplement le doute sur l'efficacité des recours
internes. Elle est d'avis qu'il incombe à chaque plaignant de prendre
les mesures nécessaires pour épuiser ou, du moins, tenter
d'épuiser les recours internes. Il ne suffit par pour le plaignant de
jeter le doute sur l'aptitude des recours internes de l'Etat sur la base
d'incidences passées isolées. A cet égard la Commission
Africaine souhaiterait se référer à la décision du
Comité des droits de l'homme dans A c/ Australie1 dans
laquelle le Comité a considéré que «de simples doutes
sur l'efficacité des recours internes
... n'absolvaient pas l'auteur de poursuivre ces recours
».1
La Commission Africaine peut donc ne pas déclarer la
communication recevable sur la base de cet argument. Si un recours a la moindre
probabilité d'être efficace, le requérant doit le
poursuivre. Alléguer que les recours internes n'ont guère de
probabilité d'aboutissement, sans essayer de s'en prévaloir,
n'influencera absolument pas la Commission.
Le plaignant allègue également que les violations
alléguées sont graves et qu'elles concernent un grand nombre
de personnes et que la communication devrait être déclarée
recevable dans la mesure où la
Commission ne peut considérer que les exigences de
recours internes s'appliquent littéralement dans des cas où il
est impraticable ou non souhaitable que le plaignant saisisse les tribunaux
internes pour chaque violation. Dans le cas Malawi African Association c/
Mauritanie2, par exemple, la Commission a observé que la
gravité de la situation des droits de l'homme en Mauritanie et le grand
nombre de victimes impliquées rendaient la voie des recours indisponible
en termes pratiques et que, selon les termes de la Charte, leur processus
«se prolongeait d'une façon anormale». De même, le cas
Amnesty International c/ Soudan3 portait sur l'arrestation
arbitraire, la détention et la torture de nombreux citoyens soudanais
à la suite du coup d'Etat du 30 juillet 1989. Les actes de torture
allégués étaient de contraindre les détenus dans
des cellules de 1,8 mètres de largeur et d'un mètre de
profondeur, inondées délibérément, frapper
fréquemment aux portes pour empêcher les détenus de
s'allonger, les forcer à affronter des simulacres d'exécutions et
les empêcher de se baigner ou de se laver. Entre autres actes de torture,
les détenus étaient brûlés avec des cigarettes,
attachés avec des cordes pour couper la circulation sanguine, les battre
avec des bâtons jusqu'à profondes lacérations de leur
corps, aspergées ensuite d'acide. Après le coup d'Etat, le
gouvernement soudanais a promulgué un décret suspendant la
compétence des tribunaux réguliers en faveur de tribunaux
spéciaux pour traiter des mesures prises dans l'application de ce
décret. Il délégalisait également la prise de
mesures légales à l'encontre du décret. Ces mesures, plus
la «gravité de la situation des droits de l'homme au Soudan et le
grand nombre de personnes impliquées, a conclu la Commission,
«rendaient les recours indisponibles dans les faits.»4
Ainsi, dans les cas de violations massives, l'Etat est
supposé être informé des violations se produisant sur son
territoire et il est supposé agir en conséquence, quelles que
soient les violations des droits de l'homme. L'omniprésence de ces
violations dispense de l'exigence d'épuisement des recours internes, en
particulier lorsque l'Etat ne prend aucune mesure pour les empêcher ou y
mettre un terme.5
Ces cas doivent être néanmoins distingués
du cas présent qui ne porte que sur un seul incident ayant eu lieu sur
une brève période. L'Etat défendeur a indiqué les
mesures qu'il a prises à l'égard de cette situation et les
procédures judiciaires entreprises par les auteurs
allégués de violations des droits de l'homme durant l'incident.
En établissant la Commission d'enquête au Gambella et en inculpant
les auteurs allégués de violations des droits de l'Homme, l'Etat,
encore que sous la pression internationale, a démontré qu'il
n'était pas indifférent aux violations alléguées de
droits de l'homme qui avaient été perpétrées dans
la région et, de l'avis de la Commission, peut être
considéré comme ayant fait preuve d'une diligence raisonnable.
La Commission a également considéré, dans
de nombreuses instances, que les recours internes n'ont pas été
épuisés si un cas portant sur la question faisant l'objet de la
requête qui lui est soumise est encore pendant devant les tribunaux
nationaux. Dans Civil Liberties Organization c/ Nigeria,1
la Commission Africaine a décliné l'examen d'une communication eu
égard de laquelle une plainte avait été introduite mais
n'était pas encore réglée par les tribunaux de l'Etat
défendeur. Dans la présente communication, l'Etat
défendeur indique que l'affaire est toujours pendante devant ses
tribunaux et a joint une liste de cas encore pendants devant la Cour de circuit
fédérale en relation avec l'incident de Gambella. La liste
indique les noms des suspects, les numéros de dossier de leur cas, les
dates antérieures et futures d'ajournement. Le plaignant ne nie pas que
ce processus soit en cours Pour la Commission, il n'importe pas que le fait que
les cas soient toujours pendants devant les tribunaux ait été
indiqué par le plaignant ou par l'Etat. La question sous-jacente est de
savoir si le cas fait l'objet de la procédure devant la Commission et
s'il cherche à accorder au plaignant les mêmes réparations
que celles qu'il recherche auprès de la
Commission. Tant qu'un cas toujours pendant devant un tribunal
interne fait l'objet d'une requête devant la Commission et tant que la
Commission pense que les réparations recherchées peuvent
être obtenues localement, elle déclinera de connaître de ce
cas. La Commission est d'avis que la présente communication est toujours
pendante devant les tribunaux de l'Etat défendeur et qu'elle ne
satisfait donc pas aux exigences de l'Article 56 (5).
Pour les raisons qui précèdent, la Commission
Africaine déclare la communication 299/2005 - Anuak Justice
Council/Ethiopie - irrecevable pour non-épuisement des recours internes
conformément à l'Article 56 (5) de la Charte Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples.
Fait à la 39e session ordinaire
Banjul, Gambie du 11 au 25 mai 200
ANNEXE 5 : EXTRAIT COMMUNICATION 307/2005 - M. OBERT
CHINHAMO /ZIMBABWE Décision sur la recevabilité
Résumé des observations du Plaignant sur la
recevabilité
23. Le plaignant a déclaré jouir du locus
standi devant la Commission puisque la communication est introduite par
lui-même, citoyen du Zimbabwe. Concernant la compatibilité, le
plaignant a soutenu que la Communication soulève une violation prima
facie de la Charte perpétrée par l'Etat défendeur.
24. Il a en outre déclaré que,
conformément à l'Article 56(4), les preuves qu'il a
avancées révèlent que la communication n'est pas
exclusivement basée sur des nouvelles diffusées par des moyens de
communication de masse, ajoutant qu'elle est basée sur des preuves
originales produites par luimême, y compris des rapports d'organisations
des droits de l'homme de bonne réputation.
25. Concernant l'exigence d'épuisement des recours
internes conformément à l'Article 56(5), le plaignant a
déclaré que les recours, dans cette circonstance
particulière, ne sont pas disponibles car il ne peut pas les utiliser,
qu'il a été contraint de fuir le Zimbabwe par crainte pour sa vie
après avoir survécu à des expériences de torture
perpétrées par l'Etat défendeur en raison de ses
activités de défenseur des droits de l'homme. Le plaignant a
argué qu'il incombe à l'Etat de démontrer que les
recours sont disponibles, citant les décisions de la
Commission relatives aux communications 71/926 et
146/967.
26. Le plaignant a attiré l'attention de la Commission
Africaine sur sa décision dans Rights International
c/ Nigeria8 où la Commission Africaine a
considéré que l'inaptitude d'un plaignant à poursuivre les
recours internes à la suite de sa fuite au Bénin par crainte pour
sa vie où il lui a été accordé
ultérieurement l'asile suffisait à établir une norme
d'épuisement effectif des recours internes. En conclusion, il a fait
remarquer que le fait qu'il ne se trouvait plus sur le territoire de l'Etat
défendeur où des recours pouvaient être recherchés
et le fait qu'il avait fui le pays contre sa volonté en raison des
menaces contre sa vie empêchait toute poursuite de recours sans
obstacles.
27. Le plaignant a également contesté
l'efficacité des recours en faisant remarquer que les recours ne sont
efficaces que lorsqu'ils comportent une perspective de succès. Il a
soutenu que l'Etat défendeur
traite les décisions des tribunaux allant à son
encontre avec indifférence et désapprobation et qu'il ne s'attend
pas à ce que, dans son cas, la décision d'un tribunal soit
respectée. Il a déclaré que l'Etat défendeur avait
tendance à ignorer les décisions des tribunaux qui ne lui
étaient pas favorables et il a ajouté que les Avocats
défenseurs des droits de l'homme au Zimbabwe disposaient d'au moins 12
exemples dans lesquels l'Etat avait ignoré des décisions de
justice depuis l'an 2000. Il a cité la décision de la Haute Cour
dans le cas Commercial Farmers Union et le cas Mark Chavunduka et Ray Choto
où les deux plaignants auraient été enlevés et
torturés par l'armée. En conclusion et compte tenu de la
situation prévalant dans l'Etat défendeur, de la nature de sa
plainte et de la pratique bien connue de l'Etat défendeur de non-
application des décisions des tribunaux, son cas n'avait aucune
perspective de succès si les recours internes étaient poursuivis
et, selon lui, ne valaient pas la peine de l'être.
28. Le plaignant a en outre allégué que la
communication avait été présentée dans un
délai raisonnable conformément à l'Article 56 (6) et qu'en
conclusion, la communication n'avait fait l'objet d'aucune décision d'un
autre organe international.
