La recevabilité des requêtes devant la cour de justice de la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Apollin KOAGNE ZOUAPET Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales, option Contentieux International 2010 |
VII- HYPOTHESESNotre postulat de départ ici est que les juges communautaires ressortissants des pays membres qui les ont désignés auront tendance à reproduire au niveau communautaire, les travers de la justice administrative interne. Ces travers s'illustreraient par une pusillanimité à l'égard des Etats et des institutions communautaires se traduisant par une application et une interprétation rigoureuse des règles de recevabilité de nature à restreindre l'accès du prétoire communautaire aux particuliers et à lui éviter de prendre position dans les différends entre Etats. Cette hypothèse principale est soutenue par une seconde hypothèse dédoublée en deux alternatives tirées de l'article 20 de la Convention régissant la CJC. Suivant l'alinéa 2 de cet article, « les membres de la Cour de justice exercent leurs fonctions en toute indépendance, dans l'intérêt de la Communauté »30(*). L'intérêt général de la Communauté appelle la Cour soit à interpréter de façon souple les conditions de recevabilité pour se saisir des questions qu'elle juge importantes afin d'y apporter son éclairage et ainsi préserver le droit communautaire, soit à avoir une attitude plus rigide de l'examen de recevabilité de manière à limiter les recours contre la Communauté. VIII- METHODE DE TRAVAILDans le cadre de cette réflexion dont l'ambition est de faire l'évaluation de l'examen de la recevabilité par le juge CEMAC, nous procéderons à une triple démarche : descriptive, analytique et comparative. Sur le plan de l'analyse théorique, en nous appuyant sur la philosophie du droit (les raisons qui justifient l'élaboration du droit) et le dogmatisme juridique (le droit tel que légiféré), nous ferons recours à la méthode objectiviste d'essence sociologique selon laquelle le droit devrait être le reflet des conceptions sociales dominantes. L'observation consistera à travers la casuistique juridique, ici principalement la jurisprudence de la défunte Chambre judiciaire de la Cour de justice de la CEMAC, à recueillir les données nécessaires afin d'évaluer l'adaptation du droit à la société (sociologie) juridique. Parce que « la comparaison est (...) de nature à libérer le raisonnement juridique de certains carcans conceptuels sclérosants en ouvrant la porte à d'autres grilles de lecture »31(*), nous ferons sans cesse recours à la pratique d'autres juridictions internationales dans les domaines proches de ceux de la CJC notamment le contentieux de la fonction publique, mais surtout à la CJCE dont l'antériorité, assurément gage d'une plus grande expérience, nous permettra d'envisager les recours nouvellement ouverts devant le juge de la CEMAC et inconnus de la Chambre judiciaire . Il convient sans nul doute de confesser dès ici la portée volontairement subversive de cette approche au sens où l'entendait madame Haratia Muir-Watt : « le message subversif est donc fort simple : regardons ailleurs, comparons, interrogeons-nous sur les alternatives- pour élargir la perspective traditionnelle, enrichir le discours juridique et lutter contre les habitudes de pensée sclérosante. Ce n'est qu'au prix de cet enrichissement que l'on peut comprendre l'autre, et, à terme, se comprendre soi-même »32(*). * 30 Deux compréhensions possibles de cet alinéa : soit que l'indépendance proclamée des juges ne doit pas leur faire perdre de vue l'intérêt de la Communauté, soit au contraire que l'intérêt de la Communauté fonde et exige l'indépendance accordée aux membres de la Cour dans l'exercice de leurs fonctions. * 31 H. Muir-Watt « La fonction subversive du droit comparé », Revue internationale de droit comparé, N° 3, juillet-septembre 2000, Paris, Société de législation comparée, p. 506 * 32 Ibid. |
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