UFR Lettres, Langues et Sciences Humaines
Master 2 « Environnement, Territoires et
Sociétés »
Ebanda Tono (les peaux
tachetées) :
Utilisations et Représentations de la Faune Sauvage
(tachetée)
chez les Bakota de la région de Makokou
(Gabon)
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-3.png)
Directeur de Recherche : Pierre GRENAND
Maître de stage : Joseph OKOUYI OKOUYI
Par : Florence MAZZOCCHETTI
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-6.png)
Année universitaire 2004-2005
Sommaire
Introduction
Contexte scientifique
Problématique
Méthodologie
Partie 1 : Présentation de la zone
d'étude et cadres généraux de la vie Bakota
Chap. 1 : Le contexte local
I Généralités sur le Gabon
II Généralités sur la région de
Makokou
Chap. 2 : Les cadres généraux de la
vie Bakota
I Le Pays Bakota
II Vie quotidienne et culture matérielle
III Vie sociale et organisation familiale
IV Les croyances mystiques
Partie 2 : Interrelations entre la faune sauvage et
les Bakota
Chap. 1 : Utilisations de la faune sauvage
I La pharmacopée traditionnelle
II Les animaux dans les Rites et les Cérémonies
III L'artisanat
IV La domestication
V Les animaux dans la tradition orale
Chap. 2 : Les Interdits alimentaires
I Listes des interdits
II Ruptures d'interdits
Partie 3 : Analyse des données et
discussion
Chap. 1 : Conception et représentations de la
faune sauvage
I Ce que révèlent les contes...
II La place à part des animaux tachetés
III Unité des Bakota dans leurs relations à la
faune sauvage
Chap. 2 : Les Bakota et la Conservation
I Gestion coutumière de la faune sauvage et ses limites
II Utilisation des connaissances empiriques dans la
conservation
III Les préoccupations des Bakota sur le devenir de leur
forêt
IV Une limite à la gestion
« participative » : la gestion inconsciente des
ressources fauniques
Conclusion
Bibliographie
Table des matière
Planches photos
Annexes
MOTS-CLEFS
Relations Homme / faune sauvage ; ethnozoologie ;
Conservation ; Gabon ; Bakota.
RESUME
Cette étude donne un aperçu
général des utilisations socioculturelles de la faune sauvage
chez les Bakota de la région de Makokou. Le but est de compléter
les données déjà existantes sur l'importance de la faune
d'un point de vu alimentaire et économique, mais également, de
servir dans les programmes de conservation qui souhaitent développer la
gestion « participative ». L'enquête de terrain s'est
déroulée pendant 3 mois auprès des populations Ikota,
Mahongwé et Samaye, et financée par le CIFOR et l'IRET.
Les résultats montrent que les utilisations
socioculturelles, malgré leurs disparitions progressives, sont encore
présentes chez les Bakota, particulièrement dans toutes les
pratiques magico-religieuses ; l'unité du groupe passe
principalement par leur identification à la Panthère.
KEY WORDS
Relations Men / Wild life ; ethnozoology ; conservation
; Gabon ; Bakota
ABSTRACT
This study gives a general view of the sociocultural uses of
wildlife in the Bakota society scattered in the Makokou region. The goal is to
complete datas on the food and economic wild life's importance and, also, to be
used by conservation's programs which want to expand participative management.
This field investigation took place during 3 monthes among Ikota,
Mahongwé and Samaye population, and has been financing by the CIFOR and
the IRET.
The study's results show that sociocultural uses, despite
their progressive disparition, are still alive, particulary in the
magico-religious practices; the Bakota's unity is mainly the fact that the
Panthere remains for all of them a symbol of identification.
Remerciements
Je tiens à remercier ici tous ceux qui m'ont
aidé dans ce travail et en particulier :
Mr Pierre Grenand, chercheur à l'IRD et mon directeur
de recherche, pour m'avoir aidé dans la rédaction de ce
mémoire ;
Mme Françoise Grenand et Mme Florence Pinton, pour
avoir accepté de faire partie de mon jury ;
Mr Joseph Okouyi Okouyi, référant national de la
station d'Ipassa-Makokou et maître de stage, pour son aide pour
définir mon sujet de recherche, son soutien lors de mon séjour au
Gabon et de nous avoir, à mes collègues et moi-même,
trouvé des financements ;
Le CIFOR et l'IRET-CENAREST pour leur soutien financier et
logistique ; et tout particulièrement Mr Robert Nasi (CIFOR), Mr
Philippe Hecketsweiler (directeur du projet de réhabilitation de la
station d'Ipassa, CIFOR/IRET-CENAREST) et Mr Paul Posso (Directeur de
l'IRET);
Mr Guy Mpion alias papa Guy, gérant de la
station d'Ipassa, pour nous avoir soutenu et supporté pendant ces trois
mois de stage ;
Mr Jean-François Mékomba, technicien à la
station, qui fut mon compagnon lors de mes enquêtes à Makokou et
dans les villages, et sans qui ce mémoire n'aurait jamais pu voir le
jour ;
Tous les techniciens de la station d'Ipassa-Makokou pour leur
soutien, leur aide et leur bonne humeur ;
Mes partenaires de galère : Marion, Jean-Bruno,
Ariane, Nathalie, Federico, avec qui j'ai partagé des moments
formidables et des beuveries mémorables ;
A tous mes informateurs et tous les villageois qui ont eu la
gentillesse de me recevoir et de répondre à mes
questions ;
Mes amies du Sud et ceux de ma promo qui m'ont
évité une grosse déprime lors de la
rédaction ;
Et bien sur, Papa, Maman et mon chat Bambou... ça y
est, maintenant, c'est promis, j'arrête les études...enfin,
pendant un moment, en tout cas !
LISTE DES ABREVATIONS
CENAREST : Centre National de Recherche en
Sciences et Technologies
CIRAD : Coopération Internationale en
Recherche Agronomique et Développement
CITES : Convention sur le commerce
international des espèces de faune et de flore sauvages
menacées d'extinction
CNPN : Conseil National des Parcs
Nationaux
ECOFAC : Ecosystèmes Forestiers
d'Afrique Centrale
EMVT : Elevage et Médecine
Vétérinaire Tropicale
FCFA : Franc de la Communauté
Financière d'Afrique (100 FCFA = 0, 15 €)
FAO: Food and Agricultural Organisation
IDH : Indice de Développement
Humain
IRD : Institut de Recherche pour le
Développement
IRET: Institut de Recherche en Ecologie
Tropicale
MAB : Man and Biosphere
MLA : Multidiciplinary Landscape
Assessment
ONG : Organisation Non Gouvernementale
PIB: Produit Intérieur Brut
PNAE : Plan National d'Action
Environnementale
UICN : Union Internationale pour la
Conservation de la Nature
WCS: Wildlife Conservation Society
WWF: Fond Mondial pour la Nature
PHONETIQUE
J'ai utilisé quelques transformations phonétiques
pour la retranscription du vocabulaire Bakota. La plupart des lettres se
prononcent comme en français excepté pour :
H : fortement aspiré
U : ou
W : comme dans Wallaby
Y : comme dans pied
Introduction
Les problèmes environnementaux globaux, et plus
particulièrement celui de la baisse de la diversité biologique
sur notre planète, sont devenus une préoccupation centrale pour
de nombreux pays, chercheurs et ONG environnementalistes depuis plusieurs
décennies. Afin d'enrailler ce phénomène, de nombreuses
conventions internationales sont signées et mises en place (en tout cas
en théorie) depuis le milieu du XXe siècle et le nombre de parcs
nationaux n'a cessé d'augmenter. Mais, malgré tous ces efforts,
la perte de biodiversité se poursuit. Dans le monde entier, des
forêts sont abattues, les ressources halieutiques s'épuisent, et
la diversité phytogénétique et zoogénétique
est érodée.
Cette situation est favorisée par l'augmentation de la
pauvreté y compris dans les pays tropicaux pourtant riches en
biodiversité. Il existe plusieurs raisons qui expliquent ce
phénomène, mais la principale est sans doute le fait que la
majorité des capitaux générés par l'exploitation
des ressources naturelles ne sont pas réinvestis dans les pays
producteurs. Les exploitants sont, pour la plupart, des compagnies
internationales et les personnalités locales, qui gagnent de forts
revenus de ce négoce, préfèrent placer leur argent
à l'abris dans des banques à l'étranger. Ce système
ne permet pas d'enrayer la montée du chômage et empêche la
création de nouveaux emplois. Les populations les plus
défavorisées sont donc contraintes, pour s'en sortir, de
surexploiter les ressources restantes, afin de pouvoir satisfaire leurs
besoins.
Il existe diverses stratégies internationales, pour
résoudre la perte de la diversité biologique, qui évoluent
avec le temps, les connaissances et les modes. Dans un premier temps, il
s'agissait de mettre sous cloche des espaces de nature dans le but de les
garder « vierges » de toutes empreintes humaines. Dans les
pays du Nord, ces espaces ont été installés dans des zones
non habitées ou faiblement anthropisées, le plus souvent en
montagne, mais ce ne fut pas le cas dans les colonies comme en Afrique.
Là, la création des aires protégées, où,
nous le rappelons, toute exploitation de l'Homme est interdite, a
nécessité le déplacement de populations entières
sans aucun ménagement. Il s'agissait donc d'une protection de la nature
purement « conservationniste » sans prise en compte de
l'élément humain. Aujourd'hui, on essaye de délimiter les
parcs nationaux dans des zones non habitées mais cela ne veut pas
forcément dire non exploitées ! D'où le dilemme des
organismes chargés de la conservation des ressources naturelles. Dans
les pays du Sud comme en Afrique et plus particulièrement chez les
populations les plus pauvres, l'exploitation de la forêt et de ces
ressources est une nécessité de survie. La forêt est un
espace caractérisé par des multi-usages et concernant des
multi-acteurs. Il n'est donc pas étonnant que de nombreux conflits
éclatent entre les populations locales et les agents de la conservation
et que les objectifs fixés par ces derniers ne soient pas atteints
(Ville, 1998 ; Zecchini, 2000 ; Mazzocchetti, 2003).
Bien que cette approche
« conservationniste » ne soit, à l'heure actuelle,
toujours pas abandonnée, à partir de 1992 au Sommet de Rio, les
populations locales vont être prises en compte (en tout cas en
théorie) dans la conservation et le développement durable
(concept aux sens multiples et variés, mais désormais central
dans les discours afférents aux questions d'environnement) :
« Les populations et communautés locales autochtones et les
autres collectivités locales ont un rôle à jouer dans la
gestion de l'environnement et le développement, du fait de leurs
connaissances du milieu, de leurs pratiques traditionnelles. Les Etats
devraient reconnaîtrent leur identité, leur culture et leurs
intérêts, leur accorder tout l'appui nécessaire et leur
permettre de participer efficacement à la réalisation d'un
développement durable » (principe 22 de la déclaration
de Rio, ONU, 1992, cité par Chartier et Sellato, 2003).
Aujourd'hui, il existe donc un consensus international
sur la nécessité de préserver les pratiques et les usages
des populations autochtones ou des peuples tribaux. Cette prise en compte de la
nécessité d'incorporer l'élément Humain dans les
recherches et programmes de conservation et de développement durable,
est une porte ouverte aux Sciences Humaines. Car l'Homme, au travers de ces
interventions sociales, économiques, politiques et culturelles dans
l'utilisation de l'espace, fait partie intégrante de la combinaison
écologique, au même titre que les composants physiques, chimiques
et biologiques (Marchenay, 1973). Il s'agit donc d'incorporer aux programmes de
conservation de l'environnement, les perspectives locales sur ces
priorités (Patenaude et al, 2002), en prenant en compte leurs
besoins et leurs cultures.
On retrouve donc ici les ethnosciences en particulier
l'anthropologie écologique (Levesque, 1996), l'ethnobotanique et
l'ethnozoologie (Forni, 1973) pour étudier les savoirs locaux sur la
Nature et les relations que ces populations entretiennent avec Elle.
Parmi les ressources qui mobilisent la communauté
internationale, nous avons, bien évidemment, la faune sauvage avec ses
espèces emblématiques comme l'Eléphant ou le Gorille.
Beaucoup de conventions et d'organismes comme la CITES ont été
mis en place dans le but de protéger cette ressource et de
contrôler son trafic. Dans un rapport de la FAO en 2001, Stéphane
Doumbé-Billé fait une synthèse sur le droit international
de la faune sauvage et des aires protégées, tout en y expliquant
l'importance et l'implication pour l'Afrique (Doumbé-Billé,
2001). En effet, la faune africaine n'est pas seulement un objet scientifique
ou esthétique ; c'est aussi une ressource très importante
pour les Africains, tout particulièrement pour les populations
forestières qui restent, dans leur majorité, entièrement
dépendantes des ressources naturelles, que cela soit d'un point de vu
alimentaire, économique ou culturel. C'est pourquoi, le lien entre la
conservation de l'environnement et le développement durable des
populations locales est clairement apparu dans le cas des forêts
tropicales.
Les forêts du bassin du Congo et des régions
voisines, sont réputées comme ayant l'une des plus riches
diversités floristique et faunique de la planète. Aussi, elles
attirent beaucoup de scientifiques mais également de nombreuses ONG et
organismes divers de conservation de l'environnement, soucieux de
protéger ces écosystèmes exceptionnels, mais aussi, de
permettre désormais le développement durable des populations
forestières qui les habitent.
Au Gabon, comme pour les autres pays d'Afrique Centrale, la
conciliation de ces deux impératifs passe par la pression anthropique
exercée sur les ressources naturelles par la surexploitation de la faune
(chasse, pêche, trafic d'animaux vivants) et la multiplication des
concessions forestières. Plusieurs études ont été
menées dans cette zone du bassin du Congo, dans le but de trouver des
solutions à la conservation de la faune sauvage et de son milieu naturel
(Tchatat, 1998 ; White, 1998). Le résultat de ces recherches
démontre la nécessité de mener des études
pluridisciplinaires alliant les domaines de la Biologie et ceux des Sciences
Humaines.
Si, depuis peu, beaucoup d'études ont pris en compte
l'importance alimentaire et économique de la faune, l'importance
socioculturelle de cette ressource naturelle, dans les programmes de
conservation et de développement durable, a souvent été
occultée ou sous estimée. S'il n'y a pas de recette miracle en
matière de faune sauvage comme de développement, il y a cependant
un facteur de succès important, celui tout simple de prendre
objectivement en compte l'Homme et sa culture. La conservation de la faune
sauvage ne pourra se faire sans le bien-être de l'homme ; et ce
bien-être ne peut s'épanouir hors du contexte socioculturel local
(Chardonnet et al, 1995).
C'est pourquoi, cette présente recherche porte sur les
interrelations socioculturelles entre la faune sauvage et les Bakota, peuple
forestier et réputé pour ses qualités de chasseur. La zone
d'étude se situe au Nord-est du Gabon, zone encore peu touchée
par les pressions anthropiques et où le WWF a de nombreux projets. Mon
travail, je le souhaite, évitera - avec toute la modestie de rigueur -
que ces programmes soient comme les schémas standard exotiques,
plaqués sur des us et coutumes locaux plus que centenaires.
I. Contexte scientifique
Afin d'élaborer une problématique pertinente,
voici un petit tour d'horizon des recherches scientifiques sur le thème
des relations Homme/Milieu chez les populations forestières ainsi que
celles effectuées sur le groupe ethnique Bakota.
Importance de la viande de brousse
Les anthropologues sont à l'origine des premiers
travaux sur la faune sauvage comme ressource alimentaire, afin de quantifier
son importance pour la survie matérielle et spirituelle des peuples
forestiers ; ils ont été suivis par les biologistes,
soucieux de connaître l'impact des prélèvements, surtout
sur les espèces vulnérables.
Depuis une dizaine d'années, de nombreuses recherches
quantitatives ont été faite sur la
commercialisation de la viande de brousse en Afrique Centrale,
à travers l'étude de l'organisation de la
filière (Bahuchet, 2000 ; Fargeot, 2004a, 2005 ;
Rieu, 2004), son rôle économique (Dethier,
1995 ; Dethier et Ghiurghi, 1999) les techniques de prédation et
les impacts de cette activité sur la faune sauvage
(Lahm, 1993 ; Dethier, 1995). D'autres, ont également
étudié la consommation des ménages en
forêt et en ville (Steel, 1994 ; Ichikawa, 1996 ; Lahm,
1996 ; Koppert et al, 1996 ; Wilkie et Carpenter, 1998).
Ces études sur la filière économique ont
été réalisées d'une part grâce au projet
régional Ecofac, financé par l'Union européenne, et
d'autre part grâce aux grandes ONG de conservation (WWF, WCS etc.), pour
comprendre précisément le lien entre exploitation
forestière et chasse commerciale, point de discorde essentiel entre les
tenants de la conservation de la nature et les industriels du bois.
· Importance alimentaire : consommation et
préférence alimentaire
Pour les populations riveraines des forêts du bassin du
Congo, la viande de brousse constitue 30 à 80% de l'apport en
protéines (Wilkie et Carpenter, 1998).
Le Gabon est l'un des pays africains où la consommation
de viande de brousse est des plus élevée. En effet, en 1994 Steel
a estimé la consommation nationale de gibier à 17 kg/personne/an,
un chiffre 1,7 fois plus élevé que l'estimation de consommation
de boeuf.
Il existe également une disparité entre les
zones urbaines et rurales : pour Chardonnet et al. (1995) que
cela soit au Gabon, en République démocratique du Congo et en
République Centrafricaine, la consommation de gibier par habitant en
ville serait égale à 10% de la consommation en zone rurale.
Les préférences alimentaires des peuples du
Bassin du Congo vont pour les mammifères ongulés (toutes les
espèces de céphalophes, le Chevrotain aquatique, le
Potamochère) ; les petits rongeurs (Athérure,
Aulacode) ; le Pangolin commun et les poissons (Lahm, 1993 ;
Vanwijnsberghe, 1996).
Tableau 1 : Consommation de
viande de brousse
Pays
|
Auteurs et dates
|
Moyenne nationale
(kg/pers./an)
|
Zone rurale
(kg/pers./an)
|
Gabon
|
Steel (1994)
Lahm (1993)
|
17
|
32
|
Cameroun
|
Bahuchet,Ioveva (1998)
|
ND
|
73
|
Côte d'Ivoire
|
Caspary (1999)
|
8
|
ND
|
Congo
|
Auzel (1997)
|
ND
|
43
|
République Centrafricaine
|
Chardonnet (1995)
Diéval, Fargeot (2000)
|
12
|
15
|
ND : données non disponibles.
(D'après Forgeot, 2004)
Les interdits concernent principalement les carnivores, comme
c'est généralement le cas de partout dans le monde (à
l'exception de l'Ours). Henri Koch (1968) explique ceci par la perception que
se font les populations des animaux sauvages. D'une façon
générale, les herbivores sont considérés comme
étant moins dangereux, plus paisibles que les carnivores qui sont
souvent des animaux nocturnes, puissant et pouvant servir à la
sorcellerie. Par exemple, dans la mythologie des pygmées Baka du
Cameroun, les animaux étaient des Hommes qui ont été
transformé par le Dieu Komba, et dont les gens méchants
et dangereux ont été métamorphosés en carnivores
(Leclerc, 2001).
Par ailleurs, que cela soit au Congo (Vanwijnsberghe, 1996),
au Gabon (Lahm, 1993, 1996, 2002) ou dans l'ex-Zaïre (Pagezy, 1973), seul
les animaux au pelage tacheté ou rayé (Panthère, Nandinie,
les genettes et civettes, le Chat doré et l'Antilope de Bates) font
l'objet de restrictions alimentaires plus ou moins strictes, les villageois
assimilants les taches aux symptômes de la gale et de la lèpre.
Ceci explique peut-être que ces « tabous » soient
encore respectés par une majorité de personnes, alors que les
autres tendent à disparaître.
De plus, le nombre des interdits est beaucoup plus important
chez les femmes que chez les hommes. Il existe deux explications à ce
phénomène : la première est liée au statut
généralement inférieur de la femme par rapport à
l'homme qui souhaite se garder les meilleurs gibiers, c'est-à-dire les
plus goûteux et savoureux ; la seconde est liée à la
place centrale que tient la femme dans la procréation, acte à la
fois donneur de vie mais aussi parfois, preneur de vie à cause des
complications qui peuvent survenir et du taux élevé de
mortalité infantile.
· Importance économique : la
filière viande de brousse
L'un des gros soucis pour la faune sauvage d'Afrique Centrale
est le commerce, en perpétuelle expansion, de la viande de brousse. En
effet, la chasse est une composante importante dans l'économie
domestique des populations du Bassin du Congo. Il est cependant difficile de
quantifier l'impact économique car il s'agit d'un commerce informel et
parfois clandestin qui n'apparaît pas dans les comptes de l'Etat.
L'étude de Steel menée au Gabon (1994) sur le volume et la valeur
du commerce de la viande de brousse apporte certains éléments de
réponses. En définitive, la filière viande de brousse
aurait représenté 1% du PIB en 1992 et 10,8% du secteur
agriculture, forêt et pêche (Steel, 1994).
Bien que le commerce de gibier, tel qu'il est pratiqué
actuellement, ne soit pas un secteur totalement légal, il n'en est pas
moins très organisé. Pour approvisionner les grands centres
urbains, de véritables réseaux se sont mis en place. Le plus
souvent, les chasseurs vendent le gibier à des revendeurs qui les
transportent jusqu'à la ville où ils les revendent à des
grossistes ou des vendeurs de marchés. Parfois, les chasseurs traitent
directement avec les vendeurs qui peuvent les fournir en armes et en munitions.
Ils peuvent également vendre directement leurs produits sur les bords
des routes (Forgeot, 2004). Ces « nouveaux » chasseurs
professionnalisés sont, la plupart du temps, de jeunes gens
célibataires aux comportements assez individualistes. Il est
également à noter que la plupart des revendeurs et des vendeurs
sont des femmes (Forgeot, 2004).
Steel (1994) a calculé les gains de chaque acteur du
réseau pour le Gabon. En moyenne, les chasseurs gagnent 540 FCFA par kg
de viande. Les vendeurs gagnent en moyenne 340 FCFA/kg s'ils achètent
aux revendeurs et 540 FCFA/kg s'ils se fournissent directement auprès
des chasseurs. Le commerce de viande de brousse génère ainsi un
revenu substantiel pour les professionnels de la filière et contribue
donc à l'économie des ménages et, par extension, à
l'économie nationale (Binot et Cornélis, 2004).
Les prix de vente varient selon l'espèce et le lieu
d'achat car, la disponibilité du gibier et le nombre
d'intermédiaires diffèrent selon les localités du Gabon
(Jori, 1996 cité par Payne, 2005). Les espèces les plus
chères sont les rongeurs (Athérure et Aulacode) et le
Potamochère. On distingue également que les prix sont plus
élevés dans les grandes villes (Libreville et Port-gentil)
où la disponibilité du gibier est moindre (par rapport à
Makokou, par exemple), où le pouvoir d'achat des habitants est
supérieur et où la demande est forte. Seuls les petits gibiers
(rongeurs et le Céphalophe bleu) sont vendus entiers, les autres
étant vendu en morceaux, plus rentable pour le vendeur.
En milieu rural, la réduction des activités
économiques rémunérées, ajoutée à une
demande accrue en viande de brousse, en particulier des centres urbains, a
favorisé le développement d'une chasse à vocation
commerciale et non de subsistance (Steel, 1994). Dans la région de
Makokou, Lahm (1993) a estimé que 78% des chasseurs vendent entre 50 et
67% de leur viande. Dans cette même étude, elle a
enquêté auprès de 90 ménages de la province :
pour 47% d'entre eux, la viande de brousse constituait tout ou une partie des
revenus du foyer. Ceci prouve qu'il s'agit d'une activité de plus en
plus spécialisée, car jadis, chaque chef de famille chassait dans
l'unique but de nourrir les siens.
Photos 1 et 2 : vente de
gibier sur le marché Makokou
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-7.png)
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-9.png)
![]()
Sources : Joseph Okouyi (2001) et Ariane Payne
(2005)
· Importance socioculturelle :
La consommation de viande de brousse fait partie
intégrante de l'identité culturelle des peuples forestiers
d'Afrique Centrale. Elle intervient dans les relations familiales et sociales.
Les terroirs de chasse (zone exploitée par un chasseur, qui se
l'approprie à titre officieux) sont souvent des terroirs familiaux, qui
se transmettent de générations en générations
(Payne, 2005). Les produits de la chasse sont traditionnellement
partagés entre les différents membres de la famille et du
village. Enfin, le gibier de brousse est une composante essentielle des
cérémonies et rituels, que cela soit pour les villageois comme
pour les citadins, ainsi que pour la pharmacopée traditionnelle et les
pratiques de sorcellerie.
Ces utilisations sont complexes et changent selon les groupes
ethniques. Il y a toutefois des constantes comme la peau de la Genette qui est
utilisée un peu partout que ce soit au Congo ou au Gabon. Selon la
tradition, elle aurait des propriétés magiques. Elle est
utilisée par les tradipracticiens pour chasser les mauvais esprits ou
dans la fabrication des fétiches. On la retrouve lors des danses
traditionnelles, des initiations et de la circoncision (Perrois, 1968 ;
Pagezy, 1973 ; Vanwijnsberghe : 1996 ; Tchatat, 1999).
En ce qui concerne les autres formes d'utilisations, comme
l'artisanat, elles tendent à disparaître, les populations
préférant les matériaux modernes. S'il y avait
anciennement une utilisation des différentes parties du corps de
l'animal dans la technologie traditionnelle, aujourd'hui, seules quelques peaux
(principalement de céphalophes) restent utilisées pour les
chaises longues et les tam-tams.
Actuellement, la chasse est beaucoup pratiquée par les
jeunes gens au chômage car le statut de chasseur leur permet non
seulement, comme nous l'avons évoqué plus haut, une source de
revenu mais aussi une certaine valorisation sociale (Binot et Cornélis,
2004).
· Impact écologique :
En Afrique de l'Ouest et Centrale, la pression de chasse
représenterait une menace pour 84 espèces et sous-espèces
de mammifères. Dans le bassin du Congo, le niveau de
prélèvement des animaux serait 4 fois plus important que le
niveau permettant une exploitation durable de la faune1(*) (CITES, 2001 ; Payne,
2005).
Il est difficile d'évaluer avec exactitude les
prélèvements de gibiers. L'estimation peut se faire soit au
niveau de la consommation, mais on n'a alors pas la provenance des animaux,
soit au niveau des récoltes du gibier (Wilkie et Carpenter, 1998 ;
Lahm, 1996). Seuls des enquêtes de longues durées permettent
d'avoir une image fiable de la situation, à la condition qu'elles se
déroulent sur un périmètre restreint correspondant
généralement à une zone de chasse villageoise (Grenand,
2002).
Le développement de la chasse commerciale s'est
accompagné de l'utilisation d'armes à feu (surtout du calibre
12), de pièges à câbles et de nouvelles méthodes de
chasse (chasse nocturne). En conséquence, le nombre et la
variété d'espèces capturées ont augmenté et
la pression de la chasse autour des villages s'est accrue (Steel, 1994).
En effet, les pièges et la chasse nocturne semblent
être les méthodes les plus efficaces (Lahm, 1996). D'après
les études de Lahm (1996) et de Okouyi (2001), se sont les
ongulés qui connaissent la pression de chasse la plus importante avec
près de 60% des prélèvements. Le Céphalophe bleu et
l'Athérure sont les deux espèces les plus chassées.
Suivent les primates, en particulier les espèces arboricoles
(cercopithèques, mangabeys) qui sont des proies faciles pour la chasse
au fusil de jour. Ces données confirme aussi que la majorité du
gibier chassé est destiné à la vente.
Tableau 2 : Espèces,
nombre et destination du gibier chassé dans la région de
Makokou.
Groupe
|
Nombre
(N=254)
|
% total
|
Espèce la plus représentée :
% total
|
% vendu
|
Ongulés
|
146
|
57,5%
|
Céphalophe bleue : 37,4%
|
66%
|
Primates
|
47
|
18,5%
|
Hocheur : 5,5%
|
40%
|
Rongeurs
|
35
|
13,8%
|
Athérure : 11%
|
63%
|
Carnivores
|
12
|
4,7%
|
Panthère : 1,6%
|
67%
|
Pangolins
|
9
|
3,5%
|
Pangolin à écailles tricupsides : 3,5%
|
11%
|
Reptiles
|
5
|
2%
|
Varan du Nil : 1,6%
|
100%
|
D'après Lahm, 1996
Certaines espèces présentes sur les
marchés font parties des animaux protégés, c'est la cas,
par exemple du Pangolin géant et du Chevrotain aquatique. Quant aux
espèces plus emblématiques pour la conservation comme
l'Eléphant, le Gorille ou le Chimpanzé leur commerce suit des
circuits parallèles que seuls les consommateurs fortunés
connaissent (Okouyi, 2001).
Dans toutes les zones de forêts tropicales, le choix du
gibier suit donc de plus en plus une logique économique de
rentabilité, principe totalement étranger dans la chasse de
stricte subsistance. Le prix des cartouches étant élevé,
les chasseurs recherchent avant tout les animaux de grande taille ou ceux
à la meilleure valeur marchande comme les ongulés, les carnivores
pour leurs peaux et les reptiles (Lahm, 1996). Lahm a également
examiné le sexe ratio et l'âge des animaux chassés. Pour la
plupart des espèces, mâles et femelles sont tués dans des
proportions équivalentes. La majorité d'entre eux sont des
adultes sauf pour les céphalophes bais.
Cette sélection du gibier entraîne une forte
diminution de ces populations animales qui sont généralement des
frugivores indispensables au renouvellement de la forêt (Redford, 1996).
De plus, d'après Wilkie et Carpenter (1998), comme les pièges ne
sont pas visités tous les jours, 25% des individus piégés
au collet pourrissent ou sont mangés par les animaux nécrophages.
En résumé, toutes ces études
montrent que :
- La viande de brousse reste la première source de
protéine animale pour ces populations ;
- Le choix de la viande de brousse est à la fois
économique et culturel ;
- La chasse pour la viande peut constituer une source de
revenus significative pour les familles vivant en forêt ;
- Le commerce de gibier fait vivre des milliers de personnes
en ville et en forêt ;
- Actuellement, la consommation de viande de brousse en
forêt est considérée comme « durable »
par la faible densité humaine ;
- La demande en viande de brousse de la part des consommateurs
urbains, de plus en plus nombreux, a créé un marché
important ;
- Les concessions forestières facilitent l'accès
à la ressource et stimulent la demande de gibier ;
- Tout ceci a provoqué un déclin alarmant de la
faune autour des zones les plus peuplées et donc une chasse non durable
qui pourrait atteindre les zones isolées ;
- Les grands mammifères à faible taux de
reproduction sont les plus sensibles à la surexploitation.
Une certaine conception du monde
L'importance socioculturelle de la faune sauvage ne peut
être abordée sans revoir au préalable quelle perception les
sociétés africaines, et tout particulièrement celles
vivants dans les zones forestières, ont de l'univers et de la nature qui
les entoure.
Malgré le recul des religions animistes depuis la
pénétration de l'Islam, du Christianisme et du monde moderne en
général, elles continuent à imprégner les
consciences et bien souvent à dicter les conduites, principalement dans
les zones rurales forestières (Levrat, 2003).
Ces croyances mettent l'Homme en rapport étroit avec la
nature qui est parcourue par un flux vital présent dans toutes choses
(végétal, animal, minéral). Ce flux (qu'on nomme souvent,
par commodité, Esprit) est immortel, se transmet et se
transforme. Tout ce qui constitue l'univers est force, et tout interagit par
ces forces. Pour beaucoup de peuples vivants en savane ou en forêt, la
faune et la flore ne sont donc pas ressenties comme des entités
distinctes du reste du monde ; ils ont une perception de leur univers
qu'on qualifie de globalisante. Certains de ces esprits sont en charge
des animaux sauvages et de leur distribution aux Hommes, sous
certaines conditions. Ce sont eux donc les véritables
gestionnaires de la faune (Levy-Luxereau, 1973 : 18 ;
Massenzi, 1999 ; P. Grenand, 2002 : 147 ; Leclerc, 2001).
Ainsi, le surnaturel ou le monde invisible, domaine des dieux, des esprits et
des ancêtres, est lui aussi composante de l'environnement et participe
à l'ordre de la nature. Les deux mondes, visible et invisible, sont en
équilibre dynamiques car ces forces s'opposent les unes aux autres. Une
action en violation avec les règles naturelles ou le non-respect de la
volonté des Esprits-Dieux ou des Ancêtres perturbe, voir
menace, l'équilibre cosmique. Mais comme cette force ou ce flux vital
est universel et explique tout, il permet à l'homme d'agir sur le
cosmos, de rétablir les équilibres en déplaçant ou
appliquant de nouvelles forces au bon endroit, et d'influer sur les
décisions des génies (Chardonnet et al, 1995). Dans cet
environnement où tout agit sur tout, chaque acte a donc des
conséquences qui faut prévoir, réparer ou contre lesquels
il faut se protéger ; rien n'est le fruit du hasard.
Symboles et représentations
Tout étant uni par la force et tout ayant son
correspondant dans la nature, les attributs et les comportements des animaux
ont une signification dans le système de référence humain.
Toutefois, comme la nature et les comportements animaliers sont
interprétés de manière anthropocentrique, on ne peut
attribuer des symboles uniques et valables pour tous les peuples puisque ces
symboles dépendent étroitement des sociétés qui les
créent (Chardonnet et al, 1995).
Prenons l'exemple de la Panthère (ou Léopard).
Cet animal est très souvent le symbole du chef, du pouvoir coutumier,
que cela soit en Afrique (Vanwijnsberghe : 1996), en Asie ou en Amazonie
(Jaguar) (F. Grenand : 1982 ; Levi-Strauss : 1964).
Les Hommes-Léopards ou
Hommes-Panthères relevants d'une société
secrète, avaient le pouvoir de se transformer en animal et de manger
moutons, cabris et même des individus ; ils sont présents un
peu partout dans le Bassin du Congo et notamment chez les Bakota du Gabon.
S'ils terrorisaient autrefois les populations, ce n'est plus réellement
le cas aujourd'hui (Raponda-Walker/Sillans, 19832(*) ; Perrois, 1968).
L'apparence corporelle de l'animal joue elle aussi un
rôle important dans la relation entre l'homme et l'animal, principalement
dans le domaine alimentaire. Certains animaux vont être conseiller et
d'autres interdits à la consommation. Par exemple, chez les populations
forestières, les animaux rayés ou tachetés sont
généralement interdits à la consommation car ils sont
soupçonnés de donner la lèpre et la gale.
Ainsi, l'animal, avec son corps et son comportement, a une
signification précise pour l'Homme. Il représente plus qu'un
organisme vivant il est aussi le symbole d'un caractère, d'une
qualité ou d'un défaut que l'on peut acquérir ou auquel on
peut se confronter (Chardonnet et al, 1995).
Les Bakota
La littérature scientifique sur les Kota est peu
abondante. La plupart de la documentation concernent les reliques
funéraires, statuettes de bois plaquées de cuivre qui servaient
pour le culte des ancêtres (Perrois, 1969,1976 ; Delorme, 2002).
En dehors de ces études sur l'art africain, les Bakota
ont été essentiellement étudié par Louis Perrois
qui analysa leurs migrations (1970 ; 1976), leur rituel de circoncision et
leur organisation sociale (1968) ainsi que les rites et les croyances
funéraires (1979). Certains de ces rites ont aujourd'hui disparu comme
la plupart des cultes voués aux ancêtres et l'organisation sociale
s'est modifiée (tendance à la monogamie et au choix du conjoint
par exemple).
Je n'ai pas trouvé d'études récentes
consacrées exclusivement aux Bakota. Toutefois, j'ai pu recueillir des
renseignements intéressants sur les modes de prédation, les
préférences et quelques restrictions alimentaires, ainsi que les
utilisations diverses de la faune sauvage chez les Kota, dans les nombreuses
études sur les chasses villageoises et l'exploitation des ressources
naturelles dans le Bassin du Congo (Lahm, 1993, 1996, 2002 ;
Vanwijnsberghe, 1996). D'après Lahm (1993), les Kota semblent être
ceux qui continuent le plus à respecter les traditions en gardant des
relations fortes avec la forêt et ses habitants.
