2. La modélisation théorique du CAP
L'évaluation économique de la qualité de
l'air pose le problème de la définition d'une procédure,
à la fois conforme à la théorie économique et
propre à la pratique, qui permette de mesurer en termes
monétaires les variations subies par l'utilité ou le bien
être des agents (Bergstrom, 1990).
La notion de surplus du consommateur permet de mesurer la
variation nette de l'utilité d'un agent. L'utilisation du surplus du
consommateur émanant d'une demande marshallienne pose le problème
d'identification (Trevor et Young, 1986) ; il n'est possible de
déterminer de manière unique la variation d'utilité
associée que sous l'hypothèse d'une utilité marginale du
revenu constante (Laffont, 1982) ;(Bergstrom, 1990). Cette hypothèse
n'étant pas réaliste, il existe un consensus parmi les
économistes du bien être que le surplus hicksien est
théoriquement plus approprié. Il s'agit du surplus compensatoire
et du surplus équivalent, qui s'expliquent comme suit (Bergstrom,
1990):
- le surplus compensatoire est la variation de revenu qui
permettrait de « compenser » l'agent de la variation de la
qualité de l'environnement : c'est le montant (payé ou
reçu) qui placerait un individu à son niveau initial,
malgré la modification de la qualité de l'environnement. Si cette
qualité s'améliorait, cette variation (de revenu) consisterait
à diminuer le revenu et correspondrait donc à un consentement
à payer pour l'amélioration de l'environnement. Par contre si
cette qualité se détériorait, cette variation consisterait
à augmenter le revenu et correspondrait donc à un consentement
à accepter une compensation à cause de la
détérioration de l'environnement subie;
- le surplus équivalent est la variation de revenu qui
permettrait de « compenser » l'agent de la non réalisation de
la modification de la qualité de l'environnement vers un niveau attendu
: ce serait le montant (payé ou reçu) qui placerait un individu
à un niveau d'utilité auquel il s'attendrait. Si le niveau de
qualité attendu est une amélioration, cette variation
consisterait à augmenter le revenu et correspondrait à un
consentement à accepter une compensation pour non amélioration de
l'environnement. Par contre, si le niveau de qualité attendu est une
détérioration, cette variation consisterait à diminuer le
revenu et correspondrait à un consentement à payer pour avoir
évité la détérioration.
Dans la détermination de la valeur des biens
environnementaux à partir des consentements à payer, le
consommateur est confronté à un espace des biens composés
de n biens marchands et de l biens environnementaux. Les biens environnementaux
dont il est question ici ont un caractère de bien public, de sorte que
les quantités disponibles pour ces biens sont identiques pour tous les
individus. Ainsi, une augmentation de quantité d'un bien environnemental
particulier vaut pour l'ensemble des agents (Luchini, 2002). Le principe
fondateur consiste à identifier la valeur d'un bien pour un individu
à la satisfaction (l'utilité) qu'il lui procure et à
étendre ce principe aux actifs environnementaux. En premier lieu, on
représente une fonction d'utilité d'un individu i comme
U i ( x i , z ) (1)
Où xi est le vecteur de n biens marchands et
z est le vecteur des l biens environnementaux.
Comme dans la théorie classique du consommateur, on
suppose que les individus maximisent leur utilité en choisissant parmi
les biens marchands (les individus ne contrôlent pas le niveau de
provision de biens environnementaux). On ramène alors les choix d'un
consommateur i au programme d'optimisation suivant:
Max U i ( x i , z ) sc. p
· xi = y i (2)
Où p est un vecteur de prix et
yi son revenu. Le programme d'optimisation sous contrainte
de revenu conduit à définir les fonctions de demande
classiques:
x h ( p , z , y i
k k
i = i
|
) k = 1 ... K (3)
|
Où l'exposant k indique le k -ième bien
marchand.
Sur la base de ces fonctions de demande, on peut maintenant
définir la fonction d'utilité indirecte d'un individu i comme:
V i ( p, z , y i )
= U i [ h( p , z , y i
) , z ] (4)
Dans laquelle l'utilité est représentée
comme une fonction des prix, du revenu et également, dans le cas
envisagé ici, des biens environnementaux.
On suppose maintenant qu'au moins un des éléments
de z s'accroît, avec aucune
décroissance des autres éléments (et aucun
changement de prix et de revenu). Soit Z0 le
vecteur initial des biens environnementaux. On considère
un vecteur Z1pour lequel il y a eu un accroissement
d'au moins un élément et un seul. On peut alors écrire que
Z1>Z0 et:
1
U V
=
i
|
0
( , , )
P z y U V p z
1 0
> = ( ,
i i i i
|
, )
y (5)
i
|
La mesure de la variation compensatrice de la modification de
bien-être (d'utilité) s'écrit en termes de la fonction
d'utilité indirecte comme :
(6)
V p z y CAP V p z y U
1 0 0
( , , - ) ( , , )
= =
i i i i i i
Où la variation compensatrice est le montant de monnaie
CAPi qui, s'il est prélevé auprès
de l'individu après le changement du vecteur des biens
environnementaux de l'état Z0 à
Z1, le laisse à un niveau de bien être
identique à celui qui prévalait avant le changement. Cette
variation compensatrice peut être considérée comme le
consentement à payer pour l'accroissement d'un bien environnemental
particulier du vecteur Z.
Ce CAP correspond donc à la diminution du revenu qui
laisse le niveau initial d'utilité inchangé après
l'accroissement de quantité ou de qualité, d'un bien
environnemental. En d'autres termes, c'est le montant de monnaie
retranché du revenu du consommateur qui le laisse indifférent
entre les deux situations.
Cette analyse conduit donc à associer aux biens
environnementaux une valeur monétaire.
|