Section 1 : De la Portée des initiatives
entreprises.
§-1 Le Document Montreux:
Comme il tend à se définir, le
`'Document de Montreux sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes
pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des
entreprises militaires et de sécurité privées
opérant pendant les conflits armés»du 17 septembre
2008 est le fruit d'une initiative conjointe lancée par le CICR et de la
Suisse. Il a été élaboré grâce à la
participation d'experts gouvernementaux de plusieurs Etats à l'occasion
de réunions étalées de 2006 à 2008. Il comporte
deux parties. Au sein de la première partie, il rappelle les obligations
qu'incombent aux États, et aux SMP, de même qu'à leur
personnel au regard du droit international et se permet d'emmètre
certaines recommandations au sein de la deuxième.
1- Des Etats et de leurs Obligations:
Bien qu'il n'ait aucune valeur contraignante et qu'il ne fasse
que rappeler certaines des obligations auxquelles sont tenues les acteurs des
conflits armées, le document de Montreux a le mérite de palier
l'amalgame relative à la Responsabilité au sein du secteur de
l'Industrie Militaire Privée. En effet, selon, Philip Spoerri, directeur
du droit international et de la coopération au CICR, le Document de
Montreux a été élaboré pour «rappeler
qu'il n'y a ni flou juridique en matière de recours aux entreprises
militaires et de sécurité privées, ni impunité.
[...] En cas d'infraction, les responsables peuvent être
jugés dans leur pays, dans le pays de leur compagnie ou encore dans le
pays où a été commis le délit; il n'y a pas
d'échappatoire possible »
Le document distingue trois catégories d'Etats: Ceux
qui engagent des SMP (Etats Contractants), ceux sur le territoire desquels les
SMP opèrent (Etats Territoriaux) et les Etats où les SMP ont leur
siège social (Etats d'origine).
a- Les Etats contractants :
Les Etats contractants sont les Etats ayant recours aux SMP et
sont en principe ceux qui endossent la responsabilité la plus importante
en matière de droit humanitaire et de droit de l'homme, puisque les SMP
travaillent pour leur compte.
Les États contractants restent liés par leurs
obligations de droit international, même s'ils mandatent des SMP pour
exercer certaines activités. S'ils sont des puissances occupantes, les
États contractants doivent prendre toutes les mesures en leur pouvoir
pour rétablir et assurer, autant qu'il est possible, l'ordre et la
sécurité publics. En outre, un certain contrôle est
exigé par rapport aux activités mandatées par les Etats
contractants, et ils sont sollicités d'éviter la
délégation des activités que le droit international
humanitaire assigne explicitement à un agent ou à une
autorité étatiques, comme exercer, conformément aux
Conventions de Genève, le pouvoir de l'officier responsable sur le camp
de prisonniers de guerre ou sur les lieux d'internement de civils. Sur ce point
nous pouvons rappeler le cas des exactions commises par les firmes CACI
International et Titan Corp., qui s'étaient chargées des
interrogatoires des détenus de guerre irakiens.
Par ailleurs et dans les limites de leur pouvoir, les
États contractants sont tenus, de faire respecter le droit international
humanitaire par les SMP qu'ils mandatent.
Un autre point important, et le fait que le document demande
aux Etats contractants de faire le nécessaire pour adopter des mesures
légales essentielles, et veiller à les appliquer de bonne foi,
afin de lutter contre toute impunité .
Le document de Montreux rappelle enfin qu'en vertu du droit
international coutumier les Etats sont directement responsables des violations
du droit humanitaire ou des droits de l'homme commises par les SMP. Le CICR
précise à cet égard que la responsabilité des actes
commis par les EMSP peut être imputée à l'Etat
«notamment si lesdites compagnies ont qualité pour exercer
partiellement l'autorité gouvernementale ou si elles agissent sur les
instructions ou sous la direction ou le contrôle des autorités de
l'État »(49) auquel cas, l'Etat est tenu
d'accorder des réparations pour les violations commises.