La Panthère semble être un totem pour tous les
Bakota, étant considérée comme un animal magique, capable
de se transformer en homme et vice-versa (Lahm, 2002 : 74). Certains
hommes ont l'animal en eux, il s'agit des hommes panthères qui font
partie de la confrérie du Ngoye (Perrois, 1968). La
Panthère est strictement interdite à la consommation comme tous
les animaux à peaux tachetées, les Kota assimilant eux aussi les
taches aux symptômes de la gale.
Les restrictions alimentaires sont en train de
disparaître petit à petit. La plupart des espèces taboues
sont tuées et vendues là où elles ne le sont pas. Quant
à l'utilisation de la faune dans les technologies traditionnelles,
à l'heure actuelle, il s'emblerait qu'elle n'existe plus (Lahm,
1993).
Nous venons de voir que la faune sauvage a essentiellement une
valeur alimentaire et économique pour les populations forestières
actuelles. Les changements parvenus dans ces sociétés depuis la
colonisation des occidentaux ont profondément bouleversé les
croyances et les pratiques de ces gens. Beaucoup d'utilisations dites
« traditionnelles » de la faune sauvage ont aujourd'hui
disparues ; pourtant, elle semble être encore présente dans
les pratiques magico-religieuses.
II. Problématique et objectif de
l'étude
Après ce bref tour d'horizon sur les relations entre la
faune sauvage et les populations forestières du Bassin du Congo, quels
questionnements restent en suspens ?
Nous venons de le voir, la faune sauvage est très
importante pour ces populations que cela soit d'un point de vu tant
alimentaire, économique que culturel. Mais le rôle que joue le
monde animal dans la culture Kota est encore mal connu. Aussi, la question
générale de départ de ce mémoire sera :
Quelles sont les interrelations socioculturelles que
le groupe Bakota entretiens avec la faune sauvage ?
Il s'agit donc, dans un premier temps, de déterminer
tous les domaines où la faune sauvage est utilisée ou
évoquée, les interdits alimentaires ainsi que de comprendre
quelles représentations se font les différents sous-groupes
Bakota du monde sauvage et de ses animaux.
Avec ces données, il s'agira, ensuite, de
déterminer :
1) s'il y a unité ou pas dans ces interrelations entre
les 3 sous-groupes Bakota3(*)
2) si l'analyse de ces données peut être
utilisée pour un programme de gestion
« participative » de la faune sauvage.
N'ayant effectué que trois mois de stage, j'ai
concentrée ma recherche sur les espèces Mammifères et tout
particulièrement sur les carnivores au pelage tacheté. Ces
derniers sont souvent cités dans les interdits alimentaires, les
utilisations paramédicales ainsi que dans les rites et
cérémonies traditionnelles des peuples forestiers de la
région. Il s'agira de voir ici, si les utilisations et perceptions sont
les mêmes dans le groupe Bakota et de déterminer quelle importance
ces animaux ont dans leur culture. Cette étude permettra secondairement
une mise à jour des connaissances sur ce groupe
ethnique encore relativement mal connu.
Le but de cette recherche en ethnozoologie est de faire un
état des lieux sur les interactions Faune-Bakota dans la région
de Makokou afin de donner une vision générale des utilisations et
des croyances encore présentent de nos jours et de compléter
ainsi les recherches sur les valeurs socio-économiques et culturelles de
la faune sauvage pour les populations forestières du Bassin du Congo.
Ceci pourra être utile pour les divers programmes de
conservation de l'environnement dans la région Nord-Est du Gabon. En
effet, en plus des 3 parcs nationaux, la zone est sous la
« tutelle » des ONG américaines que sont le WWF et
le WCS qui, après une politique d'urgence principalement basée
sur la répression, souhaitent désormais mener des programmes qui
permettent le développement durable des populations locales, mais aussi
leur participation.
Figure 1 : Le
réseau de parcs nationaux dans le Nord du Gabon
Source : WWF
III. Méthodologie
III.1 Une étude en ethnozoologie
(Hountondji : 2001)
A partir du XIXe siècle, l'Occident s'est rendu compte
qu'en étudiant les autres cultures, il n'avait pas seulement affaire
à des pratiques ou à des croyances isolées, mais bien
souvent à des systèmes de croyances, des systèmes de
pensée cohérents et rationnels à leur manière, qui
fournissent en même temps la clé de certaines pratiques qui, sans
eux, resteraient incompréhensibles. De ces systèmes de
pensée on distinguera cependant ici les systèmes de connaissance.
Ceux-ci ne prétendent pas seulement à la cohérence
socioculturelle, mais se veulent en outre objectifs et efficients, susceptibles
de fonder des techniques et des pratiques.
L'intérêt pour ces systèmes de
connaissance a donné naissance aux différentes branches de
l'«ethnoscience». Si le terme
générique n'est apparu, semble-t-il, qu'au milieu du XXe
siècle, plusieurs des termes spécifiques désignant les
sous-disciplines de la discipline sont plus anciens. Mieux encore, ces
sous-disciplines ont été elles-mêmes pratiquées
longtemps avant d'être nommées4(*).
Au sens premier du terme, une ethnodiscipline est
l'étude d'un corpus de connaissances portant sur un domaine donné
et véhiculé par la tradition orale. Ainsi entend-on par
ethnobotanique l'inventaire des connaissances « traditionnelles » sur
les plantes, par ethnozoologie l'étude des taxinomies et autres
connaissances « traditionnelles » sur les animaux.
L'ethnoscience est alors comprise comme la reconstitution d'un savoir
préexistant à la colonisation occidentale.
Dans l'histoire de l'ethnoscience, on assiste depuis quelque
vingt ans à une modification sensible de cette approche fondamentale.
Les systèmes de connaissances endogènes sont de plus en plus
étudiés non pour eux-mêmes, mais pour leur contribution
possible au développement. Cet intérêt nouveau ne s'est pas
démenti depuis. On a dénoncé sur tous les tons les erreurs
des développeurs et autres experts internationaux qui tentaient
d'imposer aux communautés paysannes du Tiers-monde des techniques
agricoles, et toutes sortes de
« paquets technologiques » mis au point en Occident
mais inadaptés au milieu concerné, dans l'ignorance
complète des techniques locales, souvent plus efficaces et mieux
dominées par les intéressés.
III.2 Les financements
Si j'ai pu effectuer ce stage au Gabon, c'est grâce aux
financements dont mes collègues et moi-même avons pu
bénéficier. Il s'agit tout d'abord du financement, octroyé
par le CIFOR, qui rentrait dans le programme du M.L.A
(Multidiciplinary Landscape Assessment) une étude pluridisciplinaire du
paysage qui s'est déroulée pendant un mois à Loaloa, un
quartier de Makokou en bordure de la réserve d'Ipassa et du parc de
l'Ivindo. Ce budget prenait en charge : la nourriture, les
déplacements, le salaire des techniciens ainsi que l'hôtel
à Libreville.
Ensuite, nous avons été logés
gratuitement à la station d'Ipassa-Makokou5(*) grâce à l'Institut de Recherche en
Ecologie Tropicale (IRET) du Centre National
de la Recherche Scientifique et Technique du Gabon (CENAREST).
En plus du logement, nous avions accès à la bibliothèque
et à la cantine ; de plus, l'IRET nous a également
apporté un soutient logistique dès que cela était possible
(transport jusqu'à Makokou, aide des techniciens de la station,
matériels pour les missions).
III.3 Organisation de la recherche et
difficultés rencontrées
III.3.1 Choix des interlocuteurs et des villages
Dans le groupe Bakota, il existe plusieurs sous-groupes qui
sont apparentés sur les plans linguistique et culturel. Les principaux
groupes sont du sud au nord : les Ndumu, les Mindassa, les Bawumbu, les
Ambamba, les Samaye, les Mahongwé, les Saké et les Ikota
(appelés aussi Kota-kota).
L'unité tribale des Bakota est un problème
difficile qui ne semble pas être résolu, car cette unité
n'est peut-être qu'une unité de résidence. Tous ces groupes
ou tribus (si l'on admet que le terme de tribu doit s'attacher à
l'ethnie toute entière) ont forgé des liens au cours des
siècles par un voisinage constant et une solidarité linguistique
qui s'opposent à la diversité d'origine des peuples
immigrés qui sont arrivés depuis le XVIIIe siècle
(Perrois, 1968 : 16).
Pour ma part, j'ai choisi de m'intéresser aux
Ikota, Mahongwé et
Samaye de la région de Makokou. Tout d'abord, car ces
groupes sont proches les uns des autres, les mariages entre ces groupes sont
fréquents, et les dialectes assez proches pour qu'ils puissent
facilement se comprendre. Ayant un technicien Ikota, il était important
qu'il puisse comprendre mes interlocuteurs afin de pouvoir me servir
d'interprète.
Le choix des villages s'est donc fait sur plusieurs
critères : selon l'appartenance à tel ou tel
sous-groupe ; la présence de vieux connaisseurs des traditions et
la distance par rapport à Makokou. Tous les villages d'études se
trouvent sur les axes : Makokou - Mékambo et Makokou - Okondja.
Sur la route de Mékambo, je me suis donc rendu dans les
villages Mahongwé suivants : Sassamongo ; Zadindoué
2 ; Zadindoué ; Matoté ; Bangadi ; Madombo 2.
Sur la route d'Okondja, je me suis rendu aux villages Ikota de
Nsiété et Mbondou, et dans le village Samaye de Mbela.
Quant aux interlocuteurs, j'ai principalement favorisé
les « anciens » -femmes et hommes- qui étaient
reconnus pour leur savoir traditionnel ainsi que les guérisseurs. Pour
les contes, ils furent beaucoup plus hétérogènes allant de
10 ans pour le plus jeune à environ 80 ans pour le plus
âgé.
III.3.2 Déroulement de la recherche, ses outils et
ses limites
Pendant le premier mois, j'ai testé mon
questionnaire6(*) chez la population Ikota de Makokou dans les
quartiers : Mbolo, Bordeaux (appelé aussi Ebanda Ngoye,
peau de panthère) et Ipasendjié. Mais, ma recherche, relevant de
l'anthropologie culturelle, était donc basée sur des
méthodes qualitatives ; la rigidité du questionnaire
m'empêchait de mener à bien mes entretiens, coupant la
fluidité du discours de mes interlocuteurs.
J'ai donc décidé de mettre de côté
le questionnaire qui m'a servi par la suite de « pense
bête » dans mes entretiens semi-directifs,
dont les principaux thèmes étaient : Les utilisations de la
faune sauvage (rites et cérémonie, pharmacopée, artisanat,
pratiques religieuses) ; les interdits alimentaires, la tradition orale
(proverbes, contes, chants) et les connaissances empiriques.
La collecte des données se faisait par prise de
note sur un carnet, excepté pour la collecte des Contes que
j'enregistrais sur un dictaphone et que nous traduisions
ensuite, avec Jean-François Mékomba, à la station
d'Ipassa-Makokou.
Les deux mois suivants, j'ai effectué des
allers-retours entre les villages et la station. Avec Jean-François,
nous partions en « clando » (taxi brousse) pour des
missions d'environ une semaine. Nous apportions avec nous 2 tentes, de la
nourriture, 2 sacs de couchages avec les matelas gonflables, 2 torches, 2
gobelets et du Tabac à offrir.
Lorsque nous arrivions au village, nous installions nos tentes
chez le chef de village ou le chef de canton, quand celui-ci était
présent. Ensuite, après s'être renseigné sur les
personnes susceptibles de pouvoir nous répondre, nous partions à
leur rencontre pour nous présenter, expliquer notre présence
parmi eux et prendre des rendez-vous, s'ils le souhaitaient. Il fallait
insister sur le fait que j'étais une étudiante avec peu de moyens
car certains interlocuteurs désiraient de l'argent ou de l'alcool pour
répondre à mes questions, ce qui était hors de mes
moyens.
La nourriture était préparée soit par les
femmes de la famille du chef chez qui nous logions, soit par
Jean-François et moi-même. Les repas étaient
partagés avec la plupart des membres de notre « famille
d'accueil », à la cuisine ou au salon.
On se lève tôt au village, vers 6h30 - 7h00.
Pendant que l'eau bout pour notre petit déjeuné,
Jean-François et moi-même replions nos tentes, afin de faire de la
place dans le salon du chef, ou, quand cela ne dérangeait pas, nous
discutions avec les différents membres de la famille, avec qui nous
partagions notre petit déjeuné (enfin, juste le café au
lait, extra sucré !). Vers, 7h30 - 8h00, nous étions
prêts pour nos entretiens. La plupart du temps, nous étions bien
reçus car les Bakota étaient heureux que quelqu'un
s'intéresse à leur culture et que les résultats de ma
recherche seraient accessibles aux futur étudiants à la
bibliothèque de la station d'Ipassa-Makokou (car, il n'existe
malheureusement pas de bibliothèque publique à Makokou). Afin
d'interroger un maximum de personnes, Jean-François et moi-même
parcourions plusieurs kilomètres par jour, allant de maison en maison,
voir de village en village (quand ceux-ci étaient séparés
de quelques kilomètres les uns des autres). En fin d'après-midi,
nous retournions à notre « camps de base » afin
d'aller se laver à la rivière ou au marigot le plus proche et
manger un bon repas bien mérité. Le soir, nous discutions avec
les gens du village (le plus souvent autour d'un verre), ou parfois, nous
enregistrions des contes dans une ambiance bien sympathique qui
réunissait plusieurs générations autour du conteur.
L'extinction des feux ce faisait autour de 22h00.
Ces immersions dans les villages m'ont permis de faire
également des observations intéressantes sur les
modes de vie des villageois, sur les gibiers capturés (consommés
ou vendus) ainsi que sur certains rites de guérison. Cela m'a
également permis d'avoir de nombreuses discussions
informelles avec les villageois, notamment avec ceux qui
n'étaient pas forcément prévus dans mon étude.
Malheureusement, mon terrain se finissant fin juin, je n'ai pas eu l'occasion
d'assister à une cérémonie de circoncision qui se
déroule principalement en juillet et août.
L'enquête a surtout portée sur les Ikota et les
Mahongwé. Je n'ai pu visiter qu'un seul village Samaye, ce qui m'a
pourtant permis d'avoir d'autres données de comparaison.
Lors de mes entretiens j'étais toujours
accompagnée du livre de Kingdon, the Kingdon field guide to
African mammals. Les illustrations m'ont permis d'identifier les animaux
avec la population locale, d'avoir leurs noms vernaculaires et d'ouvrir
à la discussion, car les dessins fascinaient et amusaient tout le monde,
des plus jeunes aux plus âgés. Certains animaux étant rares
ou bien physiquement très semblables, des doutes subsistent sur la
dénomination en noms vernaculaires de certaines espèces notamment
celles concernant les galagos, les loutres, les mangoustes et aussi la Genette
tigrine et la Poiane africaine. De plus, un autre animal n'a pas pu être
identifié, il s'agit d'ibololo souvent cité comme
faisant parti des carnivores de la famille de la Panthère. Il s'agirait
d'une sorte de loutre ou mangouste entièrement blanche, avec une queue
palmée et qui vivrait dans des terriers proches d'un point d'eau. Aussi,
je m'excuse par avance des erreurs que ces doutes ont pu causer dans ce
mémoire.
Le fait de mener ma recherche dans plusieurs villages m'a
permis de tester l'unité du groupe Bakota dans ses relations avec la
faune sauvage, de tirer les caractéristiques générales
afin de pouvoir les comparer entres elles et de faire un état des lieux
général sur les utilisations socioculturelles actuelles de la
faune. Mais, malheureusement, à l'inverse, ce choix d'enquête ne
permet pas l'approfondissement de certains savoirs, ni une réelle
compréhension de la société Bakota. C'est le cas notamment
des savoirs magico-religieux détenus par les guérisseurs, qui,
pour les obtenir, nécessitent une relation de confiance qui ne s'obtient
pas en quelques jours. Il m'a donc été très difficile de
faire une analyse « ethnologique » approfondie des
données recueillies.
Sinon, je n'ai pas rencontré de gros problèmes
lors de mes missions dans les villages. Je souhaite toutefois soulever le
problème de l'alcoolisme chez toutes les populations locales dans la
région de Makokou (la situation est peut-être comparable dans le
reste du pays). En effet, cette attirance des gens (hommes et femmes, avec une
nette prédominance masculine) envers les boissons alcoolisées,
m'a posé quelques soucis lors de mes entretiens. Assez
fréquemment, mes interlocuteurs étaient saouls ou bien
éméchés, à tel point que parfois, j'ai dû
tout simplement renoncer à l'entretien. Il est également navrant
de voir certains hommes gaspiller presque tous leurs revenus dans l'alcool. Ce
phénomène est sans doute révélateur d'un certain
malaise social dans cette région oubliée du Gabon.
IV. Structure du mémoire
Afin de répondre aux questionnements suscités
par notre problématique de départ sur les interrelations
socioculturelles entre la faune sauvage et les Bakota, nous avons
découpé ce mémoire en trois grandes parties qui se
succèderont comme suit :
- Dans la partie 1, nous ferons une présentation de la
zone d'étude en décrivant les caractéristiques physiques,
écologiques et humaines. Puis, nous présenterons les cadres
généraux de la vie Bakota, grâce aux informations
récoltées durant notre séjour, et à la
bibliographie existante.
- Dans la partie 2, il s'agira de présenter les
données recueillies sur le terrain. Le premier chapitre nous montrera
les diverses utilisations actuelles de la faune sauvage ainsi que leur
présence dans la littérature orale. Quant au deuxième
chapitre, il exposera les nombreux interdits alimentaires, qu'ils soient
temporaires ou permanents.
- Enfin, dans la partie 3, il s'agira d'analyser les
données recueillies afin de comprendre qu'elles sont les
représentations que se font les Bakota de la faune sauvage qui les
entoure ; et, dans un deuxième chapitre, il s'agira d'ouvrir la
discussion sur l'importance de ces données pour les programmes de
conservation de l'environnement.
Première Partie
Présentation de la zone d'étude
Et
Cadres généraux de la vie Bakota
Chapitre 1 : Le contexte local
I Généralités sur le Gabon
(République gabonaise, 1998 ; Payne, 2005)
I.1 Localisation, Hydrologie, topologie et climat
Le Gabon, entité nationale construite à partir du
fait colonial, est situé à l'Ouest du continent Africain et sa
côte Ouest est bordée par l'Océan Atlantique. Sa
superficie est de 267 670 km² dont 257 670 km² de Terre ferme et 10
000 km² d'Eaux douces et saumâtres.
Pays d'Afrique centrale, il est limité:
· au Nord-Ouest par la Guinée Equatoriale,
· au Nord par le Cameroun,
· à l'Est et au Sud par le Congo.
Tableau 3 : Les 9 provinces du
Gabon
Provinces
|
Chef-lieu de province
|
Estuaire
|
Libreville
|
Moyen Ogooué
|
Lambaréné
|
Ogooué Maritime
|
Port-gentil
|
Ngounié
|
Mouila
|
Nyanga
|
Tchibanga
|
Ogooué - Lolo
|
Koulamoutou
|
Haut Ogooué
|
Franceville
|
Ogooué Ivindo
|
Makokou
|
Woleu - Ntem
|
Oyem
|
Le système hydrographique est
caractérisé par un réseau très dense qui alimente
principalement l'Ogooué et ses affluents, la Nyanga, le Komo, le Ntem et
quelques petits fleuves. Le bassin de l'Ogooué draine 72 % du territoire
Gabonais.
La géologie du Gabon présente
trois grands ensembles géotectoniques localisés sur la bordure
Nord-Ouest. Le pays est composé de plateaux et de collines, dont le
point culminant se trouve à 1 025m sur le Mont Milando situé dans
le massif du Chaillu. A L'ouest s'étend une plaine côtière
sédimentaire.
Les sols gabonais sont essentiellement
ferralitiques avec des réserves minérales pauvres. La chaleur et
l'humidité favorisent en effet l'altération des roches.
Les critères de distinction des régimes
climatiques du Gabon sont fonctions de la distribution et du rythme
des précipitations. On peut ainsi distinguer trois principaux types de
climats:
le climat équatorial typique, le climat
équatorial de transition de la zone centrale et le climat
équatorial du sud-ouest et du littoral centre atlantique. Le climat est
essentiellement tropical chaux, humide et pluvieux, avec une amplitude
thermique faible tout au long de l'année. Les températures
varient entre 21 et 28°C avec une moyenne de 26°C. La
pluviométrie annuelle se situe entre 1500 et 3000mm.
I.2 Population
Le Gabon fait parti des pays les moins peuplés de la
sous région de l'Afrique Centrale.
En 2002, la population était estimée à
1,3 millions d'habitants (1 140 000 habitants au recensement de1993), ce qui
correspond à une densité moyenne de 5,06 hab./km². Cette
population est très inégalement répartie sur le
territoire. Plus de 73 % est concentrée dans les trois principales
villes du pays : la capitale Libreville (environ 419 596 hab.), la
capitale économique Port-Gentil (79 225) et Franceville (31 183).
Les principales ethnies sont : Les Fang (32%) ; les
Mpongwé (15%) ; les Punu (12%) ; les
Batéké ; les Bakota ; les Obamba ; les
Pygmées etc.
Comme la plupart des États d'Afrique subsaharienne, le
Gabon est un pays multilingue. On compte près d'une cinquantaine de
langues au Gabon, mais seul le fang, parlé par 32 % de
la population constitue une langue importante, avec le
mbédé (15 %) et le punu (10%).
Les autres langues gabonaises ne sont parlées que par
de toutes petites communautés, parfois tout juste 5000 locuteurs,
souvent moins. La plupart des langues gabonaises appartiennent à la
famille
bantoue. Chacun des groupes d'origine bantoue (Fang, Bakota,
Mbédé, Okandé, Myéné, Mérié)
compte plusieurs variétés dialectales de sorte que les Gabonais
parlent souvent entre eux le français comme langue véhiculaire.
Seul le baka, parlé par les Pygmées, est une langue non bantoue (
langue
nigéro-congolaise).
Figure 2 : Distribution des
langues bantoues
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-12.png)
Source: George Boeree
http://www.ship.edu/~cgboeree/languagefamilies.html
I.3 Economie
Le PIB par habitant s'élève à 3816 euros,
ce qui place le Gabon dans les pays à revenus intermédiaires.
Cette relative richesse au sein du continent africain provient des nombreuses
ressources naturelles du pays.
En premier lieu, le pétrole qui est la
1ère production nationale (12,6 millions de tonnes en 2002)
représente à lui seul 73% du PIB. Les rentes
pétrolières ont assuré au pays un véritable boom
économique dans les années 70-80. Aujourd'hui, les ressources
pétrolières commencent à se tarir et le pays devra
apprendre à s'en sortir sans pétrole.
Les ressources forestières, dont le
bois, occupent la deuxième place dans les recettes
d'exportation du pays. Il rapporte environ 50 milliards de F CFA soit 1,8% du
PIB et emplois près de 28% de la population avec plus de 10 milliards de
F CFA de salaires distribués annuellement, se plaçant ainsi en
tête des employeurs du secteur privé. Le Gabon est le premier
producteur d'Okoumé (Aukoumea klaineana) qui représente
à lui seul 75% du volume exporté en 1997. La forêt a
été la première ressource exploitée au Gabon,
dès le 19ème siècle. Au début des
années 60, elle représentait 80 à 90% des exportations.
Aujourd'hui, elles ne représentent plus que 15% du fait du poids
écrasant du secteur pétrolier.
Le 3ème secteur d'importance
économique sont les ressources minières dont les principales sont
le manganèse, l'uranium et le
fer. En 1994, le Gabon produisait 1 436 000 tonnes de manganèse
(3ème producteur mondial) et 644 tonnes d'uranium. Le pays
possède aussi quelques métaux précieux comme l'or et le
diamant.
Pourtant, malgré ces ressources, le pays avait, en
1999, un indice de développement humain (IDH)7(*)de 0,617 ce qui le place au
118ème rang mondial. Dans les grandes villes, 20% de la
population vit sous le seuil de pauvreté. Il semble que le boom
pétrolier n'ait pas profité à toute la population et qu'il
ait défavorisé le développement de certains secteurs comme
l'agriculture. En effet, en dépit des potentialités importantes
du Gabon (disponibilité des terres, abondance en eau et bon
ensoleillement), malgré les investissements alloués à ce
secteur, l'agriculture et l'élevage reste peu développés.
Ce secteur produit à peine 20% des besoins alimentaires du pays. De ce
fait, le Gabon reste très dépendant de ces voisins dans le
domaine alimentaire de base.
Figure 3 : Le Gabon et ses
provinces
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-13.png)
I.4 Diversité biologique et Parcs du
Gabon
La diversité biologique est le terme utilisé
pour décrire la totalité des organismes vivants sur terre :
les plantes, les animaux, les micro-organismes et leurs gênes ainsi que
les écosystèmes qu'ils génèrent.
Situé en plein coeur de la région
Guinéo-Congolaise, région qui renferme de nombreuses
espèces caractéristiques et endémiques, le Gabon abrite
à ce titre l'une des diversités biologiques les plus riches
d'Afrique Centrale.
I.4.1) La Flore
La forêt gabonaise couvre environ 21,5 millions d'hectares,
soit plus de 80% du territoire. Elle compte environ 6000 espèces
d'arbres et elle est caractérisée par des peuplements riches en
Okoumé (Aukoumea klaineana), en Ozigo et bois divers
Il existe plusieurs types de forêts qui se distribuent
comme suit :
- forêt dense et humide : 212 380 km²
- savane boisée et arborée : 14 230
km²
- forêt secondaire et complexe rural : 10 080
km²
- forêt marécageuse et mangrove : 2 080
km²
La gamme de produits divers tel que les plantes
médicinales, miel, légumes, fleurs, fruits, feuilles etc. est
également en quantité abondante.
La flore du Gabon est toujours en cours d'étude,
toutefois, l'on peut affirmer, sans risque de se tromper, qu'elle est riche et
abondante. En effet, depuis que l'Herbier National du Gabon existe (1983), plus
de 15 000 spécimens ont été collecté, dont une
dizaine d'espèces nouvelles, 1900 espèces ont été
décrites dont environ 19 % sont considérées comme
endémiques.
Ces habitats regorgent, comme mentionné plus haut,
d'une importante biodiversité végétale à l'exemple
des Begomas dont 50 des 120 espèces recensées en Afrique sont
présentes au Gabon et 16 d'entre elles sont endémique au pays. De
même, 6000 espèces de plantes inférieures (algues,
champignons, lichens et bryophytes) sont recensées.
I.4.2) La faune
La faune du Gabon est l'une des plus diversifiée et
l'une des plus riche d'Afrique avec près de 150 espèces de
mammifères et 650 espèces d'oiseaux. Plusieurs espèces
sont soit intégralement soit partiellement
protégées8(*).
C'est un sanctuaire pour les primates avec 19 espèces
différentes. Les cercopithèques sont bien
représentés avec deux espèces endémiques au pays le
Cercopithecus cephus cephodes et le Cercopithecus mona nigripes.
C'est aussi un sanctuaire pour les Gorilles et les Chimpanzés dont
les populations sont estimées à 35 000 et 64 000 individus.
Parmi les carnivores indigènes, l'on trouve le Chat
doré (Felis aurata), la Mangouste à long museau
(Herpestes naso), la Mangouste à pattes noires (Bdeogale
nigripes), la Poiane (Poiana richardson), et les loutres
(Aonyx congica et Lutra maculicollis). En ce qui concerne les
autres carnivores, le Léopard ou Panthère (Panthera
pardus) est largement distribué. Le lion (Panthera leo) et
le Lycaon (Lycaon pictus) occupaient les savanes du Sud-Est, mais ils
ont vraisemblablement disparus à l'heure actuelle.
Le Lamantin (Trichechus senegalensis) est peu commun
mais il est présent au sein des lagunes et des fleuves côtiers.
L'Hippopotame (Hippopotamus amphibius) suit à peu près
la même distribution mais pénètre un peu plus à
l'intérieur des terres par les grands fleuves.
Le Gabon semble abriter la plus grande population
d'éléphants (Loxodonta africana cyclotis) intacte
d'Afrique connue avec plus de 80 000 individus dont plus de la moitié se
trouve vers Minkébé au nord-est du pays.
L'inventaire systématique des reptiles de terres et
d'eau douce a été réalisé uniquement dans la
réserve intégrale d'Ipassa-Makokou, où 65 espèces
ont été répertoriés. Parmi elles ont compte le
Varan (Varanus niloticus) et deux espèces de petits crocodiles
(Crocodilus cataphractus et Ostealamus tetrapsis). Ces
derniers, avec le crocodile du Nil (Crocodilus niloticus), sont
largement distribués dans tout le pays. Le Gabon est également un
lieu très important dans la reproduction de la Tortue Luth
(Dermochelys coriacea). Une centaine d'espèces d'amphibiens ont
également été répertoriées.
De nombreuses espèces de poissons sont connues au
Gabon, principalement celles de la famille des Mormydae qui a fait l'objet de
recherches qui ont permis d'identifier 10 nouvelles espèces dont 4
sembleraient être endémique au pays. Ces recherches ont aussi
permis de découvrir un nouveau genre de poisson dans l'Ivindo
(Ivindomis).
I.4.3) Les Parcs Nationaux
En 2002, le président Bongo créé 13
nouveaux parcs nationaux dans son pays, sous l'impulsion des américains
Mike Fay (un éco-aventurier) et Lee White (du WCS). En même temps,
Mr Bongo installe le Conseil National des Parcs Nationaux (CNPN) chargé
de créer l'administration ad hoc et d'instaurer un écotourisme
suffisamment important pour les financer. Cet objectif est loin d'être
évident, car leur surveillance et l'inventaire de leur richesse
coûtera au moins 15 millions de dollars par an. Aussi, le gouvernement
gabonais est aidé par des pays comme les Etats-Unis et la France, par
l'Union Européenne à travers différents programmes dont
ECOFAC, ainsi que par des ONG dont les principales sont le WWF et le WCS
(Lewino, 2005).
Figure 4 :
Réseaux des parcs du Gabon (source : WCS)
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-14.png)
I.5 Cadre législatif et institutionnel
La politique environnementale actuelle du Gabon est
préventive et entre dans les prérogatives internationales d'une
recherche d'équilibre entre le développement durable et le souci
majeur de protéger ou préserver la Terre pour les
générations futures. Pendant longtemps, comme dans beaucoup de
pays, le Gabon n'accordait aucune importance particulière aux
problèmes environnementaux. La prise de conscience a été
progressive et débuta après la conférence de Stockholm en
Suède en 1972, qui est la première manifestation mondiale
relative à la protection de l'environnement. La mise en place du cadre
institutionnel commence la même année avec la création de
la direction de l'Environnement. D'autres mesures vont suivre tel que la mise
en place du Code de l'Environnement (loi 16/93) et la loi 1/82 d'orientation en
matière des Eaux et Forêts (République Gabonaise, 1998).
La législation régissant la faune sauvage et,
par extension, la chasse et le commerce de viande de brousse, est issue de la
loi d'orientation en matière des Eaux et Forêts. En 2001, se sont
ajoutés des décrets et des arrêtés
réglementant plus précisément la détention et la
commercialisation des espèces sauvages9(*). Je ne vais exposer ici que ce qui concerne la
réglementation sur la chasse et la capture d'animaux sauvages.
D'après l'article de la loi d'orientation en
matière des Eaux et Forêts, « l'exercice de la chasse
doit avoir pour objectif final l'exploitation rationnelle de la faune sauvage
et la protection de la nature ». La loi autorise la chasse
coutumière, définie par l'abattage d'animaux non
protégés effectué avec des armes de fabrication locale. En
dehors du droit coutumier, la chasse n'est autorisée que pour les
titulaires d'un permis ou d'une licence de chasse délivrée par
l'administration des Eaux et Forêts.
La législation interdit les méthodes de chasse
suivantes :
- La poursuite, l'approche ou le tir du gibier en
véhicule automobile, bateau à moteur ou aéronef ;
- La chasse de nuit avec ou sans engins
éclairants ;
- Les battues au moyen de feu, de filet et de fosse ;
- La chasse ou la capture au moyen de drogues, d'appâts
empoisonnés, de fusils fixes ou d'explosifs.
La période de fermeture de la chasse s'étend du
15 septembre au 15 mars. Toutefois, la chasse coutumière peut s'exercer
tout au long de l'année.
Certaines espèces vivant sur le territoire gabonais
sont protégées. Deux niveaux de protection sont en vigueur :
- les espèces intégralement
protégées : leur capture, leur détention, leur commerce et
leur transport sont interdits sauf dérogation accordée par le
ministre des Eaux et Forêts aux personnes titulaires d'un permis
scientifique de chasse, ou de capture.
- les espèces partiellement protégées,
leur chasse, leur capture, leur détention leur commerce et leur
circulation fait l'objet d'une réglementation spéciale. La liste
des espèces partiellement protégées figure en annexe II.
Leur abattage est soumis à des quotas annuels.
La chasse, la capture, la détention, le commerce, et le
transport des espèces non protégées sont autorisés
mais réglementés. Ainsi, la loi prévoit qu'il ne peut
être abattu le même jour, par le même chasseur, plus de 2
animaux de la même espèce ni plus de 4 animaux d'espèces
différentes. Seuls les mâles adultes peuvent être abattus,
la loi sanctionne l'abattage des femelles gestantes ou suitées.
Cependant, la mauvaise collaboration entre le ministère
des Eaux et Forêts et celui de l'Intérieur fait que les
dispositions de ces lois ne sont pas respectées. Cette situation rend
impossible toute maîtrise de la gestion de la chasse, la protection et la
conservation de la faune et la lutte anti-braconnage. De même, elle rend
difficile la maîtrise de la gestion et du contrôle de la
circulation des armes (Okouyi, 2001).
II) Généralités sur la région de
Makokou
II.1 Localisation, hydrologie et climat
La région de Makokou se situe dans la Province de
l'Ogooué-Ivindo, dans le Nord-Est du Gabon, légèrement au
nord de l'Equateur, à environ 500 m d'altitude, sur un vieux socle
cristallin constitué de plateaux bosselés de nombreuses collines
recouvertes d'une forêt dense humide sempervirente.
Le fleuve Ivindo, affluent de l'Ogooué, est à ce
niveau très large mais coupé de rapides (rapide de Loa-Loa) et de
chutes importantes (chutes de Kongou et de Mingouli) qui rendent la navigation
et le flottage du bois impossibles. En conséquence, la région de
Makokou, sans Okoumé (Aukoumea klaineana) en amont de
Kongou, est restée exempte d'exploitations forestières
commerciales jusqu'en 1998.
Le climat de Makokou, suivant un régime climatique
austral, est de type équatorial pur. Il se caractérise par une
pluviosité moyenne annuelle assez faible (1 700 mm), par des
températures plus clémentes (température moyenne annuelle
de 24°C) et une insolation plus faible que dans le Nord-Ouest du Gabon, et
par 4 saisons bien marquées avec deux saisons des pluies et deux saisons
sèches.
L'humidité relative en moyenne plus
élevées en saisons sèches qu'en saisons des pluies, et
l'existence d'une forte nébulosité en saisons sèches,
explique le maintien d'une forêt tropicale humide malgré la
faiblesse des précipitations.
II.2 Population
D'après le recensement de 1993, c'est la province
où la densité est la plus faible avec une moyenne de 1,1 habitant
au km². L'Ogooué-Ivindo comptait, en 1993, 49 000 habitants et la
commune de Makokou 10 000 habitants10(*). Plusieurs ethnies sont présentes à
Makokou. Comme dans le reste du pays l'ethnie majoritaire est celle des Fang,
suivie par les Ikota et les Kwélé. Il existe d'autres ethnies
minoritaires comme les Mahongwé, les Samaye, les Sakés, les
pygmées etc. et des allochtones principalement Ouest-Africains.
Les ethnies majoritaires se regroupent par quartiers et sont,
à l'origine, spécialisées dans un domaine : les Fang
sont des agriculteurs et des commerçants, les Kota sont des forestiers
ayant de bonnes aptitudes à la chasse et les Kwélé sont
réputés pour être les meilleurs pêcheurs.
II.3 Diversité biologique et conservation
II.3.1) Flore et Faune
La région de Makokou est largement recouverte par la
forêt, principalement de la forêt primaire et inondable. Plus de
1200 espèces végétales y ont été
répertoriées mais il faut noter l'absence d'essences comme
l'Okoumé. La faune est également très riche. Les
chercheurs ayant travaillé dans la réserve d'Ipassa ont
recensé 128 espèces de mammifères (dont les espèces
emblématiques que sont l'éléphant, le gorille, le
chimpanzé), 424 espèces d'oiseaux, 65 reptiles et 47 amphibiens
(Okouyi, 2001).