Observations de l'Etat défendeur sur la
recevabilité
29. L'Etat défendeur a brièvement
rappelé les faits relatifs à la communication et a indiqué
que les faits, tels que présentés par le plaignant,
`présentent un certain nombre de lacunes'. L'Etat a argué que le
plaignant faisait des allégations générales sans fournir
de preuves à l'appui, citant, par exemple, l'allégation du
plaignant selon laquelle il avait été agressé,
abusé et que l'accès aux toilettes lui avait été
refusé lorsqu'il se trouvait en détention préventive.
L'Etat se demande pourquoi le plaignant n'a pas porté ceci à
l'attention du Magistrat lorsqu'il a comparu ultérieurement devant lui.
L'Etat s'interroge également sur le fait que le plaignant ou son avocat
n'ait pas fait état des menaces alléguées pour la vie du
client devant le Magistrat lors des quatre comparutions devant ce dernier.
L'Etat a conclu que le plaignant a échoué à fournir des
preuves à l'appui de sa peur et des menaces alléguées
contre sa vie et il est d'avis que le plaignant a quitté le pays de son
propre gré.
30. Sur la question de la recevabilité, l'Etat a soutenu
que la communication soit déclarée irrecevable car elle n'est pas
conforme à l'Article 56 (2), (5) et (6) de la Charte.
31. L'Etat a soutenu que la communication n'est pas conforme
car elle allègue de violations des droits de l'homme en
général et ne fournit aucune preuve de ces violations et
d'ajouter que les faits ne présentent pas de violation prima facie des
dispositions de la Charte, en faisant observer que, fondamentalement, les faits
et les points faisant l'objet de la communication n'entrent pas dans le
rationae materiae et le rationae personae de la compétence de la
Commission.
32. Sur l'épuisement des recours internes aux termes
de l'Article 56 (5), l'Etat a soutenu que des recours internes étaient
disponibles pour le plaignant, citant la Section 24 de la Constitution qui
dispose des voies à suivre en cas de violation des droits de l'homme.
L'Etat a ajouté qu'il n'y a aucune preuve que le plaignant a suivi les
recours internes. L'Etat a en outre indiqué qu'aux termes de la loi
zimbabwéenne, lorsqu'une personne perpètre des actes violant les
droits d'une autre personne, cette autre personne peut obtenir du tribunal
qu'il soit interdit à l'auteur de la violation de les
perpétrer.
33. Sur l'efficacité des recours internes, l'Etat a
soutenu que la Constitution dispose de l'indépendance du judiciaire dans
l'exercice de son mandat, conformément aux Principes des Nations Unies
relatifs à l'indépendance du judiciaire et aux lignes directrices
de la Commission Africaine relatives au droit à un procès
équitable.
34. L'Etat a écarté l'argument du plaignant
selon lequel son cas est similaire à ceux introduits par Sir Dawda
Jawara contre la Gambie et par Rights International (au nom de Charles Baridorn
Wiza) contre le Nigeria, ajoutant que dans ces deux derniers cas, une
réelle menace pour la vie avait été prouvée. L'Etat
a poursuivi en indiquant des cas dans lesquels le gouvernement a
appliqué des décisions de tribunaux prises à son encontre
en ajoutant que, dans le cas présent du plaignant, le gouvernement avait
respecté la décision du tribunal.
35. L'Etat a en outre indiqué qu'aux termes de la loi
du Zimbabwe, il n'est pas juridiquement obligatoire qu'un plaignant soit
physiquement présent dans le pays pour avoir accès aux recours
internes en précisant que tant le High Court Act (loi sur la Haute Cour)
(Chapitre 7:06) que le Supreme Court Act (loi sur la Cour suprême)
(Chapitre 7:05) autorisent toute personne à s'adresser à un
tribunal à travers son avocat. L'Etat a ajouté que, dans le cas
Ray Choto et Mark Chavhunduka, les victimes avaient été
torturées par des agents de l'Etat et qu'elles en avaient demandé
réparation alors qu'elles se trouvaient toutes les deux au Royaume-Uni
et que leur réclamation avait abouti. L'Etat en a conclu que le
plaignant n'est pas empêché de poursuivre des recours de
manière similaire.
36. L'Etat a également soutenu que la plainte n'est
pas conforme à l'Article 56 (6) de la Charte en indiquant que la
communication devrait être introduite dans un délai raisonnable
courant depuis l'épuisement des recours internes mais, lorsque le
plaignant se rend compte que les recours internes se prolongent d'une
façon anormale, il doit soumettre immédiatement la plainte
à la Commission. Selon l'Etat, bien que la Charte ne spécifie pas
ce qui constitue un délai raisonnable, la Commission devrait s'inspirer
d'autres juridictions comme la Commission interaméricaine qui a
fixé à six mois le délai raisonnable, ajoutant que
même le protocole fusionnant la Cour africaine de justice et la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples dispose de six mois.
37. L'Etat a conclu ses observations en faisant remarquer que
`aucune raison convaincante n'a été donnée à la non
poursuite des recours internes ou recours à la Commission dans un
délai raisonnable' et que, donc, la communication devrait être
déclarée irrecevable.
De la recevabilité
Compétence de la Commission africaine
38. Dans la présente communication, l'Etat
défendeur soulève une question sur la compétence de la
Commission africaine à traiter de cette affaire. L'Etat affirme que
« fondamentalement, les faits et les questions en litige n'entrent pas
dans le rationae materiae et le rationae personae de la compétence de la
Commission. » La Commission traitera donc de la question
préliminaire de sa compétence soulevée par l'Etat
défendeur.
39. Le «Black's law dictionary» définit la
rationae materae comme suit : « en raison de l'affaire visée»
; en conséquence de, ou selon la nature de, la question visée
» ; alors que la rationae personae est définie comme suit : «
En raison de la personne concernée ; selon la nature de la personne.
»
40. Compte tenu de la nature des allégations contenues
dans la communication, telles que les allégations de violation
d'intégrité ou de sécurité, d'intimidation et de
torture de la personne, la Commission est d'avis que la communication
soulève des éléments matériels susceptibles de
constituer une violation des droits de l'homme et que, à ce titre, elle
a une compétence ratione materiae car la communication dénonce
des violations de droits de l'homme protégés par la Charte. Eu
égard à la compétence rationae personae de la Commission,
la communication indique le nom de l'auteur, un individu dont l'Etat
défendeur est engagé à respecter et protéger les
droits aux termes de la Charte Africaine. Eu égard à l'Etat, la
Commission note que le Zimbabwe, Etat défendeur dans ce cas, est Etat
partie à la Charte Africaine depuis 1986. En conséquence, le
plaignant et l'Etat jouissent tous deux du locus standi devant la Commission et
la Commission a donc compétence ratione personae pour examiner la
communication.
41. Ayant décidé qu'elle a compétence
rationae materiae et compétence rationae personae, la Commission va
maintenant procéder à se prononcer sur les domaines litigieux
entre les parties.
Décision de la Commission Africaine sur la
recevabilité.
42. La recevabilité des communications par la
Commission Africaine est régie par les exigences de l'Article 56 de la
Charte Africaine. Cet Article dispose de sept exigences devant être
toutes remplies avant que la Commission Africaine ne déclare une
communication recevable. Si l'une des conditions/exigences n'est pas remplie,
la Commission Africaine déclarera la communication irrecevable, à
moins que le plaignant ne justifie pourquoi l'une des exigences n'a pas pu
être remplie.
43. Dans la présente communication, le plaignant
affirme que sa plainte satisfait aux exigences des paragraphes 1-4 et 7 de
l'Article 56. Il déclare que son incapacité d'épuiser les
recours internes a été due au fait qu'il a dû fuir en
Afrique du Sud par crainte pour sa vie. Il indique qu'il n'a pas tenté
de se conformer à cette exigence en raison de la nature de son cas et
des circonstances dans lesquelles il a fui l'Etat défendeur et que,
puisqu'il vivait en Afrique du Sud, l'exception à la règle
devrait être invoquée.
44. En revanche, L'Etat soutient que le plaignant ne s'est
pas conformé aux dispositions de l'Article 56 (2), (5) et (6) de la
Charte et exhorte la Commission à déclarer la communication
irrecevable pour non respect de ces exigences.
45. Les exigences de l'Article 56 de la Charte sont
destinées à assurer qu'une communication est correctement
introduite devant la Commission et à cribler les communications futiles
et vexatoires avant d'en arriver au fond. Comme il a déjà
été indiqué, pour qu'une communication soit
déclarée recevable, elle doit satisfaire à toutes les
exigences énoncées à l'Article 56. En conséquence,
si une partie soutient qu'une autre partie n'a pas satisfait à l'une des
exigences, la Commission doit se prononcer sur les questions litigieuses entre
les parties. Cela ne signifie toutefois pas que les autres exigences de
l'Article 56 qui n'est pas litigieux entre les deux parties ne seront pas
examinées par la Commission.
46. L'Article 56(1) de la Charte africaine dispose que les
communications seront admises si elles indiquent l'identité de leur
auteur, même si celui-ci demande à la Commission de garder
l'anonymat. Dans le cas présent, l'auteur de la communication est
identifié comme M. Obert Chinhamo, il n'a également pas
demandé à garder l'anonymat. L'Etat défendeur a
également été clairement identifié comme
étant la République du Zimbabwe. La disposition de l'Article
56(1) a par conséquent été totalement respectée.