(49)
Le droit international humanitaire et les défis
posés par les conflits armés contemporains, Rapport
préparé par le Comité international de la Croix-Rouge
Genève, septembre
2003
http://www.icrc.org/Web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/5UDGR6/$File/INTCONFIHLReportV%20french.pdf
b- Les Etats territoriaux :
L'Etat sur le territoire duquel opèrent les SMP est
dit « territorial ». Il doit faire respecter le droit humanitaire
sous sa juridiction en adoptant diverses mesures d'ordre législatif ou
autre, comme la diffusion des Conventions de Genève parmi les SMP et
leur personnel, ayant une situation juridique similaire aux Etats contractants,
et donc partiellement les mêmes obligations. Cependant, il est à
préciser qu'en cas où l'Etat se trouverait sous occupation, sont
concernées uniquement les zones sur lesquelles il est en mesure
d'exercer un contrôle effectif.
c- Les Etats d'origine :
Sont les Etats au sein desquelles les SMP ont leur
siège et donc la nationalité. En principe ils sont tenus, dans
les limites de leur pouvoir, de faire respecter le droit international
humanitaire par les SMP ayant leur nationalité, et en particulier de
:
a) Diffuser le plus largement possible le texte des
Conventions de Genève et des autres normes pertinentes du droit
international humanitaire parmi les EMSP et les membres de leur
personnel;
b) Ne pas encourager ou assister à des violations
du droit international humanitaire par les membres du personnel d'EMSP, et
prendre les mesures appropriées pour prévenir de telles
violations;
c) Prendre des mesures pour faire cesser les violations
du droit international humanitaire commises par les membres du personnel d'EMSP
par les moyens appropriés, tels que règlements militaires,
ordonnances administratives et autres réglementations et, le cas
échéant, sanctions administratives, disciplinaires ou
judiciaires.
2- Des recommandations :
La seconde partie du document de Montreux établit une
série de recommandations et de bonnes pratiques que les Etats pourraient
incorporer au sein de leurs législations;
Ne pas externaliser des activités relatives à
l'usage claire et directe de la force ou celles considérées comme
« essentiellement gouvernementales ». Pour les Etats territoriaux de
déterminer quels services peuvent ou ne peuvent être
effectués sur leur territoire et ; pour les Etats d'origine de
déterminer quels services peuvent ou ne peuvent être
exportés.
Les Etats, toutes catégories confondues doivent tenir
compte et s'assurer du professionnalisme et de la capacité de cette
dernière à effectuer ses missions dans le respect du droit
national pertinent, du DIH et du DIDH et mettre un point d'honneur à la
transparence et à la supervision des contrats. La qualité des
prestations proposées et le passé irréprochable de
l'entreprise et de son personnel devraient toujours prévaloir sur le
critère du prix le plus bas dans la sélection des SMP. Quant aux
clauses contractuelles, elles devraient inclure le respect du droit national,
du DIH et du DIDH, la possibilité de rompre le contrat en cas de
mauvaise conduite de la société et d'exiger des
dédommagements pour les victimes et enfin l'obligation pour le personnel
d'être identifiable sur le terrain.
Les bonnes pratiques concernent également le
régime des autorisations et les règles sur la fourniture de
services par les SMP et leur personnel. Celles-ci visent en particulier les
restrictions à l'usage de la force par les SMP et le contrôle et
l'enregistrement de l'armement détenu par les SMP afin de lutter contre
le trafic d'armes et la prolifération des armes
légères.
Enfin, au niveau du contrôle du respect des
prescriptions et de la responsabilité des SMP, il appartient aux Etats
contractants de doter leur dispositif législatif de la compétence
juridictionnelle en matière pénale pour les crimes au regard du
droit international et du droit national commis par les SMP, les membres de
leur personnel ainsi que des mécanismes de responsabilité
à caractère non pénal en cas de conduite incorrecte ou
illicite des SMP et de leurs employés ; aux Etats territoriaux,
d'établir une autorité de « monitoring » et d'imposer
des sanctions si nécessaire et, aux Etats d'origine, de contrôler
le respect des termes de l'autorisation à l'étranger et le cas
échéant, d'imposer des sanctions extraterritoriales.
