INTRODUCTION
Dans les pays tropicaux en général et dans les
pays en voie de développement en particulier, les
écosystèmes naturels ont souvent une forte propension à la
dégradation. A cause du feu, du surpâturage et de l'agriculture,
il est peu probable que la végétation originelle puisse
repousser. A cause de la faiblesse et de l'inaptitude des sols à
supporter une agriculture intensive, les utilisateurs ont tendance à
adopter des formes d'agriculture et de pastoralisme destructrices et instables
qui menacent l'environnement. L'agriculture itinérante se pratique parce
que la fertilité des terres nouvellement défrichées chute
rapidement. La terre est rapidement abandonnée et retourne à son
état naturel mais l'agriculture y a laissé une cicatrice
permanente. La couche superficielle du sol a disparu et dans certains cas (sol
latéritique) le sol exposé devient une croûte endurcie que
la végétation naturelle ne peut recoloniser facilement.
(Mackinnon et al., 1990).
Au niveau des aires protégées du Bénin et
de leurs terroirs villageois, les mêmes problèmes de gestion des
écosystèmes se posent.
En effet, la forêt classée des Monts
Kouffé est située dans le Centre-Bénin, entre 1°40'
et 2°15' de longitude Est et entre 8°25' et 8°50' de latitude
Nord.
Les groupes cibles auxquels s'adresse principalement le
travail de recherche portant sur `'Effet de bordure des terroirs
villageois sur les aires protégées suite à la dynamique de
l'utilisation des terres : cas de la Forêt Classée des Monts
Kouffé au Bénin», sont les différents
acteurs et partenaires de l'écodéveloppement de la forét
classée et de son terroir villageois.
Parmi ceux-ci, figurent notamment :
- les conservateurs des aires protégées. Vu leur
position hiérarchique, ils représentent
l'élément-clé de la gestion équilibrée des
ressources naturelles du macro-écosystème forêt
classée-terroir viallgeois ;
- les décideurs politiques , ayant juridiction sur
l'environnement naturel et l'utilisation du Capital Nature ;
- les gardes (gardes-chasse, forestiers,...) qui servent en
fait d'intermédiaires entre l'autorité de la forét
classée et les utilisateurs du Capital Nature (villageois, cultivateurs,
éleveurs, ...) ;
- les éducateurs (enseignants, chercheurs) et les
sensibilisateurs par lesquels passe l'information voulue en direction de
l'ensemble des couches de la population locale (cadres, gardes, paysans,
écoliers,...) ;
- les villageois, principaux partenaires de
l'écodéveloppement des terroirs villageois oüils
vivent traditionnellement ;
- les associations de chasseurs qui depuis des siècles
prélèvent un certain pourcentage du capital-gibier selon des
normes coutumières et dont dépend en fin de compte
l'équilibre biologique naturel ;
- les associations de femmes dont l'action dynamique n'est
plus à démontrer dans le processus du développement rural
ainsi que dans les diverses formes d'activités socioéconomiques
(production de charbon, vente de viande boucanée,...) ;
- les associations d'artisans et de commerçants, sans
lesquels le mécanisme d'une
gestion équilibrée des ressources naturelles serait
improductif et aléatoire ;
- les cultivateurs dont le principal sinon l'unique objectif est
l'extension de leurs
champs et la protection de ceux-ci contre les animaux sauvages
et la divagation du
bétail.
Pour mieux faire comprendre le bien fondé de ce
thème de recherche, les quatre points suivants seront
développés :
1- Connaissance des limites précises entre le milieu
d'étude et la forét classée des Monts Kouffé.
2- Diagnostic multitemporel du milieu d'étude basé
sur l'image satellitaire LANDSAT-TM de 1986 et l'orthophotoplan de 2003.
3- Impacts des axes routiers et des cours d'eau sur la dynamique
de l'utilisation des terres dans le milieu d'étude.
4- Solutions locales et raisons pour une gestion durable des
ressources naturelles.
1. PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
La biodiversité est l'une des composantes majeures de
l'environnement dont la valeur est inestimable. Plusieurs menaces pèsent
aujourd'hui sur la biodiversité. La question qui se pose est de savoir
comment sauver la biodiversité.
Dorst (1965), Dajoz (1985), PNUE (1992) et Sinsin (2003)
préconisent la création, l'aménagement et la gestion des
aires protégées pour conserver la biodiversité. La
création d'un parc ou d'une réserve prive les populations locales
d'une partie de territoire dont elles étaient traditionnellement
responsables (Heymans, 2000). Or, ces populations rurales pauvres sont les plus
dépendantes des ressources naturelles dont elles tirent
généralement l'intégralité de leurs moyens
d'existence (ONATet al., 1996). L'extension de l'agriculture a
exercé une influence catastrophique sur bien des
écosystèmes terrestres (Ramade, 1982). Selon (Rikhari et Palni,
1999), le feu a été décrit comme le premier outil
utilisé par les êtres humains qui cause beaucoup de dommages
à l'écosystème. Ainsi, l'essartage qui est pratiqué
dans de nombreuses régions tropicales, consiste à
défricher et à brûler une parcelle dans le but de la
cultiver pendant quelques années avant d'abandonner le site à une
longue jachère régénératrice (Mitja et Puig,
1993).
