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Intérêts et enjeux économiques de l'intégration à  l'Union Européenne d'un point de vue turc

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par Benoit ILLINGER
Université Pierre Mendès France (Grenoble II Sciences Sociales) - DEA Economie et Politiques Internationales 2002
  

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1.2.4 Enseignements

Empiriquement, les chiffres du commerce turco-européen récents confirment cette conclusion87(*). L'accord a globalement profité aux pays européens dans la mesure où il a impulsé une forte croissance des exportations intra-européenne vers la Turquie sans pour autant provoquer une hausse du même ordre des exportations turques vers l'UE. Entre 1994 et 1998 la part des importations turques en provenance de l'Europe a augmenté de 5,6 points passant de 46,9% à 52,5%. En revanche la part des exportations à destination communautaire a cru dans une moindre proportion en passant de 47,7% à 50% du total des exportations. En valeur absolue, cette progression est encore plus marquante puisqu'on voit alors nettement le solde se creuser : les importations turques en provenance de l'UE ont augmenté de 13 242 millions de dollars l'an (passant de 10 667 en 1994 à 24 108 millions de dollars en 1998) alors que ses exportations n'ont progressé que de 4 803 millions de dollars l'an (passant de 8637 en 1994 à 13 440 millions de dollars en 1998).

Néanmoins une large part de ce phénomène de déséquilibre s'explique simplement par le fait que sur la période considérée se sont les concessions tarifaires turques qui se sont appliquées alors que celles de la communauté avaient déjà produit leurs effets par le passé lors de leur application88(*).

Mais globalement on retient d'une telle analyse que si l'on prolonge la tendance observée, l'Union douanière entre l'Europe et la Turquie est intenable sur le long terme dans la mesure où la progression des importations sera beaucoup plus forte que celle des exportations et la dépréciation réelle produite par la suppression des tarifs douaniers restera insuffisante pour contenir la dégradation du solde courant provoquée par le service de la dette extérieure qui continuera ainsi d'augmenter.

Cette conclusion est corroborée par diverses sources :

- Par la commission européenne qui fait remarquer dans son rapport sur l'Union douanière en 199889(*) que, compte tenu de l'adaptation des producteurs turcs face à la concurrence d'origine communautaire sur leur marché, l'effet de création de trafic paraissait relativement faible et l'augmentation des importations turques en provenance de l'UE semblait plus être le fait de détournement de trafic. De surcroît, et à la défaveur de l'économie turque, les exportations en provenance de Turquie n'ont pas bénéficié dans la même proportion de cet effet d'éviction (de détournement de commerce).

- Par Deniz AKAGüL [1999] qui émet néanmoins un bémol. Pour lui, cet accroissement du déficit commercial provient essentiellement de deux facteurs90(*) : l'impact du détournement de trafic d'une part et d'autre part l'existence d'un déficit de nature structurelle lié au décalage de développement de l'économie turque par rapport à celles de l'UE.

En effet, le rapport de la commission sur l'évolution des relations avec la Turquie deux ans après l'entrée en vigueur de l'Union douanière met en exergue qu'une partie non négligeable du déficit commercial est structurelle. L'augmentation des importations turques serait imputable à son besoin croissant de biens d'investissement et donc servirait directement la croissance de l'économie à long terme. C'est à dire qu'il existe un déficit structurel lié au retard de développement de la Turquie mais celui-ci n'est ni néfaste ni dangereux car il reflète le développement. Il pose néanmoins la question de son financement et dans ce sens il peut représenter un danger.

Ainsi on ne peut imputer tout le déficit commercial turc aux effets de détournements de commerce provoqués par l'Union douanière. Néanmoins il est évident qu'ils y ont contribué en grande partie.

Des modèles de structure plus complexes (non appliqués à la Turquie) et portant sur un plus grand nombre de produits ont été construits, et on a pu constater que la réalisation d'un accord commercial régional peut avoir un certain nombre d'autres conséquences qui peuvent l'emporter sur le détournement des courants d'échanges. MEADE [1955]91(*), par exemple, quelques années après VINER, a complexifié l'analyse statique à la VINER en y incluant des effets de consommation. A partir de là, il conclut que même un détournement des échanges est avantageux pour le consommateur92(*) qui bénéficie de produits à moindre prix.

