Conclusion
Notre travail de recherche portant sur l'intelligence
économique et son rôle dans la stratégie d'entreprise a
abordé la problématique des éléments constituant
cette relation. Il tente d'autre part d'évaluer l'avancement des
entreprises algériennes en la matière. Dans la partie
théorique nous avons présenté les données
correspondant à la stratégie d'entreprise et à
l'intelligence économique. La partie pratique a été
consacrée à l'étude pratique reposant sur deux
éléments : sur la présentation des décisions
et des actions des autorités algériennes, et des travaux des
chercheurs et des consultants algériens, d'une part, sur une
étude empirique que nous avions réalisé sur un
échantillon restreint d'autre part, où nous avons tenté de
constituer en dernier un simple modèle identifiant un ensemble de
corrélations existant entre les différentes composantes de
l'intelligence économique.
La partie théorique permet de répondre
à la question principale « Quel est le niveau de l'importance
de l'intelligence économique dans la gestion des
entreprises ? ». Cette question a pour objet de
déterminer comment la prise de décision stratégique
s'appuie sur l'activité d'intelligence ; c'est la disposition de
l'information continuellement par les décideurs qui donne la
réponse.
Dans les conditions d'environnement complexe, le
fonctionnement de l'entreprise ne peut plus s'assurer sans information, un
« carburant » indispensable. Dans une organisation,
la nécessité de cette ressource devient plus importante, vu la
complexité des tâches et des processus la constituant, les
relations internes qu'elle développe, et externes qu'elle doit
identifier et gérer. Une entreprise, en tant que système ouvert,
doit donc être capable de connaître et de comprendre aussi, ce qui
l'entoure, c'est une condition préalable à toute action. Dans un
environnent concurrentiel, une telle matière devient indispensable plus
que jamais, environnement caractérisé par une forte turbulence et
complexité, ce qui rend les prévisions très difficiles et
la surveillance du terrain obligatoire. Les opérations d'acquisition des
informations doivent être organisées et automatisées
d'où le système d'information, l' « intervalle de
la non surveillance » ne doit pas exister, une surveillance continue
de l'environnement doit avoir lieu d'où l'activité d'intelligence
économique.
L'intelligence économique est donc une
activité de surveillance continue de l'environnement ce que certains
l'identifient à l'activité de veille ! Pendant notre
recherche, nous avons trouvé que l'intelligence économique
dépasse cette notion ; elle concerne également la protection
de l'information de l'entreprise et l'information stratégique en
particulier, via des politiques défensives et offensives. Tout ceci
permet de définir cette activité comme une activité de
veille stratégique et de protection du patrimoine informationnel de
l'organisation, d'où l'approche que nous avons adopté. Certains
spécialistes ajoutent le lobbying (l'influence), d'autres incluent le
knowledge management (la gestion des connaissances).
La surveillance de l'environnement (externe) concerne
plusieurs éléments relevant du macro et du microenvironnement.
Faut-il surveiller les concurrents du secteur, les produits de substitution et
les nouveaux entrants (veille concurrentielle), les clients (veille
consommateurs), les fournisseurs (veille fournisseurs), ce sont les cinq forces
définies par M. Porter. En plus on surveille le
marché (veille marketing), le marché de l'emploi, la lois, la
démographie,... (veille sociétale), voire les méthodes du
management (veille management). L'ensemble de ces éléments permet
de fournir aux décideurs les informations nécessaires,
après une collecte sélective, un traitement adapté selon
leurs besoins, permettant de produire des informations (information
product), synthétisées, qualitatives et exigibles
destinées à la prise de décision stratégique, et
qui sont communiquées à l'aide de canaux courts choisis selon le
cas (face à face, téléphone, fiches, réseaux,...).
La protection peut être assurée par plusieurs moyens : des
procédures de sécurisation des systèmes d'informations, la
sensibilisation des employés, des codes d'accès à
l'information, un règlement interne régissant le tout.
Sans activité d'intelligence, l'entreprise pourrait
rater des opportunités stratégiques comme elle pourrait
être exposée à des menaces fatales. Son patrimoine
informationnel pourrait ainsi subir des attaques diverses, des données
stratégiques peuvent sortir de l'entreprise-notamment celles
liées à des décisions stratégiques. A partir de
cela, les éléments constituant la nécessité de
l'intelligence économique deviennent évidents.
Au niveau international, et précisément au
sein des entreprises les plus développées dont nous avons
cité des exemples (Orange Télécom, Shell, American
Airlines,...), l'activité d'intelligence économique est
considérée comme fondamentale, et les principes de base
adoptés sont identiques. Cependant, nous avons trouvé que des
spécificités ont été introduites liés
notamment à l'activité de l'entreprise. Deutsch Telekom, par
exemple, se dote d'une activité d'intelligence qui se base sur les
technologies et le suivi des évolutions des besoins des consommateurs
ainsi que l'intégration entre ces deux éléments.