47. L'Article 56(2) de la Charte africaine dispose qu'une
communication doit être compatible avec la Charte de l'OUA ou avec la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Dans la présente
communication, l'Etat défendeur soutient que la communication n'est pas
conforme aux exigences de l'Article 56 (2) en ce qu'elle n'est pas compatible
avec les dispositions de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine ou la Charte
Africaine elle-même. L'Etat affirme à cet égard que, pour
qu'une plainte soit compatible avec la Charte ou l'Acte Constitutif, elle doit
présenter une violation prima facie de la Charte.
48. Le terme compatibilité signifie
`conformément à', `en conformité avec', `non contraire
à' ou `contre'. Dans la présente communication, le plaignant
allègue notamment de violations de son droit à
l'intégrité de sa personne et être sujet à des
intimidations, au harcèlement et à une torture psychologique,
à la détention arbitraire, à la violation de la
liberté de circulation et à une perte de ressources
occasionnée par les actions de l'Etat défendeur. Ces
allégations soulèvent à l'évidence une violation
prima facie des droits de l'homme, en particulier du droit à la
sécurité ou à l'intégrité de la personne et
à la liberté de toute torture comme stipulé dans la
Charte. Les plaignants soumettant des communications à la Commission ne
sont pas tenus de spécifier quels articles de la Charte ont
été violés ou même quel droit est invoqué
tant qu'ils ont soulevé la substance de la violation en question. Sur
cette base, la Commission Africaine est satisfaite que, dans la présente
communication, l'exigence de l'Article 56(2) de la Charte Africaine ait
été suffisamment respectée.
49. L'Article 56(3) de la Charte dispose que pour être
examinée, une communication ne doit pas contenir des termes outrageants
ou insultants à l'égard de l'Etat mis en cause, de ses
institutions ou de l'Organisation de l'Unité Africaine (Union
africaine). Dans le cas présent, la Communication envoyée par le
plaignant ne contient pas, de l'avis de la Commission africaine, de termes
outrageants ou insultants, d'où la satisfaction de l'exigence de
l'exigence de l'Article 56(3).
50. L'Article 56(4) de la Charte dispose que la Communication
ne doit pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par des moyens de communication de masse. La présente
communication a été soumise par le plaignant lui-même et
serait la propre expérience qu'elle aurait vécue auprès
d'agents d'agent de police de l'Etat défendeur. Sa soumission est
corroborée par le rapport médical ainsi que par une
déclaration sous serment de son avocat. Pour cette raison, l'on peut
déclarer qu'il a satisfait aux conditions de la disposition du
présent paragraphe de la Charte africaine.
51. L'Article 56(5) prévoit que les communications
à examiner pas la Commission africaine doivent être introduites
après épuisement des recours internes. L'Etat défendeur
soutient que la plainte n'est pas conforme à l'Article 56(5) de la
Charte. Il soutient qu'il existe des recours internes suffisants et efficaces
disponibles pour le plaignant dans l'Etat et que le plaignant n'a pas
recherché ces recours avant d'introduire la présente
communication devant la Commission. En revanche, le plaignant argue que,
puisqu'il a dû fuir le pays par crainte pour sa vie, il n'a pu y revenir
pour poursuivre ces recours internes.
52. La raison d'être de l'épuisement des recours
internes est de s'assurer qu'avant que des procédures ne soient
introduites devant un organe international, l'Etat concerné ait
l'opportunité d'y remédier à travers son propre
système interne. Ceci pour que le tribunal international agisse en tant
que tribunal de
première instance au lieu d'être un organe de
dernier recours.9
53. Trois critères majeurs peuvent ressortir de la
pratique de la Commission dans la détermination du respect de cette
exigence : le recours doit être disponible, efficace et suffisant.
54. Dans la communication Jawara c/ Gambie,10 la
Commission a déclaré que «un recours est
considéré disponible si le demandeur peut le poursuivre sans
obstacle, il est réputé efficace s'il offre une perspective de
succès et il est jugé suffisant s'il est capable de faire droit
à la réclamation ». Dans la communication Jawara, que les
deux parties ont citée, la Commission a considéré
que«l'existence d'un recours doit être suffisamment certaine, pas
seulement en théorie mais en pratique, sans quoi, il n'aura pas
l'accessibilité et l'efficacité requises. ... En
conséquence, si le demandeur ne peut se tourner vers le judiciaire de
son pays par crainte pour sa vie (ou même pour celle des membres de sa
famille), les recours internes devraient être considérés
indisponibles pour lui .
55. Le plaignant, dans la présente communication,
déclare avoir quitté son pays par crainte pour sa vie en raison
d'intimidation, de harcèlement et de torture. En raison de la nature de
son travail, les agents de l'Etat défendeur ont commencé à
le suivre en vue de lui faire du mal et/ou de le tuer. Il a également
indiqué comment il a été traité en
détention, en faisant remarquer qu'on l'avait privé de
nourriture, qu'il n'avait pas été soigné lorsqu'il il
s'était plaint de maux de tête, qu'on ne l'avait pas
autorisé à aller aux toilettes, que les conditions dans les
cellules de détention provisoire étaient mauvaises -
nauséabondes, exiguës, toilettes bouchées ou
débordant d'urine et d'autres déchets humains, les cellules
étaient infestées de parasites comme des moustiques qui avaient
piqué le patient durant toute sa détention et lui avaient rendu
tout sommeil impossible ; la cellule était nauséabonde et
très froide, causant au plaignant des problèmes respiratoires et
une toux qui avaient persisté pendant six mois ; le plaignant s'est vu
refuser une couverture la nuit et la permission de prendre un bain. Selon le
plaignant, tout cela constitue une torture et un traitement inhumain et
dégradant.
56. Le plaignant a en outre allégué que l'Etat
défendeur s'est servi de renvois du tribunal pour lui refuser un
procès dans un délai raisonnable, le torturant ainsi
psychologiquement et épuisant ses ressources. Selon le plaignant,
l'affaire a été renvoyée au moins cinq fois - du 20
septembre 2004 au 21 février 2005 (sur une période de six mois)
et ces renvois étaient destinés à le harceler et à
le torturer psychologiquement. La plupart du temps la Central Intelligence
Organization (organisation centrale de renseignements) venait prendre des
photos de lui, l'intimidant ainsi.
57. Le plaignant a ajouté que, lorsqu'il a
continué de publier les atteintes par le défendeur aux droits de
l'homme à Porta Farm, l'Etat défendeur a envoyé ses agents
de la sécurité pour le suivre en diverses occasions, tentatives
destinées à lui faire du mal. Selon le plaignant, le 12 septembre
2004, `un homme conduisant une Mercedes blanche et soupçonné
d'appartenir à la Central Intelligence Organization s'est rendu
auprès de la famille du plaignant et a laissé des messages de
menace de mort au frère du plaignant'. Ce message, selon le plaignant,
était qu'il était un ennemi de l'Etat et qu'il serait tué.
Le plaignant a été obligé de demander à son
frère de rester avec lui pour des raisons de sécurité. Au
cours
d'un autre incident, le même homme, cette fois-ci
accompagné de trois autres, est revenu une seconde fois et a
formulé des menaces similaires au plaignant.
58. Il a indiqué que, le 30 septembre 2004, il a
été arrêté par des hommes conduisant une Mercedes
Benz bleue qui l'ont à nouveau menacé. Le fait que ce dernier
incident se soit produit à proximité de sa maison était
pour lui une raison suffisante pour craindre pour sa vie. En août 2004,
à plusieurs occasions, il a reçu de nombreux appels
téléphoniques le menaçant de mort et l'un d'entre eux
disant «Nous vous suivons. Nous vous aurons. Vous êtes un homme mort
». Il dit avoir informé le Conseil d'Amnesty International -
Zimbabwe, Zimbabwe Lawyers for Human Rights et son avocat des appels de menace.
Des véhicules transportant des personnes aux agissements étranges
ont été observés, garés aux alentours de sa
résidence et de son lieu de travail à des heures étranges
jusqu'à ce qu'il décide de se cacher et, ultérieurement,
de fuir en Afrique du Sud. Il suspecte l'Etat défendeur d'avoir voulu
l'enlever et le tuer, en ajoutant qu'il existe de nombreux cas
d'enlèvements de personnes qui n'ont jamais été revues.
9. D'autres incidents ayant donné au plaignant de
bonnes raisons de croire que sa vie était menacée sont le fait
qu'en janvier 2005, l'Etat défendeur a refusé de délivrer
des passeports à sa famille, alors que la demande en avait
été faite depuis novembre 2004. Il a donc dû abandonner sa
famille qui réside toujours au Zimbabwe. Au moment de la
présentation de la présente communication, la famille n'avait
toujours pas de passeports. Il a également indiqué qu'il avait
dû abandonner ses études à l'Institute of Personnel
Management of Zimbabwe
(IPMZ) et à la Zimbabwe Open University. En octobre
2004, sa fille a dû quitter l'école lorsque toute la famille a
dû se cacher. A la fin du mois de septembre
2004, il a été très choqué de
constater que tous les fichiers de son ordinateur portable avaient
été supprimés et il a suspecté que la disparition
des fichiers était liée aux agents du défendeur.
60. Il a conclu que « du fait des arrestations et des
détentions arbitraires, de la torture, des traitements inhumains et
dégradants, des retards dans sa mise en accusation et son procès,
de sa surveillance par les agents du défendeur et des incidents
susmentionnés, le plaignant soutient que le défendeur a
violé de façon flagrante ses droits et ses libertés et
ceux de sa famille ... »
61. De ces déclarations, le plaignant cherche à
démontrer que, du fait des agissements de l'Etat défendeur et de
ses agents, un situation a été créée qui l'a
amené à croire que le défendeur voulait lui faire du mal
et/ou le tuer. Il est donc devenu préoccupé par sa
sécurité et celle de sa famille. Par crainte pour sa vie, il dit
s'être caché et, par la suite, avoir fui dans un pays voisin,
l'Afrique du Sud, à artir duquel il a présenté la
présente communication.
