Les implications de la prolifération des sociétés militaires privées sur les droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Mohamed Youssef LAARISSA Université Cadi Ayyad - Master 2011 |
Section 2 : Un manque de cohérence au niveau interne.Au niveau interne, la régulation connait également plusieurs entraves et souffre d'un manque de cohérence et de pertinence, qui pourrait probablement être dû à un certain manque de volonté politique de la part de certains Etats à adopter des normes régulatrices contraignantes, efficaces et applicables. D'autre part, la complexité du secteur contribue à rendre les Etats totalement impuissants. Toutefois, au sein de cette section nous essaierons d'aborder certaines des tentatives ayant été adoptées au sein de l'ordre interne de certains Etats. §1- Les Déclarations de Neutralité : Les premières tentatives d'instauration d'un cadre normatif destiné à restreindre l'activité mercenaire prirent la forme «Déclarations de Neutralité » ou «Neutrality Acts ». Ces dernières constituaient des dispositions législatives visant à conserver la neutralité des Etats à l'égard de l'engagement ou la participation de leurs ressortissants ou de leurs résidents à des actions armées à l'étranger et devant lesquels ils avaient déclaré leur neutralité. On retrouve les origines d'une telle loi aux Etats Unis avec le «Neutrality Act » de 1794, destiné à interdire la participation des ressortissants américains dans un conflit armée contre un Etat en paix avec les Etats Unis. La Grande Bretagne adopte en 1870 le «Foreign Enlistment Law » ou la Loi sur l'enrôlement à l'étranger qui, sanctionne le recrutement de mercenaires sur le territoire national, et interdit aux sujets britanniques de rejoindre les forces armées d'un pays en guerre contre un pays qui est en paix avec la Grande-Bretagne (41). §-2 Le cadre répressif interne: Par `'cadre répressif interne», nous sous-entendons l'ensemble des normes (41)If any person, without the license of Her Majesty, being a British subject, quits or goes on board any ship with a view of quitting Her Majesty's dominions, with intent to accept any commission or engagement in the military or naval service of any foreign state at war with a friendly state, or, whether a British subject or not, within Her Majesty's dominions, induces any other person to quit or to go on board any ship with a view of quitting Her Majesty's dominions with the like intent,--He shall be guilty of an offence against this Act, and shall be punishable by fine and imprisonment, or either of such punishments, at the discretion of the court before which the offender is convicted; internes adoptées au sein des Etats et qui se rattachent directement aux activités mercenaires dans le but est de les sanctionner et les interdire. Comme exemple nous pourrions prendre le cas de la Belgique, qui suite aux actions commises par certains de ses ressortissants au Congo dans les années 60, adopta en 1979 des dispositions visant à interdire le recrutement de mercenaires et toute autre activité assimilable. A la Belgique pourrait également s'ajouter la France dont l'article 436 du code pénale sanctionne l'activité avec des peines allant jusqu'à 5 ans de prison et une amende allant jusqu'à 75000 euros (42). §3- Régulation de l'Assistance Militaire : (cas de l'Afrique du Sud). Les multiples actions et interventions menées par Executive Outcomes en Angola, et le préjudice causé par cette dernière non seulement à l'image mais également aux intérêts nationaux et internationaux de Pretoria, ont mené l'Afrique du Sud à entreprendre les mesures nécessaires pour réprimer et interdire le Mercenariat, et qui eurent pour effet immédiat, la dissolution d'Executive Outcomes. L'article 98 (b) (43) de la constitution sud-africaine prévoit qu'afin de vivre en paix et en harmonie, la participation des citoyens sud-africains à un conflit armé aussi bien national qu'international est formellement interdite sauf exception d'ordre constitutionnel ou législatif. C'est dans l'objectif de compléter cette disposition constitutionnelle que le gouvernement de Nelson Mandela adoptera le «Regulation of the Foreign Military Assistance Act » (44) en 1998, afin de réprimer fermement le Mercenariat et réguler l'assistance militaire. La loi dispose dans son article 2, qu'il est formellement interdit au sein de la république sud-africaine, de recourir, de financer, de former ou de s'engager dans une
activité mercenaire. Cette dernière y est définie comme la participation directe dans un conflit armé en tant que combattant, pour son profit personnel. D'autre part, aucun citoyen sud-africain ou résident ou sociétés, ne pourront prêter assistance militaire sans le consentement et l'autorisation des autorités compétentes, à savoir : le ministère de la Défense et le Comité National de Contrôle des Armes Conventionnelles et qui peuvent la retirer à tout moment. L'autorisation ne pourra être attribuée si cette assistance:
Cette procédure d'autorisation s'effectue de la façon suivante : Après consultation du comité national de contrôle des armes conventionnelles sur le principe de la vente et des services militaires et de sécurité, le ministre de la défense examine au cas par cas le contrat de prestation de services militaires avant son acceptation ou son refus. Ces autorisations et ces rejets devront et conformément à l'article 7, être justifiées au regard des principes de droit international public, et fondées sur des considérations de préservation de la paix et de protection des droits de l'homme. En outre, des peines sont prévues en cas de violations et de non respect de l'une des dispositions de la loi. L'article 8 en effet, prévoit des peines allant de l'amende à l'emprisonnement ou les deux dans certains cas. Le cas échéant, tout individu accusé et déclaré coupable se doit de coopérer et de fournir tout les détails et informations disponibles sur le matériel utilisé par ce dernier (armement, uniforme, véhicule, équipement...) Un autre point à signaler, concerne l'article 9 relatif à la compétence (44) Regulation of the Foreign Military Assistance Act, Act n° 15, 1998, Government Gazette, n° 18912, 20 mai 1998. Consultable sur le site : www.info.gov.za/gazette/acts/1998/a15-98.pdf extraterritoriale des tribunaux sud-africains, qui dispose que ces derniers sont aptes à juger toutes personnes ayant outrepassé les dispositions en dépit du fait que les infractions aient été commises en dehors du territoire sud-africain, exceptés les ressortissants étrangers ayant commis ces actes en dehors du territoire. §4- Le contrôle sur la fabrication, la vente et l'exportation de biens et de services de défense: Cette catégorie, au sein de laquelle nous prendrons comme exemple le cas étasunien, fait référence aux prestations militaires incluses dans le cadre des activités relatives à la fabrication, la vente et l'exportation de bien et service de défense. Elle vise particulièrement à contrôler les services prêtés par les SMP américaines auprès des états acquéreurs de matériel militaire de fabrication américaine. Ce contrôle sur les SMP est effectué par le département d'État sur la base de la loi sur le contrôle des exportations d'armes de 1968 (Arms Export Control Act) (45) et la réglementation sur le trafic international d'armes ITAR (International Trafficking of Arms Regulations). (46) Dans ce cadre, « quiconque fabrique ou exporte des articles militaires ou bien fournit des services militaires » a l'obligation de s'inscrire au Bureau de contrôle de l'industrie de la défense du département d'État (47). La prestation de service militaire est définie comme la « prestation d'une assistance - incluant l'entraînement - de ressortissants étrangers, tant aux États-Unis qu'à l'étranger, pour la conception, le développement, la fabrication(...) ou l'utilisation d'articles de défense (...)
l'entraînement militaire d'unités et de forces étrangères, régulières ou irrégulières » (48). Les sociétés militaires privées souhaitant exécuter un contrat à l'étranger doivent ensuite obtenir l'autorisation du même organisme. Cependant, et comme cela est indiqué par nombreux observateurs, malgré sa portée relativement évidente, l'ITAR manque de clarté sur certains points et les licences accordées ne comportent pas de clauses de surveillance. Ce sont les représentants américains à l'étranger qui doivent s'assurer de la bonne exécution du contrat mais personne n'a la charge exclusive du suivi des SMP et de leurs activités. De plus, les restrictions aux contrats nécessitant l'accord préalable du législatif, peuvent être facilement contournées par les SMP. §5- Difficultés à gérer la nature transnationale du secteur de l'industrie militaire privée: Aussi efficaces que puissent paraître les tentatives de régulations internes, il restera très difficile de pouvoir contrôler le secteur de l'industrie militaire privée dans son ensemble. Un autre problème concerne le fait que la majorité des mesures adoptées par les Etats au niveau interne, ne vise en quelque sorte qu'à réprimer une certaine catégorie de mercenariat. C'est-à-dire, que ne sont condamnés que les individus ne pouvant pas être contrôlés par leur Etat d'origine et susceptibles, lors de l'accomplissement de leur tâche, de porter atteinte à ses intérêts. Tout porte à dire que, sans la coordination d'efforts et une coopération efficace et effective entre les Etats, l'adoption d'instruments relatifs à la régulation, limitation et répression du mercenariat et autres activités analogues, ne pourra rester que lettre morte. (48) Ibid., titre 22, section 120-9 : « (a) Defense service means:
Chapitre IV : Portées et limites de l'adoption d'un cadre régulateur adéquat. |
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