3. Discussion
Nous avons vu que l'analyse des émissions du Jornal
Nacional de Globo et du 20 Heures de TF1
pendant les 10 jours qui ont suivi l'accident ont présenté
plus de similitudes que de différences ; les techniques de construction
de l'émission étant similaires ainsi que les informations
priorisées : enquête et recherches. Nous avons ensuite émis
l'hypothèse que ces similitudes seraient d'autant plus accentuées
que la vérité sur le sujet est inconnue ou indicible.
Partant de cette idée que face à un sujet pour
lequel les médias n'ont pas beaucoup a dire, ou ne peuvent pas le dire,
ils s'accrochent davantage aux techniques de mise en récit de
l'information, nous discuterons des différences rencontrées entre
les deux journaux télévisés en analysant les techniques
utilisées.
Avant de nous y lancer, j'aimerais cependant vous proposer un
éclairage sur les concepts qui concernent l'idée de gestion de
l'opinion publique. Je ferai une brève présentation des concepts
d'espace communicationnel et d'opinion publique, appuyés sur les textes
d'Arnaud Mercier et Patrick de Charaudeau.
I. Espace communicationnel
Arnaud Mercier20, dans les années 90, nous
invite a repenser le modèle d'espace public proposé par l'Ecole
de Francfort, d'un « lieu privilégié de confrontation
des opinions éclairées entre l'Etat et les individus ou les
groupes sociaux », avec la présence des médias comme
relais de la discussion publique. L'auteur qualifie cette nouvelle conception
d'espace public d'espace communicationnel, où les acteurs qui
concentrent la parole sont les hommes politiques, journalistes, professionnels
de la communication, voire les chercheurs et également les sondeurs et
commentateurs de sondages, et où le peuple devient le « public
».
Les médias, dans cette logique, sont les gestionnaires
de l'accès a l'espace communicationnel, ce qui leur confère un
rôle central dans la gestion de la discussion publique, mais qui
n'implique cependant
20 MERCIER Arnaud, Le journal
télévisé: politique de l'information et information
politique, p. 135
pas un pouvoir surpuissant des médias. En effet, ce
pouvoir s'exerce en amont, au niveau de la sélection et du traitement
réservé à certaines personnes, catégories sociales
et idées. Ce rôle gestionnaire ne signifie également pas
que d'autres canaux d'influence, comme le lobbying, actions collectives
non-médiatisées, ou autres instances collectives de production du
sens social, comme la famille, l'école ou le travail, ne persistent pas.
D'ailleurs, l'émergence de l'internet vient changer la logique de
gestion de l'espace communicationnel. Or, si l'internet permet la diffusion de
la parole du plus grand nombre dans un espace public de discussion, son
accès reste encore plus faible que celui à la
télévision ; 58,1 millions est le nombre de français
équipés d'une télévision en 2009, soit 90% de la
population, tandis que le nombre d'internautes réguliers est de 19,8
millions, soit 31% de la population. Le temps moyen passé devant la
télévision est par ailleurs plus long que celui passé sur
l'internet : 3h25 contre 1h20 en 2009, malgré une augmentation du temps
passé sur internet et une baisse du temps passé devant la
télévision21.
L'accès a l'espace communicationnel géré
en grande partie par la télévision reste donc une condition
essentielle pour « se faire entendre > dans l'espace public, les
médias désignant les acteurs qui auront la parole. Mais
l'influence de l'opinion publique dans la production de l'information
médiatisée ne peut pas être négligée.
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