Chapitre 4 :
Caractérisation physico- chimique des eaux
usées
1. Introduction
Selon la définition de la directive 91/271/CEE, font
partie des eaux dites sales les eaux urbaines résiduaires et les eaux
industrielles usées. Les eaux urbaines résiduaires sont les eaux
ménagères usées, les eaux usées (noires ou
grises) qui proviennent des établissements et des lieux de
résidence et sont produites essentiellement par les activités
ménagères et le métabolisme humain) ou le mélange
des eaux ménagères usées avec les eaux industrielles
usées et/ou des eaux de ruissellement (Commission européenne,
1991). Les eaux industrielles usées sont toutes les eaux provenant
de locaux utilisés à des fins commerciales ou industrielles,
autres que les eaux ménagères usées et les eaux de
ruissellement (Bliefert et Perraud, 2001).
Rappelons en passant que les eaux usées grises,
telles que définies par Eriksson et al. (2002),
sont les eaux usées dépourvues de toute composante en
provenance des toilettes. Elles correspondent donc aux eaux usées
produites dans les salles de bain, les baignoires, les lavabos, les machines
à laver et les cuisines, au niveau des maisons d'habitation, des
bureaux, des écoles, etc. En général, les eaux grises,
dont la fraction totale estimée à 75% du drainage
résidentiel (Hansen et Kjellerup, 1994 ; Eriksson et al,
2002), contiennent des niveaux faibles de matières organiques
comparés aux eaux noires (eaux usées ordinaires), dans
lesquelles sont inclus urine, matières fécales, papier
hygiénique...
Les eaux pluviales, elles, sont par définition des
précipitations liquides d'eau atmosphérique sous forme de
gouttes. Ces eaux contiennent de nombreux contaminants (Valiron et Tabuchi,
1992). Elles renferment également des polluants, des gaz de
l'atmosphère à l'état dissous (N2, O2 et surtout CO2), les
différentes combinaisons chimiques rencontrées dans
l'atmosphère (H2SO4, NaCl au voisinage des côtes, les sels de Ca
et Mg, les PO43-, etc.) des poussières organiques et des
microorganismes (Blanchard et Navarro, 1982).
Par ailleurs, les effluents d'eaux
usées des hôpitaux sont d'un registre particulier. Leur rejet dans
le réseau d'assainissement communal au même titre que les
effluents classiques urbains, sans traitement préalable, pose un
important problème environnemental (Leprat, 1998 ; Clin Paris-Nord,
1999 ; Emmanuel, 2004). Leurs différentes sources (rejets
domestiques, effluents des salles d'opération, rejets des laboratoires,
des services de radiologie, effluents des cafétérias et ceux
provenant du nettoyage de la vaisselle) donnent finalement naissance à
des rejets liquides hybrides, à la fois domestiques, industriels et
très spécifiques des activités de soins et de recherches
médicales (Deloffre-Bonnamour, 1995 ; Emmanuel, 2004),
marqués toutefois par une importante dilution (Leprat, 1998 ;
EPA, 1989 ; Emmanuel, 2004).
2. Mesure des matières polluantes
contenues dans les eaux usées :
Trois principaux paramètres mesurent les matières
polluantes des eaux usées domestiques :
2.1. Les matières en suspension (MES) :
représentent l'ensemble des particules minérales et organiques
contenues dans les eaux usées. Elles sont exprimées en mg par
litre. Ce sont les matières non dissoutes de diamètre
supérieur à 1um contenues dans l'eau. Elles comportent à
la fois des éléments minéraux et organiques et
décantent spontanément.
2.2. La demande biochimique en oxygène (DBO) : est
définie par la quantité d'oxygène consommée par les
microorganismes pour assurer la dégradation de la matière
organique par voie biologique. Cette mesure donne une approximation de la
charge en matières organiques biodégradables d'un rejet urbain.