62. Dans une plainte de cette nature, la charge de la preuve
de la torture et les raisons pour lesquelles les recours internes n'ont pu
être épuisés incombe au plaignant. Ce dernier a la
responsabilité de décrire la nature de la torture ou du
traitement qu'il a subis et dans quelle mesure chaque acte de torture,
d'intimidation ou de harcèlement allégués ont
insufflé suffisamment de crainte au plaignant pour l'inciter à
craindre pour sa vie et celle de ses proches au point de ne pas pouvoir tenter
les recours internes et de préférer fuir le pays. Il ne suffit
pas que le plaignant déclare avoir été torturé ou
harcelé sans relater chaque acte particulier venu alimenter cette peur.
Si le plaignant s'acquitte de cette charge,
alors la charge passera à l'Etat défendeur qui
devra démontrer que les recours sont disponibles et, dans le cas
particulier du plaignant, comment ces recours étaient suffisants et
efficaces.
63. A l'appui de son cas, le plaignant a cité les
décisions de la Commission Africaine dans le cas Jawara
et les cas Alhassan Abubakar c/Ghana11et Rights
International c/ Nigeria12 dans lesquels, a-t-il
dit, la Commission a considéré qu'on ne pouvait
s'attendre à ce que les plaignants, dans ces cas, poursuivent les
recours internes dans leur pays en raison du fait qu'ils avaient fui leur pays
par crainte pour leur vie.
64. Ayant étudié les observations du plaignant
et l'ayant comparée aux cas précités en appui de sa
réclamation, la Commission est d'avis que les cas ci-dessus ne sont pas
similaires au cas présent. Dans le cas Jawara, par exemple, le plaignant
était un ancien Chef d'Etat renversé par un coup d'Etat
militaire. Le plaignant, dans ce cas, a allégué qu'à la
suite du coup d'Etat «il y a eu abus de pouvoir manifeste par ... la junte
militaire». Le gouvernement militaire était allégué
avoir initié un règne de terreur, d'intimidation et de
détention arbitraire. Le plaignant alléguait en outre l'abolition
de la Déclaration des Droits, telle que contenue dans la Constitution
gambienne de 1970, par le Décret militaire n°30/31,
évinçant la compétence des tribunaux à examiner ou
à remettre en cause la validité de ce Décret. La
communication alléguait l'interdiction aux partis politiques et aux
ministres de l'ancien gouvernement civil de prendre part à toute
activité politique. La communication alléguait en outre de
restrictions à la liberté d'expression, de circulation et de
religion. Ces restrictions se manifestaient, selon le plaignant, par
l'arrestation et la détention sans accusation, des enlèvements,
de torture et l'incendie d'une mosquée.
65. Dans le cas Jawara, la Commission a conclu que « le
plaignant, dans ce cas, a été renversé par les militaires,
il a été jugé par contumace, les anciens ministres et
membres du Parlement de son gouvernement ont été détenus
et la terreur et la peur pour la vie sévissaient dans le pays. La peur
généralisée perpétrée par le régime,
telle qu'alléguée par le plaignant, ne fait aucun doute. Le
sentiment suscité non seulement dans l'esprit de l'auteur mais dans
celui de toute personne sensée était que retourner dans son pays,
à ce moment précis, pour quelque raison que ce soit, mettrait sa
vie en péril. Dans ces circonstances, les recours internes ne peuvent
être considérés disponibles pour le plaignant. » La
Commission a enfin fait remarquer « ce serait un affront au sens commun et
à la logique que de demander au plaignant de retourner dans son pays
pour y épuiser les recours internes. »
66. Dans le cas Alhassan Abubakar, il devrait être
rappelé que M. Alhassan Abubakar était un citoyen ghanéen
arrêté par les autorités ghanéennes dans les
années 1980 au motif qu'il aurait collaboré avec des dissidents
politiques. Il avait été détenu sans accusation ni
procès pendant plus de 7 ans jusqu'à son évasion depuis
l'hôpital d'une prison le 19 février 1992 pour la Côte
d'Ivoire. Après son évasion, sa soeur et son épouse qui
étaient venues le voir en Côte d'Ivoire ont été
arrêtées et détenues pendant deux semaines dans le but
d'obtenir des renseignements sur l'endroit où vivait le plaignant. Le
frère du plaignant l'a informé que la police avait reçu de
fausses informations sur son retour et avait, à plusieurs occasions,
entouré sa maison, l'avait perquisitionnée et avait fini par le
rechercher dans le village de sa mère.
67. Au début de l'année 1993, le HCR en
Côte d'Ivoire a informé le plaignant qu'un rapport avait
été reçu du Ghana, lui assurant qu'il pouvait rentrer
librement, sans risque d'être poursuivi ni de fuir la prison. Le rapport
indiquait également que tous les détenus politiques avaient
été libérés. Le
plaignant, quant à lui, maintenait qu'il existe une loi
au Ghana infligeant aux évadés des peines de 6 mois à 2
ans de prison, que les causes de la détention dont ils se sont
évadés soit légitimes ou non. Sur ce postulat, la
Commission a considéré que
« considérant la nature de la plainte, il ne
serait pas logique de demander au plaignant de retourner au Ghana pour y
chercher un recours auprès des autorités juridiques nationales.
En conséquence ; la Commission ne considère pas que les recours
internes soient disponibles pour le plaignant. »
68. Dans Rights International c/ Nigeria, la victime, un
certain M. Charles Baridorn Wiwa, étudiant nigérian à
Chicago a été arrêtée et torturée dans un
camp de détention militaire nigérian situé à
Gokana. Il a été allégué que M. Wiwa avait
été arrêté le 3 janvier 1996 par des soldats
armés inconnus en présence de sa mère et d'autres membres
de sa famille et qu'il était resté dans ledit camp de
détention militaire du 3 au 9 janvier 1996. En détention, M. Wiwa
avait été fouetté et placé dans une cellule avec
quarante cinq autres détenus. Lorsqu'il a été
identifié comme étant un parent de M. Ken Saro - Wiwa, il a
été soumis à diverses formes de torture. Un certificat
médical prouvant la torture physique de M. Wiwa était joint
à la communication. Après 5 jours dans le camp de
détention de Gokana, M. Wiwa a été transféré
au State Intelligence Bureau (SIB) (Bureau de renseignements de l'Etat)
à Port Harcourt. M. Wiwa y a été détenu du 9 au 11
janvier 1996, sans voir d'avocat ni de parents, si ce n'est un entretien
dequelques minutes avec son grand père. Le 11 janvier 1996, M. Wiwa et
21 autres Ogonis ont comparu devant la Magistrate Court 2 de Port Harcourt,
sous l'accusation de réunion interdite en violation de la Section 70 des
Criminal Code Laws de l'Eastern Nigeria 1963. M. Wiwa s'est vu accorder une
liberté provisoire sous caution mais, à ce moment-là, des
inconnus, estimés être des agents du gouvernement, l'ont
enlevé et ont menacé sa vie en le faisant monter de force dans
une voiture à Port Harcourt. Sur avis d'avocats des droits de l'homme,
M. Wiwa a fui le Nigeria le 18 mars 1996 pour Cotonou, République du
Bénin, où le Haut Commissaire des Nations Unies pour les
réfugiés l'a déclaré réfugié. Le 17
septembre 1996, le gouvernement des Etats-Unis lui a accordé le statut
de réfugié et il réside dans ce pays depuis lors.
69. Dans ce cas, la Commission Africaine a
déclaré la communication recevable au motif qu'il n'existait pas
de recours internes disponibles et efficaces pour les violations des droits de
l'homme au Nigeria sous le régime militaire. Elle a en outre
affirmé que « la norme d'épuisement des recours internes est
satisfaite lorsqu'il n'existe pas de recours adéquat ou efficace
disponible pour l'individu. Dans ce cas particulier ... M. Wiwa ne pouvait
poursuivre aucun recours interne après sa fuite par crainte pour sa vie
vers la République du Bénin et l'octroi ultérieur du
statut de réfugié par les Etats-Unis d'Amérique. »
70. La communication à l'étude doit
également être différenciée de Gabriel Shumba c/
République du
Zimbabwe13. Dans le cas Shumba, le plaignant, M.
Gabriel Shumba, alléguait qu'en présence de 3 autres : Bishop
Shumba, Taurai Magayi et Charles Mutama il recevait des instructions de l'un de
ses clients, un certain M. John Sikhala, dans une affaire ayant trait à
une allégation de harcèlement politique par des membres de la
Zimbabwe Republic Police (ZRP). M. John Sikhala est Membre du Parlement au sein
du Movement for Democratic Change (MDC), parti d'opposition au Zimbabwe. Vers
23h00, des policiers anti-émeute, des policiers en tenue civile et des
personnes identifiées comme appartenant à la Central Intelligence
Organization ont pris la pièce d'assaut et arrêté toutes
les personnes présentes. Au cours de l'arrestation, le certificat de
pratique du droit du plaignant, l'agenda, les fichiers,
les documents et les téléphones cellulaires ont
été confisqués et il a reçu plusieurs gifles et
plusieurs coups de pied par, notamment, le responsable du Commissariat de
Police Saint Mary.