American Airlines s'est tournée vers la recherche
des sous-traitants de maintenance afin de minimiser les charges, et ce
après les évènements du 11 septembre 2001. Le budget
consacré à cette activité est raisonnable. Nous avons
constaté que 70 % d'entreprises dont le chiffre d'affaire annuel ne
dépasse pas 10 millions de dollars consacrent un budget de moins de
100.000 de dollars (soit 10 %) ; 70 % d'entreprise dont le chiffre
d'affaire est entre 100 millions et 500 millions de dollars consacrent un
budget entre 500.000 et 1 million de dollars (soit 0,2 à 0,5 %)
(*). Ces résultats nous ont permit de conclure que le ratio
budget IE/CA annuel diminue à chaque fois que le
chiffre d'affaire diminue, ce qui signifie que tant que le volume de
l'entreprise augmente (CA), le budget de l'intelligence économique
diminue, ce qui n'était pas prévu.
Concernant les entreprises algériennes, et pour
répondre à la question « À quel niveau se
trouvent les entreprises algériennes en matière d'intelligence
économique ? », nous devons référer
à l'étude empirique. Les résultats obtenus ont
démontré que cette activité dans son ensemble n'a
même pas pu atteindre la moyenne générale qu'il faut avoir
en terme de maîtrise et de moyens consacrés (définie par la
mention « moyens » dans le questionnaire), situation
confirmée par les chercheurs et les consultants en intelligence
économique ayant même qualifié les programmes du
gouvernement peu satisfaisant nécessitant une mise en place plus
efficace. Cependant, un intérêt important, lié à
cette activité, à été observé auprès
de ses entreprises. Les réponses ont montré aussi que
l'intelligence économique concerne toute l'entreprise et non pas un
service dédié ou une personne donnée.
Le détail de ces résultats a permis de
montrer la faible efficacité de la majorité des composantes de
l'intelligence économique (sauf le traitement), dont les derniers
correspondent aux phases de collecte et de stockage, ce qui signifie que les
politiques et les moyens consacrés à ces taches restent
traditionnels et nécessitent un développement (collecte
étudiée et automatisée avec des technologies
développées, un stockage plus moderne moyennant des
systèmes de capacités importantes utilisant les nouvelles
technologies, adaptés aux besoins). On a aussi trouvé que les
grandes entreprises sont plus performantes à cause, peut être, des
moyens dont elles disposent, et des facteurs psychologiques qui poussent
à avoir un dispositif d'intelligence économique pour des raisons
d'image. Les PME sont moins performantes en la matière. Cette
catégorie ne se sent pas concernée par cette activité,
soit à cause du coût important prévu, soit que les
dirigeants trouvent cette activité peu utile ! C'est une erreur,
ces entreprises sont fortement concernées par le phénomène
de la concurrence.
(*) Voir chapitre 5, Méthodes et outils, Temps et budgets,
budgets alloués.
Quant au critère du secteur public- privé, les
entreprises du secteur privé sont plus avancées. Les entreprises
de service et de production, étant les types qui ont donné plus
de réponses, sont plus avancées. Le secteur de gros occupe la
première place (c'est un résultat douteux car le taux de
réponse lié à cette catégorie est très
faible). L'étude de corrélation prouve que 70 % des
éléments l'approuvent (positive ou négative),
à l'exception de la phase de collecte qui l'infirme. Ce qui peut
être remarquable aussi est que la grande majorité des
sociétés ont déclaré avoir réalisé
une surveillance continue. Encore une fois, on peut douter de ce
résultat car, ces sociétés, comme nous l'avons
remarqué, ne disposent ni des moyens ni des procédures
systématiques nécessaires à la surveillance continue de
l'environnement.
Le type de veille le plus utilisé est celui du
clients/marché, vient par la suite la veille concurrentielle et la
veille fournisseur ; enfin, les derniers types sont la veille sociale et
la veille management. Ces pratiques sont très utiles vu les tendances
générales de l'environnement algérien qui ne donne pas une
grande importance à la ressource humaine et aux méthodes de
management telle qu'elle est donnée aux autres éléments
comme les clients et les concurrents. Les hypothèses à confirmer
sont donc : les entreprises algériennes, et les grandes entreprises
surtout, s'intéressent à l'intelligence économique, mais
ne maîtrisent pas l'ensemble de ses phases et c'est la phase de collecte
qui est relativement maîtrisée.
Il serait pertinent de se poser la question suivante :
comment est-il possible que nos entreprises peuvent prendre de bonnes
décisions stratégiques et être compétitives sans
développer une approche d'intelligence
économique complète et efficace? Dans ce cas, une recherche
est certainement nécessaire.
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