II.3.2) Le Parc national de l'Ivindo, la
Réserve intégrale d'Ipassa et la station de recherche
Au sud de Makokou se trouve le parc national de l'Ivindo,
créé avec les 12 autres parcs en 2002. Ce parc inclut la
réserve intégrale d'Ipassa, créée en 1971 et
appartenant au réseaux des réserves MAB (Man and
Biosphère) de l'Unesco. C'est là que se trouve la station de
recherche de l'IRET (Institut de Recherche en Ecologie Tropicale,
rattachée au ministère de l'enseignement supérieur et de
la recherche). Les activités de recherche y ont été
pratiquement absentes pendant plusieurs années par manque de fond. La
station a servi de base logistique pour des ONG environnementales (WWF, ECOFAC)
et depuis 1998, les activités de recherche ont repris. Un projet de
réhabilitation de la station financé par l'Union
Européenne a été entrepris en 2002 et doit se poursuivre
jusqu'en 2005 (Payne, 2005).
Figure 5 : Parc de l'Ivindo,
réserve d'Ipassa, station de recherche IRET
(Source : FIGET)
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-15.png)
II.4 Activités économiques
Au cours des 20 dernières années, malgré
la raréfaction croissante des retombées formelles et informelles
de la rente pétrolière, la Province de l'Ogooué-Ivindo ne
s'est que légèrement désenclavée, et plus
particulièrement en raison de l'avancée progressive de
l'exploitation forestière vers l'Est du Gabon. A part l'exploitation
forestière, peu d'industries sont présentes. Bientôt
devrait commencer l'exploitation du fer dans le mont Bélinga.
L'environnement est donc exploité à des fins
commerciales et de subsistance. Les cultures vivrières (manioc, bananes
plantains, piment, arachide, ananas...), la chasse et la pêche sont
pratiquées par la plupart des Ogivins (habitants de la province), au
moins de façon occasionnelle, pour subvenir aux besoins de la famille
(Lahm, 1993).
En effet, l'ancrage culturel de la consommation de viande de
brousse et du poisson ainsi que le prix élevé des autres viandes
(le boeuf se vend 3500 FCFA/kg et la cuisse de poulet, 1300 FCFA), rendent les
Gabonais, et plus particulièrement les villageois, dépendants de
la chasse et de la pêche pour leur besoin en protéine. La chasse
se pratique à l'aide de fusils et de pièges à câble,
quant à la pêche, elle se pratique de façon artisanale, en
pirogue.
L'agriculture est essentiellement basée sur une
exploitation vivrière, utilisant la culture sur brûlis.
Le taux de chômage est l'un des plus
élevés du pays (qui est en moyenne de 20%). Toutefois, depuis
2001, l'exploitation commerciale des forêts du Nord-Est Gabon hors
Okoumés s'accroissant de plus en plus fortement, les nouvelles
activités qui en découlent directement et indirectement
contribuent à maintenir localement un plus grand nombre de jeunes
actifs. Nous pouvons tout de même nous alarmer sur le fait que les seuls
principaux débouchés pour les jeunes soient l'exploitation
(souvent abusive) des ressources naturelles à travers la chasse, la
pêche et les exploitations forestières.
Nous l'avons dit et répété, les
forêts du Gabon, sont peuplées d'une diversité biologique
extraordinaire, autant végétale qu'animale. Aussi, à
l'instar des autres pays du bassin du Congo (Cameroun, Guinée
Equatoriale, Congo, République Démocratique du Congo et
République Centrafricaine), le Gabon est signataire de la convention sur
la biodiversité. La particularité et la stabilité
sociopolitique du pays, en fait un site privilégié pour les
programmes de conservation de la biodiversité des forêts
tropicales et équatoriales. C'est pourquoi, la capitale Libreville,
abrite les principaux sièges d'un grand nombre d'associations et
d'organismes nationaux et internationaux (WWF, WCS, UICN, ECOFAC ...) oeuvrant
dans le domaine de la protection de l'environnement.
Mais, le principal défit de ces organismes est de lier
la conservation avec le développement durable et la participation des
populations locales qui, comme nous venons de l'expliquer, sont fortement
dépendantes des ressources naturelles de la forêt que cela soit
d'un point de vu alimentaire, économique ou socioculturel. Il est donc
indispensable de bien connaître leurs besoins, leurs modes de vie et
leurs croyances qui les lient à leur milieu naturel afin de trouver les
meilleures solutions possibles pour relever ce défit.
Chapitre 2 : Les Cadres généraux de
la vie Bakota
Les données qui suivent sont extraites des publications
de Louis Perrois (1968 et 1970) et remise à jour grâce aux
données que j'ai recueillies sur le terrain lors de mon stage.
I Le Pays Bakota
I.1 Le Milieu Naturel
Le pays Bakota entièrement situé en zone
forestière, s'étend de Sibiti (au Congo-Brazzaville) à
Mékambo (au Gabon), c'est à dire du 3e degré
Sud a 1er degré Nord en latitude ; et de Lalara (sur
l'Okano) à Kellé, 11e degré Est au
15e degré Ouest en longitude, soit environ 150 000
km².
Il est constitué par un massif ferrugineux formant un
plateau (d'une altitude moyenne de 500 m) qui va de Bélinga sur le
fleuve Ivindo jusqu'à Mékambo sur la Djaddié. Il est
traversé et bordé tant au nord qu'au sud par des vallées
marécageuses : Djaddié et Djouah au nord ; Liboumba et
Mouniangui au sud. Les ondulations sont faibles et seul le Mont Mbengwé,
dans le massif de Boka-Boka, culmine à 1 070 m.
L'ensemble hydrographique est relié au grand fleuve
Ivindo qui se jette dans l'Ogooué en amont de Booué. Les
rivières sont nombreuses et se divisent en de multiples bras qui
alimentent les vastes zones marécageuses.
Le climat est de type équatorial humide
caractérisé par l'alternance entre une saison sèche et une
pluvieuse. En général on divise l'année en quatre
saisons :
- fin-septembre à mi-décembre : petite
saison des pluies
- mi-décembre à mi-février : petite
saison sèche : Tchingo (K) ; Ikoka (M)
(annoncée par l'arrivée des cigognes).
- mi-février à fin-mai : grande saison des
pluies : Ilumbé (K) ; Intubwako (M)
- début juin à mi-septembre : grande saison
sèche : Inkola (K) ; Ehéhu (M)
Toutefois, on constate l'existence de micro-climats qui
influent sur la vie quotidienne des villageois. Par exemple, pendant la saison
sèche, il fait beaucoup plus frais dans le canton de Sassamongo
qu'à Makokou, les tornades y sont plus fréquentes et arrivent
également plus tôt.
I.2 Population
Les Bakota font partis du groupe linguistique Bantou. Comme je
l'ai déjà dit plus haut, la présente enquête ne
prend en compte que les sous-groupes (ou tribus) du Nord, les Mahongwé,
les Samaye et surtout les Ikota. J'ai laissé
délibérément de côté les Saké qui se
trouvent principalement entre Ovan et Boué.
Les Mahongwé peuplent actuellement le
canton Demi-Pays de Mékambo et le canton de Sassamango à 100 km
à l'est de Makokou. Ces deux zones sont séparées par des
groupes Ikota. Auparavant, les Mahongwé étaient sur les bords de
la Liboumba. A cette époque, il n'y avait pas de discontinuité
entre les différents clans.
Les Samaye, eux, peuplent exclusivement
l'extrémité Est du canton Bouéni, à mi-chemin entre
Okondja et Makokou. C'est un peuple charnière entre les Bakota du Sud et
ceux du Nord. Ils sont très liés aux Mahongwé qui prennent
souvent femmes chez eux.
Les Ikota, par contre, sont plus
éparpillés. On les trouve sur les route de Makokou à
Mékambo de part et d'autre du canton Sassamango ; au Nord de
Mékambo vers le Djouah ; au début de la route du canton
Bouéni (Km 1 à 40) ; près d'Ovan à 100 km
à l'Est de Makokou ; près de Lalara à 180 km à
l'Ouest de l'Ivindo ; puis dans la région de Lastoursville et sur
la piste Lastoursville-Okondja (Perrois, 1968 : 17).
Cette répartition des différentes ethnies Bakota
est essentiellement le résultat des migrations précoloniales,
causées principalement par les guerres tribales (Perrois, 1970).
Figure 6 : Répartition
des ethnies dans la région de Makokou
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-16.png)
Source : Joseph Okouyi Okouyi
Bien qu'il s'agisse du groupe dominant dans la région,
il est difficile de donner une approximation du nombre de population Bakota. Le
Gabon fait un recensement tout les 10 ans, mais sans prendre en compte les
catégories socioprofessionnelles ni l'origine ethnique. Les
résultats du dernier recensement n'étant toujours pas
publiés, je me réfère donc aux estimations faites par
Perrois en 1961. Selon lui, à cette époque, on dénombrait
41 671 Bakota restés dans la région sur un total de 48 506 sur
l'ensemble du territoire gabonais où l'on recensait une population
totale de 456 300 habitants. Aujourd'hui, le Gabon compte plus de
1 140 000 habitants (recensement 1993), on peut donc
aisément supposer que la population Bakota dans la région de
Makokou s'est considérablement agrandie aussi.
II Vie Quotidienne et Culture Matérielle
II.1 La vie au village
Les villages Bakota ressemblent à tous les villages
gabonais : des cases rectangulaires alignées des deux
côtés de la route. On trouve différentes sortes de cases
dont les matériaux sont souvent en adéquation avec la richesse du
propriétaire. Les plus communes, la case dite
« traditionnelle » est faite d'une armature en bois dont
les parois sont remplies avec de la terre humide ; la toiture autrefois en
fibre végétale est aujourd'hui, le plus souvent, en tôle.
Les plus riches se font des maisons en planches de bois avec un soubassement en
béton et les plus pauvres vivent dans des cases en tôles
récupérées un peu partout.
Les cases de même lignage sont à proximité
les unes des autres mais pas très nettement séparées du
reste du village11(*).
Dès 5h30 ou 6h00, les villageois se lèvent et
partent à leurs travaux sans manger, les femmes à la plantation
ou au marigot, les hommes à la chasse ou au débroussage de
nouvelles parcelles. Ce n'est que sur le lieu de travail qu'on se met à
manger un ou deux bâtons de manioc12(*). Vers 15h ou 16h, c'est le retour au village,
où dès leurs arrivées, les femmes se mettent à
préparer à manger jusqu'au soir, seuls les hommes ont droit au
repos. Tous le monde mange entre 17h30 et 18h30, les hommes au salon et les
femmes entres elles à la cuisine.
II.2 Une économie de subsistance
II.2.1 Calendrier des
activités
|
J
|
F
|
M
|
A
|
M
|
J
|
J
|
A
|
S
|
O
|
N
|
D
|
Chasse
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
|
X
|
X
|
X
|
Pêche
|
|
|
|
|
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
|
Débroussaillage
|
|
|
|
|
|
X
|
X
|
|
|
|
|
|
Brûlis
|
|
|
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
|
Semence
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
X
|
X
|
|
Récolte
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
|
|
|
|
Cueillette
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
Il est à préciser que la pêche et la
chasse sont des activités qui se pratiquent tout au long de
l'année. L'intensité de la prédation
« chasse » chute en saison sèche car le sol est plus
sec ce qui fait 1) craquer les brindilles sous les pas des chasseurs et donc
fuir les animaux et 2) que les traces des animaux ne peuvent
s'imprégner, le chasseur ne peut donc pas pister sa proie.
En revanche, l'intensité de la prédation
« pêche » augmente car les eaux des fleuves et
rivières sont au plus bas et il y a moins de courant, ce qui rend
l'activité plus simple, moins dangereuse, avec de plus grandes chances
d'attraper beaucoup de poissons.
II.2.2 L'agriculture
S'il y a quelques décennies les plantations de
caféiers et de cacaotiers étaient nombreuses, cela n'est plus le
cas aujourd'hui. Avec l'effondrement des cours de ces produits en bourse et les
problèmes de transport de la marchandise, les Bakota ont
préféré se contenter des produits locaux pour leur
consommation mais aussi pour la vente. En effet, beaucoup de produits de la
région partent vers les villes surtout vers Libreville comme le manioc,
les bananes, les mangues etc.
Les plantations sont généralement le domaine des
femmes, les hommes n'y allant que pour préparer les champs en abattant
les gros arbres qui restent sur place. Les taillis coupés sèchent
et à la fin septembre on brûle le tout, puis on prépare le
champ (Kuba) en répartissant les cendres. Les femmes s'occupent
du plantage, des récoltes et de l'entretien quotidien tout au long de
l'année. On y cultive principalement : manioc, bananes (plusieurs
variétés), maïs, igname, tarot, piment, palmier à
huile, papaye, avocat, mangue et atanga (Dacryodes buttneri).
II.2.3 L'élevage
Les cabris (étaba), les moutons
(endomba) et les poules (koko) sont laissés à
eux-mêmes errant un peu partout dans le village. Leur seule
utilité réelle est d'ordre social : signe de richesse et
d'aisance, on les donne en cadeaux pour les fêtes et on peut en faire des
sacrifices dans certains rituels. Les oeufs de poule sont également
utilisés pour calmer le candidat à la circoncision si le test de
la panthère (ngoye) s'est révélé
positif13(*).
II.2.4 La Chasse
La chasse (ébwéma) est une
activité très chère aux Bakota. Elle se pratique
aujourd'hui seule, au fusil, avec ou sans chien ou bien au piège
à câble14(*).
Il y a encore peu de temps, la chasse en groupe, au filet, était
pratiquée surtout avant les grandes fêtes de circoncision. Ce mode
de chasse n'est actuellement plus pratiqué. C'est également le
cas des pièges à fosse qu'ils installaient autour des plantations
pour tuer un maximum de potamochères et de la chasse au singe
(kwédjé) qui consistait à choisir un arbre
fruitier, ne laisser qu'une liane comme accès aux singes et lorsque l'un
d'entre eux était dessus, il suffisait de tirer sur la liane faisant
ainsi tomber l'animal dans un filet préalablement installé au
pied de l'arbre.
Autrefois, les zones de chasse villageoises étaient
assez étendues ; aujourd'hui, avec les concessions
forestières octroyées aux différentes industries du bois,
leurs limites ont été redéfinies (sans forcément le
consentement des populations concernées) et circoncites à
quelques kilomètres autour des villages. Lorsqu'un chasseur de
l'extérieur vient, il doit demander la permission au chef du village ou
du quartier, préciser l'endroit où il souhaite chasser et donner
un petit morceau de gibier en retour.
Les espèces les plus communément chassées
sont : mbizi (Céphalophe de Peters), éhibo
(Céphalophe bai) , héli (Céphalophe bleu),
zombé (Céphalophe à front noir),
mwengala (Céphalophe à ventre blanc), gomba
(Athérure), ngwéya (Potamochère), zia
(Singe hocheur), kaka (le Pangolin commun).
Il y a une différence entre le gibier que l'on mange
principalement au village et celui que l'on trouve en ville. En effet, certain
gibier sont presque exclusivement destinés au commerce, comme le
Potamochère, dont la viande, très appréciée, est
l'une des plus chères.
D'autres espèces suivent des circuits
parallèles, principalement celles qui sont protégées
(Okouyi, 2001)
« Sur les marchés à Makokou, on
peut trouver des singes, mais c'est surtout les antilopes, les gazelles, les
porcs-épics et les sangliers (Potamochère). On voit rarement le
tatou (Pangolin géant), même si c'est recherché, mais ce
n'est pas possible de le vendre sur les marchés à cause des Eaux
et Forêts. »
Vieux chasseur, Makokou
II.2.5 La Pêche
La pêche est une activité qui était
essentiellement féminine mais qui tend à se masculiniser. Les
femmes pêchent avec les nasses ou les corbeilles en fibre
végétale dans les rivières et les petits marigots. Il
s'agit là d'une activité collective où les femmes se
regroupent entres elles. Considéré presque comme un
divertissement, le travail s'accompagne de chants rythmés et de longues
mélopées. Ensuite, chacune rentre chez elle avec le poisson
qu'elle aura pêché dans sa nasse ou sa corbeille. Chaque femme
possède son coin de pêche qu'elle garde jusqu'à la mort.
Après le décès de la
« propriétaire », si une autre femme souhaite
récupérer ce lieu, elle doit demander l'autorisation à
l'esprit de la défunte en lui faisant des offrandes.
En revanche, les hommes pêchent au filet dans les
grandes rivières. Les produits de cette pêche, plus fructueuse,
sont généralement destinés à la vente.
Les poissons les plus pêchés sont : le
Machoiron kouné (Chrysichthys), le Capitaine
kokosso (Barbus compinei), le Yara
ombézè (Schilbe grenfelli), le grand Silure
issomé (Clarias jaensis), le Silure-chat (Clarias
buthupogon), le Poisson-chat ingania (Parauchenoglanis
punctatus), le Brochet (Hepsetus odoe) et la Carpe
épété (Tilapia tholloni).
II.2.6 La cueillette
La meilleure époque est la saison des pluies. Ce sont
les femmes et les enfants qui cherchent les produits sauvages de la forêt
dont les plus communs sont : le chocolat indigène
pétché (irvingia gabonensis), les noisettes
kuta (Coula edulis), les feuilles de marantacée
(megaphrynium sp.), les feuilles de kumu (gnetum
africana), le moabi niabé (Baillonella
tixisperma), les atangas sauvages insia (dacryodes
buttneri), l'oignon indigène filindji (afrostyrax
lepidophyllus).
A côté de ces espèces destinées
à l'alimentation, il y a aussi toutes les plantes, feuilles, racines,
écorces et fleurs destinées à soigner d'une manière
naturelle ou magique.
III Vie Sociale et Organisation Familiale
III.1 La Parenté et le Mariage
Chaque groupe Bakota15(*) de la région de l'Ivindo se divise en un grand
nombre de clan Ikaka qui sont caractérisés par des
interdits alimentaires commun à tous les membres et une rigoureuse
exogamie. Au niveau du village, le clan se divise en groupes familiaux
nommés diyo, qui correspondrait au lignage, qui est
l'unité de base du village. Le chef de clan éboto est le
plus âgé de tous les chefs de lignage et joue un rôle de
conciliateur et de justice, mais le plus souvent il suit les avis d'un conseil
des vieillards (qui peut comporter des femmes) et ne fait que prononcer un
jugement collectif sous sa responsabilité personnelle.
La descendance est patrilinéaire chez les Ikota et les
Mahongwé ; et matrilinéaire chez les Samaye, où le
neveu utérin (soit le fils de la soeur d'Ego) est très important.
Pourtant, chez les premiers, le neveu a tous les droits sur l'héritage
et il peut, s'il le souhaite, prendre la maison de l'oncle défunt et y
chasser la veuve. Peut-être est-ce une réminiscence d'un ancien
système matriarcal ?
L'exogamie entre cousins croisés et parallèles
est absolue tant que la parenté est connue et l'inceste est fortement
prohibé avec comme limites les femmes du père d'Ego, ses soeurs,
les soeurs du père et de la mère ainsi que leurs enfants et les
épouses des frères.
Si autrefois le mariage était avant tout une alliance
entre deux clans bien plus que la réunion de deux individus, de nos
jours le choix du conjoint est le plus souvent libre, avec toutefois, le
respect de l'exogamie clanique. Il existe deux façons de se
marier : le mariage civil ou le mariage traditionnel. Les divorces ou
« ruptures d'union » sont extrêmement
fréquents chez les Bakota. Il n'est pas rare de trouver des hommes et
des femmes mariés trois, quatre, cinq fois dans leur vie. Aussi, la
plupart des mariages sont traditionnels car ils évitent les tracasseries
administratives mais pas celui du remboursement de la dot.
La séparation est souvent la décision de la
femme pour diverses raisons comme le cocufiage, l'alcoolisme ou la violence du
mari, son impuissance ou bien tout simplement pour rejoindre son amant.
Ce phénomène nous montre que la liberté
sexuelle est largement admise chez les Bakota. Il n'y a pas de culte de la
virginité comme dans les régions musulmanes, les fiancés
ont des relations sexuelles bien avant le mariage. Les enfants né hors
mariages sont très bien acceptés car ils prouvent la
fécondité de la jeune fille ce qui lui donne encore plus de
valeur.
III.2 Les Confréries Initiatiques
A côté de l'organisation en clans et lignages, la
société Bakota, au niveau villageois, comprend des groupes
à caractère initiatique qui se manifestent par des pratiques
rituelles périodiques et des danses spécifiques.
Les confréries Bakota sont essentiellement des
associations de protection magique : tous les rites tendent, en dehors de
l'initiation proprement dite, à une confession des fautes relevant du
domaine de la sorcellerie et de la thérapeutique qui en découle.
Elles se répartissent en sociétés masculines,
féminines et mixtes. Seules les cérémonies secrètes
qui se déroulent en forêt sont réservées aux
initiés ; au village les danses sont publiques et ont un rôle
de divertissement (Perrois, 1968).
Danses des hommes :
Emboli (K) : danse des jeunes hommes
masqués pratiquée lors des circoncisions et aussi pour
vénérer les Ancêtres.
Bwété (K) : danse des hommes
initiés qui est pratiquée pour soigner un malade. Pour cela,
le/les danseurs mange le bois sacré Iboga pour être en
contact avec les Ancêtres.
Mungala (K) : danse pratiquée lors de la
circoncision, de la naissance des jumeaux et
les rituels de guérison. Les seules femmes a pourvoir y
assister son les jumelles et les mères de jumeaux.
Membiri (K) : danse spéciale pour un
rituel de guérison pratiquée par les initiés.
Mobeye (K) : danse lors de la circoncision
Bazangoye (K) : danse lors de la circoncision
ou lorsque une personne est malade
Danses des femmes :
Bwanga (K) : lors de la naissance des
jumeaux
Magnala (K) : danse festive sans grande
importance que l'on danse avant le début de la cérémonie
de circoncision.
Méloka (K) : danse contre la
sorcellerie
Isembo (K) : danse secrète
pratiquée lors de la cérémonie de circoncision.
Danses mixtes :
Méwanwan (K) ;
Mazembo (M): danse lors de la circoncision pour fatiguer le
candidat
Tchuku (K) : danse festive lors de la
circoncision
Ngwata (K): danse festive qui réunit tout
le village pendant la cérémonie de circoncision.
Beaucoup de ces danses ne sont plus pratiquées
aujourd'hui ou, en tout cas, plus sous les mêmes formes qu'auparavant.
Les plus pratiqués sont le Méwanwan, le
Bwété, le Membiri, le Mungala16(*) et Isembo.
IV Les Croyances mystiques
IV.1 Zambé, le divin civilisateur !
Dans la tradition Bakota, on trouve le Dieu Zambé,
héro initial de l'humanité Bakota. Les Bakota restent toujours
très vagues au sujet de la création du monde et des hommes. Un
être divin, jamais nommé ni prié aurait créé
le monde tel que nous le voyons aujourd'hui avec une nature redoutable
peuplée d'animaux, de monstres surnaturels et un premier homme, chef de
lignage appelé Zambé. Il est donc l'être primordial qui est
à l'origine de tous les comportements humains bons ou mauvais, sans
qu'il soit « créateur » de quoi que ce soit. Il est
l'ancêtre premier, le géniteur de tous les rameaux Kota. C'est lui
qui a tout appris aux Bakota, les techniques de survie et la vie dans la grande
forêt tropicale (chasse, pêche, cueillette, culture, construction
etc.).
Ses aventures et celles de sa famille sont relatées
dans de nombreux contes et mythes moralisateurs. Il existe deux
Zambé : celui du haut ou de l'amont de la rivière (le
civilisateur ?) et celui du bas ou de l'aval de la rivière (celui
des contes ?). Ceci met en évidence la règle stricte
d'exogamie dans les mariages. En effet, s'il n'y avait qu'un seul dieu et ses
enfants, ces derniers devraient avoir recours à des relations
incestueuses pour se reproduire, chose extrêmement condamnée chez
les Bakota. Cela signifie que l'exogamie et donc l'inceste, sont situés
au niveau du clan, donc de façon très restrictive. Dans les
contes, le fils d'un Zambé veut épouser la fille de l'autre
Zambé, donc l'exogamie est respectée.
On retrouve Zambé et sa bipolarité dans d'autres
ethnies du Gabon notamment chez les Mitsogho où il y a le
Nzambé « qui sait » et celui
« qui ne sait pas » soit le Nzambé du ciel
et celui de la terre (Gollnhofer, Sallée, Sillans : 1975).
IV.2 Sorcellerie et Devins-Guérisseurs
La sorcellerie est, chez les Bakota, une menace constante et
obsédante. Les devins-guérisseurs (nganga) sont des
chasseurs de sorciers et de « médicaments » (qui
peut être un poison ou un remède) qui sont craints et toujours
respectés.
Un des plus célèbre Nganga du pays
Bakota est Zoaka Pascal, originaire du canton de Mékambo et
initié au Congo par les Bakwélé qui sont des
spécialistes dans la recherche de sorciers. Zoaka est un ancien
combattant qui a sont retour au pays affirme avoir eut une illumination :
une demoiselle très belle lui est apparue en songe et lui a
confié le pouvoir et la mission de supprimer la sorcellerie de son pays.
Ce rituel est connu sous le nom de « Mademoiselle » et
connaît une expansion très rapide dans tout le pays entre 1954 et
1957 (Perrois, 1968 : 37). C'est à cette époque que la
plupart des derniers spécimens d'art plastique Bakota ont disparu,
brûlés ou jetés dans les rivières, car après
le passage de Mademoiselle et Zoaka, toutes les fioles à
poison, les objets « fétiches » et les reliques du
Bwété avec les sculptures rituelles devaient être
détruits. Si certaines pratiques et croyances ont supporté le
joug de Zoaka, d'autres ont été rendues publiques, mises en
valeur et favorisées comme le Mungala, le Ngoye et
Isembwé.
A la suite de la campagne
« Mademoiselle », deux danses ont entretenu le même
esprit : c'est la danse bwété (à ne pas
confondre avec le culte des ancêtres) et la danse Ndjobi, vers
Franceville et que l'on retrouve aussi au Congo (Goyendzi, 2001).
Malgré tout, la sorcellerie reste très vivante
et tout comportement psychologique des Bakota est conditionné par la
crainte d'être envoûté, empoisonné ou de recevoir un
mauvais sort. Ceci est le corrélaire presque mécanique d'une
pensée immanente, percevant la nature et la culture comme un tout. Les
gens ne vont pas parler de « sorciers » mais de
« vampireux ». Le vampire est une personne
généralement considérée comme jalouse qui a le
pouvoir de se transformer en une multitude d'animaux (voir même de
personnes), mais le plus souvent il se déplace en hibou
(Ehukuku), la nuit pour faire du mal aux gens ou à leurs
animaux domestiques. Les vampireux (Izanga) n'ont pas de signe
extérieur distinctif. Ils ne se reconnaissent qu'entre eux, mais les
personnes extérieures n'en savent rien. Il s'en suit alors un climat de
doute et de suspicion, avec toujours le risque d'éveiller la jalousie de
l'un d'entre eux. C'est pourquoi maintes précautions sont prises dans la
vie quotidienne (nous verrons que c'est le cas notamment pour la pêche et
la chasse) et qu'il existe de nombreux rituels et médicaments
voués à la protection contre ces personnes. C'est principalement
le cas lors de la naissance de jumeaux et lors de la circoncision. Ces
croyances surnaturelles font que la malchance et la mort d'une personne ne sont
jamais le fruit du hasard et qu'il y a toujours des origines suspectes à
ces évènements.
IV.3 Esprit, es-tu là ?
Contrairement à d'autres ethnies des régions
tropicales, les Bakota ne pensent pas que les animaux de la forêt ont un
« esprit » et ils n'ont pas de divinité gardienne
des animaux sauvages comme des « maîtres de brousse »
connus dans de nombreuses régions d'Afrique.
Par contre, il existe des lieux réputés comme
dangereux à cause de la présence d'esprits. C'est souvent le cas
des grottes (où il faut préalablement demander la permission d'y
pénétrer à l'esprit présent) et de certains points
d'eau (notamment vers les chutes de Kongou). Il existe une forêt
où les chasseurs ne pénètrent pas. Il s'agit de la
forêt Mangazima lipépa, vers Mékambo, au village
de Malassa. Cette croyance se manifeste dans un mythe chanté où
l'on raconte l'histoire d'un guerrier qui part à la chasse, tout seul,
et qui se perd dans la forêt ; peu à peu, sous l'effet de la
solitude, il régresse de état d'homme à celui d'un animal
sauvage (Perrois, 1968). Depuis, il est dit que si un chasseur
pénètre dans ces bois, il s'y perdra pour toujours à cause
de cet esprit que l'on nomme Engumba.
IV.4 Les nouvelles religions
Aujourd'hui, la principale religion présente au Gabon
est le Christianisme. Il existe plusieurs mouvements chrétiens :
catholiques, protestants « classiques »,
évangéliques et d'autres sectes plus ou moins récentes. La
plupart des gens sont assez croyants ce qui n'empêche pas le cumul des
croyances. Croire en Dieu et en Jésus-Christ n'empêche pas de
croire aux forces de la Nature et aux Vampireux. Les Bakota, comme beaucoup
d'autres ethnies en Afrique, combinent les deux systèmes de croyance
sans grand conflit psychologique. Il est à signaler que le
phénomène sectaire, dont le but est de casser les logiques
traditionnelles, semble toutefois prendre du terrain.
Deuxième Partie
Interrelations entre la faune sauvage
et les Bakota
Chapitre 1 : Utilisations de la faune
sauvage
L'utilisation de la faune sauvage chez les Bakota est,
aujourd'hui, essentiellement17(*) alimentaire et économique, comme nous l'avons
montré précédemment. Toutefois, certains animaux restent
présents dans les différents domaines de la vie sociale et
culturelle. Nous allons d'abord envisager les utilisations proprement dites de
la faune dans la pharmacopée traditionnelle, dans les rites et les
cérémonies ainsi que dans l'artisanat. Certains animaux sont
capturés et domestiqués, principalement les primates. Les animaux
sauvages sont également fortement évoqués dans la
littérature orale. Afin d'illustrer notre propos, nous
présenterons, par la suite, quelques exemples de contes, de proverbes et
de chants Bakota.
I La pharmacopée traditionnelle
Les animaux de la forêt sont souvent utilisés
pour soigner toutes sortes de maladies physiques ou psychosomatiques. On les
utilise aussi lors de nombreux rites et cérémonies pour se
protéger du mauvais sort ou « remettre la Panthère dans
le ventre du patient ». C'est pourquoi, la médecine
traditionnelle ne peut pas être séparée du domaine des
croyances et en particulier celles qui connectent les humains à la
nature.
I.1 Les maladies physiques ou
« classiques »
Je propose de mettre dans cette catégorie les maladies
liées aux parasitoses, nombreuses dans les régions tropicales
comme le paludisme, les vers intestinaux, la gale etc. et les divers maux
liés à l'état physiologique de la femme (grossesse,
règles), les pathologies intestinales ou aux accidents musculaires.
La population villageoise fait souvent appel aux
guérisseurs traditionnels pour se soigner. Bien que la plupart des
médicaments soient majoritairement fabriqués à base de
plantes18(*), certains
animaux continuent d'être utilisés.
Dans la plupart des cas, il s'agit de brûler la partie
du corps utilisée de l'animal, de mélanger les cendres avec des
plantes et des huiles et enfin, de masser le patient avec cette
décoction là où la douleur ou l'infection se trouve.
D'autres décoctions peuvent également être absorbées
en breuvages.
Le tableau 4 est une synthèse des données
recueillies lors de mes entretiens dans les différents villages Ikota,
Mahongwé et Samaye. Beaucoup de ces « recettes »
médicinales ne sont quasiment plus utilisées et les savoirs ne
sont pas partagés par l'ensemble des membres des diverses
communautés. Les animaux qui revenaient systématiquement sont la
Civette, la Tortue et le Python.
Tableau 4 : Animaux
utilisés dans les soins de maladies
« classiques »
Animaux
|
Parties du corps
|
Utilités
|
Précisions
|
Tortue
(Kinixis sp. et
Testudo sp.)
|
Os
|
hémorroïdes
|
Faire tremper dans l'eau et boire
|
|
Os du pied
|
Calme le foetus
|
La femme enceinte amarre l'os autour de son ventre.
|
|
Sang
|
Dartres
|
Sans précision
|
|
Carapace
|
Mal au dos
|
On brûle, puis on fait des incisions sur le dos du
patient et on le masse avec les cendres.
|
Civette
(Civettictis civetta)
|
Anus+glandes odorantes
|
Soulage le mal de ventre
|
On brûle de tout et on masse
|
|
Testicules
|
Hémorroïdes
|
On brûle et on mélange avec de l'huile d'amande,
puis on frotte sur le ventre
|
Panthère
(Panthera pardus)
|
Queue
|
Soulage le mal aux reins
|
On brûle, on fait des incisions et on frotte
|
Nandinie
(Nandinia binotata)
|
Peau
|
Soulage les piqûres d'insectes
|
Sans précision
|
Mangouste des marais ngagna
(Atilax paludinosus)
|
Queue
|
Soulage les règles douloureuses
|
Sans précision
|
Mangouste à pattes noires
mwédjiélé
(Bdeogale nigripes)
|
Poils
|
Soigne le nourrisson
|
Sans précision
|
Pangolin commun
(Phataginus tricuspis)
|
Os
|
Soigne le nourrisson
|
On écrase l'os que l'on mélange avec du lait
maternel et de l'huile d'amande
|
Chevrotain
(Hyemoschus aquaticus)
|
Poils
|
Soigne les brûlures
|
On brûle et on mélange avec d'autres substances
|
Daman
(Dendrohyrax dorsalis)
|
Crâne
|
Facilite l'accouchement
|
On fait tremper le crâne dans de l'eau. La mère va
boire et se masser avec.
|
Python
(Python sebae)
|
Graisse
|
Soulage le mal de dos et les douleurs musculaires en
général
|
Utilisée comme un baume de massage
|
Varan
(Varanus niloticus)
|
Peau
Queue
|
Soigne les rhumatismes
Soigne le mal au dos
|
Sans précision
Sans précision
|
Céphalophe à dos jaune
(Cephalophus silvicultor)
|
Poils
|
Soulage des points de côtés
|
Sans précision
|
Colobe guéreza
(Colobus guereza)
|
Poils
|
Soulage le mal aux yeux
|
On brûle les poils, on incise aux sourcils et on masse
avec.
|
Athérure
(Atherurus africanus)
|
Estomac
|
Contre la toux
|
Sert également comme aphrodisiaque
|
I.2 Les maladies psychosomatiques
Il existe de nombreuses maladies psychologiques comme la
paranoïa, la schizophrénie, la dépression etc. qui peuvent
être traitées par les guérisseurs. Une étude
approfondie en ethnomédecine serait forte intéressante à
faire. Pour ma part, je propose d'insérer dans cette partie les
traitements donnés aux hommes et femmes panthères ainsi qu'aux
« vampireux ».
Les Bakota ont une perception de l'individu plus complexe que
la vision occidentale moderne. En effet, comme nous l'avons déjà
évoqué plus haut, chaque homme et femme Bakota est composé
de plusieurs éléments dont le corps (support matériel) et
l'âme qui se situe dans le coeur. Mais certains d'entres eux, individus
exceptionnels, ont également la Panthère ngoye et
d'autres encore le vampire nommé izanga, comme les cailloux
trouvés dans l'estomac des damans des arbres. Pour l'un comme pour
l'autre, cela leur confère une force et des pouvoirs surnaturels comme
celui de se métamorphoser en animal. Mais cette pratique peut être
dangereuse pour l'individu en question, si son double ne revient pas dans son
corps (dans le ventre, plus précisément), il tombera gravement
malade et risque d'en mourir.
La femme aussi peut avoir la Panthère en elle, dans ce
cas, elle a de fort risque d'avoir des problèmes lors de sa grossesse et
de l'accouchement. En effet, si une femme fait des fausses couches ou des
enfants mort-nés, c'est qu'elle a la Panthère dans le ventre, et
c'est cette dernière qui mange les foetus. Afin de résoudre ces
avortements, le guérisseur va lui préparer un médicament
qui permettra de calmer la Panthère et qu'elle se déplace pour
laisser passer le bébé.