Le document de Montreux peut être
considéré comme une initiative régulatrice courageuse et
encourageante, néanmoins sa valeur non-contraignante et la
complexité du secteur risque entre autres, de le reléguer
à sa véritable valeur, celle de recommandation.
§2- L'autorégulation dans le Cadre de l'ISOA
:
De plus en plus soucieuses face à la question relative
au respect des Droits de l'Homme, nombreuses seront les SMP à opter pour
l'instauration de mécanismes d'autorégulation par le biais
d'adoption de codes de conduite régissant leurs activités et le
comportement de leurs employés. Certains iront même jusqu'à
inclure des formations en la matière au sein de leur gamme des services.
C'est dans un tel but que des associations comme l'ISOA vit le jour.
L'International Peace Operations Association
(IPOA) nouvellement rebaptisée ISOA (International
Stability Operations Association) est une association professionnelle ;
voire un Lobby comme certains tendent à la définir, fondée
en avril 2001 et basée à Washington, D.C, États-Unis; et
destinée à représenter l'industrie militaire
privée.
Devant le désintérêt de plus en plus
marqué des grandes puissances à engager leurs
représentants officiels, et à leur réticence par rapport
à la participation aux opérations de maintien de la paix, l'ISOA
atteste sans le moindre doute que les SMP représentent la solution la
plus efficace et la plus crédible et donc le futur de la paix et de la
stabilité internationales. Ces dernières peuvent contribuer
positivement à l'amélioration de la promotion et de protection
des droits de l'Homme par l'apport de solutions rapides, efficientes et
beaucoup plus rentables.
C'est dans un souci de clarté et de plus de
transparence que cette dernière adoptera un code de conduite imposable
à ses membres, et que ces derniers seront tenus de respecter
méticuleusement ; faute de quoi ils pourraient se voir radier de
l'association avec les conséquences pour l'image de marque qu'une SMP
est susceptible de s'attribuer.
Le Code de Conduite adopté et qui semble assez
cohérant, vise à faire respecter les normes éthiques par
les sociétés membres de l'ISOA qui travaillent dans les
situations de conflit et de post-conflit afin qu'elles puissent offrir leurs
services au profit de la paix internationale et de la sécurité
humaine. Lors de l'exercice de leur activité ces dernières
devront se baser sur des instruments tels que :
? La Déclaration universelle des droits de l'Homme (1948)
? Les quatre Conventions de Genève (1949)
· Les Protocoles additionnels aux quatre Conventions de
Genève (1977)
· La Convention sur l'interdiction des armes chimiques
(1993)
· Les Principes volontaires sur la sécurité
et les droits de l'Homme (2000)
· Le Document de Montreux sur entreprises militaires et de
sécurité privées (2008)
De ce fait, elles s'engagent au sein de chaque
opération à respecter la dignité de tout être humain
et d'adhérer strictement à toutes les lois et à tous les
accords relevant des droits de l'Homme, et à accomplir leurs
tâches de bonne foi avec la plus grande transparence et
professionnalisme.
Concernant la responsabilité, les signataires de ce
document et conscients de la délicatesse de leurs tâches et de la
nature unique de la situation de conflit ou post-conflit dans laquelle ils
travaillent, se doivent de reconnaitre l'importance des lignes de
responsabilité nettes et opératives pour assurer les
opérations de paix efficaces et la viabilité de l'industrie
à long terme. Ils s'engagent à répondre légalement
de leurs actions et celles de leurs employés devant les autorités
compétentes et à coopérer pleinement dans le cadre des
investigations relatives à toute allégation de violations
contractuelles et celles du Droit humanitaire international et du Droit des
droits de l'homme. Par conséquent, les signataires s'engagent à
prendre des actions fermes et définitives si les employés de leur
organisation sont coupables d'activités illégales. Pour toutes
infractions importantes, à l'image de graves violations du droit
international humanitaire ou des droits de l'Homme, les signataires devront
rapporter ces crimes aux autorités compétentes.