71. Le plaignant et les autres ont été
emmenés au Commissariat de police Saint Mary où il a
été détenu sans accusation et s'est vu refuser
l'accès à un représentant légal. On lui a
également refusé de manger et de boire de l'eau. Le plaignant a
déclaré que, le jour suivant son arrestation, il a
été sorti de la cellule, une cagoule placée sur la
tête, et conduit vers un endroit inconnu où on l'a fait descendre
dans un endroit faisant penser à un tunnel ou une pièce en
sous-sol. Da cagoule a été retirée, il a été
entièrement dévêtu et ses mains et pieds ont
été liés en position foetale avec une planche
placée entre ses jambes et ses bras. Dans cette position, le plaignant a
été interrogé et menacé de mort par environ15
interrogateurs. Le plaignant a en outre allégué qu'il avait aussi
été électrocuté par intermittence pendant 8 heures
et qu'une substance chimique avait été appliquée sur son
corps. Il a perdu le contrôle de ses fonctions corporelles, il a vomi du
sang et il a été forcé de boire son vomi. Le plaignant a
présenté une copie certifiée d'un rapport médical
décrivant les blessures trouvées sur son corps. Après son
interrogation à environ 19h00 le même jour, le plaignant a
été détaché et contraint d'écrire plusieurs
déclarations l'impliquant lui-même et plusieurs membres
supérieurs du MDC dans des activités subversives. A environ 19h3,
il a été conduit au commissariat de Harare et mis en cellule. Le
troisième jour de son arrestation, ses avocats qui avaient obtenu une
injonction du tribunal ordonnant sa libération ont pu avoir accès
à lui. Le plaignant a été par la suite accusé aux
termes de la Section 5 du Public Order and Security Act (loi sur l'ordre public
et la sécurité) ayant trait à l'organisation, la
planification et la conspiration visant à renverser le gouvernement par
des moyens inconstitutionnels. Il a ensuite fui le Zimbabwe par crainte pour sa
vie.
72. Les quatre cas ci-dessus ont une chose en commun : un
établissement clair de l'élément de peur
perpétré par des institutions identifiées de l'Etat, peur
que, dans le cas Jawara, la Commission avait considéré comme
susceptible «d'inverser le cours de la justice en demandant que le
plaignant tente des recours internes ». Dans le cas Shumba, l'Etat n'a
jamais réfuté les allégations de torture ou
l'authenticité des rapports médicaux mais a simplement
argué que le plaignant aurait pu saisir les tribunaux locaux pour
demander réparation.
73. Dans le cas en considération, le plaignant, M.
Obert Chinhamo a présenté une représentation graphique des
conditions de détention, dont le préjudice pour le fond de la
communication peut être qualifié d'inhumain et dégradant.
Il a également indiqué des cas d'allégations,
d'intimidation et de harcèlement par des agents de l'Etat.
74. Toute personne raisonnable serait
préoccupée et effrayée pour sa vie si des agents de la
sécurité de l'Etat s'immisçaient dans ses activités
quotidiennes. Le plaignant avait toutes les raisons d'être
préoccupé pour sa sécurité et celle de sa famille.
Il devrait être toutefois noté que le plaignant n'a
identifié aucun des hommes le suivant comme étant des agents de
l'Etat. Selon ses observations, les personnes qui le harcelaient étaient
anonymes, inconnues ou des membres présumés de la Central
Intelligence Organization (CIO) et, dans certains cas, il a simplement
remarqué des hommes inconnus près de chez lui ou de son lieu de
travail.
75. Il est ici particulièrement important de remarquer
que, malgré toutes les menaces, le harcèlement, les appels
téléphoniques et la surveillance alléguée d'agents
de l'Etat défendeur, le plaignant choisisse de n'en rien rapporter
à la police. Dans ses observations, il n'a pas indiqué
pourquoi il n'avait pas soumis l'affaire aux investigations de
la police mais pourquoi il avait préféré en rendre compte
à ses employeurs et à ses avocats. De l'avis de la Commission, le
plaignant n'a pas étayé ses allégations de faits. Et
même si, par exemple, la détention du plaignant équivalait
à une torture psychologique, il ne pouvait s'agir de menaces de mort le
poussant à fuir pour sauver sa vie. Hormis les allégations de
conditions inhumaines dans lesquelles il a été détenu, il
n'existe aucune indication d'abus physiques comme dans les cas Shumba et Rights
International cases.
76. Le plaignant a porté des accusations
générales et n'a pas corroboré ses allégations par
des preuves documentaires, des déclarations sous serment ou des
témoignages d'autres personnes. Il n'a pas démontré, comme
dans les autres cas susmentionnés, que le danger dans lequel il se
trouvait nécessitait sa fuite du pays. Sans preuve concrète
à l'appui des allégations du plaignant, la Commission ne peut pas
considérer l'Etat défendeur responsable du harcèlement,
des intimidations et des menaces que le plaignant à subis et qui l'ont
fait fuir le pays par peur pour sa vie. Cela d'autant plus que le plaignant ne
s'est jamais soucié de rapporter ces incidents à la police ou de
les soulever devant le magistrat lorsqu'il a comparu quatre fois devant le
tribunal du défendeur.
77. La question est toutefois de savoir si, ayant quitté
le pays, le plaignant avait épuisé les recours internes ou encore
s'il devait encore épuiser ces recours internes.
78. La première condition d'acceptation d'un recours
interne est qu'il soit disponible pour être épuisé.
Le mot «disponible» signifie
«immédiatement susceptible d'être obtenu;
accessible»;14 ou «atteignable, joignable, à la
demande, sous la main, prompt, présent; . . . pratique, à son
service, à sa disposition,
au doigt et à l'oeil.»15
79. Selon la Commission Africaine, un recours est
considéré disponible si le demandeur peut le
poursuivre sans obstacles ou s'il peut en user dans les
circonstances de son cas.16 Existait-il des recours disponibles,
même depuis l'extérieur de l'Etat défendeur ?
80. L'Etat indique qu'aux termes de ses lois, le plaignant
n'a pas besoin d'être physiquement présent dans le pays pour avoir
accès aux recours internes, en ajoutant que le High Court Act et le
Supreme Court Act autorisent toute personne à introduire une demande
à l'une ou l'autre Cour à travers son avocat. Pour étayer
cela, l'Etat a cité le cas Ray Choto et Mark Chavhunduka où les
victimes ont été torturées par des agents de l'Etat et
où elles ont demandé une réparation alors qu'elles se
trouvaient toutes les deux aux Royaume-Uni et que leur réclamation a
abouti. L'Etat a conclu qu'il n'est pas interdit au plaignant de poursuivre des
recours de façon similaire.
81. Le plaignant ne conteste pas la disponibilité de
recours internes dans l'Etat défendeur mais il argue que, dans son cas
particulier, ayant fui le pays par crainte pour sa vie et se trouvant
aujourd'hui hors du pays, les recours internes ne lui sont pas disponibles.
82. La Commission Africaine est d'avis que n'ayant pas
réussi à établir qu'il a fui le pays contre sa
volonté en raison d'agissements de l'Etat défendeur et qu'au
regard de la loi du Zimbabwe, il n'est pas nécessaire de se trouver
physiquement dans le pays pour avoir accès aux recours internes, le
plaignant ne peut pas prétendre que les recours internes ne lui
étaient pas disponibles.
83. Le plaignant soutient que, même si les recours
internes étaient disponibles, ils n'étaient pas efficace parce
que l'Etat a tendance à ignorer les décisions des tribunaux
rendues à son encontre, en citant notamment la décision de la
Haute Cour dans les cas Commercial Farmers Union et Ray Choto et Mark
Chavhunduka et il a ajouté que Zimbabwe Lawyers for Human Rights a
identifié au moins 12 cas dans lesquels l'Etat a ignoré les
décisions des tribunaux depuis 2000.
84. La Commission exige généralement que les
plaignants énoncent, dans leurs observations, les mesures qu'ils ont
prises pour épuiser les recours internes. Ils doivent fournir une preuve
prima facie de tentative d'épuisement des recours internes. Le
Comité des droits de l'homme a déclaré que le simple fait
qu'un recours interne soit peu pratique ou peu attrayant ou qu'il ne produise
pas un résultat favorable au demandeur ne démontre pas, en soi,
l'absence d'épuisement de tous les recours
efficaces.17 Dans sa décision dans A c/
Australie,18 le Comité a considéré que «
de simples doutes sur l'efficacité des recours internes ou la
perspective de coûts financier impliqués n'absolvaient pas
l'auteur de poursuivre ces recours. »19
85. La Cour européenne des droits de l'homme, pour sa
part, a considéré que, même si les demandeurs ont des
raisons de croire que les recours internes et les appels possibles disponibles
seront inefficaces, ils devraient les rechercher dans la mesure où
« il incombe généralement à un individu
lésé de donner aux tribunaux internes l'opportunité
d'élaborer à partir des droits existants en en
faisant une interprétation. »20 Dans
l'Article 19 c/ Erythrée,21 la Commission a
considéré que «il incombe au plaignant de prendre toutes les
mesures nécessaires pour épuiser, ou au moins tenter
d'épuiser, les recours internes. Il ne suffit pas que le plaignant
dénigre l'aptitude des recours internes de l'Etat en se fondant sur des
cas isolés ».
86. De l'analyse qui précède, la Commission est
d'avis que le plaignant a ignoré d'utiliser les recours internes qui lui
étaient disponibles dans l'Etat défendeur qui, s'ils les avaient
tentés, auraient pu apporter une résolution satisfaisante
à la plainte.
87. La troisième question litigieuse entre le
plaignant et l'Etat défendeur est la disposition de l'Article 56(6) de
la Charte qui dispose que « les communications reçues par la
Commission seront examinées si elles sont introduites dans un
délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours
internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer
à courir le délai de sa propre saisine ... »
88. La présente communication a été
reçue au Secrétariat de la Commission le 26 septembre 2005. Sa
saisine a été examinée par la Commission en novembre 2005,
soit dix mois après la fuite de son pays alléguée par le
plaignant, le 12 janvier 2005.
