Les contrats de financement dans les banques islamiques( Télécharger le fichier original )par Malika Amri Toulouse 1 - Master 2 droit international et comparé 2009 |
UNIVERSITE DE TOULOUSE I SCIENCES
SOCIALES LES CONTRATS DE FINANCEMENT DANS LA BANQUE ISLAMIQUE Mémoire en vue de l'obtention du
diplôme du Master en Droit international et Malika AMRI Mes sincères remerciements vont à Madame POUSSON qui m'a encouragée dans le choix de mon sujet et m'a aimablement orientée. Qu'elle puisse trouver dans ce travail l'expression de ma gratitude. A la mémoire de mon père SOMMAIRE INTRODUCTION 9 PREMIERE PARTIE Les contrats de crédit dans la banque islamique 19 CHAPITRE I Les conditions de fond 20 SECTION I La licéité du contrat de crédit en droit musulman ..21 SECTION II L'interdiction du riba ..30 CHAPITRE II Les conditions de forme 44 SECTION I Les contrats portant sur l'acquisition de biens 45 SECTION II : Les actes de bienfaisance de la banque islamique 57 DEUXIEME PARTIE : Les contrats de société dans la banque islamique .65 CHAPITRE I : Les différents aspects du partenariat ..67 SECTION I : Le rôle actif de la banque dans le projet commun 68 SECTION II : La participation aux résultats de l'entreprise .77 CHAPITRE II : Les formes possibles du partenariat 81 SECTION I : Le financement par la mudharaba 82 SECTION II : Le financement par la musharaka 90 CONCLUSION . .99 BIBLIOGRAPHIE 101 INTRODUCTIONLe droit musulman et ses sources L'Islam, religion monothéiste comptant aujourd'hui plus d'un milliard de croyants, comporte un ensemble de règles à teneur « juridique », des prescriptions regroupées sous le terme de Chari'a. La Chari'a vient du mot chara' qui signifie à l'origine chemin. La Chari'a est l'ensemble des lois imposées par Allah et révélées aux Messagers, régissant toute la vie humaine depuis la naissance jusqu'à la mort.. L'on a donc identifié la Chari'a comme seul moyen pour prévenir à la fois l'égarement dans la vie d'ici-bas et le châtiment dans l'au-delà. Elle est l'ensemble des règles qui, lorsqu'elles sont observées, permettent au Musulman d'emprunter la voie qui mène à Dieu. Il s'agit en l'occurrence de l'ensemble des règles de droit musulman1. La loi islamique se distingue par la pluralité de ses sources. Ces sources font l'objet dune science propre appelée `ilm usul al-fiqh, qui signifie sciences des sources de la doctrine, elles sont classées de façon hiérarchique. Une majorité de jurisconsultes musulmans en ont identifié dix2. D'une part, il y a les sources primaires de la Chari'a. Ce sont les sources directes qui ne sont pas le fruit d'un travail de réflexion humain. Il s'agit en un premier lieu du Coran, texte sacré transcrivant la parole de Dieu transmise au Prophète. Ensuite, il y a la Sunna, littéralement « tradition » qui est l'ensemble des paroles et des comportements du Prophète Mahomet rapportés par ses compagnons3. 1 ABDUL-KHALEQ A., Woujoub tatbiq al-houdoud ach-char'iya 2Voir par exemple AL-GHAZALI, Al-mustasfa min `ilm al-usul, ou encore ACH-CHATIBI, Al muwafaqat fi ousoul ach-chari'a. Dans le cadre de notre étude, nous nous basons sur l'ouvrage suivant : KHALLAF A., `ilm ousoul al fiqh, édition Annashir li'tibaa wannashr wattaouzii, Koweit, 12ème éd., 1978 3 KHALLAF A., op. cit. D'autre part, il existe ce que l'on appelle des sources secondaires de la Chari'a, qui sont le résultat de la réflexion des jurisconsultes musulmans, les Fuqahas, du terme fiqh qui signifie « doctrine »1. Les sources secondaires sont d'abord l'idjma ou consensus des Musulmans sur un sujet déterminé. Il y a ensuite le qiyas, l'analogie, qui est un travail par lequel le jurisconsulte musulman se sert d'une règle puisée dans une source primaire, identifie la raison d'être de la règle et l'applique à toutes les autres situations dans lesquelles cette même raison d'être, appelée `illa, apparaît. Quant à l'Istihsan, il s'agit d'un effort de réflexion du Musulman par lequel il donne son approbation personnelle à un comportement. L'Istislah, lui, consiste en la prise en compte du critère de l'intérêt général ou maslaha dans l'élaboration des règles de la Chari'a. La coutume ou `Urf est également une source de la Chari'a. D'ailleurs, sa reconnaissance en tant que source du Droit musulman a permis au moment de l'apparition de l'Islam l'intégration de nombreux comportements datant de la période antéislamique jugées compatibles. Le Taqlid consiste pour le jurisconsulte musulman à imiter des décisions des anciens en présence d'une situation similaire, cette source peut être dans une certaine mesure comparée à la jurisprudence. L'Ijtihad, pour sa part, est un concept consistant pour un Musulman en un effort de réflexion personnelle pour adopter le comportement juste car en l'absence de clergé en droit musulman, tous les hommes sont considérés faillibles et les idées des jurisconsultes sont constamment revues. Chaque Homme doit rechercher par lui-même et grâce à son libre arbitre la voie juste. Enfin, il y a la loi de l'Etat ou autre système politique dans lequel vit le Musulman, le Qanun, car le Musulman a le devoir de s'intégrer dans la société dans laquelle il vit. Il est à signaler que le droit musulman régit aussi bien les règles de culte donc les rapports avec Dieu (Ibadat) que les règles de comportement entre les Hommes (mu'amalat). Comment expliquer qu'une religion, l'Islam, puisse prendre la place de l'Etat dans l'élaboration de la règle de Droit ? 1 KHALLAF A., op. cit. Dans la philosophie de l'Islam, aucune séparation n'est faite entre la vie temporelle et la vie spirituelle. Le Musulman évolue dans un environnement politique théocratique. La laïcité au sens de la séparation de l'Etat et de la religion est par principe exclue. Le concept de laïcité a été élaboré par des penseurs occidentaux. Sa source pourrait être puisée dans la parole de Jésus : « il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »1. En Islam, si les sources du Droit sont nombreuses, elles ne peuvent être que d'origine sacrée car la finalité du Droit est la justice et seul Dieu est Juste. Les Musulmans face au système bancaire occidental A l'époque des colonisations des pays à population musulmane, les nouveaux résidents ont introduit les banques sur ces territoires car elles leur étaient nécessaires pour développer leurs affaires. Cependant, les autochtones, mise à part une élite, sont longtemps restés en marge du système bancaire car les techniques utilisées (intérêt bancaire, spéculation, etc.) étaient contraires aux préceptes de l'Islam. L'empire ottoman, qui n'a jamais été colonisé, entretenait des rapports économiques denses avec l'Europe. Si pour les populations locales ottomanes, le recours aux banques occidentales était interdit par la Chari'a, il était néanmoins permis aux non Musulmans grâce au système des capitulations. En effet, ce système institué dans l'empire ottoman du dix-neuvième siècle permettait aux Etrangers de bénéficier des privilèges suivants: liberté de culte, liberté de commerce et d'industrie et immunité juridictionnelle2. Les dirigeants ottomans éclairés ont pris l'initiative d'européaniser leur système juridique et bancaire en codifiant les règles de droit d'inspiration religieuse afin d'attirer les investisseurs étrangers, ce qui s'est traduit dans les faits par une vague de réformes législatives entre 1848 et 1856, avec notamment l'introduction des institutions de crédit et la légitimation du taux 1 Evangile selon Saint Mathieu, XXII, 21 2 Voir la loi dénommée Firman imperial promulguée en 1856 dans l'Empire ottoman et visant notamment à accorder des privilèges aux banquiers occidentaux d'intérêt. En plus d'avoir laissé les Européens libres d'installer leurs propres banques, les Ottomans ont créé en 1883 une banque d'Etat : la Banque Ottomane1. Le même phénomène d'apparition des banques a été constaté dans les autres pays musulmans. Avec les indépendances, le besoin identitaire des peuples nouvellement libres s'est traduit par une forte réaction contre les modèles occidentaux. Le panarabisme né dans les années mille neuf cent cinquante en Egypte en est l'exemple le plus éloquent. En effet, le nassérisme laïc va rapidement montrer ses limites et le besoin pour le peuple égyptien à l'instar des autres peuples musulmans d'affirmer leur identité va passer par leur appartenance à la communauté musulmane ou Umma. Les peuples vont marquer un retour massif vers la religion musulmane et puiser dans leurs sources religieuses, d'où une islamisation progressive de la société et des législations. Le premier organisme de financement à proposer des modes de financement conformes à la Chari'a est apparu en Egypte dans la bourgade agricole de Mit Ghamr. Entre 1963 et 1967, la Mit Ghamr Saving Bank a proposé des comptes d'épargne basés sur le partage des pertes et des profits, à l'instigation de son directeur Ahmed al-Naggar, économiste local et grand admirateur, dit-on, du mouvement coopératif allemand. Cependant, ce système n'était pas assez rôdé et a rapidement périclité. Le mouvement qui va aboutir à la création de banques dites islamiques va réellement s'amorcer avec le besoin des Cheikhs des pays du Golfe d'investir leurs pétrodollars à partir des années soixante. Apparition et genèse des banques islamiques Pour les réformistes de la seconde moitié du
vingtième siècle2, la religion musulmane ne 1ABI HAIDAR A. La banque islamique, essai d'intégration dans un système juridique de type occidental, éd. Lille, ANRT coll. Lille thèses, Thèse de doctorat Droit privé, Paris 2 1991, partie introductive 2 Voir par exemple TAHA M., ar-risala ath-thanya minal-islam, 1967 ; MADKOUR I., al muslimin, 1979 exigences des acteurs économiques et leurs devoirs religieux. Ce compromis semble s'être matérialisé par l'apparition des banques islamiques. C'est en 1970 qu'est apparue l'Organisation de la Conférence Islamique. A l'issue de ses travaux a été lancée l'idée d'une banque islamique qui assurerait le même rôle qu'une banque conventionnelle mais présenterait l'originalité de fonctionner selon les règles de la Chari'a, la loi islamique. Les premières sont apparues très peu de temps après : la Dubai Islamic Bank et la Banque Islamique de Développement en 1975, la Kuwait Finance House en 1977 et la Bahrein Islamic Bank en 1978. Parallèlement, l'on a assisté sur le plan législatif à l'islamisation intégrale du secteur bancaire du Pakistan en 1979, suivi par le Soudan et l'Iran en 19831. Dans les autres pays musulmans, le système bancaire est resté mixte et les banques islamiques cohabitent avec les banques conventionnelles. Aujourd'hui, les actifs bancaires islamiques dans le monde sont estimés à 1000 milliards de dollars et ont connu une croissance de 27% pour l'année 2007-2008 contre 3% pour les actifs bancaires conventionnels2. De plus, le regain d'intérêt récent pour la finance islamique est dû au fait que suite à la crise financière de 2008, les banques et institutions financières islamiques semblent avoir mieux résisté que les organismes conventionnels. Ceci s'explique selon les économistes par le fait que les banques islamiques fonctionnent selon le principe de l'asset backing, c'est-à-dans la sphère de l'économie réelle. Elles ont donc subi de façon moins importante le revers des spéculations boursières et de l'effondrement des sub-primes3. 1 IQBAL Z., MIRAKHOR A, Islamic banking, Washington, D.C., IMF, coll. Occasional papers, International Monetary Fund 1987, chapter II 22 Chiffres communiqués par Deloitte, Introduction to islamic finance, islamic finance service team, 15 mai 2009 3 Voir JOUINI E., PASTRE O., La finance islamique - une solution à la crise ?, édition Economica, 2009 Expansion des banques islamiques en Occident Le succès des banques islamiques ne s'arrête pas aux frontières des pays musulmans, c'est désormais les pays occidentaux, avec à leur tête l'Amérique du Nord et l'Europe, qui cherchent à adapter leur législation pour pouvoir intégrer les banques islamiques et attirer ainsi les investisseurs des pays du Golfe. De plus, certains pays européens ont fondé des banques islamiques de détail afin de répondre à la demande de leurs clients musulmans. Les efforts législatifs les plus importants autorisant l'activité des banques islamiques ont été observés au Royaume Uni, pionnier européen de la finance islamique. Une trentaine de banques étaient déjà actives sur le marché de la finance islamique à la fin de l'année 2007 et d'autres demandes d'autorisation étaient déjà en cours de traitement par la Financial Services Authority1. La FSA a encouragé l'activité des banques islamiques et des banques conventionnelles ayant des fenêtres islamiques, d'une part en leur montrant la voie à suivre pour se conformer à la législation britannique, d'autre part en assouplissant la fiscalité et les conditions permettant d'exercer l'activité de finance islamique2. En France, l'importance du nombre de Musulmans (ils sont estimés à cinq millions de personnes contre seulement 1,8 millions au Royaume Uni), les autorités ont tardé à se mettre au diapason et la France reste relativement en retard par rapport à ses voisins en matière de finance islamique. Récemment, de nombreux efforts ont été faits avec notamment la reconnaissance depuis 2007 des sukuks qui sont des emprunts obligataires conformes à la Chari'a car basés sur le principe de partage des pertes et profits, définis comme étant des « titres qui sont émis pour une valeur identique et qui confèrent à leurs porteurs un droit de 1 La FSA (Financial Services Authority) a pour équivalent en France à la fois l'Autorité des Marchés Financiers 2 Revue Banque n° 696, novembre 2007, Banques islamiques au Royaume Uni, interview de Michael AINLEY, directeur à la FSA, pp34-36 propriété indivis sur un actif, voire sur un groupement d'actifs »1. Pour le moment, l'activité de la finance islamique en France se limite à quelques opérations de financement immobilier2. L'autorité des marchés financiers a publié un avis le 17 juillet 2007 qui autorisait la création d'OPCVM conformes à la Chari'a3. Le 18 décembre 2008, le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi a publié des fiches dont l'objet est de faciliter certaines opérations de financement islamique en interprétant de manière constructive les règles actuelles du Code général des impôts4. Paris Europlace, organisme représentant les marchés financiers français, a mis en place une commission Finance islamique chargée de collaborer avec le législateur afin de rendre la loi française compatible avec ce système financier. Un comité ACERFI (audit, conformité éthique et recherche en finance islamique) a été créé par l'AIDIMM (association d'innovation pour le développement économique et immobilier) en vue de faciliter le développement de la finance islamique5. De nombreuses banques proposent des investissements compatibles avec la Chari'a en France comme BNP Paribas, Société Générale ou Citigroup mais il n'existe encore pas de banque islamique de détail. De nouvelles mesures fiscales en vigueur depuis le début de l'année 2009 vont permettre de faciliter le développement de la finance islamique en France avec notamment la suppression du double droit d'enregistrement et de timbre et la redéfinition comptable de certaines opérations. Par exemple, la marge du banquier dans le cadre de la Murabaha6 n'est plus 1 CHARRIAU J.-Y., GRANIER T., Nouvelles mesures fiscales en faveur de la finance islamique en France : régime des sukuks et autres titres de dettes indexés, Option finance n°1012, lundi 19 janvier 2009, p.24 2 FULCONIS-TIELENS A., La finance islamique a-t-elle un avenir prometteur en France ?, Revue Banque n°696, novembre 2007, pp.28-32 3 ARTHUIS J., Sénat, Rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la finance islamique, n°329, annexé à la session ordinaire du 14 mai 2008 4 De BROSSES A., ABOUALI G., Le développement de la finance islamique en France, ses applications et ses implications sur le régime juridique de la fiducie, Option finance n°1015, lundi 9 février 2009, p.31 5 L'on assiste même à l'apparition de formations spécialisées en finance islamique pour les étudiants et les professionnels dans les écoles et les universités, comme par exemple le Diplôme d'université de l'Université de Strasbourg en finance islamique ou encore le master de finance islamique de l'Université de Paris Dauphine 6 C'est un type de contrat de vente différée utilisé par les banques islamiques considérée comme un profit mais comme un intérêt et sera donc imposée selon le principe des intérêts courus, sur toute la durée de la Murabaha1. Le manque de spécialistes financiers francophones et l'état encore insuffisant de la finance islamique en France font de la question du financement islamique un sujet d'actualité présentant un intérêt primordial. Le financement des activités économiques par les banques islamiques se fait par le biais de contrats de financements. Le contrat de financement dans le système conventionnel a été défini par le Professeur Aynès comme une opération de crédit2. Selon le législateur français, en l'occurrence l'article L. 3 13-1 du Code monétaire et financier, « constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne... ». Selon une directive européenne de 2002, le contrat de financement est défini comme « tout contrat ou accord de prêt, de leasing, de location ou de vente différée concernant un équipement quelconque, qu'il soit prévu ou non dans les conditions de ce contrat ou accord ou de tout contrat ou accord accessoire qu'un transfert de propriété de cet équipement aura ou pourra avoir lieu »3. Ces propositions de définitions semblent cependant trop insuffisantes pour correspondre à la réalité de la finance islamique. En effet, les modes de financement proposés par les banques islamiques semblent dépasser le cadre des services traditionnellement proposés par les banques. 1 CHARRIAU J.-Y., GRANIER T., Nouvelles mesures fiscales en faveur de la finance islamique en France, Option finance n°1011, lundi 12 janvier 2009, p.20 2 AYNES L., Le contrat de financement : étude comparative et prospective du crédit bancaire, édition Eyrolles 2006, p.17 3 Directive 2002/96/CE du parlement européen et du conseil du 27 janvier 2003 relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques DEEE Problématique : Quels types de contrats permettent aujourd'hui aux banques islamiques de financer les activités de leurs clients tout en respectant, contrairement aux banques conventionnelles, les principes de Droit musulman ? Les banques islamiques utilisent des techniques de financement puisées dans les contrats classiques de droit musulman mais elles ont pris le soin de les adapter selon les besoins actuels de leurs clients en situation de besoin de financement. Elles reposent sur un système de fonctionnement original et proposent des modes de financement novateurs. Le financement participatif, apanage des banques islamiques, marque une réelle rupture avec le système bancaire conventionnel dans lequel les banques se limitent à un rôle d'intermédiaire. Quant au financement par dettes, s'il s'agit d'un mode de financement classique comparable à celui des banques conventionnelles, il présente toutefois l'originalité de reposer sur des techniques diamétralement opposées. La banque islamique, comme toute banque conventionnelle, joue le rôle d'intermédiaire entre épargnants/investisseurs et demandeurs de capitaux et propose de ce fait à ces derniers des contrats de financement reposant sur le crédit (première partie).Cependant, la banque islamique présente en plus la particularité de proposer des contrats par lesquels elle peut s'impliquer entièrement en devenant un investisseur direct participant au projet qui lui est soumis (deuxième partie). PREMIERE PARTIE Dans le cadre du mécanisme de crédit, les banques islamiques exercent le rôle traditionnel de toute banque, à savoir la mise en relation des agents en situation de besoin de financement avec les agents en surplus de liquidités. La banque va financer des activités par le biais de l'avance d'une somme d'argent à son client. Cependant, en plus des contraintes légales et règlementaires auxquelles toute banque doit se soumettre, les institutions islamiques doivent fonctionner selon les règles de la Chari'a afin de mériter et de garder leur label « islamique ». Dans cette optique, ces banques doivent en premier lieu élaborer des contrats dans le respect des principes fondamentaux qui constituent des conditions de fond pour la validité de ces contrats (chapitre I). Ensuite, elles doivent concevoir des formes contractuelles compatibles avec ces principes (chapitre II). CHAPITRE I Les conditions de fond pour la validité du contrat en général sont plus ou moins les mêmes qu'en droit romano-germanique : capacité, volonté de contracter, cause et objet. Cependant, deux traits semblent distinguer les conditions de validité du contrat de crédit posées en droit musulman : au niveau de la formation du contrat, l'acception de la licéité diffère considérablement de celle retenue dans le système bancaire conventionnel (section I). Concernant les obligations des parties telles que contenues dans le contrat, elles doivent obéir à une règle essentielle : l'interdiction du recours à l'intérêt (section II). SECTION I La licéité du contrat de crédit en droit musulmanLes exigences du droit musulman concernant la validité du contrat de crédit se rapportent d'une part là la licéité de l'objet du contrat, c'est-à-dire l'activité financée (§1), et de l'autre la licéité des obligations des parties telles que prévues dans le contrat (§2). §1 La licéité de l'activité financée L'activité financée par la banque islamique doit évidemment être conforme à la loi de l'Etat dans lequel elle se trouve. Cependant, lorsque le Droit de cet Etat n'a pas pour unique source formelle la Chari'a, elle se distingue par un ensemble de conditions supplémentaires qu'elle se fixe volontairement pour répondre à des exigences éthiques posées par le Droit musulman, et mériter ainsi le label de banque islamique. Pour cela, l'objet du contrat doit être halal, c'està-dire permis selon le droit musulman (A) et sa cause doit être l'accomplissement de l'intérêt général (B). A Une activité halal Le terme halal, permis est défini comme étant d'abord le contraire de haram, interdit, Ce qui est halal c'est ce que Dieu a permis à l'Homme1. Le sens de l'activité du musulman repose ainsi sur la dichotomie du bien et du mal. Contrairement aux banques conventionnelles qui financent toute activité économiquement intéressante tant que la loi ne l'interdit pas, et ce sans aucune considération d'ordre moral et religieux, les banques islamiques sont plus regardantes sur la nature de l'activité financée qui doit être obligatoirement conforme à la morale de l'Islam. Il est par exemple interdit de faire le commerce de l'alcool2, de la viande de porc3 ou des aliments à base de sang. Le financement des jeux de hasard, de la prostitution et des oeuvres à caractère pornographique 1 IBN MANDHOUR, Lissanou l'arab, éditions Dar Sader Beyrouth 2ème éd., 2003, volume 4 pp. 204- 205 2 Coran, sourate 5, La table servie, verset 90 3 Coran, sourate 2, La Vache, verset 173 ; sourate 5, La table servie, verset 3, sourate 6, Les troupeaux, verset 145 ; sourate 16, L'abeille, verset 115 est strictement interdit. De façon générale, l'activité financée par la banque islamique doit être halal, c'est-à-dire autorisée par la Chari'a. Les Anglo-saxons parlent d'activité shari'a compliant c'est-à-dire conforme à la Chari'a1. Cependant, dans le système juridique islamique, les choses ne sont pas aussi simples. En effet, les règles édictées par la Chari'a n'ont pas toutes la même force obligatoire. Les jurisconsultes musulmans ont distingué cinq catégories de jugements qualificatifs des actes humains. Il y a d'un côté, les prescriptions obligatoires (wajeb), qui contrairement aux actes seulement souhaités (mandoub) ne laissent aucune marge à l'interprétation humaine. D'un autre côté, il y a les comportements sur lesquels la Chari'a ne s'est pas prononcée et qui sont donc par principe permis (mubah). Par ailleurs, il y a le concept du haram qui est l'acte strictement condamné et celle moins catégorique de l'acte déconseillé ou répréhensible (makrouh)2. L'activité de la banque islamique doit être, soit obligatoire, comme c'est le cas pour la zakat, impôt religieux qu'elle collecte pour le redistribuer aux nécessiteux, soit souhaitée ou encore autorisée. Il ne doit pas s'agir d'une activité considérée comme haram. Par contre, la question reste en suspens quant au financement d'activités indésirables mais non punissables, en d'autres termes relevant du makrouh. La question a été posée à l'occasion d'un débat sur la validité du Tawarruq, qui est un moyen de financement consistant à faire acheter des biens à la banque avec paiement différé, puis autoriser la banque à vendre sa part dans ces biens à un tiers pour obtenir des liquidités immédiatement. La Islamic fiqh academy, organisme affilié à la
Islamic World League, a déclaré à l'occasion 1 Voir par exemple EL GAMAL M.A., Islamic finance, law, economics and practice, Cambridge university press, 2006, p.12 2 KHALLAF A., `ilm ousoul al fiqh, édition Annashir li'tibaa wannashr wattaouzii, Koweit, 12ème éd., 1978, pp.105 et suiv. 3 Islamic fiqh academy, 24 - 27 October 1997, Mumbai, India, resolution related to Buying and Selling on Installments: »It is definitely valid and permissible to enhance the price of an item if the deal is struck on credit as compared to that of cash transactions in matters of buying and selling. Such a mode of buying and selling is also valid provided that the terms and conditions regarding the price of the item at credit and the duration of its payment are clearly specified before finalizing the agreement». elle a revu sa position et a condamné la transaction, la considérant interdite ou haram car injuste pour le client qui perçoit une somme moins élevée que celle perçue par la banque en revendant les parts de ce client. Pour pouvoir être autorisé, le tawarruq doit être strictement encadré. Ce qui nous intéresse ici, c'est la position adoptée par un économiste bahreïni du nom de Nizam Yacoubi et sur laquelle se basent les banques islamiques pour pratiquer le tawarruq : selon lui, le tawarruq est seulement makrouh, répréhensible sous certaines formes, mais non prohibé. Par induction, les activités de type makrouh ne seraient pas interdites aux banques islamiques, mais le débat reste néanmoins entier. Quoiqu'il en soit, l'intérêt pour un musulman de choisir une banque islamique est la certitude que sa banque agira de façon conforme à ses croyances. Le Musulman qui traite avec une banque islamique aura la certitude qu'il n'encouragera pas d'une façon ou d'une autre le développement d'activités interdites par la Chari'a. C'est là une sorte de label qui lui garantit la destination des fonds déposés. C'est, nous semble-t-il, ce qui a favorisé la confiance croissante des déposants. Il s'agit ici de l'intérêt général pris au sens économique du terme qui peut être défini comme l'ensemble des intérêts particuliers. B Une activité visant la réalisation de l'intérêt général Selon la philosophie de l'Islam, la religion est indissociable de la politique, de l'organisation sociale et de la vie quotidienne. Ainsi, le système économique islamique a été défini comme « la méthodologie consistant à savoir comment utiliser les ressources et les moyens de production pour satisfaire les besoins terrestres conformément à un code dicté par Dieu et visant la plus grande équité »1. La satisfaction personnelle ne suffit pas à atteindre le bien-être en Islam, le bien ou le service consommé par le Musulman doit contribuer aux objectifs de la vie humaine sur terre ou maqasids : la vie, la propriété, la foi, l'intellect ou sagesse et la postérité2. 1 AL SAOUD M.F., Conférence-débat Islam et occident face au nouvel ordre économique mondial, UNESCO, 14/11/1985 2 Les maqasids ont été repris et synthétisés par KARICH I, Le système financier islamique de la religion à la banque, Bruxelles, De Boeck & Larcier, Financiële Cahiers Financiers 2002, pp.24 et suiv. La conception du modèle économique musulman repose selon Madame Karich sur deux fondements éthiques : l'unicité de Dieu et l'impératif de justice sociale1. D'une part, Dieu est l'unique maître de l'Homme qui doit se soumettre inconditionnellement à sa volonté et à ses commandements. Les exigences d'ordre divin sont l'appartenance des richesses à Dieu, le principe de vice-gérance de l'Homme sur terre et l'idée de la vie après la mort. Le modèle économique musulman doit donc forcément prendre en compte l'omniprésence de Dieu dans la pensée du musulman : le musulman type appelé homo islamicus est persuadé d'être constamment en communion avec Dieu qui le surveille, ses réflexes vont donc forcément être différents de ceux de l'homo oeconomicus. C'est la première différence fondamentale avec les théories économiques classiques. Ainsi, contrairement aux modèles économiques classiques où seul le bien-être économique est recherché, les impératifs éthiques et les exigences économiques doivent être constamment liés en Islam, il n'existe pas de frontière irréfutable entre le matériel et le spirituel, la morale devient une notion centrale et incontournable. Selon ce modèle, l'initiative privée doit être encouragée par l'Etat mais il ne s'agit pas non plus du libéralisme classique de la règle du « laisser faire, laisser passer » où tout est permis tant que le profit est assuré. L'un des principes fondateurs en Islam est que tous les Hommes sont égaux devant Dieu. Ce qui les différencie c'est leur foi. Un musulman doit sa vie durant donner la preuve de la force de sa foi et de son attachement aux préceptes divins. Ainsi, le musulman riche a le devoir de donner au musulman pauvre car toutes les richesses appartiennent à Dieu. Il est important que l'Homme mérite ce qu'il gagne mais il faut également rétablir les déséquilibres entre les êtres. Les droits du nécessiteux sont restaurés à travers une distribution juste du revenu et de la richesse. La consommation et la satisfaction ne sont pas réprouvées, mais le gaspillage et les mauvaises dépenses le sont car le prodigue épuise des ressources et en prive ceux qui en ont plus besoin que lui. De même l'épargne est admise, mais l'épargnant devra être ipso facto un investisseur car si l'argent dort, il s'agira de 1 KARICH I., op. cit. thésaurisation qui elle est interdite car inutile à la communauté. Ainsi, le bien-être général doit primer sur l'intérêt individuel. Il est intéressant de souligner qu'il ya ici une redéfinition de l'efficience optimale de Pareto1. A titre de rappel, cette théorie affirme que la condition nécessaire et suffisante pour qu'une situation économique soit optimale est qu'il n'est plus possible d'élever le bien-être de tous de sorte que le bien-être d'un individu ne peut augmenter sans diminuer le bien-être d'un autre. Or, selon la philosophie islamique, le sacrifice privé est admis s'il peut épargner le sacrifice du plus grand nombre et l'intérêt de la majorité prime sur celui de la minorité. Par conséquent, toutes les ressources humaines et matérielles, par définition limitées, doivent être utilisées pour produire des biens et des services jusqu'à atteindre le seuil maximum permettant l'harmonie entre l'intérêt privé et l'intérêt général. Ainsi, la banque islamique a pour obligation de s'assurer que l'activité qu'elle finance est conforme au service de l'intérêt général tel qu'entendu dans le système économique islamique afin que l'objet du contrat soit considéré licite et le contrat validé. Néanmoins, cela reste insuffisant pour la conformité du contrat à la Chari'a. En effet, il faut aussi vérifier la licéité des obligations des parties, notamment concernant la rémunération du service qu'offre la banque en avançant des fonds à l'emprunteur. §2 La licéité des obligations des parties Afin que le contrat soit considéré licite, les prestations des parties doivent être déterminées à l'avance car les contrats entachés d'incertitude sont prohibés (A). De plus, la rémunération de la banque pour le prêt qu'elle concède doit nécessairement être la contrepartie du travail qu'elle a fourni en ce sens et non des fonds qu'elle a avancés (B). 1 KARICH I., op.cit. A Interdiction des contrats aléatoires ou gharar Le gharar signifie littéralement hasard, risque, incertitude, tromperie, danger. Il a été défini par le Qadi `Iad comme « ce qui a une apparence plaisante et une essence détestable »1. Il a été traduit par le concept de contrat aléatoire. Le contrat aléatoire peut être défini comme celui dans lequel la prestation due pour l'une des parties dépend d'un évènement incertain et il en résulte l'impossibilité de savoir par avance s'il y aura perte ou profit : l'étendue des prestations réciproques et l'existence même du contrat dépendent d'un évènement imprévisible. L'aléa peut concerner l'existence même de la prestation, comme par exemple pour un pari puisque si l'aléa ne se réalise pas, le parieur perd sa mise, ou alors l'étendue de la prestation comme pour un contrat de rente viagère puisque l'on ne peut savoir à l'avance combien de temps va vivre le bénéficiaire de la rente et donc à combien va s'élever le total des sommes versées. Ces contrats auront pour conséquence un déséquilibre flagrant dans le contrat si l'aléa ne tourne pas à l'avantage de celui qui s'y soumet. Pour être conforme à la Chari'a, toute transaction de la banque islamique doit être soustendue par un actif tangible et identifiable : c'est le principe de l'asset-backing, qui signifie littéralement que le revenu du client est assuré par un actif réel et non par une quelconque forme de spéculation financière. Autrement, il s'agira d'une tromperie consistant à faire croire qu'il y a croissance économique alors qu'en réalité, il ne s'agira que de prévisions hasardeuses. Par extension, la spéculation financière ou maysir est également interdite car l'argent en lui-même n'est pas considéré comme un facteur réel de production. Le fondement charaïque de cette interdiction majeure se trouve dans le Coran et dans la Sunna. En effet, Dieu a interdit les jeux de hasard et par une étude de la cause (ou `illa) de l'interdiction, les fuqahas ont déduit que les accords reposant sur le hasard et l'incertitude sont prohibés2. Cette interdiction a été confirmée par la
Sunna puisque Abou Hurayra, un compagnon du 1 Al-Qarafi, Al-Furuq, édition `Alam al-kutub, Beyrouth, p.266 2 Coran, sourate 2, La Vache, verset 219 Prophète, Mahomet aurait également déclaré : « Que l'un de vous ne vende pas pour supplanter son frère qui se trouve déjà sur le marché. N'allez pas au devant des marchandises mais attendez qu'on les ait déchargées sur les marchés. Nous allions au devant des caravanes pour y acheter des denrées. Le Prophète nous interdit de les revendre avant que la caravane eût atteint le marché aux grains »1. Le Prophète semblait ici vouloir protéger les Bédouins qui ignoraient encore le prix du marché et souhaitait qu'ils aient toutes les informations en mains avant de vendre, dans un souci d'honnêteté. Plusieurs types de contrats comportant une incertitude ont été identifiés par les jurisconsultes musulmans. Tous s'accordent à dire que la vente du foetus dans le flanc de la chamelle, la vente de choses futures comme celle du poisson qui n'a pas encore été pêché, la vente au toucher, au jet ou au caillou sont prohibées car ouvrant la voie de l'exploitation du faible par le plus fort et le plus rusé2. Par contre, l'on constate une divergence des écoles concernant d'autres types de contrats, notamment la vente des fruits (et par analogie d'autres produits) : si tous s'accordent à dire qu'elle est possible pour les fruits après leur maturation et prohibée pour les fruits avant leur coloration lorsqu'ils sont encore dans l'arbre, le débat persiste concernant la vente avant maturation de fruits simples : les Hanéfites la considèrent licite alors que les autres rites la condamnent car entachée d'aléa3. De même, les fuqahas s'affrontent quant à la prohibition des deux ventes en une seule, ou en d'autres termes de la vente à terme : un seul objet contre deux prix, deux objets contre un seul prix. Cette pratique fait prendre un risque à l'acheteur et le vendeur tente en quelque sorte de rémunérer l'acheteur pour cette prise de risque : les 1 Muslim, Sahih, livre des ventes, kitab al-buyu', n°10, 3623 et suiv. http://islam.about.com/gi/dynamic/offsite.htm?zi=1/XJ/Ya&sdn=islam&cdn=religion&tm=28&gps=93_162_10 20_481&f=00&tt=14&bt=0&bts=0&zu=http%3A// www.usc.edu/dept/MSA/fundamentals/hadithsunnah/musli m/ 2 Il s'agit de pratiques commerciales antéislamiques : la vente au toucher se fait sans regarder l'objet ; dans la vente au jet, les parties échangent l'objet, par exemple un vêtement, en se jetant les vêtements simultanément sans pouvoir les examiner auparavant ; la vente au caillou se fait par le dispersement de différents vêtements sur le sol, l'acheteur jette un caillou et pourra prendre le vêtement sur lequel le caillou est tombé. 3 ABI HAIDAR A. La banque islamique, essai d'intégration dans un système juridique de type occidental, éd. Lille, ANRT coll. Lille thèses, Thèse de doctorat Droit privé, Paris 2 1991 Chaféites et les Hanéfites condamnent ce type de transactions, partant du principe général suivant : On ne peut vendre ce que l'on ne possède pas. Le gharar constitue donc un danger excessif dans une transaction d'affaires du fait de l'incertitude sur le prix, la qualité et la quantité de la contre-valeur, la date de livraison et la capacité du vendeur ou de l'acheteur de tenir sa promesse, causant ainsi à l'une des deux parties une perte inutile. Dans le contexte des banques islamiques et dans une relation de créancier à débiteur, la banque créancière doit obligatoirement déterminer avec son client à l'avance le montant dont il devra s'acquitter sans laisser de marge d'imprévu comme cela a été le cas dans la fameuse crise américaine des sub-primes où les banques ont laissé le coût du crédit fluctuer aux aléas des taux directeurs de la banque centrale américaine. Le coût du crédit doit être convenu à l'avance et de façon définitive avec le client. B Le coût du crédit Selon le modèle économique islamique, l'argent n'a pas de valeur intrinsèque, il n'est qu'un procédé d'échange, donc un moyen et non pas une fin en soi. L'on peut rémunérer l'activité humaine mais l'argent ne peut produire à son tour de l'argent, il doit avoir une contrepartie effective correspondant à une activité apportant une richesse tangible. Dans ce cas, le travail du banquier devient difficile puisqu'il ne peut avoir recours au prêt à intérêt, considéré injuste. Comment l'activité de financement par le crédit peut-elle être rentable dans ces conditions ? Dans les banques conventionnelles, l'on majore la somme prêtée d'un taux d'intérêt correspondant à un pourcentage de cette somme, qui peut être fixe ou variable selon les modalités du contrat. Cette rémunération ne prend absolument pas en compte la situation de l'emprunteur et ou le profit qu'il va retirer de cette somme. Celui-ci assume entièrement seul les risques pouvant découler de l'échec de son entreprise. S'il échoue, la banque ne modifiera pas sa dette pour autant. Généralement, la banque a recours à des garanties pour s'assurer d'être payée. Si l'entrepreneur a des difficultés, il peut finir entièrement ruiné et dans une situation critique. En plus de ces intérêts, la banque facture des commissions bancaires servant à rémunérer son personnel et à traiter le dossier. Dans les banques islamiques, l'intérêt est prohibé. L'activité consistant à accorder des prêts devient un pur acte de bienfaisance ne correspondant a priori pas aux missions d'une banque. Pourtant, la banque islamique exerce des activités à titre gracieux dont le prêt. Par contre, elle pourra réaliser un profit par des contrats consistant en des achats qu'elle effectue comptant pour le compte de son lient et qu'elle se fait rembourser par la suite, moyennant une marge de profit déterminée à l'avance et convenue avec son client. La différence majeure avec les banques conventionnelles est qu'il s'agit d'une somme fixée ex ante et non d'un pourcentage comme c'est le cas pour le taux d'intérêt. La somme payée à la banque islamique est sensée être plus juste. Cependant, dans la pratique, l'on a remarqué que les banques ont eu tendance à contourner l'interdiction en fixant une marge de profit correspondant au même montant qui si elle avait eu recours à l'intérêt. De plus, ce mode de financement pose un souci d'efficacité considérable : il est impossible de charger des intérêts moratoires en cas de défaut de paiement car si l'intérêt est interdit, a fortiori l'anatocisme l'est également. C'est donc cette règle prohibant l'intérêt qui semble chambouler le modèle bancaire conventionnel. |
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