Conclusion du Chapitre 8
En inscrivant l'analyse du phénomène urbain dans
la hiérarchie et la dynamique spatiale des relations villes-campagnes,
Courade (1985, p 73) estime que << le rôle que la ville joue dans
le développement des campagnes est fonction des caractéristiques
de la ville dirigeante et encadrante », mais également des modes
d'organisation des paysanneries et de la structuration
des espaces ruraux. En effet le faible niveau et la
vétusté des équipements de Méagui fait qu'elle se
vide de ses richesses « vivrières » au profit des centres
urbains voisins comme Yabayo. Une typologie peut être établit,
entre les sous-espaces ruraux : les périphéries rurales actives
(Oupoyo et Gnititouagui 2), les périphéries rurales passives
(Touagui 2) et les sousespaces marginaux (Robert-Porte). Cette structuration ne
va pas sans crée de externalités négative. Les
problèmes ou obstacles, frein à la bonne organisation de la
filière du vivrier, sont nombreux.
La saisonnalité aussi perturbe beaucoup la production
vivrière et rend donc les prix ins-tables surtout qu'il s'agit d'une
production traditionnelle. Les agents de l'A.N.A.D.E.R. et de l'O.C.P.V
manquent de matériels de tout genre pour offrir leur expertise et
encadrer les producteurs. Par ailleurs, le racket auquel s'adonnent les agents
des forces de l'ordre gangrènent cette activité et les
véhicules incommodes aux transports des produits vivriers constituent un
premier lot de complexité qui freine la production.
La désorganisation des marchés dus à la
saturation et à la mauvaise occupation des places auxquelles se greffent
les difficultés d'ordre social et ethnique qui annihile toute
velléité d'organisation pour les Baoulés et
Burkinabé pionnier de cette agriculture. Enfin,
l'insécurité routière due aux coupeurs de route termine
d'égrainer le chapelet de problèmes que rencontre ce secteur.
Toutefois, une chose est de faire le diagnostic et un autre est de proposer des
recommandations et solutions pour redynamiser ce secteur.
Chapitre 9 : PERSPECTIVES DE LA PRODUCTION ET DE LA
COMMERCIALISATION DES PRODUITS VIVRIERS
L'exercice de la production et de la commercialisation est
imparfait dans son ensemble et nécessite pour chaque acteur que ses
capacités soient renforcées par la détection des
insuffisances et les attentes probables pour l'évolution de son
activité. Chaque acteur, en fonction de ce qu'il participe comme un
maillon de cette chaine, production-commercialisationconsommation a des
préoccupations spécifiques. Ils se caractérisent par la
collecte : elle est l'affaire des commerçants qui proposent des prix non
rémunérateurs aux producteurs ; le transport : il est
affecté par des coûts élevés dus à
l'état défectueux des infrastructures routières, les
tracasseries routières lors de l'acheminement des produits, la
non-disponibilité des moyens de transport et le prix élevé
du carburant ; et la distribution des produits vivriers : elle est inefficace
à cause de l'insuffisance d'infrastructures de groupage, de stockage et
de conservation des produits, du déficit d'information et de
communication sur l'offre et la demande entraînant une mauvaise
répartition de la production dans les centres de consommation.
9.1. Renforcement de l'appui aux produits
vivriers
L'absence d'un système de collecte dynamique et
ordonné a comme effet de maintenir un statu quo de la
production à petite échelle, et une compétition
déséquilibrée, dominée par de bas niveaux de
productivité. Les petites transactions sont des contraintes qui
mènent à une utilisation inefficace des camions en raison du
nombre élevé de commerçants impliqués. Cette
inefficacité a des implications sur la chaîne de commerce. Afin de
réaliser une collecte plus efficace, les agriculteurs devraient
centraliser les transactions de vente dans le temps et à moindre mesure
dans l'espace. La collecte optimale se situerait au niveau du village ou d'un
groupe de villages, avec un calendrier de vente fixe. Une transaction de vente
de trois à quatre sacs par ménage au lieu du nombre actuel de un
ou moins, mènerait de manière significative à moindre
coüts de collecte et de transport. L'introduction d'équipements de
transport bon marché dans les régions rurales permettrait aux
agriculteurs de transporter leurs produits aux marchés sans perdre leur
pouvoir de négociation.
9.2. Sécurisation foncière
La question foncière ne trouvera pas de voie
d'évolution relativement paisible et durable si les politiques de
développement ne s'attaquent pas aux racines structurelles de la crise
de la rura- lité, qui ne sont ni seulement agraires ni seulement
rurales. Pour y parvenir, il est de la respon-
sabilité des bailleurs de fonds de réviser les
objectifs de la libéralisation qui se sont avérés
largement inadaptés à l'ampleur des défis ivoiriens par
leur simplisme, leur dogmatisme, leur vision de court terme et la
déconnexion, dans leur conception, des champs du politique et de
l'économique. L'attention devrait être portée en
particulier sur le caractère de plus en plus « rurbain » des
campagnes, par la promotion d'activités non exclusivement agricoles pour
les jeunes hommes et les jeunes femmes. Toute action dans le domaine foncier
devra être accompagnée de mesures visant à améliorer
les marchés du crédit, des intrants et des prestations de
services, et à débarrasser les organisations coopératives
de leur chape clientéliste.
9.3. Amélioration des conditions d'exercice de
l'activité des détaillantes
Avoir une aide financière pour débuter son
commerce est le seul fait de l'affiliation parentale ou ethnique. Beaucoup
d'entre elles font des tontines pour combler ce besoin de financement. Cette
initiative privée bien qu'insignifiante par rapport aux besoins doit
être soutenue. Cela passe par la mise en place d'un fonds de
crédits pour la commercialisation des produits vivriers (achat de
produits bord-champ). De plus, la construction d'installations de vente leur
permettant d'être à l'abri des intempéries mais aussi de
leur assurer un bon stockage de leurs marchandises. Aussi la
sécurité de ces marchés est-elle de plus en plus
exigée. Les commerçants souhaitent que leurs marchés du
moins officiels, soient par exemple clôturés et soient
éclairés pour leur permettre d'exercer à toute heure. Par
ailleurs, un service de police efficace est aussi important, pour permettre
à ces vendeurs d'exercer en toute quiétude. Pour terminer,
l'approvisionnement en eau et la disponibilité des: équipements
sanitaires publics (latrines et douches) rendront toutes ces installations
viables.
9.4. Amélioration des conditions de circulation du
vivriers
Les difficultés de transport constituent une
véritable contrainte pour les acteurs à tous les niveaux de la
filière. Ceci s'explique par le fait que très peu de
transporteurs se sont spécialisés dans la commercialisation des
produits vivriers. Cette composante traite des aspects de collecte, de
transport et de distribution. Il s'agit d'une part, d'améliorer les
conditions de mise en marché en vue de réduire les prix des
produits vivriers au niveau des consommateurs. A la question de savoir comment
ils font l'entretien de leurs véhicules ; 47% ne vont chez les
mécaniciens que quand ils ont des pannes ; 23% que quand les
véhicule sont très sollicités ; 20% quand ils ont un bon
contrat. Cette répartition montre comment les réparations sont
soumises aux grés du hasard et font peser un risque sur
l'accomplissement du contrat. Les distances à parcourir et le relief du
lieu de collecte bord champ constituent des limites à leurs action.
Le
commerçant peut attendre plusieurs jours «en
brousse» lors des pannes et ne peut réclamer de
dédommagements. L'incertitude quant aux conditions et à la
durée du voyage est le principal inconvénient de cette pratique.
La colocation de véhicules de transport et le payement par colis
constituent des palliatifs pour contourner cette contrainte et amoindrir les
coûts. Pour la réussite de toutes ces actions, il faut aussi au
support du transport par l'entretien des pistes rurales reliant les zones de
production vivrières aux principaux marchés. Les véhicules
assurant le transport des produits agricoles sont des moyens de transport en
commun de passagers. Si l'on veut professionnaliser la filière du
vivrier, il importe de spécialiser des véhicules avec des
capacités de chargements et de conditionnement adéquats au
vivrier comme pour la viande congelée. Par ailleurs, tous les
transporteurs ont décrié le phénomène du racket aux
différents postes de contrôle. Il est donc impérieux que
l'Etat prenne des dispositions rigoureuses en vue de faire face à ce
phénomène en sanctionnant de manière exemplaire ces
auteurs. Ces mesures pourraient faciliter la fluidité routière et
stabiliser les prix des denrées alimentaires à un niveau
intéressant pour la population.
9.5. Articuler stratégies individuelles et
collectives : une nécessité
Dans une optique prospective, l'organisation des grossistes
Dioula doit être un modèle pour stimuler d'autres regroupements.
On peut avancer quelques critères permettant de la distinguer 1) elle
mène des activités économiques durant la contre-saison ;
2) elle a des relations avec des acteurs du développement situés
hors du village ; 3) elle affiche une volonté de rechercher de solutions
et de contrôle de la crise agricole actuelle en restant au village ; 4)
elle a une "autonomie", tant du point de vue des activités à
mener que des règles de fonctionnement. Même s'il ne faut pas sous
estimer les stratégies individuelles elles se sont montrées
jusque là inefficace. Avec l'émergence des néo-ruraux,
l'arrivée des migrants, la diversification des stratégies
individuelles, un nouveau lieu d'élaboration de consensus peut
être l'organisation rurale, dans la mesure où une mutualisation
des stratégies individuelles peut être trouvée. Les uns
avec leurs expériences du terrain et les autres avec leurs connaissances
scolaires. Ceux qui travail-lent pour moderniser l'agriculture souhaitent
l'émergence de groupements de producteurs capables de devenir des
entreprises ou organismes sachant gérer la chaine entière
d'activité, au risque de les voir échouer faute d'un
environnement socio-économique sécurisé.
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