Tableau 5 : Animaux
utilisés dans les soins des maladies psychosomatiques
Animaux
|
Parties du corps
|
Utilités
|
Panthère
(Panthera pardus)
|
Os
|
Sert à calmer et contrôler le jeune circoncis qui
a la panthère
|
Genette
(Genetta servalina)
|
Peau
|
Fait rentrer la panthère et soigne les vampireux
|
Civette
(Civettictis civetta)
|
Testicules
|
Eviter les fausses couches aux
femmes-panthères
|
Daman
(Dendrohyrax dorsalis)
|
Caillaux zanga dans l'estomac
|
Soigne les vampireux et leurs victimes. Pour cela, On
mélange les boules de zanga avec des feuilles de brousse.
|
I.3 Les sortilèges et les protections
Les carnivores à la robe tachetée sont
principalement utilisés dans les médicaments pour se
protéger ou soigner d'un mauvais sort. On les utilise soit à
titre individuel lorsque l'on pense avoir été victime d'un
sortilège, soit lors de cérémonies et rites particuliers
pour s'en protéger.
La Panthère est assez peu utilisée chez les
Bakota, seules quelques rares personnes m'ont parlé de médicament
que l'on pouvait faire avec cet animal. Les plus utilisés pour la
protection chez les « tachetés » sont la Genette
servaline et la Civette.
D'autres animaux sont utilisés dans la protection
contre les mauvais sorts et les attaques de « vampireux »
ainsi que pour les sortilèges.
Les connaissances sur ces pratiques sont très
hétérogènes et comme pour tout le reste, elles tendent
à disparaître petit à petit. J'ai essayé de
collecter un maximum de données sur l'utilisation des animaux dans la
confection des médicaments, mais je pense qu'une étude longue et
approfondie sur les Grands Maîtres guérisseurs, Nganga,
serait intéressante et nécessaire pour mieux comprendre le choix
de tel ou tel animal, pourquoi et comment sont-ils utilisés etc.
Il serait également intéressant de mener une
étude ethnopsychiatrique sur les maladies mentales, ou plus largement
sur les troubles de la personnalité, considérées par la
population comme l'intervention du surnaturel afin de délimiter la
distinction entre le normal et le pathologique et d'éclairer les aspects
les plus complexes de la culture Bakota.
Aujourd'hui, la plupart des médicaments sont à
base de plantes et non plus d'animaux. Ces derniers restent toutefois
présents, pour un petit nombre d'entre eux, dans les médicaments
de protection ou de guérison des mauvais sorts.
Tableau 6 : Animaux
utilisés dans les sortilèges et les protections
Animaux
|
Parties
|
Utilités
|
Précisions
|
Panthère
(Panthera pardus)
|
Dents et moustache
|
Protège les jumeaux à leur naissance
|
Sans précisions
|
Genette
(Genetta servalina)
|
Peau
|
Protège les jumeaux à leur naissance
|
Sans précisions
|
|
Excréments
|
Protège le circoncis
|
Sans précisions
|
Civette
(Civettictis civetta)
|
Excréments
|
Donne force au circoncis
|
Les crottes sont récupérées aux bords d'un
marigot. Mélanger avec de l'eau et du kaolin et on frotte le
candidat.
|
Tortue
(Testudo sp. et
|
Carapace + os
|
Protection du village lors de sa création
|
Tortue + terre des 2 bouts du village + feuilles que l'on
enterre.
|
Kinixis sp)
|
Peau
|
Contre la malchance et les mauvais sorts.
|
Sans précisions
|
Bongo
(Tragelaphus euryceros)
|
Peau + Sang
|
Protection des jumeaux
|
Sans précisions
|
Céphalophe bai
(Cephalophus dorsalis)
|
Cuisse arrière
|
Pour que l'homme garde sa femme à la maison.
|
L'homme va préparer la viande et la faire manger
à la femme sans qu'elle soit au courant.
|
Pangolin géant
(Smutsia gigantea)
|
Griffes
|
Donné à la fin de la réclusion du
circoncis pour le protéger.
|
Les griffes sont pillées et mélangées
à la purée de banane.
|
Potamogale
(Potamogale velox)
|
Peau
|
Envoûte les hommes
|
La femme va se mettre la peau dans les cheveux pour attirer
les hommes et éviter la jalousie du mari
|
Potto de Bosman
(Perodicticus potto edwardsi)
|
Peau
|
Donné à la fin de la réclusion du
circoncis pour le protéger.
|
Lorsque l'animal meurt, il y a un côté qui
pourrie et l'autre non. On prend le côté intact.
|
Loutre Ibango
(Aonyx congica)
|
Peau
|
Envoûte les hommes
|
Pour garder le mari à la maison
|
Oryctérope
(Orycteropus afer)
|
Intestins, viscères
|
Poison pour tuer les gens
|
Sans précisions
|
Tableau 7 :
Récapitulatif des utilisations magico religieuses et
médicinales de la faune sauvage
Animal
|
Dent
|
Peau
|
Sexe
|
Anus
|
Queue
|
Os
|
Poils
|
Crâne
|
Intestin/ Viscères
|
Moustache
|
Autres
|
Panthère
(Panthera pardus)
|
X
|
X
|
|
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
X
|
|
Genette
(Genetta servalina)
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
Boyaux
|
|
Excrément
|
Civette
(Civettictis civetta)
|
|
X
|
X
|
X
|
|
|
|
|
|
|
Glandes odorantes + excréments
|
Loutre ibango
(Aonyx congica)
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Nandinie
(Nandinia binotata)
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Mangouste marais
(Atilax paludinosus)
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
Mangouste pattes noires
(Bdeogale nigripes)
|
|
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
|
Tortue
(Testudo sp. ; Kinixis sp.)
|
|
X
|
|
X
|
|
X
|
|
|
|
|
Carapace ; sang
|
Galago de Garnett
(Otolemur garnetti)
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Daman
(Dendrohyrax dorsalis)
|
|
|
|
|
|
|
|
X
|
X
|
|
Excréments
|
Bongo
(Tragelaphus euryceros)
|
|
X
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
Sang
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Céphalophe à dos jaune
(Cephalophus silvicultor)
|
|
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
|
Céphalophe bai
(Cephalophus dorsalis)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Viande : cuisse
|
Chevrotain
(Hyemoschus aquaticus)
|
|
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
|
Potamogale
(Potamogale velox)
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Oryctérope
(Orycteropus afer)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
X
|
|
|
Colobe guéreza
(Colobus guereza)
|
|
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
|
Potto de Bosman
(Perodicticus potto edwardsi)
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Pangolin
(Phataginus tricuspis)
|
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
|
|
Pangolin Géant
(Smutsia gigantea)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Griffes
|
Python
(Python sebae)
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Graisse
|
Vipère
(Bitis gabonica)
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Varan
(Varanus niloticus)
|
|
X
|
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
II Les Animaux Sauvages dans les Rites et les
Cérémonies
Les animaux sauvages sont souvent présents dans les
rites et les cérémonies Bakota. On les retrouve dans les
médicaments dont le rôle essentiel est celui de protéger,
mais aussi dans les parures et accessoires indispensables pour ces pratiques.
En dehors de cette présence « physique » des
animaux, ils sont également évoqués dans les danses et les
chants.
N'ayant pas eu le temps de m'intéresser
profondément à l'ensemble de ces manifestations, je propose
d'évoquer seulement la cérémonie de circoncision, la
naissance des jumeaux ainsi que l'omniprésence de la Genette dans les
rituels initiatiques et les danses.
II.1 La Cérémonie de circoncision
Satchi
La cérémonie de circoncision reste la plus
importante fête chez les Bakota, celle qui réunit le plus de monde
et qui nécessite de nombreuses danses. Les circoncisions se
déroulent en saison sèche de juin à septembre, lorsque les
enfants n'ont pas d'école. Chaque clan et même chaque famille a
ses spécificités comme pour la préparation des
médicaments nécessaires au bon déroulement de la
circoncision, mais les bases de la cérémonie se retrouvent
partout dans les villages autour de Makokou, et dans tous les sous-groupes
Bakota.
M'intéressant aux animaux sauvages dans la coutume
Kota, je n'ai pas eu le temps ni l'opportunité d'étudier en
profondeur le Satchi19(*). Je me suis focalisée sur l'utilisation
et l'évocation des animaux sauvages tout au long des différentes
phases de la cérémonie.
II.1.1 Les chants et danses
Lors de la cérémonie de circoncision, beaucoup
de danses et de chants sont présents et certains d'entres eux mettent en
scène les animaux de la forêt. Chaque danse a ses
particularités telles que ses chants, sa musique, ses parures et ses
recettes magiques.
Dans la plupart des danses, les participants ont le corps
colorés de taches qui représentent les animaux de la famille de
la Panthère. Chaque animal a un code de couleur :
- Blanc et rouge ou rouge et noir pour la Panthère
- Rouge et gris ou vert pour la Nandinie et le Chat
doré
- Noir et blanc pour la Genette
- Noir pour la Civette
Dans la danse Mobeye, chaque danseur peint son
corps de taches qui, selon les couleurs, représentera tel ou tel animal
tacheté de la famille de la Panthère. Chaque tache a son propre
chant. De plus, les peaux de tous ces animaux sont utilisées ; les
danseurs les mettant autour de leur taille. Il en est de même pour la
danse Bazangoye et Emboli20(*). Pour le Bwété ou
Bwéti ainsi que pour le Mbiri, on n'utilise que la
peau de Hindji, la Genette, que cela soit en cache sexe ou pour y
déposer le bois sacré Iboga.
De nombreux chants animent les danses tout au long de la
cérémonie, dont beaucoup parlent d'animaux21(*).
II.1.2 Le test de la Panthère
Intété (K) ;
Inpubé (M) ; Intunga (S)
Comme nous l'avons brièvement vu dans la
présentation des Bakota, certains membres du groupe peuvent avoir le
Ngoye en eux avec la possibilité de se métamorphoser. La
réalité de ces hommes-panthères ne fait aucun
doute dans tout le pays Bakota et la croyance dans le pouvoir de
métamorphose de certains hommes est partagée par tous.
L'origine de ce phénomène semble remonter au
temps des guerres tribales, comme me l'expliquait l'un de mes
interlocuteurs :
« On a choisi la Panthère quand il y
avait les guerres tribales. Pour s'en sortir, il fallait de la force, c'est
pourquoi on a fait alliance avec la Panthère. Avant, certains guerriers
pouvaient avoir plusieurs panthères en eux, ils s'en servaient pour
gagner les guerres, mais plus maintenant. Aujourd'hui, c'est resté au
fond des Bakota. On fait toujours le test de la Panthère, c'est pour la
domestiquer car ça peut être dangereux. Plus c'est dur à
contrôler et plus il y a de panthères dans le
candidat. »
Vieux Ikota
Le test du Ngoye22(*) se passe en forêt en la seule
présence des hommes23(*). Il s'agit de faire tourner le candidat autour d'un
arbre Ibula (Plagiostyles africana)24(*). Au fur et à mesure que
la famille fait tourner le candidat, ce dernier prend de la vitesse et si, au
bout d'un moment, il s'élance en avant à travers la brousse d'un
bond fantastique, c'est qu'il a le Ngoye en lui ; à
l'inverse, si le candidat ne fait rien ou s'écroule à terre,
c'est qu'on n'est pas en présence d'un
homme-panthère.
Si le test est positif, ce sont les
hommes-panthères qui vont s'occuper de
« contrôler » le candidat, qui va avoir droit
à des médicaments spéciaux. Avant son retour au village,
les hommes vont lui peindre la moitié du corps (de la tête aux
pieds) de taches rouges et noires sur un fond blanc, qui figure la robe de la
Panthère.
Il est également à noter que le Colobe
guereza est utilisé dans les accessoires. Ses poils
servent à la fabrication d'une sorte de chasse mouches25(*) et sa peau à la
fabrication d'un petit drapeau à deux manches tenu et secoué par
le candidat.
Quant à la Genette servaline, elle est
très présente tout au long de la cérémonie. On
utilise quasi exclusivement la peau (mis à part dans certains
médicaments où on peut retrouver ses excréments) 1) pour y
déposer les médicaments du candidat ; 2) comme
« gri-gri » en forme de hochet où le
guérisseur y a mis toujours des médicaments contre le mauvais
sort et que le candidat gardera constamment en main en le balançant de
droite à gauche ; 3) en cache sexe (ceci se fait de moins en moins
chez les jeunes actuels). La Genette est également présente dans
la majorité des rituels Bakota, c'est ce que nous allons voir à
présent.
Photo 3 : « Circonciseur Bakota
en 1965 »
On peut voir tout autour de sa taille des peaux de genettes
servalines accrochées. Son corps est également peint de taches
claires.
Photo 4 : « Jeunes circoncis lors
du défilé final de la cérémonie en 1965 »
On peut voir les « chasses mouches » en poils
de colobe. On aperçoit aussi une queue de Genette.
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-17.png)
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-18.png)
Source : Louis Perrois (1968)
Source : Louis Perrois (1968)
Photo 5 : Peaux de genettes
servalines
(Village de Zadindoué)
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-19.png)
Source : Florence Mazzocchetti (2005)
II.2 Les Initiations et les temples de guérison :
omniprésence de la genette
Je n'ai pas eut le temps ni les moyens d'approfondir ce
domaine de recherche. Il existe de la littérature sur quelques
« danses » initiatiques au Gabon dont la plus
répandue est celle du Bwété ou Bwiti
(Esparre, 1968 ; Gollnhofer et al, 1975),
également présente chez les Bakota. Chaque
« danse » possède son temple et ses
guérisseurs avec chacune ses spécialités et ses
médicaments.
Dans la plupart des cas, il s'agit de rentrer en contact avec
les ancêtres pour qu'ils nous disent les raisons de nos maux les plus
diverses et comment les guérir. Ceci est possible grâce à
l'absorption de grandes quantités d'une plante hallucinogène
nommée Iboga (Tabernanthe iboga).
Une autre constante est celle de l'utilisation de
peaux de genettes en « cache sexe » pour le ou les
danseurs26(*). Elle peut
être aussi entourée autour de la tête du patient
bodji afin de le protéger des esprits et des mauvais sorts,
mais également afin de le guider dans sa visite dans l'Autre Monde.
Au village de Mbondou (Ikota), sur la route d'Okondja, se
trouve le temple Ikongonumba qui appartient à la
« danse » Mbiri. Ici, le principal animal
utilisé est toujours Hindji la Genette
servaline. Le tradipracticien se sert de la peau de l'animal pour y
déposer des petits tas de bois sacré Iboga ; la
peau et d'autres parties du corps de la Genette sont utilisées
également dans la fabrication de nombreux médicaments. On vient
parfois de loin pour se faire soigner pour toutes sortes de maladies :
« Ici, on soigne les femmes qui n'arrivent pas à avoir
d'enfants, les fous et pleins d'autres maladies. »
Guérisseur, Mbondou.
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-20.png)
La disposition des petits tas d'iboga suit des règles
et des significations bien précises, mais personne n'a souhaité
me les confier. Le guérisseur (Nganga ou Nima) du
temple me disant : « On sait pourquoi on met là, mais
on ne peut pas l'expliquer ». Il m'a quand même
montré comment il disposait les tas sur la peau de
Hindji (en rouge sur le dessin ci-contre): un tas sur chaque
membre, un sur la tête, un sur la queue et deux sur le corps.
II.3 La naissance des jumeaux
Les jumeaux sont très appréciés chez les
Bakota comme dans de nombreuses ethnies au Gabon. Ils sont signe de chance et
de richesse et ils sont considérés comme des êtres
exceptionnels à la fois plus forts mais aussi plus vulnérables
car soumis à de nombreux interdits. Leur naissance s'accompagne toujours
de rites de protection très précis que je n'ai malheureusement
pas eu la chance de voir.
La mère et les enfants sont placés dans une case
à part spécialement construite pour l'occasion. Ils restent
reclus là pendant plusieurs semaines, le temps que toute la famille ait
reçu les protections nécessaires contre les mauvais sorts et les
« vampireux ». L'arrivée des jumeaux s'accompagne
également du rite Mungala, confrérie masculine à
caractère initiatique, car les jumeaux, garçons ou filles, sont
initiés d'office à leur naissance ainsi que leur mère, qui
est dès lors considérée à l'égal d'un
homme.
Lors de ces rites, quelques animaux sont utilisés dans
les parures et les médicaments dont le rôle est toujours la
protection. La confection des médicaments est généralement
gardée secrète et peut varier d'un praticien à l'autre.
Dans les données que j'ai recueillies, on m'a souvent cité le
Bongo Ezona, dont le sang est donné aux
jumeaux, la viande de la Loutre Ibango ainsi que la
Panthère Ngoye dont on tire les dents. Il
semble que les autres animaux tachetés de la famille de la
Panthère soient également utilisés.
Pour les parures, à la naissance des jumeaux, le
père et la mère vont mettre chacun sur la tête deux plumes
rouges du Perroquet gris du Gabon Koho. La
mère aura également des sortes de bretelles faites en peau
d'Ibango27(*).
III L'Artisanat
L'artisanat n'est pas très développé chez
les Bakota. L'art funéraire, avec les figures de reliquaire faites de
bois plaquées de cuivre, ne se pratique quasiment plus de nos jours
depuis qu'il a été aboli par le culte de Mademoiselle
dans les années 60. Ces statuettes sont très recherchées
par les collectionneurs d'art Africain et certaines continuent d'être
fabriquées pour les touristes.
En ce qui concerne l'utilisation des animaux dans l'artisanat
Bakota, se sont essentiellement les peaux qui sont travaillées, surtout
dans les villages. Autrefois, beaucoup d'animaux pouvaient servir dans
l'artisanat ; les Bakota faisaient des ceintures en peaux de Loutre, des
soufflets en peaux de Chat doré pour la forge etc. Mais aujourd'hui,
avec la modernisation et ses matériaux, seules quelques peaux servent
pour la confection de chaises longues ou de Tambours. Les peaux fines sont
surtout utilisées pour les tam-tams alors que les peaux plus dures vont
être utilisées pour la fabrication des chaises.
D'autres peaux sont gardées pour décorer les
murs des maisons : Civette, Panthère, Nandinie, Bongo etc.
Il est à noter que la plupart des animaux qui sont
utilisés dans l'artisanat sont le plus souvent chassés pour leur
consommation (mis à part le Chat doré et la Panthère).
Tableau 8 : Animaux
utilisés dans l'artisanat
Animaux
|
Nom kota
|
Parties du corps
|
Utilisations
|
Céphalophe à dos jaune
|
Zibo
|
Peaux
|
Chaises
|
Sitatunga
|
Bodjongo
|
Peaux
|
Chaises, sac
|
Céphalophe de Peters
|
Mbizi
|
Peaux
|
Chaises
|
Céphalophe bai
|
Ehibo
|
Peaux
|
Chaises
|
Céphalophe à ventre blanc
|
Mwengala
|
Peaux
|
Chaises
|
Céphalophe à front noir
|
Zombé
|
Peaux
|
Tam-tam
|
Bongo
|
Ezona
|
Peaux
|
Chaises
|
Céphalophe bleu
|
Héli
|
Peaux
|
Tam-tam (Ndu), sac
|
Eléphant
|
Zoku
|
Peaux (oreille)
|
Tam-tam
|
Gorille
|
Djia
|
Peaux
|
Tam-tam (extrèmement rare)
|
Varan
|
Gombé
|
Peaux
|
Tam-tam
|
Chat doré
|
Lobwa
|
Peaux
|
Sac (ne se fait plus)
|
Panthère
|
Ngoye
|
Dents
|
Bijoux (pour la vente)
|
Potamochère
|
Ngwéya
|
Dents
|
Bijoux (rare)
|
Buffle
|
Ngnati
|
Dents
|
Bijoux (rare)
|
Colobe guéreza
|
Isembo
|
Poils
|
Chasse mouche (que l'on sort lors des circoncisions)
|
Mangouste à pattes noires
|
Mwédjiélé
|
Queue
|
Sorte de fouet qui peut être utilisé dans les danses
|
IV La domestication
Avec l'augmentation du commerce de la viande de brousse, on
note une augmentation de la détention d'animaux sauvages. L'étude
menée par Joseph Okouyi (2001) sur la détention d'animaux
sauvages dans la région de Makokou a montré que ce sont
principalement les primates qui sont détenus comme animaux de compagnie.
On peut aussi trouver quelques perroquets gris du Gabon et pangolins communs.
Les 7 espèces recensées lors de cette étude sont : le
Hocheur, le Moustac, le Mandrill, le Mangabey à joues grises, le Colobe
guéréza, le Chimpanzé et le Gorille.
Ces animaux sont capturés lorsqu'ils sont très
jeunes lors de parties de chasse où les mères sont
généralement tuées. Ils sont ensuite ramenés au
village où ils sont généralement bien traités et en
bonne santé. Ce sont essentiellement de jeunes mâles (63%) puisque
64,28% des individus recensés étaient âgés de moins
d'1 an (Okouyi, 2001). Certains de ces animaux sont revendus aux touristes ou
aux hauts fonctionnaires vivants dans les centres urbains.
Pour ma part, lors de mes missions dans les villages Bakota,
il n'y a qu'à Mbondou où j'ai vu 3 primates28(*) en tant qu'animal de
compagnie. Il y avait donc un Moustac, un Mandrill et un Mangabey à
joues grises. Mais contrairement à l'étude d'Okouyi, ces animaux
étaient tous des femelles dont les âges oscillaient entre quelques
mois et 3 ans. A Zadindoué, en revanche, l'un des villageois avait
capturé un Céphalophe bleu en pleine forme et sans blessure,
qu'il a gardé pendant 2 ou 3 semaines avant de le vendre au meilleur
prix à quelqu'un qui le voulait dans son jardin (paraît-il).
V Les animaux dans la tradition orale
La tradition se définit comme « ce qui d'un
passé persiste dans le présent où elle est transmise et
demeure agissante et acceptée par ceux qui la conçoivent et qui,
à leur tour, au fil des générations, la transmettent
(Bonte-Izard, 2000 : 710). Mais la tradition n'est pas totalement
immuable, elle s'adapte aussi aux changements de la société ce
qui la liée donc à l'Histoire.
Il existe trois façons de transmettre les savoirs du
peuple :
- L'écriture
- L'oralité (contes, proverbes, chansons etc.)
- L'image (peintures, dessins, documentaires
télévisuels etc.)
La société Bakota, comme les autres
sociétés d'Afrique noire, est dite de « tradition
orale » car la transmission des savoirs et de la tradition
était principalement basée sur l'oralité jusqu'à
l'arrivée des colons européens. C'est pourquoi, la parole demeure
encore aujourd'hui le support culturel prioritaire et majoritaire par
excellence, dans la mesure où elle exprime le patrimoine traditionnel et
où elle tisse entre les générations passées et
présentes ce lien de continuité et de solidarité sans
lequel il n'existe ni histoire ni civilisation.
V.1 La tradition orale africaine (Chevrier, 1986)
La plupart des langues africaines font de subtiles
distinctions entre les différents textes de la littérature orale.
Pour Frobenius, la pensée africaine se divise en deux strates
correspondant à deux niveaux de culture, d'un côté mythes,
fables et contes liés selon lui aux sociétés initiatiques
et à la magie, de l'autre, épopée et poésie lyrique
exprimant l'éclosion de civilisations urbaines et la prise en compte de
la dimension historique.
L'ethnologue Léopold Senghor a élaboré
quant à lui un classement des genres de la littérature africaine
traditionnelle à travers ce qu'il appelle une courbe de
profanisation conduisant du mythe à la fable, au conte et aux
proverbes (Chevrier, 1986 : 18).
Ces considérations typologiques n'offriraient qu'un
intérêt relatif si elles ne correspondaient pas dans la
réalité à des distinctions à la fois effectives et
parfois malaisées à saisir. En effet, la frontière entre
le mythe et le conte apparaît souvent floue comme le remarque
François N'Sougan Agblemagnon29(*) à propos de la tradition Ewe, « le
conte n'est pas simplement une mise en scène de l'histoire des
hommes ; c'est un jeu cosmique qui reprend les grands mythes de la
nature...le conte a donc pu être une manière voilée et
dégradée de parler des choses sacrées, une manière
de mettre les grandes vérités à la portée de
tous. » (Chevrier, 1986 : 18). A l'origine, il y aurait donc le
mythe, directement en prise avec les forces cosmiques et le
sens de l'univers, et puis arriverait le conte qui, comme le
dit Lévi-Strauss30(*) serait une sorte d'avatar, une forme
dégradée et désacralisée du mythe.
Les contes sont assez souvent émaillés de
proverbes qui servent à souligner la finalité
morale du conte ou bien à mettre en évidence une leçon
tirée de la sagesse des anciens. Il arrive même que le conte ne
soit que l'illustration et le développement d'un proverbe qui en
constitue en quelque sorte l'amorce. Cette liaison étroite entre le
conte et le proverbe s'explique très bien par leur origine commune,
puisque tous deux participent de la volonté de définir la place
de l'Homme dans la société et d'orienter son action et son
existence dans un sens prescrit par la tradition.
Quant aux chants, ils sont associés
à de nombreuses activités et ponctuent tantôt des
évènements de la vie quotidienne, tantôt des
cérémonies et rites initiatiques, où ils fonctionnent
alors à la manière d'une activité magique qui peut
correspondre à ce que Baudelaire nommé une
« sorcellerie évocatoire » (Chevrier, 1986 :
20).
Que cela soit les contes, les mythes ou les légendes,
il s'agit de récits hérités de la tradition, ce qui ne
signifie nullement qu'ils se transmettent de façon immuable. Le
narrateur puise, dans un répertoire connu depuis longtemps, la trame de
son récit et lui imprime sa marque propre qui sera fonction de l'heure,
du lieu, du publique et de son talent spécifique. Il s'agit donc
à la fois d'une création anonyme, en ce que ces récits
sont issus de la mémoire collective, et création individuelle,
celle du narrateur. Ces trois formes de narration font parties de ce que Van
Gennep appelle la « littérature mouvante » en
opposition à la « littérature fixée »
des proverbes, des dictons et chansons qui ne se modifient pas.
Autant que nous pouvons en juger au travers des analyses que
nous proposent différents témoins, spécialistes et
observateurs de la tradition orale africaine, les textes qui la constituent
répondent à des objectifs à la fois multiples et
complexes.
Dans un premier temps, il est opportun de rappeler qu'une
bonne partie des textes traditionnels ont avant tout une fonction de
divertissement et de détente. Cette fonction ludique de la
littérature orale n'exclut pourtant pas d'autres finalités, au
nombre desquelles Chevrier y range la fonction pédagogique, la fonction
politique, la fonction initiatique et enfin la fonction fantasmatique
(Chevrier, 1986).
V.2 Les Contes
V.2.1 Des Mythes, des Légendes ou des
Contes31(*) ?
Si le terme de conte
présente, dans la littérature, des acceptations multiples et des
frontières indécises, trois critères suffisent à le
définir en tant que récit ethnographique : son
oralité, la fixité relative de sa forme et le fait qu'il s'agisse
d'un récit de fiction avouée.
A l'inverse, les mythes sont des
récits considérés comme
vrai par les sociétés qui les racontent et qui
mettent en scène des Dieux ou des Héros nommément
cités, dans un temps passé lointain et
indéfini.
Les Légendes sont, quant
à elles, des récits d'événements qui se
sont réellement produits dans un temps plus ou
moins long mais défini et dont les acteurs (souvent des
héros de guerres) sont connus. Son encrage historique et
géographique l'enracine dans la vie locale.
Tableau 9 :
Différenciations entre conte, mythe et légende
|
Conte
|
Mythe
|
Légende
|
Genre
|
Fiction
|
Vrai
|
Vrai
|
Parole
|
Profane
|
Sacré
|
Profane
|
Acteurs
|
Hommes ; animaux ; Dieux
|
Hommes ; animaux ; Dieux
|
Hommes
|
Temporalité
|
Temps lointain et indéfini
|
Temps lointain et indéfini
|
Temps plus ou moins lointain et défini
|
Après ces définitions qui simplifient au
maximum les frontières entre ces trois formes d'expressions orales, je
pense pouvoir affirmer que les récits mettant en scène les
animaux sauvages que j'ai recueillis sont bien des contes car la population
Bakota a conscience qu'il s'agit d'une fiction et que les animaux y sont
anthropisés.
V.2.2 Quelques contes Bakota ...
Il existe de très nombreux contes Bakota avec à
peu près tous les animaux de la forêt.
Pour ma part, j'ai surtout essayé de
récupérer des contes avec les animaux tachetés, ce qui,
mis à part pour la Panthère, n'a pas été
évident. En effet, les animaux les plus souvent cités dans les
contes sont donc la Panthère, la Tortue et le Céphalophe bleu.
Nous trouvons à peu près la même prédominance pour
l'ensemble des ethnies du Gabon (Raponda-Walker, 1967).
Il serait trop long de retranscrire tous les contes que j'ai
pu recueillir lors de mon stage, mais j'ai toutefois souhaité vous en
présenter quelques uns, dont l'étude nous permettra dans la
prochaine partie, d'en dégager quelques éléments de
réponses sur les représentations et les connaissances empiriques
des Bakota sur la faune sauvage qui les entoure. Les contes qui suivent m'ont
été racontés par des personnes Ikota, mais ils sont
également connus, sous des formes plus ou moins identiques, par les
populations Mahongwé et Samaye.
Ces contes se déroulent dans une époque
où tous les êtres de la forêt, y compris l'Homme, parlaient
le même langage, ils pouvaient donc facilement communiquer entres eux.
Ceux qui sont les plus connus par la population kota sont ceux
relatant les aventures de la Panthère et de la Tortue32(*).
Il existe plusieurs versions qui parlent toutes des ruses de
la Panthère pour récupérer les meilleurs morceaux de
viande du gibier chassé avec la Tortue. Mais cette dernière finie
toujours par gagner grâce à sa sagesse et son intelligence. On
retrouve cette relation entre la Panthère et la Tortue, avec très
peu de variante, dans de nombreux contes des différentes ethnies au
Gabon comme chez les BaKèlè, les BaLumbu, les BaPunu, les BaVili
ou les Benga (Raponda-Walker, 1967).
Le conte retranscrit ici, met également un
troisième personnage en scène, le fils de la Tortue, qui venge
son père de la Panthère. Ceci rappelle le conte Kota
enregistré par Augot et Perrois33(*) également dans la région de Makokou en
1971. Dans ce conte, le fils de Kulu est un géant sanguinaire qui
pourchasse Ngoye, la Panthère et son enfant pendant des années.
Conte n°1 : La Panthère et la Tortue
(Ngoye na Kulu)
Conteur : Jean-Baptiste Ibadaya, Ikota, Mbondou
La Panthère Ngoye et la Tortue Kulu, habitaient dans un
même village. Un jour, Ngoye organise une partie de chasse au filet en
faisant appel à Kulu et tous les hommes du village. Ensemble, ils tuent
10 gibiers, mais au moment du dépeçage, Ngoye décide que
Kulu n'aura que les viscères et que lui se garderait la meilleure
viande. Bien que la femme de Kulu se plaigne, cette scène se
répéta pendant 2 ans, jusqu'au jour où elle attrapa une
grossesse ...
Le jour de l'accouchement, la soeur de Kulu arriva et installa
la femme enceinte dans un lieu tranquille derrière la maison. Tout le
monde pensait qu'elle allait accoucher de jumeaux34(*), alors les gens du village
commençaient à apporter beaucoup de cadeaux (lances, machettes
etc.). Mais en fait, il n'y avait qu'un enfant qui refusait de sortir par le
vagin de sa génitrice. « Je veux sortir par les
côtes ! » cria t-il. Ainsi fut fait, mais aussitôt
sorti, l'enfant regarda les deux bouts du village et demanda :
« Où vais-je rester ? » et Kulu
répondit : « tous tes frères et soeurs habitent
ici, toi aussi tu vas rester là ». Mais l'enfant refusa et
alla chercher un banc sur la montagne déposé par le Dieu
Zambé.
En revenant au village, le banc s'était
transformé en enclume que l'enfant planta au milieu du village, puis se
tourna vers son père et dit : « J'ai déjà
planté l'enclume, il me faut une maison maintenant ! Où
vais-je aller dormir ? » Kulu ne répondant pas, l'enfant
lui ordonna : « Demain, tu m'appelle la famille de Ngoye et tous
les gens du village, nous allons organiser une partie de chasse au
filet »
Au matin, la chasse commença et les prises furent
nombreuses, d'abord 10 dans un lieu et 20 à un autre. Quand vint le
moment du dépeçage, le fils de Kulu proclame que Ngoye n'aura que
les viscères comme il faisait à son père. Quand Ngoye
rentre chez lui, ses femmes ne sont pas contentes et se plaignent.
« Cet enfant qui vient de naître, c'est un
dangereux » râle Ngoye qui enrage et qui décide d'aller
se plaindre chez le chef du village.
Chez le chef, Ngoye et Kulu exposent chacun leur histoire et
leurs arguments, puis au bout d'un moment le chef déclare sa
sentence : « Ngoye, c'est toi qui à commencé. Kulu
n'est jamais venu se plaindre et toi, tu viens te plaindre ici, parce que le
fils de Kulu t'as rendu la pareille ! et bien, Ngoye, tu as tord et Kulu a
raison. »
Conte n°2 : La Panthère et la
Genette (Ngoye na Hindji)
Conteur : Youta, Ikota, Makokou
La Panthère (l'oncle) et la Genette (le neveu) habitent
dans un village qu'elles ont construit.
Un jour, la Panthère dit à son neveu :
- « Nous voilà aujourd'hui
propriétaire des lieux. Nous sommes partis de chez nos parents pour
vivre ensemble, donc nous devons nous entendre et faire tout
ensemble. »
Mais, la panthère, rusée, fait tout faire
à la genette : mettre les pièges, récupérer le
gibier
et chasser pour toute la famille. Au bout d'un moment, la
panthère est jalouse de la genette
qui attrape beaucoup plus de gibier dans ses pièges.
Alors, l'oncle décide de tuer son neveu
en plaçant un piège sur le territoire de chasse
de ce dernier. Mais pendant la nuit, Mbimbisoli35(*),
le génie de la forêt, vient prévenir en
songe le neveu des intensions de son oncle et lui dit :
- « Demain, va à la chasse mais prend un
autre chemin que d'habitude. »
La genette suit donc les conseils du génie et pour se
venger elle place un piège pour attraper
la panthère. Quand l'oncle arrive et s'aperçoit
que sa ruse n'a pas marché, il enrage et décide
de manger quand même les proies de son neveu. Et comme
ça, elle se fait prendre elle-même
dans un piège. A ce moment, le neveu arrive et
dit :
- « Toi, mon oncle, tu m'as pris pour construire ce
village, tu m'as réduit en esclavage, et
là, tu veux me tuer ! Comment vas-tu faire sans
moi pour nourrir toute ta famille ? »
L'Oncle reconnaît ses tords :
- « Le sang qui coule dans tes veines est le mien,
on a les mêmes taches, la seule différence c'est que moi je suis
grand. Aujourd'hui, tu m'as prouvé que tu étais un homme.
Va créer ton propre village et ta propre famille, moi
je reste ici. »
Depuis ce jour, la genette et la panthère ne vivent
plus ensemble. C'est pourquoi on trouve
la genette dans les arbres et la panthère au sol. Mais,
quelquefois, l'oncle rend visite à son
son neveu dans les arbres, où il se repose.
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Conte n° 3 : La Panthère et le Chat
doré (Ngoye na Lobwa)
Conteur : Loïc Gouwa, Ikota, Ntsiété
Ngoye, la panthère était l'oncle de Lobwa, le
chat doré. Ils vivaient dans le village de Ngoye, chacun dans sa
famille. Quand la saison sèche arriva, Ngoye appela son neveu :
« Demain, nous partons au campement de chasse ». Lobwa
accepta, mais connaissant les humeurs de son oncle lui demanda :
« Toi qui m'emmène là-bas, est-ce qu'il n'y aura pas de
problème ? » et Ngoye lui répond :
« Non, il n'y aura pas de problème. Tu es mon neveu, je ne
peux pas te manger ». Alors, les deux hommes demandèrent
à leurs femmes de préparer le manioc et partirent. Arrivé
au campement, ils s'installèrent et allumèrent un feu. Lobwa
demanda ce qu'ils allaient manger pour le dîner. Ngoye lui dit de ne pas
s'inquiéter et il parti tuer un céphalophe qu'il ramena au
campement. Ils partagèrent le repas mais Lobwa se demanda comment son
oncle avait pu tuer un gibier aussi facilement et rapidement, et il s'en
méfia.
Le lendemain matin, les deux hommes allèrent en
forêt pour placer leurs pièges. Au soir venu, ils
rentrèrent au camp. Ngoye avait beaucoup de gibiers et Lobwa rien.
