INTRODUCTION GENERALE
L'air est la couche atmosphérique dont la modification
physique, chimique ou autre peut porter atteinte à la santé des
êtres vivants, aux écosystèmes et à l'environnement
en général. Cet air tout comme bon nombre des biens
environnementaux est victime d'une défaillance institutionnelle et d'une
défaillance du marché. Défaillance du marché du
fait de son inexistence et ce fait conduit à des incitations
inadéquates à la gestion, à l'utilisation efficiente et
à la conservation de la ressource. Défaillance institutionnelle
du fait de l'inadaptation et de l'instabilité du cadre juridique et
institutionnel. Ces défaillances du marché auraient pour sources:
la non prise en compte des externalités, la non attribution des prix
à certains éléments du patrimoine naturel, le
caractère public des biens, les droits de propriétés
(OCDE, 1995 ; Panayotou, 1993)
Au nombre des problèmes environnementaux que
connaissent les grandes agglomérations, figure la problématique
de la qualité de l'air. Abidjan, la plus grande ville de l'Afrique de
l'ouest francophone n'échappe pas à ce constat dans la mesure
où le diagnostic complet de l'état de l'environnement en
Côte d'Ivoire fait dans le livre blanc de l'environnement de
l'Etat de Côte d'Ivoire nous renseigne qu'Abidjan est confrontée
à la problématique de la pollution de l'air. En outre, lors de la
quinzaine de l'environnement organisé par les autorités en charge
de l'environnement à Abidjan, capitale économique de la
Côte d'Ivoire du 11 au 20 décembre 2008, la pollution de l'air
à Abidjan était au centre des préoccupations.
L'article 35.5 du code de l'environnement stipule que `'Toute
personne physique ou morale dont les agissements et /ou les activités
causent ou sont susceptibles de causer des dommages à l'environnement
est soumis à une taxe et/ou à une redevance, Elle assume, en
outre, toutes les mesures de remise en état''et l'article 33 du
même code stipule que `' Toute personne a le droit fondamental de vivre
dans un environnement sain et équilibré. Il a aussi le devoir de
contribuer individuellement ou collectivement à la sauvegarde du
patrimoine naturel''.
En dépit de ces lois, des industries, des
ménages et des automobilistes contribuent à la dégradation
de l'air sans assumer la dépollution. Cette pollution cause plusieurs
maladies parmi lesquelles se trouvent les infections respiratoires aigues et
les maladies cardiovasculaires.
Ainsi, dans le but de déterminer une valeur
monétaire de l'air pur en procédant par la détermination
du Consentement A Payer pour une amélioration de la qualité de
l'air Abidjan, afin d'infléchir une situation d'inconfort et
d'insatisfaction, il convient d'effectuer une évaluation de la
qualité de l'air à Abidjan.
1. PROBLEMATIQUE
« Dès que l'air ne contribue plus à la
conservation de la santé, il tue. Il en va de même de l'eau. Or
cet air et cette eau si précieux pour notre équilibre, nous nous
ingénions à les souiller et à les détruire.
L'atmosphère de nos villes est corrompue, chargée de particules
impures. » 1.
Les agglomérations urbaines d'aujourd'hui connaissent
une triple croissance: celle de la population, celle des activités
économiques et du trafic. La résultante environnementale de ces
croissances est non seulement la pollution atmosphérique, mais aussi la
congestion, ellemême cause de pollution. Cette pollution affecte une
population de plus en plus nombreuse, les bâtiments, les cultures
périurbaines et contribue largement à la dégradation de
l'environnement.
La capitale économique de la Côte d'Ivoire,
Abidjan, n'échappe pas à ce constat eu égard à la
croissance démographique de cette ville, à celle des
activités et du trafic.
La conférence de Rio de Janeiro (1992) a montré
que le développement durable passe par la protection de l'Environnement.
Cette approche a conduit l'Etat de Côte d'Ivoire à l'adoption du
« Livre Blanc l'Environnement de Côte d'Ivoire » en
1995. Ce livre présente le diagnostic complet de l'Etat de
l'Environnement du pays et propose la stratégie de protection de
l'environnement.
Le diagnostic montre que la Côte d'Ivoire est
confronté à des problèmes environnementaux d'origines
diverses: disparition du couvert forestier, appauvrissement des sols, pollution
et eutrophisation des eaux, pollution de l'air, dégradation du lieu
urbain, persistance des maladies environnementales, manque d'éducation,
formation et sensibilisation, inadaptation et instabilité du cadre
juridique et institutionnel ainsi que la dispersion et les difficultés
d'accès des données environnementales.