89. La Commission prend note que le plaignant ne
réside pas dans l'Etat défendeur et qu'il lui a fallu du temps
pour s'installer dans la nouvelle destination avant d'introduire sa plainte
devant la Commission. Même si la Commission devait adopter la pratique
d'autres organes régionaux de considérer que six mois sont un
délai raisonnable pour présenter des plaintes, compte tenu de la
nature du cas du plaignant qui se trouve dans un autre pays, il serait
important, dans un souci d'équité et de justice, de
considérer qu'un délai de dix mois est raisonnable. La Commission
ne considère donc pas que la communication a été
présentée contrairement à la sous-section 6 de l'Article
56.
90. Enfin, l'Article 56(7) dispose que la communication ne
doit pas concerner des cas sui ont été réglés
conformément, soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de
la Charte de l'OUA et soit des dispositions de la Charte africaine. Dans le cas
présent, l'affaire n'a pas été réglée par
l'une de ces organismes internationaux, d'où la satisfaction des
exigences de l'Article 56(7) par le plaignant.
La Commission africaine trouve que dans la présente
Communication 307/05- Obert Chinhamo c./ République du Zimbabwe, le
plaignant n'a pas rempli les conditions de l'Article 56(5) de la Charte
africaine, et par conséquence la déclare irrecevable.
Décision prise lors de la 42ème Session
ordinaire de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples tenue
le 28 novembre 2007 à Brazzaville, République du Congo
ANNEXE 6 : EXTRAIT COMMUNIOCATION 293/2004- ZIMBABWE
LAWYERS FOR HUMAN RIGHTS & INSTITUTE FOR HUMAN RIGHTS AND DEVELOPMENT
/REPUBLIQUE DU ZIMBABWE
Le Droit
La Recevabilité
Observations des parties sur la recevabilité
37. L'Etat défendeur demande que la communication soit
déclarée irrecevable car elle ne répondait pas aux
exigences des Articles 56 (2), (3), (4) et (5).
38. L'Article 56(2) stipule que la communication devrait
être compatible avec la Charte de l'OUA et la Charte Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples. Selon l'Etat et citant la Fiche d'Information
n° 3 de la Commission africaine : Procédure d'examen des
communications, l'auteur d'une communication devrait faire des
allégations précises des faits liés aux documents, si
possible, et éviter de faire des allégations en termes vagues.
L'Etat affirme que la plainte est écrite dans des termes
généraux et ne fait aucune allégation précise.
L'Etat fait en outre observer que les plaignants ont simplement
allégué que l'Etat avait violé la Charte sans
préciser quels droits avaient été violés, où
ces violations avaient eu lieu et la date à laquelle elles avaient
été perpétrées et que les plaignants n'ont pas
donné les noms des victimes.
39. Les plaignants soutiennent que, quatre ans après
les élections, la Cour suprême et la Haute Cour n'ont pas pu
apporter une solution efficace et rapide. La Haute Cour avait initialement
désigné trois juges pour traiter les affaires. L'un des juges a
démissionné, faisant état de menaces dont il a fait
l'objet après avoir rendu un jugement en faveur de l'opposition. Les
trois juges ont été remplacés et les affaires n'ont pas
été réglées. Les violations qui ont eu lieu durant
la période des élections n'ont pas été
abordées depuis plus de quatre ans.
40. Les plaignants affirment, en revanche, que la
communication détaille les infractions aux dispositions de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples et, selon eux, une violation
apparemment fondée des droits de l'homme, et ils allèguent que la
communication remplit la condition de l'Article 56 (2) de la Charte.
41. Eu égard à l'Article 56 (3), l'Etat
allègue que la communication est écrite dans un langage injurieux
et désobligeant à l'encontre de l'Etat du Zimbabwe et de son
appareil judiciaire. Il indique que les plaignants allèguent de
l'incapacité de l'Etat à garantir l'indépendance et le
fonctionnement approprié du Judiciaire et que le gouvernement n'a pas pu
observer le principe de la séparation des pouvoirs. L'Etat
allègue en outre que la communication prétend qu'un juge aurait
démissionné à cause des pressions qu'il aurait subies
à la suite d'une décision qu'il aurait rendue en faveur du MDC.
L'Etat ajoute qu'aucun des juges n'a subi de représailles ou
démissionné à la suite d'un jugement rendu et il conclut
que la plainte déforme les faits et comporte de fausses informations qui
sont insultantes pour l'Etat et son appareil judiciaire - destinées
à jeter le discrédit sur l'Etat et que la communication n'est
donc pas conforme aux dispositions de l'Article 56 (3) de la Charte
Africaine. Les plaignants affirment quant à eux que la
communication n'est pas rédigée dans un langage injurieux et
désobligeant et qu'aucun terme outrageant ou insultant à
l'égard du gouvernement de la République du Zimbabwe, de ses
institutions ou de l'Organisation de l'Unité africaine n'a
été utilisé et, à ce titre, que la communication
est conforme aux dispositions de l'article 56 (3).
42. L'Etat allègue en outre que la communication est
fondée sur des informations diffusées par les mass médias
ou relevant de l'imagination de l'auteur et, à ce titre, ne peut
être reçue aux termes de l'Article 56(4) qui stipule que les
communications ne devraient pas être exclusivement fondées sur des
nouvelles diffusées par les mass médias. L'Etat ajoute que la
communication ne mentionne pas qui a fait l'objet de discriminations ou dans
quel cas une partie aurait été discriminée, ni par quel
juge. La plainte est donc illusoire et ne devrait pas être recevable. Les
plaignants, pour leur part, allèguent que la communication comporte une
compilation de déclarations sous serment et de demandes de la Haute Cour
et de la Cour Suprême du Zimbabwe.
43. Par rapport à l'épuisement des voies de
recours internes, l'Etat allègue que les plaignants n'ont pas
épuisé les recours internes disponibles, en faisant observer que
les requêtes en contestation d'élections sont traités
rapidement et que toutes les requêtes des plaignants ont
été traitées, certaines ayant été
rejetées, d'autres retirées. L'Etat indique qu'il n'a rien fait
pour en gêner le processus, comme allégué par les
plaignants et fait observer, qu'en cas de non-exécution, les parties
à la requête peuvent se rapprocher du Juge Président ou du
Premier Juge et que le gouvernement n'a aucun rôle à jouer dans
les requêtes en contestation d'élections. L'Etat fait remarquer
que la plupart des requêtes introduites devant la Haute Cour ont
été traitées en 2001 ; certaines ayant fait l'objet
d'appels devant la Cour Suprême. Les plaignants soutiennent que
l'exception à la règle doit s'appliquer à ce cas, dans la
mesure où la procédure s'est prolongée de façon
anormale. Ils prétendent que le retard apporté à la
finalisation de la requête par la Cour Suprême et la Haute Cour
était excessif et, selon les plaignants, ce retard justifie
l'évocation de la règle d'exclusion de l'épuisement des
voies de recours internes, vu qu'elles n'existent pas.
Décision de la Commission sur la recevabilité
44. Dans sa jurisprudence, la Commission Africaine des droits
de l'homme et des peuples (la Commission) a articulé un cadre
d'affectation de la charge de la preuve entre les plaignants/plaignants et les
Etats défendeurs. Aux fins de saisine et de recevabilité, le
plaignant ne doit présenter qu'un cas bien fondé (prima facie) et
satisfaire aux conditions énoncées à l'Article 56 de la
Charte pour ce qui concerne la recevabilité. Une fois cela fait, il
incombe alors à l'Etat défendeur de présenter des
réponses spécifiques et des preuves réfutant chacune des
assertions contenues dans les observations du plaignant.
45. Dans la présente communication, les plaignants
soutiennent que les conditions de recevabilité de l'Article 56 de la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ont été
remplies alors que l'Etat allègue que certaines ne l'ont as
été, en particulier l'Article 56 (2), 3, 4 et 5. Concernant la
conformité de la communication à l'Article 56(2), la Commission
africaine fait observer que la communication établit une violation
apparemment fondée des dispositions de la Charte Africaine et qu'elle
est donc compatible à la fois à l'Acte constitutif et à la
Charte Africaine. La communication allègue de retards excessifs dans le
traitement des requêtes en
contestation d'élection et, en conséquence,
d'une violation du droit à un procès équitable aux termes
de l'Article 7(1) (d) et à la participation au gouvernement aux termes
de l'Article 13 de la Charte. Il est difficile de prouver
l'incompatibilité invoquée par l'Etat.
46. L'Article 56 (3) requiert que la communication ne
contienne pas des termes insultants ou outrageants L'Etat allègue qu'en
déclarant que l'Etat a manqué de garantir l'indépendance
et le fonctionnement approprié du Judiciaire et que le gouvernement n'a
pas observé le principe de la séparation des pouvoirs, les
plaignants ont tenu un langage injurieux. L'Etat allègue en outre que la
communication prétend qu'un juge aurait démissionné
à cause des pressions qu'il aurait subies à la suite d'une
décision qu'il aurait rendue en faveur du MDC. L'Etat conclut que la
plainte donne une fausse représentation des faits et qu'elle comporte de
fausses informations qui sont insultantes pour l'Etat et son appareil
judiciaire - destinées à jeter le discrédit sur l'Etat et
que la communication n'est donc pas compatible avec les dispositions de
l'Article 56 (3).
47. La question fondamentale qui n'a pas été
abordée dans la présente communication est de savoir dans quelles
limites il est possible de critiquer l'appareil judiciaire ou les institutions
de l'Etat en général au nom de la liberté d'expression, et
si la déclaration faite par le plaignant constitue un langage outrageant
ou insultant au sens de l'Article 56 (3) de la Charte Africaine. En
réalité, la communication invite la Commission à
préciser la relation entre la liberté d'expression et la
protection de la réputation des institutions de l'Etat.