L'oncle dépeça son gibier et le fit cuire dans la marmite, mais
cette fois-ci, il ne partagea pas avec son neveu qui alla se coucher le ventre
vide. Et tous les jours c'était comme ça ...
Une nuit, où Lobwa se lamentait sur son sort,
Mbimbisoli, l'esprit de la forêt vint lui rendre visite et lui dit :
« Pourquoi, toi, Lobwa, tu es bête comme ça ?!
Viens, assis toi. Prends cette libellule et met-la dans ton oeil, prends aussi
cette étoile et met-la dans l'autre. Quand Ngoye viendra te bousculer
pour te demander si tu dors, tu ouvriras les yeux, ça va briller, et
là il refusera de manger et il ira se coucher car il aura peur de toi
pensant que tu es un sorcier. »
Le soir suivant Lobwa fit ce que le génie lui avait dit
et tout se passa comme dans les prédictions. Lobwa pu donc se remplir
l'estomac pendant que Ngoye, apeuré, essayait de s'endormir.
Le dernier jour, l'oncle et le neveu réussissent
à avoir du gibier, mais Ngoye en a quand même plus que Lobwa. De
retour de la chasse, ils ont faim, mais Ngoye se méfie de son neveu et
à peur qu'il refasse ses tours de magie. Lobwa le rassure en lui disant
que cette fois-ci, il a tué une proie. Ngoye part donc chercher du bois,
mais pendant ce temps, Lobwa met tout son gibier et celui de son oncle dans un
panier et s'enfuit.
Lorsque Ngoye revient, il ne voit ni Lobwa ni son gibier.
Très en colère, il part à la poursuite de son neveu. Au
retour au village, il questionne sa femme et celle de Lobwa, mais personne ne
l'a vu. Pendant la nuit, Lobwa rentre chez lui et raconte à sa femme ce
qu'il s'était passé au campement et comme quoi il avait
volé la viande de son oncle. Alors, le couple s'enfuit ailleurs pour
créer leur propre village, mais dans la précipitation, ils
oublièrent un de leurs enfants, que Ngoye mangea pour se venger.
Depuis, la Panthère et le Chat Doré ne vivent
plus ensemble et dès qu'ils se croisent en forêt, l'oncle se met
à poursuivre son neveu.
Conte n°4 : La Panthère et les autres
animaux de la forêt
(Ngoye na ba Tchito ba bo Djima)
Conteur : Dominique Mabata, Ikota,
Ntsiété
En ce temps là, tous les animaux de la forêt
vivaient ensemble et parlaient la même langue. Comme la chasse
était devenue mauvaise, la Panthère Ngoye pris la décision
de partir trouver un autre lieu plus propice et elle réunit tous les
gens du village. La Tortue et Héli, les sages du village, demandent
à tous de dire ce qu'ils mangent dans la forêt et que, en chemin,
tous devront s'attendre.
Tout le monde partit en emportant le feu avec eux
...
C'est la période de fructification, et Zoku,
l'éléphant dit : « Moi, en forêt, je mange
les fruits qui sont à terre autour des arbres. » Comme ils
arrivent devant un arbre de Moabi, la famille de l'éléphant
s'arrête et mange tous les fruits pendant 1 an, alors que les autres
animaux attendent.
Quant ils repartent, c'est la période des Atanga.
Le Céphalophe de Peters, Mbizi dit : « Vous devez
attendre que moi et ma famille, on finisse de manger tous les
atangas. » Et ils attendirent pendant 6 mois.
Quand ils arrivèrent dans les plantations
après le brûlis, le Chat doré, Lobwa, veut manger tous les
charbons, ce qui prit 5 mois.
Puis, la troupe arriva à une ancienne plantation
avec de nouvelles pousses. Mbala, la Nandinie dit : « Moi, je
dois attendre que les bananes mûrissent. » Alors, tous
patientèrent pendant 1 an.
Les animaux continuèrent leur voyage. Ils arrivent
à une autre plantation où les bananes ont été
coupées par les Hommes. Le Genette, Hindji dit : « Moi,
j'attends que ces bananes mûrissent pour les manger avec ma
famille. » Ce qui prit 6 mois.
Ensuite, ils trouvent un arbre couché sur le
chemin. Les animaux passèrent par dessus, mais Kulu, la Tortue
dit : « Moi, je n'ai pas de patte assez grande pour passer. On
doit attendre que l'arbre pourrisse et qu'il y ait des champignons que je
mangerai avec ma famille. » Alors, tous restèrent là
pendant 10 ans.
Quant ils se remirent en route, il y avait plein de
champignons dans toute la forêt, alors Héli, le Céphalophe
bleu dit : « Moi, je mange les champignons, il faut attendre que
je les mange tous. » Tous attendirent 1 an.
Puis, un jour, ils arrivèrent à une
rivière qu'ils devaient traverser. Tchéma, le singe, se propose
pour faire passer le feu de l'autre côté en bondissant d'arbre en
arbre. Tous le regardèrent faire et dirent : « Attention
le singe ! Attention au feu ! ». Tchéma leur
répondit : « Ne vous inquiétez
pas ! ». Mais, ce pauvre idiot avait mis la torche dans sa
bouche qui, au moment où le singe prononça ces paroles, tomba
à l'eau.
Sans le feu, les animaux décidèrent de ce
séparer, mais pour punir le singe, ils lui dirent :
« Toi, à chaque fois qu'un chasseur te tuera, tu passeras au
feu ! ».
C'est pourquoi, depuis, tous les animaux sont
dépecés sauf les singes qu'on passe directement au feu.
Conte n°5 : La circoncision du fils de la
Panthère (Itchinda dja mwa na Ngoye)
Conteur : Loïc Gouwa, Ikota, Ntsiété
Un jour, l'Oryctérope (Ekundé) vient voir
son amie la Tortue (Kulu) et lui demande : « Kulu, dit moi,
comment fait-on pour avoir des problèmes ? ». Kulu est
surprie par cette question : « Comment un grand garçon
comme toi, peut me poser une telle question ? Ton père ne t'a
jamais expliqué comment arrivaient les
problèmes ?! »
Dans la semaine, Ngoye la panthère organisa une
cérémonie pour faire circoncire son fils et d'autres enfants de
son village. Kulu était l'homme qui coupait les enfants. Comme
Ekundé insistait pour accompagner Kulu, ce dernier accepta,
malgré que Ekundé n'ait jamais coupé...
Arrivé au village de la panthère, tout le
monde fit la fête et l'Oryctérope bu beaucoup. Au petit matin,
Kulu commença la circoncision des enfants. Il en coupa 8 puis envoya
quelqu'un aller chercher Ekundé pour qu'il coupe le neuvième, qui
était le fils de Ngoye.
Quand Ekundé arriva, il pris tout en main, sexe et
testicules, et coupa tout ! L'enfant mourut aussitôt, et les gens se
sont mis à crier et frapper l'oryctérope. Kulu les sépara
et partit en brousse pour chercher des feuilles et laver l'enfant, qui au bout
d'un moment revient à la vie avec toutes les parties génitales au
complet. Kulu le circoncis bien comme il faut et dit à
Ekundé : « Tu vois, maintenant tu sais ce qu'est un
problème ! Tout peut être un problème dans la
vie : les poules, les femmes qui trompent, les chiens qui volent la viande
etc. »
Conte n°6 : La panthère et le
céphalophe bleu (Ngoye na Héli)
Conteur : Vieux Ikota, Mbondou
En ce temps là, tous les animaux de la forêt
vivaient dans le même village. Un jour, Ngoye demande à Mbizi
(céphalophe de Peters) de l'accompagner chez sa belle famille. Sur le
chemin, ils ramassent des noisettes36(*) qu'ils réservent comme encas pour plus tard.
Quand ils arrivent à la rivière Ngoye dit à Mbizi qu'il
est interdit de traverser avec un couteau « ferme les yeux, que je
jette mon couteau, et je ferai de même pour toi ». Mbizi, qui
ne se méfie pas, ferme les yeux, mais Ngoye, au lieu de jeter son
couteau, jette une gousse d'un arbre (mongomwéba) dans la
rivière. Par contre,Mbizi lui jette réellement son couteau.
Après avoir traversé la rivière, ils s'assoient
près d'un arbre pour manger les noisettes. Pendant que Ngoye utilise son
couteau pour les ouvrir, mbizi est obligé d'utiliser ses dents. Puis,
ils se remettent en route et aperçoivent un atangatier37(*). Ngoye dit à Mbizi de
fermer les yeux et qu'il va cueillir des atangas pour manger. Mais quand Mbizi
réouvre les yeux, Ngoye a pris toutes les noires et il ne lui laisse que
celles qui ne sont pas mûres. Ensuite, Ngoye voit le soleil et dit
« Mbizi, va me chercher la boule de feu pour qu'on puisse faire cuire
les atangas38(*) » et Mbizi part en courant vers le
soleil... En attendant, Ngoye allume un feu et fait cuire ses atangas et les
mange. Mbizi revient des heures plus tard, bredouille et très
fatigué. Il se couche le ventre vide.
Le lendemain matin, ils repartent... Avant d'arriver au
village, ils s'arrêtent près d'une plante. Ngoye dit à
Mbizi « tu sais, je souffre des dents. Tu vois cette plante,
repère la bien, si une rage de dents se déclanche, je te
demanderai de revenir ici pour me la ramener. »
Quand ils arrivent au village de la belle famille de
Ngoye, tout le monde est content. Dans la soirée, on leur a
préparé beaucoup à manger. Avant de se mettre à
table, Ngoye, malin, prétend avoir mal aux dents et qu'il ne peut pas
manger. Mbizi, bête comme il est, part chercher la plante pour Ngoye, qui
en profite, pendant ce temps, pour manger toute la nourriture. A son retour,
Mbizi ne trouve que les os. A la fin du repas, Ngoye demande à Mbizi
d'aller jeter les feuilles39(*) derrière la maison. Mais au préalable,
Ngoye y avait construit une fosse40(*) où tombe Mbizi. La belle famille arrive en
courant et l'abat pour le manger.
Fier de sa stratégie, Ngoye reproduit ce
stratagème avec tous les animaux de la forêt afin d'offrir de la
viande à sa belle famille et de pouvoir épouser leur fille. La
dernière de ses victimes fût Héli...
A la rivière, Héli fait semblant de fermer
les yeux et voit Ngoye jeter la gousse, il en fait donc de même. Quant
ils s'arrêtent manger les noisettes, les deux sortent leur couteau. Ngoye
est étonné, mais ne dit rien. Arrivée au pied de
l'atangatier, les deux cueillent les noires, et lorsque Ngoye envoie
Héli chercher le soleil, ce dernier se cache, voit Ngoye faire le feu,
et ne revient que lorsque les atangas sont cuites. Les deux mangent donc
ensemble.
Après avoir passé la plante
médicinale, Héli prétend avoir la diarrhée et
retourne en cachette à la plante et il prend quelques feuilles,
écorces et racines, puis rejoint Ngoye en courant.
Arrivée au village, on leur prépare des
moutons, des cabris etc. Au repas, quand Ngoye prétend avoir mal aux
dents, Héli lui sort les feuilles, les écorces et les racines
qu'il avait cueillies, et Ngoye est de nouveau obligé de partager le
repas. Quand Ngoye demande à Héli d'aller jeter les feuilles,
celui-ci refuse prétextant qu'il était un invité et donc
qu'il n'avait pas à faire cela. Il refuse aussi de s'installer dormir
dans le logis obscur que lui proposait Ngoye. Du coup, Héli, Ngoye et sa
femme s'en vont dormir dans le même lit.
Au milieu de la nuit, Ngoye se lève pour chauffer
le fer de sa lance afin de tuer héli. Mais pendant ce temps,
Héli, qui ne dormait pas, change de place discrètement avec la
femme de Ngoye. Quand celui-ci revient, il enfonce sa lance dans les narines de
sa femme pensant qu'il s'agissait d'Héli et la malheureuse meurt.
Héli se lève en sursaut et crie « Ngoye, tu viens de
tuer ta femme ! ». Ngoye, pris de panique demande à
Héli de se taire et de ne rien dire à sa belle famille. Mais
cette dernière, réveillée par les cris de Héli
arrivent en courant, voit le cadavre de leur fille et de colère tue
Ngoye.
Conte n°7 : La Panthère et le
Silure (Ngoye na Issomé)
Conteur : Roland Bokala, Ikota, Makokou
A cette époque, tous les animaux de la forêt
vivaient dans le même village. A la saison sèche, Ngoye et toute
sa famille décide de partir au campement de pêche. Un matin, Ngoye
capture dans ses filets un gros silure (Issomé), mais au lieu de le
manger, Ngoye décide d'envoyer deux de ses enfants au village pour le
vendre. Mais, Ngoye donne une consigne à ses enfants :
« Si quelqu'un veut Issomé, dites lui que je ne veux pas
d'argent, mais que je le mangerai à mon retour ».
Arrivée au village, les enfants s'arrêtent
à la première maison, celle de Mbizi (Céphalophe de
Peters) qui leur dit : « Eh, les enfants, c'est votre
père Ngoye qui a tué Issomé ? Amenez ça ici.
C'est un beau poisson ! Combien votre père en
veut-il ? ». Et les enfants lui répondent :
« Papa n'a pas donné de prix. Il a dit que celui qui le
voulait, pouvait le prendre sans donner d'argent, mais, qu'à son retour
du campement, il le mangerait à son tour ». Evidemment, Mbizi
refuse, et les enfants poursuivent leur chemin. La même scène se
répète avec tous les habitants du village : Bodjongo
(Sitatunga), Yobo (Civette), Hindji (Genette), Mbala (Nandinie), Lobwa (Chat
doré), Mwendjélé (Mangouste à pattes noires), Djia
(Gorille), Gnaté (Buffle).
Puis, ils arrivent chez Kulu, la Tortue qui dit aux
enfants de Ngoye : « Moi, je prends Issomé car j'ai
beaucoup d'enfants à nourrir. Dite à votre père que c'est
Kulu qui l'a pris. Lorsqu'il rentrera du campement, qu'il vienne directement
chez moi pour me manger ».
Il se passe 1 mois, avant que Ngoye et sa famille ne
rentre du campement de pêche. A leur arrivée au village, Ngoye
envoie l'un de ses fils chercher Kulu pour le ramener chez eux :
« Tu lui dis que je suis fatigué et qu'il ne doit pas avoir
peur ». L'enfant arrive chez Kulu : « papa t'appelle
là-bas, à la maison ! », et Kulu lui
répond : « Je sais. Dit à ton père que je
n'ai pas peur, mais là, je pars à l'eau avec ma femme ;
à mon retour j'irai voir ton père ». Le temps passe, et
Ngoye ne voit toujours pas arrivée la Tortue, alors il décide
d'aller directement chez elle. Kulu vient juste de sortir de l'eau avec un gros
paquet41(*) qu'il met sur
le feu et dit : « L'homme qui doit mourir, meurt avec
le ventre bien rempli ! Je sais que tu vas me tuer, mais laisse moi
manger mon paquet ». Le paquet sur le feu dégage une si bonne
odeur que Ngoye, gourmand comme il est, veut à tout prix manger lui
aussi : « Kulu, dit moi ce qu'il y a dans ton
paquet » et Kulu lui répond : « Ah, si tu
savais...Si tu manges ça, tu vas oublier tout ce que tu dois faire.
Regarde, moi je n'ai pas besoin d'aller au campement ; tous les jours,
dans mes pièges, j'attrape toujours de la bonne viande ».
Ngoye est de plus en plus curieux et impatient de
goûter ce mystérieux paquet...et Kulu le fait mariner :
« Attend, tu verras bien ce qu'il y a dans ce paquet, pour le moment
assied-toi ! » Pour accompagner le paquet, Kulu envoie, un
après l'autre, tous ses enfants aller chercher le petit manioc que sa
femme avait laissé dans la corbeille au dessus du fumoir. Mais, en
vérité, il s'agit d'une ruse pour que toute sa famille parte se
cacher en forêt. Kulu, dit la même chose à sa femme,
lorsqu'elle revient de la plantation. Puis, au bout d'un moment, Kulu fait
semblant de s'agacer et dit : « Bon, Ngoye, j'ai
envoyé toute ma famille chercher le petit manioc, mais c'est trop long.
Attends moi, je vais aller le chercher moi-même ! » Et il
part rejoindre sa famille en forêt, sans, bien sûr, jamais revenir.
Pendant ce temps, Ngoye reste là à
attendre...Au bout d'un long moment, il comprend que Kulu a fuit, alors, il
récupère le paquet et le ramène chez lui. Quand il l'ouvre
enfin, il se rend compte qu'il s'est fait berner car il n'y a pas de viande
à l'intérieur, mais seulement des noix de palme. Ngoye est
furieux et il part chercher ce traître pour se venger, mais impossible
d'y mettre la main dessus. De rage il dit : « D'accord, Kulu, tu
as fuit, mais le jour où je te retrouve, je te ferai sortir de ta
carapace et je te mangerai ! ».
V.3 Proverbes d'animaux
V.3.1 Définition42(*)
Les proverbes constituent le genre le plus paradoxal de la
littérature orale. C'est l'un des plus anciens, sans doute, mais aussi
celui qui a le mieux résisté à l'érosion du temps.
Il est investi en amont par les dictons, les lieux communs, les
« expressions proverbiales » et les locutions populaires
et, en aval, par les adages, les sentences et les maximes, ce qui le rend
difficile à cerner. Sa forme est brève avec des inventions
stylistiques telles que les métaphores, les périphrases, les
antithèses, les jeux de mots, les rimes etc. Il a pour rôle de
délivrer un message.
V.3.2 Quelques proverbes Bakota ...
D'après l'étude de Jean-louis Doucet,
l'importance du monde animal dans les proverbes ou les énoncés
sentencieux est beaucoup plus élevée chez les Mahongwé que
pour d'autres ethnies du Gabon. En effet, l'auteur a recensé et
comparé 3.757 proverbes43(*) des différentes ethnies gabonaises, et a
remarqué que la part des animaux dans ces énoncés
était de 59,6% chez les Mahongwé44(*), suivis par les Punu (44,2%), les Nkomi (36,7%) et
les Fang (36,4%).
Comme pour les autres langues gabonaises, les animaux
intervenant le plus dans les proverbes Mahongwé sont
l'éléphant, le chien, le cop (et la poule). Ces trois
espèces étant présentes dans 24,2% des
énoncés (Doucet, 2003).
La liste de quelques proverbes Bakota qui suit est
tirée des proverbes Mahongwé présents dans la thèse
annexe de Mr Doucet et traduit en Ikota avec l'aide des techniciens de la
station d'Ipassa ainsi que ceux recueillis par moi-même lors de mes
enquêtes chez les Ikota et les Mahongwé.
1) K : « Ngoye mwa bolé na
magna »
La Panthère ne pourrie jamais jusqu'aux
griffes
La vieillesse n'est pas une fatalité ; tu
peux être vieux et toujours avoir des forces.
2) K : « Ngoye, mwa bo né
banda na magna »
M : « Ngoyi ndeka bolo na niala
n'ebanda »
Les ongles et la peau de la Panthère ne pourrissent
pas simultanément
Une personne malade ou âgée ne perd pas toutes
ses capacités en même temps
3) M : « Ba Kudu badji ba huwa
batchilo ba Ngoye »
Les femmes de la Tortue deviennent les femmes de la
Panthère
Se dit lorsque quelqu'un est avare et qui se permet de
tout prendre quand il est chez autrui.
4) K : « Ngoye né Taba ba
nangé élungwé éko » ou « Ngoye
né Taba balandé londjié
mokolo »
La Panthère et le Cabris ne peuvent rester
ensemble / La Panthère et le Cabris ne peuvent marcher
ensemble.
Un homme et une femme ne peuvent pas dormir dans un
même lit sinon l'homme va bondir sur la femme.
5) M : « Mwana a bwa o hakwa a
yène itambi la Ngoye a ya itanda hangwè wa etsheke ndeka tanda
hangwè, Ngoye a'hu boma angu o hakwa »
Si un enfant qui va en forêt, voit les traces de la
Panthère, il doit le dire à son père car s'il ne le fait
pas, il se fera tuer par la Panthère.
Les enfants qui ne parlent pas de leurs problèmes
à leurs parents, en supportent eux-mêmes les
conséquences
6) K : « Ilambo ya potoko potoko ya
buma intendé mwa héli »
M : « Elambo ya kotoko kotoko ya
bomaké intèndé mwa
héli »
Un piège mal placé tue un
Céphalophe bleu adulte
Un petit problème mal posé peut avoir de graves
conséquences
7) K : « Suaka boka
Héli mébenbé mia boka Zombé su kamba aluma
Ngwéya ébombu Djia kota engo o
nama »
Le Céphalophe bleu habite dans la forêt ,le
Céphalophe à front noir habite près des rivières,
la grosse Vipère mord le Potamochère, le Gorille mange toujours
les fruits rouges et les amarres aux pied.
Utilisé quand les enfants n'écoutent pas les
conseils de leurs parents.
8) K : « Bakakwé
Zombé mbémbé
tété »
Ne pas critiquer le Céphalophe à front
noir devant un arbre debout
Il ne faut pas critiquer quelqu'un devant n'importe qui (idem
avec le doigt du gorille)
9) K : « Zombé na boka ibolo
ndenga na boka kadji » ou « Zombé ni bolo
ndenga na bokaya kadji »
Le Céphalophe à front noir, pour se
nourrir, va toujours à la source
Un célibataire doit toujours aller chez sa soeur pour
trouver à manger
10) K : « Ehibo ayotché o
kaza »
M : « Ehibo a tanda
étché ma yéné o inkaza »
Le Céphalophe Bai a dit : « je
vois sur ma peau »
Il ne faut croire que ce que l'on voit
11) K : « Ehibo a wa isa ngwa
indjié iboka »
M : « ehibo a we na
ibatchieke iboko osombe »
Le Céphalophe bai est mort en restant dans
son gîte bien confortablement
Il n'est pas bon de toujours rester au même
endroit
12) K :
« Béhétché biahétché Koua,
biahétché na mbépi »
Le rire moqueur du Chimpanzé s'adresse au
porteur
Quand tu es impliqué dans une histoire, c'est à
toi que les reproches ou moqueries s'adressent et pas à quelqu'un
d'autre.
13) K : « Otchizé na mwa
koua dékawé mwa Djia ma kongo »
M : « Wa lana na mwa kula,
ndéka kaba ikongo na mwa Djia »
Si tu te bats avec un jeune Chimpanzé, ne donne
pas la sagaie à un jeune Gorille
Si tu te bats avec quelqu'un, il ne faut pas donner une arme
à son frère
14) K : « Odja hani moua Djia ota
imouobé »
Si tu mange le doigt du Gorille, observe le tien
Quand tu veux dire du mal de quelqu'un à une personne,
fait attention que cette dernière ne le connaisse pas.
15) K : « Djia bwa balongo
u'tambi »
M : « Djia wa olombo ba
lépéké u'tambi »
On a peur de la trace du Gorille méchant
Il ne faut pas toucher aux biens des gens méchants ou
agressifs
16) K : « Kulu angoué na
batoua »
La Tortue chute (tombe) aussi
Il faut réfléchir avant d'agir.
17) K : « Kulu takamako ma penga
mékoko nda Djia »
La Tortue n'a pas de pied pour sauter l'arbre comme le
Gorille
Il faut se contenter des qualités que l'on
a.
18) K : « Zoku a buna oko
ihidjiéké ko »
M : « Zoku a buna ibongo na
ibatchieke mwen de mwa koho »
L'Eléphant se casse le genou en suivant l'allure
du Perroquet
Il faut faire en fonction de ses moyens
19) K : « Eloko a téba
Zoku »
M : « Elokwè a
téba Zoku »
L'oiseau promet de s'attaquer à
l'Eléphant
Cette sentence est utilisée lorsque quelqu'un n'ose
plus s'en prendre à une personne alors qu'il avait promis de le faire
20) K : « Ngwéya, buyaka
adja kuba o kongo »
M : « Ngwéya a ya
oyaka, a djaka kuba o inkongo »
Le Potamochère qui vient d'arriver, mange la
plantation en bordure
Il ne faut pas se mêler des problèmes que l'on
ne connaît pas, il faut d'abord se renseigner
21) K : « Ngwéya
apéna mélaka isi ya gwa indjésé djiaka
méhombalolo »
Le Potamochère avait manqué les cornes parce
qu'il était occupé à manger la liane à
tubercule.
Les absents ont toujours tord.
22) K : « Tadji wi kataka adja kuba
o kongo »
M : « Tadi wa ikataka mwa
yongéké »
Le serpent qui est enroulé ne grossit pas
Quand on ne se bouge pas, on ne peut rien avoir
23) K : « Takata Tchéma o
ulétché taka obé pomi »
Il ne faut pas regarder le singe sous la taille, il
faut le regarder sauter
Quand un étranger arrive, il faut d'abord le
nourrir, ensuite la discussion peut commencer
24) K : « Pé aluma isa
djianga ango »
M : « Pélé a
lumanaka osa ba djangaka angu »
La Vipère mort quand on la piétine
Qui agasse trop se fait agresser
25) K : « Olomba ilanbo sito
tété mwadi singama buyabwé »
Tu ne peux pas faire un piège en face de l'animal,
sinon tu ne le captureras jamais.
?
26) K : « Bokwé akwa
bonéni okongo mwa kuma »
L'escargot est monté sur le fromager.
Quelqu'un de pauvre va solliciter une femme dans une famille
riche pour être riche lui-même.
27) K : « Oloa Angwa, oloa Pipi,
oloa Hoho, étendaka obé té bwéya
angoza »
Si tu insultes la Perdrix, si tu insultes pipi45(*)i, si tu insultes le Coq, qui
va te prévenir que le matin arrive ?
Dans un village, tu ne peux pas insulter ta famille ni le
chef du village, sinon personne ne pourra te conseiller.
La Panthère et la Libellule
La Panthère avait fait des enfants près d'un
marigot. Un jour Mundendé, la Libellule en venant se
rafraîchir, a mouillé les bébés panthères.
Par peur de la colère de la Panthère, elle alla la voir et lui
dit que c'était Ibango, la Loutre qui avait mouillé ses
enfants. Quand la Panthère rencontra la loutre, elle lui demanda :
« pourquoi as-tu mouillé mes enfants ? ».
Ibango lui jura que ce n'était pas elle. La Panthère
compris que la Libellule lui avait menti, et elle l'a mangea.
Morale : Dans un village, il y a toujours
quelqu'un qui cherche des histoires, mais on fini toujours par savoir la
vérité et à punir le trouble fête.
Le Céphalophe à front noir et le
Céphalophe de Peters
Le Céphalophe à front noir,
Zombé, vit au bord de l'eau et Mbizi, le
Céphalophe de Peters, vit en forêt. Un jour, Zombé
demande de l'eau à Mbizi, qui lui rétorque :
« Comment peux-tu me demander de l'eau à moi qui vit en
forêt alors que toi tu es près de l'eau toute la
journée ? »
Métaphore utilisée lorsqu'une personne riche
vient demander de l'argent à quelqu'un plus pauvre que lui.
La Panthère et la Tortue
M : « Ngoye aya acumé kudu
na mwadi, mwadi wa kudu na moye. Yango ngoye aso na kudu té mwana adja
omoye mwa mwa djobé engo loamé. Yango kudu aso na ngoye
té, tanda ka mé ichté mwana adjo moye. Andé ibaka o
mwaïto. »
La Panthère est venue rendre visite à la
Tortue dont la femme est enceinte. La Panthère dit que l'enfant qui est
dans le ventre l'a insulté. La Tortue dit à la Panthère
que si elle a entendu l'enfant l'insulter alors elle peut dire le sexe de cette
enfant. Mais la Panthère en était incapable.
Il ne faut pas écouter les rumeurs
Beaucoup de ces expressions ou mini fables sont extraites de
contes, qu'il est nécessaire de connaître si l'on veut en capturer
le sens exact. Cela m'a posé quelques problèmes de
retranscription car il était parfois difficile à mes
interlocuteurs de me traduire l'expression littéralement, son sens se
trouvant dans la narration du conte.
Comme je l'ai dit plus haut, ceci n'est pas l'apanage exclusif
des Bakota, bien au contraire. Les diverses études46(*) menées sur les
traditions orales et plus particulièrement, sur les proverbes, montrent
que c'est souvent le cas, dans toutes les cultures et depuis des temps
très anciens47(*).
En effet, dans une fable ou un conte, le récit s'achève par une
formule lapidaire, qui résume l'histoire et propose une morale. Cette
formule peut prendre son indépendance ; l'image surprenante qui
fait son charme renvoie à une histoire connue de tous qu'il n'est plus
nécessaire d'expliciter.
V.3 Nomination des lieux et des plantes
Le nom de certains animaux se retrouve aussi dans la
désignation de plantes et de lieux. Cet axe de recherche n'était
pas à proprement parler, inclus dans mon enquête. Toutefois, j'ai
quand même pris note de certains exemples.
Les lieux
Le quartier de Bordeaux à Makokou a repris son ancien
nom Ebanda ngoye, la peau de la panthère. Il existe un village
Ikota sur la route d'Okondja qui se nomme Mbomo, le Python et le
village Samaye où je suis allée enquêter se nomme
Mbela, l'Aigle.
Certaines zones de chasse sont nommées selon diverses
caractéristiques, notamment celle de la présence de tel ou tel
animal.
Les plantes
Certaines plantes portent le nom d'un animal. N'ayant pas
effectué une étude ethnobotanique, je ne citerai ici que quelques
exemples qui m'ont été gracieusement fournis par Pierre Grenand
et Raymonde Mboma, qui les ont recueilli lors d'une courte mission à
Zadindoué.
· L'arbre Phileopsis discophora
(Mimosacée) est nommé ézona (Bongo). Il est
utilisé comme vomitif lorsque l'on a des problèmes digestifs, et
par les femmes en bain de siège pour soigner la matrice.
· L'arbre Chytranthus talbotii
(Sapindacée) est nommé mabisi mangoye (testicules
de Panthère). Ses fruits sont comestibles et mangés par les
gorilles et les chimpanzés.
· L'arbre Diospyros sp.
(Ebénacée) est nommé nsélé
ngoye (maquillage de la Panthère). Il est utilisé lorsque
les femmes (femmes-phanthères ?) ont des
difficultés à accoucher. Le bois est gratté et
mélangé avec du padouk Pterocarpus soyauxii
(Papilionacée). Le guérisseur va ensuite frotter le
corps de la femme, de la poitrine jusqu'au bas ventre pour faciliter
l'accouchement.
· L'arbre Tragia sp.
(Euphorbiacée) est nommé lélémi
mangoye (langue de Panthère). Les feuilles de cet arbuste sont
irritantes et elles ont une utilisation magique. On émince les feuilles,
on rajoute du sel puis, on fait cuire en paquet sur le feu. Lorsque l'on
souhaite solliciter un emprunt, on met cette préparation sur la langue,
et la personne « créditeur » ne peut résister
et acceptera le prêt. Ceci nous renvoie à la ruse de la
Panthère souvent décrite dans les contes.
La feuille de l'arbre Ibula (Plagiostyles
africana, Euphorbiacée) est nommée bangoye
(les panthères). Elle est utilisée comme pansement pour faciliter
la cicatrisation du tout nouveau circoncis (Perrois, 1968).
Quant à moi, mes interlocuteurs m'ont parlé
d'une plante nommée Hindji48(*) (la Genette servaline) en
référence à ses feuilles qui sont tachetées comme
l'animal. Elle sert dans la confection de médicament lors de la
circoncision.
V.4 Les chants traditionnels
Les chansons traditionnelles Bakota mettent souvent en
scène les animaux de la forêt. J'ai rencontré à
Nstiété un vieux chanteur aveugle, bien connu dans la
région Mr Fostin Mosoko Bokoye. Il nous a fait le plaisir de nous
chanter quelques chansons de son répertoire où les animaux se
métamorphosent en hommes (et inversement) et dont le principal
thème est l'amour sous toutes ces formes (drague, adultère,
mensonge, passion etc.).
D'autres chants, par contre, sont réservés aux
rites et cérémonies coutumières et accompagnent les
danses. Comme pour les proverbes, certains d'entres eux ont leur origine dans
des contes, qu'il est essentiel de connaître pour comprendre tout le sens
et la portée de ces chants. Ils sont généralement courts
et répétitifs, en voici quelques uns.
La chanson du Porc-épic (Athérure)
Gomba : Cérémonie de circoncision
Ngomba, béhé ba hilo Ngomba, Ayenga !
(Nous, nous poursuivons le Gomba ! )
Cette chanson fait partie de la danse méwanwan
que l'on pratique lors de la cérémonie de circoncision, afin
de fatiguer le candidat, de le mettre dans une sorte d'état second avant
le moment fatidique. Hommes et femmes poursuivent le candidat et le font courir
pendant un moment.
Chant de la Gazelle (Céphalophe bleu) maligne
et de la Pintade : Cérémonie de circoncision
Héli botchengu Kanga (bis)
Satchi wa mwana wa ngoye
Mina bina boutchengu bwa Kanga
Ibobo, ho ngoye abwélé bato
(Pour la circoncision de l'enfant de la Panthère,
nous dansons avec la malice de la Pintade, attention Galago49(*), la Panthère est en
train de guetter sa proie)
Cette chanson fait partie d'un conte où la
Panthère organise une fête de circoncision au village et veut
inviter tous les animaux de la forêt. Mais, en réalité, il
s'agit d'un piège de la Panthère qui a faim et qui a l'intention
de tous les tuer. Seule la Gazelle (Céphalophe bleu) comprend le
stratagème et elle essaye de prévenir les autres, en particulier
la Pintade kanga.
Chant de la Genette et de la Panthère50(*) :
Cérémonie de circoncision
Hindji ma tono ma n'da Ngoye
(La Genette a les taches comme la Panthère)
Chant du Bongo Ezona :
chanté pour la naissance des jumeaux
Bézona bidjanga bia ya bié
(Le troupeau de Bongo arrive)
Ce qui ressort de ce chapitre c'est que les utilisations de la
faune sauvage chez les Bakota tendent à disparaître petit à
petit, en particulier pour les ustensiles de tous les jours qui ont
été remplacé par des matériaux modernes. Par
contre, ils sont toujours très présents dans tous les domaines
qui nécessitent des pratiques magico-religieuses.
De façon un peu grossière, les espèces
animales les plus chassées pour la consommation sont peu ou pas
utilisées dans les pratiques socioculturelles (à l'exception de
la fabrication des chaises et des tam-tams), de plus, elles sont en
majorités classées dans les espèces dites
« ordinaires » sans aucune restriction de chasse. A
l'inverse, les espèces communément utilisées dans les
pratiques magico-religieuses sont, pour beaucoup d'entres elles,
classées dans les listes des animaux intégralement et
partiellement protégées. Après ce constat, il serait
judicieux de revoir les priorités de conservation et les listes des
animaux protégés.
Chapitre 2 : Les Interdits
Alimentaires
Les aliments interdits concernent le plus souvent les gibiers,
mais on note aussi des chenilles, poissons, escargots, fruits, tubercules et
feuilles sauvages, champignons. Nous ne considérerons ici que la faune
des mammifères (à l'exception de la Tortue et du Mamba noir).
I Liste des interdits
I.1 Les interdits selon le sexe
I.1.1 Les femmes
Les animaux faisant partie de la famille de la
Panthère, c'est à dire les carnivores au pelage tacheté,
sont strictement interdits à toutes les femmes. Le risque est toujours
le même pour l'ensemble de ces animaux, avoir la gale ou la lèpre.
Les autres animaux le plus souvent cités sont : le
Céphalophe à front noir Zombé (règles
abondantes) 51(*); le
Céphalophe à dos jaune Zibo (rend invisible aux yeux des
hommes) et tous les carnivores en général.
Lorsqu'une femme se marie et qu'elle s'installe chez son mari,
elle adopte les interdits de ce dernier tout en gardant les siens. Elle ne les
perd que lorsqu'elle divorce.
La plupart de ces interdits prennent fin lorsque la femme est
ménopausée (mis à part pour les carnivores).
I.1.2 Les Hommes
Il n'y a pas d'interdit spécifique lié à
tous les hommes Kota. Même si la Panthère n'est
généralement pas consommée, elle n'est pas formellement
interdite à la consommation mise à part pour ceux qui ont la
Panthère dans le ventre ou ceux appartenant à une famille de
jumeaux.
Le Céphalophe à dos jaune étant
considéré comme porteur de malchance pour les mêmes raisons
que chez les femmes (moins désirable pour l'autre sexe), se sont surtout
les personnes âgées qui vont en manger, alors que les jeunes
évitent de le faire.
