Problématique d'indemnisation des biens volés ou détruits lors du génocide des Tutsis de 1994 et le processus de réconciliation. cas du secteur Nyundo (2005-2010)( Télécharger le fichier original )par Jean-Berchmans RUTAGAMBWA Université Libre de Kigali/Campus de Gisenyi - Licence en Sciences Administratives 2010 |
III.3.3. Impact des juridictions gacaca sur la réconciliationLe déroulement des procès dans les juridictions gacaca en général a aussi un impact sur la réconciliation des rwandais. Nous avons donc posé une série de questions à nos enquêtés pour récolter leurs opinions sur le processus gacaca dans son ensemble. Les résultats obtenus sont repris dans les tableaux qui vont suivre : Tableau 19 : Avis des enquêtés sur la possibilité de libérer les accusés innocents
Source : Résultats de notre enquête, novembre 2010 D'après ce tableau, nous constatons que 56,3% de nos enquêtés sont d'accord que les accusés qui sont innocents peuvent compter sur les juridictions gacaca pour le faire connaître. 27,1% ont nié cette possibilité. 16,7% sont restés neutres. Ces résultats nous montrent que la majorité des habitants du secteur de Nyundo reconnaissent que les juridictions gacaca peuvent faire libérer un accusé innocent. D'ailleurs un de nos enquêté nous a avoué qu'il a été acquitté après avoir prouvé son innocence. Tableau 20 : Avis des enquêtés sur l'existence des faux témoignages à charge
Source : Résultats de notre enquête, novembre 2010 D'après ce tableau, nous constatons que 53,1% de nos enquêtés pensent qu'il y a beaucoup de faux témoignages à charge dans le gacaca. 46.9% affirment le contraire et personne n'est resté neutre. Ces résultats nous permettent de confirmer qu'il existe des faux témoignages à charge dans les procès de la juridiction gacaca du secteur de Nyundo. Dans une interview avec les « inyangamugayo » de cette juridiction, ils nous ont confirmé l'existence des faux témoignages des uns et des autres. En effet, selon les propos du coordinateur de la juridiction gacaca du secteur de Nyundo, on a même prononcé des peines d'emprisonnement ferme contre les personnes qui se sont rendues coupables de faux témoignages, les uns à charge, les autres à décharge. Tableau 21 : Avis des enquêtés sur la sécurité des familles des coupables
Source : Résultats de notre enquête, novembre 2010 D'après ce tableau, nous constatons que 21,9% de nos enquêtés affirment que les familles des coupables sont l'objet de suspicion. 78,1% disent que ces suspicions ne sont pas une réalité dans le secteur de Nyundo : « Icyaha ni gatozi ku wagikoze », disent-ils, pour signifier que la responsabilité criminelle n'est pas partagée. Cela est juste puisque dans toutes les juridictions du monde, la responsabilité est individuelle. Il doit en être ainsi dans les gacaca. Tableau 22 : Avis des enquêtés sur la possibilité des gacaca d'aboutir à la réconciliation des Rwandais
Source : Résultats de notre enquête, novembre 2010 D'après ce tableau, nous constatons que la majorité de nos enquêtés (71,9%) sont d'accord que le paiement des préjudices causés constitue une étape essentielle vers l'unité et la réconciliation des Rwandais. 25% ne sont pas d'accord avec cela et 3,1% se sont abstenus. Ces résultats nous permettent donc d'affirmer que le processus gacaca est une étape qui pourra aboutir à la réconciliation des rwandais dans le secteur de Nyundo puisqu'ils sont majoritaires à avoir affirmé cela. III.4. Expérience des autres parties du monde La question des spoliations et des restitutions a fait l'objet de très peu de recherches avant 1990, même si ce thème était mentionné dans des études historiques61(*). On peut ici mentionner un rapport au Gouvernement français édité par la Documentation française en 1949 ; les travaux de Joseph Billig réalisés entre 1955 et 1960 dans le cadre du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), (malheureusement ces recherches ont été interrompues, le ministère des Finances ayant cessé de les financer, jugeant que cette question n'était plus d'actualité) ; enfin quelques thèses de juristes après la guerre et, plus récemment, un livre de Claire Andrieu. Toutefois, ceux-ci n'ont jamais fait l'objet d'une diffusion auprès d'un large lectorat. Il est même possible d'affirmer que ces documents étaient amplement méconnus de la plupart des membres de la Mission d'étude lorsqu'ils ont été nommés (hormis les historiens qui en feront partie, parmi lesquels Claire Andrieu). Par ailleurs, notons que les travaux les plus récents sur les spoliations et la restitution ont commencé à la périphérie de l'appareil d'État, mais ne sont pas l'émanation d'une volonté gouvernementale. Ils ont notamment eu pour cadre la Caisse des dépôts et consignations et la Ville de Paris qui doivent financer les démarches visant à éclairer le génocide des Juifs. Cet exemple nous montre que la question de remboursement des préjudices subi est prise au sérieux dans le traitement des conséquences des autres génocides comme la Shoah. Ces agissements pourraient servir d'exemple à l'Etat rwandais pour qu'il traite beaucoup plus la question relative aux remboursements. * 61 BILLIG J., Question d'indemnisation des rescapés de la Shoah, Paris, dans le cadre du Centre de documentation juive contemporaine, CDJC, 1955-1960 |
|