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Le traitement médiatique du crash du vol Rio Paris par TF1 et Globo

( Télécharger le fichier original )
par Fernanda Morozini Batista
Université Paris 2 Panthéon-Assas - Institut Français de Presse 2010
  

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II. L'effet d'enquête : l'utilisation d'arguments opposés

Toujours selon Arnaud Mercier31, l'utilisation d'arguments opposés, ou la présentation bipartite, est l'une des constantes du journal télévisé. « Le journaliste recherche systématiquement les points de vue contraires qui peuvent exister, pour mettre en valeur l'objectivité du discours. ».

L'analyse de l'hypothèse de la foudre, affichée par l'émission du 20 Heures du 1er juin 2009 comme étant la cause principale de l'accident, peut également nous illustrer l'utilisation d'arguments opposés comme moyen d'obtenir de la crédibilité aux yeux du spectateur, puisque malgré le fait que la foudre ait été annoncée dans le générique (« sans doute été foudroyé ») et dans certains reportages, d'autres hypothèses ont été également présentées au cours de l'émission.

31 MERCIER Arnaud, Le journal télévisé: politique de l'information et information politique, p. 201

ANNONCE RAPPEL

GENERALE GENERAL

Comme nous illustre l'image ci-dessus, l'hypothèse (couleur verte) a été traitée quatre fois pendant l'émission, en plus du générique (couleur blanche) : la première fois dans un bloc d'annonce générale sur le crash, la deuxième fois dans une série de reportages et interviews, dont une des interviews a été reprise plus tard dans l'émission (troisième fois) et la quatrième fois dans le rappel général. (La couleur noire représente les informations ne concernant pas le crash).

Dans l'annonce générale du crash, la présence d'arguments opposés a déjà été évidente. L'hypothèse

annoncée par le narrateur est une « cause mystérieuse », suivi par le témoin de François Brousse, directeur de communication d'Air France, qui affirme que « on ne connaît pas encore la cause ». Pourtant, une question posée ensuite par un journaliste de TF1 va laisser voir le choix de la rédaction de confirmer l'idée de la foudre : « c'est possible que ce soit une foudre? », sa réponse a été « oui ».

La série sur les hypothèses, composée de trois reportages et deux interviews, va également illustrer l'utilisation d'arguments opposés ; les deux premiers reportages et la première interview vont présenter des hypothèses opposées à celle de la foudre, pendant que le troisième reportage et la deuxième interview vont reprendre l'idée de la cause comme étant météorologique :

Le premier reportage se concentre sur un témoin qui affirme la cause comme étant un enchaînement de facteurs : météo, erreur humaine, faille technique. Le deuxième reportage vient expliquer que les avions sont construits pour supporter les décharges électriques, et la première interview va conclure que la foudre ne fait pas tomber un avion et que "quelque chose d'autre s'est passé", l'hypothèse la plus acceptable étant un enchaînement de problèmes, dont une faille technique.

Dans le sens contraire, le troisième reportage explique la formation de la zone du "pot au noir", concluant que l'avion aurait passé par une zone de violents orages et turbulences, et la deuxième interview confirme cette idée, a travers la participation d'Evelyne Dhéliat, présentatrice de la météo de TF1. Dhéliat rajoute par ailleurs une autre hypothèse qui se révélera également fausse : le givre que se serait déposé sur l'avion et qui l'aurait alourdi.

La fin du journal va laisser l'hypothèse dans l'air, puisque le rappel général va conclure que la foudre ne serait pas la seule hypothèse « Plusieurs experts doutent que la foudre, hypothèse évoquée par Air France, soit l'unique cause de la disparition du vol ».

Les arguments opposés sur les hypothèses de la cause de l'accident vont ainsi remplir le discours de l'émission du 20 Heures du 1er juin 2009. Or, si cette présentation bipartite a été un choix stratégique de TF1 dans le but de « mettre en valeur l'objectivité du discours », elle a fini par nuire à cette objectivité ! Arnaud Mercier rajoute que « Ce faisant, pourtant, l'idée même d'objectivité est remise en cause, puisqu'il il n'est pas établi de hiérarchie dans les points de vue, qui semblent avoir la même légitimité ou le même statut ». Une hiérarchie des arguments sur la cause du crash est mise en évidence par le générique, mais l'incohérente organisation de la présentation des arguments opposés va rendre trop subtile cette hiérarchie, d'autant plus que la rapidité avec laquelle les informations sont présentées ne laissent pas le temps au spectateur d'y réfléchir.

Un autre fait intéressant a cette analyse est que les hypothèses sur la cause de l'accident seront également opposées entre l'annonce des reportages par la présentatrice en studio et la conclusion des mêmes reportages, ainsi qu'entre les questions posées aux interviewés et leur réponses ! Entre le premier et le deuxième reportage, Laurence Ferrari affirme "on vient de le voir, la foudre pourrait être à l'origine de cette catastrophe", quand la conclusion du reportage présentait l'idée d'un enchaînement des causes, dont erreur humaine et faille technique. Dans la même logique, Ferrari affirme que "les conditions de météo ont joué un rôle prédominant dans cet accident", après l'interview qui avait conclu que "quelque chose d'autre s'est passé". D'ailleurs, la présentatrice va jusqu'à affirmer par erreur que quand il y a de la foudre, le système électrique arrête de fonctionner, et cela après un reportage qu'expliquait que les avions sont foudroyés en moyenne une fois par

an !32

Cette opposition entre le discours énoncé par la présentatrice et le discours relayé par les reportages
finit par rendre l'information incohérente. Ainsi, le recours à une présentation bipartite engendre un

32 La présentatrice va être également corrigée par Evelyne Dhéliat en affirmant que « les conditions météo étaient particulièrement défavorables cette nuit dans cette zone de l'équateur », quand en fait « Il n'y en avait pas plus que d'habitude ». Ces failles courantes de la présentatrice laissent imaginer qu'elle ne prend connaissance des informations diffusées qu'au moment du tournage, ce qui signifie qu'il n'y a pas de vérification de la cohésion de l'émission une fois les reportages édités : autre signe de contrainte d'immédiateté

manque de clarté du discours. Une fois de plus, un procédé appliqué dans le but d'avoir de la crédibilité peut produire un effet contraire.

Le Jornal Nacional va également utiliser la technique des arguments opposés, notamment au sujet de l'enquête, pourtant de manière moins caricaturale que TF1. Toutefois, un exemple ne paraît pas ici nécessaire.

Un autre procédé utilisé par les deux journaux télévisés dans le but de gagner de la crédibilité a été le recours à la parole technique.

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