I.2 Les interdits claniques
Chaque clan (Ikaka) a un ou plusieurs animaux qui
sont interdits de consommation et parfois (mais plus rarement) de chasser. Ces
animaux sont nombreux et variés avec une prédominance pour la
Panthère et aussi le Mamba noir zokugnon, qui reste dans la
maison sans faire de mal aux membres de la famille.
Mais lorsque j'ai eut des interlocuteurs faisant partis du
même clan, les animaux qu'ils me citaient n'étaient pas toujours
identiques. Il m'a fallu quelques temps pour me rendre compte que souvent
d'autres interdits venaient s'ajouter et parfois se substituer aux interdits
claniques originels. Il s'agit surtout des interdits liés aux
Hommes-Panthères, à la naissance de jumeaux dans la
famille ou d'autres événements marquant survenus à un
membre connu de la famille (en opposition à l'Ancêtre,
utilisé souvent comme un terme générique). C'est pourquoi,
la Panthère et les autres membres de sa famille sont souvent
cités. Les interdits familiaux prévalent et sont mieux connus
que les interdits claniques.
Toutefois, il semblerait que lors des circoncisions certains
chants sont particuliers à chaque clan et certains évoquent des
animaux. Je pense qu'on peut sans doute y retrouver les
« totems » claniques originaux. En 1965, Louis Perrois note
par exemple un chant du clan Bongoza : « Nous sommes
redoutables comme la panthère, féroces comme l'aigle de la
forêt ! Voyez notre candidat, le candidat du clan
Bongoza ! » (Perrois, 1968 : 61). J'ai
également eut des interlocuteurs du même clan qui m'ont
cité comme interdits alimentaires ces deux animaux et puis d'autres,
peut-être plus liés à la vie de chacun et à son
lignage. Evidement, là encore, un étude plus approfondie est
nécessaire pour pouvoir répondre avec certitude à ce
questionnement.
Les principales causes invoquées pour l'origine de ces
interdits sont :
- La famille, après la mort, est supposée se
transformer en cet animal.
- L'animal a aidé un ancêtre perdu en forêt
pour retrouver son village.
- L'animal était resté près du corps d'un
Ancêtre mort pour le protéger.
- L'animal ne fait pas de mal aux membres de la famille quand
ceux-ci se déplacent en forêt.
- L'animal protège le clan.
Mais je dois avouer que la plupart du temps, les gens ne savaient
pas les raisons originelles de ces interdits. Ils continuaient la pratique de
ces interdits par atavisme, refaisant ce que leurs parents et grands-parents
faisaient et leurs disaient de faire, sans autre explication.
« Si je mange cet animal, je vais tomber malade et
peut-être même mourir. Mais je ne connais pas les raisons,
ça toujours été comme ça ; ça vient de
nos ancêtres. »
Vieux de Ntsiété
I.3 Les interdits acquis au cours de la vie
I.3.1 Les jumeaux
Les jumeaux sont très appréciés chez les
Bakota comme dans la majorité des ethnies au Gabon. Il s'agit d'un signe
de chance et de richesse pour la famille, ce qui accentue les risques de
jalousie et donc de mauvais sort. De nombreux interdits alimentent la vie des
jumeaux et de leur famille, car ce sont des êtres exceptionnels, à
la fois plus forts que les hommes ordinaires, mais aussi plus fragiles car la
rupture des interdits peut leur être fatale.
Les animaux interdits à la consommation sont ceux qui
ont servi dans la préparation des médicaments (cette liste peut
varier selon le guérisseur). Ceux qui sont toujours utilisés pour
la protection des jumeaux sont le Bongo
(ézona) car son sang est mélangé à celui
des enfants qui vont ensuite le boire, la Loutre à joues
blanches (Ibango) et tous les carnivores
tachetés de la famille de Ngoye.
I.3.2 Les initiés
Il existe plusieurs confréries ou groupes initiatiques
qui se manifestent par des pratiques rituelles périodiques et des danses
spécifiques (Djobi, Bwété, Membiri etc.). Lors de ces
initiations, le candidat ingère le bois sacré Iboga qui, à
forte dose, est un hallucinogène puissant.
Le fait d'être initié, marque une rupture avec sa
vie précédente, rupture qui se matérialise par le strict
suivi de nombreux interdits sexuels (pas de relations sexuelles pendant le
jour, ni lorsque la lune est dans le ciel) et alimentaires.
Il semblerait que pour beaucoup d'initiés (quelque soit
les danses) l'éléphant devienne un aliment tabou52(*). Ensuite, les autres animaux
qui deviennent interdits sont le fait de l'expérience personnelle de
chacun avec l'Iboga. En effet, lors de la prise du bois sacré, on place
le candidat face à une bougie ou un miroir. Au bout d'un moment, le
candidat va voir sa vie, ses parents défunts et des animaux
défiler sous ses yeux. Les ancêtres sont là pour conseiller
et soigner le candidat si nécessaire, les animaux qui lui sont
apparus lui deviennent interdits à la consommation. Si l'animal
ne doit pas être tué, alors les ancêtres le lui
préciseront.
I.3.3 Les médicaments
Lorsque l'on se fait soigner par un guérisseur (que ce
soit contre une maladie ou contre un mauvais sort), si celui-ci utilise des
animaux dans la composition de ses médicaments, ils deviennent interdits
à la consommation pour le patient et parfois même pour toute sa
famille. Si on mange quand même l'animal, l'effet du médicament
s'annule ou même s'inverse, c'est à dire qu'il peut causer la mort
de la personne en question.
« Moi, je ne mange pas Ko (rat de Gambie)
car on m'a fabriqué un médicament avec ça, donc
maintenant je ne peux plus en manger et mes enfants non
plus. »
Chef de village, Mbondou.
I.4 Les interdits temporaires
I.4.1 Les femmes enceintes
Lorsqu'une femme est enceinte, les interdits alimentaires
deviennent très nombreux et ils sont, semble-t-il, basé sur la
ressemblance de certains animaux avec les maladies ou difformités
possibles.
Chez les trois groupes étudiés, les interdits
liés aux femmes enceintes sont très similaires. En plus de ceux
interdits aux femmes en général, lorsqu'elles sont enceintes,
elles ne peuvent plus manger de nombreuses espèces. Les animaux les plus
communément cités sont : l'Antilope de Bates
(épilepsie) ; le Céphalophe à ventre blanc
(épilepsie, asthme) ; la Tortue (amaigrissement de l'enfant) ;
le Cercopithèque pogonias (l'enfant aura une forte toux) ; le
Colobe guereza (l'enfant n'aura que 4 doigts) ; le Chevrotin aquatique
(l'enfant aura toujours les fesses rouges et ouvertes) ; le Pangolin
commun (l'enfant va se recroqueviller dans le ventre comme l'animal et ne
pourra pas sortir).
Quand la femme est enceinte, elle ne peut pas non plus manger
un animal femelle gravide, car sinon elle risque une fausse couche.
Mais beaucoup de ces interdits sont en voie de disparition,
car de moins en moins respectés par les nouvelles
générations.
« Avant, la tradition était
supportée par les hommes. Mais, aujourd'hui, les jeunes femmes mangent
tout et il ne se passe rien. Il n'y a plus d'interdit sauf
Ngoye. »
Vieille femme, Ntsiété
I.4.2 Les enfants non circoncis
Les jeunes garçons non circoncis ont quelques interdits
alimentaires :
- Les queues de singe pour éviter que leur sexe ait une
érection lors de la circoncision.
- Le poisson électrique Ihidji, pour
éviter d'avoir trop de sperme à l'âge adulte.
- La liane ou rotin53(*) (Ancistrophilum) Kandji, pour
éviter que le prépuce repousse après la circoncision.
- La purée de maïs, pour ne pas avoir trop de
sperme à l'âge adulte.
II Rupture d'interdits
Les interdits étant très nombreux, il existe un
moyen de les contourner sans trop de danger. Lorsque l'on mange un animal
susceptible d'être touché d'interdits, on en garde une partie qui
servira de médicament si le besoin s'en fait sentir. Par exemple, si la
mère ou le père a mangé le singe pogonias
(pondé) pendant la grossesse, il/elle gardera le crâne
pour soigner l'enfant en cas de crise de toux sévère.
Les partis des animaux que l'on garde sont les os, les poils,
les peaux, les becs, les griffes. En règle générale, on va
prendre la partie de l'animal que l'on a gardé, on la brûle puis
on la mélange avec des plantes de brousse et de l'huile d'amande. On
frotte le tout sur le patient malade à des endroits du corps qui
dépendent de la maladie.
Un certain nombre d'interdits prennent fin quand l'homme et la
femme sont trop âgés et ne sont plus considérés
comme des « reproducteurs », c'est le cas, par exemple de
Zibo et Zombé.
Pour conclure ce chapitre, nous pouvons dire que les interdits
alimentaires chez les Bakota suivent diverses règles qui sont
différemment suivies selon l'âge, le sexe et le lieu de
résidence. De plus, si ces interdits étaient autrefois
très nombreux et, selon les informateurs, intégralement
respectés, ils sont, à l'heure actuelle, en voie de disparition.
« Autrefois, les interdits étaient
strictes. Les femmes ne mangeaient pas le sanglier, pas d'antilope rouge etc.
Les hommes leur interdisaient tout ce qui était bon. Mais aujourd'hui,
elles mangent. »
Vieux, Nstiété
« Les jeunes ne s'intéressent plus
à ces interdits. Ils disent que c'est les problèmes d'autrefois.
C'est presque une révolution ! Mais au niveau des villages,
ça tient encore... »
Vieux, Makokou
De plus, bien que la Panthère soit une sorte de symbole
pour tous les Bakota et qu'elle soit très peu consommée par peur
de la gale et de la lèpre, elle n'est pourtant pas formellement
interdite à la consommation pour tous, mais seulement pour les personnes
possédant l'animal en eux ainsi que pour les jumeaux et leur famille.
Tableau 10 : Récapitulatif sur les
interdits alimentaires
Animaux
|
Femmes
|
Femme enceinte
|
Femme
Allaitante
|
Non circoncis
|
Famille de jumeaux
|
H/F Panthère
|
Antilope de Bates
|
X
|
épilepsie
|
épilepsie
|
|
|
|
Bongo
|
|
L'enfant risque d'avoir les mêmes marques sur le corps
que l'animal
|
|
|
Risque de mort
|
|
Céphalophe à dos jaune
|
La femme ne plaira plus aux hommes
|
X
|
X
|
|
|
|
Céphalophe à front noir
|
Menstruation hémorragique
|
X
|
X
|
|
|
|
Céphalophe à ventre blanc
|
|
Risque d'avortement
|
épilepsie
|
|
|
|
Cercocèbe à collier blanc
|
|
|
|
La queue : éviter l'érection avant la
circoncision
|
|
|
Cercopithèque de Brazza
|
|
|
|
La queue : éviter l'érection avant la
circoncision
|
|
|
Cercopithèque pogonias
|
|
L'enfant aura une toux aiguë
|
|
La queue : éviter l'érection avant la
circoncision
|
|
|
Chat Doré
|
Donne la lèpre et la gale
|
Risque de mort de l'enfant
|
Risque de mort de l'enfant
|
|
Maladies de peau ou mort
|
Maladies de peau ou mort
|
Chevrotain aquatique
|
|
Les fesses de l'enfant resteront rouges et ouvertes
|
|
|
|
|
Civette Africaine
|
Donne la lèpre et la gale
|
Risque de mort de l'enfant
|
Risque de mort de l'enfant
|
|
Maladies de peau ou mort
|
Maladies de peau ou mort
|
Colobe guereza
|
X
|
L'enfant aura 4 doigts
|
X
|
La queue : éviter l'érection avant la
circoncision
|
|
|
Genette servaline
|
Donne la lèpre et la gale
|
Risque de mort de l'enfant
|
Risque de mort de l'enfant
|
|
Maladies de peau ou mort
|
Maladies de peau ou mort
|
Genette tigrine
|
Donne la lèpre et la gale
|
Risque de mort de l'enfant
|
Risque de mort de l'enfant
|
|
Maladies de peau ou mort
|
Maladies de peau ou mort
|
Hocheur
|
|
|
|
La queue : éviter l'érection avant la
circoncision
|
|
|
Léopard
|
Donne la lèpre et la gale
|
Risque de mort de l'enfant
|
Risque de mort de l'enfant
|
|
Maladies de peau ou mort
|
Maladies de peau ou mort
|
Animaux
|
Femmes
|
Femme enceinte
|
Femme
Allaitante
|
Non circoncis
|
Famille de jumeaux
|
H/F Panthère
|
Loutre à joue Blanche
|
Donne la lèpre et la gale
|
Risque de mort de l'enfant
|
Donne la lèpre et la gale
|
|
Maladies de peau ou mort
|
Maladies de peau
|
Loutre du Congo
|
Donne la lèpre et la gale
|
Risque de mort de l'enfant
|
Donne la lèpre et la gale
|
|
Maladies de peau ou mort
|
Maladies de peau
|
Mangouste à patte noire
|
Donne la lèpre et la gale
|
|
|
|
|
Maladies de peau
|
Mangouste des marais
|
Donne la lèpre et la gale
|
|
|
|
|
Maladies de peau
|
Mangouste rouge
|
Donne la lèpre et la gale
|
|
|
|
|
Maladies de peau
|
Miopithèque de l'Ogooué
|
|
L'enfant tombera malade
|
L'enfant tombera malade
|
La queue : éviter l'érection avant la
circoncision
|
|
|
Moustac
|
|
|
|
La queue : éviter l'érection avant la
circoncision
|
|
|
Nandinie
|
Donne la lèpre et la gale
|
Risque de mort de l'enfant
|
Risque de mort de l'enfant
|
|
Maladies de peau ou mort
|
Maladies de peau ou mort
|
Oryctérope
|
Risque de mourir
|
Dangereux pour l'enfant et la mère
|
Dangereux pour l'enfant et la mère
|
|
|
|
Pangolin commun
|
|
L'enfant se repli e sur lui-même et ne peut pas sortir
|
|
|
|
|
Pangolin géant
|
|
L'enfant se repli e sur lui-même et ne peut pas sortir
|
|
|
|
|
Poiane centrafricaine
|
Donne la lèpre et la gale
|
Risque de mort de l'enfant
|
Risque de mort de l'enfant
|
|
Maladies de peau ou mort
|
Maladies de peau ou mort
|
Rat de Gambie
|
|
L'enfant n'aura qu'une seule testicule de sortie
|
|
|
|
|
Ratel
|
Donne la lèpre et la gale
|
Risque de mort de l'enfant
|
Risque de mort de l'enfant
|
|
Maladies de peau ou mort
|
Maladies de peau ou mort
|
Sitatunga
|
|
L'enfant aura des problèmes de coups
|
|
|
|
|
Tortue
|
|
Enfant aura les membres courts
|
L'enfant va beaucoup maigrir
|
|
|
|
Varan
|
|
L'enfant sera sourd
|
|
|
|
|
Troisième Partie
Analyse des données et Discussion
Chapitre 1 : Conception et représentation de
la faune sauvage
Comment les Bakota voient, comprennent et expliquent le monde
qui les entoure ? Contrairement aux peuples agriculteurs de l'Afrique de
l'Ouest, les populations forestières sont quasi intégralement
dépendantes des ressources naturelles de la forêt. Cette
dernière est vu comme une «mère
nourricière » indispensable pour leur alimentation, leur
économie, leurs constructions et leurs cultures.
Nous essayerons dans la partie qui suit de mieux comprendre la
perception de la forêt, en particulier du monde animal chez les Bakota.
L'analyse sera basée sur les quelques récits recueillis (dans
leur totalité ou partiellement) lors de mes enquêtes de terrain et
complétée par l'ensemble des données recueillies.
I Ce que nous révèlent les contes
Les contes ont comme principale fonction de délivrer un
ou plutôt des messages sur la société qui les produits.
Ici, l'animal à travers le conte, est utilisé comme agent de
socialisation et joue un rôle dans l'éducation des jeunes. Car,
« en Afrique comme ailleurs, les animaux des contes n'ont
d'animal que le nom, les rapports qu'ils entretiennent sont ceux des hommes
entres eux » (Paulme, 1974 : 569). En ce qui nous concerne,
ils vont nous permettre d'avoir une idée sur :
1) les représentations locales des animaux de la
forêt,
2) les connaissances empiriques sur ces animaux,
3) leur classification locale et
4) sur les évènements importants de la vie
quotidienne ainsi que l'étique sociale.
I.1 Représentations des animaux sauvages
I.1.1 Le Statut de L'animal
L'animal vu en tant que gibier
L'animal est avant tout vu comme de la nourriture. D'ailleurs,
dans les langues bantoues, on utilise le même terme nyama pour
désigner la faune sauvage et la viande. Vanwijnsberghe (1996) nous
démontre ceci à travers les comportements des chasseurs nord
congolais face à leur proie. Ces derniers n'éprouvent aucun
sentiment de compassion pour leurs victimes, leur brisant même les quatre
membres (alors que l'animal est encore vivant) afin qu'il ne puisse se sauver
et que sa chair reste fraîche jusqu'au village. Il en est de même
pour les chasseurs Bakota.
Cette vision strictement alimentaire de l'animal se retrouve
dans le comportement de la Panthère, animal de référence
pour tous les Bakota. En effet, tout comme le chasseur Bakota, la
Panthère use de tous les stratagèmes et ruses possibles et
imaginables pour capturer ses proies (conte n°6). Pas de sentiment, pas de
pitié, juste de la viande, nécessaire à la survie.
L'animal vu comme moyen d'acquérir un
statut
Autrefois, la panthère était le symbole des
chefs et des grands guerriers. Pour prouver leur bravoure et leurs
capacités à la chasse, les hommes faisaient des colliers avec les
dents de l'animal qu'ils accrochaient à leur cou. Plus on avait de dents
et plus on était respecté.
En règle générale, les animaux qui font
« front » quant ils sont attaqués donnent un statut
particulier aux chasseurs qui osent les affronter. C'est le cas pour le
Gorille, le Buffle, l'Eléphant et dans une moindre mesure pour la
Panthère, qui n'a plus aujourd'hui la même importance
qu'autrefois.
Les animaux protégés
Il n'y a pas chez les Bakota, de
« protection », au sens occidental du terme, pour certaines
espèces animales. Tous me répondaient :
« Nous, avant, on n'avait pas de restriction pour la chasse, on
pouvait tout chasser, même les femelles et les petits. Aujourd'hui, ce
sont les Eaux et Forêts qui nous interdisent ».
La « protection » ou l'interdit de chasse
est soit le résultat d'un choix individuel (certains chasseurs
refusant par exemple de tuer et manger les chimpanzés ou les gorilles
car leurs ressemblances physiques est trop proche de la notre) ; soit car
l'animal est lié à la famille ou au clan comme nous l'avons vu
dans le chapitre sur les interdits alimentaires.
I.1.2 Les nuisibles et les dangereux
De nos jours les plantations sont proches des villages
contrairement à une époque plus ancienne où elles se
trouvaient plus en brousse. Aussi, les attaques des plantations par les animaux
sont moins fréquentes qu'auparavant, car ils fuient la pression
anthropique (chasse et déboisement). C'est le cas du Potamochère,
du Mandrill (qui n'est pas présent sur tout le territoire Bakota) et du
Bongo. Pour les mêmes raisons, la Panthère et le Chat doré
n'attaquent plus les animaux domestiques, n'étant plus guère
présents autour des zones habitées.
Par contre, l'animal qui reste toujours redoutable pour les
plantations est l'Eléphant. En effet, à certaines périodes
de l'année, les éléphants pénètrent dans les
plantations et saccagent absolument tout, réduisant à
néant les récoltes de l'année. C'est un gros
problème pour les populations de toute la région qui,
malgré l'interdiction de chasse officielle54(*), n'hésitent pas
à abattre ceux qui pénètrent dans leurs plantations. Lors
de mes séjours dans les villages, il est arrivé à deux
reprises qu'un chasseur abatte un éléphant à
proximité du village (sur la route d'Okondja). Dans ces cas là,
toutes les familles du village se partagent la viande, chacun allant
dépecer un morceau de la carcasse et ceci peu durer plusieurs jours.
Quant aux animaux dangereux pour les Hommes, les Bakota
établissent des différenciations selon le comportement agressif
de l'animal :
- Les éléphants sont beaucoup
plus agressifs lorsqu'il s'agit de femelles avec leurs petits. Comme ils
s'approchent des villages et détruisent les plantations, ils sont
également un danger pour les femmes et les enfants ;
- La Panthère n'attaque que
lorsqu'elle est affamée, mais la plupart du temps elle reste
discrète55(*) ;
- Le Gorille est considéré
comme étant plus imprévisible. L'agressivité du mâle
augmente si le groupe de femelles avec leurs petits est proche ;
- Les potamochères sont assez craints
par les chasseurs car ils se déplacent en troupeaux de plusieurs
dizaines d'individus, ils courent vite et les défenses des mâles
sont redoutables ;
- Le Buffle est l'un des animaux les plus
dangereux et imprévisible, car il sait se montrer discret avant
d'attaquer. Les chasseurs le craignent fortement ;
- Le Ratel est considéré comme
un animal très méchant, dangereux et agressif, encore plus que la
Panthère56(*). Tous
mes interlocuteurs m'on raconté la même histoire sur cet
animal : Si une plante ou un arbuste le touche lors de sa progression en
forêt, il va continuer son chemin sur environ 5 km puis il va faire
demi-tour revenir à l'arbuste et l'arracher. Mais il est
extrêmement rare pour un chasseur de le croiser en forêt, il peut
se passer plusieurs années entre chaque rencontre.
- La Vipère est fortement crainte car
elle se confond dans les feuillages au sol et le chasseur peut facilement
marcher dessus. Son venin est mortel et foudroyant.
Tableau 11 : Liste des animaux
nuisibles ou dangereux
Animaux
|
Nuisibles pour
|
Athérure
|
Plantation
|
Aulacode
|
Plantation
|
Pangolin commun
|
Plantation
|
Potamochère
|
Plantation ; Hommes
|
Eléphant
|
Plantation ; Hommes
|
Rat de Gambie
|
Plantation
|
Mandrill
|
Plantation
|
Céphalophe bleu
|
Animaux domestiques57(*) (poules)
|
Céphalophe bai
|
Plantation
|
Sitatunga
|
Plantation (feuilles de manioc)
|
Bongo
|
Plantation
|
Buffle
|
Hommes (en forêt)
|
Civette
|
Animaux domestiques (poules)
|
Genette
|
Animaux domestiques (poules)
|
Nandinie
|
Animaux domestiques (poules)
|
Mangouste rouge
|
Animaux domestiques (poules)
|
Chat doré
|
Animaux domestiques (poules)
|
Panthère
|
Animaux domestiques (poules, chiens, cabris) ; hommes (en
forêt)
|
Ratel
|
Hommes (en forêt)
|
Gorille
|
Hommes (en forêt)
|
Mamba noir
|
Animaux domestiques (oeufs, poules)
|
Python
|
Hommes (en forêt)
|
Vipère
|
Hommes (en forêt)
|
I.1.3 Les animaux dotés d'un pouvoir
magique
Comme dans de nombreux peuples du monde entier, la nuit est
source de dangers, de craintes car c'est là que les Esprits, les
« vampireux » et autrefois les
hommes-panthères sortent pour faire du mal.
Les animaux qui ont des pouvoirs magiques sont donc, dans la
plupart des cas, des animaux nocturnes qui sont souvent liés aux
sorciers. C'est le cas du Hibou et du Daman
des arbres. Pour le Hibou, il est dit que les vampireux se
métamorphosent le plus souvent en cet animal pour se déplacer la
nuit quant au Daman, les boules ou caillots que l'on trouve dans l'estomac
portent le nom de izanga qui signifie « vampire »
en Kota et qui sont utilisées dans la sorcellerie.
Parmi les animaux nocturnes, le plus utilisé est, comme
nous l'avons déjà vu, la Genette servaline. Son
pouvoir est le plus puissant d'entre tous car elle a plusieurs fonctions :
Elle protège des mauvais sorts et les soigne, elle calme, contrôle
et soigne les vampireux et les hommes-panthères et
enfin, elle guide les initiés dans le monde des Ancêtres.
Pour les autres animaux, diurnes cette fois, nous pouvons
mettre à part le Bongo et la Tortue. Pour le Bongo, il
est utilisé dans la protection des jumeaux qui sont très
valorisés dans la société Bakota. Il s'agit d'un animal
possédant des attributs magiques spécifiques. L'un de mes
interlocuteurs Ikota, m'a informé que cet animal était une sorte
de diable de la forêt car il pouvait s'y transformer en homme.
Malheureusement, aucune explication plus détaillée ne m'a
été donnée. Dans son étude sur la chasse
villageoise autour du parc d'Odzala au nord-Congo (1996), Vanwijnsberghe nous
informe que pour les habitants de cette région, dont certains sont
Bakota, le Bongo est, ici aussi, l'objet de croyances particulières car
il est considéré comme un animal possédant un grand
pouvoir de sorcellerie. Certaines parties de son corps sont également
utilisées par les sorciers dans leurs pratiques
« magiques ». Nous pouvons donc supposer qu'il en est de
même chez les Bakota du Nord-Est Gabon.
Quant à la Tortue (uniquement les
tortues terrestres que l'on trouve en forêt) , elle est également
utilisée pour se protéger des mauvais sorts et elle est synonyme
de longévité.
I.1.4 Ambivalence des caractéristiques
A travers les contes, on se rend compte de l'ambivalence des
caractéristiques de certains animaux de la forêt. Prenons
l'exemple de la Tortue et de la Panthère, animaux les plus
emblématiques et les plus cités dans les contes.
Dans presque tous les contes africains d'animaux figure un
personnage qui se définit par son mode d'action : la ruse. Tablant
sur des défauts de caractère qu'il connaît bien
(stupidité, gourmandise, vanité, lâcheté), il
tournera en ridicule un adversaire qui eût dû l'écraser
facilement, car lui-même est une créature insignifiante,
apparemment la plus faible de toutes (Paulme, 1974). Ce personnage,
appelé Décepteur, est, en ce qui nous concerne, la Tortue, quant
à son adversaire désabusé, il s'agit de la
Panthère.
Commençons par la Panthère : elle est
réputée pour ses capacités de bonne chasseuse (conte
n° 3), pourtant, parfois d'autres animaux, supposés moins
doués qu'elle, arrivent à la mettre en défaut (conte
n°2), ce qui éveille sa jalousie. La Panthère est
généralement la métaphore du chef puissant et jeune qui
abuse de son pouvoir et de sa force physique. Elle est prête à
tout pour satisfaire sa faim de viande, y compris à élaborer des
stratagèmes très complexes (conte n°6). Pourtant, c'est
cette même gourmandise qui la trahie le plus souvent (conte n°7).
Quant à la Tortue, elle est le plus souvent
décrite comme l'animal de la sagesse et de l'intelligence (conte
n°1 et 5) qui arrive à déjouer les pièges de la
Panthère (conte n°7). Elle est généralement l'allier
des autres animaux de la forêt qui la respectent ; en ce point, elle
est la métaphore de l'ancien. Pourtant, dans d'autres contes, que je
n'ai pas retranscrit ici, elle peut être fourbe, user de son intelligence
et de sa place « sociale » au sein du monde animal
anthropisé, pour son profit au détriment des autres animaux. En
effet, dans un conte, elle joue la comédie afin de duper et de tuer tous
les animaux de la forêt ; dans un autre, elle manipule et utilise le
Chat doré afin d'avoir les faveurs de la femme qu'ils convoitent tout
les deux.
Nous pouvons conclure, qu'il n'y a donc pas de réelle
bipolarité distincte entre le bien et le mal dans la culture Kota
contrairement à la vision Chrétienne du monde. Chaque être
n'est ni totalement bon, ni totalement mauvais ; il peut être
à la fois trompeur et trompé, intelligent et sot, selon qu'il
sache ou non dominer ses instincts, modérer son appétit
insatiable, partager avec autrui, rendre servir, prévoir (Paulme, 1974).
Cette ambivalence se retrouve chez les esprits et chez les
hommes-panthères.
Le tableau qui suit est une synthèse des données
recueillies (entretiens + contes), lors de l'enquête de terrain, sur les
caractéristiques éthologiques et symboliques attribuées
à certains animaux de la forêt par la population Bakota.
Tableau 12 : Synthèse sur
les caractéristiques des animaux sauvages
Animaux
|
Caractéristiques
|
Chasse
|
Eléphant
|
Haute hiérarchie, roi de la forêt, force
|
Difficile
|
Tortue
|
Sagesse, intelligence, malice
|
Facile
|
Panthère
|
Puissance, force, brutalité, souplesse, agilité,
bonne aptitude à la chasse ; gourmandise
|
Difficile
|
Ratel
|
Dangereux, féroce, têtu
|
Difficile (rare et dangereux)
|
Céphalophe bleu
|
Malice et intelligence
|
Facile
|
Buffle
|
Roi des animaux à sabot
|
Difficile
|
Python
|
Roi des serpents
|
?
|
Aigle
|
Roi des oiseaux
|
?
|
Crocodile
|
Roi des reptiles
|
Relativement facile
|
Bongo
|
Beauté
|
Facile mais devient rare
|
I.2 Connaissances empiriques sur la faune
L'observation de la faune joue un rôle fondamental dans
la tradition africaine. D'une façon globale, les Bakota ont de bonnes
connaissances empiriques sur la faune sauvage qui les entoure. Ces
connaissances sont acquises tout au long de la vie à travers
l'apprentissage (fréquentation de la forêt et des plantations)
mais aussi grâce aux contes. Ces derniers peuvent fournir des
éléments sur les comportements et l'alimentation des animaux.
Dans le conte n°4, par exemple, on trouve quelques
renseignements sur une partie de l'alimentation des animaux cités :
l'Eléphant aime les fruits du moabi (baillonella
toxisperma) ; le Céphalophe de Peters a un faible pour les
atangas ; le Chat doré pour le charbon de bois ; la Nandinie
et la Genette aiment les bananes et pour la Tortue et le Céphalophe
bleu se sont les champignons. En se renseignant, on se rend compte que ces
données sont correctes même pour la Nandinie et la
Genette58(*), que l'on
classe dans les carnivores, mais qui sont en vérité plus ou moins
omnivores, car elles mangent aussi des fruits.
Beaucoup de contes mettent en scène la Panthère
souvent reconnue pour ses qualités de chasseuses (conte n°3), son
goût prononcé pour la viande et plus particulièrement pour
le gros gibier.
A travers les contes, les populations essayent
également de s'expliquer le monde et son organisation. En ce qui
concerne la faune sauvage, on apprend la conception locale des regroupements ou
des séparations d'espèces, pourquoi un tel vit dans les arbres et
un autre, qui lui ressemble, au sol etc. C'est le cas notamment de la
Panthère et de la Genette dans le conte n°2 qui explique pourquoi
la Panthère vit au sol et que de tant en tant elle monte aux arbres,
là où la genette vit la majeure partie de son temps. Dans
d'autres contes (que je n'ai pas retranscrit) on apprend pourquoi le Gorille ne
vit plus en bande avec le Chimpanzé ou pourquoi la Mangouste des marais
vit près de l'eau et ne mange que du poisson et non pas de la viande.
Bien sur, ce qui importe dans ces récits ce n'est pas seulement
l'explication imagée donnée mais l'information finale qui s'en
échappe.
Pour ma part, lors de mes entretiens, j'ai posé
quelques questions sur les connaissances empiriques que les hommes Bakota
pouvaient avoir sur les animaux tachetés. Il est clair que,
contrairement à la majorité des populations ouest-africaines,
celles des forêts tropicales ont des connaissances plus approfondies sur
la faune. Ceci s'explique sans doute par le fait que la faune est encore
très présente dans cette zone tropicale du bassin du Congo. De
plus, en Afrique de l'Ouest les chasseurs faisaient partis d'une caste
spécifique très fermée qui empêchait que les savoirs
empiriques sur la faune soient partagés par l'ensemble de la
communauté.
La plupart des hommes Bakota connaissent l'alimentation des
animaux tachetés59(*), leur comportement nocturne et solitaire, les lieux
où ils dorment et le nombre approximatif de bébés par
portée. Ils ne savent pas les périodes de mise bas, mais ceci
s'explique par le fait que dans les régions tropicales, il n'y a pas
réellement de saison spécifique pour les amours, contrairement
aux régions tempérées. La plupart des mammifères
peuvent donc mettre bas tout au long de l'année.
Si le caractère solitaire est connu des hommes Bakota,
il se concentre sur les périodes de chasse de ces animaux. En effet,
pour eux, la femelle et le mâle chassent chacun de leur
côté, mais le soir, ils se retrouvent dans leur
« logis » avec les enfants, or, ce n'est pas le cas dans la
nature. Je pense, hormis le fait que ces animaux soient toujours en couple dans
la tradition orale, qu'il s'agit là d'une vision sociale du mariage et
du célibat dans la société Bakota, plus qu'une croyance en
ces contes. Le célibat chez les hommes (encore plus que chez les femmes)
est très mal vu et assez mal vécu, d'autant plus que ce
phénomène s'accentue à cause de la flambée des
coûts de la dot. Il est donc inconcevable pour eux qu'un homme puisse
vivre sans femme et ceci même dans le règne animal.
Enfin, les connaissances sur le monde qui entoure l'Homme
peuvent être acquises par l'étude de l'univers animal. Ainsi,
l'animal peut être l'intermédiaire entre l'Homme et la nature.
Beaucoup de peuples africains ont en effet appris depuis longtemps à
utiliser la faune comme source d'informations sur leur environnement. Les
oiseaux sont notamment beaucoup utilisés de cette manière. Chez
les Boran du nord Kenya, les cris aigus du pique-boeuf signifient qu'un gros
animal est proche, quant à l'oiseau indicateur, il est un signe
infaillible pour qui veut trouver du miel (Isack cité par Chardonnet
et al, 1995). Chez nos Bakota, l'arrivée des cigognes60(*) annonce le début de la
petite saison sèche qui précède la grande saison des
pluies. Une étude plus approfondie sur ce thème serait fort
intéressante, en particulier dans le domaine de la chasse.
I.3 Classification locale de la faune sauvage
Bien que la classification des animaux chez les Bakota
ressemble à la classification occidentale linnéenne, elle n'est
pas basée sur les mêmes critères. La première est
essentiellement basée sur les ressemblances physiques et
comportementales, ce dernier critère ne rentrant pas dans la seconde
classification. Comme pour le reste, on retrouve des éléments
d'explication de cette classification, dans certains contes. Je tiens à
préciser que la classification qui suit n'est pas exhaustive.
· Les animaux carnivores à
griffes
La plupart des carnivores sont regroupés ensembles et
ils font tous partie de la famille de la Panthère. Leurs
caractéristiques en commun sont les griffes (critère de base) et
leur alimentation à base de viande, même si les fruits et le miel
interviennent parfois. Les animaux à la robe tachetée sont
considérés comme étant les frères de Ngoye
la Panthère, les autres étant leurs cousins.
Famille de Ngoye : la
Panthère ; les genettes servaline et tigrine ; la Poiane
centrafricaine ; la Civette ; le Chat doré ; la
Nandinie ; le Ratel ; les mangoustes et les loutres.
Seule la mangouste des marais61(*) a une place à part dans cette famille, tout en
en faisant partie, car elle reste près de l'eau et mange du poisson et
non de la viande. Cette séparation est expliquée dans un
conte.
· Les animaux à main
Les singes sont tous regroupés
ensembles car ils se ressemblent et ont tous des mains. Les Bakota les
distinguent quand même en deux sous-groupes : le premier est celui
des singes qui vivent dans les arbres avec une queue, il s'agit de la
Famille de Kaku qui comprend le Hocheur ; le Mangabey
à joues grises ; le Cercopithèque de Brazza ; le
Cercopithèque pogonias ; le Moustac ; le Colobe guereza ;
le Colobe noir62(*) ;
le Miopithèque de l'Ogooué ; le second regroupe les singes
vivant principalement au sol et qui ne possèdent pas de queue, il s'agit
de la Famille de Djia avec le Gorille, le
Chimpanzé ; le Mandrill.
Je tiens également à signaler que certains de
mes interlocuteurs m'ont parlé d'un petit singe Maïko qui
se déplacerait toujours avec les chimpanzés mais je n'ai pas pu
l'identifier.
Les Galagos et les Pottos sont
regroupés dans la même famille. Je n'ai pas pu identifier tous les
galagos présents dans la région, mais selon mes notes, les
animaux appartenant à cette famille sont : le Potto de
Bosman ; les galagos de Garnett, d'Allen et mignon du sud.
