7. DISCUSSION
7.1. Impacts des activités agricoles
L'augmentation des superficies agricoles observée
après l'étude diachronique du milieu d'étude, basée
sur l'image satellitaire Landsat-TM de 1986 et l'orthophotoplan de 2003 n'est
pas surprenante. Car selon Dagou et Odjoubèrè, (2004), les
superficies emblavées par année dans la commune de Bantè
évoluent en fonction de l'importance de la culture dans l'alimentation
familiale et aussi du revenu monétaire qu'elle procure pour les
producteurs et productrices. Lorsqu'une denrée agricole (manioc,
igname,...) est vendue à un prix élevé, presque toute la
population intensifie sa production sans tenir compte d'une mévente
éventuelle. Malgré la mévente de ces produits, ils sont
cultivés sur une grande superficie à cause de leur consommation
locale.
Ainsi, une pression humaine croissante liée à
l'implantation de migrants agricoles venant du sud et du nord du pays, voire
des pays limitrophes, crée une nouvelle dynamique de dégradation
des milieux. Celle-ci affecte toutes les formations forestières de la
région de Bantè, y compris les aires classées dont
l'avenir fait l'objet d'une nouvelle politique de gestion participative, devant
concilier les intérêts de l'Etat avec ceux des
collectivités riveraines (Akoègninou et al., 2001).
7.2. Impacts de l'exploitation anarchique du bois et du
pâturage
Selon Heymans, (1999), depuis des centaines de milliers
d'années, la forêt fournit à l'homme le bois de feu, sa
principale source d'énergie. Et au cours du développement des
civilisations humaines, elle devint la source du bois de charpente et du bois
d'oeuvre.
L'exploitation anarchique du bois et surtout le bois d'oeuvre,
contribue énormément à la dégradation des
ressources naturelles dans la forêt classée des Monts
Kouffé. Cette situation s'explique par les relations entre
l'administration forestière et les usagers. Outre le dysfonctionnement,
l'administration forestière est mise dans le dilemme : alors que les
bailleurs de fonds, l'Etat et les observateurs l'accusent d'être
complaisante, laxiste, voire complice de l'exploitation anarchique des
ressources naturelles, les usagers que sont les exploitants, les transporteurs,
les commerçants et les industriels du bois l'accusent de trop de
rigueur, trop de tracasseries et de rançon. Des témoignages
concordants sur la gestion des revenus forestiers au Bénin font cas de
la responsabilité des agents forestiers dans
l'exploitation anarchique des ressources forestières et
fauniques. Ils sont souvent accusés de corruption, de
rançonnement, et de complicité du non respect des textes et
règlements qui protègent les ressources naturelles. Ces faits
occasionneraient un manque à gagner pour l'Etat et favoriseraient une
exploitation anarchique et accélérée des ressources
naturelles (DFRN, 1994).
Le prélèvement du bois de feu est l'apanage des
femmes. Ce bois sert à la cuisson des repas dans un milieu où on
prépare deux ou trois repas par jour. Parfois, le feu peut être
maintenu en activité entre temps pour préparer des infusions de
feuilles, de racines et d'écorces. Les espèces exploitées
comme combustibles sont les meilleures qualités d'arbres
résistant au feu. Il s'agit notamment de Prosopis africana
(Akakayi), Vitellaria paradoxa (Emin), Pterocarpus erinaceus
(Akpékpé) et Anogeissus leiocarpus (Agni) pour les
villages proches de la forêt classée. Dans les localités
les plus peuplées comme Bantè, aucune sélection ne se fait
à cause de la rareté du bois de feu. L'approvisionnement en bois
devient un problème à cause de l'éloignement des champs.
La vente du bois devient ainsi de plus en plus une activité
féminine génératrice de revenus surtout pendant la saison
des pluies. Une grande quantité de combustible est consommée pour
des tâches multiples et variées. Il s'agit notamment du brassage
de la bière locale `'Tchoukoutou», Tchakpalo», de la
fabrication des galettes, de la préparation de la bouillie, du fumage
des produits de chasse, de la cuisson au four, du pain et surtout de la
production du gari. La production du charbon de bois qui se fait en
quantité importante dans les villages comme Pira, Okouta-Ossé,
Banon et Djagbalo demeure une activité consommatrice de bois. Elle est
devenue aussi une activité génératrice de revenus pour les
femmes et les hommes. Ainsi, imitant les colons agricoles Adja et Holli, les
femmes sont devenues elles aussi spécialistes de l'activité. Les
essences les plus utilisées sont Anogeisus leiocarpus (Agni),
Prosopis africana (Akakayi), Vitellaria paradoxa (Emin). Ces
dernières années, une pression s'exerce sur ces essences. Dans
certains villages et plus précisément dans l'Arrondissement de
Bantè, ces essences sont vendues à l'état frais et sur
pied à 300 FCFA l'unité. Selon le Technicien
Spécialisé en Foresterie (TS-For), la quasitotalité de la
Commune de Bantè produit du charbon. Cette situation s'expliquerait par
la pauvreté surtout monétaire qui gagne toutes les couches
sociales. Presque tous les produits agricoles qui permettaient à la
Commune de tirer un capital substantiel connaissent de mévente. Pour
survivre, les populations riveraines exercent des pressions sur les ressources
naturelles. Le prix de vente du sac de charbon évolue de façon
croissante par an et en fonction des saisons. Il est en baisse en saison
sèche à cause de l'augmentation du nombre de charbonniers. Les
travaux champétres pousse les paysans et paysannes à s'adonner
à cette
activité. L'accès facile dans la forét
classée des Monts Kouffé dü aux feux de
végétation, favorise la pénétration des
producteurs. Le prix de vente s'élève pendant la saison pluvieuse
au cours de laquelle les travaux champêtres, les pluies et les crues
freinent la production. La population locale consomme également ce
charbon de bois, mais la demande extérieure est forte. Les
commerçants grossistes de cette filière quittent
généralement les centres urbains comme Savalou, Bohicon et
surtout Cotonou pour déposer des sacs vides auprès des
producteurs de charbon. La production de charbon dans sa forme et par son
ampleur, accélère la dégradation des ressources naturelles
(Dagou, 2004).
