2.3.3. L'indispensable transition : harmonisation,
convergence et monnaie commune
L'unité africaine et la volonté affichée
d'y parvenir animant les chefs d'Etat africains reposent sur les efforts
d'intégration du continent. Les efforts d'amélioration de la
gouvernance politique et économique prônée par le nouveau
partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) ne peuvent faire
l'économie de l'harmonisation et de la cohérence des politiques
monétaires, financières et économiques. Cela ne peut se
faire en isolation ou en marge de la construction d'un environnement
institutionnel, légal et judiciaire prévisible.
Il n'est donc pas possible de dissocier la conquête de
la souveraineté politique de la souveraineté économique et
financière. Dès 1963, la défunte organisation de
l'Unité Africaine (OUA) a posé les bases de la création
d'une monnaie africaine unique sur un plan continental. L'article 44 du
Traité instituant la communauté économique africaine (AEC)
et l'article 19 de l'Acte constitutif de l'union monétaire africaine
adopté le 11 juillet 2000 à Lomé ont posé les bases
de la création de l'union monétaire africaine. Face aux
contraintes multiples, il apparaît clairement qu'il sera
nécessaire de passer par une période transitoire et
d'harmonisation des zones monétaires régionales avec des monnaies
sous-régionales avant d'envisager la création d'une monnaie
continentale et d'une banque centrale africaine.
2.3.4. Une banque centrale n'est pas une banque de
développement
La définition d'une
banque centrale s'impose du fait des interprétations de certains
dirigeants politiques africains. Il est encore souvent inconcevable pour ces
derniers de voir cette institution s'affranchir de leurs injonctions et
organiser son indépendance sur la base d'une orthodoxie
financière. Par ailleurs, il y a souvent pour les mêmes dirigeants
de concevoir qu'une banque centrale n'est pas nécessairement une banque
de « développement » mais d'abord une institution
d'organisation de la crédibilité de la monnaie. Elle ne peut, au
risque de se décrédibiliser, soutenir indéfiniment des
déficits budgétaires appelés par défaut de langage
un soutien au développement alors qu'il s'agit souvent de
conséquences de décisions erronées, reflétant
souvent une difficulté à prendre ses responsabilités
vis-à-vis des citoyens.
Une banque centrale est une banque dotée de
privilèges plus ou moins étendus pour émettre de la
monnaie en échange du financement de la dette publique. Pour ce faire,
elle a besoin de s'assurer du respect d'un certain nombre de règles de
prudence et de critères de convergence. Sans garde-fou, un tel
système dans le contexte africain peut conduire à financer
indéfiniment un pays dont la gouvernance est déficiente. Cela
peut avoir, entre autres, comme conséquences des dévaluations
successives et une inflation non maîtrisée. On parle alors d'Etat
défaillant, incapable d'honorer ses engagements vis-à-vis de ses
principaux créditeurs y compris les opérateurs économiques
locaux, ce qui a pour conséquence de mettre en jeu la stabilité
financière et la sécurité collective.
La banque centrale, devenue avec l'évolution la
« banque des banques », a aussi pour fonction de refinancer
les banques secondaires. De ce fait, elle influence directement les
liquidités et la monnaie en circulation en fournissant de la monnaie
« centrale », sous la forme de création de la
monnaie.
La banque centrale fonde l'unité et la
pérennité du système de paiements. Elle est la garante de
la monnaie nationale et assure la confiance en elle. En veillant à la
stabilité de la valeur interne et externe de la monnaie : elle a un
rôle d'une part sur la politique monétaire et, d'autre part, sur
celle de change. En tant qu'institution qualifiée de
« prêteur en dernier ressort », la banque centrale
doit veiller à prévenir les crises et les défaillances en
cascades des banques tout en veillant à ce que celles-ci n'aient pas de
conséquences fâcheuses sur le système de paiements.
Ainsi, accepter de céder une parcelle du pouvoir
national à une structure sous-régionale ou continentale,
fusse-t-elle une banque centrale, a toujours posé un problème en
Afrique. En cela, c'est tout le problème de l'intégration
monétaire qui est posé en filigrane. Cette intégration
suppose que plusieurs économies aient entre elles une
mobilité totale des capitaux : cela peut prendre la forme
de monnaies liées entre elles par des taux de change fixes ou alors
prendre la forme d'une monnaie unique dans le cadre d'une union
monétaire. Les chefs d'Etats africains ont choisi la seconde approche
et, compte tenu des contraintes liées aux frontières dites
intangibles, ont sagement repoussé la date de création de cette
monnaie commune à l'an 2021.
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