I.4 Vie Quotidienne et éthique sociale
I.4.1 Evènements importants dans la vie d'un
Bakota
La mise en situation des contes met en valeur les pratiques et
les évènements importants dans la vie du Bakota. C'est pourquoi,
la majorité des contes se déroulent :
1) lors d'une partie de chasse collective au
filet, au campement ou au piége (contes n° 1, 2 , 3)
2) lors de partie de pêche (conte
n°7)
3) lors d'un mariage ou plus exactement lors
de la dot de la future mariée (conte n°6)
4) lors d'une naissance (conte n°1)
5) lors des circoncisions (conte n°5)
Nous remarquons que tous ces contes se situent dans un
contexte traditionnel, où la modernité est absente. Nous pouvons
aussi dire que les contes, et sans doute toute la littérature orale,
sont à la fois vecteur mais aussi mémoire de traditions qui ont
à l'heure actuelle disparu. C'est le cas par exemple de la chasse aux
filets, les pièges à fosse ou encore les dots où la viande
de brousse a été remplacée par l'argent.
I.4.2 L'éthique sociale
Les contes, comme les proverbes, sont vecteur d'une morale
socialement admise par l'ensemble de la société. Comme me le
disait un vieux Mahongwé de Zadindoué, « Les contes
sont des enseignements qui nous disent comment nous comporter »,
que cela soit lors de la vie quotidienne ou lors d'événements
particuliers. Ils nous permettent de mieux comprendre les problèmes que
la société et la vie posent aux membres de la communauté
qui les produits. Les solutions proposées à ces problèmes
sont soumises au jugement des membres du clan, jugement de la
société sur elle-même. Ainsi « les contes
sont des témoins de l'intérieur, non des observateurs
étrangers » (Lacoste-Dujardin, cité par Chardonnet
et al, 1995).
Je ne vais pas m'appesantir sur ce sujet, qui n'est pas
l'objet central de ma recherche. J'ai tout de même souhaité mettre
en avant la notion de partage qui semble être
très importante pour les Bakota, car elle se retrouve dans à peu
près tous les contes. En effet, nous voyons que dans les contes n°
1, 2, 3 et 6 le fait de ne pas partager le gibier chassé est
stigmatisé. Il est mal vu qu'un chasseur chanceux ne partage pas ses
proies avec les autres membres de sa communauté.
Ceci est assez commun dans les sociétés
forestières où l'égalité entre ses membres est
maintenue principalement par le « nivellement » : qui
cherche à changer de statut, à profiter d'une position de
dominance politique ou sociale, ou à vouloir s'enrichir au
détriment des autres membres de sa communauté, est très
rapidement ramené, par le groupe, à un comportement plus modeste,
par la critique, l'ostracisme, voire la sorcellerie.
Chez les Baka du Sud-Est Cameroun, Christian Leclerc (2001)
explique aussi cette notion de partage à travers l'étude des
contes et des mythes de cette ethnie. On y découvre une ambivalente
duplicité chez les Esprits qui peuplent la forêt, notamment
Kosè, esprits d'approvisionnement mais aussi esprit du sorcier
à l'origine de la jalousie. Kosè veut que tous soient
égaux, c'est-à-dire que les ressources dont il permet
l'accès soient partagées entre tous, et il n'est satisfait que
lorsque toute la communauté dispose de nourriture, sans quoi la jalousie
survient (Leclerc, 2001 : 295).
Je n'ai pas connaissance d'un Esprit tel que
Kosè chez les Bakota. Par contre, il existe bien le
« sorcier jaloux » mais qui, là, est un homme et non
un Esprit. En fait, il s'agit de sorciers malfaisants et jaloux
possédant donc de bonnes connaissances en sorcellerie et qui ont le
pouvoir de se métamorphoser en n'importe quel animal pour attaquer ses
victimes en pleine nuit. Les Bakota nomment ces sorciers, que personne ne
connaît, les « Vampireux » et c'est sur eux (ou en
tout cas la peur qu'ils suscitent) que repose l'équilibre social du
groupe, car bien que tous les craignent, ils sont les garants de
l'équité sociale entre tous les villageois.
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