Par rapport à leur clientèle, les
sociétés parties à l'ISOA s'abstiennent de prêter
service à des clients autres que des gouvernements légitimes et
reconnus, des organisations internationales, des organisations
non-gouvernementales et les sociétés privées
légitimes.
Pour ce qui est du personnel et de son recrutement, les
signataires s'engagent à mener toutes les vérifications
préalables au cours de leur processus d'embauche ou d'externalisation
afin d'éviter l'engagement de personnel au passé entaché
et dont la conduite pourrait affecter leur viabilité, en particulier au
regard de violations du droit international humanitaire ou des droits de
l'Homme.
Le code prévoit également des dispositions
relatives aux prérogatives des employés, telles que
l'interdiction de toute discrimination salariale basée sur des
critères raciaux, nationaux ou autres, et le droit à des
assurances vie et de santé proportionnelles à leur salaire et au
niveau de risque de leur service conformément au droit.
Le cadre normatif proposé par l'ISOA semble assez
cohérent et tend à être une initiative assez
crédible, que seul le temps et la pratique nous permettront de
confirmer.
Section 2 : Les Limites Politico-juridiques de
l'application effective d'un cadre normatif concret. (Cas des
Etats-Unis)
Les grandes puissances ne veulent aucunement d'une
régulation effective et efficace du secteur de l'Industrie Militaire
Privée, parce qu'elles sont les premières à profiter du
vide juridique entourant le secteur.
Notre choix des Etats Unis est motivé par leur
position de première puissance mondiale, celle de premier client des SMP
et par la multitude de «faux-fuyants» entrepris par ces derniers dans
le but de s'acquitter de toute responsabilité, susceptible de leur
être imposable à eux ou à leurs ressortissants. Nous
essaierons d'illustrer nos propos par le biais des différentes
manifestations de la lutte acharnée qu'ils ont livré et
continuent à livrer à l'encontre de la juridiction de la CPI,
aussi bien au niveau national que transnational.
La limitation du rôle de la CPI semble profitable aussi
bien aux autorités américaines, qu'à leurs vassales,
notamment aux SMP et à leurs contractors. Les contractors travaillant
pour le compte des autorités américaines jouissent d'un carde
protecteur sans égal et assimilable à une immunité et
à une impunité de droit et de fait.
En tant que première puissance mondiale, les Etats Unis
jouent un rôle exceptionnel dans le système international
d'aujourd'hui, ils exercent une influence importante à l'égard du
développement du Doit International et n'hésitent pas à
tirer de gros avantages de cette situation en vue de l'adapter à leurs
besoins et à leurs intérêts.
Dans l'état actuel des choses, le citoyen Etasunien
jouit d'un rang qui semble assez privilégié sur la scène
internationale. Il semble disposer d'une certaine supériorité,
sur le droit International et sur ses juridictions, qui peut lui être
permise de part sa condition de ressortissant de la première puissance
mondiale.
Parmi les différentes manifestations de cette
«arrogance», signalons tout d'abord le retrait de la signature
américaine en date du 6 Mai 2002, leur refus catégorique de toute
adhésion future au statut de Rome et l'adoption de mesures
répréhensibles aussi bien au niveau interne (ASPA, MEJA,...)
qu'au niveau international, notamment par le biais des
traités bilatéraux d'immunité (Bilateral
Immunity Agreements), destinés à soustraire tout ressortissant
étasunien à la compétence de la CPI.
§1- La CPI : une juridiction illégale aux
yeux du Droit International ?(50)
Ne se contentant pas d'appartenir aux sept Etats ayant
voté contre le statut de Rome créant la CPI, les Etats Unis vont
même aller plus loin en mettant en doute la conformité de cette
dernière par rapport au Droit International. En effet ces derniers n'ont
pas hésité à présenter des arguments discutables
certes, mais qui prouveraient selon eux, l'incompatibilité de la CPI
avec le Droit international général et dont nous citerons
quelques uns.