1 André Berger. (1992). Le climat de la terre-un
passé pour quel avenir ?
Lors de la Quinzaine Nationale de l'environnement
organisée par le Ministère de l'Environnement, des Eaux et
Forêts (MINEEF) du 11 au 20 décembre 2008, la Pollution de l'air
était la préoccupation majeure comme le montre le thème
retenu pour cet événement: « Pollution de l'air: un danger
pour l'homme, une menace pour l'environnement ». Selon les
autorités en charge de l'environnement, l'air que respirent les
abidjanais est dégradé. Les gaz et particules issus
principalement des tuyaux d'échappement des véhicules, de
cheminées des usines, des feux de brousse, de l'incinération des
ordures ménagères et de la fabrication de charbon en pleine ville
sont les causes principales de cette dégradation de l'air.
Les gaz et particules produits par ces déchets peuvent
être classés en deux catégories. La première
constituée de polluants, détériore la qualité de
l'air ambiant, est à l'origine de nombreuses maladies. La seconde
catégorie constituée de gaz dits à effet de serre, est
reconnue comme étant à l'origine du réchauffement actuel
de la terre.
Les maladies liées à la pollution
atmosphérique sont les maladies respiratoires, les maladies
cardio-vasculaires, l'asthme, la tuberculose, la pneumonie, la bronchite...
Certes, la pollution atmosphérique n'est pas responsable à elle
seule de telle ou telle maladie caractérisée mais elle est un
facteur d'importance dans l'apparition et l'aggravation de nombreuses
infections; ceci notamment par une augmentation de la sensibilité aux
infections respiratoires et un risque accru de développer des allergies
et certains cancers. En Côte d'Ivoire, on observe depuis quelques
années, une prolifération des maladies dites environnementales
dans les centres urbains. En effet, la dégradation de l'environnement
urbain et l'insalubrité grandissante qui l'accompagne favorisent la
prolifération des agents pathogènes et exposent de plus en plus
les populations aux maladies. D'après les statistiques du
Ministère de la santé (de 1994 à 2001), l'exemple de la
ville d'Abidjan illustre parfaitement cette situation:
Le paludisme qui présente une expansion alarmante : de
93422 cas en 1994 à 273544 cas en 1996, puis 262016 cas en 2000.Les
infections respiratoires aiguës (IRA) qui sont passées de 43991 cas
en 1994 à127377 cas en 1996 et, pour les enfants de moins de cinq ans,
28055 cas en 2000.La tuberculose dont on avait enregistré que 333 cas en
1995 a atteint 8106 cas en 2000, tandis que la rougeole passait de 835 cas en
1994 à 3777 cas en 1996 .Les enfants de moins de cinq ans atteints par
cette maladie étaient au nombre de 3526 en 2000.
Selon une évaluation de la charge de morbidité
due à la pollution de l'air effectuée par l'OMS en 2002, plus de
2 millions de décès prématurés peuvent chaque
année être attribués aux effets de la pollution de l'air
extérieur dans les villes et de la pollution de l'air à
l'intérieur des habitations (due au fait que l'on y brûle des
combustibles solides). Plus de la moitié de cette charge de
morbidité est supportée par les populations des pays en
développement.2
La présente étude s'intéresse au cas
particulier de la qualité de l'air que respirent les Abidjanais. Au
delà du fait d'identifier les effets néfastes de la pollution de
l'air et de soigner les infections qui en découlent, il est essentiel
d'oeuvrer préventivement et de se préoccuper des mesures de
protection de l'environnement et de la législation.
L'analyse économique des projets d'aménagement
et des conséquences des accidents écologiques distingue
usuellement deux types de valeurs: les valeurs marchandes et les valeurs non
marchandes. Les premières sont constituées par exemple de
coûts marchands directement liés à la dégradation de
biens environnementaux. Les secondes sont associées à des impacts
ou des usages non marchands comme par exemple l'air. Dans le but de
déterminer une valeur marchande des biens environnementaux intangibles
qui ne sont pas pris en compte par le marché, la théorie
économique suggère de procéder par la détermination
du Consentement A payer (CAP) par le biais d'enquêtes, pour une politique
d'amélioration ou de restauration d'un actif environnemental ou du
Consentement A Recevoir (CAR) comme compensation si le dommage dû
à la dégradation de l'environnement est inévitable.
