Intérêts et enjeux économiques de l'intégration à l'Union Européenne d'un point de vue turc( Télécharger le fichier original )par Benoit ILLINGER Université Pierre Mendès France (Grenoble II Sciences Sociales) - DEA Economie et Politiques Internationales 2002 |
2.3.2 L'explication institutionnelleL'explication dite « institutionnelle » de la protection se base sur les mécanismes de décision des législateurs et des gouvernants. La littérature du Public choice part de l'observation de l'imperfection des marchés politiques pour expliquer pourquoi les policy makers offrent une politique protectionniste (globalement sous-optimale) aux électeurs plutôt qu'une politique libre-échangiste66(*). Dans ces analyses partant de l'hypothèse d'un comportement des agents égoïstes et rationnels, le policy makers, à l'instar d'un entrepreneur qui crée une entreprise pour minimiser les coûts de transaction, créé un parti politique qui vend une politique commerciale pour minimiser les coûts de transaction des électeurs. Les résultats de cette approche permettent d'expliquer un certain nombre de points que les deux approches précédentes laissent encore inexpliqués et notamment la protection des entreprises en déclin et l'offre de protection par le biais de barrières non tarifaires sous-optimales. Cependant ce côté de l'offre de protection doit être relié à la demande de protection présentée par les approches factorielles et sectorielles. Si l'on suppose que chaque gouvernement veut maximiser le bien être de sa population, sa mission serait simple dans le cas d'une population homogène : il choisirait une politique donnant à l'individu représentatif la meilleure situation possible. Dans cette économie homogène, la liberté du commerce international serait sans doute adéquate aux objectifs du gouvernement. Néanmoins, dans la réalité, les individus ne sont pas semblables et leurs intérêts divergent. Le gouvernement a alors un rôle plus complexe car il doit peser les gains des uns par rapports aux pertes des autres. On note qu'il existe de nombreuses raisons pour se préoccuper plus d'un groupe de population que d'un autre. Une des plus contraignante est que certains groupes sont déjà au départ relativement pauvres et donc il s'ensuit qu'en général on ne fera pas subir de perte à ce groupe même si le gain en contrepartie pour un autre groupe est substantiel67(*). Ainsi, les entreprises en déclins, fortement sensible à l'ouverture, recevront plus de protections car le profit électoral que représente une offre politique de protection à leur égard est substantielle. Une autre raison qui peut pousser à l'offre de protection (ou d'ouverture) est la corruption. Il existe à ce sujet, un certain nombre d'articles mais nous ne développerons pas ce point68(*).
En ce qui concerne l'offre de protection, l'explication institutionnelle permet d'expliquer pourquoi elle se matérialise souvent en barrière non-tarifaire alors qu'il a été démontré, et les décideurs le savent pertinemment, que cette protection est moins efficace que celle offerte par le biais de barrières tarifaires. En effet, on constate que la protection non-tarifaire, contrairement aux barrières tarifaires standards, possède une : «(...) plus grande lisibilité sociale pour les populations et est donc plus payante politiquement » ( KEBABDJIAN [1999], p. 66). Il reste néanmoins à essayer de combiner cette offre de protection avec la demande de protection identifiée par les approches fonctionnelle et factorielle exposées plus haut. Cette tache n'est pas aisée et KEBABDJIAN [1999] nous rappelle d'ailleurs que ce point est encore à l'état de la recherche et que les modèles le traitant ne se sont pour l'instant que limités à des spécifications simples pour le côté de la demande. * 66 Ou dans notre cas ce qui explique que les policy makers offre une politique de libre-échange régionale plutôt qu'autarcique ou de libre-échange multilatéral. * 67 Cela ne signifie pas pour autant que les économistes conseillent le libre échange uniquement dans les cas où il ne nuit pas aux plus pauvres. Ils restent en faveur d'une liberté plus ou moins grande des échanges car il existe au moins trois raisons principales pour lesquelles les économistes ne mettent pas en avant les effets des échanges en matière de distribution de revenu : - Les effets de revenu ne sont pas spécifiques au libre-échange. Le progrès technique ou tout autre changement dans une économie nationale peut avoir les même conséquences. - Il est toujours préférable de permettre au commerce international de compenser ceux qui y perdent plutôt que de l'interdire. - Ceux qui sont en situation de perdre sont typiquement mieux organisés que ceux qui doivent retirer les gains. Ce déséquilibre crée une déviation dans le système politique qui doit être réajusté par les économistes en rappelant les gains du libre-échange. Ainsi la plupart des économistes reconnaissent que le commerce international a des effets de distribution de revenu. Ils croient pourtant plus important d'insister sur les gains potentiels résultant de ce commerce que sur les pertes possibles pour certains groupes à l'intérieur du pays. * 68 Voir notamment dans la revue de Semih VANER « Cahiers d'études sur la méditerranée orientale et monde turco-iranien ». |
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