· Le statut de Rome n'est pas compatible avec la charte des
nations Unies et ne tient pas compte du rôle spécifique du
Conseil de sécurité prévu au sein du chapitre 7.
· La définition donnée aux crimes sur
lesquelles la cour est appelée à statuer reste trop ambigüe
par rapport à d'autres traités contenant les mêmes
crimes.
· Le statut de Rome crée des obligations pour des
Etats sans leur consentement, ce qui représente une violation de
l'article 34 de la convention de Vienne sur le droit des traités de 1969
et qui dispose qu' : Un traité ne crée ni obligations ni
droits pour un Etats tiers sans son consentement ».
· En se fondant sur l'article 124 du statut, relatif aux
dispositions transitoires, les Etats Unis voient mal pourquoi et comment un
Etat partie au statut peut se déroger de certaines de ces dispositions,
alors qu'un Etat tiers serait dans l'obligation de se les appliquées.
(51)
§2- L'American Service-Members' Proctection Act.
(52)
L'ASPA, ou Loi portant sur la protection des
membres des forces armées des Etats-Unis, est une loi
fédérale Américaine introduite par le sénateur
Républicain Jesse A. Helms,
(50) Andreas Zimmermann Les Etats-Unis et la
Cour Pénale Internationale«,, in : Le devenir du Droit
International, Publications de la Revue Marocaine d'Administration Locale et de
Développement, 2004, S. p 135.
(51) Nonobstant les dispositions de l'article 12, paragraphes
1 et 2, un État qui devient partie au présent Statut peut
déclarer que, pour une période de sept ans à partir de
l'entrée en vigueur du Statut à son égard, il n'accepte
pas la compétence de la Cour en ce qui concerne la catégorie de
crimes visée à l'article 8 lorsqu'il est allégué
qu'un crime a été commis sur son territoire ou par ses
ressortissants. Il peut à tout moment retirer cette déclaration.
Les dispositions du présent article seront réexaminées
à la conférence de révision convoquée
conformément à l'article 123,paragraphe 1.
alors président de la commission des affaires
étrangères et adoptée par le congrès en 2OO2. La
loi a pour fonction principale de fournir une protection au personnel militaire
américain contre toute poursuite de la juridiction pénale
internationale à la quelle les Etats Unis ne sont pas partie. L'ASPA
autorise le président des Etats Unis à entreprendre toute les
« MESURES NECCESAIRES » afin de libérer du
collimateur de la CPI tout membre des forces armées américaines
ou autres individus tels que :
· Les personnes Protégées par les Etats
Unis.
· Les alliés des Etats Unis.
· Les individus détenus et emprisonnés,
ayant participé à des opérations officielles pour le
compte des Etats Unis et qui jouissaient préalablement de la protection
Américaine.
L'ASPA comporte plusieurs articles, exprimant grosso modo de
nombreuses interdictions dont nous pouvons citer quelques unes.
Interdictions de toute coopération entre le
gouvernement fédéral, les gouvernements locaux ou toute autre
agence Américaine de coopérer avec la CPI ou de l'assister de
quelque manière que ce soit. De ce fait, l'extradition des
ressortissants américains est formellement interdite, idem pour les
transferts et l'échange d'informations « touchant à la
sécurité nationale des Etats Unis » et l'interdiction pour
le personnel de la CPI de pouvoir mener des investigations sur le territoire
américain.
Elle interdit également aux troupes américaines
de participer aux opérations de maintien de la paix dans le cadre des
nations unies à moins d'avoir la garantie d'une entière
protection contre la juridiction de la CPI.
En outre, l'ASPA interdit aux Etas Unis de fournir aux Etats
parties à la CPI toute aide militaire quelconque, excepté les
membres de l'OTAN ou d'autres qui font partie d'une listes d'Etats
considérés comme d'importants alliés des Etats Unis. Afin
d'accentuer cette dérogation, et de limiter encore plus le rôle de
la CPl les Etats Unis ont en outre, conçu des traités
bilatéraux d'immunités afin d'exempter leurs ressortissants et
ceux de leur ailés de la compétence de la cour.
