Le Conseil constitutionnel sénégalais et la vie politique( Télécharger le fichier original )par Mamadou Gueye Université Cheikh Anta DIOP de dakar - Doctorant en science politique et droit public 2011 |
Paragraphe II: La contribution juridictionnelle au déséquilibre institutionnelPar contribution juridictionnelle il faut entendre l'apport du Conseil constitutionnel au maintien et à l'entretien d'un régime politiquement déséquilibré. Cette contribution ou cet apport se manifeste à partir du silence du Conseil constitutionnel né des déclarations répétitives d'incompétence mais également la propension du Conseil à faire systématiquement des déclarations de conformité sur tous les projets ou propositions de loi. Les déclarations d'incompétence traduisent incontestablement un silence qui est en réalité une abstention sur les préoccupations qui seraient de nature à modifier dans un sens ou dans l'autre l'ordre juridique et politique. Ces déclarations d'incompétence vont dans le sens d'un exercice de routine déroulant un silence complice sur un partage déjà léonin des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif. C'est pourquoi celles-ci constituent un apport du Conseil constitutionnel dans la consolidation d'un ordre juridique inégalitaire. L'illustration est donnée par les tentatives de domestication du Conseil constitutionnel188(*). Cette jurisprudence participe d'une idée de conservation d'un ordre juridique et politique dont le plus grand bénéficiaire est le pouvoir exécutif. Par ailleurs il faut signaler également que les déclarations aussi répétitives de conformité de la part du Conseil constitutionnel dans la quasi-totalité des cas de contestation, dénote des relents de parti pris ou de peur189(*) de l'institution toute puissante que représente le président de la République. L'attitude du Conseil fait que tous les projets de lois et même les propositions de loi épousent immanquablement les caprices du Prince grâce à la double complicité d'abord le soutien inconditionnel du PDS, parti ultra majoritaire au parlement, ensuite de l'attitude passive, déroutante et inopportune du conseil au regard de l'Etat de droit et de la démocratie. En effet, eu égard à la nature du régime politique sénégalais, le président de la République est le principal bénéficiaire des déclarations répétitives de conformité et même d'incompétence. Ces pouvoirs se trouvent hypertrophiés. A certains égards l'exécutif se ramène à lui. Il en est ainsi de l'expérience du régime présidentiel. Elu au suffrage universel, il dispose d'une légitimité initiale. Il s'y ajoute que le président de la République dispose de pouvoirs qui n'ont jamais variés compte tenu des vicissitudes constitutionnelles. Il s'agit par exemple de la nomination du premier ministre et des membres du gouvernement, du droit de dissolution de l'Assemblée Nationale. La liste est loin d'être exhaustive. Le schéma décrit conforte l'idée selon laquelle, la réalité de l'exécutif est incarnée par le président de la République. Alors se dessine un état des lieux amplement favorable à l'exécutif et qui révèle prééminence quasi-congénitale de ce dernier, incarné par le président de la République. En réalité la distribution du pouvoir obéit à un partage léonin entre l'exécutif et le législatif. Alors le principal bénéficiaire est le pouvoir exécutif. Le président de la République est déjà la clef de voute des institutions. A ce titre d'illustration, il est le principal bénéficiaire des mécanismes de cantonnement matériel et politique du parlement qu'il est convenu d'appeler les techniques de régime parlementaire rationalisé (question de confiance, la réglementation de la motion de censure, le droit de dissolution du président de la République). Outre du renforcement des pouvoirs de l'exécutif, il s'y ajoute un phénomène déterminant qui est relatif à la stabilité de l'exécutif. Schématiquement le pouvoir exécutif devient fort et stable. Il fait face alors à un pouvoir législatif de plus en plus faible cantonné dans un domaine perméable aux interventions intempestives du pouvoir exécutif. Il en est ainsi du rôle prépondérant de l'exécutif dans la procédure législative. C'est l'exemple de l'ordre du jour prioritairement fixé par le gouvernement, le vote bloqué et les différentes restrictions à l'initiative des députés. Il en est ainsi de la limitation du droit d'amendement des députés à laquelle souscrit avec démesure le Conseil constitutionnel. En définitive on peut dire que la présence du conseil dans la vie politique est évanescente, par un effet pervers préjudiciable à la démocratie. En effet l'absence ou le silence du Conseil et sa permissivité sont totalement inopportune car affectant profondément la démocratie Section II : Le lien entre l'hypertrophie du pouvoir politique et la position de faiblesse du Conseil constitutionnel et ses consequences dans la vie politique. Tout laisse croire qu'au-delà du déficit de compétence souvent évoqué, le Conseil est victime du mode de nomination de ses membres. Autrement dit l'autorités nommante a tendances à privilégier ses amis politiques. Ce devoir de reconnaissance des membres à l'égard de l'autorité nommante explique dans une certaine mesure au-delà des compétences statiquement énumérées, cette propension du Conseil a toujours se déclarer incompétent ou à toujours donner des brevets de conformité. Ce qui instaure une véritable instabilité constitutionnelle et un déséquilibre institutionnel au profit de l'exécutif * 188 L'illustration est fournie par la décision du Conseil constitutionnel du 26 mars 2001 sur l'affaire relative à l'effigie du président de la République, voir J.O du 28 juin 2001, p. 156. Selon le Conseil constitutionnel, le « nom Wade et la photographie du Président de la République ne doivent pas figurer sur le bulletin de vote de la coalition Wade ». Cette décision du conseil a suscité une désapprobation du président de la République qu'il n'a pas manquée de porter à l'attention du Conseil à partir d'une lettre. Il s'en est suivi un échange de correspondances. Voir le Soleil du mardi 10 avril 2001. D'ailleurs Doudou Ndoye, dans son ouvrage La Raison, Valeur de modernité pour l'Afrique, p. 57 qualifie la lettre du président de « demande injonctive d'explication faite au Conseil constitutionnel» * 189 On peut citer comme exemple la modification du règlement intérieur de l'Assemblée Nationale notamment en son article 15 réduisant ainsi le mandat du Président l'Assemblée Nationale à 1 an. En effet c'est par 111 voix pour, 22 contre, que les députés sénégalais ont mis fin ce dimanche soir aux fonctions du président de l'Assemblée nationale. Partisans et adversaires de Macky Sall se sont succédé à la tribune tout au long des six heures de débat, expliquant pourquoi ils voteraient, ou non, le projet de résolution. Les adversaires de Macky Sall ont affirmé que les relations entre le législatif et l'exécutif étaient bloquées en raison des désaccords entre le président de l'Assemblée et le chef d'Etat, Abdoulaye Wade. Ils ont aussi critiqué la gestion actuelle de l'Assemblée. « Il y a eu abandon de poste », ont lancé certains députés. Les députés partisans de Macky Sall, ceux en tout cas qui s'opposaient à son départ, ont tenté de défendre le bilan du président de l'Assemblée. D'autres ont regretté que l'Assemblée s'intéresse à des questions purement politiciennes au moment où, selon l'un des orateurs, « les urgences sont ailleurs ». « Cette résolution est une résolution de complot », a lancé l'une des oratrices. Voir www.rfi.fr. Quant au Conseil, il a déclaré, à l'issue de sa séance du 30 octobre 2008, que l'Article 15 est conforme à la Constitution, permettant ainsi au président de la République de promulguer cette loi de toutes les controverses. |
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