Chapitre I : ASSURANCE ET SANTE UNE REVUE DE LA
LITTERATURE
Le recourt à l'assurance santé comme moyen pour
pallier aux coûts catastrophiques de financement de la santé est
l'une des questions au coeur des débats de l'économie de la
santé. Ainsi, beaucoup d'auteurs ont essayé d'étudier
l'impact de celle-ci dans la santé. Ce chapitre mettra en revue une
partie des études qui ont été réalisées en
essayant de revoir les différentes conclusions tirées par les
auteurs sur la question.
I- Le rôle possible de l'assurance comme
réducteur des inégalités sociales de
santé, approches théoriques
De nombreuses études ont mis en évidence un lien
positif entre le niveau social, l'éducation, le revenu d'une part et la
santé d'autre part. Regroupés sous le terme
d'inégalités sociales de santé, ces éléments
sont largement observés, en Grande-Bretagne (Black Report, 1988 ;
Acheson, 1998) et aux Etats-Unis (Smith, 1999). En France, Mesrine (1999)
montre que durant la période 1982-96, un ouvrier de 35 ans avait en
moyenne 38 ans à vivre, contre 44,5 pour un cadre du même
âge. Ces inégalités concernent en premier lieu les
personnes exclues du marché du travail: le risque de mortalité
des chômeurs, sur la période 1990-95 est près de trois fois
plus élevé que celui des actifs occupés, celui des
inactifs près de cinq fois plus élevé (Mesrine, 2000).
Parallèlement, on observe aussi des disparités
selon le niveau de revenu au sein de la population insérée sur le
marché du travail et on peut parler de continuum
d'inégalités sociales devant la santé. Enfin, ces
inégalités ne tendent pas à se réduire : la
diminution des taux de mortalité observée sur la période
1987-1993 par rapport à la période 1979- 1985 a beaucoup moins
touché les ouvriers et les employés que les cadres
supérieurs et professions libérales (Jougla et al., 2000).
Par ailleurs, on observe que le degré de couverture du
risque maladie augmente avec le revenu, même en France où il
existe une couverture obligatoire. En effet, la Sécurité sociale
ne couvre que 75 % des dépenses de santé, le solde pouvant
être couvert par une assurance complémentaire. Or, le taux de
souscription à une assurance complémentaire augmente avec le
revenu. De plus, le niveau des garanties des contrats, notamment optique et
dentaire, augmente lui aussi avec le revenu : parmi les ménages gagnant
moins de 3 000 F par unité de
consommation15, 65 % des individus disposent d'une
complémentaire faible ou nulle, contre 28 % dans les ménages dont
les revenus dépassent 8 000 F par unité de consommation
(Bocognano et al., 2000).
Ce document présente les conclusions issues de la
littérature portant sur le lien entre ces deux séries de faits :
en quoi une assurance maladie peut-elle contribuer à réduire les
inégalités sociales de santé ?
On peut distinguer deux grands mécanismes par lesquels
l'assurance peut jouer sur les inégalités de santé. Le
premier met en jeu le système de soins : l'assurance, en
réduisant le coût des soins, permet théoriquement aux
pauvres comme aux riches d'accéder à des services médicaux
bénéfiques pour leur santé. Dans ce modèle, pour
que l'assurance ait un impact réel sur la santé, deux conditions
doivent être réunies : d'une part, l'assurance doit augmenter
effectivement la consommation de soins des plus pauvres ; d'autre part, cette
augmentation des soins doit améliorer l'état de santé. On
présentera les résultats des études reliant directement
l'augmentation de l'assurance maladie publique à l'amélioration
de la santé. Un second mécanisme suppose que l'assurance peut
agir de manière indirecte sur les inégalités sociales de
santé, non pas par le biais des consommations de soins mais pas le biais
des autres consommations. Toute dégradation de l'état de
santé entraîne des dépenses de soins supplémentaires
et donc une diminution des consommations non médicales via la baisse du
revenu disponible, diminution d'autant plus forte que le niveau d'assurance est
faible. Cette diminution du revenu disponible peut entraîner une
dégradation de l'état de santé sous l'hypothèse que
certaines consommations non médicales sont favorables à la
santé. Dans chacun de ces mécanismes, un financement
équitable du système d'assurance santé demeure une
condition nécessaire à la réduction des
inégalités sociales de santé. Le paiement d'une prime
d'assurance trop élevée mettrait en effet en péril le
budget des plus pauvres. On tiendra dans la suite pour acquis le fait que le
système de soins met en oeuvre une subvention des plus pauvres par les
plus riches.
Ceci dit, il est évident que l'assurance maladie ne
peut pas être le seul instrument de réduction des
inégalités sociales de santé. Une littérature
abondante éclaire d'autres déterminants de ces
inégalités qui se situent hors du système de santé,
comme les facteurs de risque et les inégalités de statut
social16.Pourtant, nous avons choisi de nous limiter ici à
l'effet de
15 Le revenu par unité de consommation est égal au
revenu du ménage divisé par le nombre d'individus du
ménage, chaque individu étant pondéré (1 pour le
premier adulte, 0,5 pour le deuxième adulte éventuel, 0,3 pour
chaque enfant).
16 Ils feront l'objet d'une seconde revue de
littérature.
l'assurance sur les inégalités sociales de
santé, ce pour deux raisons. En premier lieu, ce sujet a
été peu étudié, d'une part parce qu'il a pu
être souvent considéré comme allant de soi que l'assurance
avait un effet bénéfique sur la santé, d'autre part parce
que la validation de cette hypothèse nécessite des données
longitudinales rarement disponibles. En second lieu, même si l'assurance
n'est qu'un facteur de réduction des inégalités sociales
de santé parmi d'autres, elle constitue un des principaux instruments
des pouvoirs publics.
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