De la garantie des droits fondamentaux en République Démocratique du Congo. Cas de la province du Sud-Kivu( Télécharger le fichier original )par Dominique KAMWANGA KILIYA Université de Kisangani, Centre Universitaire extension de Bukavu - Licence en Sciences Politiques et Administratives 2003 |
INTRODUCTION1. ETAT DE LA QUESTION.Il existe déjà une abondante littérature sur les conflits armés et sur les droits de l'homme. Ces divers travaux ou, du moins, ceux que nous avons pu consulter nous ont inspirés dans le choix et la formulation du présent sujet de recherche. Rosemary ABI-SAAB1(*) se pose, à titre de problématique générale, les questions de savoir dans quelle mesure le droit humanitaire peut-il avoir une emprise sur des phénomènes habituellement perçus comme relevant essentiellement de la compétence interne des Etats, ou en des termes plus généraux; le droit humanitaire est-il capable de s'imposer dans la sphère traditionnel de la souveraineté de l'Etat. Elle a choisi l'angle de l'histoire législative de deux textes fondamentaux représentant les efforts marquants du droit humanitaire pour faire face aux conflits internes. Il s'agit, en effet de l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève de 1949 et du protocole additionnel de 1977 relatifs à la protection des victimes des conflits armés non internationaux. Son étude se fonde sur l'examen des documents et des travaux préparatoires de conférences diplomatiques, les rapports d'experts réunis par le C.I.C.R. L'étude a eu pour but de suivre l'évolution de la réglementation juridique en matière des conflits internes devant l'évolution des faits, de mettre en évidence les efforts du C.I.C.R. et de certains Etats pour que grande protection soit accordée aux victimes de tous les conflits armés malgré l'existence de l'arbitraire politique. Après analyse, l'auteur a constaté que certains progrès ont été accomplis pour la protection des victimes des conflits armés internes. Cet apport réside dans les articles concernant la protection des populations civiles et des biens à caractère civil, les garanties concernant la protection de la mission sanitaire. D'autre part, elle a relevé une interaction entre l'évolution politique de la Communauté Internationale et l'évolution des concepts. Ainsi on ne parle plus de guerre mais de conflit armé, du droit humanitaire au lieu du droit de la guerre, de parties insurgées ou belligérantes à la place de rebelles ainsi que des droits des victimes à la protection en remplacement du respect de certains comportements des belligérants dans les hostilités. Face à la catastrophe humanitaire qui se déroule en République Démocratique du Congo (plus de trois millions de décès depuis le 02 Août 1998), Jean MIGABO Kalere2(*) a voulu faire entendre la voix du peuple Congolais auprès de la Communauté Internationale et contribuer à la rupture de l'impunité des auteurs des massacres de populations civiles au Congo. Ses recherches s'enracinent dans l'Accord de Lusaka, les Résolutions du Conseil de Sécurité de l'O.N.U., les rapports ou les réactions des associations des droits de l'homme et les organisations de développement. Parcourant ces Résolutions et rapports, il se pose la question suivante en guise de problématique : Qui parmi toutes les parties signataire de l'Accord de Lusaka respecte totalement ses engagements relatifs aux droits de l'homme ? Cette étude se fonde sur la dialectique entre les dispositions légales ou conventionnelles et les réalités vécues par les populations Congolaises, décrit et analyse surtout les massacres collectifs perpétrés par les rebelles, souvent en dehors de toute bataille rangée entre deux groupes armés. A la suite de la description des faits et l'analyse approfondie de la situation, l'auteur débouche sur les conclusions d'après lesquelles l'étude comparative des massacres observés sur l'ensemble du territoire Congolais prouve l'existence de la stratégie de terre brûlée. Celle-ci consiste à arrêter les gens, à les rassembler dans une maison et à les brûler vifs à l'aide des produits inflammables dans les provinces sous occupation rebelle. Il existe, selon lui, un mépris manifeste des résolutions de l'O.N.U. depuis le début de la deuxième guerre, du droit international humanitaire fondé sur les conventions de Genève, de la convention relative au génocide. Dans ce contexte, seule la restauration de la paix, la démocratie et la réconciliation nationale permettraient le décollage du développement durable pour la stabilité de tous les Etats de la région de Grands Lacs. Pour sa part, Michel RWAMIRINDI3(*) constate que malgré la bonne volonté de protection de la personne humaine ; ses droits sont régulièrement violés dans les pays à maturité démocratique ou non. Suite à cela, il se pose alors la question de savoir ce qu'il faut faire pour, à la fois, assurer le minimum de respect des droits de la personne humaine pendants les circonstances exceptionnelles et sauver l'existence de la Nation. A la fin du travail, il est arrivé à la conclusion selon laquelle les conventions prévoient le recours à l'Etat d'exception pendant les circonstances exceptionnelles. Mais cet état d'exception est conditionné par les éléments ci-après :