Les grands exploitants de bois d'oeuvre sont les Adja. Mais au
cours de ces dernières années beaucoup de jeunes Nagot dans les
villages riverains de la forêt classée des Monts Kouffé
s'adonnent frauduleusement à cette activité (PAMF, 2002).
Plusieurs autochtones sans permis d'exploitation se regroupent
autour d'un allochtone ayant son permis et exercent l'activité en son
nom. Le possesseur de permis est alors enregistré par l'agent forestier
à chaque coupe faite par un membre du groupe. Une minorité (7%
des ménages) s'enrichit sur le dos de la population tout en
détruisant les ressources forestières. L'activité de
carbonisation (charbon de bois) est pratiquée essentiellement par les
allochtones surtout les Fon et les Berba. Cependant au sud de la forêt
classée des Monts Kouffé (Okouta Ossé, Djagbalo), des
autochtones se livrent aussi intensément à cette activité,
surtout les femmes. La matière première (bois) est coupée
en forét ou parfois dans les champs à l'état sec ou vert,
avec une grande préférence pour le bois vert. Ainsi, cette
activité constitue une menace pour les ressources forestières.
Plusieurs essences sont utilisées pour la carbonisation et comme bois
d'oeuvre. Ces arbres sont essentiellement coupés en forét de
manière frauduleuse à l'insu des agents forestiers ou parfois
avec la complicité de ces derniers. Pour chaque chargement, les
exploitants de bois d'oeuvre doivent payer 10.000 FCFA au forestier et les
charbonniers doivent payer 100 FCFA par sac de charbon. Les
prélèvements n'étant pas souvent déclarés,
les agents forestiers n'arrivent pas à jouer convenablement leur
rôle et il serait difficile d'estimer la quantité de bois qui sort
de ces massifs par an (Sogbossi, 2004). La transhumance quant à elle,
contribue énormément à la dégradation de la
forêt due au surpâturage qui s'explique par le pétinement
des bovins et l'émondage abusif des pâturages aériens
(Akouèhou, 1998 ; Toko, 1994 , 1999 , 2000).
Car, on note le passage de grands transhumants peulhs
nationaux ou transfrontaliers, chaque saison sèche. Pour la forêt
classée des Monts Kouffé, les transhumants transfrontaliers
viennent du Togo et du Nigéria. Ils se dirigent en l'occurrence vers
Doguè, Kikélé et Igbomacro. Les transhumants nationaux
viennent pour la plupart des départements du Borgou
(Tchaourou, Bétérou) et des Collines
(Ouèssè, Kèmon). Ces derniers sont
spécialisés dans le pâturage nocturne. En
général, ils demandent l'hospitalité des populations
riveraines avant de s'installer. Autour de la forêt classée des
Monts Kouffé les transhumants transfrontaliers, causent des
dégâts dans les champs et les sédentaires qui
pâturent dans la même zone subissent injustement la colère
des paysans. Cet élevage de gros bétail a un inconvénient
sur le couvert végétal notamment sur les arbres fourragers de
saison sèche tels que Afzelia africana, Khaya senegalensis,
Pterocarpus erinaceus. Les transhumants pénètrent la
forêt classée sur une distance allant jusqu'à 25 km
(Djodjouwin, 2001).
Les feux tardifs mis à la forêt par les Peulhs
pour permettre la repousse des graminées, délogent et parfois
même tuent les animaux sauvages. Ainsi sans une réglementation
adéquate du pâturage, les activités d'enrichissement de la
forêt classée des Monts Kouffé seraient peines perdues. Il
s'avère alors indispensable de délimiter des couloirs de
transhumance et de responsabiliser les Peulhs sédentaires dans la
surveillance et le respect de ces couloirs (Sogbossi, 2004).
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