48. Les termes performatifs du sous paragraphe 3 de l'Article
56 sont outrageants et insultants et ils doivent être dirigés
contre l'Etat partie concerné ou ses institutions ou l'Union Africaine.
Selon le Oxford Advanced Dictionary, outrageant signifie parler avec
mépris de... ou traiter à la légère.... et
insultant signifie agresser avec mépris ou offenser l'estime de soi ou
la pudeur de ...
49. L'appareil judiciaire est une institution très
importante dans tous les pays et ne peut fonctionner convenablement sans le
soutien et la confiance du public. En raison de l'importance de
préserver la confiance du public dans le Judiciaire et de la
réserve nécessaire pour qu'il puisse jouer son rôle
d'arbitre, des mesures de protection spécifiques existent depuis de
nombreux siècles pour protéger le Judiciaire de toute
diffamation. L'un de ces dispositifs de protection est de décourager les
remarques et les termes insultants ou outrageants visant à ridiculiser
ou jeter le discrédit sur le processus judiciaire.
50. La liberté d'exprimer ses opinions et de
débattre de la conduite des affaires publiques par le Judiciaire ne
signifie pas que des attaques, calomnieuses ou non, puissent être
autorisées à l'encontre du Judiciaire en tant qu'institution ou
à l'encontre des officiers de la justice pris individuellement. Une
distinction claire ne peut être établie entre les critiques
acceptables du Judiciaire et les déclarations portant directement
préjudice à l'administration de la justice. Les
déclarations concernant les officiers de justice dans l'exécution
de leurs charges judiciaires ont, ou peuvent avoir, un impact beaucoup plus
important que le fait de simplement blesser leurs sentiments ou d'attaquer leur
réputation. En raison des graves implications de la perte de confiance
du public dans l'intégrité des juges, les commentaires publics
visant à jeter le discrédit sur le Judiciaire ont toujours
été jugés avec réprobation.
51. En déterminant si une remarque particulière
est outrageante ou insultante et si elle a terni l'intégrité du
Judiciaire ou une autre institution de l'Etat, la Commission doit
vérifier si ladite remarque ou ledit langage visent à violer
illégitimement ou intentionnellement la dignité, la
réputation ou l'intégrité d'un officier ou d'un organe de
justice et s'ils sont utilisés de manière calculée pour
polluer l'esprit du public ou de toute personne raisonnable afin de jeter le
discrédit et d'affaiblir la confiance du public dans cette institution.
Le langage doit viser à saper l'intégrité et le statut de
l'institution et à jeter le discrédit sur elle.
52. A cet égard, l'Article 56 (3) doit être
interprété en gardant à l'esprit l'Article 9 (2) de la
Charte Africaine qui dispose que « toute personne a le droit d'exprimer et
de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et des règlements.
» Un équilibre doit être trouvé entre le droit de
s'exprimer librement et le devoir de protéger les institutions de l'Etat
pour veiller à ce que, tout en décourageant les abus de langage,
la Commission africaine ne soit pas par ailleurs en train de violer ou de
freiner la jouissance d'autres droits garantis par la Charte Africaine tels
que, en l'espèce, le droit à la liberté d'expression.
53. L'importance du droit à la liberté
d'expression a été pertinemment déclarée par la
Commission Africaine dans les communications 140/94, 141/94,
145/94 contre le Nigeria56 où elle a considéré
que la liberté d'expression est : Un droit humain fondamental, vital
pour le développement personnel et la conscience politique de l'individu
et pour sa participation à la conduite des affaires publiques de son
pays. Les individus ne peuvent participer pleinement et équitablement au
fonctionnement de leur société s'ils doivent vivre dans la peur
d'être persécutés par les autorités de l'Etat du
fait d'exercer leur droit à la liberté d'expression. L'Etat doit
faire observer, protéger et garantir ce droit s'il souhaite s'engager de
manière honnête et sincère dans la démocratie et la
bonne gouvernance.
54. Au fil des ans, la distinction devant être
établie entre critiques authentiques du Judiciaire et langage insultant
s'est amenuisée. Avec la progression de la politique des droits de
l'homme, de la bonne gouvernance, de la démocratie et des
sociétés libres et ouvertes, le public doit établir un
équilibre entre la question de la libre expression et la protection de
la réputation des institutions de l'Etat telles que le Judiciaire. Lord
Atkin a défini la relation fondamentale entre ces deux valeurs dans
Ambard c/ A-G de Trinidad et Tobago (1936) 1 All ER 704 at 709 dans les termes
suivants :... mais lorsqu'il s'agit de l'autorité et de la position d'un
juge particulier ou de la bonne administration de la justice, il n'y a aucun
mal si un membre du public exerce le droit ordinaire de critiquer de bonne foi,
en privé ou en public, l'action de la justice. Le chemin de la critique
est une voie publique ... La justice n'est pas une vertu cloîtrée
: elle doit pouvoir être soumise à un regard scrutateur et aux
commentaires respectueux, voire même crus, des gens ordinaires.
55. Dans la présente communication, l'Etat
défendeur n'a pas établi comment, en déclarant que le
gouvernement n'a pas observé le principe de la séparation des
pouvoirs et qu'un juge avait démissionné sous les pressions
consécutives à une décision qu'il aurait rendue en faveur
du MDC, le plaignant avait porté le discrédit sur le Judiciaire
et le gouvernement. L'Etat n'a pas démontré l'effet adverse de
cette déclaration sur le Judiciaire en particulier et les institutions
de l'Etat dans leur globalité. L'Etat n'apporte aucune preuve pour
démontrer que ces déclarations
auraient été de mauvaise foi ou calculées
pour empoisonner l'esprit du public à l'encontre du gouvernement et de
ses institutions.
56. La Commission africaine ne considère donc pas
qu'il y ait eu langage outrageant ou insultant à l'encontre du
gouvernement de la République du Zimbabwe, de ses institutions ou de
l'Union Africaine. La Commission africaine est également d'avis que la
communication est conforme à l'Article 56(4) qui stipule que les
communications ne devraient pas être exclusivement fondées sur des
nouvelles diffusées par les médias. La présente
communication comporte une compilation de déclarations sous serment et
de demandes de la Haute Cour et de la Cour Suprême du Zimbabwe.
57. Concernant l'Article 56 (5) ayant trait à
l'épuisement des recours internes, les plaignants invoquent que
l'exception à la règle s'applique sur la base d'une prolongation
anormale de la procédure. Ils allèguent que le retard dans la
finalisation des requêtes par la Cour Suprême et la Haute Cour est
irraisonnable et autorise, selon les plaignants, l'invocation de la
règle d'exception à l'épuisement des recours internes
comme non existants.
58. Ce qui constitue la prolongation de façon anormale
de la procédure aux termes de l'Article 56 (5) n'a pas été
défini par la Commission Africaine. Il n'existe donc pas de
critères standards employés par la Commission Africaine pour
déterminer si un processus a été indûment
prolongé et la Commission a donc tendance à traiter chaque
communication sur le fond. Dans certains cas, la Commission tient compte de
situation politique prévalant dans le pays, de l'historique judiciaire
du pays et dans d'autres, de la nature de la plainte.
59. L'objet de la présente communication est la
validité des résultats électoraux. Les résultats
électoraux sont supposés être rendus le plus rapidement
possible de manière à permettre aux concurrents de
connaître les résultats. Dans la plupart des juridictions, en
raison de la nature même des élections, des mécanismes sont
mis en place pour assurer que les résultats soient donnés le plus
rapidement possible et que, quelles que soient les réclamations
présentées par les concurrents évincés, ils soient
traités avec diligence.
60. L'exception visée à l'Article 56 (5) exige
que le processus doive non seulement se prolonger mais qu'il doive l'avoir
été « indûment. » Indûment signifie «
excessivement » ou « de façon injustifiable. » Donc, s'il
y a une raison justifiable pour prolonger l'affaire, elle ne peut être
qualifiée de « indue. » A titre d'exemple, lorsque le pays est
pris dans une agitation civile ou une guerre ou lorsque le retard est en partie
causé par la victime, sa famille ou ses représentants. Si la
Commission n'a pas élaboré de norme déterminant ce que
signifie « prolongé de façon anormale », elle peut
être guidée par les circonstances entourant le cas et par la
doctrine de la common law du « test de l'homme raisonnable. » A cet
égard, le tribunal cherche à découvrir, compte tenu de la
nature et des circonstances entourant un cas particulier, quelle serait la
décision d'un homme raisonnable.
61. Ainsi, étant donné la nature de la
présente communication, un homme raisonnable conclurait-il que l'affaire
a été prolongée de façon anormale ? A tous
égards, la réponse serait oui. Plus de quatre ans après
l'introduction des requêtes en contestation d'élection, les
tribunaux de l'Etat défendeur ne sont pas parvenus à statuer et
les fonctions que les victimes contestent sont toujours occupées et
leurs mandats sont presque arrivés à terme.
Pour les raisons qui précèdent, la Commission
africaine considère que la communication est compatible avec l'exception
à la règle de l'Article 56 (5) et les autres conditions requises
de l'Article 56 et la déclare donc recevable.