Pour ne pas enfoncer une porte déjà ouverte nous avons, quant à nous, choisi d'orienter nos recherches dans le domaine de la sociologie des droits de l'homme avec pour sujet la « De la garantie des droits fondamentaux en période de guerre en République Démocratique du Congo : Cas du Sud-Kivu ». Cette étude est consacrée à l'analyse des causes et des conséquences socio-politiques de diverses violations des droits humains constatées et régulièrement dénoncées par les organisations spécialisées en matière de leur protection et leur promotion tant sur le plan local, national qu'international. Ce sont donc ces violations systématiques et massives des droits humains dont toutes les parties belligérantes se sont pourtant engagées à protéger et à promouvoir malgré les circonstances. En effet, depuis près d'une décennie, la région des Grands Lacs d'Afrique est caractérisée par une crise socio-politique qui se manifeste, notamment, par des guerres. Ces guerres opposent, d'une part, les gouvernements centraux et groupements politico- militaires plus ou moins organisés et, d'autre part, les groupes socio-culturels ou bandes armées dénommées mouvement de résistance populaire et/ou force d'autodéfense populaire. La République Démocratique du Congo (D.C.) n'était pas épargnée par cet état de guerre. C'est, en effet, depuis 1996 que ce pays est entré dans le cycle des guerres dites de « libération ». Cette situation de guerre civile ou internationalisée, en plus des dégâts sur le plan économique, structurel et politique, ne manque pas d'effets néfastes sur la vie quotidienne des populations Congolaises, en général, et celle du Sud-Kivu, en particulier, en matière du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les droits et libertés sont pourtant protégés par l'Etat et la Communauté Internationale. Plusieurs voix se sont fait entendre pour dénoncer et condamner les violations commises sur les populations civiles. A titre d'exemple, Roberto GARRETON mentionnait dans ses rapports l'existence de plusieurs massacres en R.D.C. depuis le début et durant toute la deuxième guerre dite de « libération ». La 56e Commission de l'O.N.U. sur les droits de l'homme parle, pour sa part, d'une situation préoccupante en R.D.C. dans sa partie orientale et la persistance des violations massives commises vis-à-vis des droits de l'homme et du droit humanitaire pendant ces conflits armés. De façon beaucoup plus pratique, des organisations tant nationales qu'internationales de défense des droits humains ont abouti au constat selon lequel il y a eu des tueries dans les villages situés dans les territoires de la Province du Sud-Kivu (Shabunda, Mwenga, Kamituga, Uvira, Fizi, etc.)4(*). Ainsi, la présente étude couvre la Province du Sud-Kivu et s'intéresse à la période allant du 02 Août 1998 à décembre 2002, c'est-à-dire la période pendant laquelle la gestion de la Province était sous contrôle du mouvement rebelle, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (R.C.D.). Cette délimitation spatio-temporelle est motivée par le fait que les archives consacrées à la première guerre dite de « libération » menée par l'A.F.D.L. ont été, en grande partie, détruites. D'autre part, la situation de la deuxième guerre dite de « rectification » a semblé être la plus meurtrière. En effet, les estimations faites suite aux enquêtes menées par I.R.C. indiquent plus de trois millions de morts parmi la population civile5(*). Cet état des choses ne laisse personne indifférente dans la recherche de solutions à ces violations des droits de l'homme. L'espace retenu comme champ de recherche est celui du Sud-Kivu. La raison qui milite sur ce choix est que c'est l'une des provinces qui ont les plus souffert et payé le lourd tribut des guerres qui sévissaient en R.D.C. Elle connaît, évidemment, un très grand nombre de cas de violations des droits des citoyens par les différents groupes opérant alors dans la province (R.C.D., Mayi-Mayi, interahamwe, ex-FAR, Armée rwandaise, bandits à mains armées, etc.) et même les troupes gouvernementales. * 1R. ABI-SAAB, Droit humanitaire et conflits internes, Origines et évolution de la réglementation internationale, A. Pédone, Paris, 1986, 280p. * 2 J. MIGABO Kalere, Génocide au Congo ? Analyse des massacres des populations civiles, Broederlijke, Bruxelles, 2002, 216p. * 3 M. RWAMIRINDI, La question du respect des droits de l'homme pendant les circonstances exceptionnelles, Mémoire, Droit, U.N.R., Butare, 2001, 70p. * 4J. MIGABO Kalere, Op. Cit., p.122. * 5 Groupe Jérémie, Pour la sécurité des pays voisins, la guerre est-elle une solution ?, Bukavu, Juillet 2001, p1. |
|