Elle est exprimée en mg d'oxygène par litre. Elle explique la
quantité de matières organiques biodégradables
présentes dans l'eau. Plus précisément, ce
paramètre mesure la quantité d'oxygène nécessaire
à la destruction des matières organiques grâce aux
phénomènes d'oxydation par voie aérobie. Pour mesurer ce
paramètre, on prend comme référence la quantité
d'oxygène consommé au bout de cinq jours. C'est la DBO5, demande
biochimique en oxygène sur cinq jours.
2.3. La demande chimique en oxygène (DCO) : permet
d'apprécier la concentration en matières organiques ou
minérales, dissoutes ou en suspension dans l'eau, au travers de la
quantité d'oxygène nécessaire à leur oxydation
chimique totale. Elle correspond à une estimation de la matière
oxydable présente dans l'eau, que la matière soit d'origines
minérale ou organique.
Elle est exprimée en mg d'oxygène par litre. Elle
représente la teneur totale de l'eau en matières oxydables.
Remarque : il existe une
fraction de la matière organique qui est très difficilement,
voire non biodégradable ; on la qualifie alors de DCO dure ou
réfractaire. Cette fraction de la matière organique
génère peu de problèmes en épuration des eaux
résiduaires urbaines, ce qui est loin d'être le cas pour les
effluents industriels ou mixtes, pour lesquels il est parfois difficile de
respecter la réglementation en termes de concentrations limites dans les
rejets épurés.
Le rapport DCO/DBO5 donne une première estimation de la
biodégradabilité de la matière organique d'un effluent
donné ; on convient généralement des limites suivantes
:
· DCO/DBO5 < 2 : l'effluent est facilement
biodégradable.
· 2 < DCO/DBO5 < 3 : l'effluent est
biodégradable avec des souches sélectionnées.
· DCO/DBO5 > 3 : l'effluent n'est pas
biodégradable.
En outre, pour être performants, les micro-organismes
épurateurs exigent des apports spécifiques en nutriments (DBO5,
azote et phosphore) dans les proportions DBO5/N/P = 100/5/1.
En fonction du traitement biologique recherché et des
populations bactériennes à favoriser, il convient
également de respecter les rapports nutritifs suivants :
· 10 < DCO/N < 60, pour favoriser la
dénitrification (transformation de l'azote sous forme de nitrates en
azote gazeux).
· 30 < DCO/P < 300, pour favoriser la dé
phosphatation (suraccumulation du phosphore par les
bactéries).
C'est pourquoi, il peut être nécessaire
d'apporter des nutriments à la biomasse (carbone, phosphore, azote)
dans le cas où la qualité de l'eau à traiter serait
trop éloignée des conditions optimales requises.
Les eaux usées urbaines contenant aussi des
contaminants microbiologiques, bactéries, virus pathogènes et
parasites, le rejet des eaux usées à proximité de lieux de
baignade ou de zone d'élevage de coquillages fait courir un risque pour
la santé. Il doit faire l'objet de précautions
particulières. Pour quantifier globalement les matières
polluantes contenues dans les eaux usées domestiques (et
assimilées), on utilise comme unité de mesure l'
"équivalent habitant" : EH. La notion d'équivalent habitant est
utilisée pour quantifier la pollution émise par une
agglomération à partir de la population qui y réside et
des autres activités non domestiques. Selon la définition de la
directive européenne du 21 mai 1991"relative au traitement des eaux
urbaines résiduaires", un équivalent-habitant
représente une DBO5 de 60 g d'oxygène par jour. A titre
d'exemple, la quantité de matières polluantes produite par Paris
représente 13,4 millions d'équivalents-habitants par jour. Cette
notion sert aussi à déterminer la capacité de traitement
d'une station d'épuration urbaine.
2.4. Les autres facteurs limitant (pH, température,
salinité) :
Le pH est un élément important pour
l'interprétation de la corrosion dans les canalisations des
installations de l'épuration. Il dépend de l'équilibre
carbonique et de l'activité photosynthétique des
écosystèmes. Le déversement des eaux usées
domestiques ou industrielles peut influencer le pH du milieu malgré son
pouvoir tampon.
Le développement bactérien est possible dans un
intervalle de pH assez large : 5 à 9. Certains procédés
biologiques réclament des gammes spécifiques de pH : les
bactéries nitrifiantes nécessitent des pH compris entre 7,4 et 9
pour Nitrosomonas, 8,5 et 9,1 pour Nitrobacter ; en revanche, les
bactéries déphosphatantes Acinetobacter s'épanouissent
davantage avec des pH plus acides, compris entre 6,1 et 7,5. Il faut aussi
prendre en compte les modifications pouvant être entraînées
par les processus biologiques, certains conduisant à des acidifications,
d'autres à des alcalinisations, ce qui peut rendre inutile toute
rectification extérieure du pH.
La température est un facteur clé de
l'activité biologique. Des températures inférieures
à l'optimum ont en général un impact plus important sur le
procédé que des températures supérieures à
ce même optimum. Une règle, généralement admise,
veut que les taux de croissance bactérienne doublent pour chaque
incrément de température de 10°C, jusqu'à atteindre
la valeur optimale. En fonction des températures optimales, les
bactéries sont dites :
· psychrophiles : organismes pouvant vivre jusqu'à
des températures de 0°C ;
· mésophiles : organismes dont la croissance est
favorisée entre 25 et 40°C ;
· thermophiles : organismes dont la croissance est
favorisée à des températures égales ou
supérieures à 50°C.
La concentration en sels dissous peut être un
élément limitant de la croissance bactérienne (et donc
de la biodégradabilité d'un effluent). Certaines
bactéries peuvent concentrer des sels jusqu'à 1000 fois par
rapport à la concentration du milieu (c'est par exemple le cas du
potassium, K+), et manifester une grande résistance à la
concentration saline du milieu. Ainsi, selon les espèces, la
concentration maximale de NaCl n'entravant pas leur croissance peut varier de
50 à plus de 240 mg/l. Par contre, certains types de bactéries,
dites halophiles,
nécessitent du sel pour leur croissance : les
concentrations nécessaires en NaCl peuvent varier de 1 à 6% pour
les faiblement halophiles, jusqu'à 15 à 30% pour les halophiles
extrêmes.
2.5. Azote global (NGl) : quantité totale d'azote (en
mg/l) correspondant à l'azote organique (Norg) et ammoniacal (ion
ammonium, NH4+) et aux formes minérales
oxydées de l'azote :
nitrates (NO3.) et nitrites ( NO2
-). L'analyse de l'ammoniac est réalisée sous un pH
élevé par la technique de minéralisation (chauffage et
condensation) et un test de colorimétrie.
Le test Kjeldahl consiste à faire subir à un
échantillon, un processus de digestion où l'azote organique est
transformé en ammoniac. Par conséquent, l'azote Kjeldahl (NTK)
représente l'azote organique et ammoniacal. Les formes oxydées
(nitrates et nitrites) sont mesurées par
colorimétrie.
2.6. Phosphore total (PT) : quantité en (mgP/l)
correspondant à la somme du phosphore contenu dans les ortho phosphates,
les polyphosphates et le phosphate organique. Le phosphore qui pollue les eaux
est en majeure partie sous forme de phospvhates (PO3- 4).
Typiquement ce composé est déterminé
directement par addition d'une substance chimique qui forme un complexe
coloré avec le phosphate.
Les teneurs en azote et en phosphore sont également des
paramètres très importants, à cause des problèmes
d'eutrophisation expliqués plus haut. Cette fragilité du milieu
naturel a été prise en compte par la réglementation avec
la notion de "zones sensibles".
On pourrait y rajouter des mesures plus spécifiques
concernant la présence de toxiques d'origine minérale
(mercure, cadmium, plomb, arsenic...) ou organique
(composés aromatiques tels que le phénol, PCP...). On
trouvera aussi les mesures du Carbone Organique Total (COT), autre mesure de la
quantité de matière organique, des Matières Volatiles en
Suspension (MVS) qui représentent la partie organique (donc
biodégradable) des MES, ou encore des Matières Oxydables
(MO). Cette dernière est définie comme:
MO = (2 DBO5 + DCO) / 3
Cette mesure est particulièrement utilisée par les
agences de l'Eau pour établir les quantités de matières
organiques présentes dans un effluent.
|