TABLE DE MATIÈRES
DEDICACES i
REMERCIEMENTS ii
AVERTISSEMENT iii
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES iv
SOMMAIRE vi
RESUME vii
ABSTRACT viii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
A - CONTEXTE DE L'ÉTUDE 4
B - DÉLIMITATION DU SUJET 10
B - DÉFINITION DES TERMES OU CONCEPTS 11
D - INTÉRÊT DU SUJET 15
E- PROBLÉMATIQUE 16
F - HYPOTHÈSE DE RECHERCHE 17
G - DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE. 17
H - ARTICULATION ET JUSTIFICATION DU PLAN 19
PREMIÈRE PARTIE: LA RÉAFFIRMATION D'UNE
DÉFINITION FONCTIONNELLE DE LA RÈGLE. 21
CHAPITRE I : LA GARANTIE DU PRINCIPE DE LA
PRIMAUTÉ DE LA PROTECTION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME.
23
SECTION I : UNE CONSÉCRATION TACITE DU PRINCIPE DE LA
SOUVERAINETÉ DES ÉTATS 23
Paragraphe I : Le respect de la juridiction souveraine des
États. 24
A - La référence aux fonctions de la
règle en droit international général 24
1 - Le principe de souveraineté en droit international
général 25
2 - Le rôle de la règle dans la pratique de
l'arbitrage international et de la protection diplomatique. 26
B - La référence aux fonctions de la
règle dans les autres instruments internationaux des droits
de l'homme 29
1 - La justification de la règle dans les textes à
portée universel 29
2 - La justification de la règle dans les textes à
portée régionale 30
Paragraphe II : Le souci de restreindre la mise en jeu de la
responsabilité internationale des États. 32
A - Un préalable à la mise en jeu de la
responsabilité internationale des États 32
1 - La règle d'épuisement des recours internes
comme un moyen de défense. 33
2 - La règle d'épuisement des recours internes
comme un corollaire de la fiction des « mains propres » 35
B - Un moyen de sauvegarder la réputation des
États. 36
1 - La place des droits de l'homme dans les relations
internationales. 36
2 - La recevabilité de la communication comme preuve d'un
comportement étatique constituant une violation de la Charte 38
SECTION II- UNE PRESOMPTION ET UNE INCITATION INDIRECTE A
L'EFFECTIVITÉ DES DROITS DE L'HOMME DANS L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE.
39
Paragraphe I- L'obligation de conformer la législation
interne à la Charte 40
A - Les rapports entre le droit international et la loi
nationale 41
1 - L'approche moniste 41
2 - L'approche dualiste 42
B - L'incorporation de la Charte dans le droit interne
43
1 - La technique de la constitutionnalisation des droits de
l'homme. 43
2 - La portée de la constitutionnalisation des droits de
l'homme 44
Paragraphe II- L'obligation d'appliquer la Charte dans
l'ordre interne 45
A - Le principe de l'applicabilité directe 45
1 - La signification du principe 46
2 - Les effets du principe 47
B - L'affirmation de l'indivisibilité et de
l'interdépendance des droits de la Charte 48
1 - La distinction classique droits intangibles et droits
conditionnels. 48
2 - L'originalité de la jurisprudence de la Commission
49
CHAPITRE II : LA SAUVEGARDE DU PRINCIPE DE LA
SUBSIDIARITÉ DE LA PROTECTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L'HOMME.
51
SECTION I- UNE PRISE EN COMPTE DE LA SUBSIDIAIRITÉ DES
RECOURS INTERNATIONAUX. 51
Paragraphe I- La reconnaissance du caractère
supplétif des recours internationaux. 51
A - La Commission : une instance consensuelle 52
1 - De la juridictionalité de la Commission. 52
2 - De l'expression du consentement 54
B - La Commission : une instance de coordination et
d'harmonisation des jurisprudences nationales. 55
1 - La négation des interprétations restrictive de
la doctrine de la marge d'appréciation et la prééminence
du mandat de la Commission 56
2 - La règle de l'épuisement des voies de recours
internes comme instrument de coordination et d'harmonisation de la
jurisprudence nationale et internationale des droits de l'homme. 58
Paragraphe II- L'acceptation du caractère ultime des
recours internationaux. 60
A - La justice internationale : une justice extrême
60
1 - L'absence de soumission à une juridiction
suprême. 60
2 - Les tempéraments au morcellement de la justice
internationale 61
B - La Commission : Un recours suprême ? 62
1 - Selon la Charte africaine 62
2 - Selon le nouveau système africain de protection des
droits de l'homme. 63
SECTION II- UNE PRISE EN COMPTE DES CONTRAINTES DU
RÈGLEMENT INTERNATIONAL 64
Paragraphe I : Le souci du filtrage et de la diligence dans
le traitement des communications 65
A - Le filtrage des communications 65
1 - La réalité des violations plurielles et
multiformes 65
2 - Le risque d'engorgement de la Commission 66
B - La diligence dans le traitement des communications
66
1 - L'incommodité des méthodes de travail 67
2 - La durée de l'instance de recevabilité devant
la Commission. 67
Paragraphe II- Les considérations relatives au
coût et à l'effectivité du règlement
international
69
A - Le coût élevé du règlement
international 69
1 - Les frais de procédure et la représentation
légale. 69
2- Les limites de l'actio popularis 70
B- La relative effectivité du règlement
international 71
1 - La nature et la portée des règlements
internationaux 72
2 - L'absence d'une juridiction d'appel 72
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 74
SECONDE PARTIE : L'AFFIRMATION D'UNE DÉFINITION
MATERIÉLLE DE LA RÈGLE. 75
CHAPITRE I : L'ÉDICTION RESTRICTIVE DES
CRITÈRES D'APPLICATION DU PRINCIPE 77
SECTION I : LE CRITÈRE FORMEL: LE CONTRÔLE
SYSTÉMATIQUE DE L'ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES.
77
Paragraphe I : L'exercice du contrôle 78
A - La charge de la preuve 78
1 - De la responsabilité d'épuiser les recours
internes 78
2 - La rotation de la charge de la preuve 79
B- Les modes de la preuve 80
1 - La preuve écrite 80
2 - La preuve verbale 82
Paragraphe II : Les effets du contrôle 82
A - La décision sur la recevabilité 82
1 - De la recevabilité de la communication 83
2 - De l'irrecevabilité de la communication 83
B - La possibilité d'une réexamination de la
communication 84
1 - Les conditions de la réexamination 84
2 - La portée de la réexamination 84
SECTION II - LES CRITÈRES MATÉRIELS : LA
DISPONIBILITÉ, LA SATISFACTION ET L'EFFECTIVITÉ DES RECOURS
À ÉPUISER 85
Paragraphe I - Des recours internes effectifs : Le
critère de disponibilité 86
A- La caractérisation de la disponibilité des
recours internes 86
1 - Une disponibilité théorique : l'existence des
recours internes 86
2 - Une disponibilité pratique : l'accessibilité
des recours internes 88
B - Une garantie du droit à un recours 89
1 - Un droit d'accès à la justice 90
2 - Un droit à un procès équitable 91
Paragraphe II - Des recours internes efficaces : Les
critères de satisfaction et d'effectivité.... 92
A- L'admission exclusive des modes juridictionnelles
92
1 - La signification de l'effectivité et de la
satisfaction des recours internes 92
2 - La pertinence des recours juridictionnels 93
B - Une garantie du droit à la réparation
96
1 - La restitution et l'indemnisation 97
2 - La réadaptation et les garanties de non
répétition 98
CHAPITRE II : L'ÉNONCIATION NON LIMITATIVE DES
CIRCONSTANCES D'EXCEPTION.... 100
SECTION I- LES EXCEPTIONS RELATIVES AUX CIRCONSTANCES
EXCEPTIONNELLES D'ORDRE POLITIQUE ET JURIDIQUE 101
Paragraphe I - L'État d'urgence et les violations
graves et générales 102
A- Les préalables à l'exception 102
1 - Une situation de trouble politique... 102
2 - ... Entraînant des violations graves et massives des
droits de l'homme 103
B- La portée de l'exception : la limitation des effets
des solutions nationales 104
1 - L'amnistie et la grâce 104
2 - La survivance de la responsabilité internationale de
l'État 105
Paragraphe II - Une mauvaise configuration de l'ordre
juridique ou des procédures judiciaires
105
A - Les exemptions du fait de dispositions légales
106
1 - L'existence de clauses dérogatoires 106
2 - Des recours discrétionnaires ou extraordinaires 106
3 - La non justiciabilité de l'objet de la plainte 108
4 - Un accès inéquitable à la justice du
fait de la loi 108
B - L'exemption en cas de prolongement anormal des
procédures 109
1 - Les alternatives à l'absence de critères
standards 110
2 - La durée moyenne de l'instance nationale 111
SECTION II- LES EXCEPTIONS RELATIVES AUX CIRCONSTANCES
PERSONNELLES DU REQUERANT 113
Paragraphe I- L'impossibilité pour le requérant
de mettre en oeuvre les recours internes 113
A - Les conditions d'admission de l'exception 113
1 - Un élément matériel en cas de
déportation : la détention et l'expulsion consécutive
113
2- Un élément psychologique en cas d'exil : La
crainte pour sa vie perpétrée par des institutions
identifiée de l'Etat 114
A - La portée de l'exception 116
1 - La protection contre des représailles politiques
116
2 - La légalité des expulsions et l'interdiction
des expulsions collectives 117
Paragraphe II- Le décès de la victime et
l'urgence 118
A - Le décès de la victime : une
dérogation péremptoire à la règle 118
1 - La forclusion des recours existants 118
2 - Les conséquences de l'exception 118
B - L'urgence : une dérogation provisoire à la
règle 119
1 - Les conditions d'admission de l'urgence 119
2 - La portée des mesures provisoires 120
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 121
CONCLUSION GÉNÉRALE 122
BIBLIOGRAPHIE 126
ANNEXES 145
TABLE DE MATIÈRES 187
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