II. L'advertainment comme mythologie : étude de
l'opération et du corpus
A. Notions et définitions
1. Advertainment
a) Un néologisme hybride
L`advertainment est un « mot valise », formé
par la concaténation des mots anglais « advertising »
(publicité) et « entertainment » (divertissement).
b) Une stratégie de contenu
Cette pratique de communication des marques relève
d`une communication éditoriale reposant sur une logique de contenu large
sur une séquence longue, à la différence d`une
communication publicitaire qui met en avant un message précis sur une
séquence courte mais répétée.
Brand content, branded content, branded
entertainment, marque média, marque éditoriale s`apparentent
à cette méthode de communication. Ils remettent en cause une
frontière mentale majeure, entre créateurs et marques.
c) Proposition de définition
Comme aucune définition trouvée au cours de nos
recherches ne nous semble satisfaisante, voici celle que nous proposons :
L'advertainment est un programme de
divertissement qui vise à promouvoir de façon
indirecte un objet commercial. Pour ce faire il
planifie des séquences à vivre et favorise la
participation volontaire des individus au travers de
contenus ludiques et intéressants, afin de créer
des expériences émotionnelles entre une
marque et des individus.
L`advertainment couvre des formats variés et
généralement plus longs que celui des publicités
traditionnelles, allant du programme court en télévision à
des séries interactives sur Internet. Le choix des médias est
primordial pour porter au mieux l'idée créative
et permettre au spectateur/acteur de faire corps avec
l'expérience.
L`advertainment est un outil de communication
qui vise à engager une
aventure relationnelle étroite, voire
interactive et unique entre des individus et une marque.
L`advertainment est donc intimement lié
à la création de contenu original. Dans le livre Brand
Content, Daniel Bô et David Quével, livrent les trois aspects
récurrents d`une communication par contenu de marque60 :
- Elle offre une expérience qui apporte un
bénéfice en soi, et non pas uniquement la transmission d`un
message.
- Elle s`efforce de restituer la marque et le produit dans un
système complet, un sous-ensemble narratif culturel, sans se focaliser
sur eux.
- Elle s`adresse au spectateur, non pas comme à un
acheteur potentiel, mais comme au membre d`un public, pour dépasser la
relation commerciale.
60 Bô Daniel et Guével Matthieu, op. cit.,
p 5
2. Mythologie
Nous souhaitons vérifier par cette étude si
l`advertainment est un outil de communication qui placerait les
individus dans une forme « d`aliénation présente » qui
aurait pour conséquence de réconcilier les marques et les
consommateurs.
Pour analyser cette opération de marketing viral
à travers le prisme d`une mythologie au sens Barthésien du terme,
il convient d`en rappeler les attributs tels que définis dans la partie
« Le mythe, aujourd`hui » de Mythologies61, et
tels que nous les avons compris.
a) « Le mythe est une parole »
Roland Barthes définit le mythe comme un
système de communication verbale ou visuelle, dont n`importe quel
support déjà travaillé (sport, spectacle, photographie,
cinéma,...) peut être doté arbitrairement de signification,
en vue d`une communication appropriée.
En conséquence, le mythe est dissocié de
l`objet de son message. Il est la façon dont il profère son
message dans une « unité significative », secondé dans
cette tâche par l`air de temps, l`ambiance actuelle, le contexte,
généré par l`activité humaine. C`est
précisément « l`histoire humaine » qui
créé cette doxa, qui selon lui fait passer le réel
à l`état de parole. Et comme toute histoire humaine est
régie par un début et une fin, c`est bien cette « histoire
humaine » qui « règle la vie et la mort du langage mythique
».
b) Le mythe comme système sémiologique second
Selon Roland Barthes, la mythologie étudie les «
idées-en-forme ». Partant du postulat qu`il y a une signification
(idée) issue des signes (formes), il convient de retracer la
corrélation qui unit le signifiant au signifié pour créer
un signe. Le mythe s`inscrit dans un schéma tridimensionnel (unissant
signifiant et signifié pour créer signe) édifié
à partir d`une chaîne sémiologique pré existante
qu`il convient de retrouver à l`aide des techniques
sémiologiques.
Le mythe est une construction à deux niveaux de
systèmes qui s`interfèrent à l`aide d`un
élément charnière, d`un pivot, qui permet de passer du
signe linguistique à la signification mythologique.
Le premier niveau est celui du système linguistique. Il
est constitué d`un signifiant (le sens) et d`un signifié (le
concept) qui forment ensemble les deux faces d`un signe.
L`élément pivot provient de la transformation du
signe linguistique (élément complexe) en un simple signifiant du
niveau mythologique
Le second niveau est celui du mythe. Il est constitué
d`un signifiant (le signe linguistique complexe du premier niveau) et d`un
signifié (concept) qui créent ensemble une signification.
c) Les fonctions du mythe
Le mythe ainsi désigné par Roland Barthes a deux
fonctions attribuées. Il « désigne et notifie, fait
comprendre et impose ».
61 Roland Barthes, op. cit.
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