Il existe donc théoriquement une certaine ambiguïté quant à la conclusion de l'analyse en termes d'effets statiques. Mais appliquée à la Turquie elle semble nous indiquer que les échanges Turquie-UE engendrés par l'Union douanière sont plus des détournements que des créations de trafic et que donc le bilan en terme de bien-être est négatif.

A l'aide de cette analyse on affirme donc que si la Turquie n'avait pas encore entamé son intégration au sein de l'UE et qu'elle ne cherchait qu'à atteindre le stade de l'Union douanière, cet objectif lui serait déconseillé.

Cependant, il faut garder à l'esprit que la littérature traditionnelle que nous avons utilisée étudie les réductions des droits à l'importation. Par exemple VINER étudie les effets de l'Union douanière. Or notre question concernant la Turquie consiste aussi à savoir si elle à raison de s'intégrer plus profondément avec l'UE sachant qu'elle a déjà atteint le stade de l'Union douanière. L'intégration plus poussée consistera alors essentiellement en l'élimination de barrières non-tarifaires (venant de normes techniques et sanitaires, ou des possibilités d'action antidumping.

« Bien que, comme le montre BALDWIN et VENABLES93(*), l'évaluation économique des barrières non tarifaires puisse s'analyser à travers une lecture de l'approche traditionnelle revisitée, l'économie de l'intégration [dans le cas du dépassement de l'Union douanière] doit être abordée à travers ses effets sur la concurrence et les approches analytiques basées sur la concurrence imparfaite. » (BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999], p.84)

L'analyse en terme dynamique devient donc incontournable pour s'interroger sur l'optimalité d'une intégration plus aboutie que l'Union douanière.

Cette analyse montre en effet qu'il existe des effets qui n'influent pas instantanément et une fois pour toutes sur le niveau de bien-être mais provoquent un changement durable du rythme de croissance et prend donc en compte les effets d'une intégration qui dépasse le stade de l'Union douanière.

Nous poursuivons donc notre analyse en abordant ce type d'effet provoqué par l'intégration que nous avons regroupé sous le nom « d'effets dynamiques ».

* 87 Voir annexe 8 et noter la différence de ventilation des échanges de la Turquie entre 1994 et 1997. On voit alors très nettement que la part des pays européens membre de l'OCDE passe e moins de 50% (graphique nord-est) à plus de 50% (graphique sud-est).

* 88 De plus, la progression légère des exportations turque vers l'UE est à relativiser car elle représente en fait une progression importante pour les pays de l'UE. En effet, si l'on considère le cas de la France en particulier vis-à-vis de la Turquie on remarque le fait que bien que les importations françaises en provenance de la Turquie ont cru à un rythme incomparablement moins élevé que ses exportations à même destinations sur la même période, cet accroissement des importations est trois fois plus important que l'accroissement moyen des importations françaises. En conséquence il semble que l'accroissement des importations a été élevé dans la mesure du possible pour des pays « avancés » à importations d'origine diversifiée.

* 89 CCE [1998] Sur l'évolution des relations avec la Turquie depuis l'entrée en vigueur de l'Union douanière, COM [1998] 147, Bruxelles, 04/03/98.

* 90 Selon AKAGüL, il existe également une partie de l'accroissement du déficit commerciale turc qui provient du décalage conjoncturel entre leur économie et celle de l'UE néanmoins cela n'a que peu d'importance pour notre démonstration.

* 91 MEADE J. [1955] The theorie of custom unions, Amsterdam, North Holland in P.J. LLOYD [1992], Régionalisation et commerce mondiale, Revue économique de l'OCDE, N°18, printemps.

* 92 Il est important de souligner que le bénéfice est pour le consommateur car cela nous renvoi à notre développement du premier chapitre.

* 93 BALDWIN et VENABLES [1995], « Regional Economic Integration », dans BUIGUES P.-A. et MARTINEZ-MONGAY C.[1999].

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo