2. Le
rapport consécution et comparaison
Faire une comparaison, c'est rapprocher un fait d'un autre
pour en souligner soit la ressemblance soit la différence. Dans ce sens,
déclarent Niquet et alii (1989 :316) la comparaison est un
procédé par lequel on rapproche, au moyen d'une construction
grammaticale, deux éléments pour les comparer,
c'est-à-dire pour en établir un rapport. La relation de
comparaison comporte deux termes reliés par un outil comparatif, qui
peut être une préposition, une conjonction de subordination, un
adjectif, un adverbe, un verbe... Et dans l'étude de la
conséquence, il s'est trouvé que des locutions conjonctives
si ... que, tant ....que et tel... que peuvent, dans certains
emplois, exprimer la comparaison.
2.1.
Le cas de si et de tant comparatif
La conjonction si peut, dans certains emplois,
corréler intensité et comparaison comme nous le voyons dans
[6] :
6a. Les regards de sa tante ne sont pas
si pressants que le
jeune homme l'imagine. (Ge, p204) ;
6b. La paie de quinzaine était justement tombée la
veille. Ils ne se souvenaient pas d'un pareil régal. Même à
la dernière Sainte-Barbe, [...], le lapin n'avait pas été
si gras ni si tendre. (Ge,
p144) ;
6c. La lapine courait devant les trois galopins, tirant la
cuisse, déhanchant d'une si lamentable façon que jamais
ils n'avaient tant ri. (Ge, p267) ;
Dans l'énoncé [6a], l'intensité est
incidente à un adjectif, mot qui exprime une qualité qui est ici
attribuée au regard de la tante. Le locuteur affirme que la
détermination de l'intensité de cette qualité n'a pas
atteint, sur l'échelle des différentes valeurs de cette
qualité, le degré suffisant pour permettre la validation de
l'état de chose décrite par l'énoncé. Cependant,
cette interprétation peut être valable tant pour la
conséquence que pour la comparaison. En effet le mode verbal de la
consécutive négative est le subjonctif, ainsi dans
l'énoncé [6a], le verbe imaginer étant un verbe
du premier groupe, il y a homophonie entre les verbes du premier groupe
à l'indicatif et au subjonctif, ce qui constitue un facteur réel
susceptible de brouiller l'interprétation des énoncés
produits.
Pour interpréter la comparative, on a recours à
une assertion de la relation prédicative les
regards-être-pressants, et négation du degré
attribué à la qualité représentée. En
d'autres termes, la négation porte sur l'intensité de la
qualité (pressants), le locuteur reconnaît que sur
l'échelle des différentes valeurs de cette qualité,
l'intensité atteinte par cette propriété ne peut permettre
la validation de P2. La mesure de l'intensité se fait à la
dimension de la comparaison. Aussi Hybertie (op cit : 116)
souligne-t-elle que l'intensité niée est
déterminée soit par un repérage avec la
subordonnée, lorsqu'elle est réalisée (Les regards de sa
tante ne sont pas si pressants que le jeune
homme l'imagine), soit par repérage avec un discours
antérieur, ce qui correspond à la glose : Les
regards de sa tante ne sont pas pressants comme on dit qu'ils sont pressants.
L'intensité n'a pas atteint le degré susceptible de
favoriser ce qu'on dit. Le système comparatif négatif
connaît donc le même circuit descriptif que le système
consécutif.
Sur le plan discursif, la comparaison tout comme la
consécutive se situe du coté de la co-énonciation. En
fait, l'énonciation de [6a] ne peut être possible que dans des
contextes mettant en jeu la co-énonciation, c'est-à-dire que
l'assertion de les regards de sa tante ne sont pas si
pressants apparaît comme une négation de la relation
prédicative validée par le co-locuteur : les regards de
sa tante sont pressants et le locuteur réagit en disant pas si
pressant que... Par ailleurs, une autre ambiguïté se
situe au niveau de l'absence de réalisation de la subordonnée
comme le montre [6b et c]. En fait, ces énoncés peuvent
connaître chacun une réalisation soit par une subordonnée
consécutive, soit par une subordonnée comparative ; tout se
passe comme si le soin était laissé au co-énonciateur de
la déterminer. Si on se rappelle que les locutions qui corrèlent
intensité et consécution attestent que la relation
consécutive est validée pour une sous-classe d'occurrences de P1,
sous-classe dont dépend l'avènement de la conséquence, il
y a lieu de se demander si l'avènement d'aucune relation n'est
établi parce qu'aucune sous-classe d'occurrences de P1 n'est
validée. En disant le lapin n'avait pas été
si gras ni si tendre, le locuteur
reconnaît que le lapin est gras, seulement c'est l'intensité
incidente à la qualité prédiquée qui est
niée, seulement on ne sait à quoi aboutit cette négation.
Toutes les valeurs sont envisageables tant pour la conséquence que pour
la comparaison, c'est là la source de l'équivoque.
Reléguées désormais à la compétence de
l'interprétation, c'est-à-dire du co-locuteur, les
séquences suivantes sont possibles :
6b'. La paie de quinzaine était justement tombée la
veille. Ils ne se souvenaient pas d'un pareil régal. Même à
la dernière Sainte-Barbe, [...], le lapin n'avait pas été
si gras ni si tendre
qu'aujourd'hui ;
6b''. La paie de quinzaine était justement tombée
la veille. Ils ne se souvenaient pas d'un pareil régal. Même
à la dernière Sainte-Barbe, [...], le lapin n'avait pas
été si gras ni
si tendre que ça.
Cette analyse est valable pour [6c] avec l'adverbe
d'intensité tant. Avec l'adverbe çà, il
y a encore ambiguïté sur la nature de ce mot. Que se passe-t-il
avec la locution tel...que ?
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