Au Bénin et dans les terroirs villageois de la
forét classée des Monts Kouffé, l'utilisation de l'espace
et des ressources naturelles se fait à travers l'agriculture,
l'élevage, le braconnage et l'exploitation forestière. Avec une
superficie de 180.300 ha, la forêt classée des Monts Kouffé
présente l'une des plus belles biocénoses du pays, une grande
faune typique différente de celle des parcs nationaux (Djodjouwin,
2001). La densité de certaines essences forestières de valeur
commerciale (Khaya senegalensis, Afzelia africana, Pterocarpus
erinaceus) ou d'essences rares est assez impressionnante (PAMF, 2002).
Elle est limitée par des facteurs naturels dont le
fleuve Ouémé à l'Est, les rivières Odola au Nord,
Adjiro au Sud et les collines d'Agbassa au Nord-Est. A côté de ces
éléments naturels, la forêt classée est
entourée de terroirs villageois.
Ces terroirs villageois sont desservis par des axes routiers
non-négligeables dont, la voie bitumée Bassila-Savalou (le plus
important) située à l'Ouest de la forét classée,
les pistes carrossables très pratiquées,
Igbèrè-Bassila au Nord, Bantè-Djagbalo au Sud et celle peu
pratiquée, Idadjo-Agbassa située à l'Est.
Comme on peut le constater sur le terrain, la
végétation du Bénin est caractérisée par un
fort morcellement. Celle-ci trouve ses origines dans les variations
climatiques, les facteurs édaphiques et l'action anthropique
(Akoègninou et al., 2001).
Selon Djodjouwin (2001), pour rationaliser la gestion de la
forêt classée des Monts Kouffé, le PAMF s'est fixé
comme objectif de concilier les principes de la conservation et les
impératifs socio-économiques. Pour cela des études ont
été réalisé dans la végétation et la
faune (Sinsin, 1996 ) et, les pâturages (Agonyissa et Sinsin, 1998).
L'objectif général de ces différentes études est la
connaissance des espèces végétales et animales, la
productivité des pâturages et les formations
végétales.
L'utilisation des terres à des fins agricoles constitue
aujourd'hui une menace sérieuse pour la forêt classée des
Monts Kouffé suite à l'arrivée des migrants venus du
Sud-Bénin, de la partie septentrionale du Bénin et du Togo. La
pression s'observe le long des grands axes routiers (Bassila-Bantè) et
certains axes secondaires (Bassila-Wari-Maro). L'élevage dans les
terroirs villageois occupe une place de choix. Mais l'élevage des bovins
est surtout l'affaire d'étrangers d'ethnie Peuhl venus du nord du
Bénin ou des pays voisins en l'occurrence le Nigéria.
Du point de vue écologique, cette forme d'utilisation
des terres (élevage) a un impact facilement appréciable au niveau
du couvert végétal, notamment sur les arbres fourragers de saison
sèche que sont Afzelia africana, Khaya senegalensis et
Pterocarpus erinaceus.
Sur le plan faunique (Djodjouwin, 2001), la région des
Monts Kouffé représente, le milieu oüla
diversité spécifique est la plus élevée au
Bénin, notamment pour des primates. Des espèces
très menacées telles que le colobe noir
d'Afrique (Colobus vellerosus), le sitatunga (Tragelaphus
spekei) et le lycaon (Lycaon pictus ) y sont
représentées. La région abrite aussi 227 espèces
d'oiseaux. La biomasse totale des espèces animales est estimée
à 250 kg/km2 dans la forêt classée des Monts
Kouffé. Les investigations auprès des riverains
révèlent que les taux de prélèvement par les
braconniers sont supérieurs aux taux spécifiques d'accroissement
naturel des espèces animales recensées, excepté chez le
buffle, Syncerus caffer brachyceros et par conséquent, la
disparition imminente de certaines espèces si le
prélèvement anarchique continuait.
Cette utilisation accrue de l'espace et des ressources
naturelles dans les terroirs villageois de la forét classée des
Monts Kouffé est également l'opinion de certains acteurs de
développement tels que les villageois riverains des trois massifs
forestiers, les agents forestiers, les cadres de l'Administration
forestière qui sont tous unanimes sur un méme constat : la faune
a été décimée et les bois de valeur ont
été presque entièrement exploités dans la
forét classée des Monts Kouffé comme celles d'Agoua et de
Wari-Maro (Djogbénou, 2002). Selon ce dernier, les principales causes de
cette dégradation croissante et alarmante de la flore et de la faune
dans cette aire protégée peuvent être regroupées
comme suit :
- insuffisance de mesures de protection et d'aménagement
de la forêt classée ; - pressions exercées par la
population sur les ressources naturelles ;
- insuffisance des capacités d'intervention des agents
forestiers.
Les cours d'eau limitrophes (Adjiro et affluents) et les axes
routiers, favorisent-ils ou non la dégradation des ressources naturelles
de la forêt classée des Monts Kouffé et de ses terroirs
villageois ?
Le thème de recherche « Effet de bordure
des terroirs villageois sur les aires protégées
suite à la dynamique de l'utilisation des terres
: cas de la forêt classée des Monts Koufféau Bénin
» permettra de comprendre mieux la situation.
2. OBJECTIFS
2.1. Objectif général
L'objectif général est d'évaluer les
dommages environnementaux de la pression anthropique sur les terroirs
villageois et la forêt classée des Monts Kouffé.
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