L'évaluation économique de la qualité de
l'air peut grandement aider à des arbitrages politiques afin
d'infléchir les situations d'inconfort et d'insatisfaction. Evaluer les
coûts relatifs à l'amélioration de la qualité de
l'air offre plusieurs opportunités, principalement la fiscalité,
la tarification ou la fixation de valeurs tutélaires pour
l'intégration préventive des coûts environnementaux dans la
gestion des activités humaines qui constituent des sources de pollution
atmosphérique. Ainsi la question fondamentale qui fera l'objet de notre
étude est de savoir quelle est la valeur monétaire de la
qualité de l'air que désirent respirer les abidjanais?
2 Rapport sur la santé dans le monde, 2002. Réduire
les risques et promouvoir une vie saine. Genève, 2002. Organisation
Mondiale de la Santé.
2 .OBJECTIFS DE RECHERCHE
L'objectif général de cette étude est de
déterminer la valeur monétaire de l'air pur dans la
ville d'Abidjan.
De façon spécifique; il s'agira :
> de déterminer le Consentement A Payer (CAP) par la
population pour l'amélioration de la qualité de l'air à
Abidjan ;
> d'identifier les facteurs explicatifs de ce consentement
à payer ;
> de tester la convergence des différents formats de
questionnaires utilisés pour la détermination du CAP et
> d'évaluer le coût social lié à
l'amélioration de la qualité de l'air à Abidjan.
3. HYPOTHESES DE RECHERCHE Comme
hypothèses de recherche, nous retenons que
~ une partie de la population sensible aux questions
environnementales est prête à débourser une somme mensuelle
pour bénéficier d'un air pur ;
v' le consentement à payer des personnes
interrogées est une fonction positive de leur revenu, du niveau
d'instruction, de l'âge et une fonction négative des
dépenses en santé et du nombre d'enfants ;
v' Les valeurs du CAP annoncés par les
enquêtés ne diffèrent pas d'un format de questionnaire
à l'autre ;
4. METHODE DE RECHERCHE
La méthode retenue dans le cadre de notre étude
est la méthode de l'évaluation contingente. Cette méthode
consiste à interroger directement les individus, par le biais
d'enquêtes, soit sur leur consentement à payer (CAP) pour une
politique d'amélioration ou de restauration d'un actif environnemental,
soit sur leur consentement à recevoir (CAR) comme compensation si le
dommage dû à la dégradation de l'environnement est
inévitable.
La base théorique de la méthode de
l'évaluation contingente est le surplus du consommateur (Faucheux,
1995).
Pour déterminer les facteurs explicatifs du CAP, deux
modèles économétriques ont été
utilisés à savoir le modèle Tobit pour le format de
questionnaire qui contient la question ouverte sur le CAP et le modèle
de régression par intervalle pour le questionnaire qui utilise la carte
de paiement ( des intervalles qui contiennent des montants).
Données statistiques
Les données utilisées sont issues d'une
enquête réalisée dans les communes d'Abobo, d'Adjamé
et de Cocody sur un échantillon de 245 personnes dans la ville
d'Abidjan. A Abidjan, le nombre de personnes exposées aux polluants dans
les différents microenvironnements, notamment à
l'intérieur des véhicules, dans les zones industrielles, lors des
files d'attentes et aux abords des routes, est très important. Mais
compte tenu des difficultés pour questionner le plus grand nombre de
personnes, l'enquête s'est portée sur les riverains se trouvant
aux abords des voies à fortes circulation caractérisées
par un embouteillage permanent, et ceux constituant des files d'attentes.
L'enquête a été effectuée par
administration de questionnaire, d'une durée moyenne de 40 minutes par
personnes sur le site. La plupart des enquêtés connaissent bien le
niveau de pollution de l'air à Abidjan, ce qui a facilité
l'exercice d'évaluation contingente. De plus, toute une série
d'illustrations de l'effet de la qualité de l'air sur la santé
des riverains ont aidé les individus interrogés à
émettre et à valoriser leurs préférences.
Traitement des données
En vue d'une interprétation judicieuse des
résultats d'enquête, plusieurs moyens de traitement ont
été utilisés. Ainsi, après avoir apuré et
réorganisé la base de données, les logiciels
économétriques tels que Stata et Spss ont été
utilisés pour traiter les données et effectuer la
régression.
Notre étude comporte deux parties. La première
partie traite des concepts relatifs au sujet et des méthodes
d'évaluation environnementale ; la deuxième partie a trait
à l'analyse descriptive et économétrique du consentement
à payer pour une amélioration de la qualité de l'air.
Première partie: Cadre
conceptuel et théorique
CHAPITRE 1: LA REVUE DE LITTERATURE ET LES
METHODES D'EVALUATION ENVIRONNEMENTALE
Ce chapitre se propose de traiter des méthodes et
études relatives à la problématique de la qualité
de l'air et des méthodes d'évaluation environnementale.
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