(52)
http://www.state.gov/t/pm/rls/othr/misc/23425.htm
§3- USA et les BIAS:
Sur le plan transnational, bien que les limités
imposés par les Etats Unis soient nombreuses, nous nous limiterons
à aborder l'épineuse question des «Traités
Bilatéraux d'Immunités » ou «
traités de non-remise des personnes » (Bilateral Immunity
Aggreements).
Lors de l'adoption du statut de Rome en 1998, Le
sénateur Jesse A. Helmes, fit savoir à la secrétaire
d'Etat des affaires étrangères de l`époque «Madeleine
Albright », qu'il était impératif de trouver le moyen de
protéger leurs concitoyens d'une telle juridiction. Les BIAS sont venus
répondre à cette sollicitation des autorités
américaines.
(53)
Ces accords dotés, du même esprit que
L'American Service-Members' Proctection Act, visent à
soustraire les citoyens et le personnel militaire américain de la
juridiction de la CPI. Ils prohibent toute assignation devant la cour, du
gouvernement, le personnel militaire, les fonctionnaires, les contractors et
les citoyens. Ces accords sont parfois réciproques et n'obligent pas les
Etats-Unis à soumettre ces personnes à des enquêtes ou
à des poursuites judiciaires, en d'autres termes : demeurer dans
l'impunité totale.
Dépassant la centaine, ces accords de non remise des
personnes sont tout à fait légaux pour les Etats qui n'ont ni
signé ni ratifié le statut de Rome. Pour ce qui est des Etats
(53)
http://cartographie.sciences-po.fr/cartotheque/07
CPI BIAs.jpg
partie au statut, les Etats Unis s'appuient sur les
dispositions de l'article 98 al.2 du statut qui prévoit que «
la cour ne peut poursuivre l'exécution d'une demande de remise qui
contraindrait l'Etat requis à agir de façon incompatible avec les
obligations qui lui incombent en vertu d'accords internationaux selon lesquels
le consentement de l'Etat d'envoi est nécessaire pour que soit remise
à la Cour une personne relevant de cet Etat ».
- CONCLUSION GENERALE -
L'industrie militaire Privée est venue pour rester. Si
certains prédirent qu'il ne s'agirait que d'un phénomène
post guerre froide, dont le glas n'allait guère tarder à sonner,
le temps s'est bien chargé de prouver le contraire.
Face à la recrudescence de la sous-traitance des
fonctions régaliennes, l'industrie a bien de beaux jours devant elle. En
effet, cette dernière ne s'est jamais aussi bien portée, n'a
jamais été aussi répandue que de nos jours, son avenir
semble chaque fois plus prometteur, et rien ne semble être à
même de pouvoir; voire de vouloir restreindre et comme nous l'avons vu
antérieurement, une industrie qui génère plus de 200
milliards de dollars de bénéfices chaque année.
Le point de non-retour a été atteint; et depuis
longtemps dépassé. Appelées à être un acteur
de plus en plus important des relations internationales, la remise en cause de
leur existence relèverait tout simplement de l'angélisme et de
l'utopie. Leur importance et ampleur sont devenues telles, que les
écarter ou chercher à restreindre leur rôle n'aurait pour
conséquence que de retarder l'aboutissement de solutions effectives et
efficaces en la matière.
Les initiatives entreprises par certains Etats et
organisations et destinées à régir les activités de
ces sociétés, semblent assez courageuses, mais demeurent
malheureusement insuffisantes (régulation interne, document de Montreux,
charte de l'ISOA...). La nature transnationale de l'industrie et les avantages
tirés par certains gouvernements (chapitre II), notamment ceux des
grandes démocraties, semblent être à la base d'un
sérieux manque de volonté politique qui mine toute tentative
d'adoption d'un cadre juridique crédible et efficace.
Toutefois, la guerre, la paix et la sécurité
internationales sont des affaires beaucoup trop importantes et
sérieuses, pour qu'elles soient uniquement confiées à des
sociétés commerciales soumises à des critères de
rentabilité et de productivité,
tirant profit des souffrances humaines, uniquement responsables auprès
de leurs actionnaires, et surtout incontrôlables. Ne pas remédier
à cette situation par l'adoption de mesures nécessaires
permettant un véritable contrôle du secteur, pourrait conduire les
Etats du Nord sur la même voie de décadence que leurs homologues
défaillants au Sud, comme nous avons pu le constater au sein du premier
chapitre de notre travail.
Le principe du «Laissez faire, Laissez passer»
est loin d'être la solution optimale pour garantir le plein
équilibre de la paix mondiale, bien au contraire il ne saurait
qu'engendrer davantage d'instabilité, source de profits pour les SMP.
En outre, le fait que les contractors diffèrent des
mercenaires `'classiques»de l'ère postcoloniale et leur
présence n'affecte aucunement les compagnons de « Bon Denard
». Les « affreux » seront toujours à l'ordre du jour. Les
acteurs classiques des relations internationales auront toujours besoin
d'hommes de main hautement qualifiés et pouvant agir dans l'ombre et la
clandestinité, afin de mener à bien les missions
délicates, pour lesquelles ceux-ci ne sauraient recourir à leurs
représentants officiels.
Aussi grand que puissent devenir le niveau de
réglementation et de transparence des SMP, le mercenariat comme
instrument classique de la politique étrangère de certains
gouvernements soucieux de la propreté de leurs mains restera constamment
d'actualité.
Nous pourrions finalement dire que si les programmes
d'ajustement structurel génèrent des controverses en voulant
appliquer les mêmes solutions à tout le monde, que dire alors des
SMP qui suivent ce même principe (mêmes guerres, mêmes
solutions, mêmes méthodes...). Celles-ci prennent à part
à des conflits, en totale méconnaissance du contexte et des
dimensions sociologiques, économiques, politiques, des territoires
investis, alors que chaque conflit est unique.
Si Les SMP semblent être parfois des solutions
relativement bonnes à court terme, tel n'est pas le cas à moyen
et à long terme. L'externalisation des services des armées
mérite plus de lucidité à travers un contrôle aussi
bien national qu'international, afin de conserver en toutes circonstances
l'indépendance et l'autonomie de décision face aux agissements
malsains et sournois d'une minorité dirigeante. En effet, le risque
d'addiction et de dépendance viscérale à
l'égard des SMP, ne les laissera pas uniquement au rang d'acteur des
conflits armés, mais les fera basculer graduellement dans celui de
décideur, marquant ainsi la victoire du complexe militaro-industriel sur
la démocratie et le droit.
- Bibliographie -
I- Manuels et Ouvrages Généraux :
· BOUCHET SAULNIER Françoise,
Dictionnaire pratique de droit humanitaire, la Découverte,
3ème édition, Paris ; 2006.
· DAILLIER Patrick, FORTEAU Mathias et PELET Alain,
Droit International Public, L.G.D.J, 8ème
édition, Paris, 2009.
· DAVID Eric, Principes de Droit des
Conflits Armés, Précis de la faculté de Droit de
Bruxelles, Bruylant, 2ème édition, Bruxelles, 1999.
· DECAUX Emmanuel, Droit International
Public, Dalloz, 6ème édition, Paris, 2009.
· HAROUEL- BURELOUP Véronique,
Traité de droit humanitaire, PUF, Paris,2005.
· RUZIE David, Droit international
Public, Dalloz, 18ème édition, Paris ,2006.
· SASSOLI Marco et BOUVIER Antoine
A., Un Droit dans la guerre : volume, comité
international de la Croix Rouge, Genève, 2003.
· SINKONDO Marcel, Droit International
Public, Ellipses, Paris, 1999.
· SHAW Malcolm, International Law,
Cambridge University Press, sixth edition, Cambridge, 2008.
· TORRELLI Maurice, Le droit
international humanitaire, PUF, Paris, 1985.
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