De la problematique du controle et de la répression de la circulation illicite des armes légères et de petit calibre: impact sur la promotion de la sécurité collective en Afrique des grands lacs( Télécharger le fichier original )par John KAZEMBE Université de Goma - Licence 2008 |
§4. Le rôle des réfugiés dans la circulation des armes.Les guerres civiles en Afrique finissent toujours par produire un grand nombre de réfugiés qui, le plus souvent sinon tout le temps, emportent avec eux des armes légères facilement transportables et dissimulables à cause de leur légèreté. Ces armes, qui échappent aux contrôles douaniers et policiers, peuvent ainsi passer d'un pays à un autre selon les mouvements des réfugiés. Justement, l'Afrique Centrale compte aujourd'hui un grand nombre de réfugiés issus, soit des conflits armés de la sous-région, soit des guerres civiles hors de la sous-région (Soudan, Somalie, etc.). En 2006, le nombre de réfugiés en Afrique Centrale (pays des Grands Lacs inclus) est estimé à 135917528(*) . Il peut donc être imaginé, sans que cela soit exact, le nombre d'armes en circulation dans la sous-région si on admet que chaque réfugié détient une arme. SECTION II : LES CONSEQUENCES DE LA CIRCULATION DES ALPC EN AFRIQUE CENTRALEI. AU PLAN POLITIQUESLa circulation illicite et anarchique des armes légères s'accompagne toujours de graves conséquences sur le plan politique. Elle entraîne la militarisation de la population et bloque le dialogue ; elle est le catalyseur des conflits armés ; elle est enfin source d'instabilité politique. §1. La militarisation de la population civile et l'impossible dialogueLe processus de militarisation de la population civile signifie que les groupes en présence ont décidé de créer entre eux un rapport de forces au moyen des armements et d'abandonner systématiquement le terrain de la discussion politique et de la négociation. La logique armée est rigoureusement opposée à la logique de la négociation ou de la discussion politique et dans la plupart des situations concrètes, il y a incompatibilité entre ces deux processus. Dans plusieurs cas, bien qu'un accord négocié entre les parties ait pu aboutir à une solution politique, celle-ci, surtout quand elle ne satisfait pas les intérêts des uns et des autres, n'a pu être appliquée, à cause de la persistance de groupes armés qui ont fait tout pour relancer les troubles ou les combats. En Afrique, les exemples d'accords avortés sont nombreux. En 1991, en Angola, pour ne citer que cet exemple, les accords de Bicesse n'ont pu aboutir à un cessez-le-feu entre les forces gouvernementales du MPLA29(*) de Eduardo Dos Santos et les troupes rebelles de l'UNITA30(*) de Jonas Savimbi, fortement armées par certaines puissances étrangères31(*). Au Rwanda en 1993, les accords d'Arusha ont échoué ; ils ont plutôt abouti au génocide sanglant de 1994. Dans chacun de ces cas, on a sous-estimé l'importance des armes légères qui ont pu être utilisées par les factions d'irréductibles, refusant les accords. Aujourd'hui en RDC, à cause de l'accumulation excessive des armes, il est difficile de convaincre le mouvement rebelle de Laurent Nkunda de s'asseoir sur la table de négociation avec le gouvernement de Kinshasa. Les combats sanglants qui ont repris à l'Est du pays ce mois de décembre 2007 ne sont que le résultat de la possession illégale des armes à feu. De manière plus générale, la militarisation d'une partie de la société civile fragilise toute tentative de règlement des différends de manière pacifique. Chaque incident peut être l'étincelle qui met le feu aux poudres. Le scénario est classique : « un fait isolé entraîne des règlements de compte qui provoquent à leur tour des actes de vengeance aboutissant finalement à des massacres 32(*)». Dans un tel climat, il est difficile, voire impossible de raisonner ceux qui détiennent des armes. Les mécanismes de dialogue et de négociation sont rejetés puis qu'il est plus facile d'atteindre ses objectifs en faisant parler les armes. * 28 Diplomatie N°26, Mai-Juin 2007, P.76. * 29 Mouvement Populaire pour la Libération de l'Angola. * 30 Union Nationale pour la Libération Totale de l'Angola. * 31 Surtout les Etats -unis. * 32 Bernard ADAM : « Les transferts d'armes vers les pays africains », in Documents du GRIP, Bruxelles, 1997, P.3. |
|