· Les animaux à sabot
Les petites antilopes sont regroupées dans deux
familles : la Famille de Zibo avec le
Céphalophe à dos jaune, le Céphalophe bai, le
Céphalophe de Peters, le Céphalophe à ventre blanc, le
Céphalophe à front noir et le Sitatunga ; et la
Famille de Héli avec le Céphalophe bleu et
l'Antilope de Bates. Les herbivores de gros port avec des cornes font
partie de la Famille d'Ezona avec le Bongo et le Buffle.
Une dernière famille est la Famille
Ekundé avec l'Oryctérope, le
Potamochère et l'Hylochère (se sont tous des fouisseurs).
· Les pachydermes
Les Bakota regroupent ensemble l'Eléphant et
l'Hippopotame (qu'ils nomment éléphant de
rivière), dans la famille de Zoku. Ceci est
dû à la grosseur de ces animaux qui ont une peau épaisse et
des empreintes semblables.
· Les reptiles
Chez les reptiles ont a deux familles : la
Famille de Ntotché avec le Crocodile nain ;
le Crocidure ; le Faux gavial et le Varan ; et la Famille des
Tadji (pl. Batadji) qui regroupe tous les serpents dont les plus
connus sont le Mamba noir ; le Mamba vert ; la Vipère du
Gabon et le Python.
Les autres grandes familles d'animaux sont celles des
Oiseaux Bonodji dont le chef est l'Aigle
mbéla ; des chauves-souris
indémé et des écureuils dont les
plus communs sont l'Ecureuil nain bwandamwéli et les
finisciures rayés hendé et à pattes rouge
éboko.
Il existe aussi des animaux qui ne rentrent pas dans une
catégorie spécifique soit parce qu'ils peuvent vivre dans des
milieux différents, soit parce qu'ils ont des caractéristiques de
plusieurs catégories. C'est le cas pour la Tortue, à la fois
terrestre et aquatique, du Pangolin qui a des griffes (aux pattes avant mais
pas aux pattes arrières) sans être un carnivore et aussi du Daman
des arbres qui vit dans les arbres sans avoir de queue, ni de main.
Nous pouvons conclure de cette classification que les Bakota
organisent le monde dans lequel ils vivent en basant leur logique
classificatoire sur des connaissances approfondies des qualités
biologiques et comportementales des animaux.
I.4 Vie Quotidienne et éthique sociale
I.4.1 Evènements importants dans la vie d'un
Bakota
La mise en situation des contes met en valeur les pratiques et
les évènements importants dans la vie du Bakota. C'est pourquoi,
la majorité des contes se déroulent :
1) lors d'une partie de chasse collective au
filet, au campement ou au piége (contes n° 1, 2 , 3)
2) lors de partie de pêche (conte
n°7)
3) lors d'un mariage ou plus exactement lors
de la dot de la future mariée (conte n°6)
4) lors d'une naissance (conte n°1)
5) lors des circoncisions (conte n°5)
Nous remarquons que tous ces contes se situent dans un
contexte traditionnel, où la modernité est absente. Nous pouvons
aussi dire que les contes, et sans doute toute la littérature orale,
sont à la fois vecteur mais aussi mémoire de traditions qui ont
à l'heure actuelle disparu. C'est le cas par exemple de la chasse aux
filets, les pièges à fosse ou encore les dots où la viande
de brousse a été remplacée par l'argent.
I.4.2 L'éthique sociale
Les contes, comme les proverbes, sont vecteur d'une morale
socialement admise par l'ensemble de la société. Comme me le
disait un vieux Mahongwé de Zadindoué, « Les contes
sont des enseignements qui nous disent comment nous comporter »,
que cela soit lors de la vie quotidienne ou lors d'événements
particuliers. Ils nous permettent de mieux comprendre les problèmes que
la société et la vie posent aux membres de la communauté
qui les produits. Les solutions proposées à ces problèmes
sont soumises au jugement des membres du clan, jugement de la
société sur elle-même. Ainsi « les contes
sont des témoins de l'intérieur, non des observateurs
étrangers » (Lacoste-Dujardin, cité par Chardonnet
et al, 1995).
Je ne vais pas m'appesantir sur ce sujet, qui n'est pas
l'objet central de ma recherche. J'ai tout de même souhaité mettre
en avant la notion de partage qui semble être
très importante pour les Bakota, car elle se retrouve dans à peu
près tous les contes. En effet, nous voyons que dans les contes n°
1, 2, 3 et 6 le fait de ne pas partager le gibier chassé est
stigmatisé. Il est mal vu qu'un chasseur chanceux ne partage pas ses
proies avec les autres membres de sa communauté.
Ceci est assez commun dans les sociétés
forestières où l'égalité entre ses membres est
maintenue principalement par le « nivellement » : qui
cherche à changer de statut, à profiter d'une position de
dominance politique ou sociale, ou à vouloir s'enrichir au
détriment des autres membres de sa communauté, est très
rapidement ramené, par le groupe, à un comportement plus modeste,
par la critique, l'ostracisme, voire la sorcellerie.
Chez les Baka du Sud-Est Cameroun, Christian Leclerc (2001)
explique aussi cette notion de partage à travers l'étude des
contes et des mythes de cette ethnie. On y découvre une ambivalente
duplicité chez les Esprits qui peuplent la forêt, notamment
Kosè, esprits d'approvisionnement mais aussi esprit du sorcier
à l'origine de la jalousie. Kosè veut que tous soient
égaux, c'est-à-dire que les ressources dont il permet
l'accès soient partagées entre tous, et il n'est satisfait que
lorsque toute la communauté dispose de nourriture, sans quoi la jalousie
survient (Leclerc, 2001 : 295).
Je n'ai pas connaissance d'un Esprit tel que
Kosè chez les Bakota. Par contre, il existe bien le
« sorcier jaloux » mais qui, là, est un homme et non
un Esprit. En fait, il s'agit de sorciers malfaisants et jaloux
possédant donc de bonnes connaissances en sorcellerie et qui ont le
pouvoir de se métamorphoser en n'importe quel animal pour attaquer ses
victimes en pleine nuit. Les Bakota nomment ces sorciers, que personne ne
connaît, les « Vampireux » et c'est sur eux (ou en
tout cas la peur qu'ils suscitent) que repose l'équilibre social du
groupe, car bien que tous les craignent, ils sont les garants de
l'équité sociale entre tous les villageois.
II Place à part des animaux tachetés
II.1 Le Symbolisme du Ngoye
Le test du Ngoye n'est pas une initiation à
proprement parler, au sens habituel du mot (révélation, au sein
d'un groupe, d'un corpus de connaissances ésotériques par
l'intermédiaire de rites de passage) car la seule connaissance que le
candidat acquiert, est la réalité de sa propre personne. Il
s'agit donc d'une initiation personnelle et non plus sociale : il n'y a
pas de confrérie organisée d'hommes-panthères, il
n'y a que des hommes-panthères isolés les uns des
autres, sans aucun lien confessionnel ou sociologique. Les
hommes-panthères Bakota sont donc différents de ceux que
l'on retrouve dans d'autres ethnies du Gabon où là, les hommes
font partis d'une société secrète qui, autrefois,
commettaient des crimes rituels sous le couvert d'un déguisement. Chez
les Bakota, la seule fonction sociale ou communautaire qu'ont ces individus
intervient pendant la cérémonie de circoncision, lors du test du
Ngoye. En effet, si le test est positif, les
hommes-panthères sont indispensables car se sont les seuls
à pouvoir contrôler le candidat (Perrois, 1968).
La Panthère est une force difficilement
contrôlable qui est particulièrement pénalisante pour les
femmes. En effet, le Ngoye n'est pas l'apanage des seuls hommes, les
femmes peuvent également l'avoir en elles. Il n'existe pas de test comme
pour les hommes, mais les symptômes sont connus : nombreuses fausses
couches ; enfant mort-né ; comportement excentrique ou brutal,
gros appétit sexuel, capacité à attraper beaucoup de gros
poissons.
Il est formellement interdit à un homme-panthère
d'épouser une femme qui possède elle aussi la Panthère car
il y a de fort risque que la discorde règne dans le couple et que leurs
enfants soient en danger.
Le féticheur Zoaka Pascal a bien essayé de
lutter contre le Ngoye mais en pure perte, car nous sommes en
présence d'une conception fondamentale de la nature ontologique de
l'homme. Pour le Bakota, il ne s'agit pas d'une croyance mystique mais d'une
réalité vécue. Le Ngoye fait partit de la nature
de l'homme, son essence. Aussi, on ne supprime pas plus le Ngoye que
le corps ou la pensée. C'est une donnée que l'on subit et que
l'on assume sans rien y pouvoir. L'homme est un composé qui comprend le
corps, le coeur et l'esprit, cela pour tous les individus et seuls, quelques
privilégiés, se partagent la force vitale du Ngoye mais
sans que cela ne les rendent pour autant solidaires.
Autrefois, les hommes-panthères pouvaient se
métamorphoser pour chasser en forêt ou tuer personnes et animaux
domestiques au village. La transformation se passait pendant la nuit, le corps
dans sa forme humaine restait à dormir tandis que la Panthère
sortait du coeur et ne revenait qu'à l'aube, sans que personne ne s'en
aperçoive. Mais ces métamorphoses pouvaient être
dangereuses car le double en forêt a toutes les qualités mais
aussi les faiblesses de la vrai Panthère : si elle se blesse, s'en
est fini de l'homme qui dort dans sa case.
Le culte de « Mademoiselle » de Zoaka a
tout de même réussi à amoindrir la force de la
Panthère et par ricochet celle de l'ensemble des Bakota.
Les anciennes croyances, comme le culte des ancêtres,
ont depuis disparus et avec elles leurs spécialistes. Quand la
Panthère sort du corps, elle ne doit pas rester dehors trop longtemps
sinon le « propriétaire » risque de mourir. Mais,
pour que la Panthère revienne, il faut la connaissance et les
médicaments de guérisseurs particuliers qui sont devenus
très rares. Tout ceci, rend le Ngoye encore moins
contrôlable qu'avant.
« Aujourd'hui, on n'a plus assez de
guérisseurs. On leur donne donc (aux candidats dont le test est
positif) beaucoup de médicaments pour pas que leur panthère
sorte. Mais on laisse toujours un peu (de force à la
panthère) pour qu'ils puissent se sauver en cas de
danger. »
Il est également à noter que les
hommes-panthères de chaque clan ont un pelage différent
et reconnaissable par les initiés. On voit par là que le
Ngoye est moins lié à une confrérie initiatique
qu'à la famille et au clan. Pour expliquer ceci, il faut remonter aux
origines du pacte scellé entre les Bakota et la Panthère, c'est
à dire, au temps des guerres tribales. Car, en dehors des conflits
intertribaux, il y avait souvent de sérieux palabres entre villages ou
entre clans, surtout au sujet des femmes. Le non payement de la dot et
l'adultère étaient les causes les plus courantes de vendettas
familiales (Perrois, 1968). Nous pouvons donc faire l'hypothèse que les
différences de taches pouvaient peut-être servir
d' « emblème » à chaque clan.
Le Ngoye se transmet principalement par
hérédité, il y a donc des clans reconnus comme ayant la
Panthère (les Bongoye par exemple) et d'autres où les membres ne
l'ont pas. Pour ces derniers, le Ngoye peut s'obtenir par
l'absorption d'un médicament spécial, mais il ne pourra pas
être transmis par voies naturelles à la descendance.
Il existe donc des différences visibles entre une
« vrai » et une « fausse »
Panthère. La Panthère de l'homme est généralement
de petite taille avec une queue courte et un pelage sombre. Lorsqu'elle se fait
tuer, ses poils se détachent rapidement et très facilement
après la mort de l'animal. De plus, il est dit que les panthères
des hommes rôdent plus souvent autour des villages alors que la
« vrai » reste loin en forêt.
La manifestation extérieure de la Panthère
correspond à un dédoublement de la personnalité. La
plupart du temps ce phénomène est inconscient et ne conduit
qu'à des rêves sans conséquences pathologiques
sérieuses. Mais, quand ce rêve est suivi de la découverte
d'un cadavre de Panthère avec la désignation du clan auquel il
appartient, le dédoublement persiste consciemment et conduit à la
mort à plus ou moins brève échéance. Ce qui nous
amène à penser que la réalité du Ngoye est
psychologique et ses manifestations relèvent du domaine de la
psychiatrie. C'est pourquoi le symbolisme du Ngoye ne peut être
élucidé du seul point de vu de l'ethnologue. Selon Louis Perrois,
« il y a là quelque chose qui nous échappe, mais
qui existe réellement et qui, lorsque l'on pourra le définir et
l'expliquer, fournira la clef de la culture Bakota. » (Perrois,
1968 : 87).
II.2 Le mysticisme de Hindji
Contrairement à ce que l'on pouvait croire, la Genette
servaline Hindji a un rôle magico-religieux beaucoup plus
puissant que celui de la Panthère. En effet, cette dernière
semble ne plus être utilisée dans les rituels et les
cérémonies. Ceci peut s'expliquer en partie à travers les
représentations que se fait la population locale Bakota sur cet animal.
En effet, comme nous l'avons vu précédemment, la Panthère
a des qualités positives (bon chasseur, souplesse, puissance,
beauté) mais également des caractéristiques plus
négatives (gourmand, féroce, imprévisible).
« Si nos parents avaient choisi Ngoye, le monde
devait mourir car Ngoye est trop féroce. Donc ils ont choisi un autre
animal qui ressemble à Ngoye. »
Vieux Mahongwé, Bangadi.
D'autres personnes donnent des explications beaucoup plus
terre à terre expliquant que la Panthère étant dangereuse
et difficile à trouver, les gens ont préféré
utiliser la Genette plus commune, inoffensive et donc plus facile à
chasser. De plus, lorsque l'on tue une Panthère, il y a toujours le
doute de savoir s'il s'agit d'une vrai Panthère ou d'un homme
métamorphosé. C'est sans doute toutes ces raisons réunies
qui ont poussé les Bakota à utiliser les peaux de genettes
plutôt que celles de panthères. Son utilisation peut
également être un danger pour tout ceux et celles qui
possèdent la Panthère en eux.
La peau de Hindji est utilisée dans de
nombreux rites et cérémonies Bakota : Membiri,
Bwété, Mungala, la circoncision, pour soigner
les vampireux et leurs victimes. Les « voyants »
consultent ses taches qui, selon leurs formes, leurs couleurs, leurs grosseurs
et leurs nombres vont avoir des significations différentes et permettre
l'interprétation finale.
Lors des danses, les peaux de la Genette sont utilisées
comme cache sexe. Lors des initiations, on met les médicaments et le
bois sacré (Iboga) sur la peau de la Genette, une autre peau
est mise sur la tête du candidat afin de le guider et de le
protéger dans son voyage dans l'autre monde.
Cette omniprésence de la Genette en fait un animal
absolument indispensable pour les Bakota. Elle est également
utilisée dans beaucoup d'autres ethnies au Gabon toujours dans les rites
et les cérémonies. J'ai assisté à des danses
Kwélé dont la danseuse portait la peau de Genette en cache sexe
par dessus le raphia et elle tenait à la main une autre peau
enroulée autour d'une patte d'aigle.
On retrouve l'utilisation de peaux de genettes dans à
peu près tout le bassin du Congo. Au nord Congo, par exemple,
Vanwijnsberghe (1996) a également fait la remarque que cette peau
était celle qui était la plus utilisée car, selon la
tradition, elle aurait des propriétés magiques. Ces utilisations
sont tout à fait semblables à celles connues chez les Bakota que
nous avons vu dans la partie précédente.
Photos 6 et 7 : danseuses
Kwélé
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-21.png)
![](Ebanda-tono-les-peaux-tachetees-utilisations-et-representations-de-la-faune-sauvage-Gabon-22.png)
Source : Marion Viano (2005)
Source : Florence Mazzocchetti (2005)
En fait, nous pouvons dire que les animaux au pelage
tacheté ont une place à part dans la culture Bakota car ils sont
encore utilisés lors des rites et des cérémonies, dont
leurs présences est absolument indispensable.
« On utilise encore tous les animaux
tachetés faisant partie de la famille de la panthère. Se sont des
animaux sacrés. » Vieux Ikota, Nstiété.
Il n'en reste pas moins que c'est la Genette servaline qui a
le plus de pouvoir et qui est la plus recherchée :
« La force de hindji lors de la circoncision,
c'est comme un bouclier pour protéger le circoncis pendant 24h.
Toutes les forces des gabonais se retrouve dans le hindji. »
Vieux Ikota, Makokou.
Si cette peau vient à manquer, elle peut être
remplacée par un autre animal tacheté de la même
famille :
« S'il manque hindji, on remplace par mbala,
yobo, lobwa ou ilazi, mais il faut transformer ces peaux en hindji et leur
donner sa force. Ils sont de la même famille, on peut donc utiliser ces
peaux comme hindji, avec la même force. » Vieux Ikota,
Makokou.
Malheureusement, je n'ai pas pu déchiffrer le
mystère de la Genette, ses pouvoirs, la signification des taches etc. La
plupart des gens ordinaires ne connaissent pas non plus les raisons de cette
utilisation quasi exclusive des peaux tachetées. Tout ce qu'ils savent
c'est qu'elles ont un pourvoir magique particulier et très puissant.
C'est pour cela, que je pense qu'il faudrait mener une étude
spécifique et approfondie sur les danses et les temples de
guérison diverses auprès des guérisseurs Nganga.
III Unité des Bakota dans leurs relations à la
faune sauvage
Depuis le début de ce mémoire, nous avons
toujours parlé des Bakota sans faire de distinction entre les
différents sous-groupes Ikota, Mahongwé et Samaye
étudiés. Si j'ai fait ce choix de ne pas constamment les
distinguer, c'est que les données recueillies ont montré une
relative homogénéité dans les relations que ces groupes
entretiennent avec la faune sauvage qui les entoure. En effet, ces trois
groupes ethniques partagent les mêmes croyances ainsi que les mêmes
rites et cérémonies. Aussi, la grande majorité des animaux
cités sont utilisés de la même façon avec les
mêmes pouvoirs, quand ceux-ci en ont un. Les contes, proverbes et chants
de la tradition orale sont quasiment identiques pour la plupart d'entres eux,
et connus par ces trois ethnies. Il en va de même pour les interdits
alimentaires où aucune variante significative n'a été
remarquée. Enfin, la Panthère est, pour tous, l'animal symbole
identitaire, la fierté du peuple Bakota, jusqu'à faire parti de
l'identité profonde de certaines personnes. Aussi, on retrouve le test
du Ngoye dans les cérémonies de circoncision de ces
trois sous-groupes.
Lorsque l'on examine les noms des animaux dans les trois
dialectes, on se rend compte qu'ils sont soit identiques soit extrêmement
proches63(*). La
similitude est particulièrement pertinente entre Samaye et
Mahongwé. Ces deux groupes sont en effet plus proches entres eux, qu'ils
ne le sont avec les Ikota. Cette solidarité est le résultat des
migrations anciennes dues aux guerres tribales car ils ont émigré
ensemble pendant un moment avant de connaître les Ikota (Perrois, 1968,
1970).
Cette unité fait que tous se réclament comme
faisant parti du grand groupe Bakota. Mais, bien qu'il y ait
homogénéité, cela ne veut pas dire que tous mes
interlocuteurs m'ont répondu la même chose. En effet, selon le
lieu de résidence (ville ou village), l'âge, le sexe, la
présence ou non de certaines espèces animales dans la zone et les
connaissances de chacun, les données changent, sans qu'il n'y ait de
véritables liens avec l'appartenance ethnique. Il existe donc une
hétérogénéité individuelle dans les savoirs
et les connaissances de la tradition. Cette
hétérogénéité est interne à chaque
groupe et provoquée, sans doute pour une grande part, par les multiples
changements apparus depuis la colonisation occidentale.
Chapitre 2 : Les Bakota et la
conservation
Pour les Bakota, comme pour tous les peuples forestiers, les
ressources naturelles de la forêt ainsi que celles tirées de
l'agriculture sur brûlis sont à la base de leur survie. Tous les
Bakota que j'ai rencontré, qu'ils soient Ikota, Mahongwé ou
Samaye, m'ont dit la même chose, que la forêt était
très importante pour eux car c'était grâce à elle
qu'ils se nourrissaient et qu'ils se soignaient ; ils utilisent
également ses ressources dans la construction mais aussi, dans leurs
rites et leurs cérémonies.
Hélas, de nombreux dangers pèsent sur cette
forêt et ses ressources et, par ricochet, sur les populations
forestières qui en dépendent. En effet, la situation depuis
l'époque des guerres tribales a fortement évolué. Avec la
colonisation française, puis l'instauration de l'Etat gabonais, toute
l'organisation sociale des Bakota a été bouleversée du
fait de l'instauration d'une hiérarchie bureaucratique et de la
sédentarisation des villages tout au long des routes. La population a
augmenté et le Gabon est rentré dans l'économie de
marché internationale, créant de nouveaux besoins.
De plus, comme nous l'avons expliqué dans
l'introduction de ce mémoire, depuis la crise économique des
années 80-90, la chasse commerciale ne cesse d'augmenter. Elle est
stimulée par le taux de chômage des jeunes hommes très
élevé et la forte demande urbaine en viande de brousse. Cette
surexploitation provoque une diminution de la faune autour des centres urbains,
ce qui pousse les chasseurs (professionnels ou traditionnels) à
s'enfoncer de plus en plus loin en forêt pour trouver du gibier. Ce
phénomène, qui fut concentré pendant un moment autour des
grandes villes, se déplace désormais dans les régions plus
reculées du pays et touche donc les zones de chasse villageoises. Par
ailleurs, les zones isolées qui sont aussi celles où l'on a
instauré les aires protégées, exercent un attrait puissant
sur ces chasseurs.
Tous ces changements ont fortement perturbé les
rapports que les Bakota entretenaient avec leur milieu, et menace
l'équilibre fragile et précaire qui s'était
installé.
Les stratagèmes actuels pour résoudre les
problèmes d'environnement passent par l'intégration des
populations locales aux divers projets de conservation et de
développement durable. La «gestion participative» ou
«cogestion des aires protégées» est une forme de
partenariat permettant aux différents acteurs impliqués dans la
sauvegarde de la nature de se partager les fonctions, les droits et les
responsabilités à la gestion d'un territoire ou d'une gamme de
ressources jouissant d'un statut de protection. Ce concept est né des
échecs du passé sur la politique de conservation de la faune et
de la flore des pays en voie de développement, basée sur la
protection intégrale. Selon cette conception, la gestion des
écosystèmes du bassin du Congo ne peut être durable que si
elle se fait dans le cadre d'un partenariat impliquant toutes les parties
prenantes, en particulier les populations locales afin qu'elles contribuent
à la sauvegarde d'un environnement qui constitue aussi leur capital.
Aussi, dans les lignes qui suivent, nous allons essayer de
lister et d'analyser ce qui, dans ce mémoire, peut servir positivement
à la conservation et d'identifier qu'elles peuvent en être les
limites et les obstacles.
I Gestion coutumière de la faune sauvage et ses
limites
La prise en compte des populations locales dans les projets
doit passer par la connaissance et la mise en valeur des systèmes de
gestion traditionnelle. Essayons donc de voir, ce qui, chez celle des Bakota
peut être directement utilisable dans le cadre des aires
protégées.
I.1 Les Interdits alimentaires
Les aspects symboliques de la consommation du gibier sont
intéressants ; bien que leur influence sur la consommation de la
viande de brousse soit relativement limitée, ils peuvent contribuer
à sa consommation, comme ils peuvent aussi la limiter. Ce symbolisme,
gouverné par un code strict de représentation
« totémique » (objet naturel, spécialement
des animaux, auxquels des familles ou des clans attribuent leurs origines, ou,
en tout cas qui les lient à l'animal en question) et des
« tabous » (interdits sociaux ou religieux),
régularise traditionnellement la chasse en limitant le nombre de
consommateurs potentiels (Angoue et al, 2000).
Les interdits alimentaires peuvent donc être une source
de restriction de la pression de chasse sur certaines espèces dans des
lieux bien circoncis. De plus, parmi les espèces les plus
communément concernées par les interdits, certaines sont sur la
liste des animaux protégés du Gabon. C'est le cas, notamment, de
la Panthère, de l'Oryctérope, du Bongo et du Chat doré,
avec une mention spéciale pour l'Eléphant qui semble devenir
interdit à la consommation pour la plupart des initiés.
Toutefois, ces interdits alimentaires ne s'étendent pas
forcément à l'interdit de chasse. En effet, le fait de ne pas
pouvoir manger un animal, ne signifie pas qu'on ne puisse pas le tuer.
L'appât du gain fait que si un chasseur a la possibilité d'abattre
un animal qui lui est interdit à la consommation, il va tout de
même saisir l'opportunité afin de revendre ou d'échanger la
viande à d'autres qui peuvent la manger. Si l'on ajoute à cela la
disparition progressive de ces interdits alimentaires, mise à jour par
les enquêtes sur les préférences alimentaires, nous pouvons
douter de la pertinence contemporaine de ce facteur pour les programmes de
conservation.
I.2 Mobilité de l'habitat et rotation des zones de
chasse
Une autre manière pour les villageois de réguler
les espèces animales était la rotation des terrains de chasse.
Tout comme la pratique de l'assolement après l'agriculture sur
brûlis, les terrains de chasse épuisés étaient
abandonnés pendant plusieurs années ce qui permettait aux animaux
de revenir dans la zone et d'avoir le temps de se reproduire et d'augmenter
leurs effectifs.
L'abandon de ces zones de chasse pouvait aussi être
involontaire lors de conflits, nombreux jusqu'au début du XXe
siècle, qui opposaient soit des tribus différentes, soit des
clans ou des familles. Selon Louis Perrois, ces migrations étaient assez
fréquentes, tous les 3 à 5 ans (Perrois, 1970).
Aujourd'hui, avec la sédentarisation de la population
le long des routes, cette mobilité est pratiquement condamnée. De
plus, la création de nouveaux parcs et l'octroi de zones de
forêts aux nombreuses compagnies forestières, réduisent
fortement les zones de chasse villageoises. Cette situation ne permet plus des
rotations fréquentes comme avant ce qui épuise la ressource et
pousse les chasseurs à s'enfoncer de plus en loin en forêt y
compris dans des zones interdites. De plus, l'augmentation de
l'accessibilité de la brousse, par le développement des
réseaux de pistes, ouvre les meilleurs territoires de chasse à un
plus grand nombre de chasseurs extérieurs au terroir qui adoptent, de ce
fait, des comportements moins responsables. Il faudrait recréer - ou
préserver lorsqu'elles persistent - des zones de chasse villageoises en
prenant en compte les limites et les règles foncières
coutumières (Grenand et Joiris, 2000 ; Jeanmart, 1998).
I.3 Les restrictions de chasse
I.3.1 Les lieux interdits
Contrairement à de nombreuses populations
forestières, les Bakota n'ont pas (ou en tout cas, non plus) de
réelles croyances sur des Esprits qui contrôleraient tous les
êtres vivants de la forêt. Il n'y a pas d'Esprit maître des
ressources sauvages à qui l'on doit rendre des comptes et les chasseurs
ne craignent pas que l'esprit d'un animal vienne les tourmenter pendant leur
sommeil.
Il semble qu'auparavant, il y avait plus d'Esprits qui
gardaient certains lieux de la forêt principalement dans les grottes et
dans certains points d'eau, où les chasseurs craignaient d'aller.
Aujourd'hui, la seule forêt « tabou » est celle de
mangazima lipépa aux alentours du village de Malassa, vers
Mékambo, où vit l'esprit Engumba. Selon les histoires
véhiculées par la tradition orale, l'esprit aurait
été, au départ, un chasseur qui se serait perdu dans cette
forêt puis, il se serait transformé en une sorte d'animal
sauvage64(*) (Perrois,
1968). Depuis, il est dit que si un chasseur pénètre dans cette
forêt, il s'y perdra pour toujours.
Cette croyance est encore présente chez les Bakota que
j'ai rencontrés, mais ma zone d'étude étant un peu
éloignée de cette forêt, je ne sais si les chasseurs de la
région de Mékambo évitent réellement, à
l'heure actuelle, de la fréquenter. Mais si c'est le cas, il pourrait
être intéressant de voir s'il n'est pas possible de faire de cette
forêt une réserve de faune qui pourrait être
rattachée au parc national de Mwagne.
I.3.2 Restriction de la ponction lors de la
chasse
La croyance aux esprits ou aux forces vitales surnaturelles,
fait que leurs manifestations sont considérées comme la preuve
d'une perturbation de l'Univers. Pour éviter que les conséquences
ne soient désastreuses pour l'Homme, a fortiori s'il en est la cause, il
lui faut rétablir l'équilibre en rassurant l'esprit par des
cérémonies appropriées. La chasse est une action humaine
qui rompt l'harmonie de l'univers, c'est pourquoi, autrefois, elle
s'accompagnait très souvent de rites de protection pour le chasseur mais
aussi destinés à s'octroyer les bonnes faveurs des esprits ou
à les apaiser (Chardonnet et al, 1995).
Il en était de même chez les Bakota qui, avant de
partir à la chasse, faisaient des médicaments pour se
protéger des esprits et des mauvais sorts, et ils faisaient
également des offrandes aux Ancêtres. Avant les grandes chasses,
le chef allait derrière la maison pour sacrifier une poule sur le
crâne d'un ancêtre. Puis, il criait 1, 2, 3 fois et si un oiseau,
un animal ou un arbre répondait, cela voulait dire que la chasse allait
être bonne.
La plupart du temps, la chasse se pratiquait (et se pratique
toujours) seule ou avec quelques membres restreints de la famille. Toutefois,
deux personnes m'ont tout de même parlé de la présence,
autrefois, d'un maître de brousse qui organisait les chasses collectives
et décidait du nombre maximum de gibiers à abattre.
« Avant, quand on partait dans un campement pour
faire la chasse au filet, on appelait le Ganga
Wébwéma (le maître de brousse) qui
préparait les médicaments et les sacrifices, c'est lui qui
organisait et préparait tout. C'est lui aussi qui décidait du
nombre de prises maximum qu'on pouvait tuer » Vieux
Mahongwé, Bangadi
« Le Ganga Wébwéma, prépare
les médicaments et évoque les esprits. C'est lui qui
décide où on va placer les filets et combien de gibier on peut
chasser pour ne pas fâcher les esprits » Chef de Canton,
Mahongwé, Zadindoué
Contrairement à beaucoup d'autres peuples de chasseurs,
les Bakota que j'ai rencontrés ne m'ont pas parlé d'esprit
« maître des animaux » qui serait en charge du
cheptel sauvage et de sa distribution aux hommes. Ce rôle est celui des
Ancêtres et c'est à eux que vont les prières et les
offrandes, pour que la chasse soit bonne et qu'elle se déroule sans
encombre. La crainte des représailles du monde invisible poussait au
respect du gibier et à limiter la ponction à ses stricts besoins
de subsistance.
Ces chasses collectives étaient pratiquées lors
de périodes de disette et avant les grandes cérémonies de
circoncision, car elles permettaient la capture d'un grand nombre de gibiers en
peu de temps.
Mais ces pratiques de chasse et ces croyances aux esprits et
aux ancêtres ont été abandonné depuis l'intrusion du
fusil « moderne » et surtout, depuis Zoaka et son culte
Mademoiselle. Aujourd'hui, la chasse est une activité
très individualiste et visant à maximiser les captures ;
plus aucune autorité coutumière ne peut fixer des limites
à la prédation, ce rôle étant endossé par les
agents des Eaux et Forêts et ceux du WWF ou WCS.
I.4 Les « vampireux » et leur
jalousie
Un autre point positif pour la conservation se situe au niveau
des croyances aux sorciers « vampireux » et de leur
jalousie. En effet, pour un Bakota le malheur ne frappe jamais par hasard, il a
toujours une cause mystique. Par exemple, si, en forêt, un homme meurt ou
se fait charger par un animal, c'est qu'une personne lui a lancé un
mauvais sort depuis le village.
Ce sort peut venir d'un sorcier vampireux qui
agit par jalousie si un chasseur tue beaucoup de gibiers et qu'il ne le partage
pas avec les autres villageois. Il en est de même pour les femmes qui
pêchent beaucoup de gros poissons. Les vampireux n'aiment pas
qu'une personne sorte du commun, ils n'aiment pas les réussites trop
voyantes et exubérantes.
C'est donc eux qui sont actuellement les derniers garants
d'une limitation de la ponction des ressources en faune car pour éviter
la jalousie du vampire, il faut soit se limiter dans
la prédation, soit partager avec les
autres membres de sa famille ou même des autres villageois. Tout
comportement individualiste est fortement réprimandé par
l'ensemble de la communauté.
Bien sûr, comme me l'on souvent dit mes interlocuteurs,
si un chasseur ne souhaite pas partager, il va ruser et cacher le
« surplus » de gibier avant d'arriver au village :
« Pour éviter le Vampire, si on a fait une bonne chasse et
qu'on ne veut pas partager, on cache (le gibier) dans un endroit et on
le dit à notre femme pour qu'elle aille le récupérer et le
préparer discrètement. ». Le chasseur peut aussi
dissimuler son gibier afin de le vendre aux passants sur le bord de la route,
en cachette des gens du village.
Mais ce comportement ne peut être
répété indéfiniment sans que la communauté
ne s'en aperçoive ; ainsi, seulement un nombre restreint de gibier
peut être caché.
Étant donné la faible fertilité des sols
de forêt dense humide en Afrique et la faible productivité de
la forêt tropicale en général, le mode de
vie traditionnel des chasseurs-cueilleurs et des agriculteurs n'est viable que
dans une situation de stabilité écologique, de faible
densité de populations humaines et de prélèvements des
ressources naturelles axés uniquement sur la consommation locale. Mais,
toutes ces transformations ont rendu obsolète les gestions
traditionnelles des ressources naturelles. Pourtant, en les valorisant, elles
pourraient s'intégrer dans la conservation de l'environnement, car
certains termes, comme zones mises en repos ou
lieux interdits « parlent » à
la conscience Bakota.
II Utilisations des connaissances empiriques dans la
conservation
Dans le chapitre précédent, nous avons
remarqué que les connaissances biologiques et éthologiques des
Bakota sur les animaux de la forêt restent, dans l'ensemble, assez
complètes. Elles constituent un autre point positif pour la conservation
car elles peuvent servir à la compréhension d'éventuels
plans de gestion de la faune dans la région. C'est pourquoi, elles
doivent impérativement être prises en compte par les biologistes.
Bien sûr, à l'inverse, si ces connaissances se perdent, leur
disparition constituera un frein pour ces projets.
Il faut donc valoriser ces connaissances et les
intégrer en particulier dans les programmes scolaires. En effet, les
savoirs culturels traditionnels, non enseignés dans l'école
classique, peuvent être transmis aux élèves en s'appuyant
sur les anciens. Il peut s'agir de la langue maternelle et donc de la tradition
orale ainsi que de l'histoire des communautés. Il peut s'agir de
surcroît des savoirs taxonomiques, méthodologiques ou manuels
concernant le milieu naturel et, par ricochet, de toute une panoplie de savoirs
techniques sur la chasse, la pêche, la cueillette etc. Cela permettra
à la fois de fixer la jeunesse dans les villages et de renouer le
dialogue entre les générations (F. Grenand, 2000).
Les savoirs éthologiques et biologiques sur la faune
peuvent également être mis en valeur et utilisés dans des
projets de développement durable. Les chasseurs sont souvent les
premières personnes convoitées par les programmes de tourisme de
vision ou de chasse sportive, en servant de guide ou de pisteurs.
III Les préoccupations des Bakota sur le devenir de
leur forêt
Comme nous l'avons souvent répété, les
Bakota restent, pour la plus grande majorité, presque entièrement
dépendant des ressources de la forêt. Aussi, les craintes qu'ils
formulent au sujet du devenir de leur forêt montrent en fait, les
préoccupations qu'ils ont sur leur propre futur.
Pour eux, les deux principaux facteurs de la disparition des
animaux sont la chasse au fusil et les exploitations forestières. Ils
sont tout à fait conscients des répercussions que ces
activités engendrent pour eux, comme me l'expliquait le chef de quartier
Bordeaux à Makokou :
« Ce qui fait fuir les animaux ? C'est le
fusil et les engins des forestiers. Il y a trop de chasseurs, ils sont
obligés d'aller jusqu'à Bélinga. Ici, autour de Makokou,
il n'y a quasiment plus d'animaux et c'est interdit de chasser la nuit car
c'est devenu trop dangereux, les gens se tirent dessus, il y a eu beaucoup
d'accidents. »
Ce sont à peu près les mêmes remarques qui
sont faites au niveau des villages forestiers :
« Avant, il y avait beaucoup d'animaux autour
des villages, mais maintenant on a les fusils donc ils ont fuit. »
Vieux Ikota, Mbondou
Avec cette « pénurie » de gibier
autour des villes et des villages de la région, il n'est pas
étonnant que la réserve d'Ipassa et le parc de l'Ivindo soient
fortement convoités par les chasseurs qu'ils soient professionnels ou
non. C'est ce que me disait l'un de mes interlocuteurs à Makokou :
«Tous les animaux que je vous cite ne sont plus ici.
Ils sont partis à cause des chasseurs (chasse de nuit) et des
forestiers. Il faut faire plus de 2 ou 3 km pour les trouver. Y a qu'à
Ipassa où on peut les trouver mais c'est une réserve, donc on
peut pas aller chasser là-bas. »
Ainsi, les quelques jeunes chasseurs sur Makokou que j'ai
rencontré ont plus ou moins avoué que parfois ils
pénétraient dans la réserve pour aller chasser, bien
qu'ils sachent les risques qu'ils encourent.
Certains ont également la crainte de voir
disparaître toute la forêt : « Ici, si ça
continue, ça va devenir comme un désert car ils détruisent
tous les arbres. ». Ils craignent aussi que les animaux
reviennent un jour se venger :
« Les animaux disparaissent à cause des
braconniers et des forestiers. Mais, un jour, tous les animaux vont revenir
pour manger nos plantations derrières les maisons car les forestiers
leur enlèvent toute leur nourriture en forêt. »
Vieux de Makokou.
Ces craintes se retrouvent chez d'autres peuples de chasseurs
dont les coutumes ont été perturbées par l'invasion
coloniale et l'intrusion du fusil moderne. Les australiens Unambal ont
interprété les violations des terres interdites et les massacres
pur et simple des animaux, nullement justifiés par des besoins
alimentaires ni disciplinés par des règles, comme l'annonce de
l'apocalypse, la fin du monde (Massenzi, 1999).
Malgré ce constat fait par la population Bakota sur les
dangers menaçant les ressources naturelles de leur région, il n'y
a pas de réel changement dans leurs pratiques. Car ceux qui
pâtissent des inconvénients de cet appauvrissement, en font le
constat, mais se contentent d'y remédier de la façon la plus
simple possible : aller plus loin chercher le gibier là où
il se trouve. Cette poursuite dans la voie d'une chasse «
opportuniste » mais aussi extrêmement passive, entraîne
la surexploitation de la faune sauvage, ce qui risque non seulement de conduire
à l'extinction au niveau local de certaines espèces, mais de
rendre les conditions de vie des populations encore plus dures, et de
compromettre fortement le développement socio-économique de la
région.
Toutefois, peuvent-ils faire autrement ? Et si oui,
comment les aider ? Le fait que les Bakota se sentent eux-mêmes en
danger face à la disparition de la forêt et de ses ressources est,
il me semble, un facteur très positif pouvant les amener à
réfléchir sur ces problèmes et à y apporter leurs
propres solutions. Car, comme le pense Vanwijnsberghe (1996), il semble
dangereux de leur proposer une solution « toute faite »
sortie des plus beaux manuels qui, en cas d'échec risque
d'entraîner chez une population déçue, une franche
opposition pour tout ce qui est conservation de la nature. C'est parfois le
cas, dans la zone d'étude, ce qui provoque des conflits entre les agents
de la conservation (WWF, WCS, Service des Eaux et Forêts) et la
population locale.
Evidemment, tout ceci ne pourra se faire sans le soutien
financier et logistique des grandes ONG, des gouvernements nationaux et des
instances internationales. Toutefois, il ne faudrait pas non plus tomber dans
l'utopie du « bon sauvage », seul capable de vivre en
harmonie avec la nature et de la respecter...
IV Une limite de la gestion
« participative » : la gestion inconsciente des
ressources fauniques
Depuis que les agences de conservation ont inscrit la gestion
participative et le développement intégré à leur
agenda, c'est-à-dire depuis le début des années 80, la
plupart des projets ont adopté une perspective participative. Cette
approche remet en cause les préceptes de la période
conservationniste précédente en s'appuyant sur les populations
locales et sur la recherche de solutions socio-économiques pour
résoudre les problèmes écologiques. Mais, comme toute
nouvelle approche, elle n'est pas parfaite. Joiris (2000), dans son article
La gestion participative et le développement intégré
des aires protégées, fait une bonne synthèse sur la
faisabilité de cette approche dans le domaine de la conservation. Pour
ma part, je ne vais insister que sur les dangers liés à une
attente trop grande et parfois utopiste des gestions traditionnelles.
Tout d'abord, les gestions traditionnelles que nous venons
d'examiner, permettent sans doute de limiter la ponction des ressources
fauniques et donc favorise la reconstitution des stocks, mais ceci est fait
sans qu'il y ait de but « conscient » de la part des
populations étudiées. Car, lorsque je demandais à mes
interlocuteurs s'il existait des règles de gestion coutumières
liées à la chasse, la réponse était toujours
négative :
« Avant, il n'y avait pas d'interdits pour la
chasse, on chassait tout ce qu'on pouvait. Aujourd'hui, c'est les Eaux et
Forêts qui ont mis des interdits. » Vieux Ikota,
Mbondou
Comme nous venons de le voir plus haut, que la chasse soit
pratiquée seule ou qu'elle soit collective, toutes les proies
étaient bonnes à capturer, y compris les femelles en gestation ou
les bébés. Bien sûr, à l'époque
précoloniale, la chasse centrée sur la subsistance ne causait pas
de gros dégâts sur l'effectif global des différentes
espèces de faune qui se reconstituait à moyen ou long terme
grâce :
1) à la faible densité de population
2) à des techniques de chasse et des armes
traditionnelles moins performantes qu'à l'heure actuelle limitant une
ponction trop rapide de la ressource
3) à leur mobilité limitant l'épuisement
des ressources naturelles aux alentours du village.
Grâces à ces règles simples, les chasseurs
et leurs familles trouvaient toujours du gibier en abondance. Il leur
était ainsi très difficile de concevoir qu'une espèce
puisse être mise en danger de disparition à cause de la chasse.
Encore aujourd'hui, certaines personnes ont la conviction que les ressources de
la forêt sont inépuisables et que si, à un endroit, on ne
récolte plus de gibier, c'est que les animaux sont soit devenus malins
et qu'ils évitent les pièges, soit qu'ils ont fuit ailleurs, un
peu plus loin.
Cette vision de profusion des ressources naturelles
conjuguées à des pratiques de chasse adaptées au contexte
social, a empêché ces populations d'instaurer des règles
strictes et « conscientes » de protection et de gestion des
animaux de la forêt, telles que les conçoivent les Occidentaux
contemporains.
En effet, les recherches scientifiques en archéologie
ont démontré que, depuis toujours, la plupart des extinctions
d'espèces animales (mais aussi végétales) sur la
planète sont corrélées avec l'arrivée de l'Homme
sur les territoires en question. L'homme a donc depuis toujours, une certaine
propension à détruire qui l'entraîne inexorablement
à sa perte, à plus ou moins brève échéance.
Mais, lorsque qu'il se sent physiquement en danger, il met en place des
règles de gestions des ressources en créant des lieux interdits
et en limitant la ponction. Moins il y a de ressources et plus les
règles sont strictes et conscientes.
Chaque peuple a trouvé des solutions adaptées
à son mode de vie et à son milieu. Aujourd'hui, le défit
de l'être humain est d'établir de nouvelles règles de
gestion qui soient adaptées au nouveau contexte local et
international ; chose, il est vrai difficile dans un monde en
perpétuelle mutation, où tout va de plus en plus vite et dont les
conséquences de nos actions nous paraissent de moins en moins
contrôlables...
Il ne faut donc pas miser uniquement sur la gestion
traditionnelle des ressources naturelles, puisqu'elles ne sont plus
guère adaptées au contexte global actuel ; cela serait
dangereux et fortement néfaste pour le bon fonctionnement des futurs
projets de conservation et surtout pour le devenir des populations locales.
En conclusion de ce chapitre, il est évident que la
modernisation, au sens large du terme, est un des principaux facteurs de
dégradation du milieu naturel en particulier de la faune sauvage.
L'un des faits les plus marquants de ce modernisme
est sans doute l'abandon, plus ou moins net et avancé, des traditions
cynégétiques qui tenaient lieu de mode de gestion. Nous l'avons
vu, la chasse commerciale a pris le pas sur la chasse de stricte subsistance,
car même les chasseurs villageois vendent aujourd'hui la majeure partie
de leur gibier.
L'apparition des armes à feu modernes a
contribué à diminuer la crainte et le respect du chasseur
traditionnel pour le grand gibier. En augmentant considérablement
l'efficacité de la chasse65(*), à laquelle s'ajoute la
nécessité de rentabiliser le coût des munitions, elles
faussent le processus traditionnel de choix du gibier et accentuent la pression
de chasse sur les espèces les plus prisées,
généralement celles considérées comme les plus
rentables économiquement.
Les chasseurs extérieurs, le plus souvent venant des
centres urbains, ont fortement perturbé la régulation
traditionnelle. Tout d'abord, par leur ignorance de l'éthologie et de
l'abondance des espèces et ensuite par leur non respect des liens
cosmologiques qui unissent les populations locales aux animaux sauvages. En
retour, leur modèle productiviste a fortement influencé les
chasseurs locaux.
De plus, la vision de l'univers comme un tout vivant naturel
et surnaturel, n'est plus partagée par l'ensemble de la
communauté Bakota. Aujourd'hui, les jeunes scolarisés affichent
un certain scepticisme envers ces croyances : ceci explique, entre autre,
l'abandon progressif des interdits alimentaires.
Toutefois, certains de leurs comportements ou certains propos
contradictoires laissent pourtant supposer que les idées venues de
l'extérieur se superposent aux schémas culturels
préexistants. Il n'en reste pas moins l'abandon rapide ou insidieux des
us et coutumes cynégétiques, des cérémonies, des
interdits alimentaires etc. contribue à la perte du respect du gibier.
La rupture du lien fondamental entre les hommes et les animaux aura sans doute,
si l'on n'y prend garde, des conséquences extrêmement dramatiques
pour des populations forestières telles que les Bakota.
Conclusion
Pour conclure ce mémoire, reprenons, tout d'abord, les
questionnements que nous nous posions au début de cette recherche. Tout
d'abord, nous avons vu que les Bakota entretiennent toujours, à l'heure
actuelle, des relations autres qu'alimentaires et économiques avec la
faune sauvage. En effet, même si ces pratiques tendent à
disparaître petit à petit, les animaux sont utilisés dans
de nombreux domaines de la vie des Bakota, et singulièrement dans le
domaine magico-religieux où la présence des animaux est
flagrante, en particulier dans les rites et les cérémonies.
Les utilisations que font les Bakota de la faune et les
relations qu'ils entretiennent avec elle, sont similaires à la plupart
des peuples Bantous du bassin du Congo (Chardonnet et al, 1995 ; Ichikawa,
1996 ; Lahm, 1996 ; Tchatat, 1999 ; Vanwijnsberghe, 1996). On
retrouve, grosso modo, les mêmes interdits alimentaires au sujet des
animaux tachetés, des carnivores, du Céphalophe à front
noir ou de l'Antilope de Bates. Il en va de même pour les
caractéristiques magiques de certains animaux comme l'Oryctérope,
le Bongo et la Genette servaline.
La présence des animaux dans la littérature
orale est statistiquement plus abondante chez les Bakota que chez les autres
ethnies, mais ils partagent tous de nombreux contes en commun.
Alors, qu'est ce qui uni plus particulièrement les
Bakota entres eux ? Et bien, nous l'avons vu, il s'agit de la
Panthère, car tous les Bakota s'identifient à cet animal, qu'ils
l'aient en eux ou pas. En effet, depuis les guerres tribales, la
Panthère est devenue l'animal symbole identitaire de tous les
sous-groupes Kota, une sorte de Totem ethnique et non clanique. C'est
aussi pourquoi, bien que la circoncision soit pratiquée chez tous les
peuples Bantous, le test du Ngoye n'est présent que chez les
Bakota.
Par contre, la Panthère n'est quasiment pas
utilisée et, malgré la disparition progressive des interdits
alimentaires, elle reste encore très peu consommée. Elle n'a pas
non plus d'importance dans les pratiques magico-religieuses. Là,
l'animal qui domine est la Genette servaline qui possède des pouvoirs
magiques très puissants. Elle est indispensable car c'est elle qui est
le lien entre le monde invisible des Ancêtres et celui visible des
Hommes. C'est également le cas pour les autres peuples du Gabon et du
bassin du Congo en général. Si elle vient à manquer, elle
peut être remplacée par d'autres animaux tachetés de la
même famille, après que la peau de l'animal de substitution ait
subit une préparation spécifique. En définitive, les
animaux tachetés ont un rôle et une importance particulière
chez les Bakota, mais il s'agit de variantes appartenant à un fond
culturel aux peuples forestiers de cette région du globe.
Mais, pour mieux comprendre le rôle de ces animaux et la
signification de leurs taches, une étude approfondie est
nécessaire ; elle doit être menée auprès des
spécialistes que sont les guérisseurs Nganga. Pour cela,
l'idéal serait d'être soi-même initié à ces
pratiques et aux différentes « danses » (en faisant
attention de ne pas perdre l'objectivité du chercheur), et d'avoir une
bonne maîtrise de la langue pour surmonter les obstacles liés
à la présence d'un interprète.
Cette étude est aussi un aperçu
général sur les relations socioculturelles que les
différents groupes Kota, situé dans la région de Makokou,
entretiennent avec la faune sauvage. Aussi, les divers domaines cités
(pharmacopée, interdits alimentaires, traditions orales, rites et
cérémonies etc.) peuvent tous faire l'objet d'études plus
approfondies qui permettront à la fois une meilleure
compréhension de ces relations et donc de la culture Kota, mais aussi
une comparaison plus objective et exhaustive entre les différents
sous-groupes.
En ce qui concerne l'utilisation de ces données sur les
interrelations socioculturelles entre les Bakota et la faune sauvage, nous
avons vu qu'elles peuvent s'appliquer - au moins en partie - dans
différents domaines de la conservation de l'environnement et du
développement durable. Les gestions traditionnelles peuvent servir de
base à de nouveaux plans de gestion de la faune ; les connaissances
empiriques sur l'éthologie et la biologie des animaux peuvent servir
dans les programmes de tourisme de vision et de chasse sportive enfin, les
traditions orales et les savoirs traditionnels peuvent servir dans la
sensibilisation et l'éducation.
Mais si le débat est toujours d'actualité, nous
savons que conservation et exploitation sont intimement
liées et nécessitent l'une comme l'autre de s'assurer que
l'effectif minimal des animaux, nécessaire à une reproduction
dynamique et au maintien des populations, soit atteint. Il faut
également que les différents programmes de conservation de
l'environnement prennent réellement en compte les besoins des
populations locales, et que leur développement et leur bien-être
deviennent une priorité. Pour cela, de gros efforts sont encore à
faire car c'est toujours la vision ethnocentrique de la conservation qui
domine.
L'un des principaux défis adressé à la
gestion des ressources naturelles à travers tout le bassin du Congo est
le rétablissement de systèmes d'utilisation des ressources dans
lesquels les populations locales conservent le contrôle de l'utilisation
des terres sur base d'une éthique d'autorégulation afin de
préserver les ressources qui leur sont nécessaires.
Bien que la prise en compte des populations locales soit
nécessaire dans tout programme de conservation et de
développement durable, il ne faut toutefois pas tomber dans l'utopie du
« bon sauvage » respectant la Nature et vivant en parfaite
harmonie avec Elle.
En effet, les pays du bassin du Congo doivent refonder une
nouvelle alliance entre l'Homme et la nature et mettre en oeuvre des politiques
de conservation dignes de ce nom. Mais, il est irresponsable de
prétendre arriver à ce résultat par la seule gestion
participative, idéalisée par beaucoup. L'implication de
dirigeants énergiques, avec une conscience environnementale forte, est
une condition nécessaire à la réussite de la gestion en
partenariat, tout comme la mise à contribution de tous les
acteurs : ceux-ci, dont les ONG, devront monter en puissance, sous la
houlette de tels dirigeants.
Ce choix n'est pas le plus facile. Mais il est de loin le plus
porteur d'espoir pour l'avenir dans le contexte actuel. L'impulsion politique
doit venir des leaders, la construction pratique ne peut venir que de la base,
de la société elle-même.
Fin
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http://www.monde-diplomatique.fr/2000/11/ZECCHINI/14518
Table des Matières
Sommaire.....................................................................................................................p1
Résumé.......................................................................................................................p3
Remerciements...............................................................................................................p4
Liste des
abréviations.......................................................................................................p5
Phonétique....................................................................................................................p5
Introduction................................................................................................................p6
Contexte
scientifique..............................................................................................p8
Problématique....................................................................................................p15
Méthodologie.................................. ..................................................................p17
Partie 1 : Présentation de la zone
d'étude et cadres généraux de la vie
Bakota.................p22
Chap. 1 : Le contexte
local............................................................................................p23
I Généralités sur le
Gabon...............................................................................................p23
I.1 Localisation, hydrologie, topologie et
climat............................................................p23
I.2
Population....................................................................................................p24
I.3
Economie.....................................................................................................p25
I.4 Diversité biologique et Parc du
Gabon...................................................................p31
I.5 Cadre législatif et
institutionnel...........................................................................p29
II Généralités sur la région de
Makokou...............................................................................p30
II.1 Localisation, hydrologie et
climat........................................................................p30
II.2
Population...................................................................................................p31
II.3 Diversité biologique et
conservation.....................................................................p31
II.3.1 La flore et la
faune..............................................................................p31
II.3.2 Le parc national de l'Ivindo, la réserve
intégrale d'Ipassa et la station de recherche.p31
II.4 Activités
économiques....................................................................................p32
Chap. 2 : Les cadres généraux de la
vie
Bakota..................................................................p34
I Le Pays
Bakota..........................................................................................................p34
I.1 Le milieu
naturel.............................................................................................p34
I.2
Population....................................................................................................p34
II Vie quotidienne et culture
matérielle................................................................................p36
II.1 La vie au
village............................................................................................p36
II.2 Une économie de
subsistance.............................................................................p36
II.2.1 Calendrier des
activités....................................................................... .p36
II.2.2
L'agriculture....................................................................................p37
II.2.3
L'élevage........................................................................................p37
II.2.4 La
chasse.........................................................................................p37
II.2.5 La
pêche.........................................................................................p38
II.2.6 La
cueillette.....................................................................................p38
III Vie sociale et organisation
familiale...............................................................................p39
III.1 La parenté et le
mariage.................................................................................p39
III.2 Les confréries
initiatiques...............................................................................p39
IV Les croyances
mystiques..............................................................................................p40
IV.1 Zambé, le divin
civilisateur !.............................................................................p40
IV.2 Sorcellerie et
divins-guérisseurs..........................................................................p41
IV.3 Esprit, es-tu
là ?.........................................................................................p42
IV.4 Les nouvelles
religions.................................................................................p42
Partie 2 : Interrelations entre la faune sauvage
et les Bakota.....................................p43
Chap. 1 : Utilisations de la faune
sauvage........................................................................p44
I La pharmacopée
traditionnelle.........................................................................................p44
I.1 Les maladies physiques ou
« classiques »................................................................p44
I.2 Les maladies
psychosomatiques...........................................................................p46
I.3 Les sortilèges et les
protections............................................................................p46
II Les animaux dans les Rites et les
Cérémonies......................................................................p49
II.1 La cérémonie de circoncision
Satchi.....................................................................p49
II.1.1 Les chants et les
danses........................................................................p49
II.1.2 Le test de la
panthère...........................................................................p50
II.2 Les initiations et les temples de guérisons :
omniprésence de la genette...........................p52
II.3 La naissance des
jumeaux.................................................................................p52
III
L'artisanat..............................................................................................................p53
IV La
domestication......................................................................................................p54
V Les animaux dans la tradition
orale..................................................................................p55
V.1 La tradition orale
africaine................................................................................p55
V.2 Les
contes...................................................................................................p56
V.2.1 Des mythes, des légendes ou des
contes ?...................................................p56
V.2.2 Quelques contes
Bakota.......................................................................p57
V.3 Proverbes
d'animaux.......................................................................................p66
V.3.1
Définition........................................................................................p66
V.3.2 Quelques proverbes
Bakota...................................................................p66
V.4 Nomination des lieux et des
plantes.....................................................................p70
V.5 Les chants
traditionnels....................................................................................p71
Chap. 2 : Les Interdits
alimentaires.................................................................................p73
I Listes des
interdits.......................................................................................................p73
I.1 Les interdits selon le
sexe..................................................................................p73
I.1.1 Les
femmes.......................................................................................p73
I.1.2 Les
hommes......................................................................................p73
I.2 Les interdits
claniques.......................................................................................p73
I.3 Les interdits acquis au cours de la
vie....................................................................p74
I.3.1 Les
jumeaux......................................................................................p74
I.3.2 Les
initiés.........................................................................................p75
I.3.3 Les
médicaments.................................................................................p75
I.4 Les interdits
temporaires....................................................................................p75
I.4.1 Les femmes
enceintes...........................................................................p75
I.4.2 Les enfants non
circoncis.......................................................................p75
II Ruptures
d'interdits....................................................................................................p76
Partie 3 : Analyse des données et
discussion.............................................................p80
Chap. 1 : Conception et représentations de la
faune
sauvage....................................................p81
I Ce que révèlent les
contes..............................................................................................p81
I.1 Représentations des animaux
sauvages...................................................................p81
I.1.1 Le statut de
l'animal.............................................................................p81
I.1.2 Les nuisibles et les
dangereux..................................................................p82
I.1.3 Les animaux dotés d'un pouvoir
magique....................................................p84
I.1.4 Ambivalence des
caractéristiques..............................................................p84
I.2 Connaissance empirique sur la
faune.....................................................................p85
I.3 Classification locale de la faune
sauvage.................................................................p87
I.4 Vie quotidienne et éthiques
sociale........................................................................p88
I.4.1 Evènements importants dans la vie d'un
Bakota............................................p88
I.4.2 L'éthique
sociale.................................................................................p89
II La place à part des animaux
tachetés................................................................................p89
II.1 Le symbolisme du
Ngoye.................................................................................p89
II.2 Le mysticisme de
Hindji...................................................................................p91
III Unité des Bakota dans leurs relations à la
faune sauvage........................................................p93
Chap. 2 : Les Bakota et la
Conservation...........................................................................p94
I Gestion coutumière de la faune sauvage et ses
limites.............................................................p95
I.1 Les interdits
alimentaires...................................................................................p95
I.2 Mobilité de l'habitat et rotation des zones de
chasse...................................................p95
I.3 Les restrictions de
chasse...................................................................................p96
I.3.1 Les lieux
interdits................................................................................p96
I.3.2 Restriction de la ponction lors de la
chasse..................................................p96
I.4 Les « vampireux » et leur
jalousie........................................................................p97
II Utilisation des connaissances empiriques dans la
conservation.................................................p98
III Les préoccupations des Bakota sur le devenir de leur
forêt......................................................p98
IV Une limite à la gestion
« participative » : la gestion inconsciente des
ressources fauniques..............p100
Conclusion..............................................................................................................p103
Bibliographie..........................................................................................................p105
Liste des
figures........................................................................................................p113
Liste des
photographies...............................................................................................p113
Liste des
tableaux......................................................................................................p114
Planches photos
Village et cases
Bakota..................................................................................................p
I
Gibier en vente sur le bord des
routes.................................................................................p
II
Utilisations des animaux
sauvages....................................................................................p
III
Domestication des
primates............................................................................................p
IV
Annexes
Annexe 1 : Liste des interlocuteurs
Annexe 2 : Tableau de la faune sauvage en noms
vernaculaires
Annexe 3 : Questionnaire
Annexe 4 : La station d'Ipassa-Makokou
Annexe 5 : Listes des animaux protégés du
Gabon
Annexe 6 : Zoologie sur les carnivores tachetés
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Le réseau de
parcs nationaux dans le Nord du
Gabon........................................p6
Figure 2 : Distribution des
langues
Bantoues..............................................................p24
Figure 3 : Le Gabon et ses
provinces.......................................................................p26
Figure 4 : Réseaux des
parcs du
Gabon....................................................................p29
Figure 5 : Parc de l'Ivindo,
réserve d'Ipassa, station de recherche
IRET..............................p32
Figure 6 : Répartition
des ethnies dans la région de
Makokou..........................................p35
Dessin de couverture (Panthère) recueillie sur le
site :
http://www.aventuresauthentiquesafricaines.com
LISTE DES PHOTOGRAPHIES
Photos 1 et 2 : Vente de viande de
brousse sur le marché de Makokou (2001 et 2005)..............p11
Photo 3 : Circonciseur Bakota en
1965......................................................................p51
Photo 4 : Jeunes circoncis lors du
défilé final de la cérémonie en
1965................................p51
Photo 5 : Peaux de genettes
servalines (village de Zadindoué)
(2005).................................p51
Photo 6 et 7 : Danseuses
Kwélé
(2005).....................................................................p92
Planches Photos
Village et Cases
Bakota.....................................................................................pI
Photo 1 : Village de Mbondou,
Ikota (2005)
Photo 2 : Case en tôle sur
la route de la station d'Ipassa, Makokou (2005)
Photo 3 : Case en terre, Makokou
(2005)
Gibier en vente sur le bord des
routes...................................................................pII
Photo 1 : Un Hocheur
(zia) et un Céphalophe bleu (héli) en vente sur
la route de
Mékambo au village de
Zadindoué (2005).
Photo 2 : Singe en vente sur la
route d'Okondja au village de Mbondou (2005).
Utilisations des animaux
sauvages......................................................................pIII
Photo 1 : Chaise du chef en peau
de Bongo (Mbondou) (2005)
Photo 2 : Chasse mouche en poils
de Colobe Guereza (Mbela) (2005)
Photo 3 : Bretelles en peau de
Loutre à joues blanches Ibango, portés par les
mères de
jumeaux (Bangali) (2005)
Photo 4 : Tam-tam en peau
d'antilope (quartier Bordeaux à Makokou) (2005)
Domestication des
primates..............................................................................pIV
Photo 1 : Jeune femelle Moustac
(2005)
Photo 2 : Femelle Mangabey
à joues grises (2005)
Photo 3 : Jeune femelle Mandrill
(2005)
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Consommation de viande
de brousse en Afrique Centrale................................p9
Tableau 2 : Espèces, nombre
et destination du gibier chassé dans la région de
Makokou..........p12
Tableau 3 : Les 9 provinces du
Gabon.....................................................................p23
Tableau 4 : Animaux
utilisés dans les soins de maladies
« classiques »...............................p45
Tableau 5 : Animaux
utilisés dans les soins des maladies
psychosomatiques.........................p46
Tableau 6 : Animaux
utilisés dans les sortilèges et les
protections.....................................p47
Tableau 7 : Récapitulatif
des utilisations magico religieuses et médicinales de la faune
Sauvage...........................................................................................p48
Tableau 8 : Animaux
utilisés dans
l'artisanat..............................................................p57
Tableau 9 :
Différenciations entre conte, mythe et
légende...............................................p57
Tableau 10 : Récapitulatif
sur les interdits alimentaires (2
pages)......................................p78
Tableau 11 : Liste des animaux
nuisibles ou dangereux.................................................p83
Tableau 12 : Synthèse sur
les caractéristiques des animaux
sauvages.................................p85
* 1 Il faut tout de même
être prudent avec ces résultats, car il s'agit souvent de
généralisations alors que les densités sont
hétérogènes.
* 2 Je n'ai malheureusement pas
pu me procurer ce livre ; les notes sur les
Hommes-Panthères ont été
récupéré sur le cite
http://www.unice.fr/ILF-CNRS/ofcaf/14/H14.html
* 3 Il existe plusieurs
sous-groupes Bakota. Le choix s'est porté sur les Ikota, Mahongwé
et Samaye qui se trouvent dans la région de Makokou (voir
méthodologie).
* 4 Le mot anglais «
ethnoscience » n'apparaît, semble-t-il, qu'en 1950, dans la 3 e
édition de l'ouvrage collectif publié sous la direction, entre
autres, de George Peter Murdock, Outline of cultural materials
(1re édition, 1938 ; 2 e édition, Yale, Yale University
Press, 1945 ; 3e édition révisée, New Haven, Human
Relations Area Files, 1950). Par contre le mot « ethnobotany »
remonte à 1895, où il a été forgé par un
agronome américain, J. W. Harshberger.« Ethnozoology »
remonterait, semble-t-il, à 1914.
* 5 Pour plus de renseignement
sur la station d'Ipassa - Makokou, se reporter à l'annexe
correspondante.
* 6 Voir annexe
* 7 L'IDH est un indicateur
du développement humain prenant en compte l'espérance de vie
à la naissance, le
niveau d'instruction et le PIB par habitant. L'IDH est compris
entre 0 et 1. Plus il est proche de 1, plus le
niveau de développement est élevé.
* 8 Voir annexe
* 9 De plus amples explications
sont présentées dans la thèse de Payne Ariane (2005)
* 10 D'après le
recensement de 2003, qui n'est pas encore publié et que j'ai recueilli
à la mairie de Makokou, la population de la ville dépasserait
aujourd'hui les 15 000 habitants.
* 11 Voir planche photo :
Cases et village Bakota
* 12 Aliment de base pour les
populations forestières.
* 13 De plus amples
explications sont données sur le test du Ngoye dans les deux
prochaine parties de ce mémoire.
* 14 Auparavant, il existait
plusieurs sortes de pièges mais aujourd'hui, les Bakota utilisent
seulement les pièges à pattes et à coup.
* 15 Je ne parle ici que des
groupes étudiés (Ikota ; Mahongwé et Samaye) et non
des Shaké.
* 16 Sous une forme moins
violente qu'autrefois.
* 17 Ceci est une
évidence qui ressort à travers les enquêtes, mais la
réalité culturelle est sans doute plus complexe.
* 18 La phytothérapie
est actuellement abordée par ma collègue Raymonde Mboma,
chercheuse au CENAREST.
* 19 Une étude
détaillée de cette cérémonie a été
faite par Louis Perrois en 1968.
* 20 Les danses Mobeye,
Bazangoye et Emboli ne semblent plus être
pratiquées à l'heure actuelle.
* 21 Nous verrons quelques uns
d'entres eux dans la partie « les animaux dans la tradition
orale ».
* 22 Pour tous les
détails sur la cérémonie de circoncision et le test de la
panthère voir Louis Perrois, « La circoncision
Bakota », 1968.
* 23 Les mères de
jumeaux peuvent parfois y être présentes.
* 24 A Mbela, le village
Samaye, les gens utilise un autre arbre, le moabi
« Ignabé » (Baillonella
toxiperma).
* 25 Voir planche photos
* 26 Si la peau de genette
vient à manquer, on peut prendre les peaux d'Ilazi (Genette
tigrine et Poiane centrafricaine). Certaines personnes m'ont également
cité Lobwa le Chat doré tout en avouant que cela ne se
faisait plus car l'animal se faisait rare et était beaucoup plus dur
à capturer que la Genette.
* 27 Voir planche photos
* 28 Voir planche photo :
Domestication des animaux
* 29 Sociologie des
sociétés orales d'Afrique noire, les Ewe du sud-Togo,
Paris-La Haye, Mouton, 1969.
* 30 Anthropologie
structurale, Paris, Plon, 1958.
* 31 Sources :
Encyclopaedia Universalis tome 6, pp 451-455 ; tome 15, pp. 1036-1039.
* 32 Les autres étant
ceux relatant les aventures du Dieu Zambé et sa famille.
* 33 AUGOT C., PERROIS L.,
1971. La panthère et la Tortue. IRD Audiovisuel. 55 min
* 34 Les jumeaux, comme dit
plus haut dans ce mémoire, sont très appréciés chez
les Bakota du nord comme dans de nombreuses ethnies du Gabon.
* 35 Mbimbisoli est un
géni de la forêt, il est présent uniquement dans les contes
Bakota et non dans leur cosmogonie.
* 36 Coula edulis
* 37 Arbre fruitier
(Dacryodes buttneri) très commun dans tout le Gabon.
* 38 Les atangas ne se consomme
qu'après avoir été cuites.
* 39 Ce sont
généralement de grandes feuilles de bananier qui étaient
utilisées comme assiettes ou pour la cuisson « à
l'étouffée » de certains plats.
* 40 Il s'agissait d'une
technique de chasse qui consistait à creuser une fosse profonde et y
planter des pieux en bois. On les plaçait principalement autour des
plantations pour les protéger des potamochères.
* 41 Les paquets sont des
feuilles de bananier dans lesquelles on met de la viande ou du poisson avec des
condiments. On ferme le tout, puis on le met sur le feu où ça
cuit à l'étouffer.
* 42 Encyclopaedia Universalis,
tome 19, p 152.
* 43 Sources : Adam J.,
1937. Extrait du folklore du Haut-Ogooué. Athropos XXXII (1-2),
pp 247-270 ; Raponda-Walker, 1993. 3000 proverbes du Gabon. Les
classiques africains, Versailles, 295P ; Bodinga-Bwa-Bodinga & Van Der
Veen, 1995. Les proverbes EVIA et le monde animal (Gabon).
L'Harmattan, 95P ; Kwenzi Mikala, 2000. Parémies d'Afrique
Centrale. Edition Raponda-Walker, Libreville, 62P ; Doucet, 2003.
Le monde animal joue un rôle prépondérant dans
l'expression des valeurs morales chez les Mahongwé du Gabon.
Thèse annexe de doctorat, faculté des sciences agronomique
de Gembloux.
* 44 Pour une moyenne de
32,3%
* 45 Petit oiseaux non
identifié.
* 46 Encyclopeadia Universalis,
tome 19, pp. 152-153.
* 47 Et plus
particulièrement dans les contes d'animaux.
* 48 Arbre non
identifié.
* 49 Galago d'Allen.
* 50 Ce petit psaume est
très intéressant pour essayer de comprendre le mystère de
la genette. Nous verrons cela dans la prochaine partie.
* 51 On retrouve cet interdit
dans d'autres ethnies au Gabon et au Congo (Vanwijnsberghe, 1996 : 134)
* 52 Une étude
spécifique sur ce thème serait sans doute utile pour aider
à la protection de ces pachydermes.
* 53 En français
africain, ils nomment cette plante « asperge » et
même après l'avoir coupé, elle continue à
pousser.
* 54 Espèce
entièrement protégée (voir annexe).
* 55 Dans les faits, les
attaques de panthères sont extrêmement rares.
* 56 L'animal est dit agressif
et dangereux pour le chasseur lorsqu'il est pris au piège, mais il n'y a
pas d'attaque de l'animal sur l'homme à proprement parler.
* 57 Tous mes interlocuteurs
m'ont dit que ce Céphalophe attaquait et mangeait les poules.
* 58 Voir annexe
* 59 les animaux
tachetés sont : la Panthère, la Genette, la Civette, la
Nandinie et le Chat doré
* 60 Je tiens à
préciser que je ne sais pas s'il s'agit de véritable cigognes ou
s'il s'agit de l'appellation en français africain qui désignerait
une autre espèce d'oiseau comme les aigrettes.
* 61 Ce n'est pas le cas des
loutres ibango et nyiongo qui vivent aussi près de
l'eau et ont à peu près le même régime
alimentaire...je ne me l'explique pas !
* 62 Présent que vers
Mékambo.
* 63 Ce n'est pas tout à
fait le cas des plantes.
* 64 Je n'ai trouvé
aucune littérature pouvant me renseigner en quel animal se serait
transformé ce malheureux chasseur ; certains interlocuteurs m'ont
parlé du Potamochère mais beaucoup d'autres ont nié cette
transformation.
* 65 Nous pouvons aussi
rajouter, en plus de l'efficacité, la baisse du danger vis à vis
des animaux sauvages, car l'arme à feu permet d'abattre l'animal depuis
une plus grande distance. Paradoxalement, si le danger relatif à la
traque de la faune sauvage a diminué, la sécurité de la
chasse s'est tout de même dégradée. En effet, les accidents
de chasse ont fortement augmenté à cause du nombre de plus en
plus élevé de chasseurs en